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Conaissance de la Vanille - Hibon

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Journal d'agriculture tropicale et
de botanique appliquée
Connaissance de la Vanille
Th. E. Hibon
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Hibon Th. E. Connaissance de la Vanille. In: Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 13, n°8-9, Aoûtseptembre 1966. pp. 353-384;
doi : https://doi.org/10.3406/jatba.1966.2892
https://www.persee.fr/doc/jatba_0021-7662_1966_num_13_8_2892
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ETUDES
ex
CONNAISSANCE DE
DOSSIERS
LA VANILLE
chargé
Anciendechef
mission
du Service
aux
FarEtablissements
Th.
de l'Agriculture
E. HIBON
français
de la de
Réunion
l'Océanie.
et
Les Orchidacées, famille à laquelle appartient la vanille (1), sont,
sans discussion possible, les moins banales de toutes les plantes
cultivées; leurs organes végétatifs et leur mode de vie sont curieux;
leurs fleurs remarquables, et leurs graines si petites, sans albumen,
et à embryon non différencié, vraiment extraordinaires.
Leur nombre est considérable : 20 000 espèces environ, ce qui
les place, à cet égard, tout de suite après les Composées.
La zone tempérée en compte un certain nombre, mais leur
climat d'élection est Sud-tropical. On les rencontre surtout :
— dans la région florale indo-africaine : Madagascar, Mascareignes, Ceylan,
— dans la région florale de l'Insulinde et du Pacifique : Java,
Sumatra, Bornéo et Océanie.
170 espèces ont été relevées à la Réunion et 35, dans les îles de
la Société.
Le genre Vanilla compte environ 110 espèces. Certaines d'entre
elles atteignent sans doute les plus grandes dimensions parmi les
Orchidacées.
Les trois espèces cultivées : Vanilla fragrans (Salisb.) Ames, du
Mexique et par extension de l'Océan Indien; Vanilla tahitensis
J. W. Moore, du Pacifique et Vanilla Pompona Schiede, de la
Guadeloupe, ont des feuilles qui peuvent atteindre 25 cm de longueur
et des mérithalles de parfois 15 cm.
Ces lianes à sarments herbacés articulés, montent parfois grâce
à leur tuteur, jusqu'à la hauteur de quatre étages. Mais ce n'est
(1) Ce mot désignera aussi bien le vanillier cultivé que son fruit, naturel
ou préparé.
JOURN. d'AGRIC. TROPICALE ET DE BOTANIQUE APPLIQUÉE, T. XIII, N° 8-9, AOUT-SEPTEMBRE 1966
Journal d'Agriculture tropicale
17
— 354 —
pas le caractère ornemental des tiges charnues, des feuilles sessiles
charnues et des fleurs blanc-verdâtres en épis (fausses grappes)
axillaires, qui peuvent rendre compte de l'attachement qu'ont tant
d'hommes pour la vanille. Ce sont ses fruits qu'on appelle gousses,
alors qu'il s'agit de .capsules; ce sont ses gousses préparées, c'està-dire, la vanille parfumée, brillante et douce à la main qu'il est
impossible d'oublier, une fois qu'on l'a connue.
Les feuilles, les fleurs, les fruits et certaines manières d'être de
la vanille diffèrent de même que l'arôme, selon l'espèce cultivée.
Le seul examen des feuilles permet de différencier les espèces.
Celles de V. fragrans (1) sont planes ellipsoïdales avec l'extrémité
libre, courtement acuminée; celles de V. tahitensis sont moins
épaisses, plus étroites, donc plus allongées, à bords presque
parallèles, et présentent un gouttière nette; celles de V. Pompona sont
très épaisses, brusquement contractées et arrondies à la base, à
forme courtement ovale, subcirculaire.
Pour une meilleure connaissance de la vanille, il faut évoquer sa
biologie, son environnement, sa culture et sa préparation, jusqu'au
moment où, couchée en bottes onctueuses et parfumées dans son
lit de papier paraffiné, au fond des boîtes en fer blanc neuf et
brillant, protégée par des emballages maritimes en bois dur, elle
voguera vers les pays d'Europe, d'Amérique du Nord et l'Australie.
C'est en traitant ces diverses questions que nous parlerons de ses
principaux organes. Quelques mots sont cependant à consacrer
tout d'abord à ses racines.
La vanille est une plante de culture jardinée. Elle se multiplie
depuis toujours par boutures, sauf en laboratoire et cela depuis
quelques années seulement. Ses racines ne se développent pas
simplement dans le sol au niveau des nœuds enterrés. Toute la
liane, à quelque niveau que ce soit, émet à l'opposé de la feuille
une, deux ou trois « vrilles » blanc-verdâtres, qui se collent au
tuteur, s'aplatissent un peu à son contact et progressent ainsi vers
le sol, dans lequel elles pénètrent superficiellement, à 10 cm au plus.
Elles se ramifient alors, se dirigeant cette fois, non plus suivant le
tropisme normal ni même obliquement, mais presque
horizontalement, comme pour prendre possession de tout le sol.
En coupe, les « vrilles » présentent les faisceaux du liber
alternant avec les faisceaux du bois et la pointe des faisceaux ligneux
est dirigée vers l'extérieur. Il s'agit donc bien de racines. Outre
(1) Ce sont là des caractéristiques moyennes. Des variations (que
reflètent les feuilles), existent, correspondant sans doute à des clones, ceux-ci
étant mieux connus au Pacifique qu'ailleurs. La vanille du Pacifique est,
à cet égard, beaucoup plus vicariante que V. fragrans.
qu'elles fixent la liane au tuteur comme de véritables vrilles,
elles sont capables, grâce à la présence d'une assise périphérique
de cellules spongieuses extérieurement, de retenir la vapeur d'eau
utile. Cette assise s'appelle le voile.
Les racines de la vanille prennent possession de la matière
organique où qu'elle se trouve : trous et fissures des arbres, fourche
des branches, sol.
Il est très important de noter qu'outre ce mode de vie, la
vanille, comme du reste nombre d'autres orchidées, dispose d'un
mode de nutrition spécial grâce à la présence d'un champignon
symbiote. Si le support vivant de la liane, c'est-à-dire le tuteur,
lui offre des ressources suffisantes, elle peut vivre en epiphyte. De
toute manière, le sol en tant que source d'éléments minéraux n'est
pas indispensable à la vanille. Au contraire, l'humus du sol lui
est tellement nécessaire qu'on peut se demander s'il ne sert pas à
suppléer une photo-synthèse très pauvre. Ce serait donc une plante
un peu saprophyte Comme le sont d'ailleurs d'autres espèces de
genres voisins des Vanilla, de la même tribu des Néottiées. Il existe
même une espèce aphylle dans le genre Vanilla.
Cette façon d'être des racines de la vanille nous conduit à
définir ses exigences, quant au climat, au sol, à l'arbre d'abri (1)
et au tuteur et à expliquer à cette occasion certaines pratiques
rendues nécessaires du fait des maladies.
Les climats.
La vanille (V. fragrans) nous vient du Mexique, où elle pousse
au bord des ruisseaux et rivières atlantiques, la sécheresse étant là
sa plus grande ennemie. C'est donc, suivant l'expression des
botanistes, une plante rivulaire. Elle est cultivée dans ce pays à une
altitude inférieure ou égale à 150 m, dans les régions ouest et sud
du golfe de Campêche sur des collines, que sept « rios » chargent
d'une atmosphère humide.
C'est à l'Ile Bourbon, aujourd'hui la Réunion, que la vanille
a été mis pour la première fois en culture hors de son berceau.
C'était vers 1822, trois ans après qu'on y eut introduit V. pompona
qui venait de Cayenne.
En raison de ce que l'on savait alors en fait de météorologie
terrestre (2), les premières plantations eurent lieu dans les vallées
(1) Dans sa fonction d'ombrage, l'arbre d'abri intéresse toutes les parties
vertes, donc principalement la feuille; mais si l'on considère le vent et la
pluie, il concerne les racines.
(2) II faut souligner ici qu'à cette époque, malgré la présence fréquente à
bord des navires d'un jardinier botaniste chargé de recueillir des plantes
utiles en vue de leur naturalisation, la météorologie intéressait la navigation
et fort peu l'agriculture.
— 356 —
fraîches des lieux habités. Dix ans plus tard, alors que l'on ne
savait pas encore pratiquer la fécondation, chacun possédait
quelques dizaines de lianes, voire même quelques pieds, à l'ombre
tranquille de la collection d'arbres rares du verger.
Après la mise en pratique de la fécondation (1841), les
inconvénients du morcellement des cultures, soit dans les parcs ou jardins
des « habitations », soit sur les pentes déclives des galeries
forestières ne tardèrent pas à se manifester. On regroupa donc les
vanilles :
a) dans la zone où les pluies atteignent environ 3 000 mm sur
au moins 175 jours, répartis sur les douze mois de l'année;
b) à des altitudes où la température reste favorable (de 14° à
28° C. environ) soit à moins de 200 m.
Les pays, où se cultive la vanille, présentent à peu près tous
des caractéristiques de pluviosité et de température semblables,
avec cependant quelques nuances. Ces pays sont :
1° dans l'hémisphère nord, au Sud du tropique du Cancer sur
le versant atlantique : le Mexique (frange littorale occidentale et
méridionale du golfe de Campêche), Porto-Rico et la Guadeloupe,
c'est-à-dire les abords du 20e parallèle Nord;
2° dans l'hémisphère sud, au Nord du tropique du Capricorne :
a) dans l'Océan Indien, la Réunion, Madagascar et les Comores,
c'est-à-dire, aux environs du 20e parallèle, une zone d'îles plus ou
moins grandes, qui, vers le Nord, atteint par exception le 11° sud
à la Grande Comore.
b) dans l'Océan Pacifique, les îles de la Société depuis Bora-Bora
au Nord-Ouest (16° 30' sud environ) jusqu'à Tahiti et enfin plus
au Sud (22° 50' environ), l'île Rurutu du groupe des Australes,
c'est-à-dire encore les parages du 21e parallèle Sud.
