Philippe Ducatteeuw Institut français d'analyse transactionnelle | « Actualités en analyse transactionnelle » 2017/3 n° 159 | pages 3 à 12 ISSN 1377-8935 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-actualites-en-analysetransactionnelle-2017-3-page-3.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Philippe Ducatteeuw, « Le concept d’entreprise « libérée » vu par l’analyse transactionnelle », Actualités en analyse transactionnelle 2017/3 (n° 159), p. 3-12. DOI 10.3917/aatc.159.0003 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Institut français d'analyse transactionnelle. © Institut français d'analyse transactionnelle. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 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Après une rapide revue des principales théories du management qui ont préparé le terrain de la « libération » des entreprises, Philippe nous invite à repenser l’objet de son étude selon la Théorie des Organisations de Berne. Tout d’abord, l’environnement : qu’est-ce qui fait qu’actuellement les circonstances socio-historiques favorisent l’émergence du concept d’entreprise libérée ? Puis avec le logos analytique de son Adulte, l’auteur nous montre ce que n’est pas une entreprise libérée. Il poursuit et reprend différents modèles sur la motivation et les confronte à la notion d’ajustement d’imago de la Théorie des Organisations de Berne. Philippe termine par un vade mecum pour mettre en place la libération d’une entreprise en s’appuyant sur la notion de contrat chère à tout analyste transactionnel. F.V. Vos réactions à cet article sont les bienvenues. Envoyez-les à [email protected] D ans le monde des organisations, on entend de plus en plus souvent parler d’entreprises « libérées ». Au cours des formations et des supervisions que je donne, j’ai souvent des questions concernant les entreprises libérées : « On en parle beaucoup, mais c’est quoi une entreprise libérée ? », « La Théorie Organisationnelle de Berne (TOB) et la notion d’entreprise libérée sont-elles compatibles ? ». En tant que TSTA-O et ancien manager, j’ai eu l’occasion d’étudier et de pratiquer les deux. Je me suis donc fait une idée de la réponse à ces questions et mon objectif dans cet article est de la partager. Dès maintenant, je tiens à préciser que je mets le terme « libérée » entre guillemets car je pense qu’il est erroné. Il faudrait plutôt parler d’entreprise qui libère ou libérante, comme le dit le leader d’une entreprise de ce type avec qui j’ai eu l’occasion de travailler. Juillet 2017 - n° 159 - Organisations 2.0 Philippe Ducatteew TSTA-O Fleurbaix France 3 Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Le concept d’entreprise « libérée » vu par l’analyse Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Qu’est-ce qu’une entreprise « libérée » ? L ibérée ou libérante ? Et si cette entreprise est libérée, de quoi l’est-elle ? En 2012, dans un livre intitulé Liberté & Cie1 et sous-titré Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises, Isaac Getz et Brian M. Carney utilisent pour la première fois ce terme « d’entreprise libérée ». En 2015, un documentaire intitulé Le Bonheur au travail diffusé sur la chaîne franco-allemande ARTE a donné une publicité importante à ce phénomène. Outre un indiscutable effet marketing, pour ne pas dire un effet de mode, comme il s’en produit régulièrement dans le monde des organisations, un certain nombre de raisons justifient ce succès. Regardons d’un peu plus près ce bel « alignement des planètes ». Depuis longtemps, des chercheurs préparaient le terrain du concept d’entreprise « libérée ». D’abord, Abraham Maslow et ses études sur le développement du potentiel humain dans les années 1960, puis Mac Grégor (théorie X et Y) et bien d’autres chercheurs et théoriciens du management tels Edward L. Decci et Richard M. Ryan, avec la théorie de l’auto-motivation (TAD), avaient jeté les bases de cette notion. Même si l’idée n’est pas nouvelle, elle est formulée ainsi : plus on fait confiance aux salariés, plus on leur laisse la liberté de s’organiser dans une organisation qui génère un environnement motivant, et plus les salariés prennent des initiatives et assurent leurs responsabilités. C’est dans cette optique qu’il nous paraît plus cohérent de parler d’entreprise libérante que d’entreprise « libérée ». Un contexte favorable à la « libération » des entreprises 4 Trois bonnes raisons « avouables » Tout d’abord : lutter contre le stress. La fréquence des burnout qui ne