¶ 7-007-B-15 Conduite à tenir devant une cholestase J.-A. Bronstein, J.-L. Caumes, M. Richecoeur, A.-S. Lipovac La cholestase est une situation clinique fréquente en pratique quotidienne. Elle peut être évoquée devant des signes cliniques (ictère, prurit), ou biologiques (augmentation des phosphatases alcalines [PAL], des cGT). La cholestase peut être isolée ou associée à d’autres anomalies clinicobiologiques qui peuvent accompagner ou révéler une maladie hépatobiliaire. La démarche diagnostique est grandement facilitée par l’échographie abdominale. De nouvelles techniques d’imagerie médicale, notamment la cholangiographie par résonance magnétique et l’échoendoscopie, sont plus sensibles que la tomodensitométrie. Le cathétérisme rétrograde par voie endoscopique ne garde que des indications à visée thérapeutique. On distingue habituellement les cholestases intrahépatiques, des cholestases extrahépatiques. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Cholestase ; Cholestase intrahépatique ; Cholestase extrahépatique ; Ictère ; Prurit ; Échographie abdominale ; Cholangiographie par résonance magnétique Plan ¶ Physiopathologie Mécanismes Conséquences 1 1 1 ¶ Circonstances de découverte 2 ¶ Diagnostic positif : le syndrome cholestatique Cholestase clinique Cholestase biologique 2 2 2 ¶ Diagnostic étiologique Arguments du diagnostic Explorations morphologiques Étiologies 3 3 3 4 ¶ Traitement En cas de cholestase extrahépatique En cas de cholestase intrahépatique 5 5 5 ■ Physiopathologie Mécanismes La cholestase est définie par la diminution du débit de bile dans le duodénum. Cela peut refléter une anomalie du métabolisme de la bile, du pôle basal de l’hépatocyte à l’ampoule de Vater. On distingue habituellement les cholestases extrahépatiques et les cholestases intrahépatiques. Cholestases extrahépatiques Une obstruction des canaux biliaires détermine successivement une dilatation des voies biliaires extrahépatiques, des voies biliaires intrahépatiques, une augmentation de la perméabilité canaliculaire, une inversion de la polarité de l’hépatocyte qui font que les substances normalement sécrétées dans la bile vont refluer dans le sang. Quand la cholestase se prolonge, elle Hépatologie détermine, par des mécanismes inconnus, une néocanaliculogenèse, une fibrose puis une cirrhose appelée cirrhose biliaire secondaire. Cholestases intrahépatiques Elles peuvent être dues : • soit à une obstruction des voies biliaires intrahépatiques, par altération des canaux biliaires comme dans la cirrhose biliaire primitive, ou par une tumeur comprimant les voies biliaires ; • soit à une altération des systèmes de transport hépatocytaires responsables de la sécrétion biliaire. Au niveau de la membrane basale de l’hépatocyte, il s’agit principalement de l’adénosine triphosphate (ATP) Na+ , K+ dépendante (Na+ , K+ - ATPase). Cette pompe électrogénique permet de maintenir le gradient transmembranaire de sodium comme source d’énergie pour la captation de nombreux substrats. Au niveau intracellulaire, les substrats peuvent rejoindre le pôle canaliculaire soit par diffusion (généralement sous forme liée à des protéines), soit éventuellement par une voie vésiculaire impliquant le réticulum endoplasmique et l’appareil de Golgi. Au niveau de la membrane canaliculaire, les acides biliaires sont transportés par deux systèmes. L’un est un transporteur dépendant de l’ATP, l’autre est un système électrogénique dépendant du potentiel de membrane. L’atteinte de ces transporteurs, en particulier par les médicaments, peut entraîner une cholestase. Conséquences Les manifestations cliniques et biologiques de la cholestase résultent (Tableau 1) : • de l’accumulation dans le sang et d’autres tissus de substances normalement excrétées dans la bile, incluant les acides biliaires, la bilirubine, les lipides biliaires et plusieurs enzymes de la membrane cytoplasmique des hépatocytes ; • de la malabsorption des graisses et des vitamines liposolubles A, D, E, K provenant d’une concentration postprandiale insuffisante d’acides biliaires dans la partie haute de l’intestin grêle. 