On peut donc admettre que la vanille se plaît particulièrement
aux approches du 20e parallèle (Nord ou Sud) au pied de
montagnes élevées émergeant du sein des océans. Mais il faut, tout
de suite et en même temps, écrire le maître mot, le mot clef de la
vocation vanillière des lieux et de leur visage, à savoir Valizé. C'est
l'alizé qui exprime le mieux, parce qu'il les crée, les traits véritables
et communs du visage de ces isthmes, îles et archipels à vanille,
dont on dit qu'ils sont « du vent » ou « sous le vent ».
Courant aérien humide de surface, l'alizé souffle de l'Est. Du
Nord-Est vers le Sud-Ouest dans l'hémisphère Nord et du SudEst vers le Nord-Ouest dans l'autre. Ainsi suggère-t-il déjà la
position orientale d'élection des vanillières dans ces pays.
— 357 —
L'ampleur, la durée et la constance de la direction de l'alizé
justifient la vocation vanillière plus ou moins affirmée des pays
qu'il visite, avec d'ailleurs les nuances qu'introduisent leur
position géographique et leur relief. En effet, il tempère, abrège, et
même annule, suivant le cas, la saison sèche, malgré son humidité.
Il souffle le jour, faiblit parfois la nuit et détermine sur le relief
ce qu'on appelle des pluies orographiques.
Essayons d'examiner d'un peu plus près l'influence de l'alizé en
prenant comme exemples la Réunion et la Polynésie française.
LA RÉUNION
A la Réunion, l'alizé souffle pendant plus de 200 jours par an,
il domine la climatologie, créant deux régions :
— la partie du Vent, pluvieuse,
— la partie sous-le-Vent, située à l'Ouest et au Nord, plus
sèche.
Frappant de toute son épaisseur (environ 3 000 m), de juin à
novembre et par le Sud-Est, l'énorme masse montagneuse compacte
du centre de l'île (point culminant : 3 069 m), l'alizé procure à la
partie située à l'Est du méridien 55° 40' Est, soit en gros, l'Est de
la ligne Saint-André-Vincendo, dans la zone côtière cultivable
une pluviosité supérieure à 3 000 mm pendant une moyenne de
175/220 jours par an. Cependant qu'à l'abri, l'autre région connaît
une période sèche de 6 à 8 mois.
Lorsqu'on considère la distribution moyenne des pluies,
mensuelle ou annuelle à la Réunion, on est frappé, surtout pour les
isohyètes de la période dite sèche, de la permanence de cette force
dispensatrice d'humidité. Celle-ci frappe l'île au Sud-Est, au niveau
du volcan actif de la Fournaise, en direction du Nord-Ouest, le
relief la rejette un peu vers le Nord/Nord-Est, comme pour mieux
féconder précisément la terre des vanilles.
En réalité, les courants alizés voient parfois leur direction aller
de l'Est à l'Ouest au cours de la période qui va de décembre/ janvier
à avril/mai. Ces changements de direction sont plus ou moins
instables, plus ou moins accusés, et surtout plus ou moins humides,
donc plus ou moins actifs. Ils dépendent à la fois et dans le
même temps :
a) de l'existence de hautes pressions dans les parages des îles
Saint-Paul et Amsterdam;
b) de la non-formation de situations dépressives au Sud de
Madagascar.
— 358 —
Ces alizés entraînent certaines instabilités climatiques en liaison
avec les reliefs et, sur la partie du Vent, des averses parfois
accompagnées de rafales.
Pour donner une idée plus précise des différences entre « le
Vent » et « sous le Vent », voici la moyenne des pluies et du
nombre de jours de pluie pour deux stations diamétralement
opposées de la Réunion (1) et à seulement 60 km l'une de l'autre
à vol d'oiseau :
— au S.-E., Le Tremblet (région du vent), altitude : 120 m,
latitude : 21° 17' S. Longitude : 55° 48' E.
— Au N.-O., La Possession (région sous le vent), altitude : 10 m.
Latitude : 20° 55' S. Longitude : 55° 20' E.
Précipitations en mm.
Le Tremblet
jours
Mois
mm
J
F
M
A
M
J
J
A
S
O
N
D
541,0
456,8
808,6
406,6
482,2
284,3
280,2
235,1
271,2
131,8
246,2
321,1
15
14
18
14
16
15
14
14
12
10
10
10
La Possession
mm
jours
193,3
112,3
205
68,3
22
32,2
11,9
8,3
11,8
17,1
64
60,2
7
8
8
3
2
3
2
3
3
2
3
5
soit au total : 4 465 mm en 162 jours au Vent
806 mm en 48 jours sous le Vent.
On comprend les très grandes différences qualitatives et
quantitatives entre les végétations des deux régions.
LES ILES DU PACIFIQUE
Les îles de la Société, noyau de la Polynésie française, forment
deux groupes, si l'on omet cinq plus petits « motus » (îles) bas
sur l'eau et sans intérêt pour la vanille :
— les îles du Vent : Tahiti et Moorea;
les îles sous le Vent : Hùabine, Raiatea, Tahaa et Bora-Bora.
(1) Service Météorologique de la Réunion — Résumé du temps en 1961 à la
Réunion.
— 359 —
Ces îles sont disposées suivant une ligne à direction générale
SE-NW, donc dans le sens général de l'alizé.
En partant du SE, nous avons des massifs montagneux qui
culminent : à Tahiti, à 1 323 et à 2 237 m; à Moorea, à 1 212 m;
à Hùahine, à 680 m; à Raiatea et Tahaa (enfermées dans le même
lagon), à 1 033 m et à Bora-Bora seulement à 725 m.
Les masses montagneuses sont surtout étendues dans les îles du
Vent au Sud-Est et leur altitude comme leur importance diminue
d'une façon notable à partir de Tahiti. Comme l'alizé ne souffle
guère dans le Pacifique Sud que quatre mois (mai/juin à
août/septembre), en raison peut-être de l'écran plus ou moins important
que les montagnes lui opposent, il y a, lorsqu'on s'éloigne vers le
Nord-Ouest, comme un assèchement partiel des versants exposés
au vent. Ainsi, et à cause aussi des quelques 150/175 milles qui
séparent les îles du groupe du Vent de la dernière des îles sousle-Vent, Bora-Bora, on a des différences très sensibles de climat.
Là 2 à 5 m de pluies suivant les lieux, ici, ciel très souvent clair.
On comprend alors que la vanille réussisse moins bien dans
l'île au lagon merveilleux, au bord duquel a voulu reposer Alain
Gerbault (1).
On voit donc que les lieux où la culture de la vanille est possible
doivent réaliser des conditions climatiques bien précises; mais
partout le jardinage demeure obligatoire, surtout lorsque les pluies
du mois le plus sec de l'année ne franchissent pas le seuil utile
des 100 mm en 10 jours.
Dans la zone Est et Sud-Est de la Réunion qui lui convient,
voici, en degrés centigrades, l'ébauche du tableau thermique :
Moyennes des
Minima :
Maxima :
Janvier
22°
28-30°
Juillet
14-15°
24°
Les quatre types de culture de la vanille à La Réunion.
La vanille connaît quatre types de culture :
1) en bordure immédiate de l'Océan Indien, la culture sous
couvert naturel dans la forêt sombre et moite qui va de Sainte-Rose
à Saint-Philippe par l'extrême Sud-Est, avec 4 000 mm de pluie
pendant plus de 200 jours par an;
(1) A Vaitape, île Bora-Bora.
— 360 —
2) la culture sur les bords et dans quelques encaissements de
certaines grandes vallées où le manteau forestier primitif est
entamé et dans lesquelles le soleil brille à peine quelques heures par
jour (ce tye est peu représenté) ;
3) la culture sur les pentes extérieures exposées au soleil levant
et au vent du large toujours humide, sous couvert de Casuarina
equisetifolia auquel certaines essences récemment multipliées
{Gliricidia) commencent à se substituer;
4) enfin, une culture spéciale en plaine argilo-siliceuse dans des
champs de canne à sucre où l'on a donné une place à la vanille en
arrachant un ou deux rangs de canne sur trois. C'est donc une
culture intercalaire permanente, dans un lieu où la hauteur des
pluies atteint 3 m en 175 jours par an.
Premier type de culture.
A très faible distance du rivage, derrière les rochers noirs,
couverts d'écume, le premier type de culture n'utilise que des données
naturelles, savoir :
— sol de lave basaltique, parfois encore squelettique, que des
cassures profondes et nombreuses assainissent parfaitement;
— végétation de lichens, mousses et fougères, à la fois au
niveau du sol et sur les arbres, lesquels, Filaos (Casuarina) et Vacoas
(Pandanus utilis), colonisent les crevasses des laves et végètent
normalement (1).
L'humidité générale entretient ici une végétation qu'il est parfois
difficile de discipliner. Mais la matière végétale y est abondante et
les racines de la vanille trouvent une bonne nourriture humide
dans les creux établis au sein de la masse de lave, au contact des
tuteurs naturels, Pandanus notamment. C'est du reste l'un des
paysages les plus attachants du monde. La brise de mer chante
mélancoliquement dans les filaos qui, les jours clairs, bercent un peu de
ciel entre leurs rameaux grêles. Mais le relief est âpre et la pluie,
incessante, tombe en fines farines, en poignées de grains ou en
nappes. Dans ces conditions le mildiou n'est pas exceptionnel et
la cueillette des fruits, (un, deux ou trois au maximum par épi et
par cueillette) exige un courage et des qualités visuelles peu
communs.
On y récolte une vanille longue, fine, qui « se fait » assez
rapidement (on dit qu'une vanille « se fait », lorsque, cueillie en état
(1) D'autres essences forestières sont relevées qui intéressent parfois la
vanille, comme le Mapou (Agauria salicifolia) de la famille des Ericacées.
