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1999,10,18,Le contrat didactique dans la TSD, Mercier, CONFERENCE, Doctorat Honoris Causa de Guy Brousseau, Montréal

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LE CONTRAT DIDACTIQUE, DANS LA THÉORIE DES
SITUATIONS.
Alain Mercier, Ecole Nationale de Formation Agronomique, Toulouse, France
Conférence aux Premières Journées de Didactique des Mathématiques de
Montréal,
prononcée à l’Université de Montréal le mercredi 4 juin 1997.
Remerciements
Je remercie l’Universite de Montréal pour son invitation, et toutes les personnes
qui ont travaillé opiniatrement pour que se tiennent ces Premières Journées de
didactique des mathématiques. Je remercie chaleureusement Jean Portugais, qui a
voulu ces Journées et veille à leur bon déroulement avec tant de soin, je remercie
encore Gisèle Lemoyne, qui sera demain la marraine de Guy Brousseau pour son
doctorat honoris causa, et Nadine Berdnarz, Benoît côté, Marie-Jeanne Haguel,
qui ont réalisé un dispositif de travail efficace avec l’aide de leurs collègues des
universités de Montréal, du Quebec, et du Canada. L'invitation qu'ils m'ont faite
me ravit, car on n'a pas tous les jours l'occasion de parler du contrat didactique ;
leur invitation m'honore, car elle est liée à la reconnaissance du travail de Guy
Brousseau, à qui je dois à la fois mon intérêt pour la didactique, et la direction
bienveillante de mon entrée dans le monde de la recherche. Je parlerai de ce que
vingt ans de frayage m’ont appris sur l’espace de problèmes que le concept de
« contrat didactique » a ouvert.
Ouverture
Car le projet, formulé par Guy Brousseau, d’étudier expérimentalement les
conditions d’une genèse artificielle des savoirs mathématiques, portait une
ambition qui nous fit rêver. Mais l’élève n’est pas seulement un sujet
connaissant : il produit des objets sociaux, les savoirs. A cet effet, il entre dans un
jeu coopératif avec l’enseignant, dans le but de produire des objets conformes à
une attente sociale. Le concept de contrat didactique rend compte de cette
coopération, et le projet initial de Guy Brousseau, transformé par l’irruption des
problèmes qui forment l’extension de ce concept, ouvre aujourd’hui sur une
théorie de la transmission intentionnelle des savoirs socialement désignés : la
théorie des situations didactiques. Les problèmes que porte cette théorie balisent
l’espace de ce que l’on nomme désormais le didactique. J’en proposerai une
visite, en centrant mon intérêt sur le contrat pour en donner une interprétation
venue des questions que j’ai pu étudier personnellemnent.
INTRODUCTION
La dimension humaine, et collective, des savoirs scientifiques
J’exprimerai ainsi le motif de mon adhésion profonde au programme de la
didactique des mathématiques : On ne peut comprendre comment les hommes
savent les sciences en tenant pour négligeable le fait que la science soit toujours le
produit d’une institution collective de recherche, quand bien même certains
progrès des sciences seraient attribués à des hommes en particulier. Pourtant,
l’étude de l’apprentissage des sciences a souvent été menée dans les laboratoires,
sur des “ sujets ” isolés. Travailler sur le développement de la compréhension de
la science en observant l’apparition ou la non-apparition d’un comportement
attribuable à la connaissance d'un des concepts de la science en ignorerant la
dimension sociale de l’activité scientifique et technologique caricature tout autant
la réalité qu'une recherche de métaphysique sur les religions chrétiennes qui
travaillerait sur le développement du sentiment religieux en observant l’apparition
d’un comportement attribuable à l’idée de consubstancialité chez de jeunes
communiants pris individuellement dans une situation bien contrôlée : le concept
est un objet de la théorie, il appartient au rapport de l’institution et non pas à celui
de la personne.
Cette affirmation, posée a priori pour les besoins de cette conférence, énonce
un des acquis - à mon avis essentiels - de la didactique des mathématiques. Je l’ai
prise comme a priori parce qu’elle ouvre de plain pied sur deux problèmes qui
introduisent mon sujet : Comment deux hommes pourraient-ils échanger à propos
d’une idée nouvelle si l’inventeur n’avait aucun moyen de réduire la nouveauté de
son idée pour l’autre ? Comment l’humanité pourrait-elle accumuler le savoir, si
les aînés n’avaient aucun moyen d’aider leurs successeurs à s’en saisir ?
L’inventeur d’une idée ou d’une théorie qui ne désire pas rester un savant
incompris pose, et tente de résoudre le problème que tout enseignant rencontre.
Cet inventeur dispose de deux types de stratégies (Je fais référence par exemple à
la conférence de Thurston Proof and progress in mathematics. New York, 21
octobre 1993).
Soit, il fait exister pour d’autres les conditions qui rendront son savoir
nécessaire c’est-à-dire, qu’il pose le problème même que résout son idée
nouvelle, et qu’il viabilise le terrain sur lequel la solution trouvée pourra être
construite à nouveau, par d’autres. Le balisage du territoire dont la connaissance
commune fondera la répétition de l’exploration première semble certes la solution
idéale, mais l’expérience montre que les touristes ne vivent pas exactement la
même aventure que l’explorateur, et qu’ils ne retirent pas le même bénéfice de
leur déplacement. Soit, il cache la nouveauté de son savoir c’est-à-dire, qu’il
minimise le problème et qu'il présente la solution comme une organisation
d’éléments connus. Il pose alors des problèmes partiels qui produisent une
familiarisation avec le nouveau, longtemps avant de montrer l’importance du
problème et l’originalité de la construction. L'existence d'un contrat didactique est
un des moyens de la résolution pratique et implicite de ces problèmes.
Le contrat didactique, dans l’enseignement des mathématiques
Une relation didactique, qui s’enracine dans la décision d’enseigner et celle
d’apprendre des savoirs précis, est sous-tendue par l’histoire didactique des
protagonistes qui produit un système réciproque d’attentes entre le maître et les
élèves : c’est cela que nomme le concept de contrat didactique. Dans une Ecole,
les savoirs, qui sont une production sociale, doivent leur reproduction à une autre
organisation sociale ; le concept de contrat didactique permet justement d’étudier
certaines des dimensions sociales nécessaires à l’apprentissage des savoirs. Nous
pensons et décrivons les responsabilités respectives du professeur et de l'élève au
regard du savoir traité, en classe comme en dehors des temps de l’interaction
scolaire proprement dite, et les conditions générales dans lesquelles ces
responsabilités pourront évoluer, sous le terme de contrat didactique.
La compréhension de ce que la connaissance du contrat didactique apporte à la
connaissance des phénomènes d’enseignement et d’apprentissage, suppose une
certaine familiarité avec l’ensemble des champs de recherches didactiques dans
lesquels il intervient. C’est pourquoi je vous propose une série de vignettes où
j’essaie de montrer en quelques minutes comment l’intervention du contrat a
semblé nécessaire, et les connaissances ou les problèmes qu’elle a produits. Ces
mises en situation introduiront donc chaque fois à un domaine ou à un thème de
recherches particulier. Elles m’aideront à présenter quelques-uns des problèmes
dont le concept de contrat didactique s’est nourri pour moi, ainsi que la manière
dont il a contribué à produire des solutions particulières dans des environnements
variés. Chacune constitue comme l’une des touches de couleur d’un portrait
impressionniste dont la connaissance suppose que l'on oublie les détails pour
prendre, enfin, un certain recul.
Je suivrai l’ordre que voici :
Introduction
1. Quel sens attribuer à un comportement observé ?
2. Le Contrat est-il pédagogique ou didactique ?
3. Le scandale des “ effets de contrat ”, Le cas du professeur
4. Le contrat didactique, moyen d’enseignement
5. Le scandale des “ effets de contrat ”, le cas de l’élève
6. Deux nouveaux problèmes, La dévolution et l’institutionnalisation
7. Les paradoxes de l’intention didactique
8. Le contrat et le milieu, la mémoire didactique
9. L’entrée dans un contrat, et le maintien de la relation didactique
10. Questions étudiées et questions vives de la recherche actuelle
Conclusion
1. QUEL SENS ATTRIBUER À UN COMPORTEMENT OBSERVÉ ?
Une série de techniques erronées produisent des réponses exactes
Je décrirai les phénomènes liés au contrat didactique en évoquant une
observation dont la publication a produit une surprise certaine chez le jeune
chercheur que j’étais, il y a vingt ans. Voici comment on pourrait présenter les
observations concordantes de nombreux chercheurs (Izorche, 1977), (Brousseau,
1980), (Margolinas, 1982), (Léonard et Sackur, 1986 et 1991) : “ Interrogée au
téléphone, une personne doit résoudre le problème 1 ci-dessous :
“ Déterminer la somme des deux nombres suivants : deux virgule trois et
quatre virgule un ”
(problème 1)
Elle répond six virgule quatre. C’est juste, mais que sait-elle de l’addition des
décimaux ? On ne peut rien en dire, parce qu'on ne peut pas prévoir, de ce
comportement conforme, son comportement face au problème 2 qui lui serait
posé à la suite et dans les mêmes conditions :
“ Déterminer la somme des deux nombres suivants : deux virgule treize et
trois virgule sept ”
(problème 2)
La réponse obtenue dépend des personnes interrogées, et plus précisément des
conditions matérielles et sociales dans lesquelles elles ont déjà rencontré de tels
problèmes, des techniques qui leur sont matériellement et intellectuellement
disponibles, des explications associées qu’elles connaissent : de leur biographie
relative à cet objet mathématique qu’est “ l’addition des décimaux ”. Ainsi, de
deux personnes qui répondaient unanimement six virgule quatre, Untel répondra
maintenant cinq virgule quatre-vingt-trois tandis que Telautre répondra cinq
virgule vingt. Ce dernier résultat s’obtient en ajoutant deux et trois, puis treize et
sept, agissant avec les décimaux ainsi que l’indique la manière dont on les lit :
comme un couple d’entiers constituant pour le premier, la partie entière du
nombre décimal, et pour le second, sa partie fractionnaire décimale.
La réponse exacte au premier problème pouvait être produite avec cette
technique, mathématiquement incorrecte. Le deuxième problème la disqualifie, en
principe. Mais il existe une règle pratique consistant à ramener les décimaux au
même nombre de décimales. Il suffit d'écrire les nombres “ en chiffres ” et
d'égaler les longueurs des parties décimales pour obtenir un problème de
substitution, “ Déterminer la somme des décimaux 2,13 et 3,70. ”, qui se résout
très bien par addition séparée de 3 et 2 d’un côté, 70 et 13 de l’autre. La somme
est 5,83, un résultat qui ne signe donc pas un rapport univoque aux décimaux.
Chacun le savait bien sûr : des problèmes relevant de conditions différentes
correspondent à des connaissances différentes. Mais personne n’en avait tiré des
observations aussi surprenantes, parce que personne n’avait pensé ceci : le savoir
est déterminé par une situation épistémologique.
