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LE GUERRIER DE SHAMBALA ET L'ÉPÉE DE LA SAGESSE - STEPHEN FULDER

LE GUERRIER DE SHAMBHALA ET
L’ÉPÉE DE LA SAGESSE
STEPHEN FULDER
Stephen Fulder est le fondateur de l'Israel Insight Society (Tovana), et il figure parmi
les enseignants spirituels les plus éminents d'Israël. Fort de 40 ans d'expérience
personnelle approfondie de la méditation vipassana/mindfulness et de la pratique du
dharma, il a guidé des milliers de personnes dans l'exploration des enseignements
bouddhistes, la pratique de la méditation et la redécouverte de la magie de l'instant
présent durant ces 20 dernières années. Il est également l'auteur d'une quinzaine de
livres sur des sujets en rapport avec la santé.
"Comment gouverne-t-on un empire ? Comme on fait frire un petit poisson —
délicatement".
-
Tao Te King, chapitre 60
En grandissant psychologiquement et spirituellement, en développant notre empathie
et notre conscience, en découvrant notre vie intérieure et en ouvrant notre cœur à
nous-mêmes et au monde, quelque chose bouge dans notre relation au monde. La
compassion se développe, comme le résultat naturel d'une vision claire de nousmêmes et des autres, de nos luttes communes et de notre vulnérabilité partagée.
Nous avons toutes les chances d'être remplis de motivation et d'inspiration pour aider
les autres et pour devenir actifs en faveur de la paix et d'un monde meilleur. Mais
nous pourrions bientôt découvrir, non sans peine, que le monde ne réagira pas
comme un chiot qui se roule sur le dos et qui réclame que vous lui caressiez le
ventre ; il se pourrait que nos bonnes intentions ne soient pas bien accueillies. Nous
pouvons rencontrer la frustration, le pessimisme, le cynisme, le désespoir, le rejet,
l'incompréhension et pas mal de négativité, même de la part des personnes que
nous voulons aider. Par exemple, ceux et celles qui travaillent pour des ONG qui
œuvrent en faveur du changement social et de la paix se sentent régulièrement
frustrés et épuisés. Pour y remédier, il faut développer des attitudes et des
compétences qui nous aideront à nous donner les moyens d'une action bienveillante
et efficace dans le monde. Qu'est-ce que l'action éclairée dans le monde et comment
se manifeste-t-elle ?1
Le guerrier de Shambhala, cette figure tibétaine qui m'accompagne depuis bien
longtemps, me tient à cœur. Elle répond à cette question. Shambhala est le nom
tibétain du Paradis. Le guerrier de Shambhala se bat contre la souffrance, les conflits
et l'ignorance. Il ou elle est doté(e) de perfections ou de qualités, desquelles
émanent ses pouvoirs, et son arme est l'épée de la sagesse et de la compassion.
Ils/elles ont l’air tout droit sortis du jardin d'Eden céleste pour sauver le monde. On
trouve de tel(le)s guerriers/guerrières dans tous les coins du monde, et ils/elles
apparaissent souvent dans des lieux inattendus.2 J'ai une amie palestinienne qui a
passé dix ans dans une prison israélienne. Elle dit que tout au long de sa détention,
elle veilla à ce que pas une seule goutte de haine ne s'accumule dans son cœur,
mais seulement de l'amour. Après sa libération, elle entreprit de fonder plusieurs
cliniques pour y soigner les enfants souffrant de traumatismes dus au conflit israélopalestinien, et elle est devenue une figure de proue importante de la cause de la
paix. Il y a aussi des femmes en Israël, dont le chagrin causé par la perte de la vie de
leurs enfants les poussa à s'engager inlassablement en faveur de la réconciliation.
Vous aussi, qui lisez ce chapitre, vous pourriez être un tel guerrier ou une telle
guerrière. Les guerriers de Shambhala ne sont pas nécessairement des bouddhistes
convaincus, mais ils doivent avoir une grande âme, un cœur ouvert et être des êtres
humains à part entière. Nous avons le potentiel d'agir dans le monde à partir d'une
vision profonde des racines de la douleur et de la joie, de la nature humaine et non
humaine, et de la façon dont les choses se produisent et passent. Il s'agit d'un
potentiel universel, qui est toujours accessible pour chacun d'entre nous, et sa
réalisation ne dépend que de nous.