— 361 —
d'être préparée, c'est-à-dire technologiquement mûre, elle passe par
tous les stades de la préparation pour devenir la vanille du
commerce).
Second type de culture.
Le second type de culture est pratiqué dans des vallées encaissées,
pourvues de sols très bons. Les champs sont très morcelés et
peuvent durer longtemps. On y récolte des gousses bien nourries,
sans défaut d'ordre cicatriciel et d'un format supérieur.
Troisième type de culture.
Le troisième type est pratiqué sur les pentes exposées aux brises
marines en quelques lieux où une rare végétation naturelle
subsistait ainsi que sur d'anciens champs de canne ou de cultures vivrieres
depuis quelque temps abandonnées faute de routes praticables.
La récolte de cannes est en effet pondéreuse ; celle des vanilles légère.
Ici on plante arbres d'abri et tuteurs. De chaque côté de ceux-ci,
on a dressé des alignements de pierres. Dans les plates-bandes ainsi
constituées, les éléments propres à faire de la matière humique
sont apportés, il s'agit d'herbe arrachée à la main. Toutes les
herbes demeurant vivantes près des pieds de vanille, ne sont
d'ailleurs pas à détruire, celles en particulier qui peuvent maintenir
une atmosphère fraîche sont conservées, surtout lorsque le
terrain présente des paliers relativement plats où le sol nu a
tendance à s'échauffer. Le sol demeure frais sans excès, à preuve
les fougères qu'on y rencontre. Les arbres tamisent la lumière
comme les vieilles voiles, le vent. On taille les tuteurs à 2 m
environ.
La vanille qu'on récolte en ces lieux, a du corps et du
parfum mais l'épicarpe est parfois endommagé par les nombreux
escargots et par les bords coupants des feuilles. Dans ces cas,
on dit que la vanille est « escargotée » ou « raguée » (1). Dans
les cultures de ce type, en raison même des alignements et des
soins, les fusarioses et le vent déciment parfois les lianes.
Quatrième type de
culture.
Le quatrième et dernier type a lieu en plaine, il est spécial à
la commune de Saint-André. Ici l'arc-en-ciel n'est plus le prélude
(1) La faune malacologique des Iles de la Société est pauvre. Les quelques
Partula de Tahiti et de Moorea ne touchent pas aux vanilles. Dans l'Océan
Indien, au contraire, les Achatina causent de notables dégâts aux gousses.
— 362 —
à la symphonie des pluies. Cette région se place au point de vue
des précipitations atmosphériques au niveau le plus bas, elle ne
jouit guère de précipitations occultes, le pays ayant peu de
galeries forestières. En compensation, grâce aux cannes à sucre, la
vanille intercalaire reçoit un mulch abondant et riche au moment
de leur épaillage.
Aux époques de la cueillette, un soleil généreux peut causer des
brûlures aux fruits, surtout lorsqu'on utilise comme tuteur le
pignon d'Inde (Jatropha Curcas) qui se dépouille complètement.
L'épicarpe des gousses est alors plus épais, il oblige d'user d'eau
plus chaude pour la première opération de la préparation qui est
l'échaudage, mais ces fruits sont plus gros et riches en vanilline
et en « huile » .
Dans le cas de ces vanilles de plaine, le travail est assez simple
et réduit au minimum.
Types de culture en d'autres pays.
On retrouve deux de ces quatre types de culture à Madagascar,
aux Comores, ainsi qu'à Rurutu (île d'Océanie) où la vanille
cultivée est par exception la même qu'à Bourbon, c'est-à-dire Vanilla
fragrans. Aux îles de la Société : Tahiti, Moorea, Raiatea et Tahaa,
un peu Huahine et Bora-Bora, la vanillle est différente : V. tahitensis.
Les types communs de culture sont au nombre de deux : celui
des vallées plus ou moins encaissées et celui des pentes extérieures
exposées à l'océan. Cependant à Madagascar, dans l'Ankaïbé, et
aux Comores, on a commencé à cultiver la vanille à 400 et à 500 m
d'altitude sans abri, cette fois (1).
Dans les îles du Pacifique, comme à la Réunion, c'est la vanille
des pentes extérieures qui partout fournit la production principale.
En Polynésie française, la vanille se cultive au-dessus de 80 m
car tout l'anneau littoral jusqu'à cette altitude, est réservé au
cocotier. La profondeur des vanillières est faible parce que la
route longe la côte et que les esprits (les tùpa-paù) et les pentes
très raides interdisent la culture vers l'intérieur. En outre, la côte
est rarement accore aux îles de la Société, elle est dans la plupart
des cas, protégée par le récif de corail qui crée le tranquille lagon
aux « verts » éblouissants, mais qui ne laisse guère passer le grand
souffle aérateur du large. D'où des conditions moins favorables aux
vanilles.
(1) En général, l'ombrage doit être d'autant plus dense que l'altitude est
basse. L'ombrage ne doit pas « faire ombrage », comme on le verra plus loin.
— 363 —
On retrouve dans le Pacifique, outre les arbres abri-tuteur Casuarina et Pandanus très ubiquistes, de nombreux tuteurs n'ayant que
cette fonction, dont un petit Tecoma, un Bauhinia et trop souvent
encore l'épais, le compact Hibiscus tiliaceus.
Nossi-Bé n'appartient pas aux Comores, on y cultive encore un
peu la vanille. Cette île mérite une mention spéciale. Nossi-Bé qui
est la plus « polynésienne » des îles de l'Océan Indien, a été le
berceau d'une excellente vanille. Des ouvriers de la première heure
{1870) y ont longtemps préparé un produit hors de pair.
Il faudrait parler plus longtemps de toutes ces îles auxquelles
il faudrait ajouter Porto-Rico, Java, et la mouilleuse Guadeloupe
qui produit Vanilla Pompona, dire la beauté de leurs montagnes,
la splendeur des couchers de soleil, les étonnants jardins toute
l'année en fleurs, les jeux de la lumière dans les lagons aux eaux
limpides, l'accueillante gentillesse des habitants, ces gens qui vont
pieds nus par des « chemins couleur de chair de mangue », soufflant
dans l'antsiva ou le pu... Mais il reste à parler du plus terrible des
éléments du climat, heureusement exceptionnel, le cyclone.
Les Cyclones.
Les cyclones n'évitent que la Polynésie (1). L'Océan Indien et
la mer des Caraïbes les subissent au rythme d'un tous les 7 à
10 ans (2). Ils passent au cours de la végétation, de la floraison, et
de la fructification des vanilles. On imagine, devant la fragilité des
lianes, les dégâts que peuvent causer des vents dont les pointes de
vitesse débordent parfois 200 km à l'heure. On imagine les
dévastations que cause, après un chute de pluie de 400 à 800 mm en
24 heures, un ouragan ordinaire où le vent souffle à 100 km à
l'heure. « Personne n'est maître du vent, pour le retenir », dit
l'Ecclésiaste.
Au lendemain de ces cataclysmes, il faut reprendre le chemin
de la vanillière. Il faut de son mieux, recoller la vaisselle et
parfois emprunter.
Les cyclones ont pour conséquence sensible, la contraction des
récoltes pendant quelques années. Le cours des vanilles connaît
donc des mouvements périodiques de hausse qui s'atténuent par
la suite. Ce qui a donné le sentiment d'une spéculation sur les
vanilles. En réalité, pour une plante de culture jardinée, dont
(1) Le vent y a atteint une seule fois, en 1941, 95 km par heure. C'est tout
à fait exceptionnel.
(2) En moyenne il y a six cyclones par an sur l'Océan Indien du Sud-Ouest.
Grâce aux données accumulées depuis 1848 sur les cyclones de cette zone, le
calcul des probabilités de risques paraît aujourd'hui possible.
— 364 —
l'aire culturale, chose rare, ne déborde pas l'aire de distribution
géographique des espèces du même genre, et qui par ailleurs
utilise et utilisera toujours une main-d'œuvre nombreuse, les hausses
de prix sont inéluctables.
Considérations complémentaires sur les sols.
Après ce qu'on en a dit incidemment, il sera à peine utile de
rappeler les qualités d'un sol à vanille :
— humus plutôt que terre vraie et humus jeune et aéré. Humus
qui pourrait être dit « à l'état naissant » et que les racines mêmes
de la vanille contribuent à créer, l'humidité aidant, à partir de
matières diverses. Humus très légèrement acide et peut-être un peu
fertilisé par les fins débris des laves basaltiques désagrégées par les
pluies, humus qui sans doute s'imprègne aussi parfois d'un peu
du sel des embruns, notamment lors des grands vents cycloniques;
— très grande perméabilité aux racines et fraîcheur plutôt
qu'humidité (c'est la raison du choix des pentes douces pour
créer les vanillières) ;
— sol très sain, non tassé et propre, le drainage et la propreté
étant maintenus corrects par le travail à la main à cause des
racines superficielles;
Ce sol, c'est essentiellement de la matière organique. C'est
pourquoi l'on a estimé, non sans raison, que les facultés de
photosynthèse de la vanille, pourtant verte des pieds à la tête (partie
aérienne des racines, tiges et feuilles), étaient faibles et que son
pigment vert pouvait ne pas tellement différer de celui du gui parasite.
Ce sol qu'il faut donc créer à l'image du terreau qu'on rencontre
à la fourche des rameaux, il faut l'entretenir et reconstituer par
du much, notamment après les tornades. Comme cocotier et
vanillier sont, ou peuvent être, presque partout commensaux, c'est
naturellement au cocotier qu'on demandera le mulch. La bourre de
coco séparée de la coque est en effet excellent pour cela. Il en est
de même de toutes les pailles : feuilles sèches de cannes à sucre,
feuilles et tiges des graminées fauchées.