L’attribution scolaire de réussite
On constate alors que dans les classes, de tels problèmes sont posés à des élèves
pour tester leur connaissance des décimaux. Et, les élèves qui ont juste se voient
attribuer la connaissance de l’addition des décimaux, tandis que les autres se
voient refuser cette attribution. Ma surprise devant l’observation était donc l’effet
de ma pratique d’enseignant : je pratiquais ainsi moi-même, sans en avoir
conscience. Car les chercheurs n'avaient pas repéré un phénomène cognitif
attribuable aux élèves, mais une contrainte à laquelle le professeur est soumis :
Pour enseigner des savoirs, et pour que les élèves apprennent à résoudre des
problèmes qui utilisent ces savoirs, le professeur est en droit de leur poser des
questions auxquelles ils pourraient ne pas répondre juste. En retour, les élèves
doivent impérativement répondre. (Cette obligation les dégage de celle de
répondre juste : ils doivent une réponse, même si elle doit être fausse.)
Cependant, si les élèves répondent juste, le professeur doit officiellement
considérer qu'ils maîtrisent le savoir correspondant.
Cela règle l’interprétation du comportement du professeur, qu’autrement nous
aurions donné l’impression de dénoncer : il semble en effet paradoxal qu’un
professeur attribue la connaissance à des élèves qui manifestement “ ne maîtrisent
pas le concept ”, comme dirait un mathématicien. Cette contrainte, Guy
Brousseau l’a nommée “ un élément du contrat didactique ”.
- du “ Contrat ”, parce qu’avec d’autres contraintes du même genre elle décrit et
caractérise le lien implicite du professeur et de l’élève ;
- “ Didactique ” parce qu’elle tient au savoir lui-même, à l’enjeu de la relation
des acteurs d’une situation didactique.
La contrainte que nous avons maintenant identifiée est une des lois
fondamentales du contrat didactique, du lien implicite qui tient ensemble
professeur et élève. Mais plus généralement, dès que l’on interroge la pertinence
de l’idée de contrat didactique, on remarque que le sens des comportements de
l’élève comme le sens des comportements du professeur tiennent à ce lien. Ainsi,
l’analyse du contrat aide le chercheur à sortir d’une problématique prescriptive
typique du discours pédagogique (qui dit ce qui aurait dû être, et juge de ce qui
est), pour entrer dans une problématique descriptive à proprement parler
scientifique (où l’on comprend ce qui est, pour imaginer ce qui pourrait être). En
conclusion, la première description des actions menées dans un système
didactique montre des pratiques apparemment paradoxales, alors que leur
interprétation comme des effets du contrat qui lie les acteurs montre que le contrat
produit en pratique et implicitement des comportements utiles. Mais je ne vais pas
anticiper sur la suite de mon propos, car je dois traiter une question liminaire.
2. LE CONTRAT EST-IL PÉDAGOGIQUE OU DIDACTIQUE ?
L’hypothèse du contrat pédagogique
Par-delà les styles personnels que revendiquent enseignants ou enseignés,
Janine Filloux, maître de conférences en Sciences de l'Education, explore
(Filloux, 1974) les formes de ce qu'elle nomme “ la dimension inégalitaire de la
relation de qui possède le savoir à qui l'ignore1 ”. Elle construit un problème dont
ces styles seraient des solutions : celui du fonctionnement de ce qu’elle nomme
“ un champ pédagogique ”. Sa conclusion pose trois affirmations fortes.
Elle interroge la légitimité de la position d’enseignant, pour conclure que
l’inégalité structurelle de la relation pédagogique est cachée dans une “ alliance ”,
que l’école produit2 “ en instituant un premier contrat […] ” qui fait de
l’enseignant un agent institutant. Par un nouveau contrat, qu’il institue dans le
cours de la relation pédagogique, l’enseignant masque qu’il sait plus alors qu’il
tient son pouvoir instituant de cette différence. Cela est possible, explique-t-elle,
1
Pourtant, une inégalité peut être réelle sans que la relation ne soit inégalitaire :
le plus souvent, le préposé à la distribution du courrier ne tire pas avantage de la
supériorité que lui donne la possession de nos lettres d'amour
2 Op. cit., p. 313. L’auteur indique en note 4 p. 315 que, “ Pour formuler cette
question du “ contrat pédagogique ”, nous nous sommes inspirée de l’étude
d’Althusser sur le contrat social de Rousseau, en nous autorisant de l’affinité du
discours de nos pédagogues et du discours rousseauiste pour une libre
transposition du modèle d’analyse proposé par cet auteur.
en raison des phénomènes transférentiels : c’est l’objet de la deuxième
affirmation. L’enseignant se fait l’objet des transferts (des projections affectives
et des identifications) des membres du groupe qu'est la classe, il se trouve en
position de faire valoir ceci : “ Aimez-moi, pour que mon pouvoir sur vous
devienne productif, mais il faut plus encore : que je sois maître de vos désirs afin
qu’il n’y ait pas d’ambivalence entre nous et que vous soyez assurés que ce qui se
passe est pour votre bien3. ” Telle est, selon Janine Filloux, la clause inconsciente
qui fonde la relation pédagogique. En substituant le contrat pédagogique au
contrat primitif, le transfert permettrait que la violence du rapport inégalitaire au
savoir soit niée. Janine Filloux affirme alors, c’est le troisième point de son
argumentation, que dans ces conditions, la question du savoir ne se pose jamais,
parce que le contrat pédagogique interdit le travail explicite de l’enseignant sur la
connaissance des élèves. S’il rompait le contrat pédagogique, explique-t-elle, et
s'il s’autorisait de la possession du savoir pour questionner véritablement les
élèves, il serait ressenti - et se ressentirait lui-même - comme un bourreau
autoritaire. Selon l’auteur, l’enseignant se trouve ainsi réduit, dans sa parole, à
n’être que : “ le véhicule d’un savoir transmissible, sans discontinuité […] d’un
bien fétichisé capable d’être exhibé, vu, donné ou reçu. ”4.
La question du savoir dans la relation didactique
Guy Brousseau décide de travailler sur une ligne orthogonale, développant
l’idée d’un contrat fondamentalement lié au savoir, pour observer comment les
paradoxes bien réels de la position d’enseignant sont résolus par les professeurs.
Il étudie la manière dont ces paradoxes pourraient être résolus à l’aide des
dispositifs qu’il produit et expérimente à l’Ecole Jules Michelet, à l’envers de la
dérive pédagogique par laquelle l’enseignant se présente en ayant masqué son
savoir (une dérive que Janine Filloux pense irrémédiable). Le travail de Guy
Brousseau s’appuie naturellement sur le modèle des situations d’action, de
3
Op. cit., p. 324.
Janine Filloux observe alors que chacun invente pour lui-même ce qui ne peut
être que “ une réponse personnelle ”. Il n’est pas d’autre issue, l’enseignement
étant l’un des trois “ métiers impossibles ” signalés par Freud. Son sous-titre
“ Comment faire aimer les mathématiques à une jeune fille qui aime l’ail ? ”
rappelle d’ailleurs la demande de l’utopiste Charles Fourier, dont voici la
réponse, : partant d’un goût premier (ici, l’amour de l’ail), “ Il faut engrener les
goûts dans une chaîne d’analogies qui conservent l’attraction et non les égrener en
les réduisant au silence ”. Pour l’auteur, la réponse de l’utopiste relève du
fantasme et “ renvoie encore une fois l’enseignant à lui-même ”.
4
formulation, et de validation, qu’il a mis au point dans ses premiers travaux. Mais
dès lors, les interactions de l’élève avec ces situations sont comprises dans un
système plus large où joue le contrat. C'est la situation didactique. Le premier
produit du concept de contrat didactique est donc la notion de situations
adidactiques, parts dédidactifiées de la situation didactique5.
Le modèle primitif peut se décrire ainsi :
élève
(joueur) " é " — " m " (antagoniste du joueur)
milieu de l'action
Il se répète dans le cas de chacune des situations d’action, de formulation, et de
validation. Mais il est maintenant complété par l’apparition d’un autre, le
professeur, qui porte une intention : il a produit le milieu, et le jeu :
élève
(joueur) " é " — " m " (antagoniste du joueur)
milieu de l'action
professeur " p "
Les situations modélisées deviennent les situations adidactiques (parties de la
situation où le professeur n’intervient pas comme joueur) et elles se trouvent
prises à l’intérieur d’une situation didactique. Dans un premier temps, les
situations adidactiques apparaissent comme simplement “privées du professeur” ;
cela devient en fait beaucoup plus compliqué, j'y reviendrai. Mais surtout, “p” a
construit “m” pour “é afin que “é” puisse agir dans “m” et rencontrer le problème
dont le savoir à enseigner est en principe la solution ; et “é” sait que “p” a
construit “m” pour qu’il y agisse, connaisse ainsi le problème posé, et re-produise
le savoir qui permet de répondre. Et dans le rapport contractuel à “p”, “é” se
trouve en interaction avec les autres élèves, parce qu’il est question des situations
adidactiques dans lesquelles ils étaient acteurs.
En conclusion, le contrat didactique décrit les relations du professeur (qui
5
Guy Brousseau les a nommées avant-hier les situations non didactiques à
usage didactique.
enseigne) à l’élève (qui étudie) comme les rapports du didactique à l’adidactique,
dans une institution scolaire. Il devient donc le concept-clé d’une “ théorie des
situations didactiques ” qui nomme, et pense, l’espace social des interactions et
des décisions des acteurs, au-delà de l’espace des contraintes qui déterminent les
effets possibles de leurs actes.
3. LE SCANDALE DES “ EFFETS DE CONTRAT ”, LE CAS DU
PROFESSEUR
Le premier acteur d’une situation didactique à être observé dans la dimension
de son action qui est prise dans le contrat est le professeur. Et on observe d’abord
comment il attribue la connaissance à des élèves qui n’en possèdent que l’image :
la réussite à un problème. Ce faisant, et l’on va mieux comprendre la conclusion
de Janine Filloux, il fait du savoir un fétiche6. Les emblèmes de ce type d’attitude
du professeur sont les héros de deux pièces de théâtre célèbres en France : les
professeurs du Bourgeois Gentilhomme, de Molière, et Topaze, de Marcel
Pagnol. Topaze n’étant, je crois, connu que par le moyen de deux versions
cinématographiques anciennes, je me permets de vous remémorer les deux scènes
auxquelles je fais allusion.
Après la classe, Topaze donne une leçon particulière à un élève. Il dicte.
Topaze, il dicte en se promenant.
“ Des moutons... des moutons... étaient t-en sûreté... dans un parc ; dans un
parc. (Il se penche sur l'épaule de l’Elève et reprend.) Des moutons...
moutonss... (L'Elève le regarde, ahuri.)
Voyons, mon enfant, faites un effort. Je dis moutonsse. Etaient (il reprend
avec finesse) étai-eunnt. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas qu'un moutonne. Il y
avait plusieurs moutonsse. ”
L'Elève le regarde, perdu.. A ce moment, par une porte qui s'ouvre à droite
au milieu du décor, entre Ernestine Muche. Etc.
En quelques instants, la dictée a changé de nature. Il ne s’agit plus de
comprendre le pluriel, indiqué par l’article des, mais d’entendre les “s” et les
“ent” qu’il faut écrire. Et parmi vous, chacun de ceux qui furent confrontés en
élèves à ce type d’exercice peut se remémorer la manière dont un “ bon ”
instituteur lui dictait, en distinguant par exemple, jusque dans les mimiques du
6
Le mot est à prendre dans le sens originel de ce terme qui vient du portugais
factice et désignait les faux dieux, les dieux païens.
visage, les différents sons “ é ”, “ è ”, “ ê ”, “ aie ”, et aussi en laissant entendre
les liaisons, les “ h ” aspirés, les consonnes doubles7, etc. Mis devant l’échec de
sa première tentative, Topaze redéfinit la tâche pour assurer la réussite de l’élève,
et il perd le contenu de savoir que la réussite portait.
