44200_Volume4_1 Page 908 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 85 PNEUMONIES AIGUËS COMMUNAUTAIRES SÉVÈRES DE L’ADULTE J.-P. Sollet, F. Lellouche, C. Le Gall Le but essentiel de la prise en charge d’un patient ayant une pneumonie aiguë communautaire (PAC) sévère est d’assurer sa guérison, c’est-à-dire permettre un retour à l’état antérieur dans les délais les plus brefs, sans séquelle liée à la pneumonie elle-même ou aux thérapeutiques administrées (intubation et ventilation mécanique, effets indésirables des médicaments, complications nosocomiales ou iatrogènes…), et sans sélection de micro-organismes résistants. Cet objectif doit être également obtenu aux meilleurs coûts. Les PAC sont des causes fréquentes d’hospitalisation et de mortalité. Si la plus grande partie des PAC est prise en charge par les médecins traitants, un phénomène sociologique sans précédent fait que de nombreux patients se présentent directement aux urgences des hôpitaux. Les cliniciens doivent reconnaître rapidement la gravité initiale ou potentielle, certaines PAC pouvant s’aggraver secondairement aux urgences ou dans un service d’accueil. Les formes sévères des PAC impliquent une prise en charge sans délai. De manière concomitante, il s’agit d’une urgence : • dans le diagnostic avec une radiographie thoracique de bonne qualité, éventuellement une tomodensitométrie thoracique; • dans l’évaluation de la gravité présente ou potentielle, sur des critères simples. La compétence et l’expérience du clinicien sont essentielles dans cette évaluation; • dans la réalisation des prélèvements à visée microbiologique : hémocultures, prélèvements de l’arbre bronchique, ponction pleurale en cas d’épanchement et antigènes urinaires (pneumocoque et Legionella pneumophila du sérogroupe 1); • dans l’administration de l’antibiothérapie probabiliste intégrant les micro-organismes extra- et intracellulaires; • dans la prise en charge des défaillances d’organes, essentiellement respiratoire et hémodynamique. En raison de cette gravité, une admission rapide en réanimation est requise. Le pneumocoque reste la bactérie prédominante au cours des PAC. Mais au moment du diagnostic de PAC, le pathogène responsable est méconnu et le restera pour près de 50 % des PAC du fait des limites des techniques microbiologiques d’identification. L’antibiothérapie est donc initialement probabiliste. Elle doit intégrer dans son spectre l’ensemble des pathogènes potentiellement responsables, tout en restant active sur le pneumocoque. Les sociétés savantes ont publié des recommandations précises. L’apparition parmi les pneumocoques, de souches résistantes à la pénicilline G, tend à modifier les schémas thérapeutiques probabilistes. Parmi les bêtalactamines, l’amoxicilline, les céphalosporines de troisième génération, ceftazidime exclue, et les pénèmes restent actifs sur les souches de sensibilité diminuée à la pénicilline G. Les nouvelles fluoroquinolones actives sur le pneumocoque (FQAP), tout en gardant un spectre large, présentent et présenteront un intérêt réel si des échecs liés directement à la résistance aux bêtalactamines apparaissent; leur utilisation doit tenir compte du rapport bénéfice/risque en raison d’effets indésirables plus importants. Malgré une antibiothérapie active et une prise en charge en réanimation, la mortalité reste élevée, de 21 % à 48 % [1-6]. Le pneumocoque a la particularité de tuer rapidement, l’antibiothérapie ne semblant pas modifier cette mortalité précoce [7]. L’importance de la réaction inflammatoire explique cette gravité initiale [8]. Des facteurs génétiques jouent probablement un rôle important dans cette gravité [9, 10]. Des innovations thérapeutiques adjuvantes pourraient permettre une réduction de la mortalité à condition que la prise en charge soit optimale et que l’antibiothérapie soit adaptée [11, 12]. ÉVALUATION DIAGNOSTIQUE DÉFINITION Une PAC est une pneumonie acquise en ville, dans la « communauté ». L’un des problèmes majeurs est, pour une partie des PAC, le délai admis entre une hospitalisation pour PAC et une hospitalisation antérieure; dans les séries publiées, quand il est précisé, ce délai est de plus de sept jours [13, 14]. Ce délai est probablement trop court pour différencier nettement une infection associée aux soins de celle acquise dans la communauté; un délai d’un mois serait le plus adapté à la définition d’une PAC. Cette définition reste néanmoins imprécise et des « extensions » sont nécessaires. En effet certaines populations de patients présentent des particularités dont l’impact se retrouve dans la répartition habituelle des micro-organismes. Par ailleurs dans certains cas la distinction entre infection acquise dans la communauté et infection nosocomiale est difficile. C’est le cas en particulier des patients vivant en maison de retraite, qui représentent un groupe particulier par la classe d’âge, la fréquence des pathologies sous-jacentes, la pression de sélection exercée par les traitements antibiotiques, une épidémiologie différente, des risques d’épidémie (affections virales, tuberculose…). La variété des structures accueillant les personnes âgées rend parfois difficile la distinction entre « communauté » et hôpital, d’autant que la circulation de ces patients entre ces structures et les hôpitaux est importante; des patients, ayant acquis lors d’une hospitalisation antérieure une colonisation par une bactérie multirésistante comme Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), ou par la pression des antibiotiques des bactéries exceptionnelles au cours des PAC (Pseudomonas æruginosa), peuvent avoir une infection d’acquisition communautaire mais due à une bactérie d’acquisition nosocomiale du fait d’une colonisation prolongée (plusieurs mois pour SARM); d’une pathologie sous-jacente broncho-pulmonaire (bronchite chronique, dilatation des bronches, mucoviscidose) qui expose le patient à une colonisation par P. æruginosa favorisée par des traitements antibiotiques itératifs; d’un traitement immunosuppresseur (corticoïdes) qui peut exposer les patients à des infections particulières : Legionella pneumophila, Pneumocystis jiroveci, levures… Sont exclus des PAC, toutes les infections pulmonaires asxsociées aux soins dont les infections nosocomiales : pneumonies survenant en hospitalisation à domicile, pneumonie diagnostiquée dans les jours suivant le retour au domicile (L. pneumophila). Par ailleurs la tuberculose dans sa localisation pulmonaire sans co-infection à germe banal, la pneumocystose (P. jiroveci), les infections à levures, les pneumonies d’inhalation ne sont pas considérées comme des PAC. Quoi qu’il en soit, il est important pour le clinicien de rechercher ces facteurs et de modifier éventuellement les antibiothérapies probabilistes habituellement recommandées au cours des PAC. Certaines recommandations tiennent compte de ces modifications dans l’épidémiologie bactérienne, en particulier des risques de P. æruginosa. SIGNES CLINIQUES ET RADIOLOGIQUES Les signes cliniques sont bien connus. Les signes généraux sont regroupés sous le terme de syndrome inflammatoire de réponse systémique : fièvre supérieure ou égale à 38 °C ou hypothermie inférieure ou égale à 36 °C, tachycardie supérieure ou égale à 90 bpm, fréquence respiratoire supérieure ou égale à 20/min, hyperleucocytose supérieure ou égale à 12 000/mm3 ou leucopénie inférieure à 4 000/mm3. Les signes d’expression de la PAC sont la toux, l’expectoration, la dyspnée, associées ou non à des douleurs pleurales. À l’examen clinique, matité et râles crépitants avec ou sans frottement pleural. Ils sont associés parfois à des signes extrapulmonaires (céphalées, myalgies, troubles digestifs…). L’expectoration peut être absente initialement ou de manière permanente, limitant l’exploration microbiologique à partir des sécrétions bronchiques. La différenciation clinique entre pneumonie dite « atypique » et pneumonie pneumococcique n’est pas spécifique. Les personnes âgées ont souvent un tableau clinique trompeur marqué par une symptomatologie fruste et même l’absence de fièvre. La radiographie thoracique est fondamentale pour affirmer une pneumonie. L’image typique est une opacité parenchymateuse alvéolaire avec bronchogramme aérien prenant un aspect systéma- 44200_Volume4_1 Page 909 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Pneumopathies aiguës communautaires sévères de l’adulte tisé lobaire ou d’opacités alvéolaires multiples. D’autres aspects sont décrits : pseudo-tumoral, images interstitielles… Des complications peuvent être associées : épanchement pleural, cavité, images alvéolaires bilatérales compatibles avec un œdème lésionnel (syndrome de détresse respiratoire aigu, SDRA)… Une maladie sous-jacente méconnue peut être découverte (cancer). Dans les formes sévères de PAC, les modifications radiologiques sont rarement spécifiques d’un agent pathogène. Des images extensives et très destructrices peuvent être liées à S. aureus producteur de leucocidine de Panton et Valentine [15]. Une discordance entre une symptomatologie clinique bruyante et l’absence d’image radiologique évidente peut exister. Une nouvelle radiographie faite dans des conditions rigoureuses : en inspiration, face et profil, permet de préciser une image non visible sur un cliché de mauvaise qualité. En l’absence d’image évidente, malgré une radiographie de bonne qualité, une tomodensitométrie peut être nécessaire pour visualiser des opacités alvéolaires compatibles avec une pneumonie. FACTEURS DE RISQUE DE MORTALITÉ Les services de réanimation utilisent déjà des scores de gravité prédictifs de mortalité. Des scores ou des facteurs de risque plus spécifiques ont été étudiés au cours des PAC. Les scores sont devenus une nécessité pour décrire une population, évaluer la performance d’unité de soins, stratifier les patients pour l’évaluation de nouvelles thérapeutiques… Leur utilisation aux niveaux collectif et individuel, impose à l’utilisateur de connaître la méthodologie de construction et de validation de ce score afin d’en maîtriser les limites [16]. Au niveau individuel, leur utilité dans l’aide à la décision est très limitée. Ils sont élaborés à partir de données issues d’une population test définie, les inclusions et les exclusions étant clairement précisées. La construction du score fait appel à la méthode de régression logistique qui permet le choix des items constitutifs et leur « poids » relatif dans ce score. Une fois construit, le score est validé dans une population identique mais indépendante de la population initiale. Cette étape de validation comprend trois étapes : calibration, discrimination, robustesse. L’ensemble de ce processus ayant été accompli, un score peut alors être appliqué dans la population pour laquelle il a été construit et avec l’objectif qui lui était assigné. S’il s’agit d’un score de mortalité, son utilisation pour une décision individuelle conduit à des erreurs du fait d’une sensibilité et d’une spécificité trop faibles. Deux scores ont fait l’objet de nombreuses publications et de validation en tant que scores de mortalité : ce sont le pneumonia severity index et le CURB-65 de la British Thoracic Society (BTS). Enfin un troisième score dit de Leroy a été déterminé spécifiquement en réanimation. PNEUMONIA SEVERITY INDEX, PSI Ce PSI, dit score de Fine, est un score prédictif de mortalité à trente jours des PAC chez les patients hospitalisés [17]. Publié en 1997, il est en fait l’aboutissement de plusieurs études publiées entre 1993 et 1997. Il a eu pour but d’établir des variables prédictives de mortalité. Il a été établi sur une population de 14 199 patients vus dans des hôpitaux nord-américains (États-Unis et Canada) pour une PAC (MedisGroups derivation cohort), puis validé dans une cohorte de 38 039 patients dans une population identique. La dernière étape de validation a été