Chapitre 5: flot d’une équation différentielle ordinaire Philippe Chartier 23 octobre 2014 1 Définition du flot et propriétés élémentaires Dans ce chapitre, D désigne un ouvert connexe de Rd . On considère le problème de Cauchy sous forme autonome : ẏ(t) = f (y(t)) , (1) y(t0) = y0 où f est une fonction définie sur D et (t0 , y0 ) un point de R × D. On suppose en outre que f est continue et localement Lipschitzienne, de sorte que pour tout (t0 , y0 ) ∈ R × D, le système (1) admet une solution maximale unique sur un intervalle ouvert J(t0 , y0 ) ⊂ R. Alors, l’application (t, t0 , y0 ) 7→ y(t; t0 , y0 ) qui associe la valeur en t de la solution de (1) est bien définie sur l’ouvert Ω = {(t, t0 , y0) ∈ R × R × D; t ∈ J(t0 , y0)}. On note en outre Ω0 = {(t, y0) ∈ R × D; t ∈ J(0, y0 )} Définition 1.1 On appelle flot de l’équation différentielle (1) l’application : Ω0 → Rd (t, y0 ) 7→ ϕt (y0 ) = y(t; 0, y0) Il est clair que ϕt (y0 ) satisfait l’équation suivante : d ϕ (y ) = f (ϕt (y0)) dt t 0 , ϕ0 (y0) = y0 (2) et qu’on a en outre, pour tout (t, t0 , y0 ) ∈ Ω, (t − t0 , y0) ∈ Ω0 et y(t; t0, y0 ) = ϕt−t0 (y0), ce qui justifie la définition de ϕt comme une application indépendante de t0 . 1 Remarque 1.2 On peut aussi définir le flot d’un système non-autonome, mais on rappelle que tout système non-autonome peut se réécrire comme un système autonome par l’adjonction de la variable t. L’hypothèse d’autonomie ne constitue donc pas une restriction. Proposition 1.3 L’application (t, y) 7→ ϕt (y) de Ω0 dans Rd est continue. En particulier, pour tout (t, y) ∈ Ω0 , il existe un voisinage V de y tel que l’application ϕt (·) soit définie et continue sur V. Proposition 1.4 On suppose que D = Rd et que f est C 1 et globalement Lipschitzienne. Alors le flot est défini sur tout R × Rd (c’est-à-dire que Ω0 = R × Rd ), et l’application R → Diff(Rd ) t 7→ ϕt (·) est un homomorphisme du groupe (R, +) dans le groupe (Diff(Rd ), ◦), où Diff(Rd ) est l’ensemble des difféomorphismes de Rd dans lui-même. Preuve. Pour tout (s, t) ∈ R2 , on a ϕs ◦ ϕt = ϕt ◦ ϕs = ϕs+t , en vertu de l’unicité de la solution de (1) (Theorème de Cauchy-Lipschitz). En conséquence ϕt est une bijection, (ϕt )−1 = ϕ−t et son inverse est continue. En anticipant sur le paragraphe suivant, on a en outre que ϕt est continûment différentiable d’inverse continûment différentiable. 2 Différentiabilité par rapport à la condition initiale Dans cette partie, nous nous intéressons à la dépendance de la solution en la condition initiale, et plus précisément à la différentiabilté du flot ϕt (y) par rapport à la variable y. En admettant provisoirement que cette différentiabilité est assurée et que les dérivations par rapport à t et y commutent, on obtient, en dérivant l’équation différentielle satisfaite par ϕt : ∂ ∂ ∂ ∂f ∂ ϕt (y0 ) = (f (ϕt (y0 ))) = (ϕt (y0 )) ϕt (y0 ), ∂y0 ∂t ∂y0 ∂y ∂y0 c’est-à-dire encore En posant Ψt = ∂ϕt (y0 ), ∂y0 d dt ∂ϕt (y0 ) ∂y0 = ∂f ∂ϕt (ϕt (y0 )) (y0 ). ∂y ∂y0 il apparaı̂t que Ψt est solution de l’équation différentielle matricielle Ψ̇t = ∂f (ϕt (y0 )) · Ψt ∂y , Ψ 0 = Id dite équation variationnelle associée à (1). Il s’agit d’un système linéaire du type Ẏ (t) = A(t, y0 )Y (t) 2 (3) où A(t, y0) = ∂f (ϕt (y0 )) ne dépend pas seulement du temps t mais aussi d’un “paramètre” y0 . La ∂y résolvante exhibe donc elle-même une dépendance en y0 , mais aucune en t0 (seul t − t0 compte), et on la note pour cette raison S(t; y0 ). D’après la discussion précédente, on a alors S(t; y0 ) = ∂ϕt (y0 ). ∂y0 Nous allons maintenant justifier rigoureusement cette égalité dans la preuve du théorème suivant : Théorème 2.1 Soit f une fonction de D dans Rd continue et localement Lipschitzienne, telle que ∂f (y) existe et soit continue sur D. Alors, le flot de (1) est une application continûment différentiable ∂y t par rapport à y et sa dérivée Ψt (y0 ) = ∂ϕ (y0 ) vérifie l’équation variationelle associée à (1) : ∂y0 ( (ϕt (y0 ))Ψt (y0 ) Ψ̇t (y0 ) = ∂f ∂y Ψ̇0 (y0 ) = Id (4) t Preuve. Dans un premier temps, nous allons montrer que ∂ϕ (y0 ) existe pour tout (t, y0 ) ∈ Ω0 : pour ∂y0 ce faire, il suffit d’établir, pour (t, y0 ) fixé, qu’il existe une fonction ǫ(·) de R+ dans R+ et un rayon r > 0 tels que ∀∆y0 ∈ Br (0), kϕt (y0 + ∆y0 ) − ϕt (y0) − S(t; y0 )∆y0 k = k∆y0 kǫ(k∆y0 k) (5) avec lim k∆y0 k→0 ǫ(k∆y0 k) = 0. Pour s ∈ [0, t], on définit donc z(s) = ϕs (y0 ) + S(s; y0)∆y0 : z(·) n’est pas solution du système différentiel (1), mais peut-être vue comme une solution “approchée” ż(s) = f (z(s)) − δ(s) , z(0) = y0 + ∆y0 avec ∂f δ(s) = f ϕs (y0 ) + S(s; y0)∆y0 − f (ϕs (y0 )) − (ϕs (y0 ))S(s; y0)∆y0 . ∂y La résolvante S(s; y0) étant continue en la variable s ∈ [0, t], elle est bornée par une constante M > 0, de sorte que si r ≤ ρ/M, la fonction z(s) ne sort pas du cylindre compact K = {y ∈ Rd ; ∃s ∈ [0, t], ky − ϕs (y0 )k ≤ ρ} qui est lui-même contenu dans Ω0 pour ρ suffisamment petit (l’intervalle [0, t] est en effet compact). 3 ρ K ϕs (y0 ) ρ y0 L’idée principale de la preuve est d’appliquer le théorème des accroissements finis à la fonction G(∆z) = f (z + ∆z) − f (z) − f ′ (z)∆z c’est-à-dire kG(∆z) − G(0)k ≤ sup kG′ (µ∆z)kk∆zk 0≤µ≤1 ′ puis d’utiliser l’uniforme continuité de f (z) sur le compact K. Il vient alors sup kG′ (µ∆z)k = 0≤µ≤1 sup kf ′ (z + µ∆z) − f ′ (z)k 0≤µ≤1 = β(k∆zk) où β(k∆zk) est une fonction qui peut être choisie monotone en escalier, indépendante de z, et qui tend vers 0 lorsque k∆zk tend vers 0. Finalement, f étant Lipschitzienne (au moins localement et donc sur K) de constante de Lipschitz L, on a d’après le lemme de Gronwall : eLt − 1 kz(s) − ϕs (y0 + ∆y0 )k ≤ β Mk∆y0 k Mk∆y0 k L ce qui prouve la validité de (5) avec ǫ(x) = β(Mx)M e Lt −1 L . Il reste alors à montrer que S(t; y0 ) est continue par rapport à (t, y0 ) 1 . Pour (t, y0 ) ∈ Ω0 , soit D un voisinage compact de y0 tel que [0, t] × D ⊂ Ω0 . On définit L= kf ′ (ϕs (y))k. sup s∈[0,t],y∈D Alors, pour tout ỹ0 ∈ D, on a ′ Ṡ(s; ỹ0 ) − Ṡ(s; y0 ) = f (ϕs (ỹ0 )) · S(s; ỹ0) − S(s; y0) + ∆(s) où ∆(s) = f ′ (ϕs (y0 )) − f ′ (ϕs (ỹ0)) · S(s; y0) 1. On ne peut pas conclure directement car y0 n’est pas une valeur initiale pour S(s; y0 ) mais un paramètre : le second membre du système obtenu par l’adjonction de l’équation ẏ = f (y) à l’équation variationnelle n’est donc pas Lipschitzien, sauf à supposer que f est de classe C 2 . 4 de sorte que si sups∈[0,t] k∆(s)k ≤ δ, alors (d’après le théorème de Gronwall) sup S(s; ỹ0 ) − S(s; y0) ≤ s∈[0,t] δ(etL − 1) . L Par composition, f ′ (ϕs (y0 )) est continue en y0 et on peut donc conclure à la continuité de S(t; y0 ) par rapport à y0 , puis par rapport à (t, y0). Théorème 2.2 Si f est de classe C k sur D, alors (t, y) 7→ ϕt (y) est également de classe C k sur Ω0 . Preuve. Par récurrence. 3 Propriétés géométriques du flot Dans cette partie, nous énonçons quelques propriétés géométriques du flot : il s’agit de résultats de conservation de quantités dont l’interprétation physique est pertinente dans de nombreuses applications. 3.1 Conservation du volume Suposons que f , de classe C 1 , soit de divergence nulle, c’est-à-dire que ∂f (y) ∀y ∈ D, div (f )(y) = Tr ∂y = d X ∂fi i=1 ∂yi (y) = 0 Considérons alors un ensemble mesurable A de Rd pour la mesure dy et Z Vol(A) = dy A son volume. Le flot ϕt (·) considéré comme application de Rd dans Rd envoie chaque point y de A sur un point ϕt (y) de ϕt (A) et il est naturel de considérer le volume de l’ensemble image ϕt (A), à savoir : Z dy ϕt (A) On a alors : Théorème 3.1 Pour un système différentiel de la forme ẏ = f (y), avec f de classe C 1 sur D telle que divf ≡ 0, alors Vol(ϕt (A)) = Vol(A) pour tout ensemble mesurable A ⊂ Rd . 5 Preuve. Soit Ψt (y) = ∂ϕt (y). ∂y Ψt est solution de l’équation variationnelle (ϕt (y))Ψt(y), Ψ̇t (y) = ∂f ∂y Ψ0 (y) = IRd Pour une matrice M ∈ GLd (R), on a : ∀ H ∈ Md (R), (dM det)H = (det M)T r(M −1 H) En effet : det(M + tH) − det(M) 1 −1 d −1 = t det(M) t det( IRd + M H) − 1 t t −1 = t det(M) (1 + t T r(M −1 H) + . . . + td det(M −1 H) − 1) = det(M) T r(M −1 H) + O(t) Il vient donc 2 : d d d det(Ψt (y)) = (dΨt det) Ψt = det(Ψt ) T r(Ψ−1 Ψt ), t dt dt dt = det(Ψt ) T r(Ψ−1 t (∂y f (ϕt (y))) Ψt ), = det(Ψt ) T r(∂y f (ϕt (y))) = 0. Ainsi, det(Ψt (y)) = det(Ψ0 (y)) = det(IRd ) = 1, et Z Z Z ∂ϕ t det dz = (y) dy = dy. ∂y ϕt (A) A A 2. On peut aussi faire un calcul direct. Soient Ψ1 , . . . , Ψd les vecteurs colonnes de Ψt et αi,j , 1 ≤ i, j ≤ d, les