www.nrp–college.com MARS 2014 lettres collège Nouvelle Revue Pédagogique N° 637 / 8,20 € / ISSN 1636–3574 NRP Des compétences pour lire et écrire la poésie Séquences X Fables à lire et à écrire 6e X Paysages poétiques, paysages intérieurs 5e X La poésie engagée, toujours actuelle 3e …découvrir …lire et analyser Comprendre l’auteur et le contexte d’une façon claire et accessible pour les élèves S’approprier le texte et en comprendre les enjeux • Une biographie sous forme d’interview fictive • Le contexte et les repères historiques illustrés par une frise • Une présentation vivante des personnages • Des explications et encadrés culturels directement accessibles dans les marges • Des ouvertures nombreuses vers d’autres formes d’art grâce au dossier central d’analyse d’images • Des pauses lecture et des lectures transversales (QCM, questionnaires de compréhension, accompagnement vers l’expression) …approfondir et prolonger • Des axes d’analyse pour approfondir le genre et le thème de l’œuvre • Une lecture supplémentaire pour le plaisir nrP Conformément aux dispositions sur le droit d'auteur (Code de la Propriété Intellectuelle), la reproduction et la représentation de tout ou partie de ce numéro de la NRP notamment sur les sites web contributifs, les blogs, sont strictement interdites et passibles de sanctions pénales et civiles N°637 sommaire Nouvelle Revue Pédagogique Collège / MARS 2014 NOUVEAUTÉ 2013 16 Dossier Le travail sur la poésie et les compétences Par Jean-Michel Zakhartchouk Toutes les fiches à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptables aux besoins des élèves. Actualité 4 Livres 6 Pédagogie 8 spectacles Par Carole Guidicelli Séquences pédagogiques 9 collèges d’ici 20 10 Par Édith Wolf Par Anne Remlinger Par Alexandre Winkler cinéma Par Marie-Laure Guétin 11 Histoire 12 Lire au cDI 13 30 Par Alain Barbé Par Christine Bruner Le carnet d’écriture Par Édith Wolf d’écrivains 14 Maisons Par Adeline Pringault-Leguy Les + numériques 38 séquence 1 6e Fables à lire et à écrire Par Grégory Michel séquence 2 4e Paysages poétiques, paysages intérieurs : comment les lieux permettent d’exprimer les émotions Par Jérôme Dewasch séquence 3 3e Fiches pédagogiques 48 Étude de la langue 6e 5e 4e 3e Construire La ponctuation pour construire le sens Par Pascale Elissondo 57 Analyse filmique 6e 5e 59 Entraînement au brevet 3e La Belle et la Bête de Jean Cocteau (1946) Par Marie Pierre Lafargue « Ballade de celui qui chanta dans les supplices » de Louis Aragon Par Jean-Michel Zakhartchouk La poésie engagée, toujours actuelle Par Jean-Michel Zakhartchouk 63 Latin 4e Un vieux Romain chatouilleux Par Anne Sinha Au fil de la revue, vous pourrez exploiter les ressources multimédia suivantes*, disponibles sur le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Rendez-vous sur http://www.nrp-college.com. En partenariat avec l’INA Corrigés, bibliographies, documents complémentaires, etc. Fichiers audio Vidéo Iconographie * Certaines de ces ressources sont réservées aux abonnés numériques (abonnés papier + numérique ou 100 % numérique). mars 2014 NRP COLLÈGE 1 NRP Nouvelle Revue Pédagogique RENCONTRE NRP Ne pas donner sa langue au chat Jeux et stratégies pour l’étude de la grammaire au collège et au lycée « Partager avec de jeunes esprits le bonheur de lire, écrire ensemble des histoires, disséquer un petit texte sont autant de défis que le professeur de français a l’habitude de relever, avec souvent un vrai plaisir pédagogique. Il lui est plus difficile de transmettre son goût pour la langue, les finesses de l’orthographe, les subtilités de la grammaire. Comment aborder ces questions ? Pourquoi a-t-on si souvent le sentiment que ça ne fonctionne pas, que les acquis sont à reprendre tous les ans ? Peut-on trouver des stratégies, des détours, pour rendre les cours de langue plus efficaces ? Plusieurs personnalités d’horizons différents répondront à ces questions : des professeurs, un écrivain de l’Oulipo, ces gymnastes du langage, une spécialiste des neurosciences qui fera un point sur les dernières connaissances concernant l’apprentissage chez les ados et, enfin, des professionnels de la Bibliothèque nationale de France. Autant d’approches différentes et originales, hors des sentiers battus, au secours de la grammaire. » Yun Sun Limet, directrice de la rédaction Claire Beilin-Bourgeois, conseillère pédagogique LE 5 MARS 2014 PROGRAMME DE 14H À 17H À LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE QUAI FRANÇOIS MAURIAC 75013 PARIS Chaque intervention sera suivie d’un échange avec le public. Des bonbons aux épinards ? Quelques considérations cognitives sur l’incorporation du jeu dans l’enseignement Par Alex Cristia « Décoder » : pour une vision d’ensemble du système grammatical au collège Par Marianne Zingraff Enseigner la langue au lycée : des pistes pour un enseignement problématique Par Edith Wolf Des fonds oulipiens conservés ou en dépôt à la Bibliothèque de l’Arsenal Par Claire Lesage L’ouvroir de littérature potentiel : un gros potentiel pour l’étude de la langue Par Hervé Le Tellier Présentation du Candide enrichi : le multimédia comme chemins de lecture Par Françoise Juhel Inscription recommandée à l’adresse [email protected] Nombre de personnes limité NRP www.nrp-mag.com Copyright Eric Sempé/BnF Architecte D. Perrault, Copyright ADAGP, Paris, 2014 Édito Compétences et poésie, a priori Yun Sun Limet Directrice de la rédaction Éditeur : Nathan, 25 av. P. de Coubertin 75013 Paris Directrice de la rédaction : Yun Sun Limet Conseillère pédagogique : Claire Beilin-Bourgeois Directeur de la publication : Catherine Lucet Directeur délégué : Françoise Fougeron Responsable d’édition : Annie Chouard Révision : Eva Baladier Assistante d’édition Web : Alexandra Guidal Fabrication : Lucile Davesnes-Germaine Iconographie : Laure Penchenat Marketing/Diffusion : Marielle Bignos, Catherine Coat, Évelyne Delcroix. Impression : NIL, Allée Louis Blériot, 58500 Clamecy Création de la couverture : Christophe Billoret Création des pages intérieures : Élise Launay Réalisation maquette : Alinéa, route de Gallardon 28130 Yermenonville Publicité : Mistral Media, Directeur commercial : Luc Lehéricy ; Directeur de la publicité : David Bichot, 365 rue de Vaugirard 75015 Paris. Tél. : 01 40 02 99 00 Partenariats : Christophe Vital-Durand. Tél. : 01 45 87 52 83 Code article : 111627 N° d’édition : 101 97 362 Dépôt légal : mars 2014 Commission paritaire : 0714T83332 Abonnement 1 an, France (5 numéros) : 39 € ; DOM/TOM : 51 € ; France (5 numéros et 5 suppléments) : 65,50 € ; DOM/TOM : 78,50 € – Abonnement 1 an papier + numérique (5 numéros et 5 suppléments) : 67,50 € ; DOM/TOM : 80,50 € – Abonnement 100 % numérique à partir de 19 € sur www.nrp-college.com – Numéro vert : 0800 032 032 – Abonnement pour la Suisse, EDIGROUP SA, [email protected] – Abonnement pour la Belgique, Edigroup Sprl, email : [email protected] – ISSN 1636-3574 – Prix au n° : 8,20 € Certains exemplaires sont accompagnés d’une offre d’abonnement. ces deux mots semblent n’avoir pas grand-chose en commun. L’un renvoie au savoir-faire, à l’efficacité, l’autre est de l’ordre de la création, du geste libre. Sans doute le professeur de français est l’enseignant qui fait face le plus souvent à ce double registre. Et c’est aussi la singularité et le prix de ce métier. Les séquences de ce numéro vous proposent d’aborder fables, paysages intérieurs ou force de l’engagement pour dire, lire, maîtriser les références culturelles, écrire. « Vous demandez pourquoi ma poésie Ne parle pas du songe, des feuilles Des volcans de mon pays natal Venez voir le sang dans les rues », écrivait le Chilien Pablo Neruda. Ces vers du triste temps de la guerre d’Espagne résonnent encore, dans les rues d’aujourd’hui, proches ou lointaines. Pour écrire ces mots, il faut maîtriser la langue de manière intime, la compétence a valeur de création, de poésie. C’est aussi vers ces questions autour de l’étude de la langue que nous vous invitons le 5 mars prochain à la Bibliothèque nationale de France pour la rencontre NRP de l’année. Des chercheurs, écrivains et enseignants nous proposeront des retours d’expérience, des réflexions et propositions sur ce sujet. Retrouvez ci-contre le programme de la rencontre. Et puisque le printemps est là, celui des poètes, qu’il soit aussi celui de l’épanouissement des élèves… et de leurs professeurs ! Crédits photographiques Couverture : FOTOLIA / Lynea ; 4 ht d : Éditions Nathan ; 4 ht g : Éditions PUF, 2013 ; 5 : Éditions Cheyne ; 6 : DR ; 7 : BIS / Ph. Coll. Archives Larbor ; 8 : DR/ Compagnie Emilie Valantin ; 9 : FOTOLIA / Pavel Losevsky ; 11 : BIS / Ph. Coll. Archives Larbor ; 13 : DR/Maison J. Du Bellay ; 14 : DR / Maison J. Du Bellay ; 16 : PLAINPICTURE / Frank Baquet; 17 : BIS / Ph. Coll. Archives Nathan ; 19 : ARTCOMART / Victor Tonelli, Conception electro acoustique et vidéo Wilfred Wendling, acteur Nicolas Senty ; 20 : BIS/Ph. Jeanbor © Archives Bordas- Félix Lorioux-D.R. ; 22 : BIS / Ph. Coll. Archives Larbor ; 24 : BIS / Ph. Coll. Archives Nathan ; 26 : Photo © Collection Musée Jean de La Fontaine, Château-Thierry / Coll. Archives Sejer,Marc Chagall© Adagp, Paris 2014 ; 30 : FOTOLIA / Keller ; 33 : BIS / © Archives Larbor ; 34 : photo : AKG-images, Henri Rivière © Adagp, Paris 2014 ; 38 : CORBIS / Demotix-Fernando lavoz ; 40 : BIS / Ph. J. Bottet © Archives Larbor ; 41 : BIS / © Archives Larbor ; 44 : BIS / Ph. Oronoz © Archives Larbor, Pablo Picasso © Succession Picasso 2014 ; 45 : DR / Photo : Annie Chouard ; 64 : BIS / Ph. Scala © Archives Larbor. mars 2014 NRP COLLÈGE 3 Livres Actu Essai Christian Chellebourg, Les Fictions de jeunesse PUF, 2013, 234 p., 25 € Du bon usage des fictions jeunesse La lecture de l’ouvrage de Christian Chelebourg montre qu’un livre agaçant, parfois naïf, peut se révéler aussi passionnant et utile. Il est agaçant lorsqu’il évoque Bourdieu uniquement pour condamner « l’aristocratisme austère des professeurs » ; il est naïf lorsqu’il règle des comptes avec la culture légitime en affirmant que la littérature jeunesse est une véritable littérature alors même qu’il ne cesse de glorifier la capacité des fictions jeunesse à passer d’un « support » à l’autre, fournissant ainsi la preuve que le texte est secondaire. Mais l’ouvrage apporte des éléments précieux souvent absents de la formation des professeurs. L’introduction et le premier chapitre étudient la relation du lecteur à l’œuvre ; de façon synchronique autour des notions d’immersion fictionnelle, d’identification, de répertoire de thèmes, puis diachronique par un parallèle avec le roman populaire et en montrant la diversification progressive des supports, du livre aux jeux sur écran. Les chapitres suivants examinent le fonctionnement des récits eux-mêmes, offrant une alternative à l’étude de texte. Des analyses de structures et une réflexion sur le fonctionnement de la fiction peuvent être menées avec une véritable ambition intellectuelle. On fera ainsi étudier les dispositifs qui permettent l’entrée dans l’aventure (rencontre d’un personnage, jeu, cataclysme), la notion d’intertextualité, sous la forme de l’emprunt, de la parodie, de l’adaptation, de la continuation ou de l’interpolation, les représentations des enfants et des adultes (avec une interrogation des valeurs), celles des garçons et des filles. La réflexion sur fiction et vérité s’orientera autour de la critique interne (par l’humour et l’autoparodie, pour le « gore » par exemple), des moyens de faire croire à la féerie par la précision de l’écriture (Tolkien), des motifs (« l’aléthiomètre » d’une héroïne de Philip Pullman), d’une réflexion directe sur le rôle du conteur d’histoire par rapport à la vérité. Dernier et non moindre mérite de l’ouvrage : il constitue une vaste et intelligente bibliographie commentée. 4 NRP COLLÈGE mars 2014 Outil pédagogique 6e/5e Gilles Barraqué, Une histoire à toutes les sauces, Nathan, 2014, 120 p. Le goût d’écrire Concilier plaisir de lecture, jeux d’écriture, apprentissage et réflexion, c’est le pari gagné par Gilles Barraqué avec cet ouvrage qui donne en peu de pages un nombre quasi infini de propositions et de pistes. Le titre énonce le principe du livre : une « histoire » (une anecdote simple), rapportée de façon neutre, est ensuite mise à diverses « sauces » correspondant à des variations de tonalité, de point de vue, de contexte, de forme, etc., chaque texte du livre correspondant à une recette réalisée. On reconnaît le principe des Exercices de style de Raymond Queneau (à qui l’auteur rend hommage) mais adapté de façon à être utilisable en classe. C’est là le mérite particulier du livre. La notion de « sauce » permet de faire comprendre à un élève jeune celle de variation sans être obligé d’entrer dans des explications parfois impossibles. Quant aux divers types de variations, ils sont donnés par des titres parlants et un classement en catégories. On trouve ainsi dans les Recettes selon l’humeur : à la sauce qui exagère (un peu), à la sauce bobard, à la sauce au vinaigre, à la sauce à l’eau de rose ; dans les Recettes du monde : à la sauce africaine, à la sauce martienne, à la sauce sorcière ; dans les Recettes expérimentales : à la sauce à l’envers, à la sauce puzzle, crème d’e (sur le modèle des Revenentes de Perec). Les usages pédagogiques potentiels de ce petit livre sont aussi nombreux que réjouissants : lecture préparée à voix haute de certains textes ; initiation à des notions stylistiques comme le point de vue (Recettes personnelles) ou le pastiche (à la sauce fantasy) ; travail sur le lexique (à la sauce grecque, à la sauce aux gâteaux) ; et, bien sûr, écriture de type atelier. Pour faire écrire les élèves, il est possible de conserver la même « histoire » de base et le nom d’une recette proposée par l’auteur que l’on interprétera à sa façon. Mais l’ouvrage permet aussi de stimuler l’inventivité : en imaginant des catégories et des recettes, une autre « histoire de base », en faisant retrouver une « histoire sans sauce » à partir d’une variation réalisée. Un livre de recettes pour réussir à coup sûr vos préparations de cours d’expression écrite en 6e et 5e. David Dumortier, Des oranges pour ma mère, 44 pages Jean-Pascal Dubost et Katy Couprie, C’est corbeau, 61 pages David Dumortier, Cligne-Musette, 41 pages Collection « Poèmes pour grandir », éditions Cheyne, 5 € La poésie fait-elle grandir ? Éditer de la poésie contemporaine ; maintenir le savoirfaire de l’imprimeur ; concevoir le livre comme un objet qui signifie par chacun de ses éléments : texte, maquette, images ; être fidèle à un lieu symboliquement fort, c’est le pari tenu par les éditions Cheyne, installées au Chambonsur-Lignon depuis 1979. Si Matin brun de Frank Pavloff, apologue antitotalitaire, a connu un succès mérité, on connaît moins les textes poétiques que propose son éditeur : recueils contemporains écrits en français, traductions, revues annuelles. La collection « Poèmes pour grandir » montre que la littérature jeunesse n’a pas forcément pour but de combler des attentes stéréotypées mais peut initier au plaisir de la surprise et de l’écart, donc à la littérature. Trois ouvrages constituent un ensemble cohérent en permettant un passage du récit à la poésie. Des oranges pour ma mère, de David Dumortier, raconte le retour de prison d’une mère du point de vue d’un enfant. Les sensations, les rêveries et les visions intérieures constituent la matière du texte que trament images et métaphores et que donne à voir une illustration consubstantielle à l’écriture. Chercher les passages et les images qui résistent à une première lecture et les soumettre à des hypothèses peut constituer une initiation à l’interprétation littéraire. Avec C’est corbeau, de Jean-Paul Dubost, qui présente une suite de moments partagés par le poète avec un corbeau qu’il a recueilli, on peut travailler sur le rapport entre titres, textes et images, et réfléchir à la notion de récit et de poème. Cligne-Musette, de David Dumortier, recueil de courts textes drôles, montre le travail poétique à l’œuvre dans la surmotivation des mots (« Fée / On lui dit fais ! / Et elle le fait / C’est aussi simple que cela. »). Belle initiation à la dimension connotative de l’effet poétique, qui peut donner lieu à des imitations. Les collages de Martine Mellinette se prêtent à l’écriture de textes inspirés par leur fantaisie désuète. À lire aussi De façon intempestive, voici des livres à lire aussi, encore en mars 2014, même s’ils ont été primés en 2013… Nouvelles Livres Poésie jeunesse Actu Alice Munro, Les Lunes de Jupiter, « Points » Seuil, 358 p., 7,40 €. Prix Nobel de Littérature 2013 pour cette auteure de nouvelles. Le genre et l’écriture de l’écrivain canadien le méritent. Les Français sont peu friands de textes courts, voici une belle manière de se rattraper. Les Lunes de Jupiter sont un ensemble de portraits familiaux et familiers qui oscillent entre le souvenir et le présent, gens simples de l’amérique rurale, milieu que la narratrice a quitté mais qui la constitue, et auquel elle rend ici un hommage vrai, nostalgique et joyeux. Roman Richard Ford, Canada, éditions de L’Olivier, 478 p., 22,50 €. Prix Fémina étranger pour un autre écrivain anglo-saxon, américain cette fois mais signant un magnifique Canada… Un souffle d’écriture parcourt la plaine céréalière tout comme les parkings de voitures d’occasion. Le narrateur, sur la fin de sa vie, raconte les quelques années particulières de son adolescence où il s’est retrouvé, jeune américain gentil et bon élève, déscolarisé, livré à lui-même dans un milieu décalé du saskatchewan… Passage de frontière. Passage de vie. Roman Pierre Lemaître, Au revoir là-haut, Albin Michel, 568 p., 22,50 €. Prix Goncourt. C’est un livre « grand public », mais qui respecte le lecteur. Et ce n’est pas un livre sur 14-18, mais sur les conséquences de ce séisme dans la vie de quelques personnages. Et là, les turpitudes humaines et leur mécanique sont intemporelles. Un premier chapitre à intégrer dans un corpus de textes sur la guerre, à couper le souffle au sens propre… mars 2014 NRP COLLÈGE 5 Pédagogie Actu À la rencontre d’un Prévert méconnu “ Paroles trice ra d’administ Par Anne Remlinger Eugénie Bachelot Prévert, petite-fille du poète Jacques Prévert, a créé la société Fatras afin de gérer et diffuser son œuvre. Rencontre avec Anne Remlinger qui l’assiste dans cette mission, dans l’appartement du 18e arrondissement où le poète a longtemps vécu. Les meubles, les objets qui peuplent son univers sont toujours là et, de la terrasse, on pourrait presque toucher les ailes du Moulin rouge. quelle est de votre point de vue la principale mission de Fatras ? Il y en a plusieurs. Mais on souhaite avant tout réinscrire Jacques Prévert dans un cadre plus large que celui auquel il est cantonné, et rendre compte de la complexité et de la portée de son œuvre. Nous voulons ouvrir des portes, donner des clés qui se sont perdues petit à petit, car il est évident qu’il pâtit d’un malentendu par rapport au monde scolaire, On apprend surtout les poèmes à l’école élémentaire, alors qu’il aurait toute sa place dans le secondaire. Il y aurait un intérêt à étudier l’œuvre complète au lycée, en partant de ses recueils. C’est d’ailleurs un professeur de philosophie qui a suggéré à Prévert la possibilité d’un recueil avec huit textes, qui circulaient de la main à la main, qu’il a rassemblés en 1944. comment expliquez-vous ce malentendu dont vous parlez ? Une des raisons est cette apparente simplicité de son œuvre. Nous voulons en souligner la singularité, donner des angles nouveaux d’approche en insistant sur le fait qu’il vient du surréalisme et que ce qui 6 NRP COLLÈGE mars 2014 apparaît naïf et vieillot s’inscrit avant tout dans cette veine. Prévert n’est pas dans le premier degré mais dans l’ellipse et l’allusion. Le malentendu est peut-être aussi dû à la place centrale du thème de l’enfance qu’on a associé au caractère enfantin des textes. Alors que chez Prévert, c’était une invitation à conserver une forme utile de naïveté et d’émerveillement propres à l’enfance. De son vivant, Il faisait certes des interventions dans les lycées et les écoles à la fin de sa vie, mais il n’a écrit que sept ouvrages pour la jeunesse, comme par exemple L’Opéra de la lune illustré par Jacqueline Duhême, une jeune artiste qu’il a soutenue, comme Elsa Henriquez à laquelle il a offert le texte « Pour faire le portrait d’un oiseau » pour sa première exposition de peinture. De nombreuses éditions anthologiques pour enfant sont posthumes et présentent des textes initialement parus dans les recueils, que la jeune génération méconnaît de plus en plus. c’est paradoxal, car le recueil a reçu un accueil incroyable… À sa sortie, le livre s’est énormément vendu. Malgré les références très historiques et le recours au langage parlé et populaire, très connoté, il a été rapidement traduit dans une vingtaine de langues. Il en reste des chiffres et beaucoup de presse. Une libraire, Adrienne Monnier, a tenu des registres : il s’en est vendu 5 000 en une journée. Et ce n’était pas qu’une ferveur populaire : André Gide, Jean-Paul Sartre se sont précipités sur le livre. Nous possédons aussi des articles de Raymond Queneau ou de Georges Bataille qui soulignent la modernité de Paroles à sa sortie en 1946. Il y avait un véritable phénomène Prévert, une sorte d’engouement, car il cassait des codes de l’expression poétique et était déjà connu par un cercle d’initiés. qu’est-ce qui chez Prévert vous paraît le plus intéressant ? On peut voir sans doute encore dans son œuvre poétique une extrême modernité parce que sa poésie contient en elle-même sa « déconstruction », qu’il donne « à voir », et parce qu’elle est construite par rapport au langage parlé. Cette démarche poétique a fait sa popularité. Il ne faut pas oublier pour autant que, dans les années 1920, Jacques Prévert était une figure du Montparnasse qui fréquentait les bistrots et était renommée pour ses facéties en compagnie de son frère Pierre. Il habitait l’appartement de Marcel Duhamel, qui dirigera plus tard la Série noire, rue du Château, qui est devenue un des repaires des surréalistes. Son premier texte signé est collectif, une pétition de soutien en faveur de Charlie Chaplin en 1927, mais il gardera toujours ses distances avec un certain dogmatisme. Michel Leiris a dit que Prévert était un surréaliste « populaire ». Il se situe en marge d’un courant, mais il en porte les traces. L’homme aussi est très attachant. Jacques Prévert était très pudique sur sa vie intime. Grâce aux documents dont nous disposons, on découvre une personne paradoxale, aussi dans ses engagements : il était pacifiste et on lui a reproché son « quelle connerie la guerre » de la chanson « Barbara ». En fait, il a continué à être engagé bien après le Groupe Octobre dont il écrivait et jouait les textes pendant le Front Pédagogie Actu populaire : il s’est positionné en mai 68, a écrit en faveur d’Angela Davis, a porté les valeurs de la défense de la nature contre le modernisme. Enfin, il y a la question de son travail de collaboration avec des artistes qui mérite vraiment qu’on s’y intéresse. Il a très peu travaillé seul et une de ses valeurs cardinales, c’était l’amitié. On connaît sa collaboration avec des peintres comme Picasso, l’intérêt qu’il manifestait pour la chanson, son travail de scénariste qui intègre des indications pour les acteurs… Justement, en quoi cette œuvre pluridisciplinaire s’adaptet-elle bien aux programmes du collège ? L’enseignement en histoire des arts a ajouté aux contenus pédagogiques un nouvel axe. Nous nous sommes dit que Prévert se plierait bien à cette interdisciplinarité puisqu’il a été scénariste, plasticien, chansonnier, poète… Son œuvre est très influencée par le cinéma. Il s’est nourri, avec son frère Pierre, de films populaires comme Fantomas ou les serials. Ce n’est pas un poète venu au cinéma. Il se revendique scénariste de métier avant tout. Beaucoup de poèmes sont écrits d’un point de vue très visuel et cinématographique avec effet travelling, ralenti… Il a participé à une trentaine de longs métrages et il reste une cinquantaine de projets inédits. Cela permettrait de montrer que ce type d’écrit a une valeur en tant que tel. Les thèmes surréalistes et l’influence du conte sont d’ailleurs beaucoup plus présents et visibles dans ses films. Le titre Paroles peut ouvrir aussi sur la chanson et la force de l’oral par rapport à l’écrit, en nous référant à ses saillies verbales qui l’ont fait connaître avant qu’il ne soit publié. Puis sont venues les collaborations avec des musiciens : Henri Crolla, Joseph Kosma évidemment, et le succès avec les interprètes comme les frères Jacques, Juliette Gréco, Yves Montand. Certains textes pourraient être réinterprétés par des chanteurs plus contemporains, comme cela a récemment été le cas avec un jeune slameur marseillais qui a rencontré du succès. ressources pour tous ceux qui veulent approcher l’auteur. L’appartement est conservé en l’état avec les meubles. C’est un lieu musée, peu ouvert au public. Il abrite des archives et est entièrement financé par les droits d'auteur, ce qui est atypique. Nos missions sont la conservation, l'inventaire et la numérisation des archives, ce qui sous-tend nos actions plus visibles visant à favoriser une meilleure diffusion de l’œuvre. On accueille évidemment les chercheurs. Un chercheur ayant connu Prévert écrit une somme incroyable et nous l’accompagnons dans son projet. Il y a aussi un éditeur qui établit actuellement une anthologie ; nous espérons que les textes, sortis du rassemblement opéré par Prévert dans ses recueils, retrouvent un sens plus actuel et accessible. Enfin, des élèves sortis des écoles d’animation ont répondu nombreux à un appel à projet, et les 13 sélectionnés se sont ainsi lancés dans des courts métrages d’animation, adaptés de 13 poèmes, avec une inventivité incroyable, nourrie de contraintes. Ce projet est fidèle à l’esprit de Jacques Prévert qui a aidé de nombreux jeunes créateurs. Les films seront programmés sur une chaîne de France télévision en mars 2014 sous le titre « En sortant de l’école ». Fatras est un centre ressource qui détient un grand nombre de documents et d’archives : quel usage peut-on envisager d’un tel fonds ? Pour les enseignants, nous projetons une édition numérique multisupports avec des poèmes moins connus, en donnant un éclairage plus historique et biographique sur certains textes. En sortant de l’école n’est pas lié à un souvenir d’enfance. Comme l’a signalé la femme d’Alexandre Trauner, Prévert l’a écrit pour son ami décorateur On veut rendre accessible ce qui ne l’est plus et se positionner comme centre de Envisagez-vous des éditions nouvelles pour ces œuvres ? de cinéma qui était alors caché pendant l’Occupation et intervenait sur les films de façon clandestine. Il sera occasionnellement professeur de dessin à Saint-Paulde-Vence et Jacques Prévert a écrit ce texte pour ses élèves. Ces informations biographiques peuvent permettre à des élèves de s’impliquer davantage dans la lecture. Jacques Prévert n’aurait sans doute pas apprécié d’être réduit à la récitation, lui qui a quitté l’école à 14 ans, et qui a récusé le terme de poète qu’il considérait comme une étiquette. Enfin, de tels documents doivent inclure des extraits de dialogues, des œuvres plastiques comme des collages ou des dessins, les chansons. On ne peut pas inciter les enseignants à étudier Jacques Prévert sans éditions abordables. Nous défendons par ailleurs un projet d’exposition sur Paroles. On pourrait rendre compte de la genèse singulière du recueil, et du rôle déterminant joué par Bertelé, son éditeur, et de la manière dont Michaux, par exemple, est intervenu pour convaincre de la nécessité de publier cette œuvre. Dans une interview, Madeleine Chapsal a déclaré en 1963 que Jacques Prévert était devenu « un nom commun ». Les gens entretiennent encore un lien très affectif à cet homme et une telle exposition pourrait permettre de restituer cette dimension en la rattachant à un contenu et une histoire. Informations pratiques Fatras : www.jacquesprevert.fr Contact archives, documentation, location expositions : [email protected] Contact autorisations, juridique : [email protected] mars 2014 NRP COLLÈGE 7 Spectacles Actu Quand les marionnettes d’Émilie Valantin défient le diable… Par Carole Guidicelli La Compagnie Émilie Valantin reprend Scapin et nous initie aux usages de Faust. À suivre ce mois-ci au Mouffetard – Théâtre des arts de la Marionnette à Paris (inauguré en novembre dernier), puis en province. Pour un théâtre de grand art Voilà trente-huit ans que la Compagnie Émilie Valantin (anciennement Théâtre du Fust) nous prouve que le théâtre de marionnettes est capable de relever les grands défis du patrimoine littéraire, musical et théâtral, voire des textes contemporains. Molière, La Fontaine, Corneille, Haydn, Gounod sont quelques-uns de ses artistes de prédilection, au même titre que Müller, Harms ou Valle Inclán. 