faite dans une cohorte « Pneumonia PORT » (patient outcome research team). Étaient exclus les patients infectés par le VIH et immunodéprimés, hospitalisés dans les sept jours précédant le diagnostic, transférés d’un autre hôpital. Les patients venant de maisons de retraite constituaient 8,5 % de l’effectif. Le score est établi en calculant la somme des points attribués à dix-neuf variables auxquelles sont attribués des points (données démographiques, maladie sous-jacente, données cliniques, données radiologiques, données de laboratoire dont une gazométrie artérielle) (tableau 85.1). Selon le nombre de points, cinq classes de risque de mortalité au 30e jour, ont été différenciées et à chacune d’elle est attribuée une mortalité. Les classes de risque vont de I à V, mais seules les classes de II à V se voient attribuées des points, la classe de risque I étant par définition celle pour laquelle aucun facteur de risque n’est retrouvé. La mortalité était de 0,1 % pour la classe de risque I, de 0,6 % pour la classe de risque II (égal ou inférieur à 70 points), de 2,8 % pour la classe de risque III (de 71 à 90 points), de 8,2 % la classe IV 909 (de 91 à 130 points) et de 29,2 % pour la classe de risque V (plus de 130 points); la mortalité globale de la cohorte était de 5,2 %. Une étude prospective [18] a permis de valider la « solidité » de ce score : la mortalité des patients de la classe de risque IV était de 9 % dont 7 % liés à la PAC et celle de la classe de risque V de 27,1 % dont 20,4 % liés à la PAC. Les informations sur cette cohorte ont été secondairement publiées : dans seulement 5,7 % des cas une cause bactérienne a été identifiée, une hospitalisation secondaire a été nécessaire pour 71 des 944 patients traités en ambulatoire soit 7,5 % [19]. Plusieurs limites et réserves sont apparues au PSI : le poids attribué à l’âge ainsi qu’aux comorbidités est très important; l’hypoxémie dont le « poids » est seulement de 10, reste en clinique un facteur important de gravité; ce score n’est pas prédictif de mortalité individuelle mais de mortalité de cohorte; son utilisation dans d’autres populations ou dans un pays et/ou un système de santé différent ou par les médecins généralistes nécessite une validation spécifique. S’agissant d’un score prédictif de mortalité, tenter d’en faire un outil de décision d’admission en réanimation, peut conduire à des erreurs de prise en charge : par exemple un jeune adulte ayant une hypotension et une tachycardie pourrait être « classé » en risque III bien que la PAC soit sévère. Cet objectif n’a pas été validé. Tableau 85.1. Classes de risque de mortalité au cours des pneumonies communautaires [17] Classe de risque Cohortes de validation N points N patients Mortalité (%) Prise en charge I Absence de facteur 3 034 0,1 % Ambulatoire II ≤ 70 5 778 0,6 % Ambulatoire III 71-90 6 790 2,8 % Hospitalisation IV 91-130 13 104 8,2 % Hospitalisation V > 130 9 333 29,2 % Hospitalisation Le nombre total de points est égal à la somme des points attribués à chacune des 19 variables suivantes : âge (nombre d’années pour les hommes, années –10 pour les femmes), provenance d’une maison de retraite (+10), maladie sous-jacente (+30 cancer, +20 maladie hépatique, +10 insuffisance cardiaque, +10 maladie cardio-vasculaire, +10 insuffisance rénale), signes cliniques de gravité (+20 troubles de conscience, + 20 fréquence respiratoire ≥ 30/min, +20 pression artérielle systolique < 90 mmHg, +15 température < 35 °C ou ≥ 40 °C, +10 fréquence cardiaque > 125/min), altérations biologiques ou radiologiques (+30 pH < 7,35, +20 urée sanguine > 11 mmol/l, +20 natrémie < 130 mmol.l–1, +10 glycémie > 14 mmol.l–1, +10 hématocrite < 30 %, + 10 PaO2 < 60 mmHg, +10 épanchement pleural). SCORE CURB-65 Ce score proposé par la British Thoracic Society est un score prédictif de mortalité construit et validé dans une population de 1 000 PAC à partir d’une base de données disponibles au Royaume Uni, en Nouvelle Zélande et aux Pays-Bas [20]. Il a été réactualisé en associant le facteur « âge » [21]. Six éléments, recueillis lors de l’admission à l’hôpital le composent : confusion, urée sanguine > 7 mmol.l–1, fréquence respiratoire ≥ 30/min, pression artérielle systolique < 90 mmHg ou diastolique ≤ 60 mmHg, âge ≥ 65 ans (tableau 85.2). Chaque élément forme l’acronyme du score. La valeur de 1 point est attribuée pour chaque variable présente. Ce score permet la stratification des patients en six classes de 0 à 5 de risque croissant de mortalité : 0,7 % pour un score à 0; 3, 2 % pour un score à 1; 13 % pour un score à 2; 17 % pour un score à 3; 41,5 % pour un score à 4 Tableau 85.2. CURB* 65, score de la British Thoracic Society [20] Confusion mentale Urée > 7 mmol.l–1 Fréquence respiratoire ≥ 30/min Pression artérielle : systolique < 90 mmHg ou diastolique ≤ 60 mmHg Âge ≥ 65 Un patient présentant au moins deux de ces quatre facteurs a un risque de mortalité multiplié par 36 * C pour confusion, U pour urea, R pour respiratory rate, B pour blood pressure 44200_Volume4_1 Page 910 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Affections et leurs traitements 910 et 57 % pour un score à 5. Les règles pronostiques de ce score ont une forte valeur prédictive négative concernant le décès (93 à 95 %), mais elles sont peu sensibles (47 à 65 %). La pression artérielle diastolique ≤ 60 mmHg et la fréquence cardiaque > 90/min sont de mauvais paramètres pronostiques. L’association de trois critères BTS (rythme respiratoire ≥ 30/mn, pression artérielle diastolique ≤ 60 mmHg et l’état confusionnel aigu) donne la meilleure approximation du risque de décès dans la pneumonie du sujet âgé [22]. SCORE ÉTABLI EN RÉANIMATION Une étude menée en réanimation, stratifie les patients en trois classes avec une mortalité de 4, 25 et 60 % [23]. Cet index pronostique à l’admission est établi à partir de six facteurs indépendants de mortalité (âge supérieur à 40 ans, pronostic à cinq ans de la maladie sous-jacente, pneumonie dont le mécanisme n’est pas une inhalation, atteinte de plus d’un lobe, nécessité d’une ventilation mécanique, choc septique). Pour la classe de risque intermédiaire, la mortalité ne peut pas être prédite uniquement à l’admission, un ajustement est nécessaire tenant compte des complications survenues en cours d’hospitalisation. IMPACT DE LA RÉSISTANCE BACTÉRIENNE SUR LA MORTALITÉ L’impact de la résistance bactérienne sur la mortalité a été essentiellement étudié au cours des pneumonies à pneumocoque. La résistance à la pénicilline G ne semble pas entraîner de surmortalité [7]. Dans une étude menée en France, la mortalité globale était de 16,3 % parmi les 465 patients adultes hospitalisés pour une PAC due au pneumocoque; elle était de 18,3 % pour celles dues à des souches sensibles et 13,9 % pour celles dues à des souches de sensibilité diminuée [24]. En réanimation, toujours dans cette étude, la mortalité était de 34,8 % chez les patients ayant une souche sensible à la pénicilline et 27,8 % chez ceux ayant une souche de sensibilité diminuée. Parmi les 221 patients ayant une PAC à pneumocoque bactériémique, la mortalité était de 20,1 % pour les souches sensibles à la pénicilline G et 15,2 % pour les souches de sensibilité diminuée. IMPACT DU DÉLAI DE L’ADMINISTRATION D’ANTIBIOTIQUES SUR LA MORTALITÉ Plusieurs études ont montré une relation entre la mortalité et le délai d’administration des antibiotiques par rapport à l’admission [25-28]. À partir de la base de données Medicare aux États-Unis, sur une population de plus de 65 ans, une réduction de la mortalité de 15 % au 30e jour est observée quand l’antibiothérapie est administrée dans les 8 h [25] ou dans les 4 h [26], mais uniquement chez les patients n’ayant pas eu d’antibiothérapie avant l’admission. Ce délai est confirmé dans une étude prospective de cohorte, qui a par ailleurs identifié les facteurs exposant à un retard de l’antibiothérapie : âge avancé, troubles des fonctions supérieures, absence de fièvre et d’hypoxémie [27]. Ce délai de 4 h pouvant devenir un critère de performance de la qualité des soins, une étude a montré que dans 22 % des cas l’antibiothérapie est administrée au-delà de 4 h du fait du retard diagnostique lorsque la présentation clinique est atypique et la radiographie thoracique initiale non contributive [28]. CRITÈRES D’ADMISSION EN RÉANIMATION C’est essentiellement au niveau des services d’accueil et des urgences que ces critères d’admission en réanimation doivent être maîtrisés, le réanimateur étant appelé en fonction de cette évaluation. Cette démarche s’inclut dans la campagne de la prise en charge précoce du sepsis sévère lancée en 2006 par plusieurs sociétés (www.srlf.com). Ces critères cliniques, radiologiques et biologiques doivent être simples. Le jugement clinique et l’expérience du clinicien restent importants dans cette décision. Plusieurs facteurs de risque de mortalité des PAC ont été identifiés : extension des images radiologiques et existence d’un choc septique [2]; maladie sous-jacente ultérieurement ou rapidement fatale, état de choc, bactériémie, antibiothérapie inadaptée, complications non liées à la pneumonie [5]; ventilation mécanique et choc septique. Les différentes sociétés savantes proposent une hiérarchie des différents critères de gravité pour soutenir cette décision d’admettre ou non un patient ayant une PAC. Les facteurs de risque de mortalité sont utilisés pour évaluer cette gravité. En 2007, l’Infectious Diseases Society of America (IDSA) et l’American Thoracic Society (ATS) ont élaboré conjointement des critères d’évaluation de la gravité [29]. Ces critères sont issus du score de l’ATS révisé en 2001 et de celui du CURB 65 de la BTS. L’âge et l’existence de comorbidités ne font pas partie de cette évaluation. Ces critères présentés dans le tableau 85.3, sont hiérarchisés en critères mineurs et majeurs : l’existence d’au moins un critère majeur impose la prise en charge en réanimation; sans ces critères majeurs la présence d’au moins trois critères mineurs suscite une admission en réanimation. Tableau 85.3. Évaluation de la gravité d’une PAC selon l’IDSA et l’ATS. Critères d’admission en réanimation en critères mineurs (trois critères) et critères majeurs (un critère) [29] Critères « mineurs »a • Fréquence respiratoire ≥ 30/min • PaO2/FiO2 ≤ 250 – Atteinte multilobaire radiologique – Confusion désorientation • Urée sanguine ≥ 7 mmol.l–1 • Leucopéniec < 4 000/mm3 • Thrombopénie > 100 000/mm3 • Hypothermie < 36 °C • Hypotension nécessitant un remplissage b Critères « majeurs » – Nécessité d’une ventilation mécanique – Choc septique : nécessité de drogues vasoactives a Tenir compte d’autres critères : hypoglycémie chez les patients non diabétiques, alcoolisme aigu et/ou sevrage alcoolique, hyponatrémie, acidose métabolique inexpliquée ou élévation du lactate artériel, cirrhose, asplénie. b La ventilation non invasive peut se substituer à la fréquence respiratoire et au rapport PaO2/FiO2. c liée à l’infection uniquement. La Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) en 2006 propose l’utilisation du score de l’ATS (tableau 85.4) révisé en 2001 pour supporter la décision de prise en charge en réanimation [30]. La présence de deux critères mineurs ou d’un critère majeur prédit la nécessité d’une admission en soins intensifs avec une sensibilité de 78 %, une spécificité de 94 %, VPP 75 % et VPN 95 %. Le PSI est un autre élément de cette décision. Tableau 85.4. Définition d’une pneumonie communautaire sévère à partir de la classification des critères de l’American Thoracic Society en critères mineurs (deux critères) et critères majeurs (un critère) Critères « mineurs » à l’admission • PaO2/FiO2 < 250 • Atteinte multilobaire radiologique • Pression artérielle systolique ≤ 90 mmHg Critères « majeurs » à l’admission et en cours d’évolution • Nécessité d’une ventilation mécanique • Choc septique L’utilisation des scores de mortalité dans la décision d’hospitalisation est dominée par les analyses issues des travaux de Fine [17, 18, 31]; ils ont été en partie validés pour cette décision. En revanche ces scores n’ont pas été validés pour l’admission en réanimation. L’utilisation de la gravité par ces scores, en particulier le PSI, conduit à méconnaître une gravité évidente chez un patient jeune, ayant une hypoxémie sévère et même un état de choc. Une étude nord-américaine a conclu que les scores PSI et CUR65 n’étaient pas adaptés en tant que critères d’admission en réanimation [32]. Sur cette cohorte de 1 339 patients hospitalisés, 170 étaient admis en réanimation (12,7 %). Sur ces 170 patients, 27 % étaient classés en faible risque de mortalité (classes I, II et III). Inversement, en tenant compte des critères de sévérité, une grande partie des patients n’ont pas été admis en réanimation : 74 % des 440 patients avaient les critères modifiés de l’ATS, 80 % des 321 patients avaient les critères de la BTS. La mortalité des patients admis en réanimation était de 21,1 %, significativement plus élevée que celle des patients non admis en réanimation (5,1 %), mais uniquement pour ceux classés en risque IV et V. S’intéressant aux patients ayant un PSI à V, seuls 20 % sont admis en réanimation dont 69 % ont au moins un critère majeur; l’âge avancé et une maladie chronique grave (neurologique, cancer) sont les deux facteurs limitant l’admission en réanimation [33]. 