1
Sur ces thèmes, on pourra également consulter cet article éclairant d’ Ed & Deb Shapiro : L’activisme
contemplatif et la transformation de la colère :
https://studylibfr.com/doc/10178567/l-activisme-contemplatif-et-la-transformation-de-la-coler..., NDT.
2
Voici une petite vidéo inspirante et illustrative, dont la narration est réalisée par Joanna Macy, une militante
écologiste nonagénaire, pas née de la dernière pluie, professeure d’université, autrice de huit livres, spécialiste
du bouddhisme, de l’écologie profonde et de l’écopsychologie et qui est toujours d’attaque :
https://www.youtube.com/watch?v=hWJWZd2UMKw&t=404s , NDT.
Une des voies principales par lesquelles ce potentiel se manifeste, c'est la présence
authentique. Un jour, je rencontrai un vieux cheikh bédouin qui avait lutté contre
vents et marées pendant la majeure partie de sa vie pour subvenir aux besoins et à
la subsistance de son peuple. Je fus touché par sa présence douce, modeste et
ferme et par l'éclat de ses yeux. Je sentis clairement qu'il s'agissait là d'une personne
authentique jusqu'au tréfond de son âme. La méditation peut également faire fleurir
cette qualité dans nos vies ; la pratique de la présence authentique à tout ce qui
surgit en nous nous permet aussi d'être présents de manière authentique dans le
monde extérieur. L'authenticité signifie que nous poursuivons notre vie sans jouer à
des jeux, sans rien cacher et sans hypocrisie ; une personne authentique ne cède
pas face à la peur, ne s'échappe pas dans des zones de confort, mais demeure
inébranlable face aux tempêtes de la vie.
Le maître tibétain, Chögyam Trungpa dit un jour : "Quelle attitude favorise la
contribution la plus bénéfique à la société ? Comment peut-on s’engager dans une
action juste et authentique ? Uniquement en étant présent."3 La Présence consciente
nous apprend à voir comment sont les choses, la conséquence de multiples causes
et conditions, et à partir de là, à sortir et à faire la différence dans le monde. Nous
considérons tout ce qui se passe à partir de notre grand cœur de compassion et de
sagesse innées, sans attacher trop d'importance à nos points de vue, nos opinions,
nos positions ou nos réactions.4
Le non-attachement est une manière d'être essentielle, la pierre angulaire de toutes
les traditions bouddhistes. Il nous évite des fixations sur la façon dont nous
imaginons que les choses devraient se passer ou sur la nécessité que les choses
soient d'une certaine façon et pas d'une autre. Il s'accompagne d'une profonde
compréhension du fait que l’on ne peut pas contrôler la vie. C'est la vie qui nous
contrôle. Avons-nous choisi de naître ? Avons-nous choisi d'être qui nous sommes,
ou même où nous sommes actuellement ? Par exemple, la plupart d'entre nous
aimeraient jouir d’un plus grand équilibre dans leur vie, mais nous oublions que la vie
est sauvage et imprévisible et qu'elle n'est pas là pour nous garantir cet équilibre. En
renonçant à l'attente que la vie réponde à nos désidératas, en abandonnant notre
dépendance à l'égard de points de vue déguisés en vérité, en rencontrant cette vie
sauvage face à face, nous devenons spontanés et libres et nos actions dans le
monde apparaissent comme une danse et plus comme une lutte.
La charge mentale la plus lourde est le contrôle du "moi" - celui que je pense être, ce
que je veux être ou pas, ma prétention, mes règles, mes opinions et mes étiquettes,
mon ego, mes affaires, ma vision du succès ou de l'échec, mon image aux yeux des
autres et toutes les myriades de manifestations du moi et du mien, mais les guerriers
3
Gimian, C R, ed. The Essential Chögyam Trungpa. Shambhala: Boston, 1999.
J’ai traduit un livre de Catherine Ingram, Présence et Passion, qui illustre magnifiquement tout cela :
https://studylibfr.com/doc/10178965/pr%C3%A9sence-et-passion---catherine-ingram , NDT.
