La cellule cancéreuse et le tissu cancéreux (Chapitre 8)

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La cellule cancéreuse et le tissu cancéreux
(Chapitre 8)
Auteurs : V. Costes, F.P. Chatelet
Mai 2005
Pre requis
• Connaître les étapes du cycle cellulaire
• Citer les différentes étapes de la signalisation cellulaire
• Connaître les principaux constituants de la cellule normale
• Cours de biologie cellulaire et d’histologie du premier cycle
Objectifs
• Savoir que le cancer est une maladie liée à des altérations de l’ADN des cellules
somatiques
• Comprendre que la cancérisation est un processus multi-étape et multi-factoriel
• Connaître les 3 classes de gènes impliqués dans la cancérogenèse : oncogènes,
anti-oncogènes, gènes du maintien de l’intégrité du génome
• Connaître les propriétés fonctionnelles caractéristiques de la cellule tumorale
• Décrire les principales modifications morphologiques de la cellule cancéreuse
Références
• site d’oncologie générale de la faculté de médecine de caen.
Http://www.oncoprof.net/
• Biologie moléculaire et médecine, jc kaplan, chapitre15 : dna et cancer.
• Hanahan d, weinberg r : the hallmarks of cancer. Cell, 100 :57-70, 2000 : article
de référence sur la biologie moléculaire du cancer
1. La cellule cancéreuse et le tissu cancéreux
La maladie cancéreuse se caractérise par l’envahissement progressif de l’organe d’origine,
puis de l’organisme entier, par des cellules devenues peu sensibles ou insensibles aux
mécanismes d’homéostasie tissulaire et ayant acquis une capacité de prolifération indéfinie
(immortalisation). Ces cellules dérivent d’une (monoclonales) ou de plusieurs cellules
d’origine. Les particularités des cellules tumorales sont liées à l’accumulation d’anomalies de
leur génome (génotype). Ces anomalies sont le plus souvent acquises au cours de la genèse
tumorale, mais certaines peuvent être d’origine héréditaire (prédispositions familiales).
Les clones tumoraux peuvent perdre ou conserver, certaines caractéristiques morphologiques
et fonctionnelles des cellules originelles, ou en acquérir de nouvelles (= phénotype).
Ces modifications vont s’inscrire à la fois dans le noyau, dans le cytoplasme et sur la
membrane des cellules pathologiques.
1.1. Bases moléculaires du cancer
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Un néoplasme est la conséquence d’anomalies successives qui perturbent de façon
permanente la prolifération cellulaire.
Figure8.01
Dans la cellule cancéreuse il y a rupture permanente de l'équilibre entre les signaux
intracellulaires :
•
activation de voies stimulatrices
•
Suppression de voies inhibitrices
La coexistence de plusieurs événements est nécessaire à la transformation cancéreuse.
L'activation de nouveaux oncogènes se poursuit tout au long de la progression tumorale :
processus multi-étape.
1.1.1. Différents agents de l’environnement conduisent au
développement d’un cancer
Agents initiateurs : ils induisent une lésion définitive de l’ADN (par exemple mutation…).
Souvent, ces carcinogènes sont activés par réactions métaboliques (cytochrome p450).
Exemples :
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•
3
carcinogènes chimiques: hydrocarbures polycycliques aromatiques (pétrole, tabac),
amines aromatiques (colorants, industrie du caoutchouc..), 2-naphtylamine, agents
alkylants, aflatoxine b1…
•
virus (hépatite B, d’Epstein Barr,…)
•
radiations
Agents promoteurs : ils favorisent l’expression d’une lésion génétique, préalablement
induite par un agent initiateur. Ils n’induisent pas de lésions de l’ADN.
Expérimentalement, on a pu montrer une réduction du temps écoulé entre l’initiation et
l’apparition des tumeurs en présence d’agents promoteurs.
Exemples :
•
esters de phorbol (TPA) (huile de croton)
•
hormones: estrogènes (cancer du sein)
•
nutrition: alcool (tumeurs ORL), graisse alimentaire (cancers coliques)…
•
schistosomiase et cancer de la vessie
1.1.2. Les trois familles de gènes impliquées dans la
cancérogenèse
Les oncogènes
Certains virus animaux sont capables d’induire des tumeurs (ex : sarcome de Rous du poulet,
découvert en 1911). Les propriétés transformantes de ces virus sont dues à la présence dans
leur génome de séquences particulières, les oncogènes viraux (v-onc). Ces gènes renferment
à eux seuls toute l'information pour l'activité transformante.
Ces gènes sont des formes altérées de gènes normaux d’origine cellulaire, les protooncogènes, capturés par les rétrovirus au cours de leur réplication. Ces proto-oncogènes sont
conservés dans toutes les espèces (de l’insecte à l’homme) et jouent un rôle essentiel dans
l’embryogenèse, dans la transcription de l’ADN.
Ces gènes normaux lorsqu’ils sont remaniés et/ou sur exprimés deviennent des oncogènes (conc). Ils peuvent induire l’apparition et/ou le développement d’une tumeur. Les oncogènes
sont schématiquement classés en :
•
gènes immortalisants (myc) codant pour des protéines nucléaires se liant à l’ADN.
•
gènes transformants : ras, met...
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Les génes suppresseurs de tumeur
Plus récemment ont été mis en évidence des gènes suppresseurs de tumeur ou antioncogènes qui sont des inhibiteurs de la croissance cellulaire. L'inactivation du produit de ces
gènes par perte de fonction biallélique se traduit par l'absence d'un signal de non-prolifération
cellulaire : il s'agit d'une perte de fonction.
Le premier anti-oncogène décrit est le gène Rb du rétinoblastome.