44200_Volume4_1 Page 911 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Pneumopathies aiguës communautaires sévères de l’adulte En pratique, le processus d’admission en réanimation doit s’appuyer sur les critères proposés par l’IDSA/ATS en 2007, avec trois critères mineurs ou un critère majeur. Même s’ils restent à valider par des études prospectives, cette approche permet de mieux définir cliniquement la gravité de la PAC et de formaliser l’admission en réanimation. Mais dans tous les cas le jugement clinique et l’expérience du médecin restent importants. Compte tenu de la dynamique de cette infection si, lors de l’évaluation initiale, une admission en réanimation n’a pas été décidée et après avoir vérifié que le traitement antibiotique a bien été administré dans les 4 h de l’admission, une surveillance à partir des critères de l’évaluation initiale doit être établie; cette surveillance aura l’avantage d’alerter le clinicien sur une éventuelle aggravation secondaire. DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE FAUT-IL ISOLER L’AGENT PATHOGÈNE? Au cours des PAC, comme pour toute situation infectieuse, il est important d’isoler l’agent pathogène. Plusieurs raisons justifient cette démarche : affirmer la nature infectieuse de la PAC, permettre une adéquation de l’antibiothérapie à la bactérie isolée, limiter l’utilisation prolongée de molécules à spectre large afin de maîtriser l’apparition de résistances, les surcoûts et les effets indésirables. Malgré les recherches mise en œuvre, l’agent responsable n’est isolé que dans 50 % des cas [2, 3, 4]; dans l’étude menée en réanimation, l’agent pathogène a pu être identifié dans 72 % des cas [1]. Ce faible rendement peut s’expliquer par l’utilisation de techniques de microbiologie inadéquates ou la fréquence d’une antibiothérapie préalable. Des progrès considérables ont été effectués avec la mise au point de techniques diagnostiques spécifiques et rapides comme les antigènes urinaires. QUELLE STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE POUR EXPLORER UN FOYER PULMONAIRE? Les prélèvements peuvent être effectués directement au sein du foyer infectieux (biopsie pulmonaire, ponction transthoracique) ou indirectement par des procédures invasives (fibroscopie) ou par des cultures d’expectorations. L’étude de Moine menée en réanimation, reflète bien la grande diversité des prélèvements effectués en France : expectoration dans 45 % des cas, prélèvements bronchiques distaux protégés dans 89 % des cas [1]. Ces prélèvements contribuaient au diagnostic bactériologique dans respectivement 30 % et 32 % des cas. Plusieurs modalités de prélèvements sont proposées : « non invasifs » et « invasifs » permettant lors d’une fibroscopie des prélèvements bronchiques distaux. L’expectoration permet d’affirmer un diagnostic lorsque des micro-organismes pathogènes tels que Legionella pneumophila, Mycobacterium tuberculosis ou virus sont isolés. Pour les autres micro-organismes, l’interprétation de la culture est possible à condition de respecter les conditions de prélèvement. Ces explorations restent à évaluer au cours des PAC, en terme de sensibilité et de spécificité en tenant compte d’une antibiothérapie préalable qui peut modifier considérablement l’interprétation des résultats. Le diagnostic est possible dans 80 % des cas chez les patients n’ayant pas d’antibiotique [34], mais seulement dans 32,7 % des cas lorsque les patients en reçoivent [35]. PRÉLÈVEMENTS BRONCHO-PULMONAIRES INVASIFS PONCTION TRANSTHORACIQUE Faite à l’aiguille fine (22 ou 25 G) elle permet un diagnostic dans 14,5 à 27 % des cas [2, 36]. Mais des problèmes de tolérance (pneumothorax, hémoptysies de faible abondance dans 13 % à 20 % des cas) en limitent l’usage. Cette technique est contre-indiquée chez les patients ayant une hypoxémie sévère, des troubles de coagulation, un emphysème sévère ou qui sont ventilés. PONCTION TRANSTRACHÉALE Cette technique a été une méthode de référence [33], mais a été abandonnée en raison des complications (hémorragie, décompensation d’une insuffisance respiratoire aiguë, emphysème sous-cutané), des contre-indications (troubles de la coagulation, détresse respiratoire, agitation du patient…), des difficultés d’interprétation en cas de troubles de déglutition, et de la perte d’expérience des équipes. 911 Des faux négatifs sont observés : chez six patients ayant une bactériémie à Streptococcus pneumoniæ, dans trois cas seulement la bactérie était isolée dans la ponction transtrachéale [34-36]. PRÉLÈVEMENTS BRONCHIQUES EFFECTUÉS LORS D’UNE FIBROSCOPIE Ces prélèvements (lavage broncho-alvéolaire, cathéter distal protégé, brosse…) ont été peu évalués dans le cadre spécifique des PAC [37]. L’interprétation de ces cultures quantitatives est en général issue d’études effectuées au cours des pneumonies acquises au cours de la ventilation mécanique. Parmi les rares études publiées, celle de Örtqvist [38] et celle de Jimenez [39] soulignent une bonne sensibilité et concordance de la brosse au LBA chez des patients ayant une PAC peu sévère et n’ayant pas reçu d’antibiotique. Chez les patients intubés et ventilés d’emblée, la fibroscopie ne pose pas de problème, mais il existe des risques inhérents : aggravation de l’hypoxémie au cours de la fibroscopie ou au décours d’un LBA, pneumothorax ou hémoptysie au décours d’une brosse…). Chez les patients non intubés hypoxémiques, une fibroscopie effectuée même à travers un masque à haute concentration d’oxygène peut décompenser une détresse respiratoire. Si elle est indiquée, l’opérateur doit être entraîné et être capable de gérer une complication. En ventilation non invasive, avec un opérateur entraîné, une exploration fibroscopique peut être réalisée avec sécurité [40]. Néanmoins, en raison du risque de décompensation respiratoire et d’arrêt cardiaque hypoxémique, son utilité doit être démontrée dans la démarche diagnostique initiale d’une PAC. PRÉLÈVEMENTS BRONCHIQUES NON INVASIFS L’étude de l’expectoration a été longtemps décriée en France : manque de spécificité, temps de laboratoire. Son premier intérêt est de permettre d’affirmer un diagnostic microbiologique lorsque L. pneumophila, P. jiroveci, M. tuberculosis et un virus sont isolés, à condition qu’une demande spécifique soit faite au laboratoire. Pour les autres micro-organismes l’interprétation de la culture est possible à condition de respecter les conditions suivantes : réelle expectoration obtenue en aidant le patient, transport immédiat au laboratoire, critères cellulaires (moins de dix cellules épithéliales et plus de vingt-cinq polynucléaires par champ), prédominance d’un ou éventuellement de deux types de bactéries, culture semi-quantitative. L’IDSA recommande cet examen [29, 41]. PRÉLÈVEMENTS EXTRAPULMONAIRES Ces prélèvements peuvent contribuer à l’identification de l’agent responsable : • hémocultures (positives dans 7 à 27 % des cas, surtout pour le pneumocoque dans plus d’un tiers des cas); • ponction pleurale; • antigènes urinaires de L. pneumophila du sérogroupe 1, antigènes urinaires de S. pneumoniæ; • détection de virus (influenza, virus respiratoire syncytial, adénovirus, para-influenza 1,2 et 3) et plus récemment du coronavirus responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), par des techniques de culture, de sérologie, de test rapide de détection d’antigène, de PCR et d’immunofluorescence. En fonction du contexte, une sérologie VIH oriente les explorations; une pneumonie à pneumocoque peut être un événement révélateur d’une infection par le VIH. Les sérologies de L. pneumophila, Mycoplasma pneumoniæ et Chlamydia pneumoniæ ont un intérêt rétrospectif et l’élévation retardée des anticorps n’aide pas au diagnostic initial. La séroconversion est définie par une élévation d’un facteur 4 du titre d’anticorps entre deux prélèvements; pour C. pneumoniæ, une élévation d’un facteur 4 du taux des IgG ou un taux d’IgM dépassant 1 :16 sur un seul prélèvement. Les agglutinines froides supérieures à 1 : 64 sont en faveur de M. pneumoniæ. Des techniques d’amplification génomique (PCR) sont en cours d’évaluation pour ces micro-organismes, en particulier C. pneumoniæ, L. pneumophila et M. pneumoniæ. La procalcitonine peut avoir un intérêt pour différencier une infection bactérienne d’une infection virale. La cinétique pourrait avoir un intérêt pronostique. Parmi ces examens complémentaires, de récentes publications sur les hémocultures et les antigènes urinaires pneumococciques ont abordé leur utilité dans la stratégie diagnostique : 44200_Volume4_1 Page 912 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Affections et leurs traitements 912 Les hémocultures sont recommandées pour les pneumonies sévères; deux hémocultures à 1 ou 2 h d’intervalle correspondent aux pratiques habituelles. Des réserves ont été faites sur leur utilité [42, 43] : le résultat n’est pas immédiat, le rendement est faible (de 4 à 18 % de l’ensemble des hémocultures). À partir de facteurs indépendants prédictifs de bactériémie (maladie hépatique sous-jacente, tension artérielle systolique < 90 mmHg, température < 35 °C ou > 40 °C, pouls > 125/min, urée sanguine > 11 mmol.l–1, natrémie < 130 mmol.l–1, leucocytes < 5 000/mm3 ou > 20 000/mm3) il est proposé de prélever deux hémocultures quand le risque de bactériémie est élevé (un facteur sans antibiothérapie antérieure ou deux facteurs) et une seule hémoculture pour un faible risque (pas de facteur ou un facteur avec une antibiothérapie préalable). Lorsque le risque est élevé, 14 % des hémocultures sont positives; lorsqu’il est faible, seules 6 % le sont. Une autre manière de procéder est d’utiliser le score PSI pour les classes IV et V [44, 45]. Les antigènes urinaires pneumococciques et de L. pneumophila 1 ont amélioré notablement la documentation des PAC. Pour le pneumocoque, les lipopolysaccharides de la membrane externe bactérienne persistent à l’état soluble dans les liquides biologiques (urines, liquide céphalo-rachidien [LCR]) et peuvent être détectés par une méthode immunochromatographique, même lorsque la bactérie n’est plus viable. L’intérêt de ce test est sa rapidité (15 min). Ce test reste positif même après l’instauration d’une antibiothérapie, permettant dans ce contexte un diagnostic a posteriori. La sensibilité est de 75 à 80 % lors des bactériémies [46-49]. En l’absence de bactériémie la