1 7-007-B-15 ¶ Conduite à tenir devant une cholestase Tableau 1. Signes cliniques et biologiques du syndrome cholestatique. Conséquences cliniques A. Primaires : accumulation des constituants biliaires Bilirubine Ictère Acides biliaires Prurit Substances pruritogènes Lipides Xanthomes, xanthélasma Anomalies morphologiques des hématies Cuivre Anneau de Kayser-Fleischer Enzymes hépatiques Phosphatases alcalines 5’ nucléotidase Gammaglutamyl transpeptidase B. Secondaires : diminution de la concentration intestinale d’acides biliaires entraînant la malabsorption de Graisses alimentaires Stéatorrhée Amaigrissement Vitamine A Héméralopie Vitamine D Ostéomalacie Vitamine E Neuromyélopathie Vitamine K Syndrome hémorragique ■ Circonstances de découverte Différents tableaux peuvent se présenter : • soit un contexte bruyant (fièvre, encéphalopathie). Il est alors urgent d’en rechercher la cause et de la traiter ; • soit l’absence de signe de gravité. On a alors le temps de faire le point. Il peut s’agir de signes cliniques ou biologiques révélant ou compliquant une maladie hépatobiliaire, il peut s’agir d’une anomalie purement biologique de découverte fortuite. ■ Diagnostic positif : le syndrome cholestatique (Tableau 1) Cholestase clinique L’ictère et le prurit sont les manifestations essentielles. L’ictère se caractérise par une coloration jaune des conjonctives et des téguments. Les urines sont foncées, les selles sont décolorées. L’intensité de l’ictère est variable. En cas d’ictère intense, la peau peut avoir des reflets verdâtres. L’ictère n’est pas constant au cours de la cholestase. Il peut apparaître très tardivement des semaines, voire des années après comme au cours de la cirrhose biliaire primitive. Le prurit est très probablement en rapport avec la présence de sels biliaires dans la peau, mais aussi à la fixation de ligands des opiacés endogènes sur les récepteurs centraux et d’une activation des mastocytes avec libération de médiateurs dont l’histamine. [5, 11] C’est un signe majeur mais inconstant de la cholestase survenant chez 20 à 50 % des malades ictériques et chez la plupart des malades ayant une cirrhose biliaire primitive. Ce syndrome clinique classique ne préjuge pas forcément du mécanisme de la cholestase. Cholestase biologique Elle se définit par l’élévation de la bilirubine conjuguée (BC), de la phosphatase alcaline (PAL), une augmentation de la gammaglutamyl transpeptidase (cGT) à des taux supérieurs à deux fois la normale, une augmentation du cholestérol sérique et de la concentration des sels biliaires, ainsi que la présence de la bilirubine dans les urines. [9] Un autre marqueur peut être rajouté ; augmentation de la 5’ nucléotidase (5NU), spécifique d’une maladie hépatobiliaire. 2 Phosphatases alcalines L’origine de la PAL est hépatique, intestinale, rénale et placentaire. Une élévation supérieure à quatre fois la valeur normale est retrouvée chez 75 % des patients présentant une cholestase prolongée. Une augmentation de cette importance se rencontre dans les obstructions. Malgré tout, cette augmentation ne préfigure pas de la nature intra- ou extrahépatique de l’obstruction. Une élévation modérée jusqu’à trois fois la valeur normale n’est pas spécifique de telle ou telle maladie hépatobiliaire. Les principales causes d’élévation de la PAL sont l’obstruction partielle des voies biliaires, la cirrhose biliaire primitive, la cholangite sclérosante, les ductopénies biliaires, les médicaments comme les androgènes, la phénytoïne, certaines granulomatoses (sarcoïdose). Gammaglutamyl transpetidase L’élévation de la cGT reflète le même spectre d’anomalies que l’augmentation des PAL. L’augmentation de la cGT est souvent corrélée avec celle des PAL. Quelques auteurs ont suggéré que la cGT avait une meilleure sensibilité que la PAL, mais elle manque de spécificité. L’augmentation de la cGT est notée dans un nombre de situations cliniques (maladies du pancréas, infarctus du myocarde, diabète, bronchopathie chronique obstructive). L’augmentation de la cGT est un test sensible dans l’alcoolisme variant entre 52 et 94 %. Compte tenu de son manque de spécificité, une élévation de la cGT sans augmentation de la PAL ou de la 5NU ne doit pas orienter vers une maladie hépatique. 