Passer du broutard au veau sous la mère : des arguments avant tout économiques ! Deux marchés opposés Les évolutions comparées des cours moyens des broutards et du veau sous la mère sont particulièrement éloquentes (source : Observatoire Bovins Viande de la de la Chambre d’Agriculture des Pyrénées-Atlantiques, relevés trimestriels des prix nets auprès de organisations de producteurs). Les courbes traduisent deux dynamiques très différentes : • stabilité et tendance à la hausse pour le veau sous la mère, avec des cours identiques pour les mâles et les femelles. L'observatoire économique relève ainsi une hausse de 10 % du cours moyen entre 2004 et 2013. • versatilité et très forte sensibilité aux crises (avec des cours qui n'ont pas en moyenne rattrapé le niveau de l'avant crise FCO) pour le broutard. La très nette dévalorisation de la femelle est particulièrement visible dans le graphique. La différence ? Des marchés radicalement opposés, 1/3 Le broutard est très majoritairement voué à l'export (Italie et, dans une moindre mesure, Espagne), dans un marché du vif très exposé à des aléas non maîtrisables par l'éleveur : crise sanitaires et fermetures des frontières (chute de 19 % du cours du broutard lors de la crise FCO de 2007), évolution du coût d'engraissement en Italie, crise du pouvoir d'achat et consommation de viande à l'étranger (baisse de 10 % de la consommation des ménages italiens sur le 1er semestre 2013). L'évolution actuelle des cours du broutard est donc fragile, et en grande partie liée à la baisse actuelle de l'offre (diminution régionale du nombre de moules à veaux, baisse des naissances constatée sur le 1er semestre). En outre, alors que les cours peinent à évoluer, la demande italienne se porte ponctuellement sur des broutards plus lourds et plus âgés (autour de 300 kg)... donc plus coûteux à produire. Le veau sous la mère est par contre exclusivement destiné au marché national, sur un créneau haut de gamme (label) contractualisé. Les débouchés sont porteurs, bénéficiant d'un rapport offre/demande favorable. En prise directe avec les attentes des consommateurs proches, le veau de lait résiste par conséquent à toutes les crises. Il est enfin le produit qui paye le mieux la qualité et le savoir-faire, dans la mesure où le prix se base sur des critères objectifs : âge, poids carcasse, conformation, état de gras, couleur de viande... et période de vente. Références : la meilleure valeur ajoutée à la vache Les fermes de référence permettent une analyse détaillée des ratios d'efficacité économique entre les systèmes producteurs de veaux sous la mère et de broutards, avec dans les deux cas, une finition associée de toutes les réformes. Il s'agit dans les deux cas d'élevages performants maîtrisant les fondamentaux (productivité numérique notamment). Sur trois critères majeurs, la comparaison est en faveur du veau sous la mère : 1. Prix moyen du veau vendu : analysé sur les 10 précédentes campagnes, le différentiel moyen de valorisation entre le veau sous la mère (mâle et femelle au même prix) et le broutard (80 % de mâles, 20 % de femelles) n'a cessé de croître, se situant sur l'exercice comptable 2012 autour de 300€ par tête dans les fermes du réseau (la broutarde a perdu dans cette période entre 130 et 150€ ). Ce différentiel de prix fait plus que compenser l'éventuel manque à gagner sur les réformes des producteurs de veaux sous la mère, dont les formats (poids carcasse) et l'âge moyen peuvent être différents des systèmes broutards pour des raisons spécifiques de conduite (taux de renouvellement inférieur, sélection recherchant avant tout l'aptitude laitière, « carrière » plus longue des mères de veaux de lait). Cumulé aux aides PAC « veaux sous la mère » recouplées (35 à 70€ par veau en 2012), le produit d'atelier (moyennes des exercices 2011 et 2012) est de près de 30 % supérieur pour le veau sous la mère : 380€ pour 100kg de viande vive produite, contre 294€ pour le système broutard. 2. Économie des charges Plus autonome, plus économe, le système veau sous la mère apparaît moins sensible à l'augmentation du prix des intrants. Basé sur une conduite alimentaire des veaux essentiellement lactée, les consommations totales de concentrés (veaux, mères et vaches en finition) sont sensiblement plus faibles en système veau sous la mère : 940kg par vache, contre 1650 kg pour le système broutard. En conjoncture 2012, ce différentiel d'autonomie 2/3 alimentaire se traduit par une économie de l'ordre de 185€ par vache. Un atout particulièrement décisif en période d'inflation du prix des aliments : ce différentiel entre les 2 systèmes a augmenté de plus de 140 % depuis la crise des charges de 2007 ! Le différentiel est également favorable sur les frais d'élevage (frais vétérinaires en particulier), inférieurs en moyenne de 28 % pour les systèmes veaux sous la mère. La résultante : un différentiel de marge brute à la vache favorable au veau sous la mère (192€ en 2012) et qui s’accroît. évolution comparée des marges brutes par vache 950 900 850 producteurs de veaux sous la mère producteurs de broutards 816 793 930 840 812 800 793 750 700 734 650 620 600 2003 2006 2009 2012 3. Rémunération permise Indicateur le plus attendu par l'éleveur, la rémunération permises par UMO résulte des 2 éléments précédents et s'établit sur la moyenne des campagnes 2011 et 2012 des éleveurs du réseau de référence à : • • 0,40 SMIC / UMO pour les producteurs de broutard, 1,73 SMIC / UMO pour les producteurs de veaux sous la mère. La production de veaux sous la mère rémunère donc bien le surcroît de temps (ou d'organisation) de travail qu'elle nécessite par rapport à la conduite classique du broutard... sachant que dans beaucoup de nos contextes d'exploitations, les broutards restent en bâtiment avec une conduite qui se rapproche beaucoup de celle du veau de lait sous la mère. Didier LAHITTE conseiller Bovin Viande Chambre Agriculture des Landes Thierry DELTOR conseiller Bovin Viande Chambre Agriculture des Pyrénées Atlantiques 3/3