Dans ce sol, les fusarioses sont à l'affût (1). D'où l'intérêt de
solutions de continuité, autrement dit des surfaces morcelées. Les
fusarioses sont très graves mais il existe parfois dans les
vanillières infectées, des emplacements privilégiés où les lianes restent
saines. Toutes les fois donc que la maladie sévit sérieusement, la
longévité des plantations est réduite et la qualité des fruits s'atté(1) Déterminant une pourriture molle des racines souterraines et une
nécrose sèche des parties aériennes.
— 365 —
nue. Et c'est là encore une raison de la non possibilité de
démocratiser la vanille. Il faut rappeler ici que le cacao au miel parfumé à
la vanille était du temps des Aztèques, un produit de luxe que
seuls les dignitaires pouvaient consommer. Rien n'a donc changé.
Lorsqu'on réfléchit aux besoins en matière humique des vanilles
et à l'essartage minutieux réalisé pour la création d'une vanillière
en plantation régulière, on est amené à se demander si, tant que
les fusarioses n'auront pas été vaincues, il ne serait pas préférable
d'utiliser après aménagement les bois et forêts naturels sans trop
abattre ni dessoucher. Et cela d'autant plus que l'on aura affaire
à de fortes pentes, sur lesquelles on devra planter plus tard des
lignes antiérosives de citronnelle.
Arbres d'abri et tuteurs.
Et maintenant l'arbre d'abri et le tuteur qu'il faut traiter
ensemble, car la même plante remplit quelquefois les deux rôles à
la fois, tels Casuarina et Gliricidia maculata.
L'arbre d'abri (ou d'ombrage, mais le mot abri est préférable)
doit essentiellement atténuer le soleil. Ceci peut être obtenu par la
création de taches d'ombre relative et de plages de lumière
juxtaposées que le cours de la journée déplace. Mais on préfère, avec
raison, essayer d'obtenir, par quelques couches de feuillages peu
épaisses, placées à différents niveaux, un écran léger et sans
fissures laissant aux vanilles une lumière adoucie. Les frondaisons
fines et élégantes du filao et de Gliricidia sont très propres à créer
cette luminosité douce et égale sur toute la vanillière.
Dans tous les cas, l'écran doit se situer assez haut au-dessus
des vanilles pour permettre à l'air de circuler le plus librement
possible et il doit être léger pour que l'herbe puisse pousser. La
plante de couverture est en général une graminée dont les fines
racines sont anti-érosives. Tel est le cas en Polynésie française où
l'on apprécie un Oplismenus.
En même temps qu'ils filtrent la lumière et qu'ils adoucissent
l'action du vent (notamment sur les pentes), les feuillages des
arbres d'abri tempèrent le choc de l'eau des pluies et facilitent
son évacuation par les branches et le tronc, ce qui allège ainsi
la tâche des tuteurs et, partant, profite à la vanille.
La formation et surtout la taille des arbres d'abri sont difficiles,
elles exigent un sens averti de la végétation et des saisons
tropicales, une connaissance profonde de la biologie de la vanille, une
grande agilité et une scrupuleuse conscience professionnelle.
Le tuteur, lui, doit d'abord s'accorder à la liane. Il y a, entre
certains tuteurs (une Lau racée : Litsea et une Capparidacée :
— 366 —
Moringa), et la vanille de secrètes correspondances difficiles à
expliquer. L'écorce du tuteur doit ensuite se laisser pénétrer par
les racines-suçoirs qui s'appliquent contre son tronc pour gagner
le sol. Il est donc meilleur que le tuteur ne perde pas son écorce
et que celle-ci soit relativement tendre. C'est le cas des Pandanus
et du pignon d'Inde (Jatropha Curcas). Il faut aussi que son
enracinement ne concurrence pas trop celui de la vanille, dont les
racines sont forcément très voisines. C'est le cas de Pandanus utilis
dont les grosses racines adventives, malgré les apparences, ne
concurrencent guère celles très superficielles de la liane.
Il faut encore que le tuteur soit sain et capable de supporter la
taille, celle-ci étant favorable à la floraison et à la maturation des
fruits de la vanille. On étête toujours trop court. Bien entendu
Casuarina, arbre d'abri et Pandanus, ne s'étêtent pas. Le tuteur
doit supporter une masse assez lourde de lianes, il faut donc qu'il
soit robuste. Mais à étêter trop court, c'est-à-dire, trop bas, on
risque à chaque descente des lianes, d'avoir à laisser celles-ci
pendant longtemps au contact du sol, source même des fusarioses (1).
Faute donc de mesurer 1,80 m, au moins, le « vanillard » devrait
toujours travailler au nettoyage et à la descente des lianes en
utilisant un escabeau, toutes les fois au moins que le permettent les
pentes. Ce nettoyage comprend l'incinération par beau temps des
parties âgées de la liane. Le tuteur doit lui même pouvoir profiter
au maximum des pluies d'été pour fournir lors de sa taille une
matière humique suffisamment abondante. Cette taille doit ainsi être
progressive; on doit revenir 3 ou 4 fois sur un tuteur. C'est le cas
d'une légumineuse aux belles grappes de fleurs roses, la Madré del
Cacao (Gliricidia) .
En début de plantation, lorsque les boutures des jeunes Gliricidia
sont suffisamment reprises, on les rabat à 2 m. Sur huit individus,
sept demeureront ainsi, jouant le seul rôle de tuteur, le huitième
au contraire devra jouer en outre le rôle d'abri. Pour cela, on lui
conservera deux ou trois branches destinées à fournir le parasol
désiré.
Aujourd'hui la fortune de cette Madré del Cacao s'affirme peu à
peu par la mise en place directe des boutures ou par la création de
parcs à bois à la Réunion, à Madagascar, aux Comores et en
Polynésie française. Grâce à quoi on pourra remplacer certains tuteurs
traditionnels présentant des défauts, ou hôtes de parasites graves
{Hibiscus tiliaceus et Jatropha Curcas).
(1) Cette opération culturale doit ainsi se réaliser avant tout élagage du
tuteur.
— 367 —
Avant de passer à la fleur il reste à examiner quelques
conséquences du comportement des racines sur l'orientation des
recherches et sur les pratiques cullurales.
Recherche d'abord : la génétique de la vanille a pour buts
majeurs :
1°) L'arôme (la vanille c'est essentiellement
2°) La résistance à la fusariose.
l'arôme).
Après seulement viennent les buts secondaires : l'indéhiscence
des fruits, la rusticité et la résistance à la sécheresse.
C'est à l'Ivoloïna, au laboratoire du vanillier, à 4 km de Tamatave (Madagascar), que sont conduites les recherches.
Passons sur les différentes phases de la fabrication des plantes
à partir des graines. Il faut savoir que sur les dix ou douze ans
nécessaires à l'obtention de lignées éprouvées, 48 mois de culture
en serre sont réservés aux tests de sensibilité à la fusariose (1).
En outre des vérifications doivent être faites par la suite en plein
champ pendant quelques années. Des recherches ont également lieu
à Mayaguez (Porto-Rico).
Pratique de la culture.
1° La descente des lianes ou bouclage (ce terme évoque mieux
l'opération) tend à placer l'ensemble des lianes formant le plant
de vanille à portée de la main du « vanillard ». Il ne s'agit ni plus
ni moins que d'arcure en vert, à 180°, utilisant au mieux les fourches
résultant des tailles anuelles du tuteur. Cette opération a aussi pour
fin de rapprocher les racines adventives du sol où elles
s'implanteront. Il arrive d'ailleurs que le bouclage autour des fourches du
tuteur soit une descente de liane qui se termine par un marcottage.
C'est le cas en Polynésie au début d'une plantation et parfois
ailleurs après un cyclone. Il s'agit alors de regarnir le tuteur jusqu'au
degré d'encombrement jugé suffisant. Cette constitution, ou parfois
reconstitution du plant de vanille lui donne une vigueur plus grande
que, si on avait planté de nouvelles boutures au pied du même
tuteur. La descente des lianes se fait avec précaution, les lianes
étant cassantes. On les attache au tuteur par un lien lâche.
On s'arrange pour replacer les feuilles de la partie devenue
descendante de sorte que la face ventrale du limbe regarde vers
l'extérieur, cela, pour faciliter le retournement des feuilles que la plante
(1) En 1963, Delassus a indiqué l'obtention à Madagascar de 10 000 plants
différents issus d'autofécondation de V. fragrans et 20 000 plants hybrides
issus de dix croisements.
— 368 —
effectue d'elle-même en quelques semaines. Les yeux se développent
alors soit en bourgeons végétatifs, soit en boutons à fleurs. Il faut
ajouter enfin que, compte tenu de la longueur possible du fruit,
on ne doit pas placer les yeux ramenés par le bouclage à un niveau
exagérément bas, 30 cm du sol au moins car ces yeux sont
susceptibles d'évoluer en boutons floraux.
La raison en est la suivante : il faut que les fruits issus des
fleurs les plus basses puissent se développer sans toucher le sol;
il faut qu'ils puissent prendre librement leur position pendante
verticale de chaque côté de l'axe de l'épi (axe théoriquement
horizontal mais que le poids des gousses infléchit un peu). Lorsque
cette précaution n'est pas prise les gousses sont malformées, « escargotées », «raguées»; elles peuvent se briser au cours de la
cueillette et du transport.
A l'occasion de l'opération de descente, on choisit et on prélève
les boutures à planter ce qui est proprement tailler.
La descente des lianes se présente donc comme une opération
horticole (arcure en vert) et comme une opération de taille qui ne
doit pas perdre de vue le couple parties souterraines et parties
aériennes et son équilibre.
2° Pour prolonger la vie des pieds malades on peut, après
avoir éliminé les parties atteintes ou suspectes de fusariose,
constituer, par une première taille du tuteur, un berceau de tiges de
0,70 m d'épaisseur et, sur ce berceau, installer un panier rempli
de matières organiques qu'on maintient fraîches et dans lesquelles
on enfouit les racines adventives. Celles-ci n'atteignent plus ainsi
le sol infecté. La suggestion est d'un eminent phytopathologiste,
le professeur Roger. Sans doute est-elle compliquée et peut-être
alors devrait-on réduire la récolte par une fécondation mesurée de
3 à 4 fleurs par balai (le balai c'est l'épi de fleurs ou de fruits).