Autres exemples :
•
tumeurs de Wilms : gène wt1
•
neurofibromatose de type 1 : gène NF1
•
neurinome de l’acoustique : gène NF2
•
polypose colique familiale : gène APC
L’anti-oncogène le plus souvent impliqué est la p53 :
•
mutations somatiques dans de très nombreux cancers
•
mutation germinale dans le syndrome de Li-Fraumeni (tumeurs du sein, cerveau,
osseuse, cortico-surrénalienne ou leucémie).
Les oncogènes et anti-oncogènes codent pour des protéines qui interviennent dans les grandes
fonctions cellulaires: signalisation, prolifération, différenciation, cycle, apoptose.
Exemple : récepteurs membranaires à activité tyrosine kinase (KIT, EGFR, HER2/neu)
Les gènes de maintien de l’intégrité (care takers):
Des agents toxiques (rayons X, UV, hydrocarbures) peuvent entraîner des lésions
ponctuelles de l’ADN (cassure d’un brin, délétion, mutation d’un base). Les gènes de
maintien de l’intégrité codent pour un complexe multi-fonctionnel capable de surveiller
l’intégrité du génome (MSH2, MSH6..). En cas d’anomalies, différents systèmes de
réparation sont mis en place (BRCA1, rad50, MLH1…). S’ils échouent, la cellule lésée meurt
par apoptose.
Au cours du cycle cellulaire il existe des points de contrôle systématiques où le génome est
vérifié.
L’altération des 2 allèles de ces gènes conduit à une susceptibilité accrue aux cancers, par
instabilité génétique (accumulation de mutations conduisant à l’activation d’oncogènes ou à
l’inactivation d’antioncogènes) .
Ils sont impliqués dans la progression tumorale sur le mode récessif.
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Les prédispositions génétiques aux cancers sont nombreuses (exemples ci dessous).
Syndrome
Mécanisme de réparation
affecté
Prédisposition
Xéroderma pigmentosum
Excision /réparation des
nucléotides
Cancer de la peau induit par
les UV
HNPCC
(human non polyposic colon
cancer
BRCA1, BRCA2
Réparation des
mésappariements (gènes
MSH-2; MSH-6, MLH1)
Réparation par
recombinaison homologue
Cancer du colon
Ataxie-telangiectasie
Détection des cassures
double brin de l’ADN
(protéine ATM)
Cancer du sein, de l’ovaire
Leucémies, lymphomes,
sensibilité aux rayons gamma
1.1.3. Contrôle de l’expression et/ou de l’activation des protooncogènes, des gènes suppresseurs de tumeurs et des gènes
du maintien de l’intégrité du génome
Plusieurs mécanismes peuvent être responsables de l’expression et ou l’activation des gènes
impliqués dans la tumorigenèse. Ces mécanismes ne sont pas mutuellement exclusifs.
Mutations ponctuelles, délétions, insertions
Figure8.02
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Remarque : pour les proto-oncogènes, un seul événement est généralement suffisant pour
l’activation (dominant). Pour les gènes suppresseurs de tumeurs et les gènes de surveillance
du génome, un double événement est nécessaire pour que le gène soit inactivé au niveau des 2
allèles (récessif).
Réarrangements chromosomiques
Les translocations peuvent soient aboutir à l’expression d’une protéine chimérique résultant
de la fusion entre 2 gènes, soit aboutir à l’hyperexpression d’un oncogène en raison de la
transposition de la région codante de celui-ci à proximité de séquences régulatrices d’autres
gènes.
Figure8.03
Exemple 1 : dans la leucémie myéloide chronique (LMC) la translocation réciproque entre les
chromosomes 9 et 22 produit un chromosome 22 raccourci : le chromosome de Philadelphie.
Cette translocation aboutit à un gène de fusion bcr/c-abl codant pour une tyrosine kinase
activée. Il existe actuellement une molécule thérapeutique capable de bloquer spécifiquement
la tyrosine kinase activée par cette translocation. Grâce à cette thérapeutique (Imatinib), le
pronostic de la LMC a été transformé.
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Exemple 2 : dans le lymphome de Burkitt, la translocation (8 ;14) aboutit à la surexpression
de l’oncogène c-myc (chromosome 8) qui se retrouve sous le contrôle du promoteur de la
chaîne lourde des immunoglobulines (chromosome14).
Délétions chromosomiques :
Il peut en résulter une perte de fonction d'un anti-oncogène. Cette perte de fonction peut être
récessive (Rb) ou dominante (p53).
Amplification gènique
Ce phénomène serait surtout tardif dans le cancer et correspond à une multiplication du
nombre de copies d’un gène. Il en résulte en une augmentation de son expression.
Figure8.04
Autres mécanismes moléculaires
Anomalie de la méthylation de l’ADN codant pour les séquences régulatrices de ces gènes.
L’hypo ou l’hyper-méthylation des gènes peut modifier leur transcription alors que la
séquence d’ADN est normale. On parle de mécanismes épigénétiques par opposition aux
mécanismes génétiques (avec altération de l’ADN).
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1.1.4. Facteurs favorisant l'activation des proto-oncogènes,
des gènes suppresseurs de tumeurs et des gènes du maintien
de l’intégrité du génome
Facteurs génétiques :
•
cancer de transmission autosomique dominante à pénétrance variable :
o Ex.1 : le rétinoblastome peut se transmettre de façon autosomique dominante avec
une pénétrance élevée. S'il existe une délétion constitutionnelle de la région q14 du
chromosome 13, responsable d'une inactivation du gène rb1 = gène suppresseur,
un deuxième évènement somatique a beaucoup plus de chance de se produire dans
la même cellule : 2 locus alléliques mutés.
o Ex. 2 : certaines tumeurs de Wilms : délétion 11 p13
o Ex. 3 : le cancer médullaire de la thyroïde des NEM2 est en relation avec une
anomalie du gène RET. Cet oncogène agit de façon dominante.
•
altérations des gènes du maintien de l’intégrité du génome : (voir paragraphe 3c).