fait qu’augmenter indique les limites de résistance au stress du personnel des organisations et affecte profondément les résultats économiques des entreprises. Forte de ce constat, la France a voté une loi2 pour lutter et prévenir les risques psychosociaux (RPS). Elle sensibilise les managers aux conséquences judiciaires des risques sur les personnes : amende de 30 000 € et deux ans de prison. Une autre « bonne raison » tient au phénomène des départs massifs en retraite de la génération baby-boom et à l’arrivée des générations dites Y et Z.3 Ces dernières obligent les entreprises à modifier leur façon de gérer le personnel sous peine de voir fuir rapidement ces jeunes A.A.T. - Revue trimestrielle de l’IFAT (www.ifat.net) Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Philippe Ducatteew Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle spécialistes qu’elles avaient eu un mal fou à embaucher. En effet, les générations Y et Z ne supportent plus le management descendant, n’admettent plus les contrôles que subissaient leurs aînés : elles ont besoin d’une certaine liberté dans l’action. Enfin, le besoin d’innovation permanente nécessité par l’essor de la technologie pousse à mettre en œuvre les techniques d’intelligence collective pour utiliser toutes les compétences disponibles dans l’entreprise. Cependant, d’autres raisons, moins philanthropiques peut-être, expliquent l’essor du concept d’entreprise « libérée ». Chercher à réduire les effectifs et accroître les bénéfices Une mauvaise lecture de Liberté & Cie ainsi que le marketing sur le sujet peuvent amener à penser que l’entreprise « libérée » permet de se passer de tout ou partie de l’encadrement. Mais c’est une erreur. À chiffre d’affaires égal, on n’obtient pas une augmentation de la marge et les effectifs ne diminuent pas. Et même si les résultats des entreprises « libérées » sont exceptionnels, ils ne sont pas dus à la réduction des effectifs. Céder à la mode du « Happy washing » Une nouvelle mode venue de la Silicon Valley4 incite les organisations à fortement valoriser tout ce qui est « positif »5. Cette tentative de peindre en rose les lunettes des membres de leur personnel est appelée « Happy washing ». Cette tendance actuelle est apparue ces dernières années dans les organisations, bien que cette « pensée positive » n’ait rien à voir avec la psychologie positive de Martin Seligman. Alors, pour faire bien et paraître à la page, certaines organisations sont prêtes à mettre en place des « mesurettes » qui n’ont rien à voir avec le fond théorique de l’entreprise « libérée ». U ne lecture attentive de Liberté & Cie fait apparaître un certain nombre de paradoxes par rapport au titre, car une entreprise « libérée » est tout sauf : * Une entreprise sans vision. Ce que l’entreprise « libérée » n’est pas Getz et Carney nous rapportent cette anecdote à propos de l’entreprise viticole Sea Smoke et de son patron, Bob Davids : « Ce que Bob a cherché à faire comprendre à ses salariés dès leur entretien Philippe Ducatteew Juillet 2017 - n° 159 - Organisations 2.0 5 Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Le concept d’entreprise « libérée » vu par l’analyse transactionnelle Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle d’embauche, c’est que Sea Smoke consiste à produire du Pinot noir de qualité mondiale. C’est pour réaliser cette vision qu’il les a laissés libres de définir eux-mêmes les mesures à prendre »6. Pour être précis, la vision de Bob Davids s’énonce ainsi : « faire produire à ses vignes “le meilleur pinot noir humainement possible” »7. L’entreprise libérée repose sur la vision du leader et cette vision doit faire rêver. * Une entreprise sans leader. Avant de partir voyager un long moment sur son bateau, ce même Bob Davids annonce : « Je serai absent huit mois […]. Si vous avez le sentiment qu’il faut absolument me contacter, qu’il faut impérativement que je m’occupe de votre problème, je vous demande de vous allonger. Quand cette impression aura disparu, relevez-vous, réglez le problème et envoyez-moi un e-mail pour me faire connaître la solution. »8 A noter que ce texte est placé en exergue du chapitre 4 de Liberté & Cie intitulé « Liberté ne veut pas dire anarchie » et sous- titré « Une entreprise libérée doit avoir une vision commune ». Il y a donc bien un leader à la barre de l’entreprise « libérée » (et en l’occurrence aussi à la barre de son bateau) mais on perçoit à travers sa déclaration qu’il exerce son leadership de manière plutôt