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LE SON DU SILENCE - ROBERT RABBIN

LE SON DU SILENCE
ROBERT RABBIN
On emmena une fois un moine bouddhiste zen entendre l’Orchestre Symphonique
de Boston jouer la Cinquième Symphonie de Beethoven et le commentaire du moine
fut : ‘’Pas assez de silence !’’
Nous devrions nous lier d’amitié avec le silence. Le silence nous aide à voir le pouvoir
séducteur de nos propres justifications – la manière dont nous devenons sûrs et fiers
de nos idées et de nos positions, de nos points de vue et de nos solutions. Le silence
est la communion que nous appelons amour. Le silence est au cœur de toutes
choses.
Nous ne pouvons pas entendre le silence, nous devenons le silence. Pour devenir le
silence, nous devons entrer dans le silence. Nous pouvons y entrer par l’intervalle
étroit entre deux pensées et aussi par ce point calme, quand notre respiration est
parfaitement au repos entre l’inspiration et l’expiration.
Dans ce silence, nos oreilles commencent à entendre des sons si éthérés que nous ne
faisons que connaître intuitivement leur musique. Le silence est tellement subtil que
par comparaison, même la danse d’insectes minuscules ressemblerait au
vrombissement d’un millier de chasseurs-bombardiers.
Nous sommes étreints par le silence et le silence tient profondément à nous. Dans
l’étreinte du silence, nous sentons l’essence des choses vivantes qui irradie fortement.
Nous versons dans cette conscience subtile et nous sommes nettoyés de l’amertume
et de la crainte.
Dans le silence, tout se produit simplement, sans manipulation, sans peur et sans
saisie. Une telle occurrence ne se produit que dans le silence.
Il y a une vingtaine d’années, j’ai adopté la pratique de ne pas parler pour favoriser le
silence intérieur. Au début, c’était très difficile, parce que l’activité de parler continuait
automatiquement dans ma tête. Les paroles se bousculaient dans ma bouche, mais je
ne les laissais pas sortir. Après environ une semaine, j’ai commencé à observer le
penser et le parler, comme si quelqu’un d’autre était à l’intérieur de moi. Cette
personne ne faisait qu’observer. Et dans cette observation, j’ai pris conscience de ce
qui n’était autrement qu’un processus automatique de penser et parler. Après une
semaine, cette personne a commencé à grandir et à inclure tout. Elle était juste là, elle
observait et prêtait attention silencieusement. Cette personne était une Conscience
distincte de la mienne qui observait, qui était le Témoin silencieux, sans jugement ni
critique. C’était une Conscience qui n’était pas ‘’moi’’, mais qui m’incluait.1
Dans le silence, je pouvais entendre cette Conscience respirer, ronronner comme un
chat. Mes pensées diminuèrent et le flux des paroles dans ma bouche se tarit. Je
commençai à me sentir extrêmement détendu, tranquille et serein – comme un chat
qui dort au soleil. Mes sens sont devenus très vifs. Je pouvais entendre une feuille qui
tombait dans l’air. Je pouvais entendre des gens qui s’approchaient avant de pouvoir
les voir. Je pouvais pressentir ce qui allait arriver. Je pouvais voir les pensées et les
impulsions naître en moi tout en considérant leurs qualités. Cette Conscience
paraissait tout contenir en elle, comme un océan qui contient une variété infinie de
créatures.
Rapidement, je ne pus plus me trouver, ‘’moi’’. J’avais simplement ‘’disparu’’. Je m’étais glissé
en tout et j’étais devenu la Totalité.2 J’ai commencé à voir une lumière douce qui enveloppait
tout ce que je regardais. Tout paraissait relié par cette lumière éthérique. Le ronronnement
que j’avais observé était maintenant partout. J’étais surtout conscient de la lumière douce, du
ronronnement et d’un calme indestructible.
Mon maître spirituel, Muktananda, m’avait demandé de méditer sur le mantra hamsa3.
1
Il s’agit du Soi supérieur, du Témoin, de l’Atman, par opposition à l’ego ordinaire qui n’est qu’un ramassis de
pensées auxquelles on s’identifie habituellement, NDT.
2
L’ego s’était fondu dans le Soi, au moins provisoirement, NDT.
3
C’est l’équivalent du mantra Soham (les deux syllabes étant inversées), qu’enseigne Sathya Sai Baba, NDT
Swami Muktananda et Sri Sathya Sai Baba,
bras dessus, bras dessous !
Il disait qu’hamsa est la vibration de cette Conscience qui pulse dans chaque atome de cet
univers. Il disait qu’en prêtant attention au point situé entre l’inspiration et l’expiration ou à
l’espace entre deux pensées, on pouvait expérimenter la vérité d’hamsa. Il enseignait
qu’hamsa est la vibration pure de la Vie elle-même, non conditionnée par la forme ou par la
pensée et qu’elle imprègne tout. Dans mon expérience avec le silence, je dois avoir trébuché
dedans !
Le silence orchestre la vie et on ne peut pas entendre cette musique avec les oreilles. Celle-ci
est trop belle, trop subtile. Elle s’expérimente dans le cœur et elle s’exprime par l’Etre.4
(Référence : Yoga Journal – February 1997)
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4
Sat–Chit–Ananda : l’Etre, la Conscience et la Félicité ou le Soi, NDT