5’ nucléotidase L’élévation de cette enzyme est rencontrée dans les mêmes circonstances que la PAL. Elle détecte aussi bien les obstacles, les infiltrations, et les processus occupants. Si les valeurs des deux enzymes (PAL et 5NU) sont souvent corrélées, leurs variations ne sont pas forcément proportionnelles. Ainsi, chez certains patients, une enzyme peut être élevée et l’autre normale. Ainsi, l’intérêt majeur du dosage de la 5NU est sa grande spécificité. Une élévation de cette enzyme associée à une augmentation des PAL suggère une origine hépatique chez une personne non enceinte. Cependant, compte tenu de l’existence d’exceptionnelle dissociation entre ces deux enzymes, une augmentation de la PAL sans élévation des 5NU peut être aussi d’origine hépatique. On distingue habituellement les cholestases récentes ou de courte durée qui apparaissent souvent dans un contexte suggérant leur étiologie. Dans les cholestases prolongées ou chroniques, la cholestase peut être initialement anictérique, asymptomatique ou entraîner un prurit et/ou une asthénie. Il existe une augmentation de la concentration circulante des acides biliaires, des PAL et de la cGT. L’activité des aminotransférases est modérément élevée. La cholestase devient ensuite ictérique. Le prurit est fréquent, mais non constant. Il existe une stéatorrhée, entraînant une malabsorption des graisses et des vitamines liposolubles. Un amaigrissement apparaît. Une pigmentation de mélanine peut s’ajouter à l’ictère. Des xanthomes sous-cutanés secondaires à l’hypercholestérolémie peuvent se développer, en particulier sur les paupières. La malabsorption de la vitamine A et de la vitamine E entraîne exceptionnellement des symptômes chez l’adulte. L’ostéopénie est, en revanche, fréquente, mais la malabsorption de la vitamine D ne joue pas un rôle important. Il s’agit essentiellement d’une ostéoporose. Cette ostéopénie peut être asymptomatique ou entraîner des douleurs osseuses, des tassements vertébraux et des fractures. La bilirubine conjuguée dépasse rarement 500 µmol/l. Lorsque la bilirubine dépasse 500 µmol/l, il faut rechercher soit une insuffisance rénale, soit une hémolyse associée. Le taux de prothrombine (TP) peut être abaissé du fait d’une malabsorption de la vitamine K. Le facteur V est normal ou augmenté et ne baisse qu’au stade terminal de la maladie lorsque survient une insuffisance hépatocellulaire. Hépatologie Conduite à tenir devant une cholestase ¶ 7-007-B-15 ■ Diagnostic étiologique Cholangiographie par résonance magnétique ou bili-IRM Arguments du diagnostic Comme pour toutes les techniques d’IRM, il y a plusieurs stratégies pour effectuer une bili-IRM. Toutes utilisent, à la base, une séquence fortement pondérée en T2 dans laquelle les fluides stationnaires, tels que la bile et les sécrétions pancréatiques, ont un hypersignal intense par rapport aux tissus hépatique ou pancréatique environnants. Les voies biliaires intra- et extrahépatiques normales sont visualisées dans plus de 90 % des cas. [15] Les variantes anatomiques sont dépistées avec précision. [19] L’existence et le site d’un obstacle biliaire sont respectivement déterminés dans 90 à 100 % et 85 à 100 % des cas. [20] Les lésions bénignes ou malignes sont distinguées dans au moins 80 % des cas. [4] Les calculs de la voie biliaire principale sont détectés à partir de 4 mm de diamètre, mais ne peuvent être différenciés d’un caillot sanguin, d’une tumeur, d’un sludge, ou de parasites. [3] En cas de dilatation de la voie biliaire principale, la sensibilité pour dépister une lithiase de la voie biliaire principale de plus de 4 mm est de 90 à 95 % par rapport à la cholangiographie rétrograde perendoscopique. [2] Le