Le maître de philosophie de Monsieur Jourdain ne pratique pas de même,
comme l’extrait suivant le montre :
Monsieur Jourdain - Apprenez-moi l’orthographe.
Maître de Philosophie - Très volontiers.
Monsieur Jourdain - Après vous m'apprendrez l'almanach, pour savoir quand
il y a de la lune et quand il n'y en a pas.
Maître de Philosophie - Soit. Pour bien suivre votre pensée et traiter cette
matière en philosophe, il faut commencer selon l'ordre des choses, par une
exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les
prononcer toutes. Et là dessus, j'ai à vous dire que […] Il y a cinq voyelles ou
voix : A, E, I, O, U.
Monsieur Jourdain - J’entends tout cela.
Maître de Philosophie - La voix A se forme en ouvrant fort la bouche : A
Monsieur Jourdain - A, A, oui.
[...]
Maître de Philosophie - Et la voix I, en rapprochant encore davantage les
mâchoires l’une de l’autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les
oreilles : A, E, I.
Monsieur Jourdain - A, E, I, I, I, I, I. Cela est vrai. Vive la science!
Le professeur de philosophie a commencé par un beau discours sur la méthode.
Mais le problème de la prononciation des lettres n’est plus un problème
d’orthographe. Le professeur a par avance transformé la tâche. Il va laisser son
élève - qui réussit - croire qu’il a appris un savoir relevant de l’orthographe. A
partir d’une tâche de substitution qu’il n’a pas signalée, et sur la foi d’une réussite
que chacun peut constater, le professeur attribue indûment à l’élève le savoir lié à
la tâche substituée8.
7
Vous pouvez prononcer ainsi, en dictant, avec n’importe lequel des accents
du français.
8 Remarquons que dans les deux cas il s’agit d’orthographe, un savoir certes
très “ franco-français ”, mais un savoir qui (comme les mathématiques)
caractérise bien l’Ecole parce qu’il n’existe pas, comme savoir autonome
Le Bourgeois Gentilhomme prête à rire, en raison de sa naïveté d’élève face à
une substitution d’objet aussi grossière. Topaze en revanche ne cherche qu'à sortir
d’une situation sans issue ; tandis que l’élève, qui n’imagine même pas qu’on
l'aide, prend Topaze au piège d’un procédé qui était manifestement la dernière
chance du professeur.
Les effets Diénes (le glissement métadidactique) et Papy (l’usage abusif de
l’analogie), ainsi nommés en hommage aux réformateurs de l’enseignement qui
les ont produits à l’époque où Brousseau engageait les recherches sur les effets de
contrat, sont des effets semblables à l’échelle d’un système d’enseignement tout
entier. Je n’en parlerai pas, ce sont des choses que vous connaissez, et
l’observation de n’importe quelle classe de mathématiques montre
quotidiennement des phénomènes semblables. La force qui engage les professeurs
à agir comme l’Instituteur Topaze ou comme le Professeur de Monsieur Jourdain,
c’est la nécessité impérieuse de maintenir le lien contractuel qui les lie aux élèves,
parce que ce lien est le seul gage de la possibilité d’enseigner encore, plus tard.
Les professeurs en sont parfois réduits, pour ces mêmes motifs, à sauver les
apparences c’est-à-dire, à n’enseigner qu’officiellement dans l’espoir de trouver
quelque jour le moment d’enseigner vraiment. Je conclurai cette vignette par deux
remarques. Mon explication suppose que le lien contractuel soit indispensable à
l’accomplissement de toute action d’enseignement. Je crois en avoir déjà suggéré
une démonstration, je la reprendrai plus tard, lorsque nous traiterons des
paradoxes de l’intention didactique. Mais remarquons déjà, que Topaze redéfinit
la tâche de l’élève pour arriver à déclarer qu’il a russi une dictée ; et que les
injonctions didactiques faites à Monsieur Jourdain ne sont légitimes qu’à être
suivies d’une déclaration de succès : la nécessité de déclarer la rèussite des
injonctions didactiques fut la première contrainte contractuelle dont nous
identifiâmes les effets. Mon explication suppose aussi que les formes du maintien
de la relation didactique que j’ai présentées ici sauvegardent une forme de relation
didactique pouvant être efficace : je vais commencer de montrer, sur l’exemple
présenté en introduction, comment cela peut se faire.
4. LE CONTRAT DIDACTIQUE, MOYEN D’ENSEIGNEMENT
Soit donc un professeur qui commence un enseignement sur l’addition des
décimaux. Il pose, sans aucune explication, les problèmes 0 puis 4, dont l’un
appelle une addition d’entiers et l’autre est le cas particulier qui ne nécessite pas
(visible), ailleurs qu’à l’Ecole (ou à l’Université), chez ses utilisateurs (ses
producteurs).
d’addition d’un problème sur les décimaux pour lequel une addition pourrait aider
à répondre de manière plus générale ; puis il pose le problème 1, et enfin, le
problème 2, à des élèves qui savent l’addition des entiers et qui n’ont qu’une
connaissance des décimaux comme “ compte-rendus de certaines opérations de
mesure9 ”.
“ Imaginez que vous êtes chez l’épicier et que vous avez 7 pièces de un
dollar (voici ces sept pièces). Disposez-vous d’assez d’argent pour payer des
achats de, respectivement, trois dollars et deux dollars ? ”
(problème
0)
“ Imaginez que vous êtes chez l’épicier et que vous avez 7 pièces de un
dollar (voici ces sept pièces). Disposez-vous d’assez d’argent pour payer des
achats de, respectivement, deux virgule treize dollars et trois virgule sept
dollars ? ”
(problème 4)
“ Déterminer la somme des deux nombres suivants : deux virgule trois et
quatre virgule un ”
(problème
1)
“ Déterminer la somme des deux nombres suivants : deux virgule treize et
trois virgule sept ”
(problème
2)
Voici une calculatrice graphique, résolvez ces deux problèmes :
“ Déterminer la somme 2,3 + 4,1. ”
“ Déterminer la somme 2,13 + 3,7. ”
(problèmes 3)
En proposant sans commentaires les problèmes 1 puis 2 après les problèmes 0
et 4, qui engageaient à calculer une addition d’entiers puis à tenter de la
généraliser, le professeur a donné à penser que l’addition des décimaux “ ne fait
pas vraiment problème ”. En recevant toutes les réponses, qui sont sans doute
normalement exactes pour les trois problèmes 0, 4, 1, il donne à penser à ceux qui
ont ajouté séparément les valeurs entières et les valeurs décimales (sans doute, la
9
Par exemple, ces élèves savent lire et écrire de tels nombres, qu’on leur a
présentés comme les comptes-rendus de mesures réalisées dans un système
décimal d’unités et de sous-unités.
plupart des élèves), qu’ils possèdent le savoir attendu10. Le problème 2 renforce
même cette croyance tant que les élèves ne sont pas amenés à confronter les
résultats différents. Et si le professeur pose maintenant le problème 3, il donne à
tout élève un moyen de “ vérifier ” les solutions des problèmes 1 et 2. C'est alors
que le problème d'addition que soulève le problème 4 peut être traité. C'est sans
doute là un enseignement peu orthodoxe, mais cette évocation me sert à vous
convaincre de l'existence d'un vaste espace de liberté pour le professeur.
Que gagne un professeur, à procéder ainsi ? C’est maintenant une évidence : il
gagne des élèves qui ont un problème. Même, ils se sont engagés dans sa
résolution, ils l’ont résolu correctement au moins une fois ; ils ne peuvent pas dire
que c’est un problème sans intérêt. Si sa stratégie est, sur cette question,
d’enseigner que “ Pour additionner deux décimaux, on les ramène au même rang
décimal. ”, tout va bien : cette règle permet de produire le résultat exact de
l'addition suggérée par le problème 4. Certes, d’autres problèmes se poseront
lorsque l’addition portera sur 12,83 et 3,6 ; mais pour justifier la retenue, il suffira
que le professeur de la classe concernée corrige “ les erreurs ”, en indiquant une
règle de conduite. Ainsi, plus d’un professeur en arrive, conformément aux usages
institutionnels, à énoncer en cinq ou sixième année ce type de technique : “ Après
réduction au même rang décimal, on traite les décimaux 12,83 et 3,60 comme les
entiers 1283 et 360, dont la somme est 1643, et on remet la virgule au rang où elle
se trouvait pour écrire la somme cherchée : 16,43 ”. Le programme de
mathématiques du Lycée (10e à 12e année d’enseignement) permet en principe de
donner une technologie de cette technique.
Pour justifier la réduction au même rang décimal,
-2
-1
12,83 + 3,6 = 1283.10 + 36.10
-2
-2
-2
= 1283.10 + 360.10 = 1643.10 = 16,43
et, pour justifier le traitement séparé de la partie entière,
0
-2
0
-1
12,83 + 3,6 = 12.10 + 83.10 + 3.10 + 6.10
10
L’idée d’ajouter séparément les pieds et les pouces, ou les dollars et les
centimes, est l’effet normal d’un enseignement des décimaux fondé sur les
systèmes d’unités de mesure.
0
-2
-2
= 15.10 + 83.10 + 60.10
-2
= 15 + 143.10 = 15 + 1,43 = 16,43
(est-ce par addition séparée ?)
Cela rend mathématiquement acceptable le produit de l’accumulation de
corrections successives d’un procédé qui devient donc institutionnellement
invisible : nul ne s’apercevra plus que pour 80% des énoncés de l’Ecole ou du
Collège, il était possible de donner la réponse exacte à l’aide d’une technique
fausse dans son principe. Même, l’efficacité de cette stratégie didactique à chaque
niveau de l’enseignement est telle, qu’elle s’est imposée : c’est le choix
implicitement réalisé dans la plupart des lieux où (comme c’est le cas en France)
l’usage des décimaux s’enseigne par le moyen de l’enseignement des mesures
décimales11. Je montrerai plus loin comment dans la plupart des cas un tel
procédé va finalement échouer. Je retiendrai de cette analyse la démonstration de
la possibilité, pour le contrat didactique, d’être producteur d’apprentissages,
même si ce ne sont pas toujours ceux que l’on attendrait. J’insiste sur quelques
points.
- Premièrement : Un contrat est présent pour tout apprentissage
intentionnellement dirigé .
- Deuxièmement : Ce contrat permet que des apprentissages se produisent
dans le cadre de presque tout enseignement.
Troisièmement : Les évaluations institutionnelles ne disciminent pas
fortement entre les connaissances venues des différentes organisations
didactiques.
- Quatrièmement : De nombreuses formes de contrat relatives à
11
Un système d’enseignement dont les professeurs procèdent ainsi évite des
difficultés redoutables. Il crée en revanche un “ obstacle didactique ” (Brousseau,
1986) à la compréhension de la division ou à celle des approximations de réels.