coefficients de la matrice Θ = Ψ−1 t ∂y f (ϕt (y))Ψt . On a bien sûr pour tout j = 1, . . . , n d X d αi,j Ψi . Ψj = (∂y f (ϕt (y)))Ψj = dt i=1 Le déterminant étant une n-forme antisymétrique ω d , on a : d det(Ψt ) = dt = d X ω d (Ψ1 , . . . , Ψj−1 , Ψ̇j , Ψj+1 , . . . , Ψd ) = ω d (Ψ1 , . . . , Ψj−1 , αi,j Ψi , Ψj+1 , . . . , Ψd ), i,j=1 j=1 d X d X αj,j ω d (Ψ1 , . . . , Ψj−1 , Ψj , Ψj+1 , . . . , Ψd ) = T r(Θ) det(Ψt ) = det(Ψt )T r(∂y f (ϕt (y))) = 0. j=1 6 3.2 Conservation de l’énergie Dans cette sous-section et la suivante, on suppose que le système différentiel (1) est Hamiltonien, c’est-à-dire qu’il peut d’écrire sous la forme ẏ = J −1 ∇y H(y), où H(·) est une fonction de R2d dans R et où J est la matrice de M2d (R) 0 Id J= −Id 0 En partitionnant y en y = (pT , q T )T où p et q sont deux vecteurs de Rd (en physique, q désigne le vecteur position et p le vecteur quantité de mouvement), on peut aussi écrire le système sous la forme ṗ = −∇q H(p, q) q̇ = ∇p H(p, q) Notons que pour un système Hamiltonien, on a divf = Tr( ∂f ) = Tr(J −1 ∇2 H) = Tr(∇2 HJ −T ) = −Tr(J −1 ∇2 H) = −divf = 0 ∂y de sorte que le flot d’un système Hamiltonien préserve le volume. On a en outre : Théorème 3.2 Soit ϕt le flot associé à un système Hamiltonien. Alors, pour tout (t, y) ∈ Ω0 , H(ϕt (y)) = H(y). Preuve. Le long de toute trajectoire exacte, il vient ∂H d H(ϕt (y)) = ϕ̇t (y) dt ∂y = (∇H(ϕt (y)))T J −1 ∇H(ϕt (y)) = 0 car la matrice J est antisymétrique, i.e. J T = −J. 3.3 Symplecticité et flot Hamiltonien 3.3.1 Quelques éléments de géométrie On considére le parallélogramme P de R2d engendré par les vecteurs p p η ξ et η = ξ= ηq ξq dans l’espace des“phases” (p, q) : P = {tξ + sη | 0 ≤ t, s ≤ 1} 7 R2d−2 ξ η qI pI (ξip ηiq − ξiq ηip ) F IGURE 1 – Application ω En dimension 1, l’aire orientée de P s’écrit : aire.orientée(P ) = ξ p ηp ξ q ηq = ξ pηq − ξ q ηp. En dimension d > 1, on remplace cette expression par la somme ω(ξ, η) des aires orientées des projections sur les plans (pi , qi ) de P : d X ξip ηip ω(ξ, η) = ξiq ηiq = i=1 d X (ξip ηiq − ξiq ηip ). i=1 ω définit ainsi une forme bilinéaire antisymétrique, que l’on peut encore écrire : ω(ξ, η) = ξ T Jη, où J est la matrice définie précédemment. 3.3.2 Transformations symplectiques Définition 3.3 Une application linéaire A : R2d → R2d (confondue une fois encore avec sa représentation matricielle de GL2d (R)) est dite symplectique si : AT JA = J, c’est-à-dire de manière équivalente, si : ∀(ξ, η) ∈ R2d × R2d , ω(Aξ, Aη) = ω(ξ, η). En dimension d = 1, la symplecticité de A ne traduit rien d’autre que la conservation des aires. En dimension d > 1, elle traduit la conservation de la somme des aires orientées des projections sur les plans (pi , qi ). 