rôle de la bili-IRM dans le diagnostic des cancers des voies biliaires n’est pas encore bien défini. La valeur prédictive positive de détection d’un cholangiocarcinome est de 86 %, la valeur prédictive négative de 98 %. [7] Ces résultats sont peut-être surestimés. [16] La bili-IRM permet de détecter et d’évaluer l’extension des obstructions hilaires et périhilaires. [23] En cas de pancréatite aiguë, la biliIRM est utile pour évaluer les voies biliaires, la présence d’une lithiase, l’aspect des canaux pancréatiques, la présence de kystes pancréatiques. [18] Elle permet aussi de distinguer un cancer du pancréas d’une pancréatite chronique. [1] Actuellement, son principal inconvénient est sa disponibilité réduite. [21] L’interrogatoire doit rechercher : la prise de médicaments, de drogues, d’alcool, rechercher des facteurs de risque d’infections par les virus hépatotropes, les antécédents chirurgicaux, en particulier une cholécystectomie, des antécédents familiaux et personnels de maladies du foie, le statut au virus de l’immunodéficience humaine (VIH), un séjour outre-mer. Il est utile de rechercher ensuite les signes cliniques accompagnant l’installation de la cholestase : douleur de type biliaire, ou pancréatique, altération de l’état général, fièvre. L’examen clinique peut révéler un signe de Courvoisier, des signes d’insuffisance hépatocellulaire ou d’hypertension portale, comme une ascite, une splénomégalie, des angiomes stellaires, ou une gynécomastie. Certains éléments suggèrent l’étiologie néoplasique comme un gros foie nodulaire et douloureux, une vésicule palpable, des adénopathies sus-claviculaires. Les examens biologiques simples permettent une orientation étiologique. Une polynucléose oriente plutôt vers une angiocholite, une hépatite alcoolique, une leucopénie vers une hépatite virale, l’hyperéosinophilie vers une hépatite médicamenteuse. Une anémie évoque un saignement ou un cancer, une polyglobulie un syndrome paranéoplasique. Les aminotransférases (AT) très élevées orientent vers une hépatite (virale, toxique, médicamenteuse). Les AT élevées peuvent se rencontrer au cours des obstructions biliaires aiguës. Les AT élevées de façon modérée se rencontrent dans la cholestase pure et dans toutes les maladies aiguës ou chroniques du foie. Une hypergammaglobulinémie oriente vers une hépatopathie chronique, un bloc bc vers une cirrhose. D’autres marqueurs peuvent être recherchés : tests sérologiques pour les virus hépatotropes, surcharge ferrique (coefficient de saturation de la sidérophiline, ferritine), recherche d’autoanticorps (anticorps antimitochondries, antimuscles lisses, anti-liver/kidney microsomes [anti-LKM]), recherche d’un déficit de la céruléoplasmine, d’un déficit en $1-antitrypsine. Explorations morphologiques Échographie L’échographie est l’examen morphologique de choix à réaliser dans le diagnostic étiologique des cholestases. La facilité d’accès, le caractère non invasif, peu onéreux, non ionisant, l’absence de contre-indication sont autant de facteurs qui font que cet examen est le prolongement naturel de l’examen clinique. Il peut être réalisé au lit du malade. Il permet de savoir s’il s’agit d’une cholestase extrahépatique par la mise en évidence d’une dilatation des voies biliaires. La sensibilité de cet examen dans la détection d’une dilatation des voies biliaires et d’une obstruction des voies biliaires varie entre 55 et 91 %. [13, 14] La sensibilité augmente lorsque la concentration sérique en bilirubine s’aggrave et avec la durée prolongée de l’ictère. [6] Le canal hépatique commun, dont le diamètre transversal est inférieur à 7 mm, doit être considéré comme normal. Un obstacle est possible lorsqu’il est plus large. Dans un petit nombre de cas, cet examen peut se solder par un résultat faussement négatif, soit en raison d’une erreur de l’échographiste, soit lorsqu’il n’existe pas de véritable dilatation comme c’est parfois le cas au cours d’une lithiase de la voie biliaire principale, ou bien en cas d’obstacle