Mais on doit toujours se souvenir qu'il s'agit de jardinage. Ce
procédé rappelle un peu la vieille coutume aztèque des petits
jardins sur radeaux d'osier flottant sur les canaux. On y rapportait
la matière organique puisée au fond des lagunes. Le vieux Mexique
pratiquait déjà le conseil de l'haïkaï : « Creuse ce jardin comme
une tasse où tu viendras goûter l'élixir... »
La fleur et sa fécondation.
Le second organe de la vanille qui en fait une plante
remarquable, est sa fleur avec son ovaire infère qui en constitue le faux
pédoncule, cette étrange fleur qui s'ouvre la nuit, et ne dure que
quelques heures.
— 369 —
La floraison est sous la dépendance de la latitude et de la
lumière. Mais surtout de la sécheresse. Dans les pays tropicaux
la sécheresse tient la place du froid. Elle déclanche la floraison
qui apparaît à la saison chaude et pluvieuse, notamment pour
V. fragrans.
Dans les cultures d'altitude qui sont l'exception, il y a une
dénivellation thermique notable et c'est le couple (température,
humidité) qui est déterminant.
Dans les conditions naturelles de culture la floraison dure 3
à 4 mois. Cependant chez V. tahitensis on rencontre des floraisons
échelonnées sur 180 jours.
Comme celle des autres orchidées, la fleur du vanillier est
zygomorphe et certain dispositif particulier de l'androcée et du
gynécée la fait hercogame.
Zygomorphe est une fleur non régulière dans laquelle le périanthe ou l'une de ses composantes est symétrique par rapport
à un plan antéro-postérieur. Types : la pensée et la balsamine.
Comme chez les autres orchidées, dans la vanille, c'est la corolle
qui est zygomorphe du fait du 3e pétale, pétale inférieur nommé
labelle, plus large et coloré et qui embrasse les parties mâle et
femelle, soudées sur une partie appelée gynostème, parties qui
s'individualisent ensuite.
On explique qu'hercogame signifie obstacle, barrière au mariage.
C'est vrai mais trop élémentaire. On retrouve la première partie
du mot dans hercotectonique qui est l'art de bâtir des enceintes,
des retranchements. Et c'est bien un retranchement que les
botanistes ont voulu dire. Le retranchement c'est la disposition prise
pour couvrir une position et arrêter les assaillants. Ici la position
couverte c'est la partie fonctionnelle du gynécée c'est-à-dire deux
papilles stigmatiques et les assaillants ce sont les deux pollinies
libres et granuleuses, recouvertes par un capuchon, de l'unique
anthère fertile. Quant au retranchement c'est proprement la pièce
florale intermédiaire en forme de languette épaisse appelée rostellum, qui est interposée entre les pollinies supérieures et les
stigmates inférieurs. Le rostellum ne constitue pas, comme on
l'a cru à tort, une troisième papille stigmatique, il est donc
l'obstacle majeur à l'autofécondation, puisqu'il s'interpose entre
les pollinies supérieures et les stigmates inférieurs.
Pour effectuer à la main la pollinisation, c'est-à-dire
l'autofécondation, on procède de la manière suivante : on abaisse et
Journal d'Agriculture tropicale
16
— 370 —
déchire tout d'abord le labelle qui entoure le gynostème, puis
on relève le rostellum, en sorte de pouvoir appliquer et mettre
en contact pollinies et stigmates.
Il y a chez certaines fleurs un rostellum mal constitué, plus
court qui permet des fécondations fortuites. Mais ces fleurs sont
rares. Le Mexique seul possède les trigones et les pélipones,
hyménoptères capables de féconder la vanille, mais dont le rôle
demeure bien insuffisant.
Il fallait donc penser à l'intervention humaine. Et c'est sans
doute en entendant ses maîtres raconter à table l'histoire de la
pollinisation faite à Liège en 1836, sur la vanille, par Morren,
qu'Edmond Albius, jeune esclave à Sainte-Suzanne de la Réunion,
eût l'idée au début de 1841 d'appliquer en la simplifiant la
méthode au vanillier, jusque-là multiplié en vain dans l'île depuis
environ vingt ans. Il en devint libre, tout comme ses maîtres. Et
ce fut l'éclatement prodigieux de la culture de la vanille à
Bourbon d'abord, puis à Nossi-Bé (1870), aux Comores (1873), à
Madagascar (1891), à Tahiti en 1848 et à Porto-Rico en 1900.
La pollinisation déclanche l'allongement de l'ovaire qui double
de longueur en quelques jours. Mais la fécondation elle-même n'a
lieu qu'après 40 jours environ, alors que la longueur définitive
du fruit est atteinte. Il en est de même chez les autres orchidées
dont les ovules ne se développent qu'après l'excitation de l'ovaire
par les grains de pollen.
Lorsque la pollinisation de la vanille n'est pas réussie, la fleur
se flétrit et tombe. Lorsqu'elle réussit les pièces du périanthe
demeurent et pendent au bout du fruit, constituant ce qu'on
appelle le nombril.
Le petit fait technique de la pollinisation manuelle (qu'on
pratique aujourd'hui au Mexique) est parfois célébré d'une manière
puérile : ...« d'un geste rapide et d'une main légère, lit-on dans
la Botanique de l'Encyclopédie de la Pléiade, à l'aide d'une
épingle (1) dont elles ornent leurs cheveux, les femmes se font
les agents de la pollinisation. »
L'intervention de l'homme a une importance considérable surtout
pour une espèce dont la fécondation n'est possible que pendant
quelques heures (de 6 à 9). Il permettait en 1841 à Bourbon de
préciser les meilleures conditions de culture, car jusqu'alors l'in(1) On se sert normalement d'un stylet avec lequel on déchire le labelle
qu'on abaisse ensuite pour dégager le gynostème. Puis on relève, à l'aide du
stylet, le rostellum qu'on place sous la partie libre (non soudée) du filet de
l'étamine. Après quoi par une légère pression on applique les pollinies désencapuchonnées sur les stigmates.
— 371 —
cidence de la fécondation ne pouvait être imaginée. Les méthodes
propres à la bonne préparation purent également être précisées.
Et, c'est en 1848, qu'eût lieu à Bourbon la première exportation
commerciale; elle porta sur 50 kg de vanille préparée.
Voyons un peu plus en détail l'opération fécondation.
Le balai comporte au plus une quinzaine de fleurs dont une
ou deux s'épanouissent chaque jour. En règle générale on doit
ajuster la pollinisation à la vigueur des lianes. On peut féconder
toutes les fleurs ou quelques-unes seulement.
Si l'on voulait féconder toutes les fleurs, il faudrait revenir huit
ou neuf fois sur le même balai. On peut, sans grand effort, se
rendre compte du prix d'une telle opération. Les lianes sont, en
effet, plantées à 1 ou 2 m, mais, décimées par les parasites, elles
ne sont, après quelques années qu'à 2 m tout au plus. Enfin, les
balais qui s'étagent à différents niveaux autour du tuteur, ne
fleurissent pas forcément en même temps. Il y a même un décalage
naturel.
En général, on règle la production au niveau qu'on désire en
fécondant seulement quelques fleurs par balai plutôt qu'en
supprimant des balais entiers. Mais il faut quand même visiter les
lianes, au moins au départ de la floraison, car il n'est pas du
tout indifférent de féconder les fleurs sans tenir compte de leur
position sur le balai. En effet, les cinq ou six dernières fleurs
donnent des fruits plus courts, et les premières des fruits
présentant quelques imperfections. Il se pourrait qu'elles soient
moins parfaites que les autres, comme si elles n'en étaient encore
que l'ébauche «lente à venir», ou encore qu'elles aient trouvé
des mains mal assurées et des doigts encore malhabiles à les
« prendre » après huit mois de repos ! C'est donc les six ou sept
fleurs à partir de la quatrième qui, en général, donnent les fruits
les plus beaux, les plus longs, les plus parfaits.
Le fruit atteint sa maturité technologique sept ou huit mois
après (1). On l'appelle alors «vanille verte». A ce stade il est
propre à la préparation. Après le fait de la fécondation, la notion
de maturité technologique est essentielle, puisqu'en dernière
analyse la vanille préparée demeure, toutes choses égales par ailleurs,
le reflet direct et fidèle de la « vanille verte », c'est-à-dire bonne
à être préparée. Cette préparation a lieu dans des bâtiments dont
l'ensemble s'appelle la préparation, alors que la partie active en
est nommée l'atelier de préparation.
(1) Pour V. fragrans on peut compter environ 220 jours entre la
fécondation et la récolte. Pour V. tahitensis (capsules plus courtes et indéhiscentes)
cette période est de 200/240 jours.
— 372 —
II est évident que le rythme de la pollinisation s'ajuste à celui
de la floraison et que la cueillette (ainsi est nommée la récolte) en
dépend également, compte tenu de l'option initiale du vanillard.
S'il féconde toutes ou presque toutes les fleurs du balai, la cueillette
durera quatre bons mois, les fruits étant cueillis un par un, à
raison d'une cueillette par semaine. S'il n'en féconde que quelquesunes (auquel cas on « pince » l'extrémité de l'inflorescence) la
cueillette commencera plus tard et finira plus tôt, mais il faudra
également surveiller les nuances du coloris des fruits, pour les
cueillir au moment précis de la maturité technologique, toujours
un par un.
Si les fruits étaient cueillis avant ce moment, on aurait un
produit commercial sans grand arôme et dont la conservation
serait mauvaise. Cueillies postérieurement, elles n'auraient plus
leur intégrité physique, les capsules s'ouvrant, et donneraient des
gousses d'allure dépréciées pour l'œil, sinon pour l'odorat. Une
exception à cela, la vanille de Tahiti est à peu près indéhiscente,
elle peut donc attendre sur le balai. C'est pour cela qu'elle est
cueillie par balais entiers.