4
de Shambhala ne se préoccupent pas de l'opinion que les autres ont d'eux, qui n'est
ni intéressante ni utile. Il y a cette histoire de la barque vide. Un jour, quelqu'un
devant traverser une rivière, il appela un passeur, monta dans la barque et ils
entreprirent la traversée. Au milieu du courant, leur embarcation fut heurtée par une
autre embarcation et le passeur se dressa et cribla de jurons l'autre passeur. Ils
continuèrent et, plus loin, ils furent de nouveau heurtés par une autre barque, qui
était vide. Le batelier resta silencieux. "Pourquoi n'avez-vous pas crié, cette fois-ci
?’’, demanda le passager. "Parce qu'il n'y avait personne !", répondit le passeur. Si
vous êtes vide, vous ne pouvez pas être blessé, mais si vous avez un ego à
défendre, vous êtes vulnérable. Une telle attitude nous garantit une grande liberté,
en particulier dans les situations difficiles où l'on risque de rencontrer de l'opposition.
Les vérités dures que les personnes authentiques expriment peuvent provoquer de
l'inconfort, de la peur et de la culpabilité chez les autres et les mettre sur la
défensive. Il n'est jamais facile d'écouter la voix de notre cœur et de dénoncer
clairement la corruption et l'injustice, en particulier celles de personnes, de régimes
ou d’institutions puissantes.5
Les enseignements du bouddhisme mahayana parlent des bodhisattvas - des
hommes ou des femmes qui diffèrent leur entrée dans le nirvana afin d'agir avec
dévouement pour le bien-être et l'Eveil de tous les êtres sensibles. Chez eux,
l'absence du sentiment d'un moi est tellement radicale que si leur but était atteint et
qu'ils parvenaient à déclencher l'Eveil de tous les êtres dans le monde, il est dit que
si on leur demandait qui a réalisé cela, ils répondraient : "Je n'en ai aucune idée, cela
s'est simplement produit !" Nous avons effectivement la capacité d’accomplir des
choses merveilleuses dans notre vie. L'ego aime à crier : "C'est moi qui ai fait cela !
C'est mon projet ! Tout le mérite m'en revient ! A moi la gloire et les honneurs !" Mais
aussi : "J'ai encore échoué. Rien ne marchera jamais pour moi. Je foire tout le
temps !" Mais si nous ne permettons pas aux voix enjôleuses et susurrantes du moi
d'interférer, nous sommes alors remplis d'une énergie vibrante et désintéressée. Une
pratique spirituelle personnelle soutenue me dote d'une énergie durable qui me
permet depuis plus de 35 ans d'agir pour le bien d'autrui avec joie et sans
surmenage. Au cours de ma vie, j'ai fondé de nombreuses associations : des
associations de médecine alternative en Angleterre à la fin des années 1970, des
5
Voici cinq autres articles que j’ai traduits et qui illustrent très bien ceci, chacun à sa manière :
➢ Aravind Balasubramanya : La vérité qui dérange : sommes-nous prêts à l’accepter et à la vivre ?
https://www.fichier-pdf.fr/2016/07/24/la-vEritE-qui-dErange-aravind-balasubramanya/
➢ Sathya Sai Baba : Le devoir de résistance contre l’iniquité
https://www.fichier-pdf.fr/2016/07/29/le-devoir-de-rEsistance-contre-l-iniquite-sathya-sai-baba/
➢ Prof. G. Venkataraman : Le problème de la corruption globale : chacun devrait honorer la vérité et la
rectitude morale
https://www.fichier-pdf.fr/2016/07/25/le-probl-me-de-la-corruption-globale-g-venkataraman/
➢ Jo Confino : La pleine conscience est-elle corrompue par le business et la finance ?
https://www.fichier-pdf.fr/2016/07/25/la-pleine-conscience-est-elle-corrompue-par-le-business/
➢ Jean Klein : Au-delà de la politique
https://studylibfr.com/doc/10179021/au-dela-de-la-politique---jean-klein, NDT.
organisations environnementales en Galilée, des projets et des initiatives de paix en
Israël-Palestine, ainsi que Tovana - une association de milliers de personnes qui
pratiquent le dharma en Israël. Et si je ne suis "personne" tout au fond de la salle au
cours d'une activité de Tovana, je ressens davantage de satisfaction et de calme que
si je pense que, d'une manière ou d'une autre, tout a commencé par mon entremise.