récent. D’autres situations peuvent ne pas entraîner une dilatation des voies biliaires : une infiltration pariétale diffuse, une cholangite sclérosante. Les voies biliaires intrahépatiques normales peuvent être détectées. Lorsqu’elles sont dilatées, elles deviennent évidentes et sont parfois plus larges que les branches portales adjacentes (signes du canon de fusil). Le doppler est un moyen utile pour différencier les vaisseaux des voies biliaires, car ces dernières ne génèrent aucun signal enregistrable. Les dilatations intrahépatiques sont plus évidentes dans le lobe gauche, même en cas d’obstruction symétrique car ce secteur est plus facilement étudié. Quand les voies biliaires intrahépatiques sont dilatées, l’obstruction biliaire est presque certaine. Hépatologie Échoendoscopie Cet examen permet d’évaluer le canal hépatique commun en positionnant l’extrémité de l’endoscope dans la portion verticale du duodénum. La portion basse du canal hépatique et l’ampoule sont alors bien dégagées. Cette méthode apparaît être la seule capable de permettre une image de l’ampoule. Elle semble avoir une très bonne sensibilité et spécificité pour le diagnostic de carcinome de l’ampoule et pour celui de calcul enclavé dans le canal cholédoque. [10] Tomodensitométrie (TDM) Sa sensibilité et sa valeur prédictive sont comparables à celle de l’échographie dans le diagnostic d’obstruction. Sa place est limitée dans l’exploration de première intention des voies biliaires. En revanche, son intérêt principal réside dans le bilan d’extension à distance des tumeurs biliopancréatiques. [8] La TDM est plus sensible que l’échographie pour identifier de petits abcès, des collections extrahépatiques, de l’air et des calcifications. Cholangiographie rétrograde perendoscopique (CPRE) Une opacification rétrograde des voies biliaires peut être effectuée lorsqu’un cathétérisme endoscopique de la papille est possible. Le taux de succès est habituellement supérieur à 90 %. Cette méthode montre le pôle inférieur de l’obstruction et permet une sphinctérotomie lorsqu’elle est nécessaire, aussi bien que la visualisation et des biopsies de l’ampoule de Vater. Si une lésion obstructive peut être cathétérisée, une endoprothèse peut être déployée à partir du bas. Biopsie hépatique (PBH) Cet examen a une place privilégiée dans l’approche diagnostique et la recherche d’une cholestase chronique. Cet examen s’attache à rechercher : • des signes d’obstacle pour éliminer une pathologie sur l’arbre biliaire extrahépatique ; • une maladie de l’arbre biliaire intrahépatique en recherchant des signes caractéristiques d’une cirrhose biliaire primitive à un stade floride ou une cholangite sclérosante primitive ; 3 7-007-B-15 ¶ Conduite à tenir devant une cholestase En faveur d’une cause médicamenteuse, on retient : la prise de médicaments hépatotoxiques, la mise en évidence d’une hyperéosinophilie, l’amélioration des anomalies du bilan hépatique après arrêt du traitement. Cholestase Interrogatoire Anamnèse Examen clinique Situation non urgente Contexte clinique évocateur Éliminer les urgences Présence d'un contexte clinique Non Oui Échographie Anormale Normale Anomalies hépatiques diffuses Anomalies hépatiques focalisées Bili-IRM Échoendoscopie Normale Biopsie du foie Anormale Anomalies des voies biliaires Cholangiopathie Granulomatose Fibrose Amylose Figure 1. Conduite à tenir devant une cholestase. • une infiltration granulomateuse comme dans la sarcoïdose ; • enfin l’examen anatomopathologique permet parfois de rattacher une cholestase purement biologique et sans traduction histologique à une stéatose, une hyperplasie nodulaire régénérative, une maladie vasculaire, etc. Étiologies (Fig. 1) Il est important dans un premier temps de dépister les urgences qui incitent à un diagnostic et un traitement précoces. En l’absence d’urgence, deux situations cliniques sont alors possibles : il existe un contexte clinique ou non. L’échographie guide le diagnostic. Le bilan clinique et échographique permet un diagnostic