Facteurs viraux :
•
rétrovirus : parmi les virus à ARN la plupart agissent directement comme des
oncogènes chez l'animal (oncogène viral préactivé). Il n'en existe pas d'exemple
chez l'homme. Chez l'homme, le rétrovirus HTLV1 s'intègre au hasard dans le
génome, il est dépourvu d'oncogène mais contient un gène transactivateur (tax)
capable d'activer les gènes de l'interleukine 2 et de son récepteur dans les lymphocytes
T.
•
les virus oncogènes à ADN ne renferment pas d'oncogène de type v-onc, le plus
souvent ils semblent agir par trans-activation de gènes cellulaires (mutagénèse
insertionnelle).
•
d'autres virus agissent de façon plus indirecte :
o Le virus d'Epstein Barr induit chez les sujets immunodéprimés (HIV, endémie
paludique, transplantés) une intense prolifération polyclonale des lymphocytes B
infectés
et
augmente
ainsi
le
risque
de
survenue
de
translocations
chromosomiques. Au cours de ces translocations somatiques peuvent se produire
des juxtapositions accidentelles de gènes, capables d'activer des proto-oncogènes :
la translocation t(8 ;14) : juxtaposition de c-myc et du gène de la région constante
des immuno-globulines.
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Facteurs physiques :
•
les radiations ionisantes favorisent les mutations et les cassures chromosomiques.
•
les ultraviolets entraînent des cassures de l'ADN, impossibles à réparer chez les
malades atteints de xeroderma pigmentosum (anomalie génétique associée) : survenue
de multiples cancers cutanés.
Facteurs chimiques :
•
les cancers professionnels dus aux dérivés du benzopyrène.
•
le tabac.
•
l’aflatoxine induit des mutations très spécifiques du gène p53 : carcinogène hépatique.
1.1.5. Progression tumorale et cycle cellulaire
La progression du cycle cellulaire est finement régulée par des « points de contrôle », qui
permettent notamment une régulation de la vitesse de prolifération et un maintien de
l’intégrité du génome cellulaire. Dans beaucoup de tumeurs, ces points de contrôle sont
altérés.
→ EN SAVOIR PLUS sur le cycle cellulaire normal
En cas de cancer, les signaux extracellulaires ou intracellulaires reçus par la cellule vont être
capables d’activer les complexes cycline/cdk ou d’altérer l’activité des inhibiteurs (p21, p15,
p16). Le résultat sera la levée du verrou Rb et l’entrée de la cellule en cycle.
Exemple : le cancer du col de l’utérus. Les papillomavirus humains (HPV) sont des petits
virus à ADN double brin capables d’infecter les tissus épithéliaux, le plus souvent de façon
asymptomatiques. Certains types d’HPV dits à haut risque (HPV 16, 18) sont associés au
cancer du col de l’utérus. On sait désormais que ce virus s’intègre dans le génome de la
cellule hôte où il code pour des protéines virales (e6 et e7) capables de se lier et de dégrader
respectivement p53 et Rb, ce qui entraîne une levée du verrou du cycle cellulaire.
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1.1.6. Progression tumorale et apoptose : la cellule
cancéreuse devient résistante à l’apoptose
Les mécanismes d’apoptose, ou mort cellulaire programmée, (lien vers chap
Il s’agit d’un processus actif d’autodestruction, sous le contrôle de nombreux gènes :
•
gènes pro-apoptotiques : c-myc, p53 (voir schéma du cycle cellulaire)
•
gènes de survie ou anti-apoptotiques : bcl-2
Les caspases effectrices sont responsables de la fragmentation de l’ADN.
En cas de lésion de l’ADN, le gène p53 est activé permettant par l’intermédiaire de p21 l’arrêt
du cycle cellulaire et la réparation des lésions de l’ADN ou l’activation de l’apoptose.
En cas de cancers :
Il existe des anomalies du gène p53 dans 2/3 des cancers (mutations, délétions) entrainant la
suppression du point de vérification de G1 et donc la voie apoptotique en cas d’instabilité
génomique ou d’anomalies chromosomiques.
Exemple : Dans le lymphome folliculaire, la translocation 14/18, aboutit à la juxtaposition du
gène bcl2 avec le locus de la chaîne lourde d'Ig et entraîne la surexpression du gène bcl-2.
L’accumulation de la protéine proapoptotique correspondante entraine l’augmentation de la
survie des lymphocytes B laquelle augmente le risque d’acquisitions de nouvelles anomalies
génétiques permettant le développement du lymphome b folliculaire.
1.1.7. Progression tumorale et immortalité : la cellule
cancéreuse a une prolifération illimitée
Les cellules normales sont programmées pour un certain nombre de dédoublements (environ
60-70 in vitro).
Aux extrémités des chromosomes se trouvent des séquences répétitives (télomères) qui sont
érodées à chaque réplication. Lorsqu’elles disparaissent et que les extrémités des
chromosomes ne sont plus protégées il y arrêt de la prolifération (G0).
Dans la plupart des cellules tumorales (90%) on observe un maintien des télomères au cours
des réplication successives. Ceci est dû à la surexpression des télomérases, qui sont capables
d’ajouter des séquences répétées à l’extrémité des chromosomes.
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1.2. Modifications fonctionnelles et morphologiques
1.2.1. Fiche signalétique de la cellule cancéreuse:
D’un point de vue fonctionnel on reconnaît aux cellules cancéreuses des propriétés communes
qui les différencient des cellules normales :
1- Indépendance vis à vis des signaux de prolifération provenant de l’environnement
2- Insensibilité aux signaux anti-prolifératifs
3- Résistance à l’apoptose
4- Prolifération illimitée (perte de la sénescnece)
5- Capacité à induire l’angiogénèse
6- Capacité d’invasion tissulaire et diffusion métastatique
Comme on l’a vu dans le chapitre précédent ces anomalies fonctionnelles sont
l’aboutissement d’un processus multiétapes dans lequel l’environnement n’est pas neutre.