Si nous ne sommes pas focalisés sur nous-mêmes, toute action compatissante que
nous entreprenons jaillit naturellement, joyeusement et spontanément de l'intérieur,
et nous pouvons vraiment sentir qu'elle se produit d'elle-même.6
Je puis illustrer ce processus de fonte de l'ego par quelques réflexions tirées de ma
propre vie. Je vis dans le village de Clil, que j'ai aidé à développer, une communauté
idéologique qui s'inspire des principes écologiques du Mahatma Gandhi, et une des
expériences les plus fortes de ma vie fut celle que j'ai vécue entre 1981 et 1984, une
période que j'ai majoritairement passée à déblayer des pierres, manuellement. Moi,
un universitaire, un docteur en biologie moléculaire formé en Angleterre, je me
retrouvais à déblayer des pierres, jour après jour, année après année, en me
courbant et en m'abandonnant à la terre. Par la suite, je construisis ma maison de
mes propres mains, pierre par pierre. Ce fut là une belle expérience de purification7,
et il me sembla que tout ce que j'avais vécu dans ma vie jusque-là n'avait pas
réellement eu lieu et que tout ce que j'étais alors était sans importance. Toute mon
histoire ressemblait à un rêve de la nuit précédente. Je ne voudrais pas suggérer
que pour devenir un guerrier ou une guerrière de Shambhala, le lecteur ou la lectrice
devrait maintenant aller ramasser des pierres dans le champ le plus proche ! C'est
juste pour illustrer le fait que, s'il n'y a pas de sentiment d'importance personnelle,
nous ne sommes "personne" et, en même temps, nous faisons partie intégrante de la
totalité des gens et des choses.8
6
Effectuant du seva de traduction depuis presque 30 ans, je partage entièrement cet avis. Dans l’article qui suit,
Adyashanti développe et explique magnifiquement ce point :
➢ Adyashanti : Servir l’Unité
https://studylibfr.com/doc/10066287/servir-l-unit%C3%A9---adyashanti
Dans un tout autre style, disons beaucoup plus dévotionnel et typique de la bhakti indienne, cet article sur le
service désintéressé ou sur le seva rédigé par une fidèle ardente et enthousiaste de Sathya Sai Baba ne manque
pas d’intérêt :
➢ Jullie Chaudhuri : Qu’entend-on réellement par ‘’service désintéressé’’ ?
https://studylibfr.com/doc/10179032/qu-entend-on-r%c3%a9ellement-par---servicedesinteress%c3%a9---%3f---... , NDT.
7
Peut-être avait-il en tête le cas célèbre de Milarepa, le futur yogi bouddhiste qui dût s’employer similairement
sous les injonctions de son maître spirituel, Marpa, NDT.
8
Pour exemplifier autrement ce type de seva, voici un magnifique reportage qui se base sur un épisode
malheureux, à savoir des inondations catastrophiques, comme il en arrive régulièrement en Inde et en Asie et
maintenant un peu partout sur la planète avec le réchauffement climatique qui s’accélère :
➢ Radio Sai Global Harmony : Les maisons du bonheur
https://studylibfr.com/doc/10066372/les-maisons-du-bonheur-ou-la-gr%C3%A2ce-abondante-desathya-sa..., NDT
En perdant notre attachement à nos rôles et à notre image, nous nous assumons
avec davantage de légèreté et de liberté. Une des caractéristiques des guerriers et
des guerrières de Shambhala, c'est que l'on ne peut pas leur coller d'étiquette. Ils ou
elles ne se prêtent pas aux définitions. Dans l'un des livres de Carlos Castaneda, il y
a une scène où le narrateur rencontre le grand guide spirituel yaqui, Don Juan Matus
et découvre qu'il s'agit d'un vieil homme de petite taille et d'apparence ordinaire assis
sur un banc dans un parc au Mexique, affublé d’un costume trois pièces et ayant l'air
d'un homme d'affaires. Jamais, on n'imaginerait que l’homme est un chaman
sauvage et puissant. Le Bouddha dit un jour que l'apparence des Eveillés n'est pas
un grand charisme, mais un vide transparent ; leurs yeux reflètent le monde entier, et
non leur personnalité. Quand on lui demanda comment on pouvait identifier un
Eveillé, le Bouddha répondit que nous ne pourrions pas le/la reconnaître, quand bien
même se tiendrait-il/elle devant nous. Aucune des classifications, des étiquettes et
des descriptions conventionnelles ne s'applique à une telle personne.