On voit par tout cela, que toutes les organisations et
réglementations, ainsi que toutes opérations de financement et de
commercialisation concernant la vanille ont pour bases techniques
la fécondation et la maturité technologique. On est ainsi conduit
à juger du choix inital des « vanillards ». Pour cela on établit par
préparation ce que j'appellerai, par analogie avec les courbes de
floraison, la courbe fécondation-cueillette.
En abcisses le temps des réceptions des vanilles vertes et en
ordonnées les poids des cueillettes.
Courbes
« Fécondation-Cueillette
4
ÙD
30
60
90
120 je
60 j
Temps
— 373 —
Dans le premier cas la courbe (I) sera étalée sur quatre bons
mois et dans le second cas (II) elle aura une allure ramassée»
contractée à un temps d'une durée de 80 jours ou moins. Ces durées
n'ont qu'une valeur relative, dépendantes qu'elles sont et de la
floraison et du climat de l'année considérée.
Le résultat est très net et les conséquences aussi :
— dans le premier cas, la main-d'œuvre, occupée pendant plus
longtemps, sera recrutée et formée sur place; l'atelier de
préparation gardera ainsi l'allure artisanale. C'est normalement le cas
des pays placés dans le champ des cyclones. On comprend
pourquoi.
— dans le second cas, la masse importante de vanille verte
rassemblée pendant un laps de temps relativement court forcera
le préparateur à aller au-delà de la formule traditionnelle et à
concevoir une formule d'atelier de préparation d'allure
industrielle (capitaux plus importants, transports des récoltes sur de
plus longs parcours, concentration, main-d'œuvre saisonnière
hiérarchisée, etc., etc.).
Dans le premier cas, multiplication des ateliers de préparation;
dans le second, réduction (1). En fonction des circonstances, les
deux formules sont valables techniquement. Mais elles restent,
en fait, idéales et ne paraissent appliquées telles quelles nulle part.
Toutes les fois, cependant, que dans la réalité on s'éloigne par
trop de l'allure des précédentes courbes il y a lieu de s'inquiéter
et de remonter jusqu'au producteur individuel. Le contrôle des
préparations de vanille et en particulier le simple relevé du livre
de réception des vanilles vertes permet d'établir, pour chacun des
producteurs, la courbe réelle des apports et ainsi de juger de la
conduite de la cueillette au moment supposé de la maturité
technologique. On a la possibilité de redresser l'erreur au moment même
de sa naissance.
Toute réglementation est simple et d'application aisée à partir
de ce moment-là, comme du reste toutes opérations bancaires. De
fait, la vanille se prête admirablement bien aux prêts sur récoltes
pendantes et aux avances sur récoltes, d'autant qu'elle porte, sur
l'épiderme à la partie inférieure du fruit, la marque (déposée à la
mairie) du propriétaire. La vanille se prête ainsi fidèlement à
l'identification de provenance, au recensement, et à la statistique.
Les marques ont été instituées pour parer au vol des vanilles
vertes.
(1) Le nombre des préparations est d'ailleurs surtout sous la dépendance
des structures sociales, des contingences politiques locales et des moyens de
communication et de financement.
— 374 —
En Polynésie, ces marques sont quasi inexistantes, de même
que le vol.
La vanille préparée, elle aussi, se prête sous certaines conditions,
au warrantage. Evidemment les ouragans restent la pierre
d'achoppement.
Le fruit»
On vient d'en parler à propos de la fleur. Cet lui qui a donné
son nom à la vanille. Avec sa forme arquée en bancal d'artilleur,
la gousse de vanille verte ressemble un peu à une gaine, à un étui
à couteau. Et c'est du mot esagnol vainilla diminutif de vaina,
gaine, et qui signifie gousse mince (et non petite gousse) que la
vanille tire son nom.
Le fruit est une capsule non pédicellée et non caliculée. La
partie plus étroite par laquelle il s'attache au balai est un peu
recourbée, d'où son nom de crosse. L'extrémité libre, qui s'ouvre
à la maturité, s'appelle le talon. Les derniers fruits du balai
sont moins arqués que les autres.
Le fruit s'allonge pendant quarante jours avant que la
fécondation ait lieu. Les ovules, en effet, évoluent beaucoup plus
lentement que les grains de pollen, dont les tubes polliniques
croissent très lentement.
Il semble, si l'on en juge par la répartition des graines dans le
fruit, que le nombre d'ovules soit très sensiblement plus élevé dans
la zone du talon que dans celle de la crosse. Celle-ci est parfois
« vide » comme disent les praticiens, c'est-à-dire dépourvue de
graines; elle se distingue alors par une teinte plus pâle et un
corps beaucoup plus flasque, elle se montre enfin assez sensible
aux attaques des cryptogames. Tout se passe comme si la présence
des graines (malheureusement il en est beaucoup d'avortées)
était une chance de bonne tenue, de bonne conservation des
vanilles.
Pendant de longs mois le fruit reste trigone vert et même d'un
vert foncé brillant. Peu à peu enfin les angles s'atténuent et la
teinte verte s'adoucit, l'épicarpe devient plus mat, cependant
qu'apparaît aux deux lignes de future déhiscence un trait blanc
verdâtre très fin et qu'on appelle « filet ».
La capsule uniloculaire trivalvaire, dont la section est
subtriangulaire, est assez précocement déhiscente chez Vanilla fragrans. Mais, fait remarquable, sa déhiscence ne se produit pas
suivant la limite des carpelles, mais le long des angles de la plus
grande des trois faces du fruit. La capsule physiologiquement
— 375 —
mûre est jaune le long des deux zones de déhiscence, elle s'ouvre
suivant ces deux lignes en deux valves seulement, ce qui est
largement suffisant pour déprécier le produit.
Lorsque le fruit reçoit directement la lumière solaire, on a la
sensation que le talon jaunit. C'est alors que le stade de la maturité
technologique est atteint et que la cueillette doit se faire. Les
gousses ont alors 7 à 8 mois.
Pour se faire une idée approximative du changement d'allure
du fruit qui approche de la maturité technologique, il suffit de se
rappeler les modifications de forme et de couleur que subissent
les bananes, entre le moment où, en régimes et vertes dans leur
coiffe de polyethylene, elles sont débarquées des bateaux et gagnent
les dépôts, et celui où, débitées en mains jaune verdâtre, elles
sont offertes au public sur les éventaires des marchés, avant
d'être d'ailleurs tout à fait mûres.
Le moment de la récolte de la vanille est facilement décelé
lorsque l'ensemble de la vanillière est soumis à un même éclairement et qu'il fait soleil. Lorsque l'éclairement est différent suivant
les lieux et qu'il pleut il faut faire très attention. De même, si
des élagages intempestifs des arbres d'abri sont intervenus après
la formation des fruits, ceux-ci jaunissent plus rapidement, on
a alors une fausse impression de maturité. Il faut donc connaître
son affaire et avoir une conscience professionnelle scrupuleuse
pour cueillir à bon escient.
Lorsque la cueillette est bien faite, au moment voulu, la
préparation est relativement simple, une bonne vanille verte ayant en
elle tout ce qu'il faut pour cela. On cueille en exerçant, avec le
pouce et l'index de la main droite, une torsion-pression qui
détache le fruit sans entamer l'axe du balai. Il est bon que les
ongles qui peuvent blesser racines, lianes, fleurs et fruits soient
taillés court chez tous ceux qui font de la vanille, à quelque titre
que ce soit.
Les fruits sont marqués. Marquer un fruit c'est y apposer,
au moyen d'un bouchon portant de fines aiguilles débordant d'un
millimètre environ, un signe qui est généralement constitué par
les initiales du propriétaire. La marque établit l'origine du fruit.
Les marques sont déposées à la mairie et reproduites sur la
carte d'identité du planteur de vanille, carte instituée à la Réunion
en 1941. Le moment d'apposer les marques précède le début de
la maturation technologique (disons 40 jours avant cette
maturation) de telle sorte que les réactions cicatricielles du fruit qui
reproduisent la marque s'installent et demeurent sans provoquer
de troubles physiologiques ni de dépréciation. Il ne faut pas
« marquer » les jours de pluie.
— 376 —
On appose les marques dans la région du talon, au tiers inférieur
du fruit sur pied et sur une de ses deux petites faces. Pourquoi là?
Parce que la région basse de la gousse est toujours la plus lourde,
la plus riche en huile et en vanilline, la moins atteinte par les
cryptogames et celle où la cicatrisation est la plus sûre et la plus
rapide. Il faut enfin penser que le lien unique assurant le bottelage des gousses chez les vanilles préparées de l'Océan Indien se
trouve placé au-dessus de la zone marquée, zone sensible à la
pression du lien.
Voici, avec quelques observations, le tableau des opérations de
préparation et de contrôle des vanilles de V. fragrans de l'Océan
Indien :
1. Réception des « Vanilles Vertes » : fin mai juin-juillet-août,
début septembre de Tannée a. Pesée, triage et classement (une
fois la semaine). Tenue des livres.
2. Echaudage (quelques minutes).
3. Etuvage (couvertures, caissons, soleil) : 6 à 10 jours.
4. Soleillage (sur tablettes, au soleil) : 6 à 10 jours.
5. Séchage (à l'intérieur de l'atelier, à l'ombre, sur claies) : 2 à
3 mois.
6. Mise en malles (et quelques visites) : 3 mois.
7. Dressage et classement (lres, 2es et 3es des lots commerciaux
ordinaires) (hors lots-vrac).
Mesurage (de demi-centimètres en demi-centimètres): grandes,
moyennes et petites « longueurs ».
8. Chemisage et mise en paquets (3 liens provisoires).
9. Mise en observation (30 à 45 jours).
10. Visites. Un lien au centre de gravité du paquet (botte) de
vanille.
