cier d’une surveillance « armée », remettant ainsi en cause le
dogme de la laparotomie systématique devant toute plaie
pénétrante de l’abdomen.
Shaftan et al. [2] ont été en 1960 parmi les premiers à
remettre en question ce dogme dans les plaies par arme
blanche, ne proposant une laparotomie que sur des critères
cliniques précis. Dans leur série, le taux de pénétration péri-
tonéale n’était que de 63 % parmi 112 patients pris en charge.
Ditmars et al. [3] ont introduit la notion de laparoscopie
première systématique, avec secondairement, en cas d’ef-
fraction péritonéale, une laparotomie complémentaire ;
parmi les patients laparotomisés dans sa série, seulement
50 % ont eu une laparotomie thérapeutique. Cette attitude
visait à supprimer les complications des laparotomies inuti-
les qui, dans la littérature, ont une mortalité variant de 0 à
0,3 % [4] et une morbidité de3à37%[5,6] faite essentiel-
lement de complications cardiorespiratoires, de suppurations
pariétales, d’éviscérations et d’iléus postopératoires [1].La
laparoscopie systématique avait l’avantage d’éviter les lapa-
rotomies « blanches » mais aussi pour inconvénients :
•de conduire à une laparotomie systématique chez des
patients ayant une lésion pénétrante mais non perforante
(laparotomie non thérapeutique) ;
•et d’imposer une laparoscopie systématique à des pa-
tients ayant une plaie non pénétrante de l’abdomen, pour
lesquelles une exploration rigoureuse de la plaie sous
anesthésie locale aurait suffit, évitant ainsi une « cœlios-
copie blanche ». Dans notre expérience, seuls 11 %
traités par surveillance « armée » ont dû être laparoto-
misés secondairement. Actuellement, et grâce aux pro-
grès de l’imagerie, ce dogme de laparotomie systémati-
que est également remis en cause dans les plaies par
arme à feu [5,7,8], y compris en cas d’atteinte hépatique
[9].
Ainsi, dans une série de 362 plaies de l’abdomen par arme
à feu, Lowe et al. [10] ont analysé la va1eur prédictive des
différents signes cliniques (signes péritonéaux, silence aus-
cultatoire, choc hémorragique, hémorragie digestive, pneu-
mopéritoine, éviscération) ; parmi les patients ne présentant
aucun de ces signes et ayant eu une laparotomie, 42 % d’entre
eux présentaient des lésions péritonéales, plaidant au
contraire pour le maintien de la laparotomie exploratrice de
principe dans les plaies abdominales par arme à feu. Notre
série illustre la multiplicité des lésions intra-abdominales (en
moyenne 3 par patient) et la gravité des plaies par arme à feu.
Cette gravité peut parfois conduire à un traitement réalisé
selon la technique de laparotomie de sauvetage, appelée
également laparotomie écourtée telle qu’elle est actuelle-
ment bien décrite [11,12]. Une laparotomie systématique
nous semble par conséquent de mise dans les plaies par arme
à feu, en prenant le risque d’une exceptionnelle laparotomie
inutile.
Le corollaire de l’abandon du dogme de la laparotomie
systématique dans les plaies par arme blanche est la sur-
veillance « armée », dont le but est d’éviter une laparotomie
blanche ou non thérapeutique par une surveillance clinique et
radiologique. Ses conditions d’application sont strictes : ab-
sence d’éviscération, absence de signe d’hémorragie interne
ou de péritonite, absence d’hémorragie digestive, patient
compliant à une surveillance clinique et plateau technique
disponible pour une surveillance radiologique répétée.
Dans notre série, la bonne corrélation des examens radio-
logiques aux lésions anatomiques et à l’état de gravité du
patient nous permet d’envisager une telle attitude dans la
prise en charge des plaies par arme blanche. Par ailleurs,
Richter et al. [13] montraient dès 1970 que les laparotomies
différées n’entraînaient pas d’augmentation dans ce sous-
groupe de mortalité ni de morbidité, attitude confirmée
aujourd’hui par de nombreux auteurs [10,14–17]. Dans notre
expérience, c’est souvent l’absence de compliance du patient
(éthylisme, contexte social ou médicolégal ou psychiatrique)
qui justifie de renoncer à une surveillance armée au profit
d’une laparotomie ou d’une cœlioscopie de principe, même
si celle-ci doit être blanche ou non thérapeutique.
L’apport de la laparoscopie diagnostique (notamment
quant au caractère pénétrant de la plaie abdominale) est
évident [3]. Proposée en 1970 par Heselson et al. [18],et
confirmée dans son utilisation par Gazzaniga et al. [19] en
1976, elle est utilisée pour déterminer les indications de
laparotomie exploratrice. Depuis, l’intérêt de la vidéochirur-
gie dans l’identification des lésions et le traitement de certai-
nes d’entre elles, a été montré au travers de nombreuses
publications [3,20–22]. Dans le cadre des plaies par arme
blanche, Porter et al. [23] ont rapporté en 1996 une expé-
rience de 99 laparoscopies : les plaies étaient non pénétrantes
dans 50 % des cas, et pénétrantes sans nécessité de laparoto-
mie dans 12 % des cas. Parmi les patients laparotomisés
après laparoscopie, 61 % d’entre eux ont eu une laparotomie
thérapeutique, les autres ayant une laparotomie non théra-
peutique ou blanche.
Dans le cadre des plaies par arme à feu, la cœlioscopie a
également été évaluée. Sosa et al. [24], à partir d’une étude
rétrospective de 952 plaies de l’abdomen dont 817 avaient
justifié une laparotomie systématique d’emblée, ont montré
que dans 12 % des cas l’intervention était inutile avec une
morbidité propre de 22 %. À partir de cette expérience,
121 plaies par arme à feu avec hémodynamique stable ont fait
l’objet d’une étude prospective : la laparoscopie a montré que
la plaie était non pénétrante dans 65 % des cas sans faux
négatif, pénétrante chez 42 patients conduisant à 32 laparo-
tomies thérapeutiques. La sensibilité de la laparoscopie était
ainsi de 100 % et sa spécificité de 98 % [24].
La laparoscopie peut être réalisée selon différentes tech-
niques, ce qui complique l’analyse de la littérature. Elle peut
être réalisée sous anesthésie locale au chevet du patient [22]
limitant l’insufflation et le temps de l’examen. Dans le cadre
des plaies de l’abdomen, cette technique est le plus souvent
difficile chez des patients souvent peu coopérants ou pour
une exploration complète de la cavité abdominale notam-
ment dans le cadre des plaies aux confins des parois abdomi-
nales (thoracique, dorsale). La plupart des auteurs préfèrent
une technique habituelle sous anesthésie générale au bloc
160 O.J.-Y. Monneuse et al. / Annales de chirurgie 129 (2004) 156–163