En effet, la division ne peut plus faire sens dans le cas de nombreux problèmes
concrets (Mercier, 1988), et l’étude des réels se mène au moyen des suites
décimales illimitées, qui ne se déduisent pas aisément des écritures décimales
ainsi enseignées.
l’enseignement et à l’apprentissage d’un même objet mathématique nommé
dans un programme d’enseignement peuvent donc12 exister simultanément.
En conclusion. Il est donc en principe possible d’enseigner et d’apprendre de la
manière que je viens de décrire (cela ne se voit que par la limitation
institutionnellement invisible du domaine d’usage des outils que pourraient être
les décimaux : les limites de leur emploi paraissent aux élèves et aux professeurs
comme une loi de la nature ; par exemple, comme une propriété de la cognition
humaine, ou comme une propriété du programme, qui font qu’on s’interdira de
poser tel exercice, réputé trop difficile). Et si cette manière est réalisée en quelque
lieu terrestre, on peut y trouver de nombreux adultes instruits, qui ont terminé
leurs apprentissages sur les questions numériques sans s’être jamais trouvé dans
le cas de “ construire le concept de décimal13 ”.
5. LE SCANDALE DES “ EFFETS DE CONTRAT ”, LE CAS DE
L’ÉLÈVE
Une histoire de cour de récréation, prise au pied de la lettre
Les faits sont bien connus, et Sarrazy (1996) montre par cette citation que
Gustave Flaubert a posé, il y a plus d’un siècle, ce problème à sa soeur Caroline
(lettre du 15 mars 1843) : “ Puisque tu fais de la géométrie et de la trigonométrie,
je vais te donner un problème : Un navire est en mer, il est parti de Boston (pas du
jeu) chargé d’indigo, il jauge 200 tonneaux, fait voile vers Le Havre, le grand mât
est cassé, il y a un mousse sur le gaillard d’avant, les passagers sont au nombre de
12
Selon la théorie neutraliste de l’évolution (Motoo Kimura), une mutation
génétique (un gêne d’un type nouveau) peut diffuser dans une population si elle
n’a aucun effet, ce qui garantit avant tout qu’elle n’a pas d’effet nuisible. Ainsi
une part importante de la population peut porter la mutation, et être sélectionnée
(ou éliminée) d’un coup lorsque le gêne trouve à s’exprimer en raison du
changements des conditions extérieures.
13 Les psychologues du développement cognitif de ce lieu ne peuvent qu’en
déduire cette idée : “ (par chez nous) Le développement de ce concept est
(particulièrement) lent. ”. Ils doivent, pour s’apercevoir que ce “ développement ”
dépend du “ par chez nous ” c’est-à-dire, de l’enseignement qui en est fait,
procéder à de multiples études comparatives dont les résultats leur restent
ininterprétables.
12, le vent souffle N.E.-E., l’horloge marque 3 heures un quart d’après-midi, on
est au mois de mai… On demande l’âge du capitaine. ”
Le fait que les élèves répondent massivement à des problèmes absurdes a été en
France à l’origine d’une polémique qui n’a pas fini de produire des effets
ravageurs. Cela allait tant que personne ne l’avait dit. Mais ce fut vérifié par une
l’Equipe Elémentaire de l’IREM de Grenoble (1980), et publié dans le Bulletin
numéro 323 de l’Association des Professeurs de Mathématiques de
l’Enseignement Public. Alors, certaines bonnes âmes14 qui recommencent à
l’envi l’expérience, dénient cependant la nécessité d’un contrat. Elles crient au
scandale, parce que l’existence d’un contrat démontre que les acteurs d’un
système (ils pensent en être les décideurs, ou leurs conseillers) ne sont pas tout
puissants. L’idée de relation contractuelle, dans laquelle elles seraient ellesmêmes prises comme acteurs sociaux, leur est insupportable.
Hélàs ! Leur position a des effets sociaux, quand bien même ce ne sont pas les
effets qu’ils attendent : ainsi, les professeurs doivent-ils enseigner “ la lecture
d’énoncés de problèmes ” en proposant systématiquement aux élèves des énoncés
hors normes. Les uns ne posent pas de questions, les autres ne fournissent pas
toutes les données, d’autres multiplient les données inutiles ou aberrantes. Un des
effets pervers de l’étude des énoncés de problèmes hors-normes est donc la
disparition des normes et de l’appui qu’elles fournissaient : dorénavant, tous les
apprentissages nécessaires doivent être explicitement organisés, et naturellement
ils manquent toujours d’autant plus cruellement, qu’ils ne sont pas identifiés.
L’éthique la plus élémentaire devrait pourtant interdire de recommencer
éternellement à s’indigner d’un phénomène si naturel, qu’il suffit de l’évoquer
pour être convaincu de son existence universelle : chacun de nous en effet l’a déjà
vécu à maintes reprises et peut, par un léger effort de mémoire, se le rappeler.
Voici donc, en deux mots, les faits. A la question : “ Dans ta poche droite, il y a
cinq billes et dans ta poche gauche, six billes. Quel âge as-tu ? ”, la plupart des
élèves de deuxième ou troisième année primaire répondent à l’aîné qui les
interroge : “ Onze ans ” ; sommés de s’expliquer, ils confirment le plus souvent :
“ parce que 5+6 = 11. ”. Mais ils sont furieux de s’être faits piéger par leur savoir
additionner tout neuf, si on leur explique15. J'insiste, il n’est pas nécessaire que
demain vous reproduisiez une fois encore cette expérience auprès de dix mille
14
Ils appartiennent à un cercle social qu’Yves Chevallard a nommé, par
dérision, la noosphère. Les didacticiens en font, naturellement, partie.
15 Les élèves de cinquième année refusent massivement de résoudre ce
problème, qu’ils trouvent “ Un peu bizarre. ”, mais ils répondent majoritairement
“ Vingt-huit ans ” à la question “ Dans la classe, il y a 4 rangées de 7 tables. Quel
âge a la maîtresse ? ” et ils expliquent à la demande “ c’est parce que 4X7 = 28. ”.
élèves. L’existence des petites histoires qui circulent parmi les enfants d’âge
scolaire suffit à en démontrer l’importance : voici deux exemples, pris dans le
même numéro de “ Pif le Chien ”, revue amusante et éducative pour les enfants.
“ LE PROFESSEUR DE FRANÇAIS. - Il existe des mots qui prennent un s au
singulier. Élève Toto, dis-nous ce qu’ont en commun souris et gaulois ?
ELÈVE LILI. - Euh… Oui ! les moustaches ! ”
“ LE PROFESSEUR DE MATHÉMATIQUES. - Si je soustrais un nombre à luimême, je trouve zéro. Dis-moi, Élève Lili, si j’ai deux poissons dans mon
assiette, et que je les mange, qu’est-ce qu’il reste ?
ELÈVE TOTO. - Euh… Oui ! les arêtes ! ”
Pour comprendre ces comportements, et le rire qu’ils provoquent lorsque le
contrat est comme dans ces deux histoires, respecté par le professeur sans que,
pourtant, les élèves y soient pris, il est nécessaire de les situer dans le système
générateur de sens qu’est le contrat didactique. Ce système comporte une clause
implicite, qui va tellement de soi que j’ai pu m’appuyer sur elle pour tous les
problèmes que je vous ai présentés.
0) Les caractères d’un problème légitimement proposable à un élève, sont
définis à partir de cette exigence, qu’un élève doit pouvoir répondre avec les
moyens dont il dispose officiellement.
1] un problème légitime possède une réponse acceptable, et une seule ;
2] pour parvenir à cette réponse,
a) toutes les données proposées doivent être utilisées,
b) aucune autre indication n’est nécessaire,
c) l’utilisation pertinente des données fournies se fait selon un schème
mettant en jeu des procédures familières aux élèves concernés ;
3] la responsabilité des élèves consiste à mettre en œuvre convenablement
ces procédures, la responsabilité du professeur consistant alors,
a) s’il font des erreurs, à démontrer comment il attend que les élèves
procèdent,
b) s’ils s’engagent dans une procédure inadéquate, à montrer la
procédure qu’il attendait, qui est donc contractuellement pertinente
En conclusion. Comme les observations réalisées par l’équipe grenobloise, les
histoires de Pif le Chien montrent des propriétés normalement invisibles du
contrat. Les premières, parce qu’elles sont le fruit d’un type de rupture interdit à
l’enseignant qui normalement, garantit la pertinence des énoncés qu’il propose ;
les secondes, parce qu’elles mettent en scène des comportements que
normalement on ne rencontre pas, ils sont le fait d’élèves hors contrat.
La confiance dans le contrat
Bien que la rupture ne soit pas pensable par un enseignant, elle reste possible.
Depuis la position d’extériorité momentanée que leur confère l’appartenance à
une Équipe IREM16, des enseignants peuvent imaginer de réaliser une telle
expérience, sans savoir qu’ils enfreignent comme noosphériens une règle qu’ils
respectaient comme enseignants. Comme toujours lorsqu’il est question de
contrat, la règle est implicite et la régularité des comportements va de soi, pour
une position institutionnelle donnée, parce qu’un comportement non régulier
serait perçu (par les acteurs qui occupent l’autre position) comme un non-sens.
C’est que le contrat assure l’élève,
- que le problème qui lui est posé a une réponse,
- qu’il peut produire cette réponse avec les outils de pensée que l’enseignement
lui a présentés et avec les moyens cognitifs qui sont les siens.
Ainsi, imaginons qu’un professeur demande :
“ Procurez-vous une calculatrice ordinaire, et utilisez-la pour déterminer le
produit 76,032950754 X 1592970814,00105. ”
C’est qu’il peut démontrer à chacun des élèves présents, qu’un emploi ordinaire
de la calculatrice permet de produire la réponse. Et, si les élèves s'apercoivent
qu'ils ne peuvent pas répondre aussitôt, ils doivent en déduire que le professeur
veut leur montrer par là qu’ils ne savent pas résoudre de chic tous les problèmes
de multiplication qu’il leur serait possible de rencontrer, pour introduire un
nouvel enseignement : alors, il ne laisse pas les élèves attendre plus longtemps
que la durée de l’effet de surprise. Il viabilise aussitôt le problème, auquel un
élève n’aurait jamais accédé spontanément, de manière autonome.
Je conclurai par deux remarques.
Le contrat didactique est un cadre interprétatif (Schubauer-Leoni, 1986)
capable de donner un sens mathématiquement acceptable au problème proposé.
Ainsi, l’assurance contractuelle est le prix à payer pour obtenir des élèves qu’ils
s’attaquent aux problèmes qu’on leur pose : c’est la raison pour laquelle il y a
grand danger, pour un professeur, à trahir la confiance des élèves sur ce point.
Un deuxième effet est tout aussi essentiel pour l’élève. Le contrat assure le
16
Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques.
partage entre ce qui est la tâche de l’enseignant et ce qui est la tâche de l’élève.
Ce faisant, le contrat didactique permet à l’élève d’accéder à des tâches partielles
qui font sens dans des systèmes de tâches bien plus complexes que ceux qu’il
pourrait aborder par lui-même. Sans la compréhension de cela, on ne pourrait pas
comprendre comment l’apprenti, qui ne réalise pourtant que des gestes partiels du
travail de l’artisan, apprend des gestes qu’il pourra réutiliser lorsqu’il sera luimême artisan, responsable de l’intégralité du procès de production. On ne pourrait
comprendre comment l’élève qui, telle année, résout un problème d’étude de
fonction en cinq questions comportant jusqu’à trois sous questions et s’arrête
avant d’aborder l’enjeu de l’étude, peut, l’année suivante, prendre entièrement à
sa charge l’étude d’une fonction paramétrée pour obtenir la résolution graphique
d’une famille d’équations dépendant d’un paramètre.