Les guerriers et les guerrières de Shambhala permettent également à leurs émotions
de survenir et de se dissiper. Nous ne pouvons pas compter sur les émotions pour
nous donner la bonne motivation pour agir dans le monde. En fait, elles induisent
d'énormes souffrances. Les émotions sont extrêmement puissantes et elles nous
contrôlent, parfois. On ne peut pas agir clairement et efficacement sans les
reconnaître et les accueillir. Dans la vie quotidienne, comme dans la méditation, nous
devons nous familiariser avec les émotions qui surgissent en nous, leur permettre de
monter et de se faire entendre et être bien présents, quand elles apparaissent et
disparaissent. Nous ne devons pas encourager leur expression ni leur suppression,
mais les voir et les ressentir dans l'espace intermédiaire. Plutôt que d'en faire une
histoire dramatique retentissante et de les emmener en thérapie, il suffit souvent de
leur permettre d'être elles-mêmes et de les laisser passer.9 Je vis un jour une
interview du Dalaï Lama, qui était interrogé sur la situation des femmes dans la
communauté tibétaine. Il se mit à pleurer, puis à rire et il dit : "La tradition est une
grande force. Même moi, je ne peux pas changer radicalement la société." Ses
larmes étaient la délicate réponse d'une personne libre. La tristesse est une émotion
importante qui exprime notre noblesse. Lorsque nous assistons sans colère à la
souffrance qui existe dans le monde, la tristesse qui peut en découler ressemble au
pathos, l'émotion la plus marquante dans l'art dramatique de la Grèce antique, et qui
est fort proche de la compassion et de la solidarité par rapport à toutes les
souffrances du monde.10
9
Si un tel travail vous intéresse, voici un excellent livre que j’ai traduit et qui est l’œuvre d’un psychologue
transpersonnel américain, pasteur, adepte du védanta et formé au zen :
➢ Dr John Goldthwait : Purifie ton cœur !
https://www.fichier-pdf.fr/2016/07/20/purifie-ton-coeur-dr-john-goldthwait/, NDT
10
Pour illustrer tout ce paragraphe, voici un magnifique exemple d’un médecin qui sert régulièrement dans les
camps de secours organisés par l’Organisation Sathya Sai à l’occasion de catastrophes naturelles en Inde :
➢ Dr MS Ramakrishna Rao : Souffrance et non-dualité dans un camp de réfugiés
https://www.fichier-pdf.fr/2016/07/24/souffrance-et-non-dualite-dans-un-camp-de-refugies/, NDT.
Si nous souhaitons transformer le monde, il y a deux polarités essentielles dont il faut
être conscient et entre lesquelles il faut trouver un équilibre dynamique, un juste
milieu : l’équilibre entre la fin et les moyens. En étant trop attachés aux buts, aux
résultats, nous courons toujours après ceux-ci, comme un âne après une carotte au
bout d'un bâton. Cela mène au surmenage, au stress et à la pression, à un esprit
missionnaire obsédé qui indispose tout le monde. Par contre, en étant trop attachés
aux moyens, nous viserons à trop bien faire les choses, à trop bien nous préparer en
aiguisant sans cesse nos outils sans jamais les utiliser sur le chantier. Les activités
sèment des graines qui ne produisent pas nécessairement des résultats directement
mesurables. Vouloir mesurer les effets de notre action peut entrainer des tensions et
des pressions basées sur la perception de la réussite et de l'échec. Parfois,
certain(e)s organismes/organisations mesurent les résultats compulsivement, et ceci
soumet tout le monde au stress et au surmenage. À la fin des années 1990, nous
animions à Naplouse un programme intitulé "La transformation de la souffrance",
dans le cadre duquel des groupes d'Israéliens et de Palestiniens se réunissaient
pour des week-ends d'ateliers de dialogue. Nous encouragions les participants à
écouter la douleur personnelle de l'autre résultant du conflit, ce qui ouvrait les cœurs
et les esprits et ce qui permit aux participants de nouer des liens profonds. Après
quelques années, l'autorité palestinienne voulut savoir ce que nous fabriquions et
nous demanda si nos ateliers avaient abouti au démantèlement d'une seule colonie
israélienne dans les territoires occupés. Nous répondîmes par la négative. "Dans ce
cas-là'', demandèrent-ils, ''à quoi cela nous sert-il ?’’ Nous répondîmes que nous
faisions de l'éducation, pas de la politique, que nous formions des personnes pour
qu’elles deviennent des guides de la paix au sein de leurs communautés. Je leur
parlai d'un jeune Palestinien qui avait dit : "Les seuls Israéliens que j'ai jamais vus
jusqu’à présent, c'était des soldats dans les rues, et mon impression, c'était que ces
gens étaient mauvais. Maintenant, je comprends qu'il y a aussi vraiment de la bonté
dans le cœur humain, et cela restera gravé dans ma mémoire pendant toute ma vie".
