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PORNOGRAPHIE ET PLEINE CONSCIENCE - KEITH ANDRESEN

PORNOGRAPHIE ET
PLEINE CONSCIENCE
KEITH ANDRESEN
Keith Andresen est bouddhiste, vétéran de l’armée, pompier et
technicien médical des services d’urgence
En tant qu’Américain, j’ai été programmé à regarder du porno, mais en tant que bouddhiste,
je ne regarde plus de porno.
Il y a quelques années, j’ai décidé de m’abstenir de regarder du porno pour essayer et au
départ, j’ai eu des difficultés, mais plus je contemplais la chose et plus je sentais qu’il était
bon de m’abstenir de regarder du porno. Maintenant, cela n’a pas été si simple,
particulièrement pour moi qui ai grandi en Amérique. Puisqu’elle n’est plus reléguée dans
des vidéo clubs louches et des cinémas miteux, la pornographie est devenue de plus en
plus ‘’normale’’ ‘’grâce’’ à Internet.
Quelles que soient les stigmates qui aient pu être attachées à la pornographie par le
passé, elles ont disparu depuis longtemps et maintenant, c’est juste une activité tout à fait
régulière pour les gens. C’est maintenant aussi américain que la tarte aux pommes et en
fait, les gens penseront plutôt que vous êtes bizarre, si vous ne regardez pas de porno !
Mais j’étais préoccupé par le fait que ce type d’images ne soit malsain et ne puisse
potentiellement nuire à ma capacité de grandir spirituellement et d’atteindre la pleine
conscience. En tant que bouddhiste, il est évident que polluer son esprit avec des
divertissements violents peut être malsain, mais pouvait-on dire la même chose pour du
matériel sexuellement explicite ?
Le troisième précepte du bouddhisme, c’est s’engager à s’abstenir de toute inconduite
sexuelle.
Je voulais découvrir par moi-même si l’on pouvait considérer le fait de regarder du porno
comme faisant partie de cette catégorie et j’ai finalement décidé que la réponse est ‘’oui’’.
Regarder du porno est une forme d’inconduite sexuelle. J’en suis arrivé à cette conclusion,
parce que dans la pensée bouddhiste, l’inconduite sexuelle se réfère à tout type d’acte
sexuel qui nuit en fin de compte à l’une ou à toutes les parties impliquées.
Maintenant, je ne crois certainement pas que des industries comme la prostitution et comme
la pornographie (qui ne font qu’un) devraient être illégales, parce que ceci serait une
atteinte au droit des personnes à utiliser leur corps à leur guise.
Mais en tant que bouddhiste, c’est une question problématique. Le fait avec la pornographie
légalisée, c’est que l’on traite de transactions commerciales légitimes. Des adultes
consentants passent un accord sur un échange de services contre rémunération, puis
chacun s’en va avec ce qu’il a voulu. Mais, ce ne sont certainement pas des relations
sexuelles saines et empathiques.
C’est en soi suffisant pour qu’elles soient considérées comme de l’inconduite dans les
cercles bouddhistes, mais je ne pensais tout de même pas que cela suffirait pour que
j’arrête de regarder du porno. Il fallait que j’explore la question plus en profondeur et j’en
suis finalement arrivé à cette conclusion : la pornographie est totalement incompatible avec
mes convictions, parce que c’est une industrie conçue pour exploiter les gens et que l’un
de ses plus grands dérivés est la souffrance.
Même si la pornographie est une grande industrie qui a pignon sur rue et qui enrichit les
gens, c’est également une gigantesque machine à broyer (hachoir à viande) qui a la
réputation – à juste titre - de mettre la main sur des jeunes garçons et des jeunes filles
qui sont ou bien naïfs, ou ‘’dans une mauvaise passe’’ ou encore ignorants et qui les
engloutit avant de les recracher.
Il y a des paquets d’histoires qui concernent des vies et des réputations détruites par l’une
ou l’autre scène de sexe ineffaçable ‘’grâce’’ à Internet. Oui, ces gens sont des adultes qui
sont payés, et après ? La réalité, c’est qu’il s’agit d’une industrie qui exploite honteusement
les gens et qui les aide à se détruire. Car au bout du compte, c’est dommageable d’être
dans le porno. Et tous ceux qui font du porno sont-ils abusés et misérables ? Non, mais
j’estime qu’il y a suffisamment de choses qui suscitent de l’inquiétude.
Un autre problème avec la pornographie, c’est qu’il existe une nouvelle tendance à produire
des films qui montrent beaucoup de cruauté et dont l’objectif est de glorifier l’avilissement,
l’humiliation ou la souffrance d’un autre être humain comme une expérience jouissive.
Cela me gêne, non seulement parce que je crois que les jeunes hommes et que les
jeunes femmes qui tournent dans ces films souffrent, mais aussi parce que je crois que la
pornographie stimule et enseigne à d’autres à souffrir pareillement. En d’autres termes, le
porno n’est pas uniquement cause de souffrance, mais il encourage la souffrance. Tout le
porno est-il ainsi ? Non. Tous ceux qui regardent du porno deviennent-ils des déviants ou
des pervers ? Non. Mais je pense qu’il y a suffisamment de choses qui posent question.
Donc, une chose qu’il faut bien dire au détriment de la pornographie, c’est que si vous
regardez du porno ou que si vous payez pour ses services, vous votez en faveur d’une
institution qui nuit aux gens.
Et cela entre en conflit avec mon désir de marcher dans les pas du Bouddha. Une autre
question, c’est comment le porno m’affecte dans mon parcours spirituel. Le Bouddha
enseigne qu’une des causes de la souffrance, c’est le mécontentement ou être insatisfait de
ce que l’on a ou que l’on n’a pas. Le problème avec le porno, c’est qu’il possède tout le
pouvoir de détruire la satisfaction d’une personne à l’égard d’elle-même ou à l’égard de son
partenaire de la vie réelle.
Même s’il n’y avait pas toutes les raisons susmentionnées, au bout du compte, le porno
n’est rien de plus qu’un petit plaisir qui me distrait de choses plus importantes, rien de
plus qu’un fantasme intangible et éphémère qui me fait plus de mal que de bien. Est-ce
que je souhaite gaspiller ma vie dans un monde de fantasmes, alors que je pourrais utiliser
toute cette énergie à cultiver la pleine conscience et l’estime nécessaires pour trouver la
satisfaction et le bonheur réels ?
Maintenant, je ne dirais pas que je pense que la pornographie soit le mal ou le péché. En
fait, je pense qu’elle peut faire du bien et même être thérapeutique. Mais en tant que
bouddhiste en herbe, je ne peux plus y souscrire. C’est une industrie que je ne peux plus
soutenir et je ne vois plus aucune raison de m’offrir du porno. Et je trouve qu’être libéré
du porno est une véritable délivrance.
Et j’agis pour les bonnes raisons. Pas parce que j’ai peur du mauvais karma ou parce que
le Bouddha m’ordonne de m’abstenir. Le bouddhisme, ce n’est pas cela. C’est parce que
j’ai examiné toute la situation avec le regard du Bouddha et parce que j’ai vu que c’était
une industrie déplorable constituée de gens malheureux.
Argent ou pas, ces gens souffrent et les gens qui regardent du porno souffrent à leur
manière, en conséquence. Ce n’est pas que le porno soit le mal en soi. C’est qu’il est
malsain et navrant.
Et au bout du compte, je préfère être bien ancré dans la réalité et être heureux que de
vivre dans des fantasmes et être malheureux.