originale. * Une entreprise sans organisation et sans encadrement. « Deux ans plus tard, un jour d’été de 2003 où il se trouve aux Bahamas, Davids reçoit un coup de fil du directeur et viticulteur en chef de son vignoble, Victor Gallegos. »9 Mais ce que nous dit également Davids, c’est que l’entreprise a également un maître de chai, Kris Curran. Il y a donc bien un directeur qui fait office de chef, et au moins un maître de chai. Tout ceci montre bien qu’il y a une organisation hiérarchique. Mais la façon de la faire fonctionner dans une entreprise « libérée » est particulière. * Une entreprise rapide de mise en œuvre Pour être honnête, Isaac Getz insiste tout au long du livre pour dire que la mise en œuvre est longue. Contrairement au « Happy washing », l’entreprise « libérée » ne se décrète pas. Elle s’élabore patiemment et cela prend du temps. « Au terme de quinze ans d’efforts, Westphal [PDG de Vertex] estimait que la culture de son entreprise était à mi-chemin sur la voie vers son idéal, et qu’il faudrait « encore dix ou quinze ans » pour l’atteindre. »10 6 A.A.T. - Revue trimestrielle de l’IFAT (www.ifat.net) Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Philippe Ducatteew * Un concept nouveau Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle L’entreprise « libérée » n’est pas un concept nouveau11. Comme le disait déjà William L. McKnight, le patron de 3M (post-it, etc.) en 1924 : « Les individus réagissent à leur environnement. (…) Si vous mettez des barrières, vous obtiendrez des moutons ». E n reprenant les travaux de Deci (1975) et White (1959) sur les motivations extrinsèque et intrinsèque, on comprend mieux ce qui pousse à agir les individus dans une entreprise « libérée ». Lorsqu’un individu pratique une activité qu’il trouve intéressante et qui lui apporte satisfaction ou plaisir, on dit qu’il est poussé par une motivation intrinsèque. L’activité elle-même est, pour lui, source de gratification. La personne est intéressée à ce qu’elle fait, manifeste de la curiosité, explore de nouveaux stimuli et cherche à remporter des défis toujours plus grands. Pour Deci et White, trois besoins humains doivent être satisfaits pour permettre l’accès à l’auto-motivation : • La compétence, c’est-à-dire la propension à exercer un effet sur l’environnement ainsi qu’à accéder à des résultats appréciés à l’intérieur de celui-ci. • L’autonomie qui est le désir d’organiser soi-même son expérience et son comportement, et d’avoir une activité qui coïncide avec le sentiment intégré qu’on a de soi. • L’affiliation qui est le désir d’aimer et de soigner, d’être aimé et d’être soigné. L’entreprise « libérée » et la notion de motivation Mais I. Getz nomme différemment ces mêmes besoins. Il les appelle besoin de développement et de soutien, besoin d’autodirection, et besoin d’égalité intrinsèque et de considération. Par contre, quand un individu entreprend une activité pour des raisons qui lui sont extérieures, on dit qu’il est mû par une motivation extrinsèque. Parmi les exemples les plus évidents de motivation extrinsèque, figure le cas où l’individu agit avant tout pour obtenir une récompense ou éviter une punition. Ainsi, un membre d’une organisation est soumis à une motivation extrinsèque, mais il va chercher à la faire coïncider avec une motivation intrinsèque. Pour opérer ce rapprochement, l’individu Philippe Ducatteew Juillet 2017 - n° 159 - Organisations 2.0 7 Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Le concept d’entreprise « libérée » vu par l’analyse transactionnelle Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle va fonctionner en quatre étapes successives appelés stades de régulation. . Régulation Extérieure L’individu entreprend une activité en fonction d’une conséquence qui lui est extérieure (ex : obtenir une récompense ou éviter une punition). . Régulation Introjectée ou Introjection Cette régulation implique que l’individu accepte une exigence, une demande ou un règlement externe mais qu’il ne les fait pas totalement siens. . Régulation Identifiée ou Identification Le sujet comprend que les facteurs externes qui régissent son comportement peuvent avoir des conséquences importantes pour lui et il accepte alors de les faire siens. . Régulation Intégrée ou Intégration L’individu réussit à intensifier l’identification pour y adjoindre d’autres aspects de sa nature profonde, d’autres valeurs personnelles, ce qui l’amène à évoluer et à découvrir sa propre valeur et son moi profond. Parmi les