sensibilité est moins bonne, de 29 à 52 %. L’une des plus grandes études publiés à ce jour évaluant la performance de ce test sur 452 patients ayant une PAC [50] montre que les antigènes sur des urines concentrées étaient positifs dans 70 % des vingt-sept patients ayant une PAC à pneumocoque et chez 26 % des patients ayant une PAC sans documentation bactériologique; 10 % des patients ayant une PAC non à pneumocoque avaient un test positif, sa spécificité est de l’ordre de 97 %). Il a été montré d’exceptionnels faux positifs chez les enfants ayant une pathologie chronique respiratoire avec une colonisation à S. pneumoniæ [51], chez les patients qui ont eu un épisode de pneumonie dans les trois mois [52]. En revanche les faux positifs sont rares chez les patients à broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) alors même qu’ils sont colonisés [53]. Plusieurs tests sont commercialisés pour la détection des antigènes solubles urinaires de L. pneumophila mais uniquement du sérogroupe 1. La sensibilité est de 70 à 90 % avec une spécificité de 99 % [54, 55]. Comme pour le pneumocoque, ce test est très rapide. Il est positif dès le premier jour de la maladie et le reste pendant l’évolution. Il permet une prise en charge adaptée et précoce des légionelloses, et a en partie contribué à une augmentation des diagnostics étiologiques. En pratique, si les antigènes améliorent la documentation, et permettent dans les formes non graves de restreindre l’antibiothérapie probabiliste à un seul agent, ils ne peuvent à eux seuls, au cours de PAC sévères, justifier des modifications de l’antibiothérapie des premiers jours qui doit être large. QUAND ET À QUI FAIRE LES PRÉLÈVEMENTS? Il est important, au cours des PAC sévères, d’établir un diagnostic microbiologique (tableau 85.5), à plus forte raison s’il existe une immunodépression, un échec d’une antibiothérapie préalable, une hospitalisation récente, ou une maladie sous-jacente pulmonaire. L’évolution des résistances bactériennes et la maîtrise de la consommation d’antibiotiques incitent aussi à isoler l’agent responsable. Ces prélèvements doivent être effectués à l’admission avant tout traitement antibiotique ou toute modification et en cours de traitement lorsqu’un échec est constaté. Quelles que soient les explorations utilisées, elles ne contribuent pas au choix de l’antibiothérapie initiale qui est toujours probabiliste jusqu’au retour des résultats des prélèvements. Elles doivent par ailleurs, ni retarder l’administration des antibiotiques qui doivent être administrés dans les 4 h après l’admission à l’hôpital, ni décompenser une insuffisance respiratoire chez un patient non ventilé. Inversement, l’urgence du traitement ne justifie pas l’absence de prélèvements. Enfin les résultats de ces prélèvements sont indispensables pour la réévaluation du troisième jour de traitement. Le résultat des prélèvements permet de retenir une PAC certaine lorsque le pathogène compatible avec une PAC est isolé dans un prélèvement non contaminé (hémoculture, sécrétion bronchique de bonne qualité) ou identifié par les antigènes urinaires, la PCR, une Tableau 85.5. Explorations proposées en fonction de la tolérance de l’hypoxémie au cours d’une pneumonie communautaire sévère Patient non intubé Patient intubé d’emblée Hypoxémie bien tolérée Hypoxémie mal tolérée (VNI, MHC) Prélèvements protégés avec ou sans fibroscopie (brosse, LBA ou PDP…) Et aspiration trachéale Expectoration Expectoration Et éventuellement fibroscopie1 (prélèvements protégés) Dans tous les cas : hémocultures, ponction pleurale si épanchement, expectorations (avec recherche spécifique L. pneumophila), antigènes urinaires (L. pneumophila sérogroupe 1, pneumocoque), sérologie (Chlamydophila, Mycoplasma, L. pneumophila). Autres prélèvements si orientation diagnostique : expectoration (M. tuberculosis), LBA (P. jiroveci, si expectoration non contributive), prélèvement nasopharyngé (culture de virus), PCR (Chlamydophila, Mycoplasma, L. pneumophila), autre sérologie (Coxiella burnetii), agglutinines froides (M. pneumoniæ), Sérologie VIH. LBA : lavage broncho-alvéolaire, PDP : prélèvement distal protégé. 1. Opérateur expérimenté et disponibilité du laboratoire de microbiologie. séroconversion. La PAC est probable lorsqu’à l’examen direct d’un prélèvement de qualité des sécrétions, une bactérie est compatible avec un pathogène d’une PAC, la concentration est significative à la culture d’expectoration sans examen direct, la concentration dans un prélèvement protégé est inférieure au seuil, la sérologie est positive sans pouvoir vérifier la séroconversion. ÉPIDÉMIOLOGIE BACTÉRIENNE La répartition générale des micro-organismes est dominée dans toutes les études épidémiologiques, par S. pneumoniæ suivi de H. influenza, des micro-organismes intracellulaires (C. pneumoniæ, L. pneumophila, M. pneumoniæ), de S. aureus, des entérobactéries, des virus… Il y a des variations importantes selon les études, les pays, et les définitions utilisées [13, 38, 39, 56]. Les traitements probabilistes des PAC sévères tiennent compte de la diversité des micro-organismes et de l’évolution des résistances bactériennes. RÉPARTITION EN RÉANIMATION Plusieurs études épidémiologiques en réanimation [1-4] montrent que la répartition est sensiblement identique à celle constatée lors des PAC moins sévères (tableau 85.6), globalement les bactéries dites « atypiques » sont responsables de 20 % des PAC. Les Tableau 85.6. Répartition des micro-organismes isolés au cours des pneumonies communautaires admises en réanimation Örtqvist [3] BTS [4] Torres [2] 1985 1992 1990 Suède Royaume-Uni Espagne Nb patients Étude 53 62 rétrospective rétrospective Âge moyen 92 Moine [1] 1991 France 132 prospective prospective 52 54 53 58 Mortalité 25 % 48 % 22 % 24 % Ventilation 58 % 88 % 61 % 61 % 47 % 28 – – 5 4 4 – 4 – – 42 % 18 12 12 7 5 3 – – 3 – 48 % 14 – 13 6 – – 3 – 4 5 28 % 32 11 3 1 5 4 7 – 10 – Micro-organismes % Inconnu S. pneumoniæ H. influenzæ L. pneumophila M. pneumoniæ Virus influenza S. aureus Streptococcus sp C. psittaci Entérobactéries P. æruginosa 44200_Volume4_1 Page 913 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Pneumopathies aiguës communautaires sévères de l’adulte PAC dues à S. pneumoniæ, L. pneumophila et les bactéries à gram négatif sont plus souvent graves. Des co-infections (pneumocoque et C. pneumoniæ ou M. pneumoniæ) ont été rapportées mais sont peu fréquentes au cours des PAC sévères [57]. Dans un nombre non négligeable de cas (de 28 à 48 %), l’agent responsable reste inconnu; c’est une des caractéristiques des PAC. En réanimation l’agent responsable est plus souvent identifié. Les PAC dues à L. pneumophila, maladie à déclaration obligatoire, peuvent survenir dans un contexte épidémique à partir d’une source de l’environnement (tours aéro-refroidissantes, établissements balnéaires…) ou d’un réseau d’eau chaude contaminé (douche, jacuzzi, jets d’eau décoratifs…). Depuis 1996, on assiste à une augmentation considérable des déclarations des légionelloses jusqu’à 1 044 cas en 2003, l’incidence étant de 1,8 cas pour 100 000 habitants. Ce sont les tests de détection des antigènes urinaires de L. pneumophila du sérogroupe 1 qui expliquent cette augmentation, 80 % des cas étant diagnostiqués par cette technique. Le rôle et la fréquence de P. æruginosa au cours des PAC sont controversés. Elle se retrouve le plus souvent chez des patients ayant des facteurs de risque particuliers (maladie sous-jacente pulmonaire, dilatation des bronches, BPCO sévère avec nombreuses exacerbations aiguës, immunodépression, hospitalisation récente, antibiothérapies fréquentes et récentes). Les facteurs indépendants de risque de PAC due à P. æruginosa isolé chez 11 % des patients admis pour une PAC étaient une maladie pulmonaire sous-jacente (odds ratio 5,8) et une hospitalisation récente (odds ratio 3,8); un délai d’une semaine pour une hospitalisation antérieure était retenu dans cette étude [58]. Pour les autres bactéries à gram négatif, deux autres facteurs de risque supplémentaires étaient identifiés : une inhalation (odds ratio 2,3) et une antibiothérapie préalable (odds ratio 1,9). L’infection due à une bactérie à gram négatif est un facteur prédictif indépendant de mortalité des PAC (odds ratio 3,4). Les virus peuvent être responsables de PAC sévères, en particulier chez les patients âgés ou chez les patients plus jeunes mais ayant des comorbidités cardio-pulmonaires ou une immunodépression. Plus de 75 % des virus « respiratoires » impliqués sont représentés par le virus influenza, syncytial respiratoire, para-influenza [59]. D’autres virus sont plus rarement retrouvés : adénovirus, métapneumovirus, virus du groupe herpès, rougeole… L’impact du VRS chez les patients hospitalisés est proche de celui de la grippe saisonnière avec le recours à la réanimation dans 12 % des cas, une durée d’hospitalisation similaire et un taux de mortalité de 7 % [60]. Les infections mixtes comprenant plusieurs virus ou l’association d’un virus à une bactérie ne sont pas exceptionnelles (10 %), les infections virales pures représentent le même pourcentage (10 %) [61]. Les tests rapides (grippe, VRS…) peuvent permettre le diagnostic. Un autre virus, coronavirus (SARS-CoV), a été responsable d’une épidémie débutant fin 2002 en Chine dans la région de Guangdong et s’étendant durant le premier semestre 2003 dans plus de 28 pays d’Asie avec plus de 8 000 cas probables recensés [62]. En France, les cas importés ont été rares; en revanche, au Canada, la ville de Toronto a fait l’expérience d’une épidémie intrahospitalière à partir de cas importés [63]. Le tableau clinique est peu spécifique, avec une hypoxémie sévère dans les formes graves et une lymphopénie. Un cas possible est défini par des signes d’appel pouvant faire évoquer le SRAS : fièvre supérieure à 38 °C associée à des signes d’atteinte respiratoire basse (toux, dyspnée, gêne respiratoire…) survenant chez une personne en provenance d’un pays où existe une transmission majeure active de SRAS ou travaillant ou ayant travaillé dans un laboratoire manipulant ou ayant manipulé du coronavirus du SRAS. Le cas est confirmé par une RT-PCR positive pour le SARS-CoV, ou une séroconversion en Elisa ou en immunofluorescence ou l’isolement du virus (culture cellulaire et confirmation par RT-PCR). Il n’y a pas de traitement antiviral spécifique, en revanche la maîtrise de la diffusion de ce virus dans l’entourage du patient et au personnel de santé est un objectif important; les recommandations sont disponibles sur le site www.sante.gouv.fr. Récemment un virus épizootique de la grippe aviaire de type A (H5N1), hautement pathogène, a franchi la barrière des espèces en Asie, provoquant de nombreux décès humains. La distribution géographique en expansion des infections par ce virus indique que davantage de populations humaines sont à risque. Néanmoins à ce jour aucune transmission de l’homme à l’homme n’a été documentée. Une exposition à de la volaille dans la semaine précédant le début de la maladie a été associée à la maladie chez l’homme alors qu’il n’y a aucun risque significatif lié à la consommation ou à la préparation de produit de volaille ou à l’exposition à des personnes atteintes de grippe de type A (H5N1). La période d’incubation est au maximum de 913 huit jours. Les symptômes sont aspécifiques avec une fièvre élevée et présence de symptômes respiratoires bas. Les diarrhées sont plus fréquentes. L’évolution se fait fréquemment vers un tableau d’insuffisance respiratoire avec des infiltrats diffus à la radiographie puis SDRA avec défaillance multiviscérale. La mortalité est très élevée : sur les 317 cas recensés par l’OMS en juin 2007, 191 sont décédés. La détection du virus est faite par écouvillonnage nasal ou pharyngé avec des techniques antigéniques rapides qui sont néanmoins moins