8 NRP COLLÈGE mars 2014 Qui a pu oublier ces magnifiques figurines de glace, si délicatement manipulées par des tiges, qui déclamaient les vers du Cid et s’affrontaient en duel dans la chaleur de ce mois de juillet 1996, au Festival d’Avignon ? Qui a pu oublier qu’Émilie Valantin a été la première, en 2008, à faire entrer la marionnette sur le plateau de la salle Richelieu, à la Comédie-Française ? C’était pour la Vie du grand dom Quichotte et du gros Sancho Pança : trente-cinq poupées, et dix comé- Le spectacle cité Les Fourberies de Scapin, du 18 au 23 mars, et Faust et usages de Faust, du 25 au 30 mars, au mouffetard, Théâtre des arts de la marionnette, Paris 5e ( www.lemouffetard.com). Dates de tournée : http://cie-emilievalantin.fr/ calendrier/ diens de la troupe pour les manipuler et leur donner la réplique. De scapin le manipulateur au diabolique Faust Les Fourberies de Scapin (Un Scapin manipulateur, 2006) reposent entièrement sur la virtuosité de Jean Sclavis (Scapin) qui installe, manipule et prête voix aux huit marionnettes de 1,40 mètre qui figurent les autres personnages. L’espace scénique — un jeu de poulies, de contrepoids et de sacs en toile pour ranger les pantins — est simple et efficace. Le jeu de Sclavis/Scapin en est d’autant plus dynamique, comme la mécanique de la manipulation/mise en scène du valet en est plus lumineuse pour le spectateur. Faust et usages de Faust, créé en décembre au Théâtre des Célestins, reprend le même principe. Cette fois, Sclavis est aux commandes d’une quinzaine de marionnettes, variant les échelles et les techniques de manipulation (fils, tringle, marottes, peluches…). Délaissant la dimension « faustienne » du personnage – une soif de connaissance qui le pousse vers la magie –, le parcours dans les œuvres de Marlowe, Goethe, Balzac, et Gounod – et sur le net ! – met l’accent sur les questions contemporaines de désir et de liberté. Faust (à l’effigie de Sclavis), pris entre Mauvais Ange (Jean Sclavis) et Bon Ange (Élie Granger au piano) fait in fine l’expérience de la vulgarité et d’un bonheur facile et factice. « Personne n’est plus esclave que ceux qui se croient faussement libres » (Goethe). L’audiovisuel comme vecteur de réussite au collège Par A.W. Se lancer dans l’aventure du cinéma-audiovisuel signifie, pour un établissement, s’engager à faire acquérir les compétences du socle par des moyens détournés, souvent avec un succès remarquable. Des expériences convaincantes Le fait est notable auprès de publics sensibles, chez qui les approches les plus traditionnelles peuvent se révéler insuffisantes : l’image se révèle alors être un support très fructueux. Dans une académie du Sud-Est, plusieurs collèges ayant choisi cette voie offrent des exemples intéressants. Dans un collège en particulier, une progression sur les quatre niveaux a été peu à peu mise en place ; elle débute avec une 6e « audiovisuel » proposant, en plus des cours réguliers, trois heures d’enseignement de cinéma-audiovisuel, se partageant en une heure de théorie et deux heures de travail en demi-groupe, le tout à l’échelle d’une classe. On poursuit en 5e ce dispositif, sous la forme d’une heure hebdomadaire de pratique audiovisuelle, adossée au dispositif Collège au cinéma. En 4e et en 3e, forts de l’expérience acquise dans les années précédentes, les élèves peuvent passer à la réalisation d’un court-métrage : à raison d’une heure hebdomadaire, la première année est mise à profit pour l’élaboration du scénario, la seconde pour le tournage proprement dit – cette expérience étant couplée avec une activité d’écriture de critique cinéma, avec le concours de l’association Cinéduc. Dans la même académie, on observe des formules légèrement différentes, auprès d’autres établissements ; ainsi, après un cycle de deux ans – en 6e et 5e – centré sur la grammaire de l’image et la familiarisation avec la cinématographie patrimoniale, la pratique de l’image prend-elle pour cadre les IDD – itinéraires de découverte – centrés sur les métiers de l’image, au cours des deux années suivantes. Les conditions de la réussite Des effectifs modestes restent les conditions de succès d’une telle entreprise ; dans le premier cas, l’expérience est menée tout au long du cycle sur une seule classe ; dans le second, si une classe seulement est concernée en 6e et 5e, l’IDD permet d’en impliquer trois à partir de la 4e – seul un groupe réduit d’élèves se retrouvant finalement concerné. Il importe également de prendre en compte la lourdeur des moyens engagés : le matériel de captation audio et vidéo, les supports d’enregistrement et le matériel de montage représentent un coût élevé que l’établissement doit majoritairement financer sur ses moyens propres, à moins de bénéficier d’une aide du conseil général, de la DRAC ou de la DAAC locale. Enfin, dans les deux cas, un partenariat apporte au projet une Collèges d’ici Actu garantie de faisabilité ; dans le premier cas, le CUCS – contrat urbain de cohésion sociale – permet à l’établissement de bénéficier du soutien artistique et technique de la cinémathèque. En l’absence d’une véritable « option cinéma-audiovisuel », ces expériences ne doivent leur pérennité qu’à des équipes unies et motivées : c’est à la fois leur force et leur faiblesse. Aussi est-il souvent nécessaire de les inscrire dans une logique de parcours vertical, partant des écoles primaires de secteur pour déboucher sur un lycée possédant ses propres options CAV – mais les cas sont encore trop rares. En attendant, on peut attendre de ces activités audiovisuelles qu’elles constituent entre les cycles (école/ collège ; collège/lycée) ce vecteur de rapprochement et de liaison qui fait si souvent défaut. mars 2014 NRP COLLÈGE 9 Cinéma Actu Regards libres : le réel à l’épreuve des sens Par Marie-Laure Guétin Le CRDP de Lyon vient d’éditer un DVD qui rassemble cinq courts métrages questionnant la relation au réel, et développant une commune expérience anthropologique et esthétique. Celle-ci prend la forme judicieuse et didactique d’un étonnement devant le monde : la perception que l’on en a, le sens qu’on lui attribue, et les mystères qu’il embrasse. Fiction et documentaire Loin du cloisonnement habituel, la sélection regroupe trois documentaires et deux films de fiction, invitant d’emblée à réfléchir sur l’établissement et la porosité des frontières entre ces deux modalités cinématographiques. La prérogative du documentaire ne saurait être simplement de trouver une forme permettant de rendre compte du réel, puisque les films fictionnels relèvent de cette même intention. Ainsi, la séquence caméra à l’épaule dans Le Chœur (1982), réalisé au sein du Kanun par Abbas Kiarostami, pourrait s’inscrire dans un film documentaire sur la vie d’un marché en Iran. Un même aspect informatif et une comparable implication du cinéaste, en prise directe dans les rues de Dakar, parcourent Petite Lumière, film fictionnel d’Alain Gomis (2002). L’un des parcours pédagogiques proposés par le DVD ainsi que le film Regards libres (Romain Delange, 2005), au dispositif formel exacerbé, conduisent ainsi à différencier le documentaire du reportage par la subjectivité assumée du point de vue, et à rappeler que le documentaire, c’est aussi du cinéma. La réflexion peut alors se poursuivre au gré d’une autre parenté qui concerne la dimension narrative incluse dans chacun des films au programme. Des récits autobiographiques de L’Illusionniste (Alain Cavalier, 10 NRP COLLÈGE mars 2014 1992), aux histoires qu’imaginent les enfants devant le tableau abstrait de Jérémie Chabaud (Regards libres), en passant par les récits que construit Fatima à partir de son environnement quotidien (Petite Lumière), la confrontation au monde se nourrit d’histoires afin de l’élargir, de l’expliquer, pour finalement le réinventer. Expériences sensibles L’épreuve du réel, qui se constitue donc à partir d’un étonnement heuristique, recourt essentiellement à la perception : ce qu’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on sait sont sujets à transformations, substitutions et lacunes. Quelque chose du réel manque ou s’abstrait, afin de donner une réalité concrète, physique aux questions philosophiques qui sillonnent les films, allant de la puissance de l’œuvre d’art à la cosmogonie, des facultés de l’imagination aux limites de la condition humaine. Tous les films développent en cela de véritables expériences sensorielles pour les personnages et les spectateurs. Tour à tour se révèle le pouvoir d’évocation de la parole (les commentaires des enfants sur un tableau que l’on découvre à la toute fin, dans Regards libres), et plus largement du son, quand affleure, par le dépouillement d’un cadrage ou la portée du hors- champ, le trouble de l’être humain, celui du vieillard gardien de la loi du silence qu’il impose, celui encore de l’illusionniste évoquant ses trois vies, filmée seule, frontalement. L’on comprend aisément dès lors que ces films en appellent superlativement à des dispositifs formels aussi simples qu’efficaces, permettant de familiariser les élèves avec le vocabulaire et les partis pris de l’écriture filmique. Chaque mise en scène souligne ici combien c’est par la force suggestive du hors-champ, de ce qui se joue ailleurs, alentour, ou encore à contretemps, que le cinéma pense le rapport de l’homme au monde. Personnages-interprètes L’expérimentation des sens que poursuivent les films s’appuie amplement sur la présence de personnages-relais, intermédiaires d’une certaine perception du monde ainsi qu’objets en eux-mêmes du spectacle. Là encore les films brouillent la distinction entre régimes fictionnel et documentaire, tant la limite entre la « vraie » vie et le rôle est parfois ténue, ce qu’illustre parfaitement Antoinette filmée par Alain Cavalier. Les conditions de tournage, rapportées dans les entretiens avec les cinéastes, expliquent le sentiment de proximité qui se dégage corrélativement à la très grande fragilité et fugacité des êtres ainsi portraiturés. Le plus extrême à cet égard reste GbangaTita (Thierry Kneuff, 1994) qui est constitué d’un plan séquence de cinq minutes sur le visage de Lengé, Pygmée baka, « dernier conteur » parmi les siens, dans une forêt du Sud-Cameroun. Présenté comme celui qui connaît les récits du début du monde, il transmet ici un conte entremêlé de chants à des enfants dont on entend les voix. Fruit d’un hasard de tournage, la caméra saisit alors bien plus qu’un documentaire, un instant de grâce serti dans une pratique existentielle et ancestrale, vouée à disparaître avec Lengé, quelque temps après la fin du tournage. Actu Histoire Cartographier l’imaginaire Par Alain Barbé Quand la géographie, science du réel, se confronte aux représentations de l’imagination. Fantasy Le générique de Game of thrones survole une carte animée où des villes mues par des rouages complexes apparaissent, croissent, périclitent au fil des épisodes. Les sept royaumes de Westeros dessinent vaguement le contour des Îles britanniques, mais c’est bien d’un monde imaginaire qu’il s’agit. Dès sa parution, le roman de George R.R. Martin a sacrifié au rite de la carte de fiction, qui caractérise la fantasy. L. Franck Baum, le premier, y a recours pour son Magicien d’Oz. La carte du pays d’Oz, publiée en 1914, reste sommaire. Par sa forme elle évoque le tracé de l’État du Kansas, où commence le récit. Le pays d’Oz apparaît donc comme le double magique d’un territoire bien réel. Tout autre est l’ambition de Tolkien. Les cartes publiées, avec l’aide de son fils Christopher, pour illustrer Le Seigneur des Anneaux sont devenues l’archétype de la cartographie de fiction. Un système cohérent Les cartes de Tolkien se présentent comme des cartes anciennes, médiévales, en accord avec le temps de la fantasy. Cependant, Tolkien, agent de liaison pendant la Grande Guerre, connaissait parfaitement les règles de la cartographie moderne. Il intégra progressivement la notion d’échelle dans les dernières cartes publiées. L’appréciation des distances était pour lui essentielle car il avait une vision topographique du cheminement de ses héros, et dessinait au fil de l’écriture de nombreux croquis géographiques. Certaines de ses descriptions sont dignes d’un Vidal de La Blache : géologie, végétation, topographie du terrain, rien n’est oublié. La création de Tolkien frappe par sa cohérence et sa complexité. Un cartographe américain, K. W. Fonstad, a publié un Atlas of Middleearth (dernière édition révisée en 2001) qui n’a rien à envier aux ouvrages équivalents pour notre monde réel. Un objet géographique Les terres du Milieu sont devenues un espace géographique à part entière. Le Dictionnaire Tolkien comporte un article très complet sur le sujet. Des chercheurs de l’université de Bristol viennent de livrer le résultat de leur étude sur le modèle climatique dans les terres du Milieu ! Deux géographes du lycée Lakanal, Damien Blanchard et Stéphane Partiot, se sont attachés à l’analyse des villes et des territoires urbains dans Le Seigneur des anneaux, qu’ils appréhendent comme « géographiquement plausible ». Jean-Benoit Bouron, dans une étude publiée par le Comité français de cartographie, affirme le droit à l’imagination géographique. Il démontre que l’imaginaire peut nourrir la réflexion cartographique et qu’en retour les cartes enrichissent l’imagination. Il souligne aussi l’intérêt pédagogique d’utiliser la fiction pour mieux penser le réel. Le pôle arctique vu par Mercator, 1595. Des limites floues Si les géographes redécouvrent les vertus de l’imaginaire, les cartographes ont longtemps eu un rapport ambigu à la réalité. Au xviie siècle, certains tentent encore de situer le pays des Amazones. Le respect des traditions s’allie ici à une manie du métier : la carte a horreur du vide. La revue Carto en donne des exemples dans sa rubrique « Cartes imaginaires ». Une carte éditée vers 1590 dessine un lac au cœur de l’Amazonie. Dans le souci de représenter l’ensemble des terres, y compris celles restées inexplorées, Mercator, père de la cartographie moderne, n’hésite pas à figurer un pôle Nord composé de quatre grandes îles. La rencontre entre l’imaginaire et la cartographie est donc une longue histoire. La carte reste une représentation où la limite entre fiction et réalité se révèle souvent mouvante et floue. À lire • D. Blanchard, S. Partiot, Tolkien en • • • géographie, villes et territoires urbains dans le Seigneur des Anneaux, www. editions-polaire.com/revue-polaire. J.L. Bouron, « Cartographier l’imaginaire, un exercice géographique », C.F.C., n° 205, 2010. V. Ferré (dir.), Dictionnaire Tolkien, CNRS éditions, 2012. Magazine bimestriel Carto, le monde en carte, site internet : www.carto-presse.com/. mars 2014 NRP COLLÈGE 11 Lire au CDI Actu Jetons l’ancre pour l’encre des poètes Par Christine Bruner, Fadben Pour nombre d’élèves les écrivains sont souvent éloignés de l’humanité ordinaire, alors, quand il s’agit de poètes, un quelconque degré de parenté semble plus qu’improbable. En effet, la faculté à écrire des poèmes revêt un caractère qui tient au moins de la performance, sinon d’un don à l’origine bien incertaine. Quant à la lecture de poèmes, même si les élèves perçoivent un intérêt sensible lors d’une lecture obligée, la poésie reste trop souvent, à leurs yeux et pour les plus téméraires, un ensemble de jolies phrases quelque peu hermétiques. Écrire un poème, pour eux, c’est une opération quasi impossible : « Comment on fait pour trouver les mots, et les rimes ? » De l’exposition au poème La projection aux élèves, d’une classe de quatrième, d’une exposition virtuelle que l’on trouve sur le site Internet de la Bibliothèque nationale de France (Homère ou bien Victor Hugo) est une entrée en matière originale pour introduire un travail sur la poésie. Après la prise en compte des réactions des élèves, le travail demandé leur sera exposé. Durant les différentes séances pédagogiques, qui se dérouleront au CDI, les élèves seront accompagnés par le professeur documentaliste et le professeur de français avec la collaboration du professeur d’arts plastiques. Les consignes : les élèves en binômes, nombre d’or du travail de groupe, feront des recherches au CDI avec l’objectif d’une production finale sous le format « Powerpoint » restitué oralement lors de la seizième édition du Printemps des Poètes 2014, du 8 au 23 mars. Des efforts particuliers seront demandés aux élèves afin que les informations projetées soient complémentaires de l’exposé oral qui sera fait. Le produit fini comprendra sept diapositives : un titre, un sommaire, une introduction, quatre diapo12 NRP COLLÈGE mars 2014 sitives sur le cœur du sujet, une conclusion, une bibliographie, une illustration créée avec l’aide du professeur d’arts plastiques, et non une capture d’image trouvée au hasard du web. Trouver le poète La question « Peut-on dire que le poète est le reflet de son époque ? » sera le point de départ de la recherche des élèves et le fil rouge qui les guidera tout au long de leur travail. Un choix de poètes français, ce sera l’occasion de découvrir le poète Max Jacob, mais aussi francophones leur sera proposé, parmi lesquels Léopold Sédar Senghor, Léon Gontran Damas, Aimé Césaire. Chaque binôme travaillera sur deux poètes hommes n’ayant pas vécu à la même époque, et s’intéressera aux œuvres d’une poétesse francophone. Une courte biographie sera réalisée pour chacun des poètes. La guerre, l’exil, la résistance, l’amour, la mort seront les thématiques des poèmes. Les élèves compareront les poèmes entre eux, en utilisant les critères de genre poétique, de forme, de rime, de champ lexical utilisés pour jouer avec le lexique et jongler avec la sonorité des mots. Ils découvriront à la fois le style propre à chaque poète, ce qui fait qu’il est unique et ancré dans son époque et l’intemporalité de son poème, de son message qui s’adresse à la sensibilité du genre humain, au-delà du temps. En effleurant l’universalité de la création poétique ils goûteront à la saveur de l’aventure humaine. Ils côtoieront la musique du poète sur le rythme des valeurs d’humanité. Du poème à la chanson Férus de chansons, les élèves poursuivront leur travail en cherchant une chanson qui se rapprochera le plus possible du thème de départ choisi. Grand Corps Malade, Stromae, Indochine ou Bénabar entre autres pourront aider les élèves à sentir la proximité entre la poésie et la chanson. Pour créer il faut : choisir une citation sur la poésie, qu’ils illustreront, en faisant appel à leur imagination et à leur fantaisie, guidés par leur professeur d’arts plastiques ; écrire à leur tour un poème, en chahutant les mots, en les mélangeant, en les apprivoisant, en les écrivant autrement pour tenter peut-être de dire l’indicible dans un refuge intime. Grâce à ce travail d’écriture, ils auront créé « un grain de poésie » et deviendront pour d’autres peut-être « professeur d’espérance » attendu. Bibliographie Pour écrire L’Agenda du (presque) poète, par Bernard Friot, De La Martinière Jeunesse, 2011, pour se familiariser en toute simplicité avec l’écriture de la poésie. Le Dictionnaire des rimes et assonances, Le Robert. • • Pour lire : Les poètes ont toujours raison, éditions L’Edune, Rascal, sélection de poèmes sur des thèmes universels. Travaux publics de Bénabar, éditions Thierry Magnier, l’intégralité des textes du chanteur français. Naviguer dans les marges, par Luce Guilbaud, Soc & Foc. Amour toujours, par Armand Le Poète, Gros texte. Dans mon oreille, par Philippe Annocque, Motus. • • • • • Pour voir : Expositions sur la poésie sur le site de la BNF : Victor Hugo, Homère. La 16e édition du Printemps des poètes. • • d’écriture « Les mots m’ont pris par la main » (Aragon, Le Roman inachevé) Par Édith Wolf Le printemps des poètes fait depuis seize ans du mois de mars celui de la poésie, donc le moment idéal pour aborder ce genre en classe. Et l’atelier d’écriture est le meilleur moyen de commencer une séquence en initiant les élèves de façon active au travail poétique de la langue. L’ensemble des exercices proposés a pour but une exploration de diverses manières de considérer les mots : entrer dans la poésie, c’est découvrir un autre regard sur les mots, les considérer en eux-mêmes, les faire jouer entre eux, comprendre comment ils signifient et déclenchent le travail de l’imaginaire. Mots courts/ mots longs • Voici des mots d’une syllabe : feu, là, voir, bleu, coq, court, qui ?, où ?, loin, train, moi, nous, tout, clair, if, vif, vie, mort, fort, court, seuil, jeu. Donnez leur nature grammaticale. Cherchez-en d’autres de diverses natures grammaticales et qui vous plaisent. Écrivez un texte poétique constitué uniquement de mots d’une syllabe. Son titre sera un des mots de la liste qui vous a été donnée. Lisez votre texte à haute voix, lentement. Commentez l’effet produit par les mots courts. Tous niveaux. • Voici une liste de mots de trois syllabes ou plus : dodeliner, perpétuel, métamorphose, virevolter, silencieux(euse), photographie, horizon, escargot, lumineux, chuchoter, transparent(e), amoureusement, entremêlé(e), mélancolie. Choisissez quatre d’entre eux et décomposez-les pour faire surgir les mots courts qu’ils contiennent en observant l’exemple proposé. Puis écrivez un court texte dans lequel vous emploierez le mot long et le plus possible des mots courts qu’il contient, ainsi que des termes qui leur ressemblent par la sonorité. Exemple : Silencieux : cil, lance, cieux ou s’il, anse, yeux, ou silence, lieux, se, île, an, scie, eux. On pourra aussi employer ciel, soucieux, asile, lenteur. 4e/3e. À l’inverse, il fait l’éloge du mot couverture qu’il juge bien adapté à ce qu’il désigne. Voici une liste de mots : faim, eau, infini, ordinateur, chat, chemin, ver, frire, chocolat, tristesse. Choisissez-en deux pour lesquels vous émettrez une critique comme l’a fait David Dumortier pour été, et deux qui vous paraissent satisfaisants en expliquant pourquoi. Vous pouvez parler de la longueur du mot, le diviser en parties et commenter le résultat de cette division, dire qu’il fait penser à d’autres mots, parler de ses sonorités et de son image sur la page. 5e, 4e, 3e. Atelier d’écriture Actu Le carnet Au pays des mots Voici des mots ou locutions qui ne désignent pas d’élément concret : nulle part, jamais, solitude, bonté, demain, oubli. Choisissez un de ces mots et imaginez qu’il soit le nom d’un pays : Le pays de Nulle part, le pays de Jamais, le pays de la Solitude. Imaginez ensuite cet endroit dont vous décrirez la géographie, le climat, les habitants et leur mode de vie (travail, vie familiale, règles de la société, langue, loisirs, habitudes alimentaires). Tous niveaux. Mots critiqués Un poète contemporain, David Dumortier commente ainsi le mot « Été » : « En trois lettres, c’est bien court pour des vacances1 ! » 1. In Cligne-musette, poèmes diminutifs et gymnastiques, Cheyne éditeur. mars 2014 NRP COLLÈGE 13 Maisons d’écrivains Actu Joachim du Bellay à Liré Par Adeline Pringault Pays de la Loire Il n’est besoin ni d’objets ni de meubles pour que les lieux soient chargés de l’histoire, des mots et de l’esprit de celui qui y vécut. C’est ce qu’ont voulu nous rappeler les Liréens en créant le musée de Joachim du Bellay et en nous invitant au château de la Turmelière. Joachim du Bellay y naquit en 1522, mais, du château de ses ancêtres, il ne reste que des ruines qui offrent une promenade agréable et romantique au visiteur sans lui donner l’idée concrète de ce que pouvait être la demeure du jeune poète. Comme le château, le bourg entier de Liré fut détruit en 1794 lors des guerres de Vendée, ne survécut que le « Grand Logis », demeure Renaissance ayant appartenu à la famille du poète, mais où il ne vécut jamais. Le musée s’y installa en 1957. Le défi était beau : il fallait en cette absence de preuves matérielles offrir au visiteur inspiré un parcours qui lui fît rencontrer Joachim du Bellay. Les lieux devinrent donc des lieux d’interprétation qui proposent au visiteur de lire de la poésie dans un cabinet de lecture tel que Joachim dut le faire, d’écrire à la plume d’oie ou de réunir autour d’un mobilier reconstitué des poètes apprentis ou chevronnés. L’esprit de La Pléiade n’est pas loin et il suffit d’un brin d’imagination pour entendre le poète dire en sa langue nouvelle ses vers célèbres ou pour voir à travers le regard ménagé dans le cabinet de lecture un ami, un poète, frapper à la porte. Ces lieux sont vivants grâce surtout aux ateliers et aux activités qui y sont proposés. Vous pouvez organiser pour vos élèves une « Journée du Bellay ». Elle se déroule sur les INFOS PRAtIQuES • Pour y aller Liré se situe au sud d’ancenis. accès par angers et Nantes : a11 sortie « ancenis » (ou D723). • Le musée Joachim du Bellay Pour tout renseignement et pour parcourir quelques fiches pédagogiques (mais de nombreuses informations supplémentaires vous seront données au musée) : http://museedubellay.over-blog.com/ • Le château de la Turmelière Pour organiser une « Journée du Bellay », contactez le site : http://www.turmeliere.org/ • Les 7es Lyriades : 2 au 6 avril 2014 http://www.leslyriades.fr/ 14 en région NRP COLLÈGE mars 2014 deux sites, distants de 2 kilomètres. La visite du musée que les élèves parcourent livret en main, et en écoutant les lectures et anecdotes de l’animatrice, est enrichie d’un atelier que le professeur aura préalablement choisi. Mon coup de cœur va à l’atelier calligraphie, mais les élèves peuvent aussi créer leur groupe de poésie ou s’affronter dans un quiz Renaissance. La deuxième partie de la journée se déroule au château : les ruines offrent une idée de la grandeur du château primitif, puis les élèves ont la chance de découvrir sur le même domaine les salles du château actuel, reconstruit à la fin du xixe siècle dans le style Louis XIII. Là s’organise un bel atelier d’écriture ludique et poétique ou, au gré du professeur, un atelier reliure ou une découverte du sonnet Tant au musée qu’au château, les offres d’activités littéraires sont variées et dynamiques. De plus, les responsables de ces activités sont ouvertes à toute proposition autour des mots, de l’écriture, de la lecture et de la Renaissance. Ainsi, on pourra organiser cette visite avec le professeur d’histoire et davantage axer les activités sur l’architecture et sur les modes de vie. Il est possible aussi de prévoir des séjours plus longs à la Turmelière qui propose des activités sportives et de découverte de la nature. Chaque année, à l’occasion de la Semaine de la langue française (15 au 23 mars 2014), le musée organise un concours de poésie, « Dix mots m’ont dit ». Et, tous les deux ans, se déroulent à Liré les Lyriades de la langue française et les Lyriades-jeunesse, dont la 7e édition, qui se tiendra du 2 au 6 avril 2014, aura pour thème « Langue française, chant, chanson et musique », décliné pour les collégiens en « Le français en chantant ». En parallèle aux rencontres jeunesse, des journées de formation continue sont ouvertes aux enseignants. Dossier Le travail sur la poésie et les compétences Par Jean-Michel Zakhartchouk A priori, des différents domaines de travail de la classe de Français, la poésie paraît la plus éloignée d’une approche par compétences. On connaît bien les dangers du technicisme, qui guettent certaines propositions de manuels scolaires trop préoccupés par un apprentissage de techniques de versification ou d’illustration de figures de rhétorique, au risque sommaire Dépasser l’opposition entre « technicisme » et « spontanéisme » ––––––––––––––––––– 17 Les grands axes de notre approche ––––––––––––––––––––––– 18 une démarche plus que jamais actuelle–––––––––––––––––– 19 16 NRP COLLÈGE mars 2014 d’en oublier le sens et de négliger l’approche sensible. À l’inverse d’ailleurs, l’appel à l’émotion, aux sensations, dans une perspective très spontanéiste, s’avère tout aussi