Les représentants furent assez impressionnés, mais nous dûmes finalement obéir à
une réalité politique plus vaste, et le programme dut être arrêté.
Les activités qui naissent de la bonté de notre cœur sont comme des graines - elles
ont besoin d'eau, de nourriture et de conditions appropriées, et nous devons aussi
les laisser mûrir pour que la vie puisse en cueillir les fruits. Il n'y a aucun mal à
penser à la relation entre les circonstances et les résultats, mais il faut le faire avec
sagesse, en comprenant qu'ils sont interdépendants et que le changement se produit
au sein d'un réseau beaucoup plus large de conditions et de circonstances. En
d'autres termes, il faut agir en comprenant le fonctionnement de la loi du karma. La
qualité de nos actions est le terreau des graines karmiques qui produiront une
nouvelle réalité. Nous pouvons nous laisser bercer par l'illusion que nos actions
peuvent entraîner des changements considérables, comme la rédaction d'un rapport
réussi, mais si nous considérons la situation dans son ensemble, nous constatons
que tout change de lui-même et qu’on ne peut rien prévoir. Il est préférable de se
détendre et laisser la vie nous emporter dans son sillage ; nous pouvons nous
reposer.11
Il y a aussi un équilibre subtil et délicat à trouver entre l'expérience intérieure et
l'expérience extérieure. Nous devons exprimer ce que nous avons sur le cœur, agir
avec détermination et nous faire entendre dans des situations où les autres se
taisent. Mais cela doit s'assortir de qualités intérieures, comme l’intelligence, la
clarté, la paix et la joie. Si l'extérieur nous domine trop, nous devenons des
bourreaux de travail, constamment actifs, fréquemment fébriles, parfois mécaniques
et frustrés. Si la vie intérieure nous accapare excessivement, nous risquons d’être
paralysés et mentalement constipés. Peut-être restons-nous passifs à la maison
devant des écrans et les médias à nous lamenter sur ce qui se passe dans le monde.
Ou bien, nous travaillons sur nous-mêmes avec le sentiment qu’il nous faut être
parfaitement sereins avant de pouvoir sortir faire la paix, et nous aurons alors
l'impression de ne jamais être prêts à sortir pour donner de la voix. Un tel équilibre
dynamique entre l'intérieur et l'extérieur libère un pouvoir et un potentiel
extraordinaires, lorsque le cœur, l'esprit, la voix et le corps s’accordent.12 Nous
aspirons à la réalisation d'une vision, tout en manifestant la paix, l'harmonie, la
compassion et un cœur sage, largement inclusif.
C'est ce qu'exprime le nom de l'organisation pacifiste que quelques-uns d'entre nous
fondèrent, il y a quelque temps – Middleway (la voie du milieu) – et cette approche se
retrouva dans de nombreux types d'activités que nous entreprîmes. Comme exemple
d'équilibre entre l'intérieur et l'extérieur, il y a les marches silencieuses pour la paix
qui furent organisées pendant plusieurs années. Celles-ci réunissaient des Juifs
israéliens et des Palestiniens qui marchaient ensemble dans une même foulée à une
allure lente et uniforme, en manifestant par-là la stabilité, l'unité et la sympathie - des
forces qui peuvent guérir les conflits. Une des sources d'inspiration de ces marches
fut le moine bouddhiste cambodgien, Maha Ghosananda, qui sillonna sans relâche
son pays à l'époque des terribles massacres, en répétant sans cesse aux
combattants : "Ne vous entretuez pas les uns les autres, mais tuez la haine dans
vos cœurs !" Une formule que nous avons utilisée pour caractériser cet équilibre
entre l'intérieur et l'extérieur, et qui exprime bien la compréhension du fait que la paix
réelle dépend de la pacification, fut lancée par A.J. Muste, un grand opposant à la
guerre du Viêt Nam : "Il n'y a pas de chemin vers la paix ; la paix elle-même est le
chemin.’’ L’une de ces marches, qui réunit 300 Palestiniens et Israéliens, partit du
village de Barta'a pour s’achever devant le mur qui sépare les territoires d'Israël et de
l'autorité palestinienne. À un moment donné, des jeunes Palestiniens commencèrent
11
C’est un point qui est admirablement développé et expliqué dans cet article :
➢ Gina Lake : Les défis qui s’opposent au flow
https://studylibfr.com/doc/10179115/les-d%C3%A9fis-qui-s-opposent-au-flow---gina-lake , NDT.