11. Constitution des lots (boîtes et papier paraffiné-bordereau)
et possibilité réglementaire de négocier : postérieurement au
1er février de l'année a + 1.
12. Contrôle (administratif) : sous scellés 30 jours et plus et
visites.
13. Mise en caisses et expédition des Vanilles préparées dite&
« Vanille BOURBON ».
Transport par mer, pratiquement à partir du U> avril de
l'année qui suit la cueillette.
Observations : a) (2), (3), (4)
élevée.
Au contraire, les
(9) et (12) ont
aussi basse que
et (5) se font à une température
opérations en caractères gras (6),
lieu à une température naturelle
possible.
— 377 —
b) L'opération (4), le soleillage est à la fois de
l'étuvage, du post-étuvage, du préséchage et parfois,
dangereusement, du séchage.
c) Les vanilles de juin, juillet, août sont de
« bonnes vanilles » fournissant les lots
commerciaux dans une proportion très élevée.
En revanche, les premières réceptions (fin mai) et
les dernières (début septembre) sont
essentiellement des vanilles de triage qui fournissent la
catégorie hors lot dites «ordinaires».
d) Un certain contrôle (administratif et
professionnel) s'exerce sur la cueillette et sur toute la
préparation des vanilles.
Reprenons ces opérations pratiquées à Bourbon en essayant de
les expliquer.
La vanille verte étant cassante, la gousse cueillie est placée
aussitôt et avec soin à l'abri du soleil dans des paniers souples ou des
sacs faits de lanières de feuilles tressées de Pandanus. Les
récoltes, qui voyagent sous laissez-passer de la police, gagnent
l'atelier de préparation.
Entre le moment où le fruit est cueilli et celui où, livré à
l'atelier, il va subir le premier traitement (échaudage), il s'écoule
un temps dont la durée est fonction du lieu de culture et des
moyens de transport, celle-ci évolue entre 10 heures et 72 heures.
Pendant cette période de survie, le fruit perd un peu de son poids
et continue de manifester une activité biologique. C'est-à-dire
qu'agissent sur lui, outre le temps-durée, les facteurs suivants :
température, lumière, degré hygrométrique, oxygène, gaz
carbonique...
Pour réaliser les conditions d'ambiance propres à garder les
gousses aptes à la préparation, on devra :
— leur conserver une température voisine de 18-20° C;
— les placer, sinon à l'obscurité, du moins hors de l'atteinte
directe de la lumière;
— faire en sorte que l'air ambiant (naturellement assez humide)
circule lentement autour et dans le tas qu'elles constituent, tas
de dimensions modestes;
- — enfin réaliser un transport sans chocs, sans heurts.
Ces précautions sont d'autant plus nécessaires que les gousses
sont cueillies une à une (V. fragrans).
Lorsque les balais entiers sont récoltés (V. tahitensis), il se
produit des échanges entre les fruits et l'axe du balai, qui
permettent d'observer moins scrupuleusement les règles d'ambiance.
— 378 —
A l'atelier les vanilles sont pesées, examinées et classées. Le
classement est fait en bonnes vanilles et en vanilles ordinaires.
Celles-ci ne figurent pas dans les lots normaux exportés, elles sont
appelées, après préparation, vanilles ordinaires ou inférieures sans
que ce mot ait un sens péjoratif. Les bonnes vanilles sont classées
en deux catégories :
— celles qui sont corsées, à épiderme épais;
— et celles qui sont dites fines et qui proviennent de vanillières
d'altitude, ou de zones fortement ombragées.
Ces catégories sont échaudées séparément, les vanilles fines
l'étant plus modérément. Le maître de l'œuvre, le préparateur,
est obligatoirement présent à la réception, au classement, et à
l'échaudage des vanilles vertes.
L'échaudage se fait au thermomètre, au chronomètre et surtout
à l'œil. Il est la première opération de la préparation. Son but est
de favoriser la formation du parfum en conservant au fruit sa
forme, il lui donne l'aspect qu'on sait et lui confère les qualités
naturelles requises pour sa conservation.
Echauder, c'est plonger un grand panier de vanille verte (20 kg
environ) dans de l'eau douce portée à une certaine température,
jusqu'au moment où la brillance des fruits s'atténue. Alors, très
rapidement le panier est retiré de l'eau et la vanille est versée dans
une couverture de laine de dimensions appropriées pour qu'on
puisse la replier et en bien recouvrir toute la masse échaudée.
Cette opération d'enveloppement se réalise au-dessus d'un «
caisson » (grande caisse de bois épais) intérieurement revêtu de
couvertures de laine. On y descend au fur et à mesure de l'échaudage,
l'un après l'autre, les paquets bien enveloppés de vanilles ainsi
traitées.
On échaude en fin d'après-midi pour que la totalité des vanilles
échaudées demeure bien au chaud le temps le plus long possible
(jusqu'au soleil du lendemain). Il est très important que les
paniers soient neufs et qu'ils conservent leur forme cylindrique,
pour que, plongés verticalement dans la marmite de même forme,
ils placent, chaque fois, les 20 kg de vanille verte dans les mêmes
conditions thermiques. Avec de vieux paniers la partie la plus
fine du fruit, la crosse, risquerait de passer au travers et de se
trouver au contact de la paroi brûlante de la marmite à echauder,
ce qui altérerait son épiderme et la noircirait. On aurait alors de
la vanille « poiquée » (du mot poix) c'est-à-dire des « ordinaires ».
La vanille de Tahiti ne subit pas l'échaudage. Elle prend
naturellement, gousse par gousse, la teinte chocolat sur le parquet
où elle est entassée.
— 379 —
Les autres phases tendent à favoriser les actions diastasiques
et la dessiccation jusqu'à un taux qui permet la formation de
l'arôme, tout en gardant la gousse souple et onctueuse. Les
phénomènes sont mal connus. On peut dire qu'au cours de l'échaudage
(qui dure quelques minutes) les vanilles sont lavées, que l'on
paralyse les ferments extérieurs possibles et qu'en même temps
on réduit les facultés de déhiscence des fruits en les stabilisant
physiquement. Cette modification, qui est réalisée au Mexique par
la chaleur sèche, précède l'étuvage.
Etuver la vanille c'est la garder enfermée dans sa robe de laine
à une température suffisamment élevée pour qu'elle sue, qu'elle
devienne moins cassante, plus flexueuse — et non pas encore
flexible — et qu'elle commence à prendre la teinte brun clair qui
doit aller par la suite jusqu'au chocolat clair. Cette teinte brun
clair indique que l'action diastasique commence, en même temps
que la teneur en eau diminue.
Pour réaliser l'étuvage, on réchauffe chaque jour de soleil la
masse qui au cours de la nuit s'est un peu refroidie dans le caisson.
La couverture de laine a pour rôle de tenir chaude la masse des
vanilles et d'éponger les gouttes de « transpiration » des gousses
« en travail », un peu comme fait le peignoir de laine dont
s'enveloppe pour quelque temps le rhumatisant au sortir du bain de
boue chaud.
On peut découvrir un peu les fruits au soleil pour les remuer à
la main, mais on doit veiller à ce que la transformation soit très
graduelle, très lentement progressive. C'est dire qu'une fois
réchauffée au soleil, la vanille doit être recouverte aussitôt.
L'étuvage dure quelques jours.
Echaudage et étuvage se font respectivement à des températures
voisines de 60 et de 45 degrés.
Le soleillage qui suit l'étuvage et précède le séchage participe
de l'un et de l'autre.
Le soleillage se fait à quelque 50-70 cm du sol, sur des «
tablettes » de bois dur (plateau plein, à rebord qui atténue l'action
éventuelle du vent), la vanille en couche mince est exposée
directement au soleil, reposant sur des couvertures moins neuves que
celles de l'étuvage. On peut cependant se passer de ces couvertures.
Le soleillage parfait la couleur des gousses et assure une sorte
de pré-séchage. La masse en cours de soleillage doit être remuée
de temps en temps. Le soir, avant de rentrer les tablettes, on
sépare les fruits devenus propres au séchage, qui sont portés aux
claies.
— 380 —
II arrive que, pour aller vite, on prolonge le soleillage, procédant
ainsi à un véritable séchage au soleil. Dans ce cas, la souplesse,
la douceur au toucher et le parfum même des gousses ne sont plus
ce qu'ils doivent être et les défauts ainsi conférés ne peuvent plus
être corrigés. Les vanilles soumises ainsi à un sursoleillage sont,
comme certaines viandes, saisies. Ces avatars arrivent surtout
aux derniers fruits récoltés sur les balais, constituant les « petites
longueurs » des lots commerciaux. Ceci tient au fait que les
caractères de maturité technologique de ces fruits se trouvent
accélérées à la suite de la cueillette des premières gousses du balai
( « éclaircissage » ) .
En vérité, la régularité et la progressivité indispensables de la
dessiccation ne sont jamais assurées qu'à l'intérieur de l'atelier,
hors du contact des rayons solaires.
Le séchage, au cours duquel la température reste elle assez
élevée se fait dans l'atelier, ce qui explique la toiture en tôle plane
et l'absence de vrai plafond. Il a lieu sur claies, en atmosphère très
largement aérée et éclairée. L'atelier est donc un rez-de-chaussée,
parfois un étage (l'étage est meilleur parce que plus sec), allongé
et formant une seule salle longue, possédant sur les quatre faces
de nombreuses ouvertures (portes et fenêtres) et éventuellement
des baies vitrées. Il se situe au milieu d'un terre-plein pavé ou
engazonné libre, donc ensoleillé par temps clair.
Les vanilles d'une même cuvée, si l'on peut ainsi appeler le
couple échaudage-étuvage, ne vont pas, en même temps sur les
mêmes claies. Les plus corsées, chez lesquelles les actions diastasiques paraissent moins vives exigent en effet un étuvage et un
ensoleillage plus longs en outre, sur claies, elles perdent moins
aisément que les autres leur humidité.