désastreux et contre-productif. Danger de faire croire aux élèves que la poésie peut naître sans techniques, sans mobilisation de ressources diverses, du plus profond de l’être ! Fondées sur une approche par compétences, les trois séquences qui vous sont présentées dans ce numéro attestent qu’il est pourtant possible d’éviter ce double écueil, en illustrant différentes facettes d’un travail sur la poésie : – en sixième, autour des fables ; – en cinquième, autour de l’expression d’émotions suscitées par des paysages ; – en troisième, autour de la poésie engagée. Le travail sur la poésie et les compétences Dépasser l’opposition entre « technicisme » et « spontanéisme » Précisément, l’approche par compétences nous paraît offrir un cadre tout à fait pertinent pour dépasser ces oppositions entre technique et sensibilité. Puisqu’il s’agit pour les élèves d’une part de mobiliser de nombreuses ressources (savoirs, savoir-faire, attitudes, références culturelles, lectures de textes et d’images) pour réaliser une tâche, une production, quelque chose qui ressemblerait à une « œuvre » faisant appel aussi à la sensibilité et à l’émotion. Cellesci doivent être nourries, mais en retour elles donnent du sens à l’habileté ou à la connaissance de textes pouvant servir de « modèles ». moins que jamais il ne faut opposer la construction de connaissances et l’acquisition d’une culture ou la manifestation d’une sensibilité et d’une créativité pour une part personnelles. Loin de micro-compétences (savoir rimer, savoir écrire un quatrain…), il s’agit bien ici d’exemples de mobilisation de ressources, guidée par le professeur, afin d’aboutir à une production satisfaisante et évaluable selon des critères précis. rien d’éthéré ou d’ineffable là-dedans mais plutôt l’occasion, sans aucun doute, d’éveiller ou réveiller des compétences cachées ou trop en sommeil. Et on est bien ici dans des situations complexes lorsqu’il s’agit d’utiliser au mieux une image pour produire un poème, que cette image soit choisie ou proposée, lorsqu’il s’agit d’utiliser tout ce qu’on a appris sur un genre de textes, qui va au-delà de la poésie (littérature engagée) et qui peut s’incarner « Dossier compétences inclut nécessairement la différenciation pédagogique. Guidage plus ou moins fort. Contraintes plus ou moins exigeantes (celles de la rime nous semblent bien moins importantes que le respect du rythme ou la production d’images, même maladroites ou stéréotypées). mais rappelons une condition pour que tout cela fonctionne : la validation d’un « item » ne nécessite pas un niveau d’excellence, même si celle-ci peut et doit être recherchée pour tous les élèves qui peuvent y parvenir. Les grands axes de notre approche Comme dans le précédent dossier sur l’enseignement du français par compétences (novembre 2012), on retrouve ici plusieurs aspects de nos propositions de travail : – l’importance de la réécriture, à partir d’un premier jet (qui, contrairement à ce qu’on pourrait faire dans le travail sur le texte narratif, n’est pas forcément placé au départ de la séquence), qui sera souvent le point de départ de la mobilisation de ressources pour l’améliorer, voire pour le remanier complètement ; – les liens étroits entre lecture et écriture, même si ici l’écriture est plutôt l’objectif et la lecture mise au service de l’objectif. Pas de production de poésie engagée sans lire aragon, Eluard et quelques autres, pas de production écrite de fable sans une consultation suffisamment abondante de textes de La Fontaine ; Recherches calligraphiques de Robert Delaunay pour L’Alchimie du Verbe d’Arthur Rimbaud, 1914. L’approche par t compétences inclu nécessairement la différenciation pédagogique. » aussi dans une culture familière aux élèves, de transposer une planche de bande dessinée en texte poétique (c’est une des compétences du socle que de savoir passer d’un code à un autre) et de réutiliser un savoir historique comme « sujet » d’une fable à la fois contextualisée et universelle. Notons au passage que nombre de nos propositions peuvent varier selon le type de classes ou selon la composition de celles-ci. L’approche par mars 2014 NRP COLLÈGE 17 – l’inscription du lexique et des notions grammaticales comme ressources, ce qui leur redonne du sens, loin des activités gratuites et formelles. Il s’agit bien de faire prendre conscience de la richesse que constituent ces ressources au lieu de les considérer comme d’épouvantables contraintes qui mènent si on ne les respecte pas aux célèbres « incorrect » et « mal dit » ; – l’effort pour présenter tout ce qui relève des références culturelles sous un jour plaisant, « aimable », notamment par l’utilisation de l’image, par les ponts avec des pratiques plus familières pour un grand nombre d’élèves, par le recours au ludique. À cet égard, la référence à l’auteur le plus célèbre de la littérature française (La Fontaine), à des poèmes très connus qui font partie du patrimoine et les effets de contextualisation qui nous font lire certains textes de Résistants différemment entre hier et aujourd’hui, tout cela va dans le même sens : organiser le partage d’un patrimoine, qui s’approprie tellement mieux quand les élèves produisent des textes. Les compétences, une mode venue d’ailleurs ? On entend beaucoup dire que les compétences, ce ne serait pas un produit made in France, ni « Éducation nationale ». Une importation, voire une intrusion dans notre tradition scolaire et culturelle française. Qu’en est-il vraiment ? Il est vrai que la notion de « compétence » a un succès international et que beaucoup de systèmes éducatifs s’en réclament. Mais est-on sûr de parler toujours de la même chose ? Oui, il peut exister des conceptions très réductrices d’une approche se résumant à une méthode standard, qu’on retrouve parfois dans des applications dogmatiques aux systèmes scolaires, en Afrique par exemple. Oui, la tentation existe, sous prétexte de rapprocher l’école et la vie, qui est en soi un excellent principe, de trop axer les pratiques en classes de langue maternelle vers l’utilisation et l’analyse d’écrits du quotidien. Il y a quelques années, le ministère québécois de l’Éducation a dû repréciser l’importance de la « dimension culturelle » d’un enseignement qui semblait ne pas la prendre suffisamment en compte1. Cependant, si on lit bien ce texte très intéressant qu’est « Huit recommandations du Parlement européen pour l’éducation et la formation tout au long de la vie » paru en décembre 2006, l’approche culturelle y a toute sa place à travers la compétence 82 : « développer la sensibilité et l’expression culturelles », qui implique la conscience de l’importance de l’expression créatrice d’idées, d’expériences et d’émotions sous diverses formes (musique, arts du 18 NRP COLLÈGE mars 2014 spectacle, littérature et arts visuels). » Mais sans doute faudrait-il mettre en évidence que cela implique la fréquentation de nombreuses œuvres, la mobilisation de savoirs culturels, l’appropriation d’un patrimoine, tout ce que prône en fait l’école française depuis longtemps, sans forcément s’en donner les moyens justement, par une pratique plus active des élèves. En fait, ce que nous présentons ici va bien dans le sens du développement de la créativité des concepteurs comme des apprenants à qui elles vont être proposées. Et nous sommes confortés en cela par l’adjonction du terme « culture » au socle commun, non pas comme la cerise sur le gâteau, mais comme ce qui donne le sens du reste. Il s’agit bien de bâtir une culture commune où il s’agit à la fois d’être actif et acteur. Il semble que le Conseil supérieur des programmes, dont le président est d’ailleurs un lettré ancien enseignant de français soit sur cette position-là. L’approche par compétences doit garder ce qu’il peut y avoir de meilleur dans la tradition française : un souci de qualité et d’exigence, l’attachement à un patrimoine littéraire et artistique, une valorisation de ce patrimoine qui fait réagir a contrario lorsqu’un homme d’État semble se moquer de l’étude d’un grand classique du xviie siècle et qui nous fait célébrer chaque année des centenaires d’artistes ou d’écrivains. Mais cela doit s’accorder avec une approche plus active, plus tournée vers le faire. Et il est alors possible de tirer parti de manières de travailler répandues dans d’autres systèmes éducatifs tout en gardant le meilleur de notre tradition. Il n’y a pas de contradiction au fait de travailler sur des textes littéraires et par exemple se documenter, avec esprit critique, sur les sujets les plus divers comme on le fait davantage dans les pays scandinaves ou anglo-saxons. Pour nous, quelques critères essentiels permettent en fait de cerner ce que doit être une approche par compétences conforme aux objectifs de formation d’un citoyen de demain : – la confrontation des élèves à des tâches riches et variées ; – l’importance accordée aux œuvres patrimoniales comme supports de travail (mais pas seulement !), mais en les mettant en lien avec le présent et les cultures plus familières aux élèves ; – une diversification des modes d’évaluation, les grilles étant plus des repères que des fins en soi ; – le recul critique devant la notion même de compétence, tout ne se réduisant pas à elle. Cette réflexion sur le bon usage des « compétences » semble partagée dans nombre de pays et nous met en posture d’acteurs et non d’exécutants. Dès lors, les exemples et références ne sont plus des modèles à suivre, mais toujours à dépasser et à adapter à son propre contexte. 1. http://tinyurl.com/po5tb8e 2. http://tinyurl.com/p64crph Le travail sur la poésie et les compétences Dossier « Ce que disent les voix » : performance et installation réalisée d’après les poèmes de Luc Boltanski, 2007. Une démarche plus que jamais actuelle Nous sommes aujourd’hui dans une phase d’interrogations sur le contenu du socle commun, qui va déboucher sur une réécriture de celui-ci par le Conseil supérieur des programmes avec pour cahier des charges de mettre en conformité les programmes avec le socle (et non l’inverse). Il envisagera aussi d’autres modes d’évaluation et inscrira davantage les démarches selon les niveaux et les cycles dans un « parcours » pluriannuel. Notre démarche d’enseignants de l’académie d’amiens, tous ayant ou ayant eu la pratique de classes ordinaires en collège, s’inscrit dans un travail de longue durée autour des compétences, qui date de plusieurs années, mais qui est particulièrement d’actualité. Beaucoup d’enseignants, à juste titre, reprochent à l’institution, surtout dans notre matière, de ne pas avoir proposé davantage d’exemples de travail non pas idéal, mais tout à fait « normal » et dans un cadre réaliste. Nous souhaitons avoir contribué ici à cette demande, en présentant un ensemble cohérent, chacun de nous ayant relu les séquences des autres, ces séquences étant aussi nourries de nos lectures et de nos échanges. En particulier, nous nous référons à tout le travail mené sur le sujet par l’équipe des Cahiers pédagogiques, associé ici à la NrP pour vous inviter à une démarche novatrice… qui, nous l’espérons, ne le sera plus demain ! À vous de jouer ! Et de nous apporter, sur le forum de la NrP, vos remarques, vos suggestions, vos interrogations… REPÈRES BIBLIOGRAPHIQuES • Cahiers pédagogiques : Travailler par compétences n°475, octobre 2009, coordonné par Vincent Guédé et anne Hirribaren, du collège Clisthène de Bordeaux. Un document essentiel, complété sur le site des cahiers pédagogiques par d’autres contributions. Disponible uniquement en numérique. • Cahiers pédagogiques : Maîtrise de la langue. Compétence 1 du socle commun, n°495, février 2012, coordonné par anne Hiribarren et Jean-michel Zakhartchouk. maitrise de la langue et compétences : un couple que l’on peut apprendre à faire danser souplement. • Travail par compétences et socle commun, CrDP d’amiens et CraP, Jean-michel Zakhartchouk (avec la collaboration de rolande Hatem), préface d’alain Bouvier (Haut conseil de l’éducation) et postface de Philippe Perrenoud. De nombreux exemples de pratiques d’un travail par compétences, en France et à l’étranger. Et une réflexion de fond, sans langue de bois… Et SuR LA POÉSIE • Cahiers pédagogiques : Poésie poésies, n°417, coordonné par mireille Carton et Christophe roiné, octobre 2003. La poésie à l’école nous confronte à des « impossibles » : impossible de la soumettre à une définition stable et définitive, de la réduire à une forme canonique, impossible de l’enfermer dans la seule discipline littéraire et linguistique et de l’épuiser par une seule explication, une seule lecture… Comment, à l’école, l’aborder sans la réduire à une activité de « saisie de sens » ? Ce dossier donne la parole aux enseignants, élèves, didacticiens, poètes, éditeurs, en essayant de garder à la poésie un peu de son mystère et de sa fantaisie. Il se veut une source d’inspiration, d’envies, de « possibles » : témoignages, nombreuses propositions concrètes pour la classe : carnets d’écriture, répertoires, fabrication d’anthologies, collages, mises en voix… mars 2014 NRP COLLÈGE 19 6e Séquence 1 Fables à lire et à écrire Par Grégory Michel Présentation et problématique • Parler de fables avec les élèves de sixième, c’est toujours parler de textes qu’ils connaissent. Certains citeront et même réciteront de mémoire les vers de « La cigale et de la fourmi » ou ceux du « Corbeau et du renard » qu’ils ont découverts les années antérieures. D’autres associeront d’emblée le mot fable à l’auteur Jean de La Fontaine. Il nous faudra donc partir des connaissances des élèves pour amorcer la séquence et pour souligner les limites de leurs connaissances. • Les programmes de français préconisent une « initiation à la poésie ». Cette découverte du texte versifié devrait être faite avant l’étude de la fable. ainsi, on amènera les élèves à analyser le genre de la fable comme un texte qui marie les registres narratif et poétique. • Lire ou écrire des fables, c’est aussi s’interroger sur les enjeux de ces textes qui mettent en scène des animaux : les fables ne sont-elles destinées qu’à endormir les enfants, comme pourraient le penser les élèves ? Le choix du corpus Illustration de Félix Lorioux (1872-1964). Les + numériques Dans cette séquence, vous pourrez exploiter les ressources multimédia suivantes*, disponibles sur le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Rendez-vous sur http://www.nrp-college.com. Réviser la versification Évaluation : les reprises et substituts du nom Évaluation : Savez-vous reconnaître une fable ? * Certaines de ces ressources sont réservées aux abonnés numériques (abonnés Papier + numérique ou 100 % numérique). 20 2014 NRP mars 2014 NRPCOLLÈGE COLLÈGE MARS • Il faudra donc bousculer certaines idées préconçues, comme celle qui fait de La Fontaine le créateur du genre de la fable ; pour ce faire, nous relirons Ésope. • La séquence s’appuiera donc sur les fables suivantes : « Le Lion et le renard », Ésope ; « Le Lion malade et le renard », La Fontaine ; « Du rat et de la Grenouille », Ésope ; « Le Loup et les sept Chevreaux », Grimm ; confronté à la fable « Le Loup, la Chèvre et le Chevreau », de La Fontaine (voir fiche élève 1) ; « Le Petit Poisson et le Pêcheur », La Fontaine ; « D’un Chien et d’un Voleur », Ésope ; « Les Deux Coqs », La Fontaine. La séquence proposée • La lecture des fables convoquera des acquis en versification et en narration. C’est pourquoi des séquences telles que celles sur le conte et sur la poésie doivent être conduites avant l’étude des fables. • La séquence propose trois étapes pour amener les élèves à produire une fable : – l’étape 1 consiste à contextualiser le genre de la fable ; – l’étape 2 apportera les ressources à mobiliser pour réussir l’activité finale ; – lors de l’étape 3, qui correspond à la situation complexe, les élèves écriront une fable. Fables à lire et à écrire Support 6e Séquence 1 • Fables d’Ésope, de La Fontaine, et de Grimm. • La Fontaine aux fables, volumes 1, 2 et 3 : 36 fables de La Fontaine interprétées en bande dessinée, éd. Delcourt. Objectifs • Découvrir l’histoire du genre et ses caractéristiques à travers des auteurs d’époques différentes. • Maîtriser les techniques nécessaires pour écrire une fable (construction narrative ; versification ; caractérisation des personnages). 1 • 7 séances de 1 ou 2 heures pour un total de 8 h 30. Contextualiser le genre de la fable SÉaNCE 1. Découvrir l’histoire d’un genre ➔ Lecture Supports : documents sur l’époque et le contexte historique Objectif : connaître l’histoire du genre Durée : 1 heure 30 SÉaNCE 2. Observer l’évolution du genre ➔ Lecture Supports : « Le Lion et le Renard », d’Ésope (Fables, viie-vie s. av. J.-C) et « Le Lion malade et le Renard » de La Fontaine (Livre VI, XIV des Fables) Objectif : étudier l’inspiration antique et son dépassement Durée : 1 heure SÉaNCE 3. Étudier la versification d’un texte ➔ Écriture ÉtaPE Supports : « Du Rat et de la Grenouille », d’Ésope Objectif : réviser les notions de versification et réécrire un texte en vers Durée : 1 heure 2 Travail sur les ressources à mobiliser SÉaNCE 4. Vers une définition de la fable ➔ Lecture Supports : « Le Loup et les sept Chevreaux » des frères Grimm, confronté à la fable « Le Loup, la Chèvre et le Chevreau », de La Fontaine (voir fiche élève 1) Objectif : analyser la construction narrative de la fable Durée : 1 heure SÉaNCE 5. Reprises et substituts du nom ➔ Étude de la langue, écriture Support : « Le Petit Poisson et le Pêcheur », La Fontaine Objectifs : éviter les répétitions et caractériser les personnages Durée : 1 heure SÉaNCE 6. La caractérisation des personnages ➔ Écriture ÉtaPE Support : « Du Corbeau et du Renard », Ésope Objectifs : améliorer, enrichir un écrit Durée : 1 heure 3 Retour à la situation d’écriture SÉaNCE 7. Écrire une fable à partir d’une bande dessinée ➔ Écriture Supports : « Les Deux Coqs », La Fontaine ; La Fontaine aux fables, volumes 1, 2 et 3 : 36 fables de La Fontaine interprétées en bande dessinée (Delcourt, 2010). Objectif : réinvestir les ressources mobilisées en réécrivant une fable Durée : 2 heures Évaluation de compétences en lien avec le socle commun Situer, et acquérir des références culturelles • Connaître le nom, l’auteur, le contexte et l’intérêt des œuvres étudiées. • Situer des œuvres dans l’histoire littéraire et culturelle. Mémoriser • Savoir restituer des connaissances, maîtriser son cours. • Réciter un texte. Écrire • Écrire un texte narratif en respectant les différentes étapes du récit. • Caractériser les personnages. • Rédiger en faisant preuve d’invention. Maîtriser la langue • Rédiger des phrases correctes, répondre par des phrases complètes. • Mettre en forme et ponctuer un texte. • Rédiger un texte cohérent et entier. Lire – Comprendre • Dégager les idées essentielles d’un texte ou d’une image. • Relever des citations pertinentes pour justifier une réponse. 1 ÉtaPE ÉtaPE Durée contextualiser le genre de la fable Séance 1 LEcTUrE Découvrir l’histoire d’un genre Cette première activité consiste à apporter des connaissances aux élèves sur les origines de la fable, sur La Fontaine et le contexte dans lequel il écrit. Grâce à des exercices proposés sous forme de jeux, les élèves répartis par groupes de 3 ou 4 seront acteurs et pourront ainsi mieux s’approprier les connaissances historiques nécessaires. Le professeur leur distribue des documents qui serviront de base à l’activité. En voici quelques exemples : Doc 1. origine du mot « fable » Le mot fable nous vient du mot fabula qui vient du latin classique et qui signifie « propos, parole ». On appelle fabuliste une personne qui écrit des fables. Doc 2. Le genre de la fable • Le genre de la fable remonte à l’Antiquité avec le fabuliste grec Ésope (viie-vie siècle av. J.-C.). On écrit aussi des fables au moyen Âge. • Au xviie siècle, Jean de La Fontaine écrit des fables en s’inspirant des auteurs de l’antiquité. Il en écrira 242 ! mars 2014 NRP COLLÈGE 21 Doc 3. Jean de La Fontaine Jean de la Fontaine, né le 8 juillet 1621 à ChâteauThierry, est issu d’une famille bourgeoise. Après ses études de droit, La Fontaine devient avocat. Il commence ensuite à écrire, fait la connaissance à Paris de Nicolas Fouquet, surintendant des Finances de Louis XIV (équivalent du ministre des Finances) qui vient de se faire construire le somptueux château de Vaux-le-Vicomte. Fouquet, amateur d’art, lui accorde pension et protection : c’était en effet un usage courant à cette époque, pour des personnes riches ou haut placées, de recevoir des écrivains et de leur donner une pension, c’est-à-dire de l’argent, pour les aider à se consacrer à leur activité littéraire. Mais en 1661, Fouquet est arrêté et emprisonné à vie, accusé d’avoir détourné l’argent de l’État. 5. La Fontaine est un auteur de l’Antiquité. Après chaque affirmation, les élèves précisent si l’affirmation est vraie ou fausse et citent un passage des textes pour justifier leur réponse. (2 points par réponse) Phase de mémorisation Comme précédemment, le professeur écrira au tableau, une par une, les questions suivantes : 1. De quel auteur La Fontaine s’inspire-t-il pour écrire ses fables ? 2. Par quel moyen La Fontaine peut-il subvenir à ses besoins en tant qu’écrivain ? 3. Pourquoi Louis XIV n’aime-t-il pas La Fontaine ? 4. À qui le premier recueil des fables est-il dédié ? 5. À quoi sert une fable ? Sur feuille, les élèves répondent de mémoire, sans consulter les documents (2 points par réponse juste). Phase de synthèse Doc 4. Le succès Le roi apprécie peu La Fontaine auquel il reproche ses amitiés avec Nicolas Fouquet. La Fontaine continuera donc à écrire avec le soutien de la duchesse d’Orléans puis celui de Mme de La Sablière. C’est seulement à 47 ans, en 1668, qu’il publie son premier recueil de fables. Il dédie son ouvrage au fils de Louis XIV (le Dauphin) qui n’a alors que 6 ans. Le recueil est un succès. La Fontaine fréquente ainsi les écrivains célèbres de son temps comme Charles Perrault. En 1678, il publie le deuxième recueil des Fables. Puis en 1693, le troisième recueil. Il meurt le 16 avril 1695. L’activité se déroulera en 4 phases : une phase de repérage, une phase d’analyse, une phase de mémorisation et une phase de synthèse. Phase de repérage Vous laisserez les élèves découvrir les documents pendant 10 minutes. Ils devront être informés du temps limité. Lors de cette première phase, le professeur écrira au tableau, une par une, les questions suivantes : 1. Dans quel document parle-t-on des origines de la fable ? (doc. 2) 2. Dans quel document donne-t-on l’origine du mot « fable » ? (doc. 1) 3. Quel document évoque les rapports amicaux entre Fouquet et La Fontaine ? (doc. 3) 4. Dans quel document apprend-on que La Fontaine devient proche de la Cour ? (doc. 4) Après chaque question, au signal du professeur, un élève du groupe lève le document qui contient la bonne réponse. Si vous décidez de donner à cette activité la forme d’un jeu, vous pourrez attribuer 2 points par bonne réponse. ••Les élèves rédigent à plusieurs mains un paragraphe argumenté avec toutes les informations glanées (2 points par information juste). Pour les élèves en difficulté, vous pouvez donner les mots clés des textes, comme La Fontaine, fabula, Dauphin, fabuliste… Après la mise en commun, avec les propositions des élèves, vous rédigez un paragraphe de synthèse qui servira de trace écrite. Le groupe qui aura remporté le plus de points a gagné. Voici un exemple de paragraphe de synthèse. En supprimant les mots en gras, on pourra en faire un texte à trous que les élèves complèteront. •• •• •• Le mot « fable » vient du latin fabula qui signifie « propos, parole ». Au xviie siècle, La Fontaine n’est pas l’inventeur des fables. Il s’inspire d’Ésope, fabuliste de l’Antiquité. À 47 ans, La Fontaine écrit les premières fables pour le Dauphin, fils de Louis XIV. C’est un succès pour ces textes qui mènent en scène des animaux au comportement humain. Ces fables se terminent très souvent par une morale qui nous apprend une vérité sur le monde qui nous entoure. Phase d’analyse Le professeur écrira au tableau les affirmations suivantes : 1. Fouquet était le Dauphin. 2. La Fontaine est celui qui écrit les premières fables. 3. Le mot « fable » veut dire « pension versée par quelqu’un ». 4. Les fables de La Fontaine sont un succès qui lui permet de vivre dans le luxe. 22 NRP COLLÈGE mars 2014 Gravure de Charles-Nicolas Cochin (1715-1790). Fables à lire et à écrire Séance 2 6e Séquence 1 le c tu r e Observer l’évolution du genre ••On fera lire les deux textes proposés dans la fiche élève 1 : « Le Lion et le Renard » d’Ésope et « Le Lion malade et le Renard », de La Fontaine (voir page 27). ••Par une étude comparative, il s’agira de mettre en avant l’inspiration antique : le thème, les personnages, la brièveté du récit mais aussi l’appropriation de La Fontaine qui versifie les histoires. ••Cette analyse pourra aussi être présentée sous forme d’un tableau comme celui-ci : Ressemblances Différences Le titre 1. Quelle est la classe grammaticale du mot ajouté dans le titre de La Fontaine ? Les personnages 2. Qui sont les personnages ? 3. Comment sont-ils nommés ? 4. En quoi se comportent-ils comme des animaux ? L’écriture de l’histoire 5. Que raconte l’histoire ? 6. Comment est-elle racontée ? Le dialogue 7. Pourquoi les personnages ressemblent-ils à des humains ? La morale 8. Où se trouve la morale ? 9. Que dit-elle ? En conclusion, avec les élèves, vous reprendrez toutes les questions pour rédiger un paragraphe argumenté qui souligne les ressemblances entre les deux fables (le titre, les personnages qui sont des animaux et se comportent comme des humains) et les différences (l’écriture versifiée chez La Fontaine et l’absence de morale ; celle-ci est à déduire). Vous pouvez aussi demander de compléter le corrigé ci-dessous : I. La fable de La Fontaine ressemble à celle d’Ésope car : – on retrouve les mêmes personnages : un renard et un lion ; – les animaux ne portent pas de noms, mais représentent l’espèce ; – ils se comportent comme des animaux : ils se mangent les uns les autres. Ils vivent dans des tanières ou des cavernes ; –ils se comportent aussi comme des humains : ils parlent ; ils pensent. II. La Fable de La Fontaine est différente de celle d’Ésope car : – La Fontaine ajoute l’adjectif « malade » au titre ; – La Fontaine écrit en vers, Ésope en prose ; – chez Ésope, la morale est clairement écrite. Chez La Fontaine, il faut la déduire. Séance 3 é c r itu r e Étudier la versification d’un texte ••Vous ferez lire aux élèves une fable d’Ésope. Un site utile : http://www.amiens.iufm.fr/amiens/cahier/biblio/ Fontaine/defesope.htm Par exemple : Du Rat et de la Grenouille Dans le temps que la guerre était allumée entre les Grenouilles et les Rats, une Grenouille fit un Rat prisonnier, et lui promit de le traiter favorablement. Elle le chargea sur son dos pour faire le trajet d’une rivière qu’elle était obligée de passer pour rejoindre sa troupe. Mais cette perfide se voyant au milieu du trajet, fit tous ses efforts pour secouer le Rat et pour le noyer. Il se tint toujours si bien attaché à la Grenouille, qu’elle ne put jamais s’en défaire. Un oiseau de proie les voyant se débattre de la sorte, vint tout à coup fondre dessus, et les enleva pour en faire sa proie. ••Vous pourrez faire repérer dans ce texte les différentes parties narratives. ••Vous demanderez ensuite aux élèves de réécrire cette fable à plusieurs ou seul, avec les critères de réussite explicités dans le tableau de la page 24. mars 2014 NRP COLLÈGE 23 Le sujet : « Je réécris une fable d’Ésope à la manière de La Fontaine. Mon texte, d’environ 10 lignes, sera écrit en vers et en rimes. Il se terminera par une morale. Critères d’évaluation Mon texte racontera la même histoire que celle d’Ésope : j’utilise le même lieu, les mêmes personnages. Je peux faire parler les personnages. » Validé En cours de validation Non validé 1. Mon texte respecte l’histoire d’Ésope. 2. Mon texte est écrit en vers et en rimes. 