6. DEUX NOUVEAUX PROBLÈMES, LA DÉVOLUTION À L'ÉLÈVE ET
LA PRODUCTION D'INSTITUTION SAVANTE
Un geste didactique essentiel
L’élève n’a pas un accès spontané et autonome aux problèmes, parce qu’il doit
apprendre d’abord que les problèmes ont des solutions, et ce n’est le cas qu’en
milieu scolaire, pour les problèmes que pose le professeur. A l’Ecole, le geste
enseignant de poser la question ne peut pas être très éloigné de celui de montrer la
réponse, parce que les problèmes scolaires ont nécessairement une réponse : la
décision de faire un problème d’une question, appartient au professeur, qui en
principe s’affronte aux questions avant de se présenter devant les élèves. Ces
derniers supposent qu’il a éliminé les questions qui ne sont pas didactiquement
pertinentes : celles qui ne font pas un problème, pour ses élèves. Mais comment la
confiance des élèves dans les problèmes scolaires se construit-elle ? Comment
peut-elle échouer à s’installer, dans le cas de certains élèves, puisque le contrat
fonctionne comme s’il était toujours-déjà-là sans jamais avoir été passé
explicitement, et que l’on peut considérer que les contractants - professeur, et
élève - sont produits par leur entrée dans le contrat didactique. Avant, ils étaient
adulte et enfant, filles ou pères : sujets d’autres institutions, pris dans d’autres
contrats.
Il existe bien, cependant, des élèves dont on dit qu’ils sont hors contrat ; par
exemple, parce qu’ils ne font pas confiance aux problèmes scolaires. Le travail de
Guy Brousseau et des élèves de l’Ecole d’Orthophonie de Bordeaux sur la
question des échecs électifs en mathématiques a renouvelé le questionnement
usuel. Car ils ont cherché à savoir si ces échecs pourraient être des pathologies du
contrat didactique et non des pathologies personnelles ou sociales. Les tentatives
de remédiation ont été limitées ; elles ont plusieurs fois abouti à des impasses, et
une fois à un succès relatif. Mais ces études ont inauguré un progrès théorique
majeur, parce qu’elles ont lancé l’étude des rapports de la situation adidactique à
la situation didactique.
Je vais en résumer l’histoire. Ce qui réussit dans le cas célèbre de Gaël, c’est
que l’intervenant va trouver les conditions pour que Gaël ose commencer d’agir
dans le milieu de la situation adidactique que l’intervenant lui propose. Cet élève
a par ailleurs des difficultés avec certaines pratiques de souscomptage, surtout au
passage des dizaines. Il se comporte comme si addition et soustraction étaient des
opérations équivalentes ou plutôt, comme s’il n’était pas de sa responsabilité de
choisir entre ces deux opérations celle qui est pertinente. Guy Brousseau, qui
dispose d’un modèle pour calculer les conditions d’apparition d’une connaissance
dans le cas de la soustraction, se propose de placer Gaël dans ces conditions, de
telle manière que sa stratégie lui coûte bien trop cher, et qu’il en change. Mais ce
qui produit cet effet pour une classe entière n’agit pas nécessairement pour tel
élève, isolé, et Gaël se refuse à agir dans le cadre proposé. Il persiste dans sa
position d’élève soumis au contrat en donnant sans broncher une réponse dont il
ne vérifie pas l’exactitude ; jusqu’à ce que Brousseau lui propose de parier sur sa
réponse, et que Gaël risque une première correction. Puis, qu’il corrige encore son
pari durant le temps de la vérification, que Brousseau effectue à sa place pour lui
laisser l’occasion et le temps de s’engager dans l’élaboration d’une stratégie.
Les développements de la théorie
Brousseau nommera plus tard dévolution ce geste didactique initial du
professeur et de l’élève, sans lequel le modèle des situations adidactiques ne peut
trouver les conditions de son efficacité. La dévolution, c’est l’acte par lequel un
magistrat est installé dans sa fonction par le magistrat suprême. Au fondement de
cet acte, la dévolution est un renoncement de ce magistrat suprême à son pouvoir
- qui permet le transfert de la puissance de véridiction au magistrat subalterne.
Dans le domaine didactique, il faut comprendre par là l’acte par lequel l’élève est
légitimé par le professeur, et se trouve lui-même habilité à juger de son action.
C’est un acte qui a force sur le réel puisqu’il prend effet dans le rapport à un
ensemble d’objets grâce auxquels une action doit se dérouler sous la
responsabilité de l’élève. Le pari ouvre à Gaël l’espace d’une action dont il pourra
juger l’efficacité et la réussite par lui-même. Il lui permet de s’emparer de l’enjeu
de la situation. Par exemple, le pari permet à Gaël d’admettre qu’il s’est trompé,
et de reprendre son action en tentant de mieux la régler. Le succès de l’opération
vient de ce que la situation d’action proposée à Gaël n’est pas quelconque : c’est
une situation adidactique, une situation modélisable par un jeu formel à un joueur
contre la nature. Les stratégies de l’action par laquelle Gaël tentera de réaliser
l’opération viendront alors normalement de la situation adidactique et de ses
évolutions. Ces stratégies auront le sens de connaissances, attribuables à Gaël.
Il faut ici revenir au petit schéma que je vous ai proposé tout à l’heure, pour le
compléter
professeur " p0 "
(produisant la situation adidactique et le milieu) élève
(joueur) " é1 " — " m " (antagoniste du joueur)
milieu de l'action
élève " é0 "
(produisant des savoirs)
professseur " p1 "
Il faut désormais faire intervenir dans le schéma l’élève, comme partenaire du
professeur dans la relation didactique que tous deux entretiennent. Dans la
situation didactique, le professeur et l’élève visent le savoir. Le premier régule la
production de connaissances en contrôlant le milieu de la situation adidactique et
en proposant des jeux nouveaux, le second revient sur l’action qu’il a menée dans
la situation adidactique, dont il est alors sorti, pour étudier les stratégies du jeu.
L'élève (le sujet didactique) est donc défini comme le joueur, soit qu'il joue, soit
qu'il étudie le jeu. Certes, la modélisation de 1974 supposait un système
antagoniste du joueur ; la séparation du maître - qui intervient dans la situation
didactique proprement dite - d’avec le milieu défini comme ce sur quoi l’élève
agit date de 1977 ; mais ce n’est qu’en 1982 avec le problème de la dévolution
que les différentes positions du maître relativement au milieu, système
antagoniste de l’élève dans le jeu de l’élève, sont analysées : le schéma devient
alors beaucoup plus complexe, et seuls les chercheurs qui ont suivi l’évolution de
ses usages dans la production théorique arrivent à s’en saisir17, et le schéma
17
Un temps important de cette dialectique, qui s’appuie sur les thèses qui
seront publiées au début des années 90, est marqué par le texte de 1988 qui a été
distribué pour la préparation des Journées “ Le contrat didactique : le milieu ”, où
le milieu est repris dans une construction théorique qui part explicitement de la
produit pour les autres, qui pensent qu’à lui seul il enferme la théorie des
situations didactiques, un effet Papy caractérisé : la compréhension qu’il semble
donner ne correspond pas à un usage efficace. A l’encontre de cet effet, les
travaux de André Rouchier et de Claire Margolinas sont, ici, décisifs.
Le savoir est maintenant présent dans le schéma, c’est l’effet de la nouvelle
position d’élève " e0 " : dans la situation didactique, c’est une position réflexive
sur la situation adidactique (médiatrice de la relation didactique) qui le produit.
La production d'institution savante est l’autre geste didactique identifié dans cette
période, un geste dont la dévolution à l'élève est comme le pendant. Car si l’élève
s’engage dans une interaction avec un problème en agissant dans le milieu d’une
situation d’où le professeur s’est officiellement retiré, il ne peut le faire en
confiance que parce que le professeur lui garantit (par contrat) que la
connaissance qu’il retirera de cette interaction sera celle-là même qui fait l’enjeu
de leur relation didactique actuelle. Et l'entrée dans les dialectiques de la
communication et de la validation des connaissances produites correspond à
l'organisation d'un collectif de pensée (une institution) qui traite des
connaissances personnelles et en recherche la valeur culturelle. Les gestes de
dévolution à l'élève et de production d'institution savante correspondent par
conséquent à la nécessité d’un contrôle a priori de l’idonéité des productions
futures de l'élève, et naturellement au processus a posteriori par lequel la
conformité culturelle des savoirs appris sera déclarée.
L’idonéité d’un savoir, c’est en particulier la propriété qu’il aura d'être adapté à
certains de ses usages ultérieurs. C'est donc non seulement sa capacité à produire
des réponses aux problèmes posés, mais surtout sa capacité à transformer des
questions nouvelles en problèmes que l’on pourra résoudre : sa valeur pratique de
théorie. La conformité d'un savoir se mesure à la performance qu'il permet à son
possesseur, dans la résolution des problèmes socialement définis comme les
emblèmes de la compétence que le savoir apporte. Ainsi, l’institutionnalisation
conforte Gaël, parce qu’il en retire l’idée qu’il apprend le savoir qui l’avait mis en
échec. Il sait ainsi que les bricolages qu’il tente fonderont les techniques qui lui
manquent, que le travail qu’il ose mener avec Guy Brousseau a bien un enjeu
didactique, et qu’il est en train d’apprendre la soustraction.Il est possible de
résumer cela : s’il faut entrer dans le jeu pour accéder au problème qui nécessite
le savoir, il faut sortir du jeu pour accéder finalement au savoir dans sa dimension
de technique, d’objet social, et à la valeur culturelle qu’il confère à qui le
maîtrise.
connaissance du contrat, après une version première de 1986 intitulée : “ La
relation didactique : le milieu ”.
7. LES PARADOXES DE L’INTENTION DIDACTIQUE
L’implicite, dimension fondamentale du contrat
Le contrat produit du sens pour des actions qui apparaîtraient souvent, sans le
caractère d’évidence naturelle de l’interprétation qu’il fournit, paradoxales, et
contraires à la plus élémentaire éthique enseignante18. Une autre des raisons qui
empêchent qu’il soit étudié réside dans sa dimension de producteur
d’aveuglements institutionnels19.
Retenons pour l’instant l’idée que le phénomène didactique exploré à l’aide du
concept de contrat didactique est tout aussi difficile à admettre que le phénomène
de l’inconscient exploré par la théorie freudienne. Le mot ne fait rien à l’affaire.
De multiples interprétations de la théorie de l’inconscient visent à montrer
comment on pourrait prendre conscience de son inconscient, sans comprendre
qu’on ne peut que le travailler et qu’on méconnaît toujours le produit du travail.
De nombreuses interprétations du concept de contrat didactique amènent à rendre
explicite ou à formuler un contrat, ce qui ne produit qu’un travail non maîtrisé des
cadres implicites de la relation didactique. C’est actuellement à tel point que Guy
Brousseau a pu sembler douter de la pertinence du terme de contrat : mais le
changer ne résoudrait pas la question du fantasme de maîtrise que porte le
discours pédagogique, qui emporte toute précaution épistémologique. Le nouveau
travail de Brousseau sur la régulation permet de produire une typologie des
contrats, des moins didactiques (comme ceux que j'ai présentés) aux plus
didactiques (comme ceux que Guy Brousseau a proposés).