8 ∂ψ ds ∂s ∂ψ dt ∂t ∂g◦ψ ds ∂s g R2d−2 (p0 , q0 ) ∂g◦ψ dt ∂t g(p0 , q0 ) qI q pI I pI F IGURE 2 – Image de M par g Définition 3.4 Une application g de U ouvert de R2d dans R2d , de classe C 1 sur U, est dite symplectique si sa matrice jacobienne g ′ (y) est symplectique pour tout y de U, c’est-à-dire si : T ∀y ∈ U, (g ′(y)) Jg ′ (y) = J, ou de manière équivalente si : ∀y ∈ U, ∀(ξ, η) ∈ R2d × R2d , ω(g ′(y)ξ, g ′(y)η) = ω(ξ, η). Soit M une variété bidimensionnelle de U, telle qu’il existe une “carte globale” : M = ψ(K), où K est un compact de R2 et ψ(s, t) un difféomorphisme de K dans M. M peut être vue comme la limite de l’union de “petits parallélogrammes” engendrés par les vecteurs ∂ψ ∂ψ ds et dt. ∂s ∂t Alors, la somme des aires orientées des projections sur les plans (pi , qi ) de tous ces parallélogrammes s’écrit : ZZ ∂ψ ∂ψ (s, t))dsdt. Ω(M) = ω( (s, t), ∂s ∂t K Théorème 3.5 Soit U un ouvert de R2d et g une application de U dans R2d , de classe C 1 . Si g est symplectique sur U, alors elle préserve Ω(M), c’est-à-dire : Ω(g(M)) = Ω(M) 9 Preuve. La sous-variété g(M) peut être paramétrée par g ◦ ψ sur K. On a donc : ZZ ∂g ◦ ψ ∂g ◦ ψ Ω(g(M)) = ω( (s, t), (s, t))dsdt ∂s ∂t K ZZ ∂ψ ∂ψ = ω(g ′(ψ(s, t)) (s, t), g ′(ψ(s, t)) (s, t))dsdt ∂s ∂t K T ZZ ∂ψ ∂ψ T = (s, t) (g ′ (ψ(s, t))) Jg ′(ψ(s, t)) (s, t)dsdt {z } ∂t | ∂s K =J = Ω(M) 3.3.3 Symplecticité du flot d’un système Hamiltonien On considère toujours une fonction f (y) = J −1 ∇y H(y) et le système différentiel Hamiltonian associé. Théorème 3.6 (Poincaré 1899) Soit H(·) une fonction de classe C 2 d’un ouvert D de R2d dans R (telle que ∇y H(·) soit localement Lipschitzienne). Alors pour tout (t, y) ∈ Ω0 , ϕt est une transformation symplectique. t Preuve. La matrice Ψt (y) = ∂ϕ est solution de l’équation variationnelle : ∂y Ψ̇t (y) = J −1 ∇2 H(ϕt (y))Ψt(y) Ψ0 (y) = I2d T Or ∇2 H(ϕt (y)) est symétrique, i.e. ((∇2 H(ϕt (y))) = ∇2 H(ϕt (y)). D’où : d ΨTt (y)JΨt (y) = Ψ̇Tt (y)JΨt (y) + ΨTt (y)J Ψ̇t(y), dt T T −1 2 = ΨTt (y)(∇2H)T |J −T | {zJ}(∇ H)Ψt (y) {z J} Ψt (y) + Ψt (y) J =−J −1 J=−I =I = 0 En outre, pour t = 0 on a ΨT0 (y)JΨ0 (y) = I T JI = J ce qui permet de conclure. Théorème 3.7 Soit D un ouvert connexe de R2d et f une fonction C 1 de D dans R2d . On suppose qu’il existe un t > 0 et un ouvert U simplement connexe ou étoilé tels que [0, t] × U ⊂ Ω0 et que pour tout 0 ≤ s ≤ t et tout y ∈ U, ϕs (y) est symplectique. Alors, ẏ = f (y) est un système Hamiltonien sur U, c’est-à-dire qu’il existe une fonction H de classe C 2 sur U telle que ∀y ∈ U, f (y) = J −1 ∇y H(y). 