sensibles que ne le sont les tests RT-PCR. Les antiviraux antineuraminidase, comme l’oseltamivir ou le zanamivir, sont actifs; la résistance à l’amantadine et à la rimantadine est élevée [64]. Dans le contexte actuel ce diagnostic doit être évoqué devant un tableau grippal avec des signes respiratoires si dans les sept jours avant le début des signes le patient revient d’une zone où sévit l’épizootie et qu’il a eu un contact rapproché avec des oiseaux vivants ou morts ou s’il a eu un contact très proche et répétés avec un cas humain confirmé ou une exposition professionnelle avec des prélèvements biologiques d’origine animale ou humaine, infectés ou présumés infectés par le virus H5N1. Des mises à jour régulières sont faites sur l’évolution de cette infection et des recommandations de prise en charge sont régulièrement actualisées (www.who.int; www.sante.gouv.fr; www.invs.sante.fr). Le contexte de bioterrorisme a réactualisé des pathologies pulmonaires oubliées dues à Bacillus anthracis, Francisella tularensis et Yersinia pestis. POPULATIONS PARTICULIÈRES PATIENTS VIVANTS DANS DES CENTRES DE LONG SÉJOUR OU DANS DES MAISONS DE RETRAITE L’incidence des PAC y est plus élevée que dans la population générale. Ces patients, dont la classe d’âge est un facteur de risque essentiel, en ont d’autres : maladies sous-jacentes, troubles de déglutition, diminution de l’immunité [65, 66]. Les conditions de vie favorisent les épidémies par transmission interhumaine (virus, M. tuberculosis…) [66, 67]. La circulation importante de ces patients entre leurs lieux de vie et les hôpitaux les expose à l’acquisition de bactéries résistantes (SARM, entérobactéries, P. æruginosa…) [68]. PATIENTS À BRONCHO-PNEUMOPATHIE CHRONIQUE OBSTRUCTIVE (BPCO) Le diagnostic différentiel entre exacerbations de bronchite chronique et pneumonie est souvent difficile. Les signes radiologiques doivent faire l’objet d’une analyse précise : apparition d’une image compatible avec une pneumonie ou modification d’une image préexistante à condition de disposer d’un cliché antérieur. Les prélèvements à visée microbiologique ne permettent pas toujours de différencier l’infection parenchymateuse de la colonisation bronchique, permanente chez ces patients; un prélèvement dont la culture est significative ne peut signer à lui seul une pneumonie. Ainsi dans l’étude de Fagon [69] chez des patients ayant une BPCO sans signe de pneumonie, ventilés et n’ayant pas reçu d’antibiotique, la culture de brosse est positive dans 50 % des cas avec des bactéries habituellement isolées au cours des PAC. Dans une étude espagnole concernant des patients ayant une BPCO, l’agent pathogène était isolé dans 59 % des cas [70]. PATIENTS INFECTÉS PAR LE VIH Si P. jiroveci (anciennement carinii) est caractéristique chez ces patients, ne permet pas pour ce micro-organisme opportuniste de retenir le terme de PAC, d’autres bactéries sont responsables de formes sévères : S. pneumoniæ, H. influenza, anaérobies, bactéries à gram négatif [71]. Les pneumonies à pneumocoque sont fréquemment bactériémiques. La fréquence d’isolement est plus importante chez ces patients (dans 74,4 % des cas) que chez les patients immunodéprimés non VIH (66 %), et les patients non immunodéprimés (51,2 %) [72]. Indépendamment de la recherche systématique de facteurs de risque, la survenue d’une PAC à S. pneumoniæ permet parfois de découvrir indirectement une sérologie VIH. ÉVOLUTION DE LA RÉSISTANCE BACTÉRIENNE RÉSISTANCE DE STREPTOCOCCUS PNEUMONIÆ L’évolution de la résistance des pneumocoques aux bêtalactamines continue de marquer la prise en charge des PAC. Les tests de sensibilité avec les concentrations critiques permettent de distinguer les souches sensibles des souches résistantes ou « intermédiaires » à 44200_Volume4_1 Page 914 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Affections et leurs traitements 914 lieu de déterminer la concentration minimale inhibitrice (CMI) de l’amoxicilline et de la céfotaxime. En France, la résistance globale à la pénicilline G était en constante augmentation passant de 4 % en 1987 à 32 % en 1994, 53 % en 2002; pour la première fois une diminution du pourcentage des souches de sensibilité diminuée aux bêtalactamines est observée surtout parmi les pneumocoques isolés chez l’enfant [73]. En 2003 la résistance aux différents antibiotiques était la suivante (tableau 85.7) : pour la pénicilline G 48 % des souches étudiées étaient de sensibilité diminuée à la pénicilline G, dont 10,3 % étaient résistantes et stables par rapport à 2002; pour l’amoxicilline, les souches de sensibilité diminuée représentaient 26,7 % dont 1,2 % étaient résistantes (CMI > 2 μg.ml–1); pour la céfotaxime, les souches de sensibilité diminuée représentaient 14,6 % et 0,2 % étaient résistantes; pour la lévofloxacine et la moxifloxacine, la résistance était très basse : 0,2 % et 0,05 % respectivement, sans souche intermédiaire. En revanche pour l’érythromycine, le niveau de résistance restait élevé et stable : 49,5 % résistantes, 3,3 % intermédiaires. l’antibiotique testé. Ces données in vitro troublent le clinicien et l’exposent à des interprétations erronées : • pour le pneumocoque une sensibilité diminuée à la pénicilline G, « sensibilité intermédiaire » correspond selon les définitions à un « succès thérapeutique imprévisible »; • la résistance ou une sensibilité diminuée à la pénicilline G est souvent étendue à tort à l’ensemble des bêtalactamines, en particulier à l’amoxicilline qui a des niveaux de résistance nettement plus bas (48 % pour la pénicilline G et 26,7 % pour l’amoxicilline); • en fonction du site d’isolement du pneumocoque les niveaux de résistance sont différents : les souches dites invasives ont un niveau de résistance moins élevé que celui des souches de portage ou de colonisation. En France en 2007, les concentrations critiques déterminées par le Comité de l’antibiogramme (www.sfm.asso.fr) en harmonisation avec l’European Committee on Antimicrobial Susceptibility Testing (EUCAST, www.escmid.org), sont présentées dans le tableau 85.7. Devant toute souche de sensibilité diminuée (OXA-5 < 21 mm), il y a Tableau 85.7. Sensibilité aux antibiotiques des souches de S. pneumoniæ isolées chez l’adulte en 2004 (d’après [73]) Antibiotique Pénicilline G Amoxicilline Céfotaxime Lévofloxacine Moxifloxacine Érythromycine Lincomycine Pristinamycine Télithromycine Cotrimoxazole Rifampicine Chloramphénicol Tétracycline Fosfomycine Kanamycine Gentamicine Vancomycine Valeurs critiques* S R ≤ 0,06 mg/L ≤ 0,5 mg/L ≤ 0,5 mg/L ≤ 2 mg/L ≤ 1 mg/L ≥ 22 mm ≥ 21 mm ≥ 19 mm ≤ 0,5 mg/L ≥ 16 mm ≥ 19 mm ≥ 23 mm ≥ 19 mm ≥ 14 mm ≥ 14 mm ≥ 17 mm ≥ 17 mm > 1 mg/L > 2 mg/L > 2 mg/L > 4 mg/L > 2 mg/L < 17 mm < 17 mm – > 2 mg/L < 10 mm < 14 mm < 19 mm < 17 mm – < 10 mm < 11 mm – Souches(n) %S %I %R 892 892 892 854 854 842 293 842 292 779 781 561 790 656 322 322 332 58,3 75 87,3 99,6 99,8 56,2 69,6 99,9 97,3 71,6 99,5 91,4 74,3 95,8 67,7 100 100 33,9 24,6 12,6 – 0,1 2,9 8,9 – 2,7 8 0,1 2,5 3 – – – – 7,8 0,4 0,1 0,4 0,1 41 21,5 0,1 – 20,4 0,4 6,1 22,7 3,2 32,3 – – Au niveau de l’Europe, l’European Antimicrobial Resistance Surveillance System (EARSS) fournit annuellement les niveaux de résistances dans tous les pays européens : la France avec l’Italie, la Belgique, la Bulgarie et la Hongrie ont les niveaux de résistances les plus élevés. La Suède, la Norvège, le Danemark, la Hollande, l’Allemagne, l’Autriche et le Royaume-Uni ont des taux de résistance à la pénicilline G inférieurs à 5 % [74]. Environ quatre-vingts sérotypes ont été décrits; leur répartition varie en fonction de l’âge, du site de l’infection et du pays. Globalement les sérotypes 14, 19A, 6B, 19F, 23F, 9V et 3 représentent 57 % des souches, le sérotype 14 étant prédominant en 2003 comme en 2004, représentant 14,5 % des souches à lui seul et étant le plus fréquent au cours des bactériémies (16 %). Les prévisions de l’évolution des résistances sont pessimistes en raison de la diffusion interhumaine, de la consommation d’antibiotiques et de la faible diffusion de la vaccination. Par ailleurs cette résistance aux bêtalactamines due à une modification des protéines liant la pénicilline, s’étend à d’autres molécules. Encore faut-il en pratique relativiser ces données alarmantes : dans une étude française [24], sur 465 patients adultes hospitalisés pour une PAC due au pneumocoque, dont 47,5 % étaient isolés dans les hémocultures, 12,3 % dans les prélèvements protégés bronchiques et 50,8 % dans des prélèvements non protégés fiables, 43,4 % des souches avaient une sensibilité diminuée à la pénicilline G, 10 % étaient résistantes. En revanche, si l’on s’intéresse à la sensibilité à l’amoxicilline et à la céfotaxime, 23,6 % et 15,8 % avaient respectivement une sensibilité diminuée. Seulement 1,1 % des souches étaient résistantes à l’amoxicilline et aucune n’était résistante à la céfotaxime. Les données d’un hôpital peuvent apporter des informations intéressantes : dans un hôpital de Barcelone [75] la résistance à la pénicilline G a augmenté sur une période de onze ans (1979 à 1990) de 4,3 à 40 % et touche dans 70 % des cas d’autres classes d’antibiotiques (macrolides, cyclines). La résistance aux céphalosporines de troisième génération, céfotaxime ou ceftriaxone, est passée en Espagne de 2 % en 1984-1988 à 9 % en 1989-1993 [7] et à 13 % en 1996-1997 [76]. En France, en 2003, en regroupant les souches intermédiaires et résistantes, ces taux étaient de 14,8 % [73]. Dans l’étude de Jehl [24], aucune souche n’était résistante. La ceftazidime est inactive sur les souches de sensibilité diminuée à la pénicilline G. La résistance aux fluoroquinolones actives sur le pneumocoque (FQAP) est très faible en France, moins de 0,5 % [73]. Au Canada, une augmentation de la résistance a été observée en Ontario passant de 0 % en 1993 à 1,7 % en 1994 (P = 0,01), les souches isolées chez les patients de plus de 65 ans sont plus souvent résistantes (2,6 %) [77]. L’apparition d’une résistance aux fluoroquinolones (FQ) nécessite deux niveaux de mutations au niveau d’une ADN gyrase (gyrA) et de la topo-isomérase IV (parC); un mécanisme d’efflux peut être associé. La relation avec la consommation des autres FQ a été évoquée; quatre échecs d’un traitement par lévofloxacine ont été rapportés (une souche résistante isolée dans les hémocultures et trois souches résistantes apparues en cours de traitement [78]. À Hongkong, l’apparition de souches résistantes à la lévofloxacine et à la trovafloxacine dans respectivement 5,5 et 2,2 % des cas, après quelques mois d’utilisation de ces molécules, a été attribuée à une probable diffusion clonale d’une souche résistante dans une population à forte densité [79]. Dans les maisons de retraite, la résistance peut être plus élevée, 5,7 % vs 0,4 %, que dans la population de même âge vivant hors institution [80]. Si la résistance reste encore peu fréquente, mais avec des variations importantes entre les pays, de 0 à 4,8 %, et les villes, de 0 à 22 %, une surveillance est nécessaire. Comme pour les autres antibiotiques, l’apparition de ces résistances pose le problème du bon usage des antibiotiques. La résistance aux macrolides est très élevée en France. En 2003, parmi les souches isolées dans les hémocultures chez l’adulte, le taux de résistance était de 41,3 % et celui d’intermédiaire de 2,2 % [73]. 