Les paradoxes du didactique
Les élèves apprennent assez souvent, pour qu’on n’ait pas encore de moyen
d’enseignement des savoirs plus économique que l’Ecole telle que nos sociétés
18
C’est d’ailleurs ce qu’Althusser reproche à la notion de Contrat Social, de
Jean-Jacques Rousseau, dans l’étude intitulée “ L’impensé de Rousseau ”.
19 L’évidence du sens des actions de l’autre est donnée en échange de la
soumission à l’emprise du contrat, et d’ordinaire cette évidence désintéresse les
chercheurs de la question qui les avait menés dans la classe : les observations
qu’ils rapportent sont connues de chacun (alors qu’elle font effet à l’insu de tous).
Ainsi, par exemple, toute une institution d’enseignement peut ignorer ce que des
centaines de milliers d’écoliers apprennent sur l’addition des décimaux (Bronner,
1997). Je l’ai montré au Chapitre 4.
l’ont progressivement inventée depuis deux siècles. Cette Ecole, qui a échappé
aux deux écueils de la répétition du texte sacré appris par cœur (l’école
coranique) et du recommencement indéfini des commentaires exégétiques du
texte (l’école talmudique), en devenant le lieu d’une cathéchèse, où s'enseigne la
norme institutionnelle de l'Eglise, qui se méfie de l'accès personnel direct au texte
sacré comme des divagations du commentaire érudit. De manière étonnante et
malgré qu'elle en aie, l'école de l'Eglise a produit une relation contractuelle dont
l’étude de savoirs institutionnels, œuvres humaines, est déjà l’enjeu. Je
n’appellerai pas moderne l'école profane qui se propose la transmission des
savoirs humains, car l’expression moderne vieillit mal et laisserait croire qu’il n’y
a plus d’évolution de l’Ecole, mais, suivant en cela le sociologue Michel Verret,
je la nommerai l’école bureaucratique, et ce terme n’a pas ici de connotations
péjoratives. L’école bureaucratique semble liée à la culture scientifique et à la
gestion des rapports techniques au monde dans les sociétés dites
bureaucratiques20. Ce qui la distingue des autres systèmes identifiés de la
transmission des savoirs humains : familial, où des comportements spontanés
considérés comme conformes sont reçus, interprétés et encouragés (c’est le
dressage), initiatique, où les savoirs demeurent internes à l’institution qui en
contrôle l’emploi (c’est l’intronisation), aristocratique, où les savoirs sont
propriété de naissance, qui n’a qu’à se révéler pour être reconnue par les pairs
(c’est l’élection), ou professionnel., où les savoirs sont transmis avec les postes de
travail, parce qu’ils sont inscrits dans la division sociale des tâches (c’est le
frayage). Dans ces systèmes, les contrats didactiques correspondent à d’autres
formes de solutions aux paradoxes du savoir, de son enseignement et de son
apprentissage, de la relation didactique et de sa dimension intentionnelle. Chacun
de ces systèmes de transmission propose une solution particulière aux différents
paradoxes didactiques, selon les valeurs de variables que nous n'avons pas encore
identifiées.
Les paradoxes de la transmission intentionnelle des savoirs qui ont été reconnus
en didactique des mathématiques scolaires, et que cette théorie prend aujourd’hui
en charge, sont ici regroupés en trois champs : le cognitif (marqué par
l’opposition personnel/institutionnel), l’épistémologique (marqué par l’opposition
manière de faire/technique), et le didactique (marqué par l’opposition intention
didactique/injonction didactique).
Les paradoxes qui portent sur les formes de la cognition :
- Pour être enseignable, une connaissance doit pouvoir être approchée
20
Ce sont, entre autres, celles où nous vivons, celles où vivent les chercheurs
avec lesquels nous avons des relations culturelles, celles avec lesquelles nous
avons des relations de coopération industrielle et technique : la forme
démocratique n’y est pas générale
partiellement : ce qui manque ou qui se possède tout entier, parce que c’est une
qualité absolue, attribuable une seule fois, comme la vertu, la persévérance, ne
peut être enseigné ; tout ce qui est de l’ordre de la vérité pure, ou de l’être absolu
est une grâce (un don gratuit), et non le produit de l’assujettissement à une
institution humaine particulière21.
- Pour être apprise, une connaissance doit être ignorée : identifiée par son
absence ; l’épreuve de son besoin suppose qu’une institution l’ait rendue
disponible : c’est donc le sujet institutionnel qui est interpellé par une injonction
didactique, le sujet épistémique ne peut donc pas être enseigné22.
- Pour qu’un apprentissage soit reconnu, il doit produire un comportement
social identifié : une technique ; la connaissance est toujours attribuée à une
personne, tandis que la formulation la validation et l’institutionnalisation d’une
connaissance sont toujours les effets d’une organisation sociale particulière, une
situation adidactique23.
Les paradoxes qui portent sur les formes de la connaissance :
- Pour être utilisable dans une autre institution que celle qui l’a produite, une
connaissance doit être désinstitutionnalisée et prendre une forme culturelle,
discursive ; mais sous cette forme, une connaissance ne conserve pas la capacité
de résoudre des problèmes, alors que le motif de ses transpositions est le transfert
de l’efficacité d’un outil de pensée24.
- Pour être exposée, une connaissance doit être prise dans une organisation
artificielle ; la transposition d’une connaissance la situe dans une progression qui
efface les obstacles épistémologiques, tandis que ces obstacles sont constitutifs du
sens qu’elle avait à l’origine25.
Les paradoxes didactiques, qui portent sur la relation de l’enseignement à
l’apprentissage (injonction didactique, ou instrumentale) :
- Pour qu’un sujet ayant manifesté un comportement puisse se voir attribuer la
connaissance correspondante, il doit produire ce comportement sans qu’on le lui
ait demandé c’est-à-dire, dans une situation non didactique ; une institution
didactique, qui porte l’intention d’enseigner, ne peut montrer le comportement
21
Cf. les situations fondamentales, dont André Rouchier parlera sans doute cet
après-midi.
22 Cf. la dévolution, dont j’ai montré l’importance dans la problématique du
contrat.
23 Cf. l’institutionnalisation, dont j’ai montré l’importance dans la
problématique du contrat.
24 Cf. le texte du savoir, dans la théorie de la transposition didactique.
25 Cf. le temps du savoir, dans la théorie de la transposition didactique.
attendu ni demander explicitement l’apprentissage d’une connaissance, ou sa
réalisation pour évaluation, alors qu’elle doit provoquer un comportement
conforme26.
- Pour que l’injonction d’agir dans un milieu produise une connaissance, il faut
que l’action fasse problème, mais on ne peut demander à un sujet de réussir une
tâche qu’il ne sait pas réaliser ; on ne peut enseigner du nouveau sans le réduire à
une action imaginable dans un milieu connu27.
- Pour produire une connaissance, une relation didactique met l’élève en
rapport à un milieu où se pose un problème, la connaissance produite est la
stratégie de résolution du “ problème de l’élève ” ; l’enseignement produit des
connaissances, alors qu’on ne peut se proposer d’enseigner qu’un savoir culturel,
décontextualisé28.
- Pour qu’une relation didactique relative à une connaissance puisse perdurer et
changer d’objet, elle doit avoir abouti à une déclaration de réussite ; une
injonction didactique ne s’éteint que lorsque l’apprentissage demandé est réussi,
mais une connaissance ayant été enseignée devient obsolète29.
J’ai formulé ces paradoxes dans les termes qui permettent de dire comment ils
sont pris en charge par les divers niveaux de la théorie, afin d’aller au plus court
et de vous laisser le soin d’étudier ce qu’il en est : je voudrais en effet terminer en
indiquant les pistes actuelles de la recherche sur le contrat. Cette recherche se
mène sur des problèmes posés dans le cadre conceptuel strict de la théorie des
situations (dans laquelle il faut comprendre aujourd’hui la théorisation des
phénomènes de la transposition didactique : le développement d’une théorie n’est
jamais l’œuvre d’un seul, comme je le disais en introduction). Mais des
problèmes venus du travail d’axiomatisation approfondie que mène Yves
Chevallard, pour inclure les théorisations didactiques dans le cadre conceptuel
d’une anthropologie de la cognition des objets du monde et des œuvres humaines
peuvent tout aussi bien être abordés dans le cadre de la théorie des situations :
dans ce cadre, il est possible d’interpréter la plupart des acquis de la théorie des
situations, et réciproquement. Le choix entre les deux approches est actuellement,
à mon avis, une question de méthodologie de la recherche. Jusqu’à présent en
effet, la théorie des situations se prête mieux à l’expérimentation mathématisée
que l’axiomatisation anthropologique, mais celle-là semble plus commode pour
26
Cf. l’injonction didactique, dont j’ai parlé à propos des effets de contrat.
Cf. la mémoire didactique, dont je parlerai plus loin.
28 J’ai montré comment le contrat pouvait régler cette question.
29 Cf. le contrat didactique. L’aveuglement institutionnel produit par le contrat
didactique permet en effet de régler cette question par une attribution (parfois,
indue) de réussite. Cf. aussi le temps.
27
l’interprétation clinique, et permet de créer des liens avec les questionnements
sociologiques, ou d'étudier les formes faibles de relation didactique.
8. LE CONTRAT ET LE MILIEU, LA MÉMOIRE DIDACTIQUE
L’importance du problème de la mémoire didactique est repérée depuis les
premières études sur la reproductibilité des situations didactiques, et la question
est sans doute antérieure à l’invention du contrat didactique. J’ai le souvenir de
cette expérimentation du début des années 80, où Guy Brousseau observait
comment l’enseignant d’une classe laissait les commandes à son remplaçant pour
une leçon, sachant qu’il reviendrait pour la leçon suivante “ Quelles sont les
informations dont un enseignant a besoin, pour décider de ce qu’il doit faire ? ”,
telle était la question. Car le contrat didactique, qui est pourtant, comme je l’ai dit,
toujours-déjà-là, est un effet des décisions du professeur et des élèves. Le pilotage
peut être plus ou moins rigide, et les élèves peuvent supporter une plus ou moins
grande plasticité ; l’objet de la régulation contractuelle est l’incertitude des élèves,
qui porte en principe sur le problème qu’ils doivent résoudre, mais qui peut venir
du milieu de la situation dans laquelle ils doivent agir et porter ainsi sur les
connaissances qui leur sont nécessaires pour accomplir leur tâche. C’est en ce
point que la question de la mémoire dont dispose l’enseignant sur les phénomènes
didactiques qui se sont produits antérieurement, est essentielle : elle va lui
permettre de gérer de manière efficace l’incertitude, de manière à la réduire
lorsqu’elle n’est pas nécessaire sans pour autant évacuer le savoir lui-même
comme l'a fait le professeur de Monsieur Jourdain.
Je reviens rapidement en ce point sur l’exemple de l’addition des décimaux que
j’ai présenté en introduction, pour conclure sur cet enseignement surprenant dont
j'ai supposé l'existence possible. Mon exemple ne relève pas exactement des
phénomènes relevés par Julia Centeno, parce qu'il porte sur une durée de
plusieurs années, mais omme vous allez le voir, il s'agit bien d'un phénomène de
mémoire institutionnelle. Imaginons en effet un professeur de Lycée ordinaire30.