12
Je me souviens avoir écrit un petit texte qui évoque tout à fait cela :
➢ Pierre-Albert Hayen : Le chemin du retour vers l’Unité
https://studylibfr.com/doc/10178968/le-chemin-du-retour-vers-l-unite---pierre-albert-hayen , NDT.
à agiter des drapeaux de la Palestine, et donc, je leur dis que la paix n'avait pas
besoin de drapeaux. Après quoi, nous continuâmes en silence, pas à pas, jusqu'au
mur de séparation, et là nous avons tous chanté et dansé !13
L'activisme social fondé sur le dharma ne prêche pas. Il nous encourage à joindre le
geste à la parole et à "être le changement que vous souhaitez voir dans le monde",
comme le disait le Mahatma Gandhi. Les militants sociaux et politiques sont
fréquemment confrontés à cette question ; les salles de réunion de leurs
organisations sont parfois bruyantes à cause des frictions entre les points de vue, les
espoirs, les arguments et les egos. Ces disputes sont source de confusion et de
désespoir, parce que les militants qui veulent rendre le monde meilleur n'arrivent pas
à comprendre pourquoi il est si compliqué de le faire. C'est parce que l'extérieur
prévaut sur l'intérieur. Comme le dit le proverbe : "L'enfer est pavé de bonnes
intentions". Cela peut engendrer des catastrophes. Par exemple, pendant la guerre
du Viêt Nam, dans les années 1960, trois millions de personnes sont mortes "au nom
de la liberté", comme le disent les Américains. La plupart des guerres éclatent au
nom de la paix, tout comme d'innombrables massacres sont perpétrés au nom de
Dieu.14 Il faut faire très attention à l'idée que les problèmes du monde ne seront
résolus que si "eux" changent, et pas "nous".
Certains militants pourront objecter qu'une vision générale et un cœur joyeux et
pacifique ne sont pas des bases utiles pour l'action, arguant qu'ils ne pourraient rien
faire sans une motivation basée sur un besoin brûlant de changement et sans une
‘’sainte’’ colère face à l'injustice. De telles motivations personnelles sont en effet des
sources d'énergie et sont parfois nécessaires, mais si elles occupent le devant de la
scène, elles peuvent créer tous les problèmes décrits ci-dessus. En revanche, si ces
impulsions sont tempérées, un espace intérieur plus vaste s'ouvre, qui est dans la
plupart des cas un espace d'amour, et il s'agit alors d'une motivation plus puissante
et plus durable. L'amour grandit en minimisant la subjectivité et l'attachement aux
histoires personnelles, et en apaisant la colère et la frustration. En fait, on peut
trouver l'amour derrière toutes nos actions, souvent camouflé en désir de réparer le
monde.15 Dans son essence, l'amour est l'expression de notre sentiment
13
Voici un très bel exemple de ce type de marches en faveur des valeurs humaines, qui ont d’abord été
organisées par l’Ecole Sathya Sai de Toronto au Canada, avant d’essaimer dans d’autres villes du Canada, des
Etats-Unis et d’Australie, notamment :
➢ Radio Sai Global Harmony : La marche pour les valeurs touche le cœur de Toronto, NDT.
https://ws.studylibfr.com/doc/10178807/la-marche-pour-les-valeurs-touche-le-coeur-de-toronto---m...