44200_Volume4_1 Page 915 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Pneumopathies aiguës communautaires sévères de l’adulte En Europe, les pays nordiques enregistrent des taux inférieurs à 10 % et même à 5 %. Aux États-Unis, la résistance concerne 20 % des souches. La résistance à la rifampicine ne concernait que 0,4 % des souches isolées dans les hémocultures chez l’adulte en 2003 [73]. Les facteurs de risque d’acquisition de pneumocoque résistant aux bêtalactamines sont multiples : prise de bêtalactamines dans les trois mois précédents, enfant de moins de deux ans et adultes de plus de 65 ans, alcoolisme, hospitalisation récente, maladie sousjacente sévère, immunodépression, exposition à un enfant vivant en crèche [7, 83-86]. D’autres facteurs sont cités : l’immunodépression dont l’infection VIH, l’existence d’une méningite et/ou d’une bactériémie [81, 82]. Il a été suggéré que pour les souches de sensibilité diminuée à la pénicilline G, ce mécanisme de résistance aurait un rôle protecteur à l’égard de la survenue de bactériémie [82, 87-89]. Par ailleurs cette résistance n’entraîne pas de surmortalité [88]. La prise d’antibiotiques dans les mois précédant reste le principal facteur de risque d’acquisition de souches résistantes [79, 85, 90, 91]. La multirésistance des souches de sensibilité diminuée à la pénicilline peut amener à restreindre les choix thérapeutiques. Néanmoins la dernière conférence de consensus de la SPILF [30] a rappelé que, malgré le niveau de résistance à la pénicilline G, l’amoxicilline reste néanmoins utilisable et parfaitement efficace au cours des pneumonies à S. pneumoniæ. Il n’y a pas d’indication à utiliser les macrolides pour une PAC à pneumocoque, en raison de la forte prévalence de souches résistantes. Les FQAP (lévofloxacine et moxifloxacine) ont un spectre étendu et peu de souches de pneumocoque résistantes. Cependant, leur large utilisation pourrait conduire à l’émergence de souches de pneumocoques résistants. Ainsi, il convient d’éviter la prescription d’une FQAP dans les trois mois qui suivent l’utilisation d’une quelconque fluoroquinolone [30]. AUTRES MICRO-ORGANISMES L. pneumophila a un développement intracellulaire. Parmi les molécules diffusant en intracellulaire et actives par ordre sont les FQ, les kétolides, la rifampicine, les nouveaux macrolides par apport à l’érythromycine sur L. pneumophila 1 [92]. Il y a peu de données rapportées sur la résistance à ces antibiotiques. L. pneumophila est modérément sensible à la spiramycine. En France, le taux de résistance de H. influenza à l’amoxicilline a diminué progressivement de 1998 à 2005 passant de 32,6 % à 19 % en 2005 [93]. La production de bêtalactamases (TEM1) en est le principal mécanisme de résistance. Un mécanisme identique est reconnu pour Branhamella catarrhalis, rarement impliqué au cours des PAC sévères, et concerne de 94,1 % à 100 % des souches. Pour S. aureus, la résistance à la méticilline au cours d’une PAC est exceptionnelle. Habituellement l’acquisition d’une souche résistante à la méticilline s’est produite au cours d’une hospitalisation, le patient porteur nasal ou colonisé à SARM peut avoir une PAC d’acquisition communautaire due à cette bactérie. Cependant depuis plus de dix ans, des souches de SARM « réellement » communautaires, SARM-Co, ont été isolées au cours des PAC [15, 94-96]. En France, l’incidence reste très faible en comparaison aux incidences constatées aux États-Unis. Dans un hôpital universitaire français ces souches, en 2001-2003, ne représentaient que 0,8 % de toutes les souches de S. aureus et 2 % des souches de SARM [97]. Dans près de 20 % des cas, ces souches communautaires sont résistantes uniquement aux bêtalactamines rendant inadaptée la partie bêtalactamine de l’association empirique initiale; mais, à condition d’utiliser des FQAP (comme il est recommandé) et non des macrolides, la monothérapie est active. Le caractère « réellement » communautaire est retenu en l’absence d’hospitalisation dans les années précédentes, de contact avec une personne hospitalisée ou travaillant dans une structure des soins, d’épuration extrarénale, d’infection à VIH, et éventuellement d’absence d’antibiothérapie récente. Ces souches font partie d’un clone dominant possédant un gène de résistance aux bêtalactamines (cassette de type IV SCCmec) et un gène luk-PV contrôlant la production de leucocidine Panton-Valentine (LPV) responsable de la virulence [13]; elles peuvent héberger d’autres gènes de virulence. Les caractéristiques de cinquante-sept cas de PAC due à S. aureus producteur de LPV ont été récemment décrites par le Centre national de référence de Lyon [98] : âge médian de 14,5 ans (extrêmes de 1 mois à 78 ans), PAC souvent précédée d’un syndrome pseudo-grippal, rash cutané dans 10,4 % des cas, présentation clinique grave (insuffisance respiratoire aiguë avec 78 % de patients ventilés, rapport médian PaO2/FiO2 69 mmHg, IGS2 médian 53,5, condensation multilobaire dans 79 % des cas, leucopénie médiane 915 de 3 900/mm3), mortalité élevée (56 %) avec une médiane de survie de dix jours. Les souches étaient isolées dans les hémocultures (62 %), le liquide pleural (30 %) et/ou les prélèvements respiratoires (34 %). Plusieurs points sont importants à considérer : • la possibilité de suspecter une souche bactérienne LPV+ sur la notion d’un syndrome grippal préalable, d’un âge jeune, d’un rash cutané, d’expectorations sanglantes et d’une présentation clinique sévère avec pneumonie nécrosante; • l’absence de test simple de détection de la LPV, actuellement cette leucocidine est identifiée au CNR de Lyon; • la possibilité de diffusion de ces souches dans les structures de soins [99]; • des traitements adjuvants sont à considérer à un stade très initial : antibiotiques à activité antitoxinique comme les lincosamides [100] ou le linézolide [101] et des immunoglobulines (Tigelline®) bien qu’aucun essai contrôlé n’ait été mené [102]. TRAITEMENT Le traitement d’une PAC sévère admise en réanimation implique : • la prise en charge d’une ou des défaillances d’organes (insuffisance respiratoire aiguë avec ou sans SDRA, état de choc, troubles de coagulation, insuffisance rénale…) dans une structure de soins adaptée, c’est-à-dire en réanimation. Ces traitements spécifiques (modalités de ventilation, remplissage vasculaire et drogues vasoactives…) ne seront pas exposés dans ce chapitre; • les prélèvements microbiologiques les plus adaptés avant toute antibiothérapie, sans retarder celle-ci; • l’urgence de l’antibiothérapie probabiliste. Celle-ci doit débuter rapidement après l’admission à l’hôpital. La SPILF recommande une administration du premier antibiotique dans les 4 h suivant l’admission, tout retard étant considéré comme délétère [30]. L’IDSA et l’ATS donnent un délai de 6 à 8 h, en recommandant de débuter aux urgences l’antibiothérapie [29]; • une association d’antibiotiques dans le but d’élargir le spectre antibactérien intégrant les bactéries extracellulaires et intracellulaires; • l’utilisation éventuelle de traitement adjuvant, protéine C activée en cas de sepsis sévère avec au moins deux défaillances ou d’antibiotiques à activité antitoxinique en cas de SARM-Co; • une réévaluation au troisième jour de l’antibiothérapie : évaluation de l’efficacité et adaptation de l’antibiothérapie. ANTIBIOTHÉRAPIE PROPRIÉTÉS PHARMACOCINÉTIQUES DES PRINCIPAUX ANTIBIOTIQUES UTILISÉS AU COURS DES PAC Le but du traitement est d’assurer la diffusion des antibiotiques au site de l’infection à une concentration suffisante. Au cours des infections dues à des bactéries extracellulaires, la diffusion extracellulaire, jugée sur la concentration dans le film alvéolaire, est la plus importante, les défenses locales assurant secondairement l’éradication des bactéries. Au cours des infections dues aux bactéries à développement intracellulaire, la diffusion intramacrophagique de l’antibiotique est essentielle. Les conditions physico-chimiques locales en particulier le pH, les modalités d’administration, les doses influencent la diffusion et l’activité des antibiotiques [102]. Les bêtalactamines. Après une injection unique, la concentration des bêtalactamines dans le film alvéolaire est de 10 à 20 % de la concentration sérique; après des injections multiples et à l’état d’équilibre, elle est probablement plus importante. Ces antibiotiques ont une diffusion intracellulaire insuffisante. Les macrolides. La concentration intracellulaire d’érythromycine reste faible voire indétectable. En revanche, celle des nouveaux macrolides (clarithromycine et azithromycine) est importante pouvant atteindre 500 μg.ml–1 après des administrations répétées [103]. L’azithromycine n’a pas l’indication « pneumonie communautaire » en France. Les fluoroquinolones diffusent en intracellulaire, mais aussi dans le film alvéolaire et la muqueuse bronchique. La concentration intramacrophagique est plus élevée pour les FQAP. Le linézolide, classe des oxazolidinones, a une diffusion dans le film alvéolaire importante (rapport de 1 à 4 sur 1 [104]). 44200_Volume4_1 Page 916 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Affections et leurs traitements 916 TRAITEMENTS ANTIBIOTIQUES PROBABILISTES : RECOMMANDATIONS Toutes les recommandations pour les PAC sévères, européennes ou nord-américaines, reposent simplement sur l’association d’une bêtalactamine à un macrolide ou une FQAP. Cette association initiale a pour but d’élargir le spectre et d’agir sur les bactéries extracellulaires et intracellulaires. Les recommandations des différentes sociétés savantes sont réunies dans le tableau 85.8 [21, 29, 30]. Tableau 85.8. Antibiothérapies probabilistes recommandées au cours des pneumonies communautaires sévères par les principales sociétés savantes Début de l’association dans les 4 h de l’admission Antibiotiques actifs sur les bactéries extracellulaires + antibiotiques actifs sur les bactéries intracellulaires Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), France 2006 [30] Sujet jeune sans comorbidité Céfotaxime ou ceftriaxone PLUS FQAP* ou macrolide Sujet âgé sans comorbidité Céfotaxime ou ceftriaxone PLUS FQAP* Sujet avec comorbidité Céfotaxime ou ceftriaxone PLUS FQAP* Si suspicion P. æruginosa pipéracilline-tazobactam ou céfépime ou imipénème ET PLUS Aminoside FQ (ciprofloxacine) ou macrolide Bristish Thoracic Society, Royaume-Uni 2004 [21] Amoxicilline-acide clavulanique ou céfotaxime ou céfotaxime ou ceftriaxone Pénicilline G PLUS PLUS Macrolide (érythromycine ou clarithromycine**) ± rifampicine FQAP Infectious Diseases Society of America (IDSA), États-Unis 2007 [29] Céfotaxime ou ceftriaxone Ou ampicilline-sulbactam Si suspicion P. æruginosa pipéracilline-tazobactam ou céfépime ou imipénème ou méropènéme PLUS Azithromycine*** ou FQAP PLUS Ciprofloxacine ou lévofloxacine OU azithromycine*** ET aminoside OU aminoside ET FQ antiP. æruginosa En cas d’allergie à la place des bêtalactamines : aztréonam Si suspicion de SARM communautaire : associer vancomycine ou linézolide * la moxifloxacine la voie IV n’est pas disponible en Europe; ** la clarithromycine n’a pas d’indication « pneumonie communautaire » pour la voie IV; *** l’azithromycine n’est pas disponible en IV et n’a pas l’indication « pneumonie communautaire » en France. FQAP : fluoroquinolone antipneumococcique Le lecteur doit se reporter au dictionnaire Vidal pour les contre-indications, les précautions d’emploi, les adaptations de la posologie selon la fonction rénale. Molécules et posologies recommandées en France en l’absence d’insuffisance rénale ou d’insuffisance hépatique : • céfotaxime (Claforan® 1 à 2 g toutes les 8 h); • ceftriaxone (Rocéphine® 1 à 2 g toutes les 24 h); • ofloxacine (Oflocet® 200 mg toutes les 12 h), poids élevé 200 mg toutes les 8 h; • lévofloxacine (Tavanic® 500 mg toutes les 12 h, perfusion 1 h); • spiramycine (Rovamycine®) 1,5 MUI toutes les 8 h (perfusion 1 h); • érythromycine 1 g toutes les 8 h (perfusion de 1 h); • clarithromycine 500 mg toutes les 12 h (perfusion 1 h); • pipéracilline/tazobactam (Tazocilline® 4 g toutes les 6 à 8 h); • ciprofloxacine (Ciflox® 400 mg toutes les 8 h, perfusion 1 h); • céfépime (Axepim® 2 g toutes les 8 h); • imipénème (Tienam® 1 g toutes les 6 à 8 h, perfusion de 40 à 60 min); • amikacine (Amiklin® 15 mg.kg–1 en injection unique quotidienne, perfusion 1 h). Ces recommandations de traitement