Les claies ne sont jamais très garnies pour permettre à chacune
des gousses d'être aérée très largement. Disposées les unes sur les
autres et créant ainsi entre elles des couloirs qui facilitent la
circulation horizontale et verticale de l'air, ces claies sont
fréquemment reprises et les vanilles, retriées et regroupées en fonction
de leur dessiccation. Elles passent ainsi de main en main un très
grand nombre de fois, avant d'avoir toutes acquis le taux
d'humidité, la flexibilité et la couleur jugés convenables. Elles sont alors
mises en caissettes («malles») de fer blanc, protégées de papier
paraffiné et placées en lieu frais.
C'est en «malles» et tassées (1) qu'elles franchiront ce seuil
encore mystérieux qui les amènera à l'arôme suave et fin de la
(1) Un lot commercial est, entre autres choses, caractérisé par un
pourcentage (variable) de « lres » et par une moyenne (également variable) des
« longueurs ».
— 381 —
vanille préparée, à la souplesse, à la couleur et à l'onctuosité
voulues.
Le séjour en « malles » est de plusieurs mois. Mais, tous les
trente ou quarante jours, on les « visite » comme on dit. Ce séjour
harmonise la couleur des gousses, laquelle est alors un peu celle
du pruneau, il les rend également homogènes du point de vue de
la souplesse.
Jusqu'au séjour en « malles » le rythme de travail est rapide et
même un peu bousculé. Bousculé surtout par la pluie, car le
travail de l'étuvage et, naturellement, le soleillage exigeant le
soleil. Il faut avoir vu tout le monde se précipiter au dehors sur
les couvertures grises qui renferment et recouvrent les vanilles
en cours d'étuvage, au moment où un grain s'annonce. Il faut avoir
vu, se poussant les uns les autres tout le personnel affairé, mettre
rapidement en caissons, hors de l'atteinte de l'eau et de la fraîcheur,
les vanilles qui, à une température de 45°, commencent à brunir,
pour retrouver sans y penser le moins du monde, l'étymologie
gaillarde du verbe bousculer. Il faut, pendant cette phase, faire
vite et le personnel, après tout, doit surtout montrer de la bonne
volonté, les petites erreurs possibles pouvant encore se corriger.
Dès le stade dit « d'observation » de la mise en « malle » il
faut, en outre, compétence et conscience aiguës. Quelques ouvriers
et ouvrières seulement peuvent faire ce travail qui réclame une
grande délicatesse du toucher, le souci des nuances, un odorat et
une vue bien habitués et une propreté scrupuleuse.
Le petit monde occupé au séchage cède la place à deux ou trois
experts au moment de la mise en « malle ». Il se reconstituera un
peu par des ouvriers plus choisis possédant quelque qualification,
lorsque se présenteront, à l'issue de cette importante phase, les
opérations finales de dressage des fruits, de mesurage, de
classement et de bottelage. Il se réduira enfin une dernière fois lorsque
les bottes seront mises en boîtes au cours de la seconde phase
d'« observation » qui, cette fois, vise la seule conservation.
On notera qu'après l'échaudage-étuvage la première partie de la
préparation fait intervenir une chaleur relative, une aération très
large et la lumière ; alors que la seconde, la mise « en observation »
en malles, réduit considérablement la température, limite au
maximum l'aération et annule la lumière. On « observe » à une
température naturelle basse favorable au développement des
parasites éventuels.
Tous les phénomènes de fermentation et de dessiccation ont
lieu à l'intérieur de chaque fruit. Il n'y a vraiment jamais d'effet
de masse.
— 382 —
Les transformations sont continues et soutenues après une
espèce d'uniformisation conférée par la mortification-échaudage
et la sudation-étuvage. A partir de cette étape tout est individuel.
Le phénomène est un peu, mais en beaucoup plus complexe, celui
du blétissement, encore que la mise en jeu de l'armement diastasique intervienne dans le cas du blétissement après stabilisation
du fruit par la maturation physiologique.
Les dimensions de l'atelier de préparation doivent être ajustées
aux apports. C'est pourquoi les planteurs de vanille passent des
contrats avec le préparateur. Ainsi celui-ci s'assure-t-il les
quantités et la qualité qu'il désire en vue de fabriquer une vanille
préparée commerciale (1) à laquelle il confère d'ailleurs une
personnalité liée à la préparation. Malgré ce qui peut sembler, pour
une même espèce cultivée, il n'y a pas de crus de vanille liés au
terroir alors qu'il y a des années à vanille. C'est pourquoi il n'y a
pas de mélange d'années dans un lot de vanilles exportées pas plus
qu'il n'y a de coupage possible avec des vanilles de préparations
différentes. Tout cela est logique, si l'on se souvient que le sol à
vanille n'est guère que de l'humus et que les bonnes années sont
rares. Rares parce qu'elles doivent réunir à la fois des vents
modérés, une température moyenne assez faible, une humidité
relative élevée, une luminosité plus grande à la floraison et un
ciel clair à la cueillette. Ces années-là, les vanilles préparées sont
excellentes, et l'arôme plus affiné s'accompagne de l'apparition
vers le talon, puis de la progression sur la gousse du givre, ce
dernier cotonneux, farineux ou cristallisé comme des paillettes de
mica n'est jamais que la cristallisation de la vanilline qui exsude.
Seule la vanille de Tahiti, très spéciale, pauvre en vanilline, ne
givre normalement pas.
La graine.
Présenter la graine de la vanille, c'est présenter des éléments si
nombreux, si petits et si extraordinairement simples qu'on n'y
trouve pas d'albumen nourricier et qu'on n'y peut distinguer
qu'un embryon sphérique sans organe différencié.
C'est pourtant sur le patrimoine héréditaire de ces graines
minuscules que repose l'avenir de la vanille.
L'avenir c'est d'abord de continuer d'être et donc de résister
aux causes d'affaiblissement, de destruction. Déjà le J. O. du
(1) La vanille représente en pourcentages des exportations totales de ces
pays les chiffres suivants : Madagascar : 7,2; — Réunion : 2,5; — Comores :
35; — Polynésie française : 20.
— 383 —
10 août 1874 indique (selon Littré), le renouvellement des vanillières tous les 7 ou tous les 15 ans suivant l'intensité de la
fécondation. Mais plutôt que le mariage des fleurs, ce sont les fusarioses qui, ici et là, dominent maintenant la situation. Car si
Vanilla Pompona leur résiste absolument, V. fragrans leur est
sensible et V. tahitensis, très sensible.
Par la fécondation croisée et le semis de graines (aujourd'hui mis
au point, grâce à une meilleure connaissance de la graine, de sa
maturation, du champignon symbiote et de sa culture pure), on
a commencé à fabriquer des lianes résistantes dont les fruits
auront l'arôme suave de la vanille Bourbon. Peut-être parviendrat-on en outre à élargir la zone de culture.
A Porto-Rico et à Madagascar les travaux ne sont plus très loin
d'aboutir.
Pauvre liane arrachée à la forêt natale, accueillie au Jardin des
Plantes et de là basculée d'un hémisphère à l'autre, dans la région
de la mer indienne la plus traversée d'ouragans meurtriers !
Là elle attendra près de vingt ans que le génie d'un humble
esclave de 12 ans la tire de l'infertilité naturelle. Alors de modestes
agriculteurs entreprendront de rechercher le secret de l'arôme de la
vieille « gousse noire » des Aztèques. Et un quart de siècle après
ils parviendront à donner une bonne solution aux multiples
problèmes de la préparation.
Dans le même temps, au sein de la forêt ombreuse, ouverte un
peu à la lumière, au cœur du printemps éternel qui est son climat,
la liane ignorera la dégénérescence clonale. Elle l'ignore encore,
du moins nous le croyons. Constamment libérée par les nettoyages
de toutes ses parties anciennes (aériennes et souterraines), en état
de provignage naturel permanent grâce aux racines naissant de
chacun de ses nœuds, incapable de fructifier naturellement, non
soumise — et pour cause — aux brutalités de la taille d'hiver, la
vanille paraît bien être restée jeune.
Elle a pu ainsi franchir détroits, mers et océans pour prendre
pied partout où elle a pu trouver réunies circonstances et
conjoncture favorables. Alors seulement ont commencé pour elle les
furieux assauts des champignons. Et elle s'affaiblit. Cependant,
grâce aux travaux de Noël Bernard et de Magrou, le voile s'est
un jour levé sur la germination des graines des Orchidées. Et la
conduite des semis et la production des « vanilles de graine » déjà
observées çà et là à l'état subspontané par des praticiens se?
trouvent aujourd'hui réalisées.
— 384 —
Les recherches commencées à Tananarive par Bouriquet sont
transportées à Antalaha (le champ) et à l'Ivoloïna (le laboratoire),
à Madagascar Côte-Est.
Ainsi les persévérantes observations et études de « planteurs »
débouchent dans la Recherche moderne et nous avons le droit
d'espérer que « les fruits passeront la promesse des fleurs ». On
peut aussi espérer que les travaux de génétique concernant les
fusarioses de la vanille réalisés par la France à Madagascar
serviront également la cause des vanilles des autres îles
intéressées : Réunion, Comores, Polynésie française.
BIBLIOGRAPHIE
G.
P.
E.
R.
P.
Bouriquet. — Le Vanillier et la Vanille dans le monde.
Claudel. — Connaissance de l'Est (le Cocotier).
Hibon. — Les Vanilles des Etablissements français de l'Océanie (1949).
Millaud. — Note sur la culture du Vanillier, Papeete (1963).
Rivals. — Etudes sur la végétation naturelle de l'île de la Réunion,
Toulouse (1952).
J. Soustelle. — La vie quotidienne des Aztèques.
Service météorologique de la Réunion : Etude mécanographique des
trajectoires des cyclones (octobre 1963).
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