Il enseigne en Seconde (10e année), et voilà qu’en corrigeant un exercice de
30
Il est possible de lui inventer une biographie mathématique normale pour un
professeur français. D’un côté, il a travaillé en préparation au concours de
recrutement un devoir sur les bases de numération, et de l’autre, il a oublié le
temps où il a appris les décimaux pour la première fois, parce que son passage à
l’Ecole Primaire ne lui avait fait rencontrer les décimaux qu’avec les mesures
décimales. Il a bien sûr étudié les suites et les séries sans que le professeur ne lui
ait signalé l’article “ calcul numérique ” de l’Encyclopædia Universalis.
révisions, tout au début de l’année, il s’aperçoit qu’un élève répond “ 5,89 ” à une
question orale sur “ La somme de deux virgule quatre vingt trois et de trois
virgule six ”. Il le corrige sans comprendre ce que l'élève a fait, explique
rapidement aux élèves surpris que “ 3,6 c’est 3,60 et qu’ils devraient savoir faire
de tête, sans calculatrice, un calcul aussi simple ! ” et renvoie le fautif à sa place.
Tandis qu’un autre élève a calculé par un moyen inconnu et qu’il donne tout haut
la réponse : “ 6,43 ”, ce qui permet au professeur de reprendre le fil de la leçon. A
l’interclasse, le professeur s’indigne, en racontant l’anecdote à ses collègues :
“ Qu’apprennent-ils au Collège, ils ne savent même plus ajouter de tête deux
décimaux de trois chiffres ! ” On lui répond : “ Eh bien, les décimaux sont au
programme de Sixième (6e année), mais depuis… ” La méconnaissance des
modalités précises de l’enseignement de l’addition des décimaux a empêché le
professeur de dire ce qu’il aurait fallu pour poursuivre cet enseignement, comme
je l’avais imaginé en introduction. Il n’a donc pas fait progresser la question
jusqu’où cela aurait été possible avec les outils mathématiques dont il disposait, et
son attitude a donné à croire aux élèves qu’il n’y avait là rien à comprendre.
Pourtant, le programme d’enseignement de l’année comprend la notation des
puissances positives et négatives de dix et les formules polynomiales. Le
professeur a évoqué tout cela en quelques mots en début d’année, sans trop savoir
quels exercices il serait possible de poser sur des questions aussi élémentaires,
sans imaginer les problèmes que la liste de propriétés qu’il énonçait aurait permis
d’étudier : les instructions officielles et surtout, les inspecteurs insistent bien sur
le fait qu’il ne doit pas y avoir de répétitions d’une classe à l’autre, et qu’il faut le
moins de révisions possible (c’est ce que montrent les études sur le temps
didactique). Seuls les élèves qui ont un accès à une forme de culture
mathématique en dehors de l’école ont une petite chance de trouver réponse aux
questions qu’ils se sont peut être posé : “ Pourquoi la retenue décimale fait-elle
une unité supplémentaire ? ”, ou : “ Pourquoi dit-on trois-virgule-six alors qu’il
faut comprendre trois virgule soixante ? ”, ou : “ Comment lit-on le nombre qui
s’écrit avec les chiffres “ trois ”, “ virgule ”, “ zéro ”, et “ six ”, car je suis sûr que
je n’ai jamais entendu personne lire ça ! ”
Cette petite fable, pour montrer en quelques mots comment le manque d’une
certaine mémoire didactique peut faire échouer presque sûrement une stratégie
d’enseignement qui semblait certes hasardeuse, mais qui pouvait être viable en
étant poursuivie jusqu’à son terme. C,est l'identification de ce genre de
phénomènes qui engage les didacticiens à affirmer, comme l'a fait Guy Brousseau
avant-hier, qu'il vaudait mieux, parfois, laisser s'installer une tradition
d'enseignement que promouvoir une réforme pleine de bonnes intentions.
L’incertitude des élèves a été réduite par l’annulation de la question que posait
l’erreur et la production de la réponse exacte. Ma fable parle, vous l'aurez
compris, d'un lieu ou le contrat institutionnel signifie au professeur de 10e année
que le moment de l’enseignement de l’addition des décimaux est passé : c’est un
officiellement un objectif qui aurait dû être atteint il y a longtemps. La
temporalité officielle n’arrive pas à produire la temporalité personnelle lorsque la
théorie de l’enseignement par objectifs et celle de l’évaluation formative qui lui
est associée, ou l'analyse des savoirs en temes de compétences, dénient le contrat
didactique, sa nature implicite, ses effets didactiques, et interdisent de fait le
travail ordinaire de la mémoire personnelle des élèves par le moyen du
ressouvenir officiel des problèmes anciens. De l’incertitude sur les décimaux
avait été produite par une questions d’un type qui avait été jusqu’ici évité, elle
aurait dû être réduite par l’intégration des problèmes anciens et de leurs solutions
imparfaites dans “ le milieu pour des problèmes nouveaux ” qui pouvait se
condenser autour des techniques d’écriture des puissances négatives et des
formules polynômiales, si ces techniques avaient été considérées comme des
énoncés de théorèmes pour l’étude de certaines classes de problèmes
mathématiques31.
Ces quelques minutes d’exposé ne rendent pas l’hommage qu’ils méritent aux
travaux sur la mémoire, le contrat et le milieu, que Julia Centeno a poursuivi avec
Guy Brousseau. Elles permettent seulement de saisir la question qui est à leur
origine : ce sera, à mon avis, la question centrale des recherches à venir en
didactique des mathématiques. Du point de vue du développement théorique,
parce qu’en ce point les concepts viennent interagir et qu’on ne peut plus les
travailler isolément : leurs interrelations seront n’en doutons pas, instructives. Du
point de vue pratique, parce que les questions qui sont actuellement brûlantes
nécessitent un abord résolu des fonctionnements de l’enseignement ordinaire.
9. L’ENTRÉE DANS UN CONTRAT ET LE MAINTIEN DE LA
RELATION DIDACTIQUE, LA CONFIANCE
La surprise est constitutive des situations scolaires
Un enseignant donne à ses élèves une copie d’une carte du monde du XVe,
explique la course aux épices d’Orient et leur demande de déterminer des trajets
maritimes en direction des Indes : “ Les portugais ont investi les ports autour de
l’Afrique, que vont faire les espagnols ? ” demande-t-il. “ Ils vont faire le tour! ”
s’écrie un élève, un autre le corrige bientôt : “ Et l’Amérique ? On ne peut pas
passer ! …Oh ! mais l’Amérique n’est pas sur la carte ! ” Leurs surprises ont été
31
Ce n’est certes pas le cas à l’heure actuelle, en raison de l’esprit de plus en
plus utilitariste de l’enseignement mathématique, qui se réduit à l’exercice de
techniques squelettiques frappées d’anorexie (elles ne se nourrissent plus d’aucun
problème). Cependant, j’ai exposé au Chapitre 4 un enseignement de ce type.
inscrites dans le déroulement de la leçon : ces élèves viennent de découvrir
l’Amérique, et l’ignorance de Christophe Colomb.
Mais s’il n’y a qu’une carte pour tous et si chacun ne s’est pas posé la question,
la surprise est le fait de deux élèves seulement. Ce n’est pas la surprise de tous.
D'autres élèves auront pu trouver d'autres motifs d'étonnement, mais ceux qui se
sont étonnés d’autre chose que de l'absence de l'Amérique se seront étonnés en
vain ; pour eux, la réponse aura paru avant que la question n’ait fait problème et
ces élèves surpris à contre-temps seront seulement des élèves distraits, des bêtas.
Les rencontres didactiques sont rares, et le professeur qui s'appuie sur celles qu'il
trouve sur son chemin n'enseigne efficacement que bien rarement : l'organisation
des rencontres didactiques est encore un geste d'enseignement mal identifié.
L’enseignement produit le travail de la mémoire, et le temps de la réflexion
Cependant, quelles que soient ses qualités de metteur en problèmes (comme
l’on dit metteur en scène) des savoirs qu’il enseigne, le professeur ne peut penser
maîtriser toutes les rencontres étonnantes que feront les élèves en apercevant leur
ignorance là où ils pensaient connaître. Quelles que soient ses qualités d’écoute
des improvisations ou des hésitations des élèves, le professeur ne peut penser
qu’il pourra être surpris par toutes et dans la plupart des cas, il ne sera pas surpris
d’emblée. Pour faire place à la surprise, l’enseignant doit donc trouver des
moyens pour enregistrer les inventions et les questions, les idées et les problèmes.
Il doit étudier après-coup avec les élèves des traces de leur activité personnelle de
pensée, intégrer leurs études personnelles dans l’étude scolaire des mathématiques
du programme. Ce problème est aujourd’hui, un impensé de l’enseignement des
mathématiques. C’est que le professeur, à mettre en avant son expertise dans
l’exposé, risque d’oublier que, dans la relation didactique, il est celui qui parle
pour que sa parole ouvre un espace pour l’élève. Mais symétriquement, à mettre
en avant l’activité de l’enfant, le professeur risque d’oublier que, dans la relation
didactique, il est celui qui institue l’espace didactique et réalise les conditions
pour que les injonctions d’agir ne soient pas de simples injonctions
instrumentales.
Or on peut observer couramment qu’un enseignant ne sait pas comment
travailler avec le passé des élèves dont il dirige l’étude, et prendre en compte la
dimension non officielle de leur activité pour les aider à construire une mémoire
collective de la classe qui soit fondée sur les mémoires individuelles de chacun car on n’apprend jamais que par après-coup, dans des reprises de ce que l’on
savait faire. De même, il sait mal produire l'oubli qui est parfois nécessaire : par
exemple, pour séparer une connaissance de son contexte et en faire un objet de
l'étude. La théorie des situations permet tout cela, mais aujourd'hui elle se propose
tout entière, ce qui semble souvent trop cher à payer d'un coup. Il nous faudra
inventer des solutions partielles à ces problèmes.
Raison de l’enseignement et raison de l’étude, la confiance et le risque
Depuis que Descartes en a opposé le principe à ses maître et que ce principe a
été repris par les mathématiciens de génération en génération, c’est un fait
incontesté : les mathématiques sont une production humaine et tout homme doit
par conséquent pouvoir reprendre l’étude des mathématiques à son début c’est-àdire, “ En ne laissant rien passer dont il ne se sente personnellement assuré par
son expérience et l’exercice de sa raison ”. Cette idée est en principe portée par
les formes du contrat didactique de toute école “ moderne ”.
Or si le professeur porte seul l’exigence cartésienne, il lui est possible
d’enseigner les mathématiques en ne gardant en mémoire que l’objet
mathématique dont traite le dernier cours professé : la suite de ce cours est
déterminée seulement par la logique interne de l’exposé du professeur, une
logique du fonctionnement officiel de la classe. Cette logique sans mémoire
donne la raison des savoirs que l’enseignant expose, mais elle ne constitue ni la
raison de l’étude que les élèves doivent mener ni la cause de leur savoir. Bientôt,
chaque élève ne peut plus accepter d’être surpris par un nouveau résultat car il ne
peut plus revivre en personne les surprises premières en revenant à des
expérimentations originelles. Alors, chacun dans la classe peut avoir entendu dire
que les mathématiques sont des produits de l’expérience humaine, nul ne se
comporte plus en conséquence. Le résultat unanime proclamé d’emblée “ 4 et 3
sont 7 ” exclut la pensée personnelle qui peut nécessiter le retour au compte sur
les doigts de quatre pommes et trois poires et au dénombrement des sept doigts.