3. Mon texte contient une morale clairement rédigée. Étape 2 Travail sur les ressources à mobiliser Séance 4 le c tu r e Vers une définition de la fable Il s’agira d’amener ici les élèves à formuler une définition construite du mot fable. Pour cela, nous comparerons le conte bien connu des élèves « Le Loup et les sept Chevreaux » des frères Grimm à la fable de La Fontaine « Le Loup, la Chèvre et le Chevreau » (Fables, Livre IV, XV), dont le texte est donné ci-dessous. Le Loup, la Chèvre et le Chevreau La Bique1, allant remplir sa traînante mamelle, Et paître l’herbe nouvelle, Ferma sa porte au loquet, Non sans dire à son Biquet : « Gardez-vous, sur votre vie, D’ouvrir que l’on ne vous die2, Pour enseigne3 et mot du guet4 : Foin5 du loup et de sa race ! » Comme elle disait ces mots, Le loup de fortune6 passe ; Il les recueille à propos, Et les garde en sa mémoire. La Bique, comme on peut croire, N’avait pas vu le glouton. Dès qu’il la voit partie, il contrefait son ton Et d’une voix papelarde7 Il demande qu’on ouvre, en disant : « Foin du Loup ! » Et croyant entrer tout d’un coup. Le Biquet soupçonneux par la fente regarde : « Montrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point », S’écria-t-il d’abord8. Patte blanche est un point Chez les loups, comme on sait, rarement en usage. Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage, Comme il était venu s’en retourna chez soi. Où serait le Biquet, s’il eût ajouté foi Au mot du guet que de fortune Notre Loup avait entendu ? Deux sûretés9 valent mieux qu’une, Et le trop en cela ne fut jamais perdu. Jean de La Fontaine, Fables, Livre IV, XV. 1. La chèvre – 2. Dise – 3. Marque de reconnaissance – 4. Mot de passe – 5. Attention – 6. – Par hasard – 7. D’une voix hypocrite – 8. Aussitôt – 9. Deux précautions. 24 NRP COLLÈGE mars 2014 Cette étude comparative permettra de mettre en avant les ressemblances avec le récit : la fable raconte une histoire ; et avec le poème : elle est écrite en vers. Consignes Sur les deux textes 1. En commençant par « C’est l’histoire de… », résume l’histoire en une ou deux phrases. 2. Dans les deux textes, entoure en vert les noms de tous les personnages. 3. Dans les deux textes, entoure en bleu la situation initiale de l’histoire et en noir l’élément perturbateur. Sur le conte de Grimm 4. Dis si ces affirmations sont vraies ou fausses puis souligne pour chaque réponse une phrase du texte qui justifie ta réponse. a. La vieille chèvre a 7 enfants. b. La vieille chèvre se rend chez sa sœur. c. La première fois, les chevreaux reconnaissent le loup à sa voix. d. La deuxième fois, les chevreaux reconnaissent le loup à sa démarche. e. La troisième fois, les chevreaux ouvrent. f. Le plus grand chevreau se cache dans la pendule. Sur la fable de La Fontaine 5. Dans la fable, combien de fois le loup frappe-t-il à la porte ? 6. a. Combien comptes-tu de vers ? b. Combien comptes-tu de syllabes au vers 1 ? au vers 2 ? 7. a. À quoi correspondent les deux derniers vers ? b. Les retrouve-t-on dans le conte des frères Grimm ? c. À quoi ces vers servent-ils ? Pour conclure Je rédige une conclusion en commençant par « Une fable ressemble à un conte car… » puis je poursuis par « elle ressemble aussi à un poème car…. ». Gravure de Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), (détail). Fables à lire et à écrire étude de la langue + écriture Reprises et substituts du nom ••Très souvent, La Fontaine caractérise les personnages de ses fables non pas à l’aide de longs discours, mais par la manière dont il les nomme. Par exemple, le « renard » est appelé le « grand croqueur de poulets » et le lion qualifié de « roi des animaux ». Les élèves se rendront compte que varier les substituts évite les répétitions dans un texte, mais permet aussi de caractériser les personnages de la fable. La fiche élève 2 propose tout d’abord d’identifier les substituts du « petit poisson » dans la fable « Le Petit Poisson et le Pêcheur », puis des exercices d’application sur les reprises pronominales, les substituts du nom ou les périphrases. •• •• Séance 6 3 Étape Séance 5 Retour à la situation d’écriture Séance 7 é c r itu r e Écrire une fable à partir d’une bande dessinée ••Présentées sous cette forme, les consignes données à l’élève per- mettront de réinvestir le contexte culturel des premières activités (l’époque à laquelle a vécu La Fontaine – la cour de Louis XIV – les commandes littéraires…). Paris, le 27 avril Cher fabuliste, é c r itu r e Mon fils, le Dauphin, entre dans l’adolescence et je m’inquiète de le voir faire les yeux doux aux demoiselles de la cour. Il est encore bien jeune et ne connaît pas les dangers de l’amour. Il aime affronter ses rivaux. Il se croit le plus fort, le plus beau, le plus intelligent, et cela m’effraie. Nous savons bien tous les deux qu’en matière d’amour ce n’est pas toujours le plus sûr de lui qui est récompensé ! Par conséquent, je vous saurais gré de lui écrire une jolie fable comme vous en avez le secret pour le mettre en garde. Peut-être qu’avec vous, il entendra raison. La caractérisation des personnages ••Il s’agira ici de réécrire une fable d’Ésope en ajoutant des périphrases à la manière de La Fontaine. ••Vous ferez lire la fable d’Ésope : « Du Corbeau et du Renard », puis vous demanderez aux élèves de remplacer les mots en caractères gras par un synonyme ou une périphrase qui donne une information sur l’animal. Exemple : pour amuser le Corbeau → pour amuser le sombre oiseau. Un Corbeau s’était perché sur un arbre, pour manger un fromage qu’il tenait en son bec. Un Renard qui l’aperçut, fut tenté de lui enlever cette proie. Pour y réussir et pour amuser le Corbeau, il commença à le louer de la beauté de son plumage. Le Renard voyant que le Corbeau prenait goût à ses louanges : « C’est grand dommage, poursuivit-il, que votre chant ne réponde pas à tant de rares qualités que vous avez. » Le Corbeau voulant persuader le Renard que son chant n’était pas désagréable, se mit à chanter, et laissa tomber le fromage qu’il avait au bec. C’est ce que le Renard attendait. Il s’en saisit incontinent, et le mangea aux yeux du Corbeau, qui demeura tout honteux de sa sottise, et de s’être laissé séduire par les fausses louanges du Renard. Critères d’évaluation 6e Séquence 1 Votre roi, Louis XIV ••Pour faciliter l’écriture, vous donnerez comme support une planche de bande dessinée avec les phylactères vides (La Fontaine aux fables, volume 2). Il s’agit de la fable de La Fontaine « Les deux coqs ». À l’oral, vous demanderez aux élèves d’expliciter les liens avec le billet envoyé par Louis XIV, puis de raconter l’histoire des deux coqs illustrée par la bande dessinée. Vous listerez avec eux les critères de réussite : V : validé ; ECV : en bonne voie, en cours de validation ; NV : non validé. •• •• Évaluation personnelle Évaluation du professeur Commentaires 1. Ma fable contient plusieurs étapes (un début – un élément qui déclenche l’action –… ) 2. Ma fable est cohérente avec la bande dessinée. 3. Mes expressions pour nommer les personnages sont variées. 4. Mon texte contient des rimes, des vers… 5. Ma fable se termine par une morale. Remarques : – pour les élèves en difficulté, vous n’exigerez pas un texte rimé. La morale pourra être celle du billet envoyé par Louis XIV ; – la production écrite pourra s’accompagner d’une réponse à envoyer au roi (p. 26). mars 2014 NRP COLLÈGE 25 Histoire arts des Les fables de La Fontaine sont sans doute un des classiques de la littérature française qui a été le plus souvent illustré. si le lien entre les mots et les images varie beaucoup d’un illustrateur à l’autre, chagall se distingue particulièrement entre tous. avec cette œuvre en effet, pas d’anthropomorphisme ni d’aide à ce découpage chronologique de l’histoire auxquels les élèves sont habitués, y compris par les travaux d’illustration qu’ils ont eux-mêmes réalisés en primaire. On se proposera donc de les sensibiliser à cet univers plein de naïveté, et de fantaisie qui revisite la fable. Retrouvez le questionnaire élève de cette analyse et son corrigé en ligne. 26 NRP COLLÈGE mars 2014 Fabuleuses fables Marc Chagall, Le loup et l’agneau, gouache, 1923-1927. Chagall, un illustrateur controversé… En 1926, ambroise Vollard, éditeur et marchand de tableaux parisien très connu, demande à Chagall d’illustrer cent fables de La Fontaine. Le professeur pourra se reporter utilement au dossier réalisé dans l’académie de Grenoble par le groupe départemental « Culture humaniste »1 pour connaître l’histoire de ce livre. Le projet est controversé dès le début. Certains critiques se déchaînent, allant jusqu’aux allusions antisémites : trop bariolé, pas assez classique, pas assez universel, bref un peintre qui « sacrifie à la tâche – comme un vulgaire impressionniste ». En outre, les cent gouaches que Chagall a peintes ne sont pas éditées, le rendu des couleurs n’étant pas satisfaisant. Les toiles sont exposées, puis vendues. Chagall change alors de technique : il grave des plaques en vue d’estampes. Entre les aléas techniques et les vicissitudes historiques, le projet mettra du temps à voir le jour : ce n’est qu’en 1952 que paraîtra le livre en deux volumes, avec un résultat différent du projet initial. … mais peut-on parler d’ « illustration » ? Contrairement à la plupart des illustrations de La Fontaine, le tableau n’a pas nécessairement besoin de l’éclairage du texte. Il peut être intéressant dans un premier temps de ne pas donner son titre aux élèves afin de susciter les remarques sur les couleurs, les formes, la composition et apporter ainsi les précisions utiles sur la manière de Chagall et son univers : ses origines russes bien sûr, sa fascination pour la nature et le monde animal datant de son enfance, l’influence du fauvisme pour les couleurs vives et du cubisme pour la déconstruction des formes (même si Chagall reproche au cubisme son « réalisme » et son « rationalisme »), enfin cette simplicité naïve extrêmement touchante. L’artiste prône une conception « magique » de la peinture où se mêlent différents niveaux de perception, dont le rêve ; cette dernière caractéristique a suscité l’admiration des surréalistes et l’a souvent rapproché de ce mouvement, même si son œuvre est bien trop unique pour qu’on puisse la rattacher à un courant précis. Le professeur donnera ensuite le titre du tableau. Il racontera comment Chagall a peint cette série, c’est-à-dire en écoutant sa femme lire le texte et en l’arrêtant avant la morale : « ça, ce n’est pas pour moi ». Cela lui permettra de déclencher le questionnement pédagogique sur les intentions du peintre, le ressenti du spectateur, et opérer des comparaisons entre plusieurs illustrateurs de La Fontaine pour réfléchir au statut de l’illustration. 1. http://tinyurl.com/pyedccn 1 Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. E FI E ÉL È V cH 6e Séquence 1 D’Ésope à La Fontaine Texte 1. Le Lion et le renard Un lion devenu vieux, hors d’état désormais de se procurer sa pâture par la force, estima qu’il fallait jouer de finesse. Il s’installa donc dans une caverne et s’y coucha, feignant d’être malade : ainsi, tous les 5 animaux qui venaient lui rendre visite étaient pris et dévorés. Beaucoup avaient déjà péri quand se présenta le renard, qui l’avait percé à jour : s’arrêtant à bonne distance de la caverne, il prit des nouvelles du lion. « Ça va mal », répondit le lion, qui lui deman10 da pourquoi il n’entrait pas. « Je l’aurais fait, sans doute », rétorqua le renard, « si je ne voyais beaucoup de traces à l’entrée, mais aucune à la sortie. » De même, à certains indices, les hommes sensés prévoient le danger et l’évitent. Ésope, Fables, vii-vie s. av. J.-C. 5 10 15 20 Texte 2. Le Lion malade et le renard De par le roi des animaux, Qui dans son antre était malade, Fut fait savoir à ses vassaux Que chaque espèce en ambassade Envoyât gens le visiter, sous promesse de bien traiter Les Députés, eux et leur suite, Foi de Lion très bien écrite. Bon passeport contre la dent ; Contre la griffe tout autant. L’Édit du Prince s’exécute. De chaque espèce on lui députe. Les renards gardant la maison, Un d’eux en dit cette raison : « Les pas empreints sur la poussière Par ceux qui s’en vont faire au malade leur cour, Tous, sans exception, regardent sa tanière ; Pas un ne marque de retour. Cela nous met en méfiance. Que sa majesté nous dispense. Grand merci de son passeport. Je le crois bon ; mais dans cet antre Je vois fort bien comme l’on entre, Et ne vois pas comme on en sort. » La Fontaine, Fables, Livre VI, XIV, 1668. Étude comparative 1. Quelle remarque peux-tu faire après avoir lu ces deux histoires ? c. Le Renard comprend ce qu’il se passe en voyant du sang près de la tanière. Vrai ou faux ? ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... Le mot-caméléon ................................................................................................... 3. Au lieu d’utiliser le nom commun « Lion », La Fontaine utilise trois autres expressions, lesquelles ? ................................................................................................... Vrai ou faux ? ................................................................................................... 2. Réécris correctement ces affirmations lorsqu’elles sont fausses et lorsqu’elles sont vraies, entoure un passage du texte qui le montre. Qui est qui ? a. Le Lion est tombé très malade. Vrai ou faux ? 4. Explique pourquoi ces deux auteurs ont été choisis. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... b. Le Renard a compris ce que manigance le Lion. Vrai ou faux ? ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... mars 2014 NRP COLLÈGE 27 E ÉL È V cH 2 E Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. FI Séquence 1 6e reprises et substitutions 1. Étudier les reprises et substitutions dans une fable de La Fontaine Voici le début de la fable « Le Petit Poisson et le Pêcheur » (Fables, Livre V, III) quelque peu transformé : Petit poisson deviendra grand, Pourvu que dieu prête vie au petit poisson ; mais lâcher le petit poisson en attendant, Je tiens pour moi que c’est folie : 5 Car de rattraper le petit poisson il n’est pas trop certain. Un Carpeau, qui n’était encore que fretin, Fut pris par un pêcheur au bord d’une rivière. «Tout fait nombre, dit l’homme en voyant son butin : Voilà commencement de chère et de festin : 10 mettons le petit poisson en notre gibecière. » Le pauvre Carpillon lui dit en sa manière : […] 1. Après avoir lu ces 11 premiers vers, quel problème remarques-tu ? Voici à présent la fin de l’histoire : « […] Eh bien soit, repartit le Pêcheur ; Poisson, mon bel ami, qui faites le Prêcheur, Vous irez dans la poêle ; et vous avez beau dire, Dès ce soir on vous fera frire. » Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l’auras : L’un est sûr, l’autre ne l’est pas. 7. Pour s’adresser au poisson, le pêcheur utilise deux autres expressions : recopie-les. ................................................................................................... 8. Voici des expressions que tu pourras lire dans les fables de La Fontaine : retrouve l’animal qu’elles désignent. 1. Dans « Le Corbeau et le Renard », qui est « le phénix des hôtes de ces bois » ? ................................................................................................... ................................................................................................... 2. Remplace les 4 répétitions (vers 2-3-5 et 10) par un pronom personnel. (Attention, l’ordre des mots pourra changer.) 2. Dans « La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Bœuf », qui est « la chétive pécore » ? ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 3. Dans « Le Lion et le Rat », qui est « le roi des animaux » ? 3. Vers 6 à 11 : recopie les deux autres expressions qui désignent le petit poisson. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 4. Sur quoi La Fontaine insiste-t-il lorsqu’il désigne le petit poisson ? Entoure la réponse juste : 5. Dans « La Mouche et la Fourmi », qui est « la fille de l’air » ? sa force – sa fragilité – sa grandeur – son courage. 5. Donne deux autres expressions que La Fontaine aurait pu utiliser pour désigner le poisson. ................................................................................................... 6. Le poisson prend la parole pour convaincre le pêcheur de le remettre à l’eau. Imagine deux arguments qu’il pourrait formuler. Tu utiliseras les deux expressions relevées à la question 5. • Argument : 28 4. Dans « Le Chat, la Belette et le petit Lapin », qui est « la dame au nez pointu » ? ............................................................................. ................................................................................................... 6. Dans « Le Chat et un vieux Rat », qui est « la gent trottemenu » ? ................................................................................................... 7. Dans « Le Soleil et les Grenouilles », qui sont « les citoyennes des étangs » ? ................................................................................................... 9. Invente des expressions avec les animaux « chien », « chat », « cheval », « souris » et 2 de ton choix. ................................................................................................... ................................................................................................... • Argument : ............................................................................. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... NRP COLLÈGE mars 2014 2 E FI E ÉL È V cH 6e Séquence 1 Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. 2. Travailler les synonymes 10. Dans chaque groupe de mots, plusieurs termes pourraient être employés pour éviter la répétition du mot en gras. Barre celui qui ne convient pas. 11. Dans chaque groupe, choisis l’un de ces synonymes et utilise-le dans une phrase qui mettra son sens en évidence. 1. chien : toutou ; molosse ; Cerbère ; félin. ................................................................................................... 2. danger : péril ; menace ; écueil ; arrêt. 3. calme : tranquillité ; quiétude ; action ; paix. ................................................................................................... 4. bruit : boucan ; vacarme ; tapage ; féerie. ................................................................................................... 5. apprenti : débutant ; inexpérimenté ; professionnel ; novice. ................................................................................................... 6. distraction : occupation ; amusement ; manifestation ; passe-temps. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 3. Travailler les périphrases 12. Recopie les phrases suivantes en remplaçant les mots en gras par trois périphrases de ton invention. 1. À travers la paroi du bocal, Adrien contemplait la grenouille pour laquelle il éprouvait déjà de la tendresse. ................................................................................................................................................................................................................... 2. Le loup bondit sur la malheureuse bête. ................................................................................................................................................................................................................... 3. La mouche virevoltait entre les pattes du cheval. ................................................................................................................................................................................................................... 4. Éviter les répétitions 13. Quelle est la classe grammaticale des mots en gras ? De quels mots évitent-ils la répétition ? Un Voleur entra furtivement de nuit dans une maison pour la voler, et offrit un pain au Chien qui la gardait, voulant l’empêcher d’aboyer, en l’amusant à manger ce pain. mais ce fidèle gardien le refusa, et lui dit : « malheureux, je connais ton intention. Tu veux m’empêcher d’aboyer, pour voler avec plus de liberté le bien de mon maître ; mais je me garantirai de ta tromperie, et je n’accepterai point tes présents. » alors le Chien se mit à aboyer avec tant de violence, que tous les domestiques de la maison se réveillèrent au bruit qu’il fit, et donnèrent la chasse au Voleur. Ésope, « D’un Chien et d’un Voleur », Fables. ................................................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................................................... mars 2014 NRP COLLÈGE 29 5e Séquence 2 « Paysages poétiques, paysages intérieurs : comment les lieux permettent d’exprimer les émotions » Par Jérôme Dewasch Présentation et problématique • Il s’agit ici d’amener les élèves à percevoir que l’évocation d’un paysage ne se réduit pas à un tableau descriptif mais fait naître et permet aussi au poète d’exprimer des émotions. Cet approfondissement du genre poétique s’inscrit dans les programmes de 5e qui invitent à envisager davantage « les formes et leurs significations ». • Pourquoi favoriser ici une écriture poétique ? sans doute parce qu’elle amène les élèves à mobiliser une plus grande attention aux mots eux-mêmes, à leur choix, à leur usage. Ce qui contribue à développer une compétence qui va bien au-delà de la séquence. Le choix du corpus • Nous avons choisi des poèmes des xixe et xxe siècles Les + numériques Dans cette séquence, vous pourrez exploiter les ressources multimédia suivantes*, disponibles sur le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Rendez-vous sur http://www.nrp-college.com. Apprivoiser la poésie, atelier d’écriture Travailler le vocabulaire des sentiments Banque d’images : décrire un paysage * Certaines de ces ressources sont réservées aux abonnés numériques (abonnés Papier + numérique ou 100 % numérique). 30 NRP 2014 mars 2014 NRPCOLLÈGE COLLÈGE JANVIER qui offrent cet accès au sens, non pas forcément facile, mais sensible. Ce choix de poèmes « célèbres » s’inscrit aussi dans une volonté de transmission d’une culture. • De même, dans cette séquence, nous privilégions le recours à l’image ou à l’œuvre picturale, capables de stimuler impressions et imagination chez les élèves. La séquence proposée • réagir face à un document iconographique, face à un poème, favorisera une approche sensible du thème et engagera déjà une réflexion sur l’écriture poétique. • Il s’agira ensuite, selon une logique de construction de compétences, de mobiliser un certain nombre de ressources qui aident à la production finale en enrichissant et affinant l’écriture : expression des émotions, des sensations, travail sur la langue, sur les mots, les images, les rythmes et les sons. • L’écriture finale d’un poème à partir d’une image permettra de mobiliser les ressources privilégiées dans ce parcours, et d’évaluer l’acquisition de compétences d’écriture. Paysages poétiques, paysages intérieurs Support 5e Séquence 2 • Victor Hugo, « Demain, dès l’aube… » (Les Contemplations, 1856) ; • Paul Verlaine, « Chanson d’automne » (Poèmes saturniens, 1866), « Il pleure dans mon cœur… » (Romances sans paroles, 1874) ; • Guillaume Apollinaire, « Le Pont Mirabeau » (Alcools, 1913) ; • Photographie représentant un paysage ; • Henri Rivière, Coucher de soleil (1898), voir p. 35. Objectifs • Approfondir sa culture patrimoniale au contact d’œuvres et d’écrivains majeurs des XIXe et XXe siècles. Approfondir sa connaissance du genre poétique, en mettant notamment l’accent sur le rapport entre la forme et le sens. Écrire un texte poétique, personnel, en mobilisant les ressources étudiées. 1 • Une douzaine d’heures. Du paysage à la poésie Séance 1. Paysages et émotions ➔ Expression orale, lexique, étude de texte Supports : • Une photographie représentant un paysage • Apollinaire, « Le Pont Mirabeau ». Objectifs : • Décrire une image, exprimer des impressions, des sentiments • Comprendre les émotions liées au paysage poétique évoqué. Durée : 2 heures. Séance 2. Décrire/ressentir ➔ Écriture, lexique ÉtaPE Objectifs : • Écrire à partir d’un paysage choisi • Réfléchir sur l’écriture poétique. Durée : 2 heures. 2 Poésie du paysage Séance 3. Émotions des poètes ➔ Étude de textes Supports : • V. Hugo, « Demain, dès l’aube… » • P. Verlaine, « Chanson d’automne », « Il pleure dans mon cœur… » • Fiche élève 1 Objectifs : • Identifier le rapport entre paysage et sentiment • Comprendre de quelle manière le paysage est évoqué et non décrit • Étudier la langue poétique. Durée : 3 heures. Séance 4. Dire l’émotion des poètes ➔ Expression orale Supports : • V. Hugo, « Demain, dès l’aube… » • P. Verlaine « Il pleure dans mon cœur… » • G. Apollinaire, « Le Pont Mirabeau ». Objectifs : Mettre en voix les poèmes du corpus. Durée : 1 heure Séance 5. À nous la poésie ! ➔ Étude de la langue ÉtaPE Objectifs : • Pratiquer des exercices d’écriture (exprimer une émotion, une sensation, utiliser des images poétiques) • Fiche élève 2. Durée : 2 heures. 3 Mon paysage, mon poème Séance 6. Écriture poétique Support : Une image choisie ou Henri Rivière, Coucher de soleil Objectifs : Produire un texte poétique en mobilisant les ressources de la langue. Durée : 2 heures. Évaluation de compétences en lien avec le socle commun Dire, lire, écrire • Manifester, par des moyens divers, sa compréhension de textes variés. (y compris par la lecture à haute voix) • Utiliser ses connaissances sur la langue, savoir faire appel à des outils variés pour améliorer son texte écrit avoir des connaissances et des repères relevant de la culture littéraire et approfondir sa connaissance des œuvres patrimoniales • Situer dans le temps et dans l’espace des événements, des œuvres littéraires ou artistiques • Établir des liens entre les œuvres (littéraires, artistiques) pour mieux les comprendre Lire et pratiquer différents langages • Connaître et pratiquer diverses formes d’expression à visée littéraire. • Écrire un texte poétique, en utilisant ses capacités de raisonnement, ses connaissances sur la langue, en respectant des consignes données (utilisation du lexique, des techniques poétiques…) Faire preuve de sensibilité, d’esprit critique, de curiosité • Être sensible aux enjeux esthétiques et humains d’un texte littéraire et exprimer des émotions à l’écrit 1 ÉtaPE ÉtaPE Durée Du paysage à la poésie Séance 1 EXPrEssIon orALE, L E X I qU E , É T U D E D E T E X T E Paysages et émotions • La première séance permet d’entrer de manière sensible dans la séquence. Prendre appui sur une image (ici une photographie) pour que les langues se délient. Vous pouvez partir du scénario pédagogique suivant : 1. Décrivez la photographie. 2. Que peut représenter cette photographie pour son auteur ? 3. Quels sentiments fait-elle naître en vous ? Le paysage peut donc renvoyer à un souvenir, à un instant qui fait naître des émotions. Laisser le champ ouvert à l’interprétation personnelle conduit aussi à initier ce lien entre lieu et expression des sentiments, et à redéfinir un lexique des émotions qu’il n’est pas toujours évident de maîtriser : la nostalgie, la mélancolie, la tristesse, la joie… Cette première « découverte » peut faire l’objet d’une synthèse écrite afin de mettre dès à présent en jeu des compétences écrites d’expression. mars 2014 NRP COLLÈGE 31 ••Le poème d’Apollinaire engage ensuite une réflexion sur l’écriture poétique. Par un jeu de questions autour du texte, la lecture du « Pont Mirabeau » doit mettre en évidence le lien entre le paysage décrit (la Seine) et le ressenti du poète (amours passées, nostalgie, conscience du temps qui passe à travers l’évocation de l’écoulement du fleuve). Questionnaire de lecture 1. Quel paysage est décrit dans ce poème ? 2. Relevez les termes associés à ce paysage. 3. Quels sentiments le poète exprime-t-il ? 4. Relevez le champ lexical des émotions. 5. Que représente pour le poète l’eau qui s’écoule ? 6. Regardez le poème tel qu’il se présente : que vous évoque sa forme ? 