dans 75 % des cas. [17] Si l’échographie est normale, la bili-IRM, l’échoendoscopie, la PBH sont alors envisagées au cas par cas. Situation d’urgence clinique Angiocholite Il s’agit d’un tableau d’ictère douloureux et fébrile, d’intensité variable. La triade de Charcot n’est présente que dans un peu plus d’un tiers des cas. La douleur est absente dans 25 % des cas. La polynucléose franche est un élément d’orientation. La possibilité est l’évolution vers un syndrome septicémique. Dans 5 % des cas l’échographie ne montre ni lithiase, ni dilatation des voies biliaires. Ceci renforce l’intérêt de la bili-IRM. Hépatites aiguës Le risque majeur est l’apparition d’une insuffisance hépatocellulaire (IHC) (chute du taux de prothrombine et du facteur V). En faveur d’une origine virale aiguë (A, B, C, D, E), on retient : la notion de contact, la phase préictérique, l’élévation importante des alanines aminotransférases (ALAT), la positivité des marqueurs sériques. Les hépatites du groupe Herpesviridae (cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr [CMV, EBV]) causent plutôt des hépatites cholestatiques. Une forme clinique cholestatique d’hépatite virale A doit être connue. 4 Devant un antécédent de cholécystectomie pour lithiase ou s’il existe une lithiase vésiculaire en échographie, il faut éliminer en priorité une lithiase de la voie biliaire principale (VBP). Selon les moyens, une bili-IRM ou une échoendoscopie sont les premières explorations. Devant un ictère progressif avec une altération de l’état général on évoque un cancer de la tête du pancréas, ou des voies biliaires. L’examen met en évidence une grosse vésicule, souvent associée à un prurit. Le diagnostic repose sur la biliIRM, qui met en évidence une dilatation des voies biliaires selon le siège de l’obstruction, une infiltration de la voie biliaire, la TDM permet de faire un diagnostic topographique de syndrome tumoral de la tête du pancréas. L’augmentation du CA19.9 doit être interprétée avec prudence. En cas d’alcoolisme, il faut penser à une hépatite alcoolique. Le tableau clinique est celui d’un ictère fébrile pseudoangiocholitique. L’examen biologique met en évidence une polynucléose, une hypertransaminasémie prédominant sur les aspartates aminotransférases (ASAT). Il existe une IHC. Le diagnostic est porté par PBH. S’il existe une hépatopathie chronique connue : il faut rechercher une cause aggravante En cas de grossesse trois diagnostics sont possibles. La stéatose aiguë gravidique d’abord, évoquée au troisième trimestre de la grossesse devant des douleurs abdominales, un ictère, une hypertension artérielle, une hypertransaminasémie. Une chute du facteur V est habituelle. Le pronostic maternofœtal de cette affection a radicalement été transformé par l’accouchement précoce. La cholestase intrahépatique gravidique ensuite qui se manifeste par un prurit qui rend la grossesse à risque pour le fœtus. Au cours de la pré-éclampsie, enfin, des lésions hépatiques très sévères peuvent apparaître. Dans un contexte infectieux, il faut éliminer la cholestase des maladies infectieuses. Elle se rencontre principalement au cours des infections bactériennes à Gram négatif. D’autres agents infectieux peuvent être impliqués : leptospirose, mycobactéries, rickettsies, tréponèmes. Le VIH favorise d’autres agents infectieux : CMV et cryptosporidiose. En cas de cardiopathie connue, la présence d’un gros foie douloureux évoque un foie cardiaque avec un reflux hépatojugulaire. L’état des veines sus-hépatiques doit être précisé, si cela n’a pas été fait sur l’échographie « standard ». L’alimentation parentérale (NPT) est à l’origine d’une cholestase : 20 % à 100 % des malades qui reçoivent une NPT présentent des perturbations des enzymes hépatiques. Ces écarts reflètent probablement la présence variable d’autres facteurs de risque d’atteinte hépatique, tels que la maladie sous-jacente à l’origine de l’indication d’une NPT (maladie inflammatoire chronique idiopathique de l’intestin [MICI], néoplasie ou