Elles s’accompagnent de modifications morphologiques de la cellule qui permettent le plus
souvent de reconnaître son caractère cancéreux en l’observant au microscope optique.
Il faut cependant faire 2 remarques :
•
aucune de ces anomalies morphologiques prises séparément n’est spécifique de la
cellule cancéreuse (en dehors pour certains auteurs des figures de mitoses anormales)
•
certaines tumeurs au comportement authentiquement malin sont constituées de
cellules morphologiquement très proches de leur contrepartie normale. D’autre critères
morphologiques (mauvaise limitation, invasion vasculaire…) ou évolutifs (métastases)
sont alors nécessaires pour affirmer la malignité.
1.2.2. Modifications du noyau
Noyau en mitose :
•
augmentation du nombre de cellules en mitoses
•
mitoses anormales.
une mitose anormale et une cellule à noyau irrégulier
(celk01)
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Noyau interphasique :
•
anisocaryose (du grec aniso = différent et caryo = noyau) inégalité de taille d'un noyau
à l'autre.
•
augmentation du rapport nucléo-cytoplasmique : le plus souvent due à une
augmentation de la taille du noyau est supérieure à celle du cytoplasme.
•
hyperchromatisme : aspect dense et sombre du noyau lié à une condensation ou à une
augmentation du nombre des chromosomes (aneuploïdie).
•
irrégularités de forme et de contours
Une mitose normale, noyaux hyperchromatiques irrégulier déjetés par une volumineuse vacuole cytoplasmique
Noter l'ansocaryose : différence de taille des noyaux d'une cellule à l'autre (Celk02)
cellules cancéreuses avec noyaux hyperchromatiques et augmentation du rapport nucléo-cytoplasmique
A noter la présence de deux cellules en apoptose (celk03)
cellule binucléée avec noyaux hyperchromatiques, volumineux nucléoles et augmentation du rapport
nucléocytoplasmique une mitose anormale, au centre: une cellule en apoptose
(Celk04)
noyaux hyperchromatiques avec contours irréguliers
(celk05)
•
Multinucléation
cellules monstrueuses de très grandes tailles avec noyaux multiples irréguliers (glioblastome: tumeur gliale de
haut grade).
Noter la taille des noyaux du tissu glial normal en comparaison (celk06)
1.2.3. Modifications du cytoplasme :
Cytosquelette
A l'état normal :
•
microtubules : (20-25) nm : tubulines, fuseau
•
microfilaments : (6-8 nm ) : protéines contractiles ; actine
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•
filaments intermédiaires : les plus importants sont les filaments de cytokératine :
(présents dans les cellules épithéliales et mésothéliales) et de vimentine (surtout dans
les cellules conjonctives = mésenchymateuses).
Dans la cellule cancéreuse :
Le plus souvent le cytosquelette est conservé avec des anomalies de répartition. Il n’est pas
visible en microscopie optique mais ses constituants peuvent être mis en évidence par
immunohistochimie. Cette conservation est intéressante pour le pathologiste car la mise en
évidence de tels ou tels types de filaments intermédiaires par exemple, permet de préciser le
tissu d’origine d’une cellule cancéreuse.
Système sécrétoire
Il existe des anomalies qualitatives et quantitatives des sécrétions, liées directement aux
modifications du génome cellulaire.
Aspects morphologiques
•
anisocytose : inégalité de taille des cellules entre elles
•
vacuole
cytoplasmique
refoulant
le
noyau
(excès
de
mucus)
dans
les
adénocarcinomes mucosécrétants.
•
cytoplasme clair, optiquement vide (accumulation anormale de glycogène) dans les
cancers du rein à cellules claires par exemple. Celk07.jpg, celk08.jpg
adénocarcinome à cellules claires du rein
les cytoplasmes des cellules tumorales sont chargés de glycogène ce qui leur donne cet aspect clair
(Celk07)
vacuoles cytoplasmiques dans le cytoplasme d'une cellule d'adénocarcinome à cellules claires du rein visibles en
microscopie électronique
(Cellk08)
Aspects qualitatifs et quantitatifs
•
variations
quantitatives des
sécrétions
normales
:
pic
d'immunoglobulines
monoclonales dans le myélome.
•
apparition de substances nouvelles:
o Soit par dérépression d'une synthèse de protéines de type foetal : alpha
foetoprotéine, antigène carcino-embryonnaire = ACE
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o Soit par sécrétion inappropriée d'une hormone : sécrétion d'ACTH par les
carcinomes neuro-endocrines à petites cellules du poumon.
Ces substances, considérées comme des marqueurs tumoraux peuvent être dosées dans le
sérum lorsqu’elles sont sécrétées ou identifiées in situ par immunohistochimie.
Attention :
1) l'augmentation anormale d'une sécrétion peut se voir en condition pathologique non
tumorale. Exemple : augmentation des PSAP (phosphatases acides prostatiques) en cas
d’adénocarcinome prostatique mais aussi en cas de prostatite.
2) un type de sécrétion n'est pas spécifique d'un type tumoral.
1.2.4. La membrane
La membrane joue un rôle crucial dans les échanges entre les cellules et les interactions avec
le milieu extra-cellulaire.
Aspects morphologiques :
Les modifications morphologiques ne sont visibles qu’en microscopie électronique :
irrégularités, microvillosités, bulles, projections, modifications des systèmes de jonction. Elles
ne sont pas prises en compte pour le diagnostic de cancer en de cancer en routine.
Il existe des modification des protéines de surface.
