19
Fonctions holomorphes
Dans ce chapitre nous allons généraliser la notion de dérivation rencontrée pour les fonctions
d’une variable réelle au cas des fonctions d’une variable complexe.
19.1 La représentation de R2dans C
Le corps Cdes nombres complexes est identifié à R2par l’isomorphisme de R-espace vecto-
riels : ϕ:CR2
z=x+iy 7→ (x, y)
Si uCest une application R-linéaire de Cdans C,sa représentation dans R2est donnée par
le schéma suivant : CuC
C
ϕ1 ϕ
R2uR
R2
c’est donc l’application uR=ϕuCϕ1et uCest R-linéaire si, et seulement si, uRest R-linéaire.
Les applications C-linéaires de Cdans Csont les applications z7→ αz α=a+ib est
un nombre complexe avec a, b réels. La représentation R-linéaire d’une telle application est
l’application uRdéfinie par :
uR(x, y) = ϕ(α(x+iy)) = ϕ((ax by) + i(ay +bx))
= (ax by, bx +ay)
et sa matrice dans la base canonique de R2est A=µab
b a .
Réciproquement si uCest une application de Cdans Ctelle que uR=ϕuCϕ1soit une
application R-linéaire de matrice A=µab
b a ,alors uCest l’application C-linéaire z7→ αz
α=a+ib.
Remarque 19.1 Ce résultat est à la base des conditions de Cauchy-Riemann que nous verrons
un peu plus loin (paragraphe 19.6).
En utilisant, pour αC,la forme polaire α=ρe=ρ(cos (θ) + isin (θ)) avec ρR+,et
θR,l’application uRa pour matrice dans la base canonique de R2:
A=ρµcos (θ)sin (θ)
sin (θ) cos (θ)
457
458 Fonctions holomorphes
et uR=ρ·rθest la composée de la rotation rθd’angle θ= arg (α)(modulo 2π) et de l’homothétie
hρde rapport ρ=|α|>0.C’est une similitude directe.
Remarque 19.2 Une similitude directe conserve les angles orientés et les cercles. Cette re-
marque est à la base de la notion de représentation conforme que nous verrons plus loin.
Exercice 19.1 Soit α=a+ib un nombre complexe et uCl’application de Cdans Cdéfinie
par uC(z) = αz pour tout zC,zest le conjugué de z. Montrer que uCest R-linéaire et
donner sa matrice dans la base canonique de R2.
Solution 19.1 La représentation R-linéaire de uCest l’application uRdéfinie par :
uR(x, y) = ϕ(α(xiy)) = ϕ((ax +by) + i(bx ay))
= (ax +by, bx ay)
et sa matrice dans la base canonique de R2est A=µa b
ba.
En utilisant, pour αnon nul, la forme polaire α=ρe=ρ(cos (θ) + isin (θ)) l’application uR
a pour matrice :
A=ρµcos (θ) sin (θ)
sin (θ)cos (θ)
et uR=ρ·σθest la composée de la symétrie orthogonale σθpar rapport à la droite Dθfaisant
l’angle θ
2=arg (α)
2avec l’axe des xet de l’homothétie hρde rapport ρ=|α|.C’est une simili-
tude indirecte.
La droite Dθest dirigée par uθ=Ãcos ¡θ
2¢
sin ¡θ
2¢!,l’orthogonale D
θest dirigée par vθ=Ãsin ¡θ
2¢
cos ¡θ
2¢!
et on a :
σθ(uθ) = µcos (θ) sin (θ)
sin (θ)cos (θ)Ãcos ¡θ
2¢
sin ¡θ
2¢!
=Ãcos (θ) cos ¡θ
2¢+ sin (θ) sin ¡θ
2¢
sin (θ) cos ¡θ
2¢cos (θ) sin ¡θ
2¢!
=Ãcos ¡θθ
2¢
sin ¡θθ
2¢!=uθ
σθ(vθ) = µcos (θ) sin (θ)
sin (θ)cos (θ)Ãsin ¡θ
2¢
cos ¡θ
2¢!