14
C’est très regrettable et stupide, bien sûr. Voici un article qui explique très bien pourquoi :
➢ Dr Charanjit Ghooi : La relation à Dieu : différentes perspectives
https://studylibfr.com/doc/10066516/la-relation-%C3%A0-dieu---diff%C3%A9rentes-perspectives---drcharan... , NDT
15
Par rapport à ce concept, voici une perspective très édifiante :
➢ Gary Weber : Que devrais-je faire pour ‘’réparer’’ le monde ?, NDT
https://studylibfr.com/doc/10179260/que-devrais-je-faire-pour---r%c3%a9parer---le-monde-%3f--gary-w...
d'appartenance au monde et, dans un certain sens, l'amour et l'appartenance sont
une seule et même chose. Nous voulons aider une personne aveugle à traverser la
route, parce que nous savons ce qu'elle éprouve, nous avons de l'empathie et, d'une
manière ou d'une autre, nous partageons tous les deux la même vulnérabilité
humaine. Ce sentiment d'amour est une force puissante qui sous-tend / soutient
toutes nos actions. On peut perdre le contact avec lui, l'oublier et ne pas le
remarquer, mais l'amour, l'empathie et la compassion n'en ont pas moins un pouvoir
formidable.16 L'amour et la compassion sont des éléments joyeux, entiers,
réconciliateurs et durables dans toutes nos actions dans le monde. Agir dans l'esprit
du dharma, c’est un acte d'amour.17
Partage-pdf.webnode.fr
16
Voici quelques magnifiques exemples en lien avec Sathya Sai Baba et l’Organisation Sathya Sai, NDT :
➢ Radio Sai Global Harmony : Créer une terre d’amour
https://www.fichier-pdf.fr/2016/08/15/creer-une-terre-d-amour-radio-sai-global-harmony-1/
➢ Radio Sai Global Harmony : Le déluge d’amour de Bhagavan Sri Sathya Sai Baba en Ukraine
https://www.fichier-pdf.fr/2016/08/15/le-deluge-d-amour-de-bhagavan-sri-sathya-sai-baba-enukraine/
➢ Radio Sai Global Harmony : En Russie, avec l’amour de Sai
https://www.fichier-pdf.fr/2016/08/15/en-russie-avec-l-amour-de-sai/
➢ Radio Sai Global Harmony : Comment un enfer de souffrance est devenu un paradis d’amour par le
pouvoir pur de l’amour désintéressé
https://studylibfr.com/doc/9259807/comment-un-enfer-de-souffrance-est-devenu-un-paradisd%E2%80%99amour
➢ Radio Sai Global Harmony : Sathya Sai Baba à la rescousse dans les Caraïbes frappées de plein fouet
par un ouragan
https://studylibfr.com/doc/10066392/sathya-sai-baba-a-la-rescousse-dans-les-cara%C3%AFbes...--rad...
➢ Dr Narendranath Reddy : Miracles en Haïti
https://www.fichier-pdf.fr/2016/07/20/miracles-en-ha-ti-dr-narendranath-reddy/
➢ Radio Sai Global Harmony : La vision de Sai Baba pour l’Afrique
https://www.fichier-pdf.fr/2017/02/02/la-vision-de-sai-baba-pour-l-afrique/
➢ Peter Phipps : Prison Break ! L’amour de Sathya Sai Baba brise les barreaux d’une prison de NouvelleZélande
https://studylibfr.com/doc/10066265/prison-break---l-amour-de-sathya-sai-baba-brise-les-barre...
➢ Aravind Balasubramanya : L’amour peut guérir tous les traumatismes
https://www.fichier-pdf.fr/2016/07/20/l-amour-peut-guerir-tous-les-traumatismes/
➢ Radio Sai Global Harmony : Reprogrammer des vies grâce à l’amour de Sai Baba
https://studylibfr.com/doc/10179265/reprogrammer-des-vies-gr%c3%a2ce-%c3%a0-l-amour-de-saibaba---radio...
➢ Pierre-Albert Hayen : Médecins, médecine, miracles et Sai Baba
https://www.fichier-pdf.fr/2016/07/20/medecins-medecine-miracles-et-sai-baba/
(Par ailleurs, si le traducteur a travaillé bénévolement pour l’Organisation Sathya Sai pendant de
longues années, il n’en n’est pas membre et opère dans un contexte plus vaste, mais avec des objectifs
spirituels et humanitaires similaires...)
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Pour symboliser et incarner cela, voici un très bel exemple, particulièrement représentatif avec une portée
internationale :
➢ Radio Sai Global Harmony : Découvrir le dharma via l’Education Sathya Sai des valeurs humaines
https://studylibfr.com/doc/10066143/d%C3%A9couvrir-le-dharma-via-l-education-sathya-sai-desvaleur... , NDT.