→ EN SAVOIR PLUS sur les anomalies des molécules d’adhésion
Aspects fonctionnels:
Anomalies des récepteurs membranaires :
•
augmentation de nombre
•
perte de régulation
Modifications des enzymes membranaires
•
augmentation des enzymes protéolytiques (protéases, glycosidases) favorisant la
dégradation de la substance inter cellulaire
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15
Modifications des antigènes de membrane
•
altération des antigènes normaux (Ag d'espèces, d'organes ou de tissus).
•
apparition de néoantigènes :
o Reexpresion d'antigènes embryonnaires : alpha foetoprotéine, antigène
carcinoembryonnaire
o Expression anormale d'antigène de différenciation : CD5 normalment présent
uniquement sur les lymphocytes T est exprimé par les lymphocytes B dans la
leucémie lymphoide chronique
o Ag associés aux virus : protéine latente de membrane (LMP) de l’Epstein-Barr
virus dans certains lymphomes hodgkiniens.
→ EN SAVOIR PLUS sur les antigènes tumoraux
Troubles de la perméabilité et du transport :
L’augmentation de perméabilité pour différents cations (Ca+ Mg) joue un rôle dans plusieurs
fonctions cellulaires, en particulier la prolifération.
2. Le stroma tumoral
Tout ce qui est présent au sein d’une tumeur et n’est pas une cellule tumorale
correspond au stroma. Le stroma comprend donc le tissu conjonctif, les vaisseaux, les
leucocytes et la matrice extracellulaire. Le stroma sert de charpente à la tumeur et assure ses
apports nutritifs. Il est sous la dépendance du tissu tumoral dont les cellules peuvent, par
exemple, élaborer des substances qui vont favoriser la pousse des vaisseaux. Il est d'usage de
réserver le terme de stroma au support conjonctif des tumeurs malignes et de ne pratiquement
pas l'utiliser dans le cas des tumeurs bénignes, mais rien ne s'y opposerait conceptuellement.
C’est dans les carcinomes invasifs que le stroma est le plus nettement individualisé. Il y
a cependant un stroma dans les sarcomes, constitué notamment des vaisseaux.
Les variations morphologiques du stroma sont multiples, certaines d’entre elles sont
caractéristiques d’un type tumoral donné et auront donc une valeur séméiologique pour le
diagnostic de variété tumorale.
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2.1. Variations quantitatives
Certains carcinomes très différenciés ont un stroma qui peut être exactement
proportionné à la prolifération épithéliale. Dans les tumeurs endocriniennes, le stroma
comporte souvent des capillaires sinusoïdes semblables à ceux d’une glande endocrine
normale (stroma adaptatif).
Plus souvent, le stroma est disproportionné par rapport à la prolifération épithéliale :
•
-
Lorsqu’il est relativement peu abondant, la tumeur sera molle, souvent nécrosée,
semblable macroscopiquement à du tissu cérébral. C’est le cancer que l’on
caractérisera macroscopiquement d’ « encéphaloïde ».
•
A l’inverse, lorsqu’il est très abondant, riche en fibres collagènes, la tumeur sera dure
et rétractée, c’est le squirrhe. Cette rétraction, comparable à celle de certaines
cicatrices pathologiques est liée à la présence de nombreux myofibroblastes.
2.2. Variations qualitatives
Le tissu conjonctif du stroma possède certaines propriétés réactionnelles du tissu
conjonctif normal. Il peut s’y produire une réaction inflammatoire. Celle-ci surviendra, par
exemple, lors de la destruction du tissu tumoral par une irradiation. La nécrose des cellules
tumorales déclenche une réaction exsudative. Il peut même se produire une réaction à corps
étrangers autour de squames de kératine élaborées par la tumeur. Dans certaines tumeurs, la
réaction inflammatoire du stroma est une réaction tuberculoïde.
Quelques tumeurs ont un stroma riche en cellules lymphocytaires ou plasmocytaires, ce
qui peut être la manifestation d’une réaction immunitaire. Cet aspect va parfois de pair avec
un pronostic meilleur.
3. Cancer et Angiogenèse
Il est admis qu’une tumeur ne peut pas croître au-delà de un à deux mm3 sans l’aide
d’une riche vascularisation sanguine. Les rapports entre le tissu tumoral proprement dit et sa
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17
vascularisation sont donc critiques dans l’histoire naturelle de chaque cancer. Ces dernières
années un grand nombre de travaux morphologiques se sont attachés à décrire et mieux
comprendre l’état de la vascularisation des cancers, avec la perspective d’inhiber la croissance
tumorale grâce au contrôle de sa vascularisation.
3.1. Définitions et situations physiologiques
La vasculogenèse répond à la différenciation de cellules précurseurs, communes aux
lignées sanguines, en cellules endothéliales qui se répandent, s’associent et établissent un
réseau vasculaire. Ce terme est très majoritairement réservé aux étapes correspondantes de
l’embryogenèse.
L’angiogenèse répond au bourgeonnement vasculaire, à l’installation d’un réseau et à
sa différenciation en différents secteurs fonctionnels à partir de vaisseaux préexistants. Ce
processus implique le recrutement et la différenciation de cellules péricytaires et de cellules
musculaires lisses, qui concourent à stabiliser le nouveau réseau et à lui donner une efficacité
fonctionnelle. L’angiogenèse est souvent liée au processus inflammatoire.
Le bourgeon charnu inflammatoire est un exemple d’angiogenèse contrôlée et
réversible. La densité de microcirculation en son sein atteint des niveaux très élevés,
approximativement 40 fois supérieurs à ceux rencontrés au sein des tumeurs malignes. Mais
les vaisseaux formés sont structurellement et fonctionnellement normaux, en terme entre
autres de présence du collagène IV et de la laminine dans la membrane basale.
3.2. Angiogenèse et tumeurs
Le stroma vasculaire des cancers n’est pas homogène. Il est commode de distinguer, au sein
des cancers, la vascularisation:
•
De la zone périphérique d’invasion tumorale,
•
Du centre de la tumeur à son point d’origine,
•
De ses éventuels composants exophytiques,
•
De ses métastases et de la maladie résiduelle.