probabiliste d’une PAC sévère ont deux objectifs majeurs : le pneumocoque et les bactéries intracellulaires. Il est important de tenir compte du pays où elles ont été établies, de leur date d’élaboration, de l’évolution des résistances dans un pays donné, de la mise au point de techniques diagnostiques, des progrès thérapeutiques; elles sont réactualisées régulièrement. Pour les patients ayant un risque de P. æruginosa, des recommandations spécifiques sont proposées : association d’une bêtalactamine active sur P. æruginosa mais aussi sur le pneumocoque (céfépime, imipénème) et de la ciprofloxacine, et un aminoside. Premier objectif d’efficacité : le pneumocoque. L’objectif principal, quel que soit le choix de l’association probabiliste, est d’assurer toujours une activité sur le pneumocoque y compris les souches résistantes. Lors des PAC sévères, l’amoxicilline n’est plus recommandée initialement; tenant compte des résistances à l’amoxicilline, même si elles restent exceptionnelles, les dernières recommandations de la SPILF ne retiennent que les céphalosporines de troisième génération [30]. Les FQAP sont actives sur le pneumocoque, alors que les précédentes, ciprofloxacine et ofloxacine, ne le sont pas. Les FQAP sont proposées en association aux bêtalactamines, dans toutes les recommandations récentes. Pour le moment, seule la lévofloxacine est disponible en France et en Europe par voie intraveineuse; la moxifloxacine dans sa forme intraveineuse est en cours d’évaluation. Aux États-Unis, plusieurs fluoroquinolones sont disponibles : gatifloxacine, grépafloxacine; elles n’ont pas été mises sur le marché en Europe en raison d’une balance risque/bénéfice défavorable. L’impact d’une association sur la réduction de la mortalité au cours des PAC à pneumocoque avec bactériémie a été suggéré par plusieurs travaux non prospectifs et non randomisés [105-110]; deux se rapportent à des PAC sévères [109, 110]. Une efficacité supérieure de l’association, si elle était démontrée, pourrait s’expliquer par l’existence d’une co-infection avec un micro-organisme atypique et/ ou par les effets immunomodulateurs des macrolides [111, 112]. Malgré l’absence de preuve formelle, il est justifié de poursuivre l’antibiothérapie probabiliste avec deux molécules actives sur le pneumocoque comme cela est recommandé en France (céphalosporines de troisième génération et FQAP), pendant au moins cinq jours lorsque la bactériémie est connue. L’association à un macrolide bien que rapportée dans certaines études, n’est pas recommandée en France, en raison de la résistance élevée des macrolides. Les glycopeptides (vancomycine, téicoplanine), pour lesquels il n’existe aucune résistance, sont actifs sur les pneumocoques résistants. Ils ne sont utilisés que dans des cas exceptionnels (allergie) afin de ne pas favoriser l’émergence de souches résistantes parmi S. aureus et les entérocoques. Le linézolide est indiqué dans les « pneumonies communautaires », mais son intérêt majeur réside dans le traitement des infections dues à des coques à gram positif résistants, en particulier SARM. Second objectif : les bactéries intracellulaires. Deux classes d’antibiotiques sont actives sur les bactéries à développement intracellulaire : les macrolides et les FQ. Parmi les macrolides deux sont disponibles par voie intraveineuse : l’érythromycine et la spiramycine (Rovamycine® dosées en UI). La spiramycine a une moindre activité in vitro sur L. pneumophila (CMI de 1 à 5 mg.l–1 pour une concentration critique à 1 mg.l–1), les souches sont classées « modérément sensibles ». La clarithromycine est disponible par voie orale et voie veineuse; pour la forme orale, l’indication est celle des « pneumopathies communautaires » chez des sujets sans facteur de risque, sans signe de gravité clinique, en l’absence d’éléments cliniques évocateurs d’une cause pneumococcique; pour la forme intraveineuse, l’indication PAC n’a pas été accordée. L’azithromycine n’a pas l’indication « pneumonie communautaire » en France. Les macrolides sont responsables d’effets indésirables graves à type de troubles de rythme (torsades de pointe), en particulier chez les patients ayant d’autres traitements allongeant l’espace QTc. Leur utilisation doit respecter les précautions d’emploi et d’administration. La résistance de S. pneumoniæ aux macrolides étant très élevée, les macrolides ne peuvent pas être une alternative en cas d’allergie aux bêtalactamines. Les FQAP et les FQ sans activité sur le pneumocoque, ofloxacine et ciprofloxacine, sont actives sur les bactéries intracellulaires, H. influenza et les entérobactéries. La ciprofloxacine a une activité sur P. æruginosa et ne doit être utilisée qu’en cas de forte suspicion d’infection due à cette bactérie. Des effets indésirables sont liés à la classe des FQ (photosensibilisation, tendinopathies); pour les molécules les plus récentes, des effets indésirables sévères – allongement du QTc exposant le patient à des troubles du rythme ventriculaire (torsades de pointe) – ont entravé le développement de certaines molécules et imposent au clinicien une évaluation du rapport bénéfice-risque avant d’utiliser ces molécules, en particulier la moxifloxacine, en respectant les contre-indications et les précautions d’emploi. Par ailleurs les FQ sont contre-indiquées chez l’enfant et la femme enceinte. Les contre-indications et les précautions d’emploi doivent être prises en compte dans le choix de ces molécules à partir du dictionnaire Vidal. Une monothérapie initiale en tenant compte de l’activité antibactérienne large des FQAP (lévofloxacine disponible par voie veineuse et orale en France, moxifloxacine uniquement par voie orale, la voie intraveineuse étant en cours d’évaluation) a été 44200_Volume4_1 Page 917 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Pneumopathies aiguës communautaires sévères de l’adulte 917 suggérée. Une seule étude ouverte a montré une non-infériorité de la lévofloxacine en monothérapie comparée à l’association de céfotaxime à l’ofloxacine [113]. Mais ces résultats ne sont pas extrapolables aux patients en état de choc puisqu’ils étaient exclus, et aux patients ventilés (51 % de la population) une tendance défavorable à la monothérapie étant constatée. Une autre étude randomisée, double aveugle, comparant la moxifloxacine IV à l’association lévofloxacine et ceftriaxone a montré également une noninfériorité de la moxifloxacine en monothérapie comparée à l’association [114]. Si dans la population per-protocole (569 patients) 59 % appartenaient aux classes IV/V, seulement 9,6 % des patients étaient admis en réanimation et 5 % étaient ventilés à l’inclusion. RÉÉVALUATION AU TROISIÈME JOUR DE L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE Cette démarche a pour but d’évaluer l’efficacité clinique du traitement antibiotique et de modifier, si c’est nécessaire, l’antibiothérapie initiale. Cette réévaluation est complexe au cours des PAC sévères chez un patient sous ventilation mécanique et en état de choc : si les critères (cliniques, biologiques et radiologiques) nécessaires à l’évaluation sont relativement simples à interpréter au cours des PAC peu ou moyennement sévères, il n’en est pas de même des pneumonies graves. Les défaillances d’organes liées au sepsis peuvent évoluer en partie pour leur propre compte (insuffisance rénale, SDRA) malgré la stérilisation du foyer infectieux. Il reste que la persistance ou l’aggravation d’une défaillance (choc septique ou hypoxémie sévère) est synonyme d’une absence de contrôle du processus infectieux. (fig. 85.1). Outre l’évaluation de l’efficacité de l’antibiothérapie, les résultats des prélèvements effectués avant tout traitement antibiotique permettent d’adapter l’antibiothérapie probabiliste initiale. Si la bactérie isolée est considérée comme responsable de la pneumonie, l’association initiale est modifiée dans le sens d’une simplification (passage en monothérapie avec ou sans changement de l’antibiotique, modification pour un antibiotique d’activité identique et d’un moindre coût) ou d’un changement d’antibiotiques. En l’absence d’isolement d’une bactérie, il n’y a pas lieu de modifier l’antibiothérapie initiale si l’évolution est favorable; en revanche, en cas d’échec, la démarche diagnostique doit être reprise. TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE EN FONCTION DE L’AGENT PATHOGÈNE ISOLÉ Lorsque les résultats microbiologiques sont disponibles avec les tests de sensibilité, une réadaptation est possible dans le sens d’une désescalade. Dans le cas où ce sont les antigènes urinaires seuls qui permettent de retenir la responsabilité certaine du pneumocoque, le clinicien doit tenir compte de l’épidémiologie de sa région. En l’absence d’identification de la bactérie responsable, l’association doit être maintenue pendant toute la durée du traitement. PNEUMONIE DUE À S. PNEUMONIÆ Compte tenu de l’évolution des résistances, la détermination des CMI de la pénicilline G, de l’amoxicilline et de la céfotaxime est recommandée. Les souches ayant une CMI de l’amoxicilline à partir de 4 μg.l–1 exposent à un échec microbiologique, elles sont exceptionnelles [82]. Le choix et la posologie de la molécule en fonction de ces CMI s’orientent vers l’amoxicilline avec une dose minimale de 3 g.j–1, ou vers une céphalosporine de troisième génération (céfotaxime ou ceftriaxone). Une bactériémie ne modifie pas cette stratégie, en tenant compte de l’intérêt d’une association pendant les cinq premiers jours. D’autres localisations (méningite, endocardite) imposent d’autres choix de molécules, de posologies et de durées. En cas de sensibilité diminuée à la pénicilline G, plusieurs alternatives à l’amoxicilline sont possibles : une céphalosporine de troisième génération (ceftriaxone ou céfotaxime), l’ertapénème, une nouvelle FQAP, un glycopeptide ou le linézolide. En pratique, lorsque les souches de pneumocoque sont sensibles ou de sensibilité diminuée à l’amoxicilline, l’amoxicilline est proposée avec une augmentation des posologies à 100150 mg.kg–1.j–1, plus pour les variations pharmacocinétiques au cours des sepsis graves que pour une diminution de la sensibilité. Dans les autres cas, les céphalosporines de troisième génération par voie parentérale sont poursuivies (ceftriaxone ou céfotaxime, ceftazidime exclue). TRAITEMENTS DES PAC DUES À D’AUTRES MICRO-ORGANISMES Le traitement d’une infection due à un micro-organisme identifié doit être institué en fonction de la sensibilité aux antibiotiques testés, des recommandations habituelles, en respectant les indications et les contre-indications du ou des antibiotiques utilisés. Pour une PAC due à L. pneumophila une association est recommandée tout au moins initialement : FQAP et macrolide, ou macrolide et rifampicine, ou FQAP et rifampicine; il n’est pas recommandé de poursuivre la rifampicine au-delà de cinq jours. Un relais oral par une FQAP ou un nouveau macrolide ou la télithromycine est possible. Pour les autres micro-organismes, les propositions thérapeutiques sont présentées dans le tableau 85.9. Pneumonie communautaire sévère Prélèvements Antibiothérapie probabiliste urgente (tenir compte de facteurs de risque d'acquisition d'une bactérie résistante ou inhabituelle) J3 Evaluation clinique et interprétation des résultats microbiologiques Agent causal non identifié amélioration clinique Poursuite de l’antibiothérapie initiale Micro-organisme identifié absence d’amélioration - Reconsidérer le diagnostic - Reprendre les explorations (fibroscopie, prélèvements...) Adaptation de l'antibiothérapie au pathogène et à sa sensibilité Figure 85.1. Sensibilité aux antibiotiques des souches de S. pneumoniæ isolées chez l’adulte en 2004 (d’après [73]). 