Le résultat proclamé finit par détruire la confiance dans l’universalité des résultats
mathématiques, car l’universalité d’un objet n’existe pour chacun que dans la
mesure où chacun peut éprouver pour son propre compte l’objet universel.
Pour réaliser l’intention d’enseigner qui la définit, l’Ecole transforme chaque
petit d’homme en Elève et montre aux élèves les savoirs à apprendre en leur
faisant (dans le meilleur des cas) éprouver le besoin de chacun de ces savoirs pour
leur en montrer la nécessité. C’est chaque fois, lorsque la relation est heureuse,
une surprise porteuse d’un plaisir toujours renouvelé par la satisfaction du
besoin : le plaisir de l’intelligence qui se risque.L’action de l’Ecole exerce sans
aucun doute aussi une contrainte sur les petits d’homme : le corps social les
nomme “ enfants ” pour s’autoriser de les élever. Assumée dès le XVIe siècle par
certaines couches sociales comme prix de la transmission des privilèges
économiques et culturels, cette contrainte s’exerce aujourd’hui sur tous : sans
doute est-elle considérée comme vitale pour la société qui l’exerce. Les enfants
s’en accommodent lorsqu’elle est vécue dans un rapport de confiance, parce
qu’elle apparaît comme la discipline nécessaire à la connaissance et à
l’articulation réussie du projet social avec le projet familial. Ils s’en accomodent
lorsqu’elle les aide à engager une dynamique personnelle d’entrée dans la
dimension intellectuelle de la vie d’homme. Et ils attendent toujours du
professeur qu’il ne l’exerce pas au-delà du nécessaire, qu’il ne redouble pas sur la
scène scolaire les contraintes internes au sujet en exerçant une contrainte sans
efficacité didactique.
C’est pourquoi les conditions de l’entrée des élèves en rapport avec les savoirs
sont fragiles ; c’est pourquoi la “ remédiation des échecs ” suppose souvent un
travail difficile, lorsqu’il s’agit de montrer et de garantir la dimension médiatrice
d’une pratique scolaire. Cette pratique est en effet vécue par certains sujets de
l’institution comme leur faisant personnellement violence en leur imposant par
exemple, de naître au savoir alors qu’ils se sentent moins en danger à l’abri de ce
monde. Cependant, un peu comme Guy Brousseau l’a faite avec Gaël (mais cela
prend souvent plus de huit séances, et un travail collectif en petits groupes est
toujours mieux venu) une analyse du contrat scolaire relatif aux savoirs peut être
proposée aux élèves en difficulté : c’est un des moyens pour les engager à venir
occuper la position d’élève, à accepter d’être surpris et de surprendre pour arriver
à connaître, c’est-à-dire accepter d’être fait ignorant d’un savoir nouveau,
accepter d’éprouver le manque d’un savoir qui semble ancien et de le dire,
accepter d’avoir imaginé des solutions à des problèmes que les autres ne se sont
pas posé. Mais très généralement, cela suppose que l’Ecole, sûre de ses moyens et
de ses effets, puisse proposer aux élèves un espace relativement isolé de ce que
l’on appelait il n’y a guère “ le Monde ” pour signifier qu’il était le domaine de
l’action et des passions adultes.
10. QUESTIONS ÉTUDIÉES, ET QUESTIONS VIVES DE LA
RECHERCHE ACTUELLE
1. Le contrat des situations didactiques et le milieu des situations adidactiques :
les éléments pérennes, les objets naturalisés, les ruptures de contrat dues à la
dénaturalisation des objets. Brousseau (1986), Chevallard (1988), Mercier
(1988).
2. Les notions de rapport institutionnel (ou, d’un sujet) à un objet, leur lien
avec les notions de contrat didactique et de milieu. Chevallard (1989).
3. La dimension sociale dans les réalisations observables du contrat
didactique : l’ostension et l’ostension déguisée. Salin et Berthelot (1992).
4. La dimension sociale dans les situations didactiques et les effets différentiels
du contrat didactique. Schubauer-Leoni (1986).
5.La dimension personnelle dans les réalisations observables du contrat
didactique : les effets biographiques du contrat. Mercier (1992).
6. L’observation des interactions entre les situations (supradidactiques) pour le
maître et les situations (infradidactiques) pour l’élève. Margolinas (1993).
7. Les effets du contrat dans le sens des apprentissages. Sarrazy (1996).
8. Les ingénieries du contrat, et les gestes d’enseignement. Sensevy (1994).
9. L’espace du contrat. En dehors de la classe, les gestes de l’étude ; dans la
classe, les organisations praxéologiques. Chevallard, Bosch et Gascn (1997).
10. Le contrat initial à la maternelle. Laurence Garcion-Vautor (1994).
L’entrée dans un contrat didactique. Noëlle Coustau (1996).
11. L’importance et la nécessité d’une Ecole pour l’Observation dans les
recherches sur l’enseignement et en particulier, sur l’action du professeur. Guy
Brousseau (1995).
12. Le contrat revisité : vers une théorie de l’action professorale, envisagée à
partir de la notion de régulation d’un système. Guy Brousseau (1995).
Certaines de ces questions sont des questions vives de la recherche, elles
appartiennent à toute la communauté. Les travaux que j’ai présentés comme ceux
dont je n’ai pas parlé devant vous abordent souvent celles qui relèvent des
“ grands problèmes ” de la didactique des mathématiques, sans qu’on puisse dire
qu’à l’heure actuelle nous ayons beaucoup de résultats à la fois généraux,
significatifs, et communicables. Je présenterai trois des questions vives qui
guident mon questionnement de chercheur.
Peut-on transformer le contrat didactique ?
J’espère vous en avoir convaincu, toutes les recherches de Guy Brousseau ont
fait avancer cette question, pratiquement tout autant que théoriquement. Yves
Chevallard travaille en ce sens, en interrogeant le rapport du professeur aux
mathématiques et à la direction de l’activité mathématiques des élèves. Les
recherches actuelles explorent des solutions pratiques dont le coût de production
pourrait être réduit, en observant les manières qu’ont développé les professeurs,
dans leurs pratiques quotidiennes. La question du milieu, et plus généralement de
gestion enseignante de la dimension adidactique, est la question théorique
centrale des études actuelles.
Comment entre-t-on dans un contrat didactique ?
Cette question, réglée en pratique dans la plupart des cas, est essentielle dans
l’aide à l’enseignement des élèves en difficulté, qui doivent trouver le chemin du
retour dans le contrat de leur classe ; dans la compréhension de l’efficacité de
l’école maternelle pour certains élèves, et de son inefficacité pour d’autres. Des
études expérimentales sur le contrat didactique relatif aux activités non
disciplinaires de l’Ecole Maternelle sont en cours, elles devraient déboucher sur
une forme de compréhension de l'efficacité de cette institution.
Peut-on comprendre le contrat didactique dans lequel on est pris ?
Cette question est essentielle dans la formation des professeurs, et dans l’aide
aux élèves. Les dispositifs qui permettraient l’analyse didactique des pratiques
didactiques par les praticiens eux-mêmes ne sont encore qu’à l’état d’objets rêvés.
Mais il semble que ce rêve ne soit plus de l’ordre de la rêverie, et qu’il commence
à mobiliser les imaginations.
CONCLUSION
Cette liste de travaux en témoigne : le projet, formulé il y a trente ans par Guy
Brousseau, d’étudier expérimentalement les conditions d’une genèse artificielle
des savoirs mathématiques, demeure pour nous qui avons la chance de l’avoir
quelque peu partagé, un rêve qui se réalise en produisant des réalités nouvelles.
De la notion primitive de “ variable de commande d’une stratégie ” à celle de
“ situation, modélisée comme le jeu d’un élève avec un milieu qui peut
caractériser un savoir ”, Guy Brousseau a confronté les modèles successifs à leuir
domaine de réalisation (l’enseignement des mathématiques) grâce à un dispositif
expérimental unique, le COREM et son Ecole pour l’Observation. En complétant
les modèles initiaux par le concept de contrat didactique, il a relancé le
questionnement didactique, et l’étude du didactique est aujourd’hui une
dimension de l’étude des activités sociales.
Les recherches que Guy Brousseau a dirigées et celles qu'il a suscitées ont pour
enjeu la re-didactification de la relation didactique, pour que les professeurs
puissent assumer leur responsabilité sociale et rendre compte de la manière dont
ils accomplissent la mission qui leur est confiée. Je ne serais donc pas arrivé au
terme de ma tâche d’aujourd’hui si je n’avais pas parlé de ce double sentiment,
toujours présent lorsqu’on est en relation avec Guy Brousseau, qu’on travaille
avec lui ou qu’on le lise : le réalisme avec lequel il pense, qui fait que, toujours,
une idée cherche les moyens de son invalidation avant d’être rendue publique ; le
respect des élèves, et de la mission qui est celle d’un enseignant, qui fait que,
toujours, une idée est mise à l’épreuve des effets qu’elle aura sur le rapport de ces
élèves-ci avec les mathématiques qui leur sont enseignées, et sur la qualité des
productions mathématiques que les élèves sont invités à réaliser. Voici, en
exemple de cette présence permanente, un extrait d’un des textes qui vous a été
distribué pour la préparation de ces Journées. Je l’ai choisi parce que c’est à sa
relecture, que la nécessité de cette conclusion s’est imposée à moi (Fondements et
méthodes de la didactique des mathématiques. Recherches en didactique des
mathématiques, 7.2, p. 108) :
“ […] Alors que l’informateur et l’informé ont des rapports dissymétriques
avec le jeu (l’un sait une chose que l’autre ignore), le proposant et l’opposant
doivent être dans des positions symétriques, aussi bien en ce qui concerne les
informations et les moyens d’action dont ils disposent qu’en ce qui concerne
leurs rapports réciproques, les moyens de se sanctionner mutuellement et les
enjeux vis à vis du couple milieu-message.
En particulier, (je le souligne)l’un des joueurs ne doit pas avoir la
possibilité d’obtenir l’accord de l’autre par des moyens “ illégitimes ” tels que
l’autorité, la séduction, la force, etc.
La didactique se trouve devant le défi de produire des situations qui
permettent à l’élève de mettre en œuvre les savoirs et les connaissances
mathématiques comme moyens effectifs de convaincre (et donc de se
convaincre) tout en le conduisant à rejeter les moyens rhétoriques qui ne sont
pas de bonnes preuves ou réfutations.
Le sens exact des déclarations de mathématiques est conditionné par cet
éventail de choix ; ce que dit un théorème c’est aussi ce qu’il contredit […] ”
Ce n’est pas une pétition de principe sans effet, mais l’expression de ce que
près de vingt ans de travaux ont opiniâtrement construit et que les pages
précédant cette citation ont montré point par point. Vous avez marqué par votre
invitation que vous l’avez entendu. La confrontation avec les exigences de cette
position éthique nous amènera à poursuivre, avec Guy Brousseau, l’exploration
du monde didactique dont il nous a ouvert la connaissance.
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