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3.2.1. Périphérie
Dans la zone périphérique d’invasion tumorale, la prolifération des cellules endothéliales est
active et elle produit de nouveaux vaisseaux dont il faut comprendre qu’ils sont parfaitement
anormaux.
- La prolifération vasculaire est particulièrement vigoureuse et l’index de prolifération
des cellules endothéliales est 50 à 200 fois plus élevé que pour les mêmes cellules des tissus
normaux.
- Les vaisseaux créés au sein de la tumeur sont anormaux. Ce sont des canaux à paroi
mince plutôt de type veinulaire, irrégulièrement anastomosés avec de nombreux culs-de-sac.
Ils ont tendance à former des shunts artério-veineux. La bordure endothéliale est incomplète
(sauf dans les tumeurs cérébrales primitives), la membrane basale est souvent absente, les
cellules satellites (péricytes et cellules musculaires lisses) raréfiées. Il n’y a pas d’innervation
et de nombreux espaces vasculaires sont bordés directement par les cellules tumorales. Il n’y
a probablement jamais de vaisseaux lymphatiques néoformés caractérisés, mais plutôt des
anastomoses avec le réseau lymphatique préexistant.
- Ces vaisseaux défectifs ne sont pas contrôlables par les mécanismes locaux habituels
(mécanisme nerveux et système des cytokiniques).
- L’efficacité de perfusion est médiocre. Les courts-circuits artério-veineux s’opposent à
une perfusion capillaire efficace. Le régime liquidien est chaotique avec des inversions de
flux et une stase selon une période de 2-3 mn.
- Le drainage des fluides interstitiels est déficient en liaison avec l’excès de perméabilité et
l’absence de drainage lymphatique fonctionnel.
- Enfin, cette vascularisation est très inégalement répartie en densité d’un point à un autre
de la tumeur.
Dans cette région de la tumeur on retrouve des taux élevés de facteur de croissance
endothélial vasculaire (VEGF), du facteur de croissance fibroblastique basique (FGF), de la
phosphorylase de la thymidine (TP), tous ces facteurs sont induits par l’hypoxie.
3.2.2. Centre
A mesure de la croissance tumorale, les marges s’incorporent dans le centre de la tumeur,
mêlant néovascularisation et vascularisation d’origine de l’hôte. La densité de
microcirculation devient 4 à 10 fois plus faible que dans les berges. Les cellules tumorales
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s’adaptent à l’hypoxie en activant la glycolyse anaérobie. Les cellules endothéliales activent
la fabrication des molécules du stress hypoxique (VEGF, TP, complexe VEGF/récepteur du
VEGF) et les inhibiteurs de l’apoptose (bcl-2). Quand le mécanisme anti-apoptotique
endothélial défaille, les cellules tumorales sont en situation d’accès facile au compartiment
intravasculaire.
3.2.3. Composante exophytique
La partie exophytique d’un cancer, à la différence de sa base intramurale, dépend
entièrement de l’angiogenèse. L’angiogenèse est un phénomène très précoce dans les
papillomes (vessie), elle est augmentée dans les adénomes colorectaux exophytiques mais pas
dans les adénomes plans. L’inhibition de l’angiogenèse par des facteurs thérapeutiques a
prouvé son efficacité sur la composante exophytique de la croissance cancéreuse.
3.3. Métastases et maladie cancéreuse résiduelle
Les cellules malignes qui migrent à distance de la tumeur principale sont capables de
s’implanter dans le nouveau site tissulaire et de croître localement sans l’aide d’une
angiogenèse. Il a été bien établi que les nodules métastatiques au sein des ganglions
lymphatiques présentent une densité de microcirculation inférieure ou au plus égale à celle de
la pulpe ganglionnaire normale. Expérimentalement des métastases peuvent s’implanter dans
la substance cérébrale sans angiogenèse. Néanmoins, sans angiogenèse, les nodules
métastatiques restent sensibles à l’apoptose. Le développement local d’une angiogenèse
protège les cellules tumorales de l’apoptose. C’est un des mécanismes invoqués pour
expliquer l’efficacité expérimentale des agents anti-angiogeniques sur la croissance des
nodules métastatiques. On y relie aussi la corrélation positive entre un index de densité de
microcirculation de la tumeur primitive élevé et la fréquence des images d’invasion vasculaire
péri-tumorale et des métastases ganglionnaires. Il est probable que le traitement de la maladie
cancéreuse résiduelle, après radiothérapie ou chimiothérapie, puisse bénéficier de
thérapeutiques visant à détruire la vascularisation tumorale en ciblant des molécules
exprimées en abondance à la surface des cellules endothéliales activées de l’angiogenèse et
faiblement activées au sein des cellules endothéliales normales, comme le complexe
VEGF/récepteur du VEGF.
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3.4. Conclusion
Au total on retiendra que la néovascularisation issue de l’angiogenèse tumorale présente un
état d’activation cellulaire maximum pour une efficacité de perfusion médiocre, qu’elle est
très hétérogène en terme de densité, de maturation phénotypique d’une zone tumorale à
l’autre, d’une tumeur à l’autre au sein du même type. On notera que l’activation cellulaire
endothéliale peut protéger indirectement les cellules tumorales en inhibant l’apoptose. Il ne
faut donc pas s’étonner que la thérapeutique antitumorale par contrôle de l’angiogenèse reste
plus une promesse qu’un résultat et qu’elle risque fort de devoir être adaptée au cas particulier
de chaque patient.