44200_Volume4_1 Page 918 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Affections et leurs traitements 918 Tableau 85.9. Antibiothérapie en fonction de l’agent pathogène isolé. Les alternatives sont proposées essentiellement en cas d’allergie ou de contre-indications, à condition que la bactérie soit sensible Traitement de référence Alternative Streptococcus pneumoniæ Sensible pénicilline G Amoxicilline ou pénicilline G Macrolide si sensible sensibilité diminuée péniG Amoxicilline C3G résistance amoxicilline C3G FQAP résistance aux C3G FQAP glycopeptide ou linézolide Hæmophilus influenzæ non producteur bêtalactamase Amoxicilline FQ producteur bêtalactamase C2G ou C3G ou Amoxicilline-acide clavulanique FQ Staphylococcus aureus sensible à la méticilline Pénicilline M + gentamicine FQ + rifampicine SARM- Co FQ + rifampicine (+ antitoxinique lincosamide) Lincosamide + rifampicine ou TMP/SMX SARM multirésistant Glycopeptide ± gentami Linézolide cine ou TMP/SMX Anaérobies Amoxicilline-acide clavulanique ou Clindamycine amoxicilline + métronidazole Entérobactérie C3G ± AG ou FQ céfépime ou imipénème ± AG ou FQ Pseudomonas æruginosa Uréido- ou FQ (ciprofloxacine ou carboxypénicilline ou lévofloxacine) + AG ceftazidime ou céfépime ou imipénème + AG ou ciprofloxacine Legionella pneumophila Macrolides ou FQ ± rifampicine – M. pneumoniæ C. pneumoniæ Cyclines ou macrolides FQ C. psittaci Cyclines Macrolides Coxiella burnetii Cyclines Macrolides ou FQ Virus Influenza Oseltamivir ou zanavir – Agents du bioterrorisme Francisella tularensis Doxycycline Gentamicine, streptomycine Yersinia pestis Gentamicine, streptomycine Doxycycline, FQ Bacillus anthracis (inhalation) Ciprofloxacine, lévofloxacine doxycycline Autres FQ, bêtalactamine si sensibles, rifampicine, clindamycine, chloramphénicol FQ : fluoroquinolone; FQAP : fluoroquinolone à activité anti-pneumocoque; C3G : céphalosporines de troisième génération, C2G : céphalosporines de deuxième génération, AG : aminosides; TMP/SMX : triméthroprime/sulfaméthoxazole. SARM : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline; SARM-Co : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline communautaire. Cyclines (doxycycline IV ou PO, minocycline PO). Les fluoroquinolones et les cyclines sont contre-indiquées chez la femme enceinte et l’enfant (moins de 8 ans pour les cyclines) DURÉE DES TRAITEMENTS Aucune étude randomisée n’a évalué les durées de traitement. Les dossiers d’évaluation de l’efficacité et de la tolérance de nouvelles molécules situent ces durées entre sept et quatorze jours, mais l’objectif principal de ces études cliniques n’était pas la durée de l’antibiothérapie. Les critères d’arrêt tiennent compte de l’évolution clinique, biologique et radiologique : régression du syndrome inflammatoire, de l’état de choc, amélioration des échanges gazeux, amélioration des images bien que les anomalies puissent persister plusieurs semaines…); de la bactérie en cause (la vitesse d’éradication de S. pneumoniæ est différente de celle d’un micro-organisme intracellulaire comme L. pneumophila), des résistances (les durées devraient être plus longues); du patient (maladie sous-jacente modifiant l’immunité par exemple); des antibiotiques utilisés (propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques). De rares recommandations sur la durée sont proposées au cours des PAC sévères : arrêt du traitement après trois jours d’apyrexie pour une PAC due au pneumocoque, deux semaines pour M. pneumoniæ, C. pneumoniæ, L. pneumophila en l’absence d’immunodépression et trois semaines pour les bactéries responsables de pneumonies nécrosantes comme K. pneumoniæ, S. aureus, P. æruginosa ou les anaérobies… [29]. Un relais oral est possible lorsque l’état clinique du patient s’améliore et que l’absorption digestive est optimale; l’administration par une sonde gastrique peut perturber la biodisponibilité de certaines molécules présentées sous forme de gélules ou de comprimés pelliculés… L’idéal est d’utiliser une molécule identique à celle utilisée par voie parentérale. À condition que cette forme existe. En dernier lieu, la guérison, but ultime de la prise en charge thérapeutique, doit être évaluée à distance, soit deux à trois semaines après la fin du traitement. ANALYSE D’UN ÉCHEC La survenue d’un échec clinique et/ou bactériologique en cours ou à la fin du traitement, impose une analyse précise de plusieurs facteurs. Dans un premier temps, le diagnostic de PAC doit être reconsidéré. Il peut s’agir d’une atélectasie, d’une embolie pulmonaire, d’un œdème pulmonaire hémodynamique, d’un cancer, d’une sarcoïdose, d’une toxicité pulmonaire d’un médicament, d’une hémorragie intra-alvéolaire, d’une bronchiolitis obliterans organizing pneumonia. Dans un second temps, si le diagnostic de PAC est retenu, plusieurs facteurs peuvent expliquer l’échec : • ceux liés à l’hôte : – facteurs locaux (obstruction bronchique par compression ou présence d’un corps étranger), – épanchement pleural purulent, – réponse inadéquate de l’hôte (splénectomie), – découverte d’un sida chez un patient dont le statut sérologique était méconnu; • ceux liés aux traitements : – antibiotiques inappropriés, – posologie insuffisante, – voie et rythme d’administration inadaptés, – diffusion insuffisante au site de l’infection alors que le choix de l’antibiotique est correct (abcès – intrapulmonaire, épanchement pleural), – effets indésirables; • ceux liés au pathogène : – résistance de la bactérie responsable, – autre micro-organisme non intégré par l’antibiothérapie initiale; • ceux liés à des complications survenues en réanimation : infection nosocomiale (pneumonie acquise au cours de la ventilation mécanique, infection liée aux cathéters…). Dans ce contexte d’échec, les incertitudes qui pesaient sur le choix de certaines explorations à l’admission sont entièrement levées. Les explorations invasives s’imposent : fibroscopie avec prélèvements bronchiques distaux (LBA, brosse…). Le laboratoire informé de cet échec, mettra en œuvre des techniques microbiologiques plus complexes : culture virale, sérologie particulière, PCR… Selon les autres causes évoquées, une exploration cardiaque, une recherche de maladie systémique seront effectuées. 44200_Volume4_1 Page 919 Jeudi, 12. février 2009 2:16 14 Pneumopathies aiguës communautaires sévères de l’adulte TRAITEMENTS ADJUVANTS Un traitement adjuvant ne peut être envisagé que lorsque la prise en charge de la PAC est optimale : antibiothérapie adaptée administrée dans les 4 h de l’admission, prise en charge des défaillances d’organes. Parmi les nombreux essais cliniques menés dans le traitement adjuvant du sepsis sévère, seules deux molécules, l’hydrocortisone à faible dose et la protéine C activée, ont montré une réduction relative de la mortalité. L’indication des corticoïdes retenue par la conférence de consensus de la SRLF en 2000 est un choc septique nécessitant des doses élevées et/ou croissantes d’agents vasoactifs [115]. La drotrécogine alfa-activée (Xigris) a pour indication un sepsis sévère associé à au moins deux défaillances d’organe, le plus souvent hémodynamique et respiratoire [11, 12]; en cas d’utilisation des conditions strictes d’utilisation doivent être respectées : prise en charge optimale et respect des contre-indications en raison des risques hémorragiques liés à cette molécule. Une nouvelle étude est envisagée afin de confirmer les résultats de l’étude initiale. L’inhibiteur du facteur tissulaire (TFPI) n’a pas montré de réduction de la mortalité [116]. L’analyse dans le sous-groupe des PAC documentées a montré une réduction de la mortalité (31,3 % contre 39,8 % pour les patients recevant le placebo). Ces résultats ont justifié la reprise d’une étude sur l’efficacité de cette molécule au cours des PAC sévères. Au cours des PAC dues à des staphylocoques producteurs de la leucocidine de Panton-Valentine, une association à la lincosamide pour ces propriétés antitoxiniques est conseillée (indépendamment de son activité antibactérienne) et l’efficacité des immunoglobulines est suggérée dans quelques cas [117]. L’efficacité des facteurs de croissance (granulocyte colony-stimulating factor) reste controversée : la seule étude randomisée incluant des PAC moyennement sévères n’a pas montré de modification de la mortalité et de la durée d’hospitalisation [118]. PRÉVENTION La prévention des PAC permet de réduire l’incidence et la mortalité des PAC. Elle dépend des vaccinations disponibles. Les deux vaccins faisant l’objet de recommandations sont le vaccin antipneumococcique et le vaccin antigrippal. Un bénéfice synergique des deux est suggéré par les travaux de Nichol [119]. La vaccination antigrippale préalable améliore la survie des patients ayant une CAP pendant la période de grippe saisonnière [120] et elle est protectrice chez les patients BPCO ayant une PAC [121]. La vaccination antipneumococcique préalable améliore également la survie des patients admis pour une CAP [122]. C’est essentiellement la population de plus de 65 ans qui est la cible de la vaccination. Si la vaccination antigrippale est bien acceptée en France dans cette population, la diffusion du vaccin antipneumococcique est très limitée en France par rapport aux autres pays européens et à l’Amérique du Nord. En France, le vaccin antipneumococcique polyosidique 23-valent est recommandée tous les cinq ans chez les sujets âgés de plus de 65 ans, particulièrement ceux vivant en institution, et chez les patients splénectomisés, les drépanocytaires homozygotes, les patients atteints de syndrome néphrotique, les insuffisants respiratoires, les patients alcooliques, les insuffisants cardiaques et les sujets ayant des antécédents d’infection pulmonaire ou invasive à pneumocoque. Cette vaccination peut être effectuée à la fin de l’hospitalisation. CONCLUSION La mortalité des PAC reste élevée. La rapidité de la prise en charge en réanimation et de l’antibiothérapie probabiliste sont susceptibles d’améliorer le pronostic. La mortalité des PAC sévères pourrait être diminuée par les nouveaux traitements modulant la réponse inflammatoire. Le diagnostic de PAC sévère étant posé, l’isolement du microorganisme responsable est un objectif majeur. Les hémocultures et l’analyse de l’expectoration autant que les prélèvements invasifs, permettent assez souvent l’identification du micro-organisme. Les antigènes urinaires ont eu un apport important dans l’identification de l’agent pathogène. Malgré l’apport de nouvelles techniques d’identification, dans un nombre non négligeable de cas l’agent pathogène reste méconnu. La recherche devrait permettre de réduire ces inconnues. 919 Les recommandations thérapeutiques, régulièrement réactualisées, tiennent compte de l’évolution des résistances bactériennes. Pour le moment, l’évolution des résistances des pneumocoques ne justifie pas de modifier les schémas thérapeutiques proposés. Cependant, l’augmentation constante de ces résistances rend l’avenir incertain et incite à valider l’efficacité et la tolérance de nouvelles thérapeutiques, incluant les FQAP, dans le traitement des PAC sévères. Si la vaccination contre la grippe est largement répandue en France, il n’en est pas de même pour la vaccination antipneumococcique. Des campagnes de vaccination doivent être suscitées afin d’élargir la protection vaccinale de la population. RÉFÉRENCES [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22] [23] [24] [25] [26] [27] [28] [29] Moine P, Vercken JB, Chevret S, Chastang C, Gajdos P. Severe communityacquired pneumonia : etiology, epidemiology, and prognostic factors. Chest, 1994, 105 : 1487-1495. Torres A, Serra-Batlles J, Ferrer A et al. Severe community-acquired pneumonia : epidemiology and prognostic factors. Am Rev Respir Dis, 1991, 144 : 312-318. Örtqvist A, Sterner G, Nilsson JA. Severe community-acquired pneumonia : factors influencing need of intensive care treatment and prognosis. Scand J Infect Dis, 1985, 17 : 377-386. 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