=Ãsin (θ) cos ¡θ
2¢cos (θ) sin ¡θ
2¢
sin (θ) sin ¡θ
2¢cos (θ) cos ¡θ
2¢!
=Ãsin ¡θθ
2¢
cos ¡θθ
2¢!=vθ
donc σθest bien la symétrie orthogonale par rapport à la droite Dθ.
Exercice 19.2 Montrer qu’une application u:CCest R-linéaire si, et seulement si, il
existe deux nombres complexes αet βtels que u(z) = αz +βz pour tout zC.
Fonctions continues sur un ouvert de C459
Solution 19.2 Il est clair qu’une telle application est R-linéaire.
Réciproquement si uest R-linéaire, il suffit de connaître u(1) et u(i)pour connaître u(puisque
(1, i)est une base du R-espace vectoriel C). On définit alors les nombres complexes αet β
comme les solutions du système linéaire :
½α+β=u(1)
αi βi =u(i)
soit (α, β) = 1
2(u(1) i·u(i), u (1) + i·u(i)) et on a pour tout z=x+iy C:
u(z) = xu (1) + yu (i) = x(α+β) + y(αi βi)
=α(x+iy) + β(xiy) = αz +βz.
19.2 Fonctions continues sur un ouvert de C
Nous décrivons tout d’abord quelques notions topologiques de base sur C.
Toutes ces notions seront étudiées en détails dans le chapitre sur les espaces métriques avec
le cas particulier des espaces vectoriels normés de dimension finie.
Définition 19.1 Étant donnés un nombre complexe ωet un nombre réel positif ou nul R, le
disque ouvert de centre ωet de rayon Rest la partie de Cdéfinie par :
D(ω, R) = {zC| |zω|< R}
et le disque fermé de centre ωet de rayon Rest la partie de Cdéfinie par :
D(ω, R) = {zC| |zω| ≤ R}
Pour R= 0,on a D(ω, R) = et D(ω, R) = {ω}.
En désignant par le point de R2d’affixe ω, un tel disque (ouvert ou fermé) est identifié
au disque (ouvert ou fermé) de R2de centre et de rayon R.
Le bord d’un tel disque est le cercle de centre ωet de rayon Rdéfini par :
C(ω, R) = {zC| |zω|=R}.
Une paramétrisation de ce cercle est aussi donnée par :
(z C (ω, R)) ¡t]π, π]|z=ω+R·eit¢
Définition 19.2 On dit qu’une partie Vde Cest un voisinage de z0Csi elle contient une
boule ouverte centrée en z0de rayon strictement positif.
Définition 19.3 On dit qu’une partie Ode Cest ouverte (ou que c’est un ouvert de C) si elle
est vide ou si elle est non vide et pour tout z∈ O il existe un réel r > 0tel que D(z, r)⊂ O.
L’ensemble vide et Csont des ouverts.
Il est équivalent de dire qu’un ensemble non vide est un ouvert si, et seulement si, c’est un
voisinage de chacun de ses points.
Exercice 19.3 Montrer qu’un disque ouvert de Cest un ouvert. Qu’en est-il d’un disque
fermé ?
460 Fonctions holomorphes
Solution 19.3 Soit D(ω, R)un disque ouvert. Si R= 0,on a alors D(ω, R) = et c’est un
ouvert. Sinon, pour zD(ω, R),on a R|zω|>0et pour 0< ε < R|zω|,en utilisant
l’inégalité triangulaire, on voit que pour tout tD(z, ε),on a :
|tω|=|(tz)+(zω)|
≤ |tz|+|zω|< ε +|zω|< R
(figure 19.1) ce qui signifie que tD(ω, R).On a donc D(z, ε)D(ω, R)et D(ω, R)est un
ω
z
t
R
ε
Fig. 19.1 –
ouvert.
Un disque fermé n’est pas ouvert. En effet pour z=ω+R·eD(ω, R)et tout ε > 0,le
point t=z+ε
2eest dans D(z, ε)et pas dans D(ω, R)puisque :
|tω|=¯¯¯ω+³R+ε
2´eω¯¯¯=R+ε
2> R.
Exercice 19.4 Montrer qu’une réunion quelconque d’ouverts de Cest un ouvert.