sepsis). D’autres circonstances peuvent être retrouvées : la découverte d’une cholestase chez une femme ayant un CREST syndrome oriente d’emblée vers une cirrhose biliaire primitive. S’il existe une MICI connue, une cholangite sclérosante est envisagée. Chez un malade ayant une sarcoïdose ou une collagénose, une granulomatose est envisagée. Contexte clinique sans orientation Anomalies hépatiques focalisées à l’échographie. Il peut s’agir d’un cancer primitif ou secondaire du foie. L’échographie et le scanner mettent en évidence un syndrome tumoral. Les marqueurs tumoraux orientent le diagnostic. La biopsie du foie échoguidée permet d’obtenir une preuve histologique. Dans un contexte d’hépatopathie chronique, on évoque un carcinome hépatocellulaire. Dans le cas contraire, on pense à une métastase d’un cancer digestif, pulmonaire ou génital. Hépatologie Conduite à tenir devant une cholestase ¶ 7-007-B-15 Tableau 2. Causes des cholestases intrahépatiques. Cirrhose biliaire primitive Atteint la femme aux alentours de la ménopause Anticorps antimitochondries supérieurs à 1/100 PBH : signes histologiques de cholangite non suppurative avec destruction des canaux biliaires de petite et moyenne taille. Granulomatose : sarcoïdose, tuberculose Contexte clinique avec manifestations extrahépatiques de la maladie générale PBH : granulomes Hyperplasie nodulaire régénérative (HNR) Révélée habituellement par les conséquences de l’hypertension portale. Une cholestase peut être le seul signe. PBH avec coloration de la trame réticulinique Amylose hépatique Une cholestase anictérique est présente dans 60 à 80 % des amyloses hépatiques AL et AA respectivement. L’atteinte hépatique n’est révélatrice que dans moins de 20 % des cas. L’hépatomégalie est habituelle. Les dépôts amyloïdes sont recherchés dans un autre tissu que le foie en raison du risque hémorragique accru de la PBH. Dilatation sinusoïdale ou péliose Contexte favorisant : prise d’estrogènes à forte dose ou d’androgènes, ou prise d’azathioprine PBH Maladie de Rendu-Osler L’atteinte hépatique est retrouvée chez plus de 30 % des malades. Les formes asymptomatiques sont fréquentes. Une cholestase anictérique est présente dans 50% des cas PBH : aspect histologique variable ; lésions d’HNR, péliose ; foie cardiaque. Ductopénie idiopathique Plusieurs formes anatomocliniques : formes sévères rentrant ou non dans le cadre d’une maladie d’Alagille, ou formes apparemment bénignes de découverte fortuite chez des patients asymptomatiques PBH Cholestase paranéoplasique Cancer du rein Sarcome rénal Maladies génétiques rares Mucoviscidose : il est exceptionnel que la maladie hépatobiliaire se manifeste avant les signes pulmonaires ou pancréatiques. Cholestases intrahépatiques familiales progressives : Déficit en $1 antitrypsine Porphyrie érythropoïétique Cholestase récurrente bénigne Épisodes récidivant de cholestase clinique et biologique débutant chez l’adulte jeune et entrecoupés de phases de rémission. L’activité de la cGT reste souvent normale Il peut s’agir aussi d’abcès infectieux, bactériens, parasitaires (kyste hydatique, échinococcose alvéolaire, amibiase hépatique). La confirmation est obtenue par la mise en évidence directe du germe ou du parasite, ou par sérologie. Anomalies hépatiques diffuses à l’échographie. Il peut s’agir d’une stéatose hépatique. Les hémopathies ensuite peuvent s’accompagner d’anomalies diffuses. Environ 10 % des malades avec une maladie de Hodgkin développent un ictère. L’apparition d’une cholestase est parfois un signe clinique précoce. [22] Les malades avec un lymphome non hodgkinien peuvent aussi présenter un ictère dû à une infiltration hépatique, une cholestase hépatique non obstructive, une compression tumorale des voies biliaires. Échographie normale. Il est important d’éliminer une anomalie biliaire non détectée par l’échographie par la réalisation d’une bili-IRM et/ou d’une échoendoscopie au niveau de la région ampullaire. Lithiase de la voie biliaire principale. Dans sa forme