4. Immunité anti - tumorale
Les mécanismes d’immunosurveillance sont-ils efficaces pour empêcher le développement
des tumeurs malignes ? A l’évidence non. Pourtant les patients immunodéprimés, soit
constitutivement, soit de façon acquise, présentent une augmentation très importante de la
fréquence des cancers. Mais il faut remarquer que les cancers en excès chez ces patients sont
plutôt des proliférations lymphoïdes, B ou T, qui pourraient paradoxalement être la
conséquence de proliférations anormales des cellules immunes en réponse aux stimulations
antigéniques bactériennes ou virales. En revanche ces patients ne présentent pas
d’augmentation franche des tumeurs solides fréquentes comme les cancers du poumon, du
sein ou du tractus gastro-intestinal. Dans beaucoup de cas, les cellules cancéreuses
ressemblent suffisamment aux cellules normales pour ne pas susciter une réaction de
destruction de la part du système immunitaire. Enfin on a décrit des mécanismes de protection
acquis par les cellules tumorales pour détruire les cellules du système immunitaire o inhiber
leur action. Néanmoins il parait logique de chercher à mobiliser les ressources du système
immunitaire.
4.1. Status immunologique des cancers
Les tentatives de greffe tumorale à des animaux immuno-compétents en situation allogénique
aboutissent toujours à des échecs. Il s’agit là d’un mécanisme de rejet lié au CMH de type I,
médié par les cellules lymphocytaires T CD8 alloréactives. La greffe de cellules tumorales
entre animaux syngéniques conduit aussi au rejet, elle est due à une réponse immunitaire
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spécifique et nécessite l’intervention des lymphocytes T CD4+ et CD8+. De nombreux
arguments indirects confirment l’intervention d’une immunité naturelle anti-tumorale
(macrophages, cellules NK, éosinophiles).
L’étude expérimentale sur souris des interactions cancer / système immunitaire présente des
limitations d’application en médecine humaine. En effet les modèles murins syngéniques
utilisent par commodité des lignées cancéreuses devenues secondairement transplantables,
alors que chaque tumeur humaine est originale et disparaît avec la mort du sujet. D’autre part
les humains vivent en moyenne vingt fois plus longtemps que les souris et leurs tumeurs
peuvent accumuler un plus grand nombre de mutations.
Le fait qu’en situation de greffe allogénique ou syngénique les cellules tumorales soient
généralement détruites montre que les cellules cancéreuses ne sont pas intrinsèquement
résistantes aux mécanismes cytotoxiques. Ce qui constitue la résistance au rejet immunitaire
des cancers procède plutôt d’un échec de la reconnaissance ou de l’activation immunitaire. Le
génome modifié des cellules cancéreuses produit à leur surface des antigènes qui peuvent
différer qualitativement ou quantitativement de ceux des cellules normales.
Les tumeurs s’adaptent à la surveillance immunitaire par sélection des sous-clônes tumoraux.
30 à 50% des tumeurs humaines n’expriment plus un ou plusieurs de leurs allotypes HLA de
classe I, ce qui les rend transparentes à la surveillance immune des dérives tumorales
mutationnelles du phénotype CMH I. Cette suppression de l’expression d’allotypes CMH I
n’est jamais complète, puisque dans ce cas les cellules tumorales deviendraient trop sensibles
à la cytotoxicité naturelle des cellules NK, qui sont capables de détruire les cellules
dépourvues du signal CMH I. Certaines cellules tumorales expriment la molécule CD95L
(Fas-ligand) qui pourraient provoquer l’apoptose des lymphocytes T CD95+ infiltrant la
tumeur.
4.2. Stratégies thérapeutiques
Pour les tumeurs viro-induites la stratégie vaccinale peut être efficace. L’hépatite B et
l’hépatite C sont des états précancéreux (carcinome hépatocellulaire). La vaccination d’une
population contre l’hépatite B permet d’éliminer cette maladie infectieuse et l’ensemble des
cancers du foie qu’elle aurait induit.
4.2.1. Utilisation des anticorps
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Différents abords thérapeutiques cherchent à utiliser des anticorps dirigés contre des antigènes
spécifiques des tumeurs. Les proliférations malignes hématopoïétiques pourraient être une
cible de choix puisque les cellules tumorales sont très accessibles aux anticorps circulants
injectés. On peut imaginer aussi de coupler l’anticorps injecté à une toxine qui sera alors
délivrée spécifiquement à la cellule tumorale, ou d’encapsuler des drogues dans des
immunoliposomes. Une stratégie est entrée en mode d’application à grande échelle, c’est celle
qui consiste à injecter des anticorps dirigés contre une protéine membranaire de la cellule
tumorale et qui bloquent sa fonction et/ou activent l’action cytotoxique des lymphocytes T.
→ EN SAVOIR PLUS sur des exemples d’anticorps monoclonaux anti-tumoraux
4.2.2. Utilisation de l’immunité à médiation cellulaire
La réponse des cellules T est une autre forme d’immunothérapie possible. L’instillation du
vaccin B.C.G. en intra vésical est utilisée depuis de nombreuses années pour contrôler
l’évolution des tumeurs superficielles de vessie de haut grade, mais c’est là sa seule utilisation
anti tumorale. Des doses massives d’Interleukine 2 peuvent induire des régressions
métastatiques dans des cancers du rein ou des mélanomes.
Dans la situation naturelle, la croissance clonale initiale de la cellule cancéreuse peut ne
produire aucune lésion tissulaire susceptible d’induire une réponse immunitaire. On peut
imaginer de prélever des lymphocytes T du patient spécifiques de la tumeur, de les amplifier
in vitro et de les réinjecter au patient. Un intérêt actuel particulier se porte sur les cellules
dendritiques. Expérimentalement, une tumeur transfectée avec le gène codant pour le GMCSF induit dans son environnement local la différenciation de cellules dendritiques. Les
cellules dendritiques se montrent alors efficaces à améliorer la présentation des antigènes
tumoraux aux cellules T, conduisant à l’élimination de la tumeur chez la souris hôte, y
compris après réinjection chez le même animal des cellules tumorales non transfectées.