10 s Preuve. Pour tout (s, y) ∈ [0, t] × U, Ψs (y) = ∂ϕ est solution de l’équation variationnelle : ∂y Ψ̇s (y) = f ′ (ϕs (y))Ψs (y) Ψ0 (y) = I2d En différentiant, il vient : d ΨTs (y)JΨs (y) = ΨTs (y) (f ′ (ϕs (y)))T J + Jf ′ (ϕs (y)) Ψs (y) ds En écrivant l’égalité pour s = 0 et en tenant compte de J T = −J, on voit que Jf ′ (y) doit être symétrique pour tout y ∈ U. Donc Jf ′ (y) = ∇y H(y) d’après le lemme d’intégrabilité détaillé ciaprès. Lemme 3.8 (Lemme d’intégrabilité) Soit U un ouvert de Rn et f : U → Rn une fonction de classe C 1 , telle que f ′ (y) soit symétrique pour tout y ∈ U. Alors, pour tout y0 de D, il existe un voisinage V(y0 ) et une fonction H définie sur V(y0 ) telle que : ∀ y ∈ V(y0 ), f (y) = ∇y H(y). (6) Preuve. Soit B0 ⊂ U une boule de centre y0 contenue dans U. On définit H sur B0 par : Z 1 H(y) = (y − y0 )T f (y0 + t(y − y0 ))dt. 0 Il vient alors, en utilisant la symétrie de f ′ (y) : Z 1 ∂H ∂f (y) = (y0 + t(y − y0 ))dt fj (y0 + t(y − y0 )) + t(y − y0 )T ∂yj ∂yj 0 Z 1 = fj (y0 + t(y − y0 )) + t(y − y0 )T (∇y fj )(y0 + t(y − y0 ))dt Z0 1 d = (tfj (y0 + t(y − y0 ))) dt 0 dt = fj (y) Remarque 3.9 Lorsque l’ouvert considéré est étoilé par rapport à l’un de ses points y0 ∈ U, alors on peut définir H sur tout U. Remarque 3.10 Dans le cas général d’un ouvert quelconque, le résultat du théorème 3.7 est faux. Considérons par exemple le système : p ṗ = p2 +q 2 (7) q q̇ = p2 +q2 11 q δ(t) δ0 p F IGURE 3 – Symplecticité du flot de (7) : conservation de l’aire défini sur U = {(p, q) ∈ R2 ; (p, q) 6= (0, 0)}. Pour (p0 , q0 ) ∈ U, le flot s’écrit : p0 ϕt (p0 , q0 ) = α(t, r0 ) , q0 p p t est de la forme : avec α(t, r0) = 1 + 2t/r02 et r0 = p20 + q02 . Sa dérivée ∂(p∂ϕ 0 ,q0 ) # " p2 (∂r0 α) r00 + α (∂r0 α) pr00q0 ∂ϕt (∂p0 α)p0 + α (∂q0 α)p0 . = = q2 (∂p0 α)q0 (∂q0 α)q0 + α ∂(p0 , q0 ) (∂r0 α) p0q0 (∂r0 α) 0 + α r0 r0 C’est une matrice symplectique si α2 + αr0 (∂r0 α) = 1, ce qui se vérifie par un simple calcul. Localement, on peut écrire le système comme un système Hamiltonien. Par exemple, dans le demiplan p > 0, on peut prendre H(p, q) = − arctan qp et vérifier que : 1 1 p = ṗ 2 = 2 q p 1+ 2 p + q2 p q q 1 ∇p H(p, q) = 2 = = q̇ 2 p 1 + q2 p2 + q 2 − ∇q H(p, q) = (8) (9) p A contrario, supposons qu’il existe un H de classe C 2 sur U, tel que le champ de vecteur f (p, q) = (p2 + q 2 )−1 [p, q]T s’écrive f (p, q) = J −1 ∇p,q H(p, q). Considérons alors la forme différentielle ωp,q = f2 (p, q)dp − f1 (p, q)dq (10) et calculons son intégrale le long du chemin Γ paramétré par (p, q) = (cos(θ), sin(θ)) : Z Z 2π Z 2π − sin(θ) ω= ωcos(θ),sin(θ) dθ = (− sin2 (θ) − cos2 (θ))dθ = −2π cos(θ) Γ 0 0 Or on aurait par ailleurs ωp,q = (∂p H)(p, q)dp + (∂q H)(p, q)dq = dH dont l’intégrale sur Γ est nulle. H ne peut donc pas être défini sur tout U. L’hypothèse de simple connexité est essentielle pour cela. 12 4 Flot et dérivées de Lie Dans cette partie, nous nous intéressons à la composition de flots associés à des fonctions f1 et f2 différentes. Il est en effet naturel, dans un certain nombre de situations, de considérer les flots ϕ1t et ϕ2t associés à chacun des termes de la somme f = f1 + f2 de deux fonctions de Rd and Rd , supposées toutes deux continues et localement Lipschitziennes sur un ouvert connexe D. 4.1 Représentation exponentielle du flot Définition 4.1 Soit f une fonction C 1 (D, Rd). L’opérateur dérivée de Lie Lf est défini par : ∂· f, Lf = ∂y au sens où, si g une fonction de C 1 (Rd , Rm ), on a : ∂g d (y) f (y) = g ′ (y)f (y) ∀ y ∈ R , Lf [g](y) = ∂y Si f et g sont supposées de classe C ∞ , alors on peut itérer l’opérateur Lf et considérer ses puissances Lkf en définissant Lk+1 [g] = Lf [Lkf [g]], k = 1, . . . , ∞ f On obtient par exemple : L2f [g] = g ′′(f, f ) + g ′ f ′ f L3f [g] = g ′′′ (f, f, f ) + 3g ′′ (f ′ f, f ) + g ′f ′′ (f, f ) + g ′ f ′ f ′ f Par ailleurs, il vient successivement d g(ϕt(y)) = g ′ (ϕt (y))ϕ̇t (y) = g ′ (ϕt (y))f (ϕt(y)) = Lf [g](ϕt (y)) dt d d2 g(ϕt(y)) = g ′′ (ϕ̇t (y), f ) + g ′ f ′ ϕ̇t (y) = Lf [ g(ϕt (y))] = L2f [g](ϕt (y)) 2 dt dt où l’argument ϕt (y) de g ′′ , f ′ et f a été omis dans la second ligne pour alléger les notations, et plus généralement dk g(ϕt (y)) = (Lkf [g])(ϕt(y)) k dt de sorte que le développement en série de Taylor de g(ϕt (y)) en t = 0 s’écrit : g(ϕt (y)) = X tk k≥0 k! (Lkf [g])(y) = exp(tLf )[g](y), 13 et pour g(y) = y : ϕt (y) = exp(tLf )[Id](y) Notons que la série converge si f est analytique. Remarque 4.2 L’opérateur Lf fait apparaı̂tre la dérivée première de son argument g et est dit d’ordre 1 pour cette raison. Le k-ième itéré de Lf fait apparaı̂tre la dérivée k-ième de son argument g et est dit d’ordre k. 4.2 Composition de flots et opérateur dérivée de Lie Considérons maintenant le cas de deux fonctions f1 et f2 de C 1 (Rd , Rd ). Les dérivées de Lie associées peuvent être appliquées l’une après l’autre. Par exemple, on a (Lf1 Lf2 )[g] = Lf1 [Lf2 [g]] = g ′′ (f1 , f2 ) + g ′f2′ f1 (Lf2 Lf1 )[g] = Lf2 [Lf1 [g]] = g ′′ (f2 , f1 ) + g ′f1′ f2 d’où il apparaı̂t clairement que les opérateurs Lf1 et Lf2 ne commutent pas en général. Les deux opérateurs Lf1 Lf2 et Lf2 Lf1 sont d’ordre 2, mais de manière remarquable, Lf1 Lf2 − Lf2 Lf1 est d’ordre 1 puisque le terme g ′′(f1 , f2 ) = g ′′ (f2 , f1 ) disparaı̂t. La composition des flots ϕ1s et ϕ2t peut alors s’écrire (formellement ) comme : (ϕ2t ◦ ϕ1s )(y) = exp(sLf1 ) exp(tLf2 )[Id](y). (11) Les opérateurs apparaissent dans l’ordre inverse car (11) s’obtient en considérant g(y) = ϕ2t (y) et en développant g(ϕ1s (y)). Les séries considérées sont des séries formelles, en général non convergentes, car les opérateurs Lf1 et Lf2 sont non bornés. Par ailleurs, si Lf1 et Lf2 ne commutent pas, alors exp(sLf1 ) exp(tLf2 ) 6= exp(sLf1 +tLf2 ). Cependant, on peut formellement procéder à l’identification exp(sLf1 ) exp(tLf2 ) = exp(L(s, t)) avec L(s, t) = sLf1 + tLf2 + st[Lf1 , Lf2 ] + s2 t st2 [Lf1 , [Lf1 , Lf2 ]] + [Lf , [Lf2 , Lf1 ]] + . . . 12 12 2 (12) où [Lf1 , Lf2 ] = Lf1 Lf2 − Lf2 Lf1 . Cette identification devient rigoureuse si elle est interprétée comme l’identification de développements de Taylor au voisinage de s = t = 0. Les termes suivants du développement sont donnés par la formule Baker-Campbell-Hausdorff (BCH). La formule (12) conduit à penser que si [Lf1 , Lf2 ] = 0, alors les flots ϕ1s et ϕ2t commutent. Le résultat est vrai mais ne peut être démontré à partir de (12) puisque les séries considérées ne sont pas convergentes. Théorème 4.3 Soient f1 et f2 deux champs de vecteurs de C 1 (Rd , Rd ). La composition des flots ϕ1s et ϕ2t est commutative si et seulement si ∂· ∂f1 ∂f2 [Lf1 , Lf2 ] = f2 − f1 = 0. ∂y ∂y ∂y 14 Preuve. Quitte à reparamétriser s en multipliant f1 par une constante (ce qui ne change rien à la nullité du crochet de Lie), on peut considérer s = t. On remarque tout d’abord que, d’après la formule (12), pour tout y de Rd , et pour h > 0 suffisament petit : (ϕ2h ◦ ϕ1h − ϕ2h ◦ ϕ1h )(y) = O(h3 ) (13) où la constante contenue dans O est obtenue par majoration des dérivées sur un compact contenant (ϕ2u ◦ ϕ1v )(y) et (ϕ1v ◦ ϕ2u )(y) pour tout 0 ≤ u, v ≤ t. Prenons h = t/N. Il vient : ϕ2t ◦ ϕ1t = = = = = ϕ2t−h ◦ ϕ2h ◦ ϕ1h ◦ ϕ1t−h ϕ2t−h ◦ ϕ1h ◦ ϕ2h ◦ ϕ1t−h + O(h3 ) ϕ2t−h ◦ ϕ12h ◦ ϕ2h ◦ ϕ1t−2h + 2O(h3 ) ··· ϕ2t−h ◦ ϕ1N h ◦ ϕ2h + NO(h3 ). En répétant l’opération N fois, on obtient : (ϕ2t ◦ ϕ1t − ϕ1t ◦ ϕ2t ) = N 2 O(h3 ) = O(1/N) (14) Preuve. [Preuve alternative] Quitte à reparamétriser s en multipliant f1 par une constante (ce qui ne change rien à la nullité du crochet de Lie), on peut considérer s = t. La loi de groupe ϕ1t ◦ ϕ1s = ϕ1t+s = ϕ1s ◦ ϕ1t donne par dérivation par rapport à t ϕ̇1t ◦ ϕ1s = ∂y (ϕ1s ) ◦ ϕ1t · ϕ̇1t i.e. f1 ◦ ϕ1t ◦ ϕ1s = ∂y (ϕ1s ) ◦ ϕ1t · (f1 ◦ ϕ1t ) et donc pour t = 0 f1 ◦ ϕ1s = ∂y (ϕ1s ) · f1 . Montrons la relation similaire suivante (∂y ϕ1t ) · f2 = f2 ◦ ϕ1t . On a par dérivation à nouveau d 1 1 = (∂y ϕ̇1t ) · f2 − ∂y f2 ◦ ϕ1t · ϕ̇1t (∂y ϕt ) · f2 − f2 ◦ ϕt dt = ∂y f1 ◦ ϕ1t · ∂y ϕ1t · f2 − ∂y f2 ◦ ϕ1t · f1 ◦ ϕ1t = ∂y f1 ◦ ϕ1t · ∂y ϕ1t · f2 − ∂y f1 ◦ ϕ1t · f2 ◦ ϕ1t = ∂y f1 ◦ ϕ1t · (∂y ϕ1t ) · f2 − f2 ◦ ϕ1t où l’on a utilisé la nullité du crochet de Lie et remplacé ∂y f2 · f1 par ∂y f1 · f2 . Donc la fonction w(t) := (∂y ϕ1t ) · f2 − f2 ◦ ϕ1t satisfait une équation différentielle linéaire avec condition initiale 15 w(0) = f2 − f2 = 0. Elle est donc constamment nulle. Il vient maintenant d 1 (ϕ ◦ ϕ2t ) = (ϕ̇1t ) ◦ ϕ2t + (∂y ϕ1t ) ◦ ϕ2t · ϕ̇2t dt t = f1 ◦ ϕ1t ◦ ϕ2t + (∂y ϕ1t ) ◦ ϕ2t · f2 ◦ ϕ2t = (f1 + f2 ) ◦ (ϕ1t ◦ ϕ2t ) La même relation est satisfaite par ϕ2t ◦ ϕ1t . Les fonctions ϕ2t ◦ ϕ1t et ϕ1t ◦ ϕ2t satisfont donc la même équation différentielle avec la même condition initiale ϕ20 ◦ ϕ10 = ϕ10 ◦ ϕ20 = id, donc par unicité sont égales. 16