7. Question de synthèse (trace écrite personnelle) : quel lien y a-til entre le paysage que le poète décrit et ses sentiments ? Séance 2 é c r itu r e , lexi q ue Décrire/ressentir ••Vous aurez au préalable demandé aux élèves de venir en classe avec une image (soigneusement choisie bien sûr) représentant un paysage. Cela peut être une photo personnelle, ou extraite d’un magazine, voire d’un manuel si on a du mal à trouver autre chose. Un paysage qui suscite un ou des sentiments, qui peut aussi être lié à un souvenir précis. Il s’agit du premier exercice d’écriture qui conduira à la production finale. La consigne est la suivante : « Décrivez l’image que vous avez choisie en expliquant pourquoi vous avez fait ce choix et les sentiments que fait naître chez vous cette image. » La lecture de quelques extraits permettra à l’ensemble des élèves d’ouvrir encore le champ des émotions liées au paysage. On mettra l’accent sur la diversité et la précision lexicales amenant à affiner l’usage des mots (joie/euphorie, chagrin/tristesse…). Ces relevés permettront d’enrichir le vocabulaire lorsqu’il s’agira pour les élèves d’écrire à leur tour (Fiche 2). La séance s’achève sur une réflexion autour de l’écriture poétique : « Si vous aviez à réécrire votre texte pour en faire un poème, que changeriez-vous ? Qu’ajouteriez-vous ? Comment le présenteriezvous ? ». On attend évidemment des remarques sur la mise en forme, sur la versification, sur les images, sur les mots… Phase qui permet d’évaluer les connaissances des élèves sur le genre poétique, et d’introduire la seconde étape de la séquence. •• Questions 1. Quelle place est accordée au paysage dans chacun de ces poèmes ? 2. Par quels moyens les poètes expriment-ils leurs émotions ? Éléments de réponses 1. Par leur lexique et leur thématique, ces poèmes mettent en évidence le lien entre paysage et émotion. Mais l’étude permet de remarquer que le paysage, s’il est présent, est peu décrit ou vaguement. Ce qui importe donc, notamment chez Verlaine, ce n’est pas la description du lieu en tant que tel, mais les émotions et les sensations qu’il fait naître, les associations qui se créent entre le paysage extérieur et le paysage intérieur du poète. Une manière impressionniste d’appréhender le lieu en fonction de son état d’esprit. Chez Hugo, il est intéressant de noter que le paysage est traversé, parcouru, à peine décrit, comme si les sentiments prenaient le dessus et submergeaient le poète dans sa course. Le contexte d’écriture du poème (la mort de sa fille Léopoldine) permet d’éclairer l’écriture. 2. Il s’agit ensuite de mettre en évidence le travail que le poète exerce sur la langue pour exprimer ses émotions. « Artisan du langage », comme on se plaît souvent à le dire aux élèves, le poète, tel un orfèvre, choisit le mot, choisit les mots, en fonction de leur sens, de leur force, de leurs sonorités, et, par le contact de ces mots entre eux, crée un rythme particulier, une musique propre à l’écriture poétique. Séance 4 exp r e s s i o n o r ale Dire l’émotion des poètes ••Cette séance s’inscrit dans la continuité de la précédente. Peut-on faire l’impasse sur une lecture orale ? Peut-on occulter cette étape d’appropriation du sens des textes, qui permet aussi d’évaluer les acquis ? Utilisant les remarques qui ont été faites, notamment sur les mots, le rythme et les sonorités, vous allez cette fois entreprendre une mise en voix des trois poèmes évoqués depuis le début de la séquence. Une approche à nouveau sensible pour les élèves qui, par leur voix, tentent d’exprimer et de faire partager aux autres les émotions de chacun des trois poèmes. La lecture orale est l’aboutissement d’une séance où les élèves, dans un premier temps, sont amenés collectivement à réfléchir et à débattre sur la manière de lire les poèmes, puis, dans un second temps, par groupes, à préparer la lecture orale d’un des poèmes du corpus. Cette séance conduit naturellement à proposer par la suite un apprentissage des poèmes par cœur qui permettra d’évaluer des compétences du « dire », de s’inscrire dans la connaissance des textes patrimoniaux, et simplement d’apprécier la manière dont les élèves ont entendu et compris ces poèmes. •• Étape 2 Poésie du paysage Séance 3 Séance 5 étude de texte s Émotions des poètes ••La séance s’appuie sur la lecture de trois poèmes patrimoniaux et sur la fiche 1 qui propose un cadre et un support d’activités aux élèves. Le professeur adapte les consignes de manière personnalisée : le document permet à certains élèves une autonomie, là où d’autres auront besoin d’être davantage guidés. 32 NRP COLLÈGE mars 2014 étude de la la n gue À nous la poésie ! ••Cette séance propose des activités « décrochées » qui permettent de s’intéresser davantage à des aspects d’écriture et de langue (Fiche 2). Ces exercices ponctuels sont conçus comme des outils, des ressources destinés à enrichir l’écrit final. On évite ici la multiplication et la variété pour se recentrer sur un aspect précis : le choix des mots dans l’écriture. En lien direct avec les programmes, Paysages poétiques, paysages intérieurs un premier exercice propose de travailler sur les sensations : l’expression des sentiments passe souvent par la perception sensible du paysage vu. Un deuxième exercice s’attache aux manières d’exprimer un sentiment : quelles sont les manifestations physiques et intérieures d’une émotion ? Le troisième exercice poursuit ce travail sur le choix des mots : l’emploi des images (comparaison et métaphore). Il ne s’agit ici que d’une initiation, qui doit ouvrir un champ de possibilités sans refréner l’enthousiasme des élèves. Une dernière activité, plus ludique, permet de manipuler la rime de manière ludique à partir d’un jeu de bouts rimés. Les exercices proposés dans cette séance sont de difficulté progressive et méritent d’être adaptés selon les élèves. Étape 3 Mon paysage, mon poème 5e Séquence 2 ••Voici quelques consignes pouvant aider les élèves les moins auto- nomes : 1. Décrivez le paysage représenté par l’image : que voit-on sur l’image ? Donnez tous les détails qui vous semblent importants comme si vous deviez décrire cette image à quelqu’un qui ne la voit pas. 2. Quel(s) sentiment(s) cette image exprime-t-elle pour vous ? Expliquez pourquoi ce sont ces sentiments-là que l’image fait naître chez vous. 3. Commencez à écrire un premier texte, un premier jet, dans lequel vous associerez la description du paysage aux sentiments qu’elle suscite ; mettez ceux-ci en évidence. 4. Utilisez la fiche 2 pour améliorer votre brouillon : exprimer une sensation, un sentiment, utiliser des comparaisons et des métaphores pour dire autrement le sentiment, travailler le texte poétique (rimes, vers…). 5. Réécrivez votre texte en tenant compte de ces améliorations et en regardant, en même temps, les critères d’évaluation pour vérifier que vous répondez aux attentes de l’écrit. Séance 6 Écriture poétique ••Les élèves sont amenés à réaliser la tâche finale de la séquence : un écrit poétique. Vous leur proposerez deux supports possibles pour cette production : soit un document iconographique de leur choix, représentant un paysage, soit l’œuvre d’Henri Rivière, Coucher de soleil (cette proposition pour éviter les difficultés liées à la recherche personnelle d’une image). La consigne suivante est donnée : « À partir de l’image, écrivez un poème dans lequel s’exprimeront les émotions que provoque la vue de ce paysage. » Il semble opportun, à partir de la grille d’évaluation proposée, de personnaliser l’aide accordée aux élèves pour ce travail : certains auront sans doute besoin d’être guidés pour parvenir au mieux à mobiliser les ressources abordées en classe, d’autres a contrario sauront accomplir cette tâche finale en autonomie, à partir de la grille. •• Félix Valloton (1865-1925), Nuage à Romanel (Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts). Critères d’évaluation : V : validé, ECV : en bonne voie, en cours de validation ; NV : non validé Évaluation personnelle Évaluation du professeur Commentaires J’ai écrit un texte qui respecte le sujet : évocation d’un paysage et des émotions qu’il provoque. J’ai écrit un texte qui utilise des éléments poétiques : rimes, vers (rythme, sonorités) ; j’ai employé des images (comparaisons ou métaphores). J’ai exprimé les émotions à travers un vocabulaire choisi, précis et adapté. mars 2014 NRP COLLÈGE 33 Histoire arts des Pour accompagner cette séquence sur les paysages en poésie, les choix d’œuvres d’art ne manquent pas : celui d’Henri rivière, peintre à découvrir ou à redécouvrir, défendant un art généreux et proche du public, peut s’avérer judicieux. Entre japonisme et impressionnisme, sa manière est une invitation au voyage et à l’écoute de nos sensations. D’une grande modernité, ses œuvres ne sont pas sans annoncer l’univers de certains dessinateurs de B.D. une invitation au voyage Henri Rivière, Le Coucher du soleil, lithographie en couleurs, 54,5 x 83 cm, n° 11 de la série Les Aspects de la nature, 1898. Une nature démultipliée entre Japon et Bretagne Henri rivière (1864-1951) est une grande figure du cabaret montmartrois. D’abord illustrateur de presse, il réalise les décors du Théâtre du chat noir ainsi que des mises en scène de spectacles. Dès 1889, cherchant à transposer sur le papier les effets de couleurs des décors de ses spectacles d’ombres, il se penche sur les techniques des graveurs japonais et produit quarante bois gravés en couleurs en deux séries : la série de Paysages bretons (1890-1894) et la série La Mer, études de vagues (1890-1892). admirateur d’Hokusai et d’Hiroshige, il s’attache à restituer les différents aspects de la nature, en particulier de la mer qui le fascine et où il passe ses étés. Il se lance ensuite dans la lithographie, technique dans laquelle l’artiste trace son dessin directement sur une pierre calcaire qu’il place sur une presse, chaque couleur nécessitant une impression supplémentaire. Cette technique permet l’impression de plusieurs tirages, dont chacun est numéroté, le prix de la lithographie dépendant de sa rareté. ses lithographies des Aspects de la nature (1897-1899), suite de grands formats, dont fait partie Le Coucher du soleil, sont tirées à mille exemplaires pour décorer des intérieurs publics et privés sans réserver son art à une élite. si la plupart des paysages de cette suite sont bretons, le titre et l’apparence globale du tableau gomment volontairement une localisation trop précise. Une simplicité apparente Retrouvez l’intégralité du questionnaire élève de cette analyse et son corrigé en ligne. 34 NRP COLLÈGE mars 2014 Tout dans ce tableau – couleurs, formes et composition – concourt à produire, a priori de façon très simple, ces impressions de douceur évoquées dans L’Invitation au voyage de Baudelaire. Les couleurs employées sont des variations de jaune et de bleu, mais le travail sur les nuances et leur emplacement est très élaboré : les dégradés d’orangé et d’ocre du soleil couchant sont harmonieusement encadrés en haut et en bas par le bleu du ciel et de la mer qui semblent se répondre. Les teintes des voiles se retrouvent plus foncées dans les nuages du ciel. Les formes sont très épurées et se simplifient encore à l’arrière-plan, laissant le regard converger vers cet ailleurs. L’œil est guidé vers l’horizon : au premier plan à droite un navire dresse ses mâts, le second, au centre, lève la voile, les trois derniers ont déjà appareillé, tous forment une ligne oblique partant de la droite vers la gauche mais dans le même temps ils tracent des lignes obliques et parallèles partant cette fois de la gauche vers le centre, vers le soleil tout au fond, légèrement excentré. E ÉL È V cH 5e Séquence 2 E arts des FI Histoire observation de l’œuvre : lignes et formes On distribuera aux élèves une photocopie en noir et blanc du tableau d’Henri Rivière, qu’on leur fera découvrir ensuite. 1. Que représente cette image ? Quel titre pourrait-on lui donner ? ................................................................................................... ................................................................................................... 2. Examinez la composition de cette image : que voit-on au premier plan ? ................................................................................................... ................................................................................................... 3. Observez la taille des bateaux : que remarquez-vous ? ................................................................................................... ................................................................................................... 4. Où vont tous ces bateaux ? Examinez la direction qu’ils prennent. ................................................................................................... ................................................................................................... 5. Tracez les points forts, les lignes de force et les masses de cette image. 6. Que nous montrent les lignes de force de ce tableau ? Vers quelle direction l’œil est-il attiré ? Pourquoi ? ................................................................................................... ................................................................................................... 7. Imaginez les couleurs de cette image (vous pouvez la colorier si vous le souhaitez). Quelques notions à connaître • Les points forts sont les passages obligés pour l’œil qui examine l’image. • Les lignes de force correspondent à des lignes simples (arête d’un mur, courbe d’un corps, lignes d’horizon…) qui parcourent la photographie ou le tableau. Elles permettent d’aider aussi bien à la construction qu’à la lecture de l’image. • Une masse est un ensemble de surface, de formes de même nature. On pourra observer les pleins et les vides, les masses de valeurs différentes (obtenues par l’éclairage), ou de couleurs différentes. Dans une publicité, on observera le rapport texte/image. • Lorsqu’on regarde une image, l’œil est attiré par un point fort, puis va parcourir l’image en suivant les lignes de force. mars 2014 NRP COLLÈGE 35 E ÉL È V cH 1 E Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. FI Séquence 2 5e Émotions des poètes Texte 1. chanson d’automne (Paul Verlaine) Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cœur D’une langueur monotone. Tout suffocant Et blême, quand sonne l’heure, Je me souviens Des jours anciens Et je pleure Et je m’en vais au vent mauvais Qui m’emporte Deçà, delà, Pareil à la Feuille morte. Texte 2 « Il pleure dans mon cœur… » (Paul Verlaine) Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville ; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon cœur ? Ô bruit doux de la pluie Par terre et sur les toits ! Pour un cœur qui s’ennuie, Ô le chant de la pluie ! Il pleure sans raison Dans ce cœur qui s’écœure. Quoi ! nulle trahison ?…. Ce deuil est sans raison. C’est bien la pire peine De ne savoir pourquoi sans amour et sans haine mon cœur a tant de peine ! 1. Découvrir les poèmes 6. Dans le poème de Victor Hugo, diriez-vous que le paysage est décrit précisément ou non ? Pourquoi, à votre avis ? 1. Après avoir lu les trois poèmes, donnez le sens des mots suivants (cherchez si nécessaire dans un dictionnaire) : langueur, suffocant, blême, deuil. ................................................................................................... 2. Pour chaque poème, relevez les éléments du paysage décrit : Poème 1 Poème 2 Poème 3 Éléments du paysage ................................................................................................... 2. Paysage et sentiment 4. Dans les deux poèmes de Paul Verlaine, pourquoi le paysage provoque-t-il de tels sentiments chez le poète ? ................................................................................................... 5. Dans ces mêmes poèmes, relevez des vers qui montrent que paysage et sentiment sont tous deux liés (le paysage permet d’exprimer ce que ressent le poète). ................................................................................................... NRP COLLÈGE ................................................................................................... 3. Paysage, sentiment et poésie 7. Dans le poème 1, regardez les rimes : quels mots importants permettent-elles de mettre en relief ? ................................................................................................... 8. Regardez la mise en forme du poème 1 : ne vous semblet-il pas que Verlaine a presque « dessiné » quelque chose ? 3. Pour chaque poème, dites quel sentiment, selon vous, ressent le poète. Essayez de justifier votre réponse. 36 Texte 3. « Demain, dès l’aube… » (Victor Hugo) Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. mars 2014 ................................................................................................... 9. Dans les poèmes 1 et 2, relisez à voix haute les vers : 1. « Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cœur D’une langueur Monotone. » 2. « Dans ce cœur qui s’écœure » Quelles remarques faites-vous sur le choix des mots et leurs sonorités ? ................................................................................................... ................................................................................................... 2 5e Séquence 2 Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. E FI E ÉL È V cH À nous la poésie ! 1. Exprimer des sensations Face à un paysage on peut sentir diverses choses : il y a ce qu’on voit bien sûr, mais aussi des bruits, des odeurs, des parfums… Nos sens réagissent à ce paysage. 1. Trouvez des mots pour compléter le tableau suivant : Noms adjectifs Verbes Sens de la vue Sens du goût 2. À vous maintenant d’associer à un paysage des sensations variées : Un paysage de montagne en plein hiver Sans de l’odorat Une plage en plein été Sens de l’ouïe La ville où j’habite Sens du toucher Chez moi 2. Exprimer des émotions 3. Quand nous ressentons une émotion, comment cela se manifeste-t-il ? a. Cherchez, si besoin à l’aide d’un dictionnaire, le sens des mots suivants : l’euphorie, la détresse, l’angoisse, la nostalgie. b. Pour chacun de ces sentiments, cherchez maintenant comment ils se manifestent : que ressentons-nous à l’intérieur ? Quelle est notre attitude ? Comment voyonsnous physiquement ce que nous ressentons ? ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 3. Employer des images 4. Les poètes que vous avez rencontrés dans cette séquence utilisent des images qu’ils inventent pour communiquer leurs émotions. La comparaison et la métaphore permettent par exemple de nous faire comprendre ce qu’un lieu peut représenter pour le poète. S’il parle de ce lieu en écrivant « c’est mon nid », qu’est-ce que cela signifie ? S’il écrit « c’est ma prison », qu’est-ce que cela signifie ? ................................................................................................... ................................................................................................... 5. Complétez les phrases suivantes en utilisant une comparaison avec un paysage : Quand je suis triste, je suis comme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Quand je suis heureux, je suis comme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Faire rimer son texte 6. a. Trouvez un mot qui rime avec « bonheur », puis un mot qui rime avec « vent ». Vous avez maintenant quatre rimes. Imaginez un poème de quatre vers dans lequel vous utiliserez ces quatre rimes. b. Trouvez un mot qui rime avec « chagrin », puis un mot qui rime avec « feuille ». Même consigne. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... mars 2014 NRP COLLÈGE 37 3e Séquence 3 La poésie engagée, toujours actuelle Par Jean-Michel Zakhartchouk Présentation et problématique Manifestation dans les rues de Santiago du Chili pour commémorer le 40e anniversaire du coup d’État militaire et rendre hommage au chanteur Victor Jara opposant à la dictature (voir p. 41). Les + numériques Dans cette séquence, vous pourrez exploiter les ressources multimédia suivantes*, disponibles sur le site NRP dans l’espace « Ressources abonnés ». Rendez-vous sur http://www.nrp-college.com. Reconnaître les traces d’un engagement Écrire des vers à partir de contraintes Reconnaître les procédés poétiques * Certaines de ces ressources sont réservées aux abonnés numériques (abonnés Papier + numérique ou 100 % numérique). 38 NRP COLLÈGE mars 2014 • Dans cette séquence, il s’agit pour vous d’amener l’élève à comprendre ce qu’est la poésie dite engagée, qui au xxe siècle est peut-être devenue un « genre » spécifique, tout en s’inscrivant dans le temps long d’une littérature se voulant force d’action ou accompagnatrice de luttes ou de révoltes. À cette occasion, vous présenterez aux élèves des formes qui ont l’avantage d’être souvent accessibles, et vous chercherez à bâtir des ponts entre une poésie parfois très « classique » et des formes familières à beaucoup d’entre eux (rap, slam). Ce sera l’occasion, à partir de contraintes techniques fécondes, de produire des textes engagés, nourris des textes travaillés auparavant. • On retrouve là des attitudes que le socle commun engage à développer : savoir faire preuve de créativité en intégrant des ressources de lecture, savoir relier des œuvres patrimoniales à sa propre culture. ajoutons les riches possibilités de conjugaison avec l’Histoire, qui peut fournir des ressources à l’écriture du texte, de même qu’en retour, ce travail qui souvent touche les élèves permet un regard plus sensible sur des événements historiques qu’ils peuvent alors davantage s’approprier. L’étude de procédés rhétoriques est tout à fait pertinente pour ce genre de poésie qui cherche à convaincre le lecteur plus qu’à exprimer des états d’âme. • Vous inscrirez la séquence dans une problématique plus générale, qui recouvre bien des aspects du programme de Troisième : les liens de la littérature avec « le bruit et la fureur » du xxe siècle et du début du suivant. Le choix du corpus • Les manuels de Troisième contiennent de nombreux fragments de poésie engagée du xxe siècle, et vous pourrez aisément puiser dans ce corpus, en y intégrant également la chanson d’hier et aujourd’hui, dont vous trouverez facilement les paroles et éventuellement des clips vidéo sur Internet. La poésie engagée, toujours actuelle 3e Séquence 3 Supports • Louis Aragon, Ballade de celui qui chanta dans les supplices, publié en 1948 ; Strophes pour se souvenir (devenu sous forme de chanson « l’Affiche rouge »), 1955, interprétation en clip vidéo de Wire Jack ; La Rose et le Réséda, 1943, chanté par La Tordue. • Paul Eluard, La Victoire de Guernica, 1938 ; Liberté, 1942. • Jacques Prévert, Barbara, 1946, interprétation en clip vidéo par Troïka. • Nazim Hikhmet, Mes frères, dans le recueil paru en Poche Il neige dans la nuit et autres poèmes. • David Diop, Liberté, dans le recueil Coups de pilon, 1956. • Étienne Roda-Gil, Utile, 1992, interprétation et musique de Julien Clerc. • Abd-al-Malik, Césaire (Brazzaville via Oujda), 2008. Objectifs • Comprendre ce que signifie la « poésie engagée ». Savoir la situer dans l’Histoire (Résistance, refus du colonialisme, de la guerre, problèmes du monde d’aujourd’hui). • Savoir repérer des procédés utilisés dans ce genre de poésie (anaphores, métaphores, interpellations) et des tournures grammaticales (relatives, interrogatives, impératif, passif). • Savoir utiliser quelques procédés caractéristiques (rythme, images…) pour écrire un texte engagé. • Mettre en relation des textes et des œuvres picturales. ÉtaPE Durée 1 • Une douzaine d’heures. SÉaNCE 5. Utiliser des extraits littéraires pour améliorer sa production Comprendre ce que signifie « poésie engagée » ➔ Étude de textes Durée : 2 heures SÉaNCE 1. Définir la notion ➔ Repères SÉaNCE 6. Retour réflexif sur la notion de poésie engagée Supports : Manuel de français, dictionnaires Objectif : Aboutir à une première définition collective de la poésie engagée Durée : 1 heure 30 ➔ Étude de textes et de documents Objectif : Affiner la définition de la poésie engagée Supports : • Textes étudiés dans la séquence • Citation de Benjamin Péret • Fiche élève 3 (notices biographiques de poètes engagés) Durée : 2 heures SÉaNCE 2. Étude de textes engagés et mise en évidence de procédés rhétoriques Supports : Voir corpus de la séquence Objectifs : • Saisir la spécificité de la poésie engagée • S’en approprier le message et le sens profond Durée : 1 heure 30 SÉaNCE 3. Première proposition d’écriture autour de Guernica ➔ Étude de textes, expression écrite ÉtaPE Supports : • Picasso, Guernica • Eluard, La Victoire de Guernica • Alain Resnais, court métrage sur Guernica (1950) Objectif : Rédiger quelques strophes autour d’un événement historique Durée : 2 heures 2 ÉtaPE ➔ Étude de textes 3 Retour à la situation d’écriture SÉaNCE 7. Récapitulation et finalisation du projet d’écriture ➔ Expression écrite Objectifs : • Retravailler le premier jet des textes déjà écrits (séance 3) • Produire de nouveaux textes Support : Grille d’évaluation finale des compétences Durée : 1 heure Mobiliser les ressources nécessaires pour améliorer les textes SÉaNCE 4. Utiliser les ressources de la langue dans la perspective de l’écriture/réécriture ➔ Étude de la langue, expression écrite Supports : • Modèles de métaphores • Phrases de tracts ou de lettres • Photographie de Robert Capa « Mort d’un soldat républicain » (1936), œuvres engagées de Picasso. Objectifs : • Travailler sur des formes spécifiques (images, rythmes, tournures syntaxiques) utilisables dans la production poétique. • S’initier à la rhétorique de l’image. Durée : 2 heures Évaluation de compétences en lien avec le socle commun Maîtrise de la langue / Lire • Repérer les informations dans un texte à partir des éléments explicites et des éléments implicites nécessaires (nécessité de recherche documentaire et de référence au cours d’Histoire) C1, 2 • Manifester, par des moyens divers, sa compréhension de textes variés (C1, 5) • Lire le texte de manière expressive à haute voix (C1,1) Maîtrise de la langue / Écrire • Savoir écrire un texte en fonction d’intentions • Utiliser ses capacités de raisonnement, ses connaissances sur la langue, savoir faire appel à des outils variés pour améliorer son texte (C1, 9) mars 2014 NRP COLLÈGE 39 Étape 1 Comprendre ce que signifie « poésie engagée » Séance 1 r ep è r e s Définir la notion ••L’objectif est de confronter des indications données par le ma- nuel, par des dictionnaires, par une réflexion collective autour des mots « poésie » et « engagement », pour aboutir à une définition qui reste forcément imparfaite et non dogmatique. Consigne : en groupes, à partir de documents divers, donnez une définition simple de la « poésie engagée » qui permette de dire que tel ou tel texte en fait partie. Puis indiquez pourquoi des poètes se veulent « poètes engagés ». Vous ferez ressortir l’idée que s’engager, ce n’est pas seulement dénoncer, mais défendre une cause, des convictions. Il s’agit donc d’une littérature de combat, d’appel à la révolte ou à la résistance, ou au moins à la prise de conscience. La compassion pour des victimes n’est pas suffisante pour qu’on parle d’engagement (par exemple, si l’on peut faire allusion au Dormeur du val, il serait abusif de le considérer comme un poème pacifiste). La seule description d’injustices ne l’est pas davantage (ainsi, « Les Animaux malades de la peste », qui ne proposent rien pour éviter les injustices). La poésie engagée s’oppose aussi à la poésie lyrique, car il s’agit plus d’une poésie d’idées que de sentiments, centrée sur le « nous » plutôt que sur le « je ». Mais bien entendu, les sentiments sont aussi présents dans la poésie engagée ! D’autre part, l’engagement l’est-il forcément pour une « bonne cause » ? Là aussi, une réflexion collective s’impose. Vous pourrez par exemple projeter un extrait du poème d’Eluard à la gloire de Staline (« Car la vie et les hommes ont élu Staline/Pour figurer sur terre leur espoir sans bornes ») publié dans L’Humanité, le 8 décembre 1948 (pour l’anniversaire de Staline). Mais il est vrai qu’ici l’engagement se confond avec l’hagiographie et n’est plus un acte de résistance, mais de soumission. Est-on encore dans une définition de l’engagement ? N’y a-t-il pas là une dérive toujours possible quand l’art se met totalement au service d’une cause ? Nous y reviendrons plus loin dans la séquence… Des activités précises sont alors proposées, telles qu’un classement d’extraits : poésie engagée ou non… (voir fiche élève 1), ou un vrai-faux avec justification, sur le modèle suivant. •• •• 8. La poésie engagée combat toujours ce qui opprime les hommes. 9. La poésie engagée s’exprime en vers. 10. La chanson d’aujourd’hui peut être « engagée ». Éléments de réponse 1. S’il est faux de dire qu’elle ne peut rien, on peut tout de même discuter du pouvoir de la poésie, qu’on peut aussi considérer comme dérisoire face au choc des armes. 2. On peut donner des exemples à l’appui de cette affirmation, dont justement la poésie de la Résistance, surtout dans les moments où tout ce qui peut contribuer à « maintenir la flamme » est nécessaire et utile. 