4.3. Conclusion
Bien que des cellules T et des anticorps spécifiques des tumeurs puissent être détectés chez
des patients atteints de cancers, ces réponses immunitaires ne sont pas efficaces pour éliminer
la maladie, dans tous les cas où celle-ci est détectable cliniquement. A ce jour peu de procédés
de manipulations d’immunothérapie sont entrés en pratique clinique.
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5. En savoir plus
5.1. Rappel sur le cycle cellulaire normal
•
G1 : post mitotique. La cellule exerce ses fonctions physiologiques. Durée variable
•
S: duplication de l’ADN durée fixe : 1/3 du cycle .
•
G2 : prémitotique, diminution de la synthèse d’ADN, synthèse du fuseau. Durée fixe
•
M : mitose, durée fixe
•
G0 : réserve. Retour au cycle ou mort cellulaire
La cellule n'a le choix qu'entre 3 états :
•
la prolifération
•
la quiescence (G0)
•
la différentiation fonctionnelle ou la mort (apoptose)
Les régulateurs de cycle cellulaire, en particulier ceux qui contrôlent le passage de la phase
G1 à la phase S, sont à l'origine d'évènements oncogéniques dans de nombreux cancers.
Un des régulateurs essentiel de ce contrôle est la protéine Rb dont le gène est situé en 13q14.
Rb est considéré comme le verrou du cycle cellulaire . La forme active (hypophosphorylée) de
Rb est capable de bloquer le passage de la phase G0 vers la phase S . La phosphorylation de
Rb entraîne la dissociation de Rb du facteur de transcription E2F et l'initiation de la
réplication. Cette phosphorylation est sous la dépendance de kinases cycline - dépendantes
(cdk) dont l'activation est sous le contrôle de cyclines : couples ckd/cyclines.
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Figure8.05
Le cycle cellulaire est également contrôlé par les inhibiteurs des complexes cyclines/ckd :
p15, p16, p21…
Figure8.06
5.2. Anomalies des molécules d'adhésion
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Il existe 4 familles de molécules responsables de l'adhésion cellulaire :
•
les cadhérines : reconnaissance intercellulaire
•
des molécules apparentées aux immunoglobulines
•
les intégrines : reconnaissance de la matrice extra-cellulaire
•
les sélectines
Ces molécules d'adhésion ou CAM (cell adhesion molecules) ont plusieurs rôles :
•
elles sont responsables de l'adhérence spécifique des cellules entre elles .
•
elles sont responsables de l'inhibition de contact.
•
elles semblent jouer un rôle dans la ségrégation cellulaire et la formation des tissus
(embryologie).
•
leur expression permettrait d'orienter la morphogénie des cellules : épithéliales ou
mésenchymateuses.
•
elles peuvent avoir un rôle de récepteur.
Dans la cellule cancéreuse il existe des troubles de l'adhérence cellulaire in vitro :
•
perte de l'inhibition de contact
•
Alors que les cellules normales cessent de se multiplier lorsqu'elles arrivent à
confluence, les cellules transformées continuent de se diviser et s'empilent sur
plusieurs couches.
•
perte d'adhérence des cellules vis à vis du tissu conjonctif, joue un rôle dans la
dissémination du cancer.
5.3. Antigènes tumoraux
Certains de antigènes tumoraux correspondent à des réexpressions d’antigènes uniquement
détectables à l’état embryonnaire chez le sujet normal.
Si l’on prend l’antigène carcino-embryonnaire, il est d’un certain point de vue
spécifique de tumeur chez un patient adulte. Mais on s’est aperçu qu’en cas d’inflammation
chronique (maladie inflammatoire chronique de l’intestin, poumon du fumeur, pancréatite) les
cellules épithéliales adultes non tumorales en expriment des quantités détectables. L’antigène
spécifique de prostate (PSA) est spécifique de la prostate, mais pas de son cancer. L’antigène
« idéal » spécifique de tumeur est sûrement rare, s’il existe. D’autres variantes de ces
configurations sont intéressantes à considérer. Ce sont par exemple des antigènes associés aux
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tumeurs où l’expression normale de ces mêmes antigènes est cryptique, donc n’a pas induit de
tolérance du système immunitaire. C’est le cas des protéines MAGE (melanoma antigen
encoding) qui sont normalement présentes au sein des compartiments testiculaires non
accessibles au système immunitaire.
5.4. Exemples d’anticorps monoclonaux anti-tumoraux
L’anticorps monoclonal Trastuzumab (Herceptin) est dirigé contre un des corécepteurs de la
famille des récepteurs de type I des facteurs de croissance, la protéine HER2. La détection sur
coupe histologique de la surexpression de la protéine ou de l’amplification du gène
correspondant dans les cellules tumorales de carcinome du sein est retrouvée dans 20% des
patientes et rend ces dernières éligibles pour le traitement.
D’autres anticorps monoclonaux bénéficient aussi actuellement d’une A.M.M.. Ce sont les
anticorps anti CD52 utilisés dans des leucémies lymphoïdes chroniques, anti CD20 dans des
lymphomes CD20+ et leucémies B, plus récemment anti récepteur de l’EGF dans des cancers
colorectaux avancés.
Ces anticorps, utilisés comme tratement anti-tumoraux, posent de redoutables problèmes
techniques, donc économiques. Ces anticorps sont au départ murins, ce qui induirait leur
neutralisation dans les deux semaines suivant le début du traitement, temps requis pour
l’induction d’une réponse anti souris à anticorps de haute affinité chez le patient. Il y a donc
nécessité d’ »humaniser » ces anticorps, ce qui en fait actuellement des médicaments
extrêmement coûteux. Ces stratégies thérapeutiques sont parallèles mais non identiques à
celles qui visent à inhiber la fonction des récepteurs membranaires des cellules tumorales par
des drogues.
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