asymptomatique, l’existence d’une cholestase peut être le seul signe révélateur. L’échographie est peu performante pour ce diagnostic. L’échoendoscopie est l’examen le plus performant pour ce diagnostic. L’ampullome vatérien réalise une cholestase fluctuante. Le diagnostic repose sur l’échoendoscopie et la CPRE avec biopsies. La cholangite sclérosante primitive atteint l’homme jeune avec un début insidieux associant des douleurs de l’hypocondre droit, un prurit. L’échographie retrouve un aspect épaissi de la paroi des voies biliaires. La bili-IRM tend à devenir l’examen de première intention, le cathétérisme rétrograde n’étant pratiqué qu’en cas de difficulté diagnostique ou à visée thérapeutique. Les anomalies observées sont des sténoses souvent longues, parfois multiples, typiquement sans dilatation d’amont nette, Hépatologie PBH : cholestase centrolobulaire pratiquement pure, sans fibrose et avec un infiltrat inflammatoire minime. La maladie a été rattachée à une mutation du gène FIC1. un aspect en « chapelet » est très évocateur. Les lésions histologiques élémentaires sont au nombre de quatre : la fibrose péricanalaire avec cholangite ou atrophie des cellules biliaires, la prolifération néoductulaire, la diminution du nombre de canaux biliaires et la nécrose hépatocytaire parcellaire en bordure de l’espace porte. L’atteinte est le plus souvent intra- et extrahépatique, rarement uniquement intrahépatique (< 20 %) ou uniquement extrahépatique (< 7 %). [12] Parmi les autres causes on peut citer la compression d’origine extrinsèque, complications de la chirurgie biliaire. Finalement, l’absence d’anomalie incite à rechercher une cause intrahépatique : en l’absence d’éléments d’orientation, il paraît logique de débuter l’enquête par la recherche d’anticorps antitissus dont la présence serait en faveur d’une cirrhose biliaire primitive ou d’une cholangite auto-immune. Ensuite, l’examen qui permet le diagnostic des causes les moins rares est la PBH. Les différentes causes sont résumées dans le Tableau 2. ■ Traitement En cas de cholestase extrahépatique Le but est la levée d’obstacle ; le choix du traitement instrumental ou chirurgical dépend de l’âge, du terrain, de la nature de l’obstacle. En cas de cholestase intrahépatique Il est avant tout étiologique. Le traitement du prurit repose classiquement sur la colestyramine (Questran ® ) administrée en dehors des autres prises 5 7-007-B-15 ¶ Conduite à tenir devant une cholestase médicamenteuses. Les antihistaminiques ont une efficacité inconstante ; l’emploi du phénobarbital est déconseillé. L’utilisation de la rifampicine est très fréquemment efficace, cependant son emploi est sujet au risque d’hypersensibilité. En cas de prurit réfractaire, l’emploi des antagonistes opiacés peut se discuter. En cas de cholestase prolongée, avec dénutrition très importante, il peut être utile d’avoir recours à des acides gras à chaînes moyennes, dont l’absorption intestinale peut avoir lieu en l’absence d’acides biliaires. Par voie parentérale, il faut administrer, surtout si le malade est traité par colestyramine, de la vitamine K, de la vitamine A soluble, et de la vitamine D avec supplémentation en gluconate de calcium, de la vitamine E chez l’enfant. [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] ■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [16] Adamek HE, Albert J, Breer H, Weitz M, Schilling D, Riemann JF. Pancreatic cancer detection with magnetic resonance cholangiopancreatography and endoscopic retrograde cholangiopancreatography: a prospective controlled study. Lancet 2000;356:190-3. Ayoub DM, Branham MD, Maxey RB. Incorporation of digital images into an interventional radiology procedure note. J Vasc Interv Radiol 1997;8:663-5. Barish MA, Yucel EK, Soto JA, Chuttani R, Ferrucci JT. 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Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels 6 Iconographies supplémentaires Vidéos / Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations Hépatologie