3. et 4. Ici s’opposent deux conceptions de la poésie, opposition qu’on peut cependant dépasser, puisque l’engagement n’est pas contradictoire avec l’écriture lyrique, l’expression du Moi et des sentiments personnels. 5. On pourra ici parler de la censure contre les poètes, notamment dans les pays totalitaires. 6. De nombreux poètes ont représenté ou représentent un combat populaire, et sont très écoutés : de Neruda à Darwich, comme hier Victor Hugo… 7. On donnera en particulier l’exemple de poètes du « Tiers Monde » devenus chefs d’État comme Leopold Sedar Senghor, ou de personnalités importantes comme Aimé Césaire. 8. On n’oubliera pas de dire que la poésie, l’art en général peuvent être au service de l’oppression (à l’instar de ce personnage de La guerre de Troie n’aura pas lieu, qui préfigure tel poète nationaliste serbe par exemple). 9. Cette affirmation donnera l’occasion de revenir sur ce qu’est la poésie, qui ne se confond pas avec l’écriture en vers. 10. On sera ici amenés à évoquer la chanson engagée, à laquelle les élèves ne pensent pas forcément au départ. Il sera intéressant de reprendre ce questionnaire en fin de séquence. Mais pour structurer tout ce qui a été établi, vous pouvez demander aux élèves de rédiger un paragraphe argumenté court, mais précis sur ce qu’on appelle finalement « poésie engagée » aux xxe et xxie siècles. •• •• Consigne ••Voici des affirmations. Certaines sont vraies, d’autres fausses, d’autres partiellement vraies ou fausses. Donnez votre avis en le justifiant. 1. La poésie ne peut rien contre la guerre, le racisme, l’intolérance. 2. La poésie donne des forces pour lutter contre l’oppression et la tyrannie. 3. Les poètes expriment surtout leurs sentiments personnels pour ce qui les entoure. 4. Les poètes peuvent s’engager pour défendre une cause. 5. Des poèmes peuvent être interdits. 6. Certains poètes ont été très connus et populaires pour leurs combats. 7. Des poètes se sont engagés dans la vie politique et sont même devenus chefs d’État. 40 NRP COLLÈGE mars 2014 « Frappe les blancs avec le coin rouge » : affiche de propagande soviétique, 1919-1920. La poésie engagée, toujours actuelle Séance 2 3e Séquence 3 étude de texte s Étude de textes « engagés » et mise en évidence de procédés rhétoriques Dans une approche par compétences, des textes vont être étudiés et servir de ressources, de « modèles » pour un travail d’écriture, qui, une fois enclenché, permettra en retour de mieux saisir la spécificité des poèmes engagés et de s’en approprier le message et le sens profond. Vous allez donc étudier un corpus précis (voir ci-dessus) qui intègre des chansons pouvant être reproduites sous forme de clips vidéos, très prisés des élèves. Notons, à propos des transpositions de poèmes sous forme de chansons, qu’il importe de faire les bons choix : on peut être personnellement toujours bouleversé à l’écoute de Léo Ferré chantant l’hommage aux « vingt-trois étrangers/et nos frères pourtant » ou apprécier le Barbara d’Yves Montand, mais il est peut-être préférable de donner à entendre des interprétations plus récentes, plus adaptées à un public d’élèves demandeurs de « rythme ». Il s’agit bien d’être un « passeur culturel » et de donner une image séduisante de cette poésie qui peut rencontrer des préoccupations d’un certain nombre de jeunes, surtout dans une « banlieue », là où a été expérimentée cette séquence. Les compétences mises en œuvre ••Les compétences explicitement travaillées ici sont les suivantes : 1. Savoir relier un texte littéraire et des documents authentiques : en l’occurrence, par exemple, des lettres de fusillés, les textes circulant clandestinement, utilisant la parodie, les détournements (chansons de Pierre Dac), les jeux de mots. Il est important de ne pas en rester à la période de la Seconde Guerre mondiale et d’aborder des textes plus contemporains et de divers continents. Exemples : • Confrontez la dernière lettre de Manouchian à sa femme Mélinée (que l’on trouve dans nombre de recueils comme Au nom de la Liberté, « Étonnants classiques », 2000) et le poème d’Aragon. Quels sont les passages presque textuellement repris et quels sont les ajouts du poète dans la partie du texte qui évoque ce dernier et poignant courrier ? • Le recueil cité, Au nom de la Liberté, contient des textes qui sont autant de messages codés (voir aussi : http://tinyurl.com/n5rwszv). Ainsi le texte commençant par : « Aimons et admirons/le chancelier Hitler L’éternelle Angleterre/est indigne de vivre » s’avère un message de Résistance quand il est lu de haut en bas en coupant chaque vers en deux, à la manière du message de Zadig chez Voltaire (qu’on peut rappeler au passage). Vous pouvez au départ indiquer aux élèves qu’il ne s’agit pas du tout d’un texte collaborationniste et qu’il y a un procédé à découvrir. • Des chansons de Pierre Dac (tel « Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand ») peuvent aussi être étudiées rapidement. Et le message codé fait d’initiales (« la nation ABC, la gloire FAC… ») peut même servir d’exercice orthographique manipulant les terminaisons en -é. • Mais le travail doit aussi s’élargir à d’autres périodes. Ainsi le texte de la chanson de Julien Clerc Utile peut-il être mis en relation avec des documents sur le Chili, la torture, l’évocation du chanteur chilien Victor Jara dont les mains furent brisées par les militaires, etc. Affiche de propagande du 5 février 1944 dite « l’affiche rouge », présentant les résistants du groupe Manouchian comme des criminels. 2. Savoir repérer en vue d’une utilisation proche, annoncée dès le départ (production d’un poème), les procédés utilisés. Ceux-ci peuvent obéir à une nécessité d’être compris d’un large lectorat et donc reprendre des formes classiques, qui facilitent la mémorisation. Ces procédés sont de plusieurs ordres : – rhétorique (utilisation de métaphores, mais cela n’est pas réservé à ce type de poésie ; place importante de l’anaphore, qui permet des effets d’insistance ; antithèse qui permet la confrontation du Bien et du Mal ; oxymore qui transforme les vaincus provisoires en vainqueurs moraux….) ; – rythmique (présence de refrains, retour à l’alexandrin chez Aragon par exemple) ; – syntaxique (utilisation de phrases interrogatives, du passif, mais aussi de phrases nominales). Exemple : Retrouvez les procédés utilisés par Aragon dans les « Strophes pour se souvenir ». On dressera tout d’abord une liste récapitulative de ces procédés, et on demande de les reconnaître en distinguant ce qui est de l’ordre de la rhétorique, de la typographie, de la disposition des mars 2014 NRP COLLÈGE 41 vers, du rythme, de la syntaxe. Ceci est une bonne manière de s’approprier ces procédés et servira ensuite dans la phase d’écriture. On est là dans une phase de préparation à la mobilisation de ressources. Ainsi, dans cet extrait de « L’Affiche rouge » : « […] Un grand soleil d’hiver éclaire la colline Que la nature est belle et que le cœur me fend La justice viendra sur nos pas triomphants Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant » Louis Aragon, Strophes pour se souvenir, 1955, Le Roman inachevé © Gallimard. On trouve : – des personnifications : « la justice » en marche ; – des métaphores : « les fusils fleurirent » (allusion à l’expression « la fleur au fusil » mais il s’agit aussi d’un oxymore et d’une allitération qu’on peut considérer comme prolongée par « frères » et « France ») ; – la répétition de « vingt et trois », mais aussi celle du mot « cœur » (qui se fend, qui est donné « avant le temps ») ; – l’absence de ponctuation qui impose de bien repérer le texte de la lettre du Résistant en le distinguant de la voix du narrateurcélébrateur, de réfléchir aux mots à mettre en valeur comme « la France » ; – les oppositions (« étrangers/frères » « de vivre/à en mourir », mais aussi « étrangers »/« la France »). Séance 3 étude de texte s exp r e s s i o n é c r ite Autour de Guernica, première proposition d’écriture ••Vous consacrez le début de la séance à un travail autour de cet événement-clé qu’a été le bombardement de la petite ville basque de Guernica, premier vrai bombardement de civils qui a donné lieu, on le sait, au célébrissime tableau de Picasso, mais aussi au poème moins connu de Paul Eluard intitulé paradoxalement La Victoire de Guernica (publié dans le recueil Cours naturel de 1938). Bien entendu, le lien avec l’Histoire des arts est évident et l’éclairage du cours d’Histoire l’est également, d’autant que vous pouvez faire consulter des documents sur ce qui s’est passé (et qui a donné lieu à des polémiques sur l’établissement précis des faits). Vous ne ferez étudier qu’un extrait du poème d’Eluard (extrait qui sera ensuite mémorisé puis restitué en classe, avec le tableau de Picasso projeté en toile de fond). Pour compléter, des extraits vidéo peuvent être trouvés sur Internet (le film Guernica d’Alain Resnais fait la jonction entre Picasso et Eluard). Ce travail débouche sur une première proposition d’écriture : rédiger des strophes en partant du tableau de Picasso et des éléments abordés en classe autour de cette tragédie. Au préalable, on aura pu entraîner les élèves à écrire des strophes à partir de Liberté, ce qui est souvent « rassurant » car assez aisé (il est possible de remplacer ou non « liberté » par une autre notion comme « justice », ou « amour » en s’éloignant alors de l’engagement civique). •• 42 NRP COLLÈGE mars 2014 Évaluation du premier jet Ce travail donne lieu à une évaluation provisoire, réalisée à partir du tableau suivant : (V : validé, ECV : en bonne voie, en cours de validation ; NV : non validé) Critères d’évaluation V ECV NV J’ai bien respecté les contraintes de rythme (unité des vers quant au nombre de syllabes sauf effet particulier). Mon texte est cohérent, en rapport avec les événements historiques évoqués. Mon texte contient des procédés poétiques bien utilisés : jeux de sonorité. Mon texte contient des procédés poétiques bien utilisés : images, figures de style. ••On a réduit le nombre de compétences évaluées, mais on est allé à l’essentiel en matière de poésie : la musicalité, les images, et le souci du sens, qui doit être cohérent. Resterait à évaluer la « créativité », ce qui pose toujours problème et ne peut se faire que sous forme de « bonus » : l’affichage d’extraits, la lecture à haute voix de strophes réussies peuvent être d’autres manières d’évaluer les productions les plus originales ou les plus riches. Voici quelques exemples de strophes réalisées dans une classe où la plupart des élèves ont de grosses difficultés à produire des textes à la fois cohérents et créatifs. •• Guernica, tu es en flammes Faible protection de l’épée Le cheval noir hurle de peur Fleur lueur d’espoir Stanley Épée qui ne nous a pas protégés Cheval douleur de mon cœur Lumière de nos âmes abattues Je m’adresse à l’espoir disparu Sofiane Épée impuissante Monde interloqué Visages déformés Fleur sans espoir Lampe sans larmes Kahina Guernica l’Enfer brûle Ces démons ont frappé Vos prières ne changeront rien Regarde vers l’avenir Vers le grand soleil Vers les flammes de l’espoir Théo La poésie engagée, toujours actuelle Étape 2 Mobiliser les ressources nécessaires pour améliorer les textes Les élèves, à travers les activités proposées, sont amenés à s’approprier diverses ressources nécessaires pour enrichir leurs premiers récits, à s’entraîner avec les outils de la langue utiles pour améliorer leurs textes. Séance 4 étude de la la n gue exp r e s s i o n é c r ite Utiliser les ressources de la langue dans la perspective de l’écriture/réécriture Ce travail prolonge tout ce qui a été fait les années précédentes autour de la poésie (dont la poésie lyrique étudiée en quatrième). Il s’agit notamment : – d’étudier des modèles de métaphores pour en inventer d’autres (sur les thèmes du combat, de la libération, de l’oppression…). Exemples : « fracas de la terre » (Eluard, Veilleur du Pont au change), « C’est nous qui brisons les barreaux pour nos frères » (Maurice Druon et Joseph Kessel, Le Chant des partisans), « Couplés au bœuf décharné, nos poèmes/doivent pouvoir labourer la terre » (Nazim Hikhmet, « Mes frères »), « La poésie est une arme chargée de futur » (titre d’un poème de Gabriel Celaya) ; – de transformer des phrases de tracts ou de lettres en vers rythmés, voire rimés (on peut partir aussi de lettres de Résistants, comme on l’a vu précédemment). Exemples : « Ce sont les Français qui me livrent, mais je crie : “Vive la France”, les Allemands qui m’exécutent, et je crie : “Vive le peuple allemand et l’Allemagne” » (lettre de Guido Brancardo, fusillé), ou le dernier discours de Salvador Allende, assiégé au palais de la Moneda en 1973 : « Ils ont la force, ils pourront nous asservir mais nul ne retient les avancées sociales avec le crime et la force. L’Histoire est à nous, c’est le peuple qui la construit » ; – d’utiliser des formes syntaxiques telles que les phrases interrogatives « rhétoriques » (indignation, interpellation), le passif (le peuple martyrisé, le pays qui est blessé…) ou les phrases nominales (pour décrire un tableau ou une photographie) ; – on peut travailler tout aussi bien sur une photo de Robert Capa sur la guerre d’Espagne ou sur un autre Picasso, telle l’affiche d’Amnesty international sur la paix, ou Massacre en Corée, 1951. Exemple de travail sur l’image ••On pourra travailler sur la photo de Robert Capa Mort d’un soldat républicain, prise en 1936 (l’authenticité de cette photo fait l’objet d’un débat : prise sur le vif ou montage, comme on semble le penser aujourd’hui ?). On demande aux élèves, en indiquant seulement le titre de la photo et la date : 1. Qu’est-ce qui nous touche dans cette photo ? 2. Pourquoi le photographe l’a-t-il prise ? On peut ensuite débattre de son authenticité en donnant quelques éléments factuels ou en faisant chercher des informations sur Internet, le but étant de montrer que, dans tous les cas, •• •• 3e Séquence 3 le photographe a une intention artistique et politique. Cette photo dont on sait qu’elle est l’une des plus célèbres du monde offre un bon exemple de rhétorique qui transforme la victime en héros de légende ; on pourra l’étudier en écho à des représentations du héros en peinture ou en sculpture. Séance 5 étude de texte s Utiliser des extraits littéraires pour améliorer sa production En fait, il convient de répartir l’étude des textes évoqués plus haut entre l’avant et l’après du premier travail d’écriture. Mais vous pouvez aussi revenir sur un texte déjà abordé, en demandant en quoi il peut servir de modèle, de matrice d’écriture. Séance 6 étude de texte s et de d o c ume n t s Retour réflexif sur la notion de poésie engagée ••Avant de lancer à nouveau les élèves dans la production écrite, vous reviendrez sur la notion de poésie engagée afin de voir si les représentations qu’ils s’en font ont évolué. Vous leur demanderez de reprendre ce qu’il pouvait y avoir de commun entre les textes étudiés, mais en insistant aussi sur les différences de forme, de situation historique, de contexte. Vous pouvez aussi, en contrepoint, les faire réfléchir sur cette citation de Benjamin Péret qui écrit en 1945 : « L’expulsion de l’oppresseur et la propagande en ce sens sont du ressort de l’action politique, sociale ou militaire… En tout cas, la poésie n’a pas à intervenir dans le débat autrement que par son action propre… » en expliquant que, pour lui, la poésie se trahit lorsqu’elle intervient dans l’actualité politique. Cela permet ainsi d’introduire de la distance par rapport à cet engagement qui a été jusque-là valorisé, en montrant que son association avec la littérature ne fait pas l’unanimité. Vous pouvez là aussi proposer un paragraphe argumenté ou, pourquoi pas, un dialogue entre deux poètes, sur cet engagement que l’un défend et l’autre pas. Parallèlement, vous insisterez sur les destins divers de poètes engagés en regardant des mini-notices biographiques permettant de distinguer ceux qui ont été surtout des témoins et ceux qui ont pris des risques, physiques ou moraux (voir fiche élève 2). Il s’agit ainsi de réfléchir encore aux motivations qui conduisent des écrivains à s’engager, en insistant sur le fait que tout engagement n’est pas forcément louable… Cette réflexion peut d’ailleurs se prolonger par un entraînement à un sujet de type DNB portant plus globalement sur l’engagement (au-delà de la poésie). Nous proposons dans ce numéro un travail à partir de « La ballade de celui qui chanta dans les supplices » de Louis Aragon (p. 60-62). •• •• •• •• Prolongement interdisciplinaire Et si on allait voir du côté de… l’Histoire Lorsqu’un travail interdisciplinaire peut être mené avec le collègue d’Histoire, c’est bien évidemment mieux. Vous pouvez ainsi valoriser les productions poétiques des élèves en proposant une insertion de celles-ci dans le cahier d’Histoire ou leur affichage dans les salles des deux matières. mars 2014 NRP COLLÈGE 43 Étape 3 Retour à la situation d’écriture Séance 7 exp r e s s i o n é c r ite Récapitulation et finalisation du projet d’écriture Évaluation finale L’évaluation finale reprend à peu près les mêmes critères d’évaluation que celle du premier jet, mais vos exigences augmentent. Cette évaluation, nous l’avons dit ci-dessus, participe à la validation du Livret personnel de compétences (ou ce qui en tiendra lieu dans les années à venir). (V : validé, ECV : en bonne voie, en cours de validation ; NV : non validé) Critères d’évaluation Après cette situation de mobilisation des ressources, les élèves sont invités à revenir à la production poétique. Deux choix possibles : soit retravailler les poèmes déjà écrits à partir du tableau Guernica, en intégrant par exemple l’obligation de rimes, en mettant en place des contraintes encore plus serrées (il faut « trois » métaphores, etc.), soit produire un nouveau texte, en partant d’une situation historique ou d’actualité. On peut introduire ici une différenciation entre les élèves selon leurs facilités d’écriture. La première solution est plus cadrée, mais peut-être moins motivante. Auparavant, vous vous lancerez dans une récapitulation des ressources possibles, des activités menées, des lectures qui peuvent être utiles ; vous observerez avec les élèves la grille d’évaluation conçue comme une aide à l’écriture. Vous pourrez même montrer un exemple d’amélioration possible, ou vous servir de textes d’élèves déjà existants, examinés collectivement en vidéoprojection (voir les textes proposés en compléments numériques). 44 NRP COLLÈGE mars 2014 NV Mon texte est cohérent, en rapport avec les événements historiques évoqués. Mon texte contient des procédés poétiques bien utilisés : jeux de sonorité. Mon texte contient des procédés poétiques bien utilisés : images, figures de style. (bonus) Mon texte est inventif, créatif. ••Valider la compétence, c’est bien juger que ce qu’a produit l’élève est « suffisamment convenable ». Il y a bien un aspect subjectif à un moment donné de la part de l’enseignant qui hésite entre « validation » et « en cours ». Il faut cependant bien préciser que l’on ne valide pas seulement quand les critères ont été parfaitement respectés. Pour le premier item, on peut admettre quelques erreurs dans le comptage des syllabes, l’important est qu’un rythme soit trouvé de façon continue dans le poème. Pour le second, on jugera le sens global, l’absence de grave incohérence par rapport à ce qui a été dit en classe, en l’occurrence sur les circonstances du bombardement nazi. Pour l’insertion de procédés poétiques, l’intention, même exprimée maladroitement, est importante. C’est ici la capacité à mobiliser, à réinvestir tout le travail préparatoire qui est estimée. Insistons là-dessus : on évalue une compétence en construction, pas une « performance ». Laissons au bonus l’appréciation de la créativité, de l’inventivité, une entrée plus affirmée dans un univers poétique, mais on ne demande pas forcément cela dans le cadre de l’acquisition du socle commun en fin de troisième. Vous récapitulerez avec les élèves les phases par lesquelles on est passé, vous reviendrez sur les définitions de départ de la poésie engagée, en réutilisant par exemple le travail « vrai-faux » réalisé dans la séance 1, et vous prendrez soin de resituer la séquence dans le programme de français de troisième, qui intègre d’autres aspects de la littérature engagée. Vous valoriserez le travail des élèves par des lectures à haute voix, des affichages de textes, éventuellement illustrés avec le concours du professeur d’Arts plastiques. En lisant en classe ces textes, on pourra peut-être entendre les mots d’une collégienne creilloise : « Vraiment je ne savais pas qu’il y avait autant de poètes dans la classe. » •• Picasso, Guernica, 1937 (Madrid, Museo nacionál Centro de Arte Reina Sófia). ECV J’ai bien respecté les contraintes de rythme (unité des vers quant au nombre de syllabes sauf effet particulier). Inventaire des ressources qui ont servi à écrire/réécrire : – des lectures de textes variés (poèmes pour l’essentiel, mais aussi documents authentiques ou textes explicatifs) ; – l’écoute de chansons ou d’adaptations de poèmes sous forme chantée ; – la projection d’images (tableaux, photos) ; – le retour sur des procédés stylistiques déjà étudiés (figures de rhétorique, jeux de sonorités, disposition typographique) ; – la circulation éventuelle de textes entre les élèves, pour se « donner des idées » ; – la présentation de la grille d’évaluation, qui permet de comprendre où l’on doit arriver ; – la référence au cours d’Histoire qui nous aide à resituer la poésie engagée dans son contexte ; – la connaissance personnelle de chansons d’aujourd’hui (rap ou slam par exemple). V La poésie engagée, toujours actuelle Histoire arts des né au début du XXe siècle sous l’impulsion de Murillo, artiste mexicain qui souhaitait en finir avec la peinture des salons, le muralisme est une nouvelle forme d’expression artistique qui, comme son nom l’indique, prend les murs comme support de peintures destinées à susciter des débats idéologiques. Il s’agit ainsi de sortir des filières réservées à une élite pour toucher tout un chacun. Dès ses origines, ce mouvement s’accompagne donc de l’idée d’un engagement social de l’artiste – pour lequel l’art a une fonction publique – mais aussi d’un engagement politique. Retrouvez le questionnaire élève de cette analyse et son corrigé en ligne. 3e Séquence 3 Muralisme et engagement Sur les murs d’un village, des fresques collectives En Italie, le muralisme se développe dans les années 1970 et plus particulièrement à Orgosolo, petite ville sarde de 5 000 habitants. Francesco Del Casino, un artiste proche du Parti communiste et influencé par Léger et Picasso, s’y est établi. En 1975, lors de la Festa della Liberazione qui commémore la fin officielle de l’Occupation allemande et du fascisme, des enseignants proposent de créer des affiches dont les slogans évoquant la lutte antifasciste seraient imaginés par les écoliers. L’initiative connaît un vif succès, mais les affiches étant éphémères, l’expérience se poursuit avec des fresques réalisées par Francesco Del Casino et ses élèves ; elles se multiplient, se diversifient et contribuent à la renommée de la cité. Un radeau de la Méduse revisité Fresque du village d’Orgosolo, en Sardaigne (détail). L’œuvre présentée ici n’est pas affichée de manière classique : elle ne s’expose pas dans un musée mais sur la façade d’un « bar café gelateria1 », elle n’est ni datée, ni signée. C’est une œuvre anonyme parce que créée par plusieurs à destination de tous. Elle évoque d’emblée le célèbre tableau de Géricault Le Radeau de la Méduse (1819), qui avait immortalisé le naufrage d’un navire français au large de l’actuelle mauritanie, et dont la composition est identique dans ses grandes lignes : homme torse nu, redressé à la proue de l’épave, corps enchevêtrés derrière lui, et, au premier plan, un autre semblant à l’agonie… mais un texte2 s’inscrit au-dessus de la fresque, « siamo tutti clandestini » (nous sommes tous des clandestins), la transformant ainsi en une dénonciation des frontières et des politiques d’immigration : à l’arrière-plan, un rempart ceint une ville qui évoque New York par ses gratte-ciel. En outre, les corps des « boat-people » rappellent la manière de Picasso : traits déstructurés par les à-plats des yeux et des narines de l’homme en maillot blanc, mains gigantesques, corps fondus dans les lignes brisées de la coque… Ces caractéristiques cubistes soulignent ici la maltraitance des corps et la détresse des esprits : yeux exorbités, mains tendues dans un geste d’appel, bouches ouvertes en un cri ou une lamentation… destinés à susciter l’empathie du spectateur, mais aussi son indignation ! 1. Certains éléments de la fresque ne sont pas visibles sur cette photo centrée sur le radeau ; on trouvera sur Internet d’autres cadrages permettant de voir la fresque dans son contexte : http://tinyurl.com/noqq3uw 2. Hors du cadre de cette prise de vue, ainsi que la statue de la Liberté, plus à droite. mars 2014 NRP COLLÈGE 45 Séquence 3 3e FI 1 E sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. E ÉL È V CH Pour une définition de la poésie engagée Voici un ensemble de citations de poètes. Pour chacun, qu’est-ce qui peut bien rattacher ce passage à la poésie « engagée » ? Quels indices vous permettent de répondre ? Quel message chaque auteur veut-il faire passer ? Ce travail sera réalisé en groupes. 1. « Tout au contraire des vaisseaux les oiseaux ne volent bien que contre le vent. Or la poésie tient de l’oiseau. » Victor Hugo, préface des Feuilles d’automne, 1831. 5. « […] Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore Destinée arbitraire © Gallimard. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 6. ................................................................................................... ................................................................................................... Louis Aragon, Le Musée Grévin, ................................................................................................... 2. « Le poète n’est pas celui qui dit Je n’y suis pour personne Le poète dit J’y suis pour tout le monde » Claude Roy, « Jamais je ne pourrai » in Les Circonstances recueilli dans Poésies, Gallimard. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 7. « […] Il a les doigts épais et gras comme des vers Et des mots d’un quintal précis comme des fers. Quand sa moustache rit », […] on dirait des cafards ................................................................................................... 3. « Vous demandez pourquoi ma poésie Ne parle pas du songe, des feuilles Des volcans de mon pays natal Venez voir le sang dans les rues. » Pablo Neruda, L’Espagne au cœur 1938 pour la traduction française. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 4. « Considérez si c’est un homme Que celui qui peine dans la boue Qui ne connaît pas de repos, Qui se bat pour un quignon de pain, Qui meurt pour un oui pour un non » Primo Lévi, Si c’est un homme, ................................................................................................... 46 recueilli dans Tristia et autres poèmes, Gallimard. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 8. « Depuis cent ans, les poètes sont descendus des sommets sur lesquels ils se croyaient. […] Ils ont appris les chants de révolte de la foule malheureuse et, sans se rebuter, essaient de leur apprendre les leurs. » Paul Eluard, L’Évidence poétique, in Œuvres complètes, ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 9. « Je sais la force des mots, des mots-tocsin » Vladimir Maïakowski, 1930, trad. Elsa Triolet Vers et proses. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... NRP COLLÈGE MARS 2014 2 E FI E ÉL È V cH Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. 