Solution 19.4 Soit (Oi)iIune famille d’ouverts qu’on peut supposer non vides. Si z∈ O =
[
iIOi,il existe un indice iItel que z∈ Oiet comme Oiest ouvert non vide, il existe un réel
ri>0tel que D(z, ri)⊂ Oi⊂ O.L’ensemble Oest donc ouvert.
Exercice 19.5 Montrer qu’une intersection finie d’ouverts de Cest un ouvert. Que dire d’une
intersection infinie d’ouverts de C?
Solution 19.5 Soit (Oi)1inune famille finie d’ouverts qu’on peut supposer non vides. Si
z∈ O =
n
\
i=1Oi,comme chaque Oiest ouvert, il existe des réel ri>0tels que D(z, ri)⊂ Oi
pour tout icompris entre 1et net en notant r= min
1inri,on a r > 0et D(z, r)⊂ O.L’ensemble
Oest donc ouvert.
Dans le cas d’une intersection infinie, on peut avoir r= inf
iIri= 0.Par exemple pour R0et
ωC,le disque fermé
+
\
k=1
Dµω, R +1
k=D(ω, R)n’est pas ouvert.
Fonctions continues sur un ouvert de C461
Définition 19.4 On dit qu’une partie Fde Cest fermée (ou que c’est un fermé de C) si son
complémentaire dans C,C\ F,est un ouvert de C.
L’ensemble vide et Csont à la fois ouverts et fermés.
Exercice 19.6 Montrer qu’une intersection quelconque de fermés de Cest un fermé.
Solution 19.6 Résulte de :
C\\
iIFi=[
iI
(C\ Fi)
Exercice 19.7 Montrer qu’une réunion finie de fermés de Cest un fermé. Que dire d’une
réunion infinie de fermés de C?
Solution 19.7 Résulte de :
C\
n
[
i=1Fi=
n
\
i=1
(C\ Fi)
Une réunion infinie de fermés de Cn’est pas nécessairement fermé. Par exemple pour R > 0
et ωC,le disque ouvert [+
k=1
k> 1
R
Dµω, R 1
k=D(ω, R)n’est pas ouvert.
Exercice 19.8 Montrer qu’un disque fermé de Cest un fermé.
Solution 19.8 Laissée au lecteur.
Le résultat suivant nous fournit une caractérisation séquentielle de la notion de fermé.
Théorème 19.1 Une partie non vide Fde Cest fermée si, et seulement si, pour toute suite
(zn)nNde Fqui est convergente, la limite z= lim
n+znest dans F.
Si Oest un ouvert non vide de C,on peut l’identifier à un ouvert de R2et toute
application f:O Cpeut être identifiée à l’application ϕde dans R2définie par
ϕ(x, y) = (P(x, y), Q (x, y)) Pest la partie réelle de fet Qsa partie imaginaire.
On connaît déjà les notions de limite, de continuité et de dérivabilité pour les fonctions
réelles Pet Q.
Nous allons définir ces notions pour les fonctions d’une variable complexe et étudier le lien
avec les notions réelles.
Pour la notion de limite, on se contente du cas particulier d’une fonction définie sur un
voisinage d’un point privé de ce point.
Définition 19.5 Soient Vun voisinage d’un point z0de Cet une application f:V\{z0} → C.
On dit que fadmet une limite en z0,si il existe un nombre complexe `tel que pour tout réel
ε > 0,il existe un réel η > 0tel que si z∈ V et 0<|zz0|< η alors |f(z)`|< ε.
Comme dans le cas réel, on déduit de l’inégalité triangulaire pour le module que si une
fonction fadmet une limite en un point, cette dernière est alors unique et on peut noter
`= lim
zz0
z6=z0
f(z).En pratique, on note `= lim
zz0
f(z)étant entendu que ztend vers z0avec z6=z0.
On a donc :
µ`= lim
zz0
f(z)(ε > 0,η > 0|0<|zz0|< η ⇒ |f(z)`|< ε)
µlim
zz0|f(z)`|= 0
(on peut toujours trouver η > 0tel que D(z0, η)⊂ V).
1 / 38 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !