Marqueurs moléculaires J.-J. Bogers, S. Sahebali et J. Vandepitte RÉSUMÉ POINTS CLÉS Les techniques de détection moléculaire sont de plus en plus utilisées dans le domaine de la morphologie traditionnelle, pour accroître la précision des diagnostics relatifs au dépistage du cancer cervical et de la prise en charge générale du cancer. Non seulement la détection et le typage du HPV deviennent un nouveau standard clinique, mais l’identification et la détection des autres marqueurs moléculaires gagnent également de l’importance, leur rôle dans la carcinogenèse devenant plus marquant. Plutôt que de considérer ces techniques et ces développements comme étrangers à la morphologie, nous soutenons que l’intégration de ces nouvelles méthodes au sein des pratiques cliniques et morphologiques existantes permettra des diagnostics plus complets et plus précis, au bénéfice de tous. Dans ce chapitre, nous proposons une vue d’ensemble des différents types de marqueurs moléculaires ainsi que des méthodes de détection utilisées régulièrement. 1. Les marqueurs moléculaires détiennent des informations complémentaires pour la morphologie, permettant des diagnostiques plus précis. Ceci améliorera la prise en charge générale de la patiente individuelle. 2. L’utilisation des marqueurs dépend de l’objectif clinique : dépistage, diagnostic, suivi, etc. 3. La combinaison de certains marqueurs peut mener à un résultat synergétique. 4. L’utilisation des méthodes de détection dépend de l’objectif clinique et du type de matériel disponible pour les tests, ce qui dépend également de l’objectif clinique et du contexte. 64 Traité des infections et pathologies génitales à papillomavirus Introduction Dans la prise en charge clinique du cancer cervical, l’histologie et la cytologie jouent un rôle important. Leur contribution pour le dépistage et le diagnostic ne peut pas être surévaluée. Même lorsqu’il est devenu évident, à la fin des années 1970, que la maladie était provoquée par une étiologie virale, des dizaines d’années se sont écoulées avant que le processus de carcinogenèse ne devienne suffisamment clair pour les cliniciens, pour profiter des nouvelles connaissances (1, 2). Le HPV n’a pas été reconnu comme étant le seul facteur étiologique pendant une longue période et l’identification des types oncogènes spécifiques a été un processus difficile (3, 4). Actuellement, les tests pour la détection et l’identification du HPV sont inclus dans la prise en charge clinique. Avec la compréhension croissante de la carcinogenèse du cancer cervical squameux, il a été observé que l’infection avec HPV en soi n’équivaut pas au carcinome cervical. Une infection persistante avec un HPV de type oncogénique est nécessaire et le virus doit également induire des modifications épigénétiques et génétiques par une expression virale oncogénique. Dans la plupart des cas, le génome viral s’incorpore dans le génome hôte, mais les modifications épigénétiques peuvent également s’exprimer sous forme épisomale. Un simple processus de détection et d’identification de HPV pourrait donc ne pas être suffisant pour améliorer le diagnostic clinique et la prise en charge ultérieure de la patiente. La mise en place de vaccins thérapeutiques et prophylactiques contre le HPV aggravera cette situation. La vague de nouvelles techniques de diagnostic moléculaire générée par le Human Genome Project (5, 6) a conduit à de nombreuses possibilités intéressantes et gratifiantes pour l’intégration de la biologie moléculaire dans la médecine clinique. Dans le cas du carcinome cervical, il sera possible d’observer les modifications épigénétiques spécifiques provoquées par le HPV, telles que l’irrégularité des processus de cycles cellulaires particuliers, l’agglomération des mutations, le potentiel invasif accru et les autres signes de maladie progressive (7). Les protéines ou les nucléotides reliant ces changements importants des processus cellulaires sont les marqueurs moléculaires ou les biomarqueurs. L’intégration de l’information biologique moléculaire dans la morphologie permettra des diagnostics plus précis et améliorés, ainsi qu’une prise en charge individualisée de la patiente. Les investigations et les traitements en excès pourront ainsi être évités, l’anxiété de la patiente et les coûts pourront être diminués. Des marqueurs peuvent s’avérer utiles à chaque étape de la prise en charge du patient, la prévention et le dépistage, le diagnostic et le suivi. Le HPV interfère avec les processus cellulaires basiques Lors d’une infection normale (par exemple non carcinogène), le HPV utilise le système de réplication de la cellule pour multiplier et créer de nouvelles particules infectieuses. Il n’est pas réellement dans l’intérêt du virus de rendre le cycle cellulaire irrégulier, car cela arrêterait la propagation des particules de virus. Ce qui semble mal se passer dans le cas d’une infection oncogénique est le fait que le virus, au lieu d’interférer uniquement avec les processus de réplication, active le processus entier de prolifération cellulaire (1, 8). Les effets de l’activité oncogénique du HPV peuvent être identifiés en observant les niveaux d’activation, de quantité et de présence des marqueurs moléculaires, des protéines spécifiques, ainsi que l’ARN et l’ADN du virus et de l’hôte (1, 2, 8). La cellule du cancer cervical peut être perçue comme une chimère virus hôte, les deux parties contribuant probablement au processus oncogénique. Il pourrait être possible d’identifier les premiers effets de l’infection, tels que l’augmentation de la prolifération cellulaire et le bouleversement du cycle cellulaire, à la différence des effets tardifs, tels que l’accumulation de mutations génomiques, le potentiel invasif accru, etc. Lors de la mise en place des vaccins prophylactiques et thérapeutiques, il deviendra nécessaire de suivre leur efficacité. Dans ce cas, également, les marqueurs moléculaires pourront s’avérer utiles (fig. 1). Détection, typage et intégration du HPV Puisque le HPV représente le seul facteur étiologique du cancer cervical, la première étape logique serait de vérifier la présence de l’infection. La simple présence du HPV dans la cellule hôte peut être détectée en recherchant des parties de son ADN. C’est cette stratégie qui est actuellement utilisée lors des procédures de dépistage et de diagnostic, en utilisant certaines techniques qui ont fait leurs preuves dans les cliniques. La technique de la capture hybride permet de détecter un groupe de types HPV, avec une pertinence clinique (9, 10, 11). La détection de L1, la séquence de codage pour la protéine capside principale, est possible par PCR (la technique de réaction en chaîne par polymérase), par immunohistochimie ou par une hybridisation in situ, car elle est conservée dans tous les types (12, 13, 14, 15). La détection des séquences E6 et E7 est une autre possibilité, car il s’agit des spécificités de type, ceci permettant d’identifier directement le type exact de HPV (16, 17). La charge virale peut être facilement déterminée à l’aide du nombre de copies d’ADN HPV par copie de