3e Séquence 3 qui sont les poètes engagés ? Voici des notices biographiques de poètes dits « engagés ». Mahmoud Darwich (1941-2008) Poète palestinien, il fut membre de la direction de l’Organisation de Libération de la Palestine. mondialement connu. Aimé césaire (1913-2008) Poète martiniquais, il combat le racisme et le colonialisme. Il a été très longtemps maire de Fort-deFrance et député. ossip Mandelstam (1891-1938) Poète russe, antistalinien, il fut arrêté, déporté et mourut durant sa déportation. Bertold Brecht (1898-1956) Dramaturge et poète allemand, il a combattu le nazisme par ses écrits et s’est exilé pendant la période nazie. Pablo neruda (1904-1973) Poète chilien, prix Nobel de littérature. mort (peutêtre assassiné) juste après le coup d’État militaire dans son pays. Paul Eluard (1895-1952) Ce poète français qui combattit le fascisme est l’un des grands écrivains de la résistance. Kateb Yacine (1929-1989) Cet écrivain algérien, auteur de poèmes sur son pays, a dû s’expatrier pendant la guerre d’algérie. Yannis ritsos (1909-1990) Poète grec, souvent en exil ou déporté, il a combattu la dictature dans son pays tout en soutenant le communisme. nazim Hikhmet (1902-1963) Ce poète turc, successivement condamné pour antimarxisme, activités antinazies et antifranquistes, a fait 17 ans de prison et est mort en exil à moscou. David Diop (1927-1960) Poète sénégalais, il a combattu le colonialisme dans son recueil de poèmes Coups de pilon. questions 1. Quel(s) point(s) commun(s) ces poètes présentent-ils ? ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 2. Que combattent/ou combattaient-ils ? ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 3. Comment voit-on que l’engagement dans l’écriture est aussi une forme d’action ? ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... mars 2014 NRP COLLÈGE 47 ÉtuDE DE LA LANGuE La ponctuation pour construire le sens FIcHE ENSEIGNANt Par Pascale Elissondo Présentation Présentation Contenu Déroulement Ces fiches s’adressent s’adressent aux aux classes classes de de6e 6e et éventuellement éventuellement de de 5e 5e et peuvent être proposées en accompagnement d’un cours sur la ponctuation ou dans le cadre d’une remédiation, en autonomie. La classe de 6e initie les les élèves à un travail sur la construction du 6e initie récit. Il est très fréquent, malgré le travail par étapes, que les copies soient pauvres en ponctuation. Lancés dans le désir d’écrire long, de raconter une histoire, les élèves oublient de ponctuer, convaincus, pour certains, que cela n’est pas une priorité, pour d’autres qu’ils le feront à la relecture. Dans leur élan, leur enthousiasme même à inventer, ils n’ont pas toujours conscience que la ponctuation donne du sens. Ces fiches proposent donc de mettre en évidence le lien entre ponctuation et sens. Nous aborderons la ponctuation selon les trois axes suivants : – la ponctuation forte, essentielle à la construction de la phrase, – la ponctuation à l’intérieur de la phrase, qui peut être un élément stylistique ou porteur de sens, – la ponctuation du dialogue, – la dernière fiche clôturant l’ensemble en rappelant le rôle de la ponctuation dans la construction du sens. La première fiche aborde la ponctuation forte par un exercice basé sur l’écoute : quelques phrases sont dictées et l’on demande à l’élève d’utiliser des flèches pour caractériser l’intonation. Nous verrons la phrase exclamative au service des sentiments, la phrase interrogative et le cas particulier du rôle du point de suspension dans le dialogue. Dans un second temps, toujours sous la dictée, l’élève sera sollicité pour restituer une ponctuation forte dans un texte court, en respectant l’intonation. • • • • Chaque fiche est organisée selon une progression : de l’observation à la construction, et contient un rappel du cours. • Il m’a paru important de mettre en relation l’oral et l’écrit. L’écoute me semble être un angle d’approche privilégié pour étudier la ponctuation. Aussi la lecture expressive d’un texte devrait-elle permettre aux élèves de prendre conscience plus aisément de l’intérêt de la ponctuation à l’écrit. • • Les fiches 2 et 3 traitent de la ponctuation à l’intérieur de la phrase : dans un premier temps, l’élève observe afin de déterminer le rôle de la virgule. À son tour, il construit avec la virgule en imitant la construction de la phrase. Il en en sera sera de demême mêmeavec avecles lesdeux-points deux-pointset etlelepointpoint virgule. • Dans la fiche 4, un exercice discriminatoire permettra de différen- cier la ponctuation du dialogue dans le récit de celle du dialogue théâtral. Enfin, la dernière fiche vise à insister sur le lien entre ponctuation et sens : l’élève remarque que changer la place d’une virgule, de deux points, de guillemets modifie le sens d’une phrase. Un exercice d’imitation lui permettra d’être acteur en manipulant. Dans le dernier exercice, il tentera de rétablir la ponctuation, tous les signes lui étant donnés dans l’ordre : à lui de choisir avec pertinence la place de chacun d’eux. • Éléments réponse fiches d’entraînement Éléments dede réponse auxaux fiches d’entraînement tESt D’ÉVALuAtION Je teste mes connaissances sur la ponctuation On attribue 0, 5 point par signe correct. Elle criait : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? – Je vois, répondit-elle, deux cavaliers qui viennent de côté, mais ils sont bien loin encore. – Dieu soit loué ! s’écria-t-elle un moment après, ce sont mes frères. Je leur fais signe tant que je puis de se hâter. » ENtRAÎNEMENtS 2 Et 3 La ponctuation à l’intérieur de la phrase Le rôle de la virgule est plus complexe : j’ai choisi de travailler sur les cas les plus identifiables par les élèves : l’énumération, le détachement du complément circonstanciel en début de phrase qui est, au fond, un emploi stylistique mais facilement repérable. On peut également mettre en valeur le rôle mélodique de la virgule qui suspend l’intonation, montrant ainsi que la phrase n’est pas terminée. L’exercice 48 NRP COLLÈGE mars 2014 d’imitation m’a semblé plus accessible après la phase d’identification du complément circonstanciel. Le point-virgule est de loin le plus complexe pour les élèves puisqu’il se situe situe mélodiquement mélodiquemententre entrelalavirgule virgule etet le le point. point. Il sert Il sert à séparer à séparer les grands les grands éléments éléments d’une d’une phrase. phrase. J’ai J’ai volontairement volontairement faitfait apparaître apparaître les virgules les virgules dans dans la phrase la phrase pour pour faciliter faciliter l’exercice l’exercice. : « À cet instant précis, sa tête heurta le fond de la salle en fait, elle mesurait à présent plus ENtRAÎNEMENt 4 La ponctuation du dialogue de deux mètres soixante-quinze ; elle ramassa aussitôt la petite clef d’or se exercice, précipita complexe vers la porte du jardin. Pouretcet parce que la» ponctuation est variée, il Le cas particulier des points de suspension a été choisi essentiellefaudra inviter les élèves à ne pas oublier les majuscules. ment pouren son usage: «dans le dialogue marquant l’hésitation Elle reprit disant Où est ma chatte ? » Ce quitantôt était la première «phrase Je viens… jelivre viens paysLa lointain… voushors demander hade son end’un français. Souris bondit de l’eausietpar se mit sard… vous d’épouvante. pourriez m’accorder », tantôts’empressa la coupure à frissonner « Oh ! Jevotre voushospitalité. demande pardon, de dire la parole Alice qui craignait d’avoir froissé le malheureux animal, j’avais «oublié Je viens… que vous n’aimiez pas les chats. » – Allez-vous en, vous n’êtes qu’un escroc. » ENtRAÎNEMENt 4 La ponctuation du dialogue Reconnaître Analyser Accorder construire ÉtuDE DE LA LANGuE tESt Enrichir Je teste mes connaissances sur la ponctuation 1. Identifier la ponctuation forte 1. Je recopie les phrases suivantes en choisissant les signes de ponctuation qui conviennent à chaque emplacement marqué — . Je mets les majuscules s’il y a lieu. (barême… / 8 : 0,5 point par majuscule ; 0,5 point par signe de ponctuation) 3. mon dieu — vous avez tout perdu au jeu — vous me faites peur — 1. qui est là — répondez sur le champ — 4. il ne fut pas plus tôt arrivé sur les lieux du crime qu’il vit la silhouette d’une femme disparaître dans les bois — ................................................................................................... 2. ne criez pas — on va s’occuper de vous — ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 2. choisir entre virgule et point-virgule 2. Je recopie ces phrases en les complétant par une virgule ou un point-virgule. 3. Il refusait de faire les tâches les plus faciles il préférait affronter la difficulté. 1. Parfois alors que le petit Léo s’était endormi l’adorable créature venait se blottir contre lui. ................................................................................................... ................................................................................................... 4. Il lui demanda son adresse elle la lui donna. ................................................................................................... 2. Chaque muscle chaque fibre chaque cellule étaient épuisés après la course. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 5. Elle avait lu Harry Potter L’Ancre de la Miséricorde Le Tour du Monde en quatre-vingts jours et L’Hivernage dans les glaces. ................................................................................................... ................................................................................................... 3. rétablir la ponctuation d’un dialogue 3. Écoute la lecture du texte et rétablis la ponctuation. Elle criait « anne ma sœur anne ne vois-tu rien donc venir – Je vois répondit-elle deux cavaliers qui viennent de ce côté mais ils sont bien loin encore – Dieu soit loué s’écria-t-elle un moment après ce sont mes frères Je leur fais signe tant que je puis de se hâter » Charles Perrault, La Barbe bleue. Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. mars 2014 NRP COLLÈGE 49 EN ÉtuDE DE LA LANGuE 1 Nt AÎNEME tR Reconnaître Analyser Accorder construire Enrichir La ponctuation forte 1. J’écoute 3. J’identifie un sentiment gràce à la ponctuation 1. Écoute la lecture des phrases suivantes. Que remarques-tu ? Montre que l’intonation baisse ou monte en l’indiquant avec une flèche qui monte ou qui baisse. 1. Viendras-tu de si loin nous rendre visite ? 4. Indique pour chaque phrase le sentiment exprimé : admiration, colère, étonnement, peur. .......................... 2. Le conteur s’interrompit : les enfants s’étaient endormis. 3. Que veux-tu dire ? A-t-il fait le nécessaire ? . ........................ 4. Elle aimait passionnément la musique depuis sa plus tendre enfance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. Arrête immédiatement ce cirque ! ...................................... 6. Quel panorama exceptionnel ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Dans le tableau, associe chaque type de phrase à l’intonation qui correspond en plaçant les flèches. Phrase déclarative (.) Phrase interrogative (?) Phrase exclamative (!) Je retiens • La phrase donne une information : elle s’achève par un point. L’intonation baisse. • La phrase s’achève par un point d’exclamation ; l’intonation baisse. • La phrase pose une question ; elle s’achève par un point d’interrogation ; l’intonation monte. 2. J’écoute et je ponctue 3. Sous la dictée de ton professeur, mets la ponctuation à l’endroit indiqué dans le texte. « Le lapin eut tôt fait de remarquer alice, qui furetait partout et il l’interpella d’une voix courroucée : “ mais que fabriquez-vous donc ici, marie-anne — Filez à la maison et rapportez-moi une paire de gants et un éventail — allez, dépêchons — ” Et alice fut tellement effrayée qu’elle se précipita dans la direction qu’il indiquait, sans tenter de lui expliquer sa méprise— » […] « Comme cela semble bizarre de faire des courses pour un lapin— » se dit alice— 1. Me trahir de cette manière ! ................................................ 2. Quel paysage magnifique ! ................................................. 3. Quel curieux personnage ! .................................................. 4. Elle avait le visage d’une sorcière ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Je retiens Le point d’exclamation permet d’exprimer un sentiment (colère, joie, étonnement, tristesse). 4. Je construis et ponctue mes phrases 5. Sur le modèle de l’exercice 4, rédige trois phrases dans lesquelles tu exprimeras la colère, la joie, la peur. Tu n’oublieras pas d’indiquer la ponctuation. 5. Le point de suspension 6. Parfois, nous rencontrons des points de suspension dans le dialogue. Ils indiquent une interruption dans la phrase. Selon vous, que marquent -ils dans les phrases suivantes ? 1. « Je viens… je viens d’un pays lointain… vous demander… si par hasard… vous pourriez m’accorder votre hospitalité. » 2. « Je viens vous… – Allez-vous en, vous n’êtes qu’un escroc » Je retiens Les points de suspension, toujours au nombre de trois, marquent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . dans le dialogue. Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles, trad. fr. Daniel Bismuth, © Bibliocollège. Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. 50 NRP COLLÈGE mars 2014 construire Enrichir 2 ÉtuDE DE LA LANGuE Accorder EN Analyser Nt Reconnaître AÎNEME tR La ponctuation à l’intérieur de la phrase : la virgule 1. J’observe 1. Observe les phrases suivantes, puis recopie les groupes qui précèdent la virgule et donne leur fonction grammaticale. 2. Ce matin-là il découvrit une créature étrange sur la plage. 1. Au bout de quelques minutes, le petit garçon entendit au loin un bruit de pas effrayant. 4. Au-dessus de son lit l’enfant croyait voir des étoiles. ................................................................................................... 2. À cet instant précis, elle se jeta sur la tarte au chocolat. 3. À chaque seconde il lui semblait entendre sa voix. 3. « J’ai lu les romans de Jules Verne, de Charles Dickens, de Jack London, d’Alexandre Dumas : j’adore le roman d’aventures. » ................................................................................................... a. Quels sont les points communs entre les noms propres cités dans cette phrase ? 3. Dès qu’elle fut blottie dans ses bras, elle oublia tous ses soucis. ................................................................................................... ................................................................................................... 4. Dans cette pièce à peine éclairée, on pouvait apercevoir un vieux canapé en cuir. ................................................................................................... 2. En te basant sur ton observation, place la virgule dans les phrases suivantes. 1. Après avoir terminé son ouvrage la fille se mit à peindre. b. Qu’en déduis-tu sur le rôle de la virgule dans la phrase ? ................................................................................................... Je retiens • La virgule marque une pause légère, une respiration entre des mots ou groupes de mots. • On peut l’employer pour indiquer par exemple une énumération ou pour détacher des groupes de mots indiquant le lieu ou le temps. 2. Je construis 4. Construis deux phrases sur le modèle des précédentes en prenant soin de ne pas oublier la virgule. a. Complément circonstanciel de temps (Lorsque / Quand / Pendant que) ................................................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................................................... b. Complément circonstanciel de lieu (Dans / À l’intérieur de / Au milieu de) ................................................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................................................... .................................................................................................................................................... .................................................................................................................................................... .................................................................................................................................................... Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. mars 2014 NRP COLLÈGE 51 EN ÉtuDE DE LA LANGuE 3 Nt AÎNEME tR Reconnaître Analyser Accorder construire Enrichir La ponctuation à l’intérieur de la phrase : le point-virgule et les deux-points 1. Le point-virgule Je retiens Le point-virgule s’emploie pour marquer une pause un peu plus forte que la virgule mais les propositions qu’il sépare ont un lien entre elles : Le lapin arriva devant la porte et essaya de l’ouvrir ; mais comme elle s’ouvrait vers l’intérieur et que le coude d’alice était pressé, cette tentative se solda par un échec. Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles, op.cit. 1. Place le point-virgule à l’endroit où tu le juges nécessaire : « À cet instant précis, sa tête heurta le fond de la salle en fait, elle mesurait à présent plus de deux mètres soixante-quinze elle ramassa aussitôt la petite clef d’or et se précipita vers la porte du jardin. » 2. Voici une phrase très longue ; les virgules ont été conservées mais nous avons retiré les points-virgules. a. Lis à haute voix et place les quatre points-virgules en fonction de la respiration. b. Quelle remarque peux-tu faire sur la construction de la phrase ? « au bout d’un mois, la Barbe Bleue dit à sa femme qu’il était obligé de faire un voyage en province, de six semaines au moins, pour une affaire de conséquence qu’il la priait de se bien divertir pendant son absence qu’elle fît venir ses bonnes amies qu’elle les menât à la campagne, si elle voulait que partout elle fit bonne chère. » Charles Perrault, La Barbe Bleue, 1697. 2. Les deux-points Je retiens Les deux-points annoncent : une explication, une énumération ou des paroles. 3. Identifie le rôle des deux-points dans les phrases suivantes. 1. Je sais pourquoi elle est partie en pleurant : ses camarades se moquaient d’elle. ................................................................................................... 52 NRP COLLÈGE mars 2014 2. Yoann aime les fruits : les mangues, les framboises, les cerises, les kiwis et les fraises sont ceux qu’il préfère. ................................................................................................... 3. Léa range ses pinceaux : son cours de peinture est terminé. ................................................................................................... 4. La jeune fille s’exclama : « Quelle joie de danser ! » ................................................................................................... 4. a. Lis l’extrait suivant et rajoute les deux-points. Étant arrivée à la porte du cabinet, elle s’y arrêta quelque temps, songeant à la défense que son mari lui avait faite, et considérant qu’il pourrait lui arriver malheur d’avoir été désobéissante ; mais la tentation était si forte qu’elle ne put la surmonter elle prit donc la petite clé, et ouvrit en tremblant la porte du cabinet. Charles Perrault, La Barbe Bleue, 1697. b. Justifie ta réponse. Les deux-points indiquent ...................................................... 3. Je construis 5. À ton tour, réponds à la question suivante en terminant la phrase et en faisant bon usage des deux-points et de la virgule. Si tu avais le pouvoir de changer les choses, lesquelles changerais-tu ? Si j’avais le pouvoir de changer les choses ............................. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. construire Enrichir 4 ÉtuDE DE LA LANGuE Accorder EN Analyser Nt Reconnaître AÎNEME tR La ponctuation du dialogue 1. Le dialogue dans le récit Je retiens Dans le récit, le dialogue est introduit selon des règles précises : – les deux-points annoncent les paroles ; – les guillemets ouvrent et ferment le dialogue ; – les tirets indiquent un changement d’interlocuteur. Elle reprit donc en disant où est ma chatte ce qui était la première phrase de son livre en français La souris bondit hors de l’eau et se mit à frissonner d’épouvante oh je vous demande pardon s’empressa de dire alice qui craignait d’avoir froissé le malheureux animal j’avais oublié que vous n’aimiez pas les chats ................................................................................................... 1. Je rétablis la ponctuation, les majuscules et soigne la présentation ................................................................................................... a. Dans un premier temps, écoute le texte lu par ton professeur : tu mettras en couleur une barre qui marquera les pauses que tu as repérées. ................................................................................................... b. Ensuite, au cours d’une deuxième lecture, tu indiqueras avec une flèche si l’intonation monte ou baisse. ................................................................................................... c. Enfin, en t’appuyant sur tes observations, tu recopieras le texte et rétabliras la ponctuation, en particulier les guillemets, ainsi que les deux-points. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 2. Le dialogue de théâtre 2. Voici un extrait de théâtre : SGANARELLE. – Hé bien ! mademoiselle, vous êtes malade ? LUCiLE. – Oui, monsieur. SGANARELLE. – Tant pis ! C’est une marque que vous ne portez pas bien. sentez-vous de grandes douleurs de la tête aux reins ? LUCiLE. – Oui, monsieur. SGANARELLE. – C’est fort bien fait. molière, Le Médecin volant, acte I, scène 5. Remplis le tableau suivant pour montrer les différences entre la ponctuation du dialogue dans le récit et la ponctuation du texte théâtral. Guillemets Tirets Deux-points Ponctuation forte Ponctuation à l’intérieur de la phrase Dialogue dans un récit .............................. .............................. .............................. .............................. .............................. Dialogue théâtral .............................. .............................. .............................. .............................. .............................. Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. mars 2014 NRP COLLÈGE 53 EN 5 Nt ÉtuDE DE LA LANGuE AÎNEME tR Reconnaître Analyser Accorder construire Enrichir La ponctuation et le sens 1. J’observe 1. Phrase 1. Le Chaperon rouge dit : « Le loup est cruel. » Phrase 2. « Le Chaperon rouge, dit le loup, est cruel. » 3. Phrase 1 : Les artistes qui ont reçu un prix sont heureux. Phrase 2 : Les artistes, qui ont reçu un prix, sont heureux. a. Qui parle dans la phrase 1 ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Explique la différence de sens entre les deux phrases. b. Qui parle dans la phrase 2 ? ................................................................................................... ................................................ c. Qui est cruel d’après la phrase 2 ? ....................................... 2. Phrase 1 : Les employés qui s’étaient enfuis en emportant la caisse ont été arrêtés. Phrase 2 : Les employés, qui s’étaient enfuis en emportant la caisse, ont été arrêtés. Laquelle de ces deux phrases montre que tous les employés du magasin sont malhonnêtes ? ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 4. À ton tour, déplace la ponctuation et donne un sens différent à cette phrase. « L’élève, dit le professeur, est un clown. » ................................................................................................... 2. Je rétablis le sens d’un texte court 5. Voici, à présent, un extrait d’Alice au pays des merveilles. Replace la ponctuation suivante dans l’ordre indiqué. Tu devras choisir de la mettre avant ou après les bons mots pour qu’elle ait du sens. Allez Dinah dis-moi la vérité as-tu jamais mangé une chauve-souris 1. « , ! , . ? » 3. «, ! » Ma chère Dinah comme je voudrais t’avoir ici avec moi il n’y a pas de souris dans l’air je le crains fort mais tu pourrais attraper une chauve-souris Par mes oreilles et mes moustaches comme il se fait tard 2. « , , : ? » Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. 54 NRP COLLÈGE mars 2014 construire Enrichir 6 ÉtuDE DE LA LANGuE Accorder É Analyser N Reconnaître LuAtIO VA Je vérifie mes connaissances sur la ponctuation 1. Je rédige en utilisant la ponctuation forte 1. Rédige trois phrases qui exprimeront les sentiments indiqués entre parenthèses. (4 points) a. (colère) : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . qu’elles lui avaient fait souffrir Cendrillon les releva, et leur dit en les embrassant, qu’elle leur pardonnait de bon cœur et qu’elle les priait de l’aimer bien toujours on la mena chez le jeune prince, parée comme elle était […] b. (admiration) : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Charles Perrault, Cendrillon ou La Petite Pantoufle de verre. c. (étonnement) : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................................................... d. (joie) : ................................................................................................... ................................................................................... 2. Recopie le texte en séparant les phrases par un signe de ponctuation forte et rétablis les majuscules. (5 points) « alors les deux sœurs la reconnurent pour la belle personne qu’elles avaient vue au bal elles se jetèrent à ses pieds pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 2. Je ponctue le dialogue 3. Recopie le dialogue en remplaçant les — par un signe de ponctuation. (8 points) — Je voudrais bien — je voudrais bien… — Elle pleurait si fort qu’elle ne put achever — sa marraine, qui était la fée, lui dit — — Tu voudrais bien aller au bal — n’est-ce pas — — Hélas oui — dit Cendrillon en soupirant — — Hé bien, seras-tu une bonne fille — dit sa marraine — je t’y ferai aller — — Charles Perrault, Cendrillon ou La Petite Pantoufle de verre. ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 3. Je rétablis la virgule, le point virgule et les deux points à l’intérieur de la phrase 4. Place une virgule, un point-virgule et deux-points dans le passage suivant. (3 points) Il se fit alors un grand silence on cessa de danser et les violons ne jouèrent plus tant on était attentif à contempler les grandes beautés de cette inconnue. On n’entendait qu’un bruit confus « ah qu’elle est belle ! » Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. mars 2014 NRP COLLÈGE 55 L’histoire Ulysse, de retour de la guerre de Troie, survivra-t-il aux embûches semées par Poséidon, à la fureur du Cyclope, aux charmes Les enjeux pédagogiques • Des extraits bien choisis pour saisir les différents aspects de l’œuvre et des résumés clairs pour suivre la trame du récit. • Une traduction inédite, accessible à des élèves de 6e. • Une épopée qui permet d’analyser le récit, d’étudier les personnages et l’Antiquité, en écho avec le programme d’histoire. de Calypso et de Circé ou au chant des sirènes ? En complément : un extrait de l’Énéide de Virgile. Retrouvez sur www.carresclassiques.com : • des pistes d’exploitation pédagogique • le livret de l’enseignant téléchargeable gratuitement. FIcHE ENSEIGNANt Le rêve d’un poète Poète, dramaturge, peintre, cinéaste, Jean Cocteau convoque dans son adaptation du roman de Madame Leprince de Beaumont les muses, les mythes et les arts qui ont jalonné son parcours de créateur. Concevant avant tout le cinéma comme un art de l’illusion et son rôle de réalisateur comme celui d’un prestidigitateur, Cocteau donne libre cours à son goût pour les inventions techniques et pour les trucages aussi artisanaux qu’audacieux (projection inversée, ralenti, usage de fils invisibles, surimpression, effets de montage). Par la puissance onirique que lui confère l’écriture de ce cinéaste magicien, La Belle et la Bête est une ode au cinéma et à sa capacité à transformer en son, lumière et mouvement les rêves d’un poète. Un conte de fées d’après-guerre Réalisé entre août 1945 et juin 1946 alors que la France est exsangue, le tournage de La Belle et la Bête, qui nécessite d’amples moyens économiques et techniques (costumes, maquillages, effets spéciaux, décors), est une entreprise complexe. De plus, alors que le pays tente de se reconstruire dans une certaine ferveur politique, l’adaptation d’un conte de fées semble pour beaucoup un projet insensé et une fuite loin du présent. Certes, La Belle et la Bête convoque tous les motifs du conte (monstre, prince, belle endormie, la forêt comme lieu mystérieux de transition et d’initiation, le château enchanté) mais, chez Cocteau, l’empire de l’imaginaire déplace les limites du genre. Dès le prologue écrit à la main1, Cocteau invite le spectateur à pénétrer le monde du songe et à avoir foi en sa propre imagination. Puis le film se déploie comme un rêve éveillé où l’on quitte le monde domestique pour prendre le chemin du merveilleux. De la boue de la séquence d’ouverture (2) dans laquelle pataugent les deux sœurs au septième ciel offert aux amants dans le plan final (16), le film est ainsi guidé par une force qui, comme ses personnages, nous invite à nous élever du trivial à la beauté. Un film écrit à l’encre de la lumière Poétique et narrative, la lumière crée des images magiques qui jouent sur le visible et le caché, le scintillement et l’obscur, Par Marie Pierre Lafargue, intervenante cinéma en milieu scolaire. tout ce qui attire le regard ou, au contraire, ce qui se refuse à lui. Elle révèle le rayonnement intérieur de Belle et de la Bête ou inversement, par son absence, dévoile la part d’ombre qui habite les personnages. Pendant le tournage, s’inspirant des peintres hollandais du xviiie siècle et en particulier de Vermeer, le chef opérateur Henri Alekan compose une symphonie visuelle de matières et de contrastes. À la lumière domestiquée, diurne, « rationnelle » du monde des hommes, il oppose un monde nocturne plongé dans des contrastes saisissants où les détails (rose, gant, miroir, mains et yeux de la Bête) rayonnent dans leur écrin d’obscurité. Au montage, Cocteau renforce ces choix en faisant du fondu au noir l’instrument cinématographique privilégié du voyage et du passage entre les différents univers et en le combinant aux effets de fumée et de drapés qui ouatent le film : la brume de la forêt (3), les voiles lors de l’arrivée de Belle au château (7), les draps séchant au soleil (12). L’œil qui regarde La Belle et la Bête regorge de miroirs et autres surfaces réfléchissantes tel le plancher lustré renvoyant l’image de Belle au début du film. Les personnages s’y mirent sans cesse mais le miroir n’y est pas tant le lieu de la contemplation que celui de la révélation (reflets des sœurs en sorcière et guenon, apparitions des désirs enfouis de Belle). Le double sens du verbe « réfléchir » – la réverbération et l’introspection – avec lequel le film joue, renvoie au fait que le miroir de Belle « réfléchit » rarement le reflet de son porteur mais « réfléchit » pour lui et lui révèle ce que ses yeux ne peuvent voir. Le film invite à une traversée des apparences vers la vérité des cœurs qui est une définition du cinéma même : art usant des artifices de la mise en scène pour s’approcher de la vérité. La métamorphose du monstre obéit à la même injonction. Pour incarner la Bête sans corps du conte original, Cocteau imagine un être composite, doué d’une étrange séduction. Bestiale avec sa gueule qui lape et sa mâchoire ornée de canines félines, mais aussi profondément humaine par son port de tête altier, son costume perlé de pierres précieuses, ses gestes raffinés et son langage soutenu, sa dualité traduit son tiraillement et la douleur de cet homme aux instincts de bête (10). À la question de la monstruosité constamment posée par La Belle et la Bête, la mise en scène de Cocteau répond par le regard d’amour de Belle qui met un terme à la malédiction de la Bête (16). 1. La numérotation renvoie au chapitrage du film dans l’édition DVD Studio Canal 2008. mars 2014 NRP COLLÈGE 57 ANALYSE FILMIQuE 6e-5e La Belle et la Bête de Jean cocteau (1946) FI E ANALYSE FILMIQuE 6e-5e E ÉL È V cH Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. La Belle et la Bête de Jean cocteau (1946) Après la projection du film, répondez aux questions et aux consignes. 1. Un film merveilleux 1. Où et quand le film se passe-t-il ? 5. Quels sont les trois lieux du récit ? ................................................................................................... ................................................................................................... 2. À quel genre appartient-il ? 6. Quels objets symbolisent le pouvoir de la Bête ? ................................................................................................... ................................................................................................... 3. Quels sont les principaux personnages ? ................................................................................................... ................................................................................................... 7. De quels pouvoirs sont-il dotés ? 4. À quels autres contes font-ils penser ? ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... 2. Belle lumière 8. Comment Belle apparaît-elle dans la première séquence ? 11. Citez d’autres objets brillants. ................................................................................................... ................................................................................................... 9. Comment est-elle mise en valeur dans le film ? 12. Où les trouve-t-on ? ................................................................................................... ................................................................................................... 10. En quoi Belle est-elle lumineuse ? 13. La Bête appartient-elle à l’ombre ou à la lumière ? ................................................................................................... ................................................................................................... 3. Hommes et bêtes 14. Qu’est-ce qui est « humain » sur le visage de la Bête ? ................................................................................................... 18. Quels autres personnages se comportent comme des bêtes ? ................................................................................................... 15. Qu’est-ce qui est « animal » sur son visage ? 19. À quels animaux le réalisateur les compare-t-il ? ................................................................................................... ................................................................................................... 16. Quand se comporte-t-elle comme une bête ? ................................................................................................... 58 ................................................................................................... 20. Qui libère la Bête de la malédiction ? Par quel pouvoir ? 17. Avec qui se comporte-t-elle avec humanité ? ................................................................................................... ................................................................................................... ................................................................................................... NRP COLLÈGE mars 2014 FIcHE ENSEIGNANt Le choix du texte Ce poème d’Aragon, qui est une « ballade », illustre bien deux caractéristiques d’une certaine poésie engagée : – le choix de mots simples et le recours à des formes classiques, en l’occurrence la « ballade » qui renvoie à François Villon et au Moyen Âge. Rappelons qu’il s’agit d’une forme fixe contenant un refrain et un « envoi » ici absent ; – la référence à un contexte précis : l’arrestation de Résistants qui parviennent à garder le silence dans les tortures, et qui confondent leur combat patriotique avec une lutte plus générale contre l’inhumanité. Écrit dans la clandestinité sous un faux nom, il est bien représentatif de cette période où le poète demande qu’on ignore, pendant « ces temps déraisonnables », les sources d’inspiration qui pouvaient sembler au cœur même de la poésie (« Fuyez les bois et les fontaines/Taisez-vous oiseaux querelleurs/Vos chants sont mis en quarantaine/C’est le règne de l’oiseleur » in Richard II Quarante). Il peut être mis en relation avec des lettres de fusillés. Aragon a d’ailleurs dédié ce poème à Gabriel Péri (auquel Eluard a aussi rendu hommage), député communiste, arrêté comme otage et qui fait allusion dans sa lettre ultime aux « lendemains qui chantent », citation auquel fait écho le vers « que chantent les lendemains ». Sans doute Péri n’a-t-il pas subi de torture, mais il sert d’emblème à une Résistance qui confond la Marseillaise et l’Internationale dans la mort héroïque. Allusion bien sûr trop subtile pour des élèves de Troisième, mais nous espérons du moins qu’ils repéreront les paroles de l’hymne national. On pourra expliciter cela lors de la correction, ainsi que les références subtiles au « Paris ne vaut pas une messe » pour laquelle il est demandé de faire une hypothèse d’interprétation et plus difficile encore, celle au Richard III de Shakespeare, pas forcément très pertinente d’ailleurs, si l’on peut se permettre… Les compétences mises en œuvre Les questions, dans l’esprit du DNB, s’attachent non à un pointillisme étroit, mais sont au service du sens, incitant aux hypothèses de lecture (et donc plus à un développement de cette compétence essentielle de découvrir l’implicite qu’à une « performance ponctuelle »), faisant appel à des connaissances normalement abordées en classe de Troisième, mettant le lexique et la grammaire (à travers notamment l’usage des temps) ou la rhétorique au service d’un sens qui est ici particulièrement transparent dès la lecture du titre. par Jean-Michel Zakhartchouk Les sujets de rédaction permettent d’exploiter le travail qui a été fait autour de la littérature engagée, soit sous la forme d’une production écrite adoptant le point de vue d’un personnage engagé, soit sous la forme d’une réflexion personnelle qui peut et doit s’appuyer aussi sur l’Histoire du xxe siècle et sur la compétence qui consiste à savoir mettre en relation des connaissances avec l’actualité. Éléments de réponse aux questions 1. Les personnages en présence : le Résistant, qui refuse de parler ; ceux qui l’interrogent, « deux hommes » (strophe 2) qui « parlent en allemand » (strophe 12). 2. Ce texte a été écrit dans la clandestinité. Il vise à dénoncer la violence de l’ennemi (« le bourreau », strophe 5 ; « sous vos coups chargés de fers », strophe 13) et à glorifier la Résistance. 3. a. La ballade est un poème comportant des refrains, comme une chanson. b. Ce texte est représentatif de la poésie engagée, qui s’incarne dans un contexte, dénonce, et célèbre des attitudes : ici l’héroïsme du Résistant torturé et qui se tait. 4. (12) Ils sont venus pour le prendre, / Ils parlent en allemand. / L’un traduit : – Veux-tu te rendre ? / Il répète calmement : (13) – Et si c’était à refaire, / Je referais ce chemin. Sous vos coups chargés de fers, / Que chantent les lendemains ! 5. La répétition (strophe 3 : « tu peux vivre » ; strophe 6 : « songe », 4 fois) évoque le caractère répétitif de l’interrogatoire, insinuant, martelé au Résistant pour le faire « craquer ». 6. Il pourrait dénoncer ses camarades, faire des aveux. Mais il garde le silence, comme patriote et combattant. 7. Et si c’était à refaire / Referait-il ce chemin / La voix qui monte des fers / Dit je le ferai demain Les temps des verbes : imparfait, conditionnel présent, présent et futur. Le conditionnel « referait » indique la possibilité ; le futur « ferai » : ce qui va se passer réellement. 8. Cette question est difficile, mais permet d’exercer la capacité à faire des hypothèses et à inférer : le Résistant est appelé à se renier ; sa vie vaudrait alors plus que ce reniement. 9. On peut reconnaître dans la strophe 14, transposées dans le contexte de la Résistance, les paroles de la Marseillaise (« Des mots sanglant est levé »), le titre de l’hymne national étant explicitement cité dans la dernière strophe. Cependant, le poème se termine sur le mot « humanité », qui dépasse la mars 2014 NRP COLLÈGE 59 ENtRAÎNEMENt BREVEt « Ballade de celui qui chanta dans les supplices » de Louis Aragon ENtRAÎNEMENt BREVEt notion de patrie pour ouvrir beaucoup plus largement sur l’universel (bien sûr, les élèves ne peuvent repérer la référence à l’Internationale ; ils devront simplement repérer ici une référence qui dépasse la France). réécriture nous referions ; montera ; parlera ; cèdera ; s’ouvrira ; vous sortirez ; se dépossédera. (0,5 point par mot juste, plus 1,5 point s’ils ont été bien recopiés, sans erreur. ) Dictée Le boulanger n’avait pas encore dégrafé les rideaux de fer de sa boutique que déjà le village était assiégé, bâillonné, hypnotisé, mis dans l’impossibilité de bouger. Deux compagnies de S.S. et un détachement de miliciens le tenaient sous la gueule de leurs mitrailleuses et de leurs mortiers. Alors commença l’épreuve. Les habitants furent jetés hors des maisons et sommés de se rassembler sur la place centrale. Les clés sur les portes. Un vieux, dur d’oreille, qui ne tenait pas compte assez vite de l’ordre, vit les quatre murs et le toit de sa grange voler en morceaux sous l’effet d’une bombe. Depuis quatre heures j’étais éveillé. Marcelle était venue à mon volet me chuchoter l’alerte. J’avais reconnu immédiatement l’inutilité d’essayer de franchir le cordon de surveillance et de gagner la campagne. Je changeai rapidement de logis. La maison inhabitée où je me réfugiai autorisait, à toute extrémité, une résistance armée efficace. Je pouvais suivre de la fenêtre, derrière les rideaux jaunis, les allées et venues nerveuses des occupants. Pas un des miens n’était présent au village. Cette pensée me rassura. À quelques kilomètres de là, ils suivraient mes consignes et resteraient tapis. René Char, « Feuillet 128 » in Feuillets d’Hypnos, recueilli dans Fureur et mystère, Gallimard. rédaction Sujet d’imagination Les élèves doivent à la fois réinvestir des compétences antérieures sur l’écriture épistolaire et utiliser ce qu’ils ont appris sur la littérature engagée, en particulier la réflexion menée en classe sur les raisons de l’engagement, même si elles vont ici au-delà de celui de l’écrivain puisqu’il s’agit d’un engagement « physique ». Ce qui est intéressant aussi, c’est d’évaluer si les élèves sont capables de prendre en compte toutes les données de la consigne… afin d’y remédier si ce n’est pas le cas, puisque c’est le rôle d’un examen blanc. La lettre est forcément contextualisée, il s’agit bien de comprendre que l’engagement n’a pas été public, d’où l’ignorance des parents. Si des « lettres de fusillés » ont été étudiées (par exemple celle de Manouchian), cette rédaction sera bien sûr facilitée. À noter que le Résistant ne peut pas forcément « tout dire » dans 60 NRP COLLÈGE mars 2014 ce genre de lettre, laquelle n’attend pas de réponse, évidemment, hélas ! Outre les caractéristiques d’une lettre (présentation, etc.), les élèves sont amenés à mobiliser des ressources de vocabulaire pour exprimer les sentiments du héros, sentiments envers ses proches comme envers le combat qui l’a mené à la mort. La grandiloquence est ici possible, quand bien même elle serait maladroite, car tout à fait dans le ton de la consigne donnée et des circonstances. Et les élèves peuvent bien entendu s’appuyer sur le texte en reprenant par exemple les mots d’Aragon : « et s’il était à refaire, je referai ce chemin », les allusions aux « lendemains », etc. La lettre est aussi à la conjonction du passé (souvenirs d’enfance ?), du présent (tragique) et du futur (paradoxalement plein d’espoir). Sujet de réflexion Il s’agit d’évaluer là encore des compétences du socle commun, en écrivant un texte cohérent, organisé, utilisant des ressources de la langue mises au service d’un développement argumentatif. Rappelons que les élèves n’en sont qu’à une initiation à des formes dissertatives et qu’il ne faut pas « en demander trop ». Reste que les raisons de l’engagement ont été analysées en classe, et ce travail préalable doit nourrir la production écrite. De même le texte-source peut-il stimuler le candidat : l’idée d’engagement comme « cheminement personnel », de volonté de servir les autres et de se tourner vers un avenir qu’on espère meilleur, courage (« il chantait sous les balles »), refus de « vivre à genoux », sens qu’on donne à sa vie (« si je meurs/vous saurez pourquoi ce fut »), mais aussi les objections à l’engagement : pourquoi sacrifier sa vie, pourquoi ne pas profiter des plaisirs de celle-ci (« la douceur des matins ») ? On pourrait évoquer la vie de famille, la fragilité de certaines causes qui sont défendues ou des résultats obtenus (les sacrifices « vains »…). D’ailleurs, un travail comme celui que nous proposons sur la littérature engagée doit aussi introduire doute et esprit critique, même s’il ne faut en aucun cas minimiser la grandeur de l’héroïsme des Résistants. Tous les combats n’ont pas la clarté de celui qui fut livré contre le nazisme, et on aura aussi analysé les perversions de l’engagement au service de causes comme celle du stalinisme, étudié si possible conjointement en cours d’Histoire (quel élève pensera à faire allusion à des textes étudiés en classe, comme, peut-être, des extraits de La Ferme des animaux ?). On tiendra compte de la difficulté de ce genre de sujet en privilégiant la maîtrise de l’organisation du texte, la présence d’enchaînements logiques marqués par des connecteurs, l’effort même maladroit pour faire allusion à ce qui a été étudié en classe, mais aussi la capacité à établir des liens avec l’actualité (les élèves citeront sans doute des « héros modernes » qui leur sont parfois plus familiers que les combattants de la lutte anti-nazie, tels Mandela ou Martin Luther King). Les deux sujets sont en tout cas des occasions de faire prendre conscience de la nécessité d’établir des ponts entre ces sujets et le texte-source. ENtRAÎNEMENt BREVEt E FI E ÉL È V cH « Ballade de celui qui chanta dans les supplices » de Louis Aragon 1 Et s’il était à refaire Je referais ce chemin Une voix monte des fers Et parle des lendemains 2 On dit que dans sa cellule Deux hommes cette nuit-là Lui murmuraient « Capitule De cette vie es-tu las 3 Tu peux vivre tu peux vivre Tu peux vivre comme nous Dis le mot qui te délivre Et tu peux vivre à genoux » 4 Et s’il était à refaire Je referais ce chemin La voix qui monte des fers Parle pour les lendemains 5 rien qu’un mot la porte cède s’ouvre et tu sors rien qu’un mot Le bourreau se dépossède sésame Finis tes maux 6 rien qu’un mot rien qu’un mensonge Pour transformer ton destin songe songe songe songe À la douceur des matins 7 Et si c’était à refaire Je referais ce chemin La voix qui monte des fers Parle aux hommes de demain 8 J’ai tout dit ce qu’on peut dire L’exemple du roi Henri Un cheval pour mon empire Une messe pour Paris 9 rien à faire alors qu’ils partent sur lui retombe son sang C’était son unique carte Périsse cet innocent 10 Et si c’était à refaire referait-il ce chemin La voix qui monte des fers Dit je le ferai demain 11 Je meurs et France demeure mon amour et mon refus Ô mes amis si je meurs Vous saurez pour quoi ce fut 12 Ils sont venus pour le prendre Ils parlent en allemand L’un traduit Veux-tu te rendre Il répète calmement 13 Et si c’était à refaire Je referais ce chemin sous vos coups chargés de fers Que chantent les lendemains 14 Il chantait lui sous les balles Des mots sanglant est levé D’une seconde rafale Il a fallu l’achever 15 Une autre chanson française À ses lèvres est montée Finissant la marseillaise Pour toute l’humanité Louis aragon, « Ballade de celui qui chanta dans les supplices » in La Diane française NE, Éditions seghers, 2012. questions (15 points) 1. Qui sont les personnages en présence, que sait-on d’eux et qu’arrive-t-il ? (1 point) 2. Pourquoi le texte est-il paru d’abord sous un pseudonyme ? Pourquoi l’auteur l’a-t-il écrit ? (1 point) 3. a. Ce texte est une « ballade ». D’après la manière dont le texte est écrit, qu’est-ce qu’une ballade ? b. Quelles caractéristiques de la poésie engagée reconnaissez-vous dans ce texte ? c. Citez d’autres œuvres, littéraires et artistiques (tableaux ou sculptures) où l’on retrouve ces caractéristiques. (3 points) 4. Le texte est sans ponctuation. Réécrivez les strophes 12 et 13 en rétablissant la ponctuation. (2 points : 1 pour les points d’interrogation et exclamation et virgules, 1 pour la ponctuation du dialogue) 5. a. Quelle est la figure de style qui revient souvent ? b. En quoi est-elle bien accord avec le sens du texte ? (2 points) 6. Qu’est-ce qui pourrait « délivrer » (strophe 3) le personnage principal de ce texte ? Et pourquoi refuse-t-il cette délivrance ? (1 point) 7. Énumérez les temps des verbes de la strophe 10 et indiquez pourquoi « referait » et « ferai » s’écrivent ainsi et sont de temps différents ? (2 points) 8. La strophe 8 est difficilement compréhensible si on ne voit pas à quoi fait allusion l’auteur. Sachant qu’Henri IV a dit : « Paris vaut bien une messe » en acceptant de renier sa foi protestante pour devenir roi, quel rapport cette formule présente-t-elle avec la situation du poème ? (1 point) 9. Expliquez les deux dernières strophes. Que reconnaissezvous dans la strophe 14 ? Et pourquoi l’auteur a-t-il terminé ainsi son poème (dernier vers) (2 points) réécriture (5 points) Réécrivez les strophes 4 et 5 en remplaçant « je » et « tu » par « nous » et « vous » et le présent par le futur. rédaction (15 points) Sujet d’imagination Le Résistant est mort. On lui a permis d’écrire à ses parents avant de mourir. Imaginez cette lettre : il explique pourquoi il a choisi ce « chemin » (ses parents ne le savaient pas, car c’était clandestin), exprime ses sentiments et envoie un dernier message à tous ses proches. Sujet de réflexion Des jeunes gens s’engagent dans des causes, risquant parfois leur vie. Expliquez leurs raisons, en donnant des exemples, en examinant aussi les objections qu’on peut faire à leur engagement, puis donnez votre avis personnel. mars 2014 NRP COLLÈGE 61 Les manuels numériques élèves multisupports Consultables à tout moment et partout ➜ Enrichis de ressources multimédia sur PC/Mac sur tablettes iPad/Androïd Tous les titres disponibles sur biblio.manuel-numerique.com LAtIN 4e Un vieux romain chatouilleux FIcHE ENSEIGNANt Ce passage, extrait des Faits et Dits mémorables de Valère Maxime, comporte certaines complexités grammaticales, dont deux occurrences de gérondif remplaçant un adjectif verbal et l’emploi de verbes déponents. Il offre néanmoins un exemple frappant de vertu romaine, dans une réalisation assez amusante de la métaphore « être chatouilleux ». La séance est prévue pour une heure. Présentation Valère Maxime est un auteur du ier siècle après J.-C. Admis à la cour de Tibère, il a compilé des séries d’anecdotes, prises sans doute chez les historiens grecs et latins. Cette somme comprend neuf livres, organisés en fonction de thématiques, avec toujours des exemples romains et des exemples étrangers. Si on ne peut guère faire l’éloge de son originalité, cette œuvre demeure une mine de récits instructifs et plaisants. L’extrait choisi appartient au chapitre « De la bravoure » et permet d’analyser un exemplum. Il raconte l’épisode de l’attaque des Gaulois contre Rome en 390 av. J.-C., qui se situe donc avant l’épisode des oies du Capitole. On trouve la même histoire chez Tite-Live (V, 41) avec un nom différent, Papirius Mugillanus. Traduction Les portes de leurs maisons grandes ouvertes, ceux qui avaient accompli la carrière des honneurs s’assirent ensemble sur leurs chaises curules avec les insignes des magistratures qu’ils avaient exercées et les sacerdoces qu’ils avaient obtenus afin qu’eux-mêmes conservent dans leur malheur leur splendeur et les ornements de leur vie passée et que la plèbe supporte avec plus de courage sa situation difficile. Leur apparence sembla d’emblée admirable aux ennemis, qui étaient frappés par le caractère inédit de la chose, la magnificence de leur parure et la singularité même de leur audace. M. Atilius n’attendit pas que l’atteinte à ses droits soit complète : il infligea un violent coup à la tête d’un Gaulois qui lui caressait la barbe et offrit avec une grande détermination son corps à ce dernier, qui sous le coup de la douleur se ruait sur lui pour le tuer. Par Anne Sinha, professeure agrégée de lettres classiques neutre. Fortius fait partie de la devise des Jeux Olympiques (Citius, altius, fortius) même s’il est souvent traduit par « plus fort ». 2. Defungor et adipiscor sont deux verbes déponents, qui se caractérisent par une forme passive et un sens actif. 3. Les formes ad fortius sustinendos casus suos et ad se occidendum sont des adjectifs verbaux remplaçant des gérondifs. La transformation est ici obligatoire du fait de la présence de la préposition ad. L’adjectif verbal s’accorde alors avec ce qui était le COD du gérondif, puisque la forme de départ était ad sustinendum casus suos. Analyse du passage • Comme les autres magistrats, M. Atilius incarne le respect des institutions politiques et religieuses de Rome. Ces hommes choisissent de s’asseoir sur leur chaise curule et de porter sur eux toutes les insignes correspondant à ces charges. Leur allure suffit à elle seule à désarçonner l’adversaire, avec cette idée antique qu’un individu existe avant tout par le regard porté sur lui. • M. Atilius se distingue des autres en choisissant de ne pas supporter une marque d’irrespect, même au prix d’une mort violente. Étant trop âgé pour combattre, ce que voulait pointer le Gaulois qui lui touchait la barbe, il se comporte néanmoins comme un soldat, en prenant l’initiative et en allant au devant de la mort. Il incarne donc les valeurs de dignitas et de virtus. L’exemplum se construit en isolant un individu singulier qui apparaît comme la quintessence du groupe mais fait aussi le lien entre toutes les catégories qui composent la cité attaquée : les personnes âgées, qui ne peuvent être sauvées et sont laissées en première ligne, la population réfugiée dans la citadelle et les soldats qui la défendent. Tite-Live donne quant à lui un sens très différent à l’épisode, en insistant sur la différence entre les plébéiens effrayés, qui se barricadent, et les patriciens, qui ouvrent leurs portes avec aplomb. Grammaire 1. Les formes fortius et cupidius sont des comparatifs de supériorité d’adverbes, qui prennent la forme d’un comparatif mars 2014 NRP COLLÈGE 63 FI Cette fiche est à télécharger au format word sur le site pour les abonnés numériques. Adaptable aux besoins des élèves. E LAtIN 4e E ÉL È V cH Un vieux romain chatouilleux Dans cet extrait des Faits et Dits mémorables, Valère Maxime évoque le courage de vieux Romains, qui attendent une invasion des Gaulois dans la partie basse de Rome, faute d’avoir pu se réfugier dans la citadelle trop exiguë. Defuncti enim honoribus apertis januis in curulibus sellis cum insignibus magistratuum, quos gesserant, sacerdotiorumque, quae erant adepti, consederunt, ut et ipsi in occasu suo splendorem et ornamenta praeteritae vitae retinerent et plebi ad fortius sustinendos casus suos.Venerabilis eorum aspectus primo hostibus fuit et novitate rei et magnificentia cultus et ipso audaciae genere commotis. […] Non expectavit igitur hanc injuriae maturitatem M. Atilius, verum barbam suam permulcenti Gallo Scipionem vehementi ictu capiti inflixit eique propter dolorem ad se occidendum ruenti cupidius corpus obtulit. Valère maxime, Faits et Dits mémorables, III, 2, 7. Traduction 64 Grammaire À l’aide du vocabulaire suivant, traduisez ce passage. 1. Analysez les formes fortius et cupidius. Defungor, functus sum, fungi + abl : accomplir Honor, oris, m : honneur Apertus, a, um : ouvert Janua, ae, f : porte Curulis sella : chaise curule (symbole de pouvoir) Insigne, is, n : insigne d’une fonction Gero, is, ere, gessi, gestum : accomplir Sacerdotium, ii, n : sacerdoce Adipiscor, adeptus sum : obtenir Consedeo, ere, sedi : être assis ensemble Praetereo, ii, itum : passer Retineo, tinui, tentum : conserver Sustineo, tinui, tentum : supporter Casus, us, m : accident, malheur Cultus, us, m : culture mais aussi « parure » Commotus, a, um : ému, ébranlé Exspecto, are : attendre Maturitas, atis, f : plein développement Injuria, ae, f : atteinte à l’honneur Permulceo, ere : caresser Vehemens, tis : violent Ictus, us, m : coup Infligo, xi, ctum : frapper Occido, ere, di, sum : tuer Ruo, ere : se précipiter Cupide : avec empressement Offero, obtuli, oblatum : offrir 2. À quelle catégorie de verbes appartiennent defungor et adipiscor ? NRP COLLÈGE mars 2014 3. Analysez les formes ad fortius sustinendos casus suos et ad se occidendum. Analyse du passage Quelles sont les valeurs incarnées par M. Atilius ? Patricien romain portant les effigies de ses ancêtres (Rome, Palais des conservateurs, Bracio Nuovo).