formes d’intériorisation, l’intégration est la plus poussée et constitue le meilleur moyen pour que les comportements motivés par des facteurs extrinsèques deviennent vraiment autonomes ou autodéterminés. La Théorie des Organisations de Berne : une grille de lecture pertinente pour les entreprises « libérées » P our un analyste transactionnel spécialisé dans la Théorie des Organisations de Berne (TOB), les quatre stades de régulation de la motivation de la théorie de l’auto-motivation (TAD) font immanquablement penser à l’ajustement d’imago décrit par Berne. L’imago de groupe est en effet définie comme « Toute représentation mentale, consciente, préconsciente ou inconsciente de ce qu’un groupe est ou devrait être… »12 . Régulation TAD . . . . 8 Externe Introjectée Identifiée Intégrée Implication d’un membre dans le processus de groupe . Participation . Implication . Engagement . Appartenance Ajustement d’imago TOB . . . . Provisoire Adaptatif Opératif Secondaire A.A.T. - Revue trimestrielle de l’IFAT (www.ifat.net) Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Philippe Ducatteew Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Ceci nous amène à voir de plus près ce que dit Berne de l’ajustement au groupe dans Structure et Dynamique des organisations et des groupes : « Sa participation est programmée par : une image mentale du groupe, les habitudes sociales de celui-ci, certains schémas idiosyncratiques de manipulation et des buts propres, à long terme et prédéterminés, ou, plus synthétiquement, son imago de groupe, la culture du groupe, ses jeux psychologiques et son scénario. Il ne prendra pas d’initiatives dans le processus du groupe jusqu’à ce qu’il pense savoir quelle place il a dans l’imago de groupe du leader, bien qu’il puisse agir en fonction de conclusions hâtives. L’imago de groupe et le scénario suivent des phases d’ajustement bien définies. »13 La notion de culture qui fait partie du canon dans la TOB m’a amené à m’intéresser à un autre passage peu connu de Berne : « L’objet du canon est donc de réguler le travail de groupe et particulièrement le processus interne, série d’opérations destinées à changer la structure organisationnelle, individuelle et privée du groupe. C’est le contrat constitutionnel, le « Je promets de soutenir la constitution de ce groupe » qui maintient les rôles dans la structure organisationnelle. Le reste du processus interne de groupe est régulé par le contrat social, le « Vous respectez ma persona et je respecterai les vôtres ». Le contrat social est imposé par l’étiquette du groupe, mais chaque groupe développe certaines entorses à l’étiquette, et ces entorses font partie du caractère de groupe »14 Apparaissent dans ce passage les notions de contrat constitutionnel et de contrat social. Si on y ajoute la notion de principe opératif (« principe selon lequel un membre adaptable ne prend pas d’initiative tant qu’il pense ne pas connaître sa position dans l’imago du leader »15), on peut penser que l’ajustement d’imago va plus loin que le « qui » généralement évoqué pour l’imago. Cet ajustement porte aussi sur le « quoi » et le « comment »16 à travers la constitution, sur les relations aux autres membres à travers le contrat social et sur la personnalité perçue du leader à travers le principe opératif appelé dans la suite du texte contrat opératif. On trouvera dans le tableau ci-joint les correspondances que l’on peut faire entre les différents éléments de la TOB et les pages qui s’y rapportent. Philippe Ducatteew Juillet 2017 - n° 159 - Organisations 2.0 9 Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Le concept d’entreprise « libérée » vu par l’analyse transactionnelle Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Structure17 Organisationnelle Individuelle Privée Contenu18 Rôles Persona Personnalités Leadership19 Responsable Effectif Psychologique Élément20 Constitution Culture Imago Contrat21 Constitutionnel Social Opératif En nous appuyant sur notre expérience de manager, de formateur et sur l’observation du processus, nous posons une hypothèse de correspondance entre le pilotage de l’ajustement d’imago et les contrats dans le tableau ci-dessous. Ordre 1 2 3 Ajustement d’imago Provisoire Adaptatif Opératif Contrat Constitutionnel Social Opératif Voici les similitudes que nous pouvons faire entre les besoins de l’homme selon Getz (à la suite des travaux de Decci et Ryan), et les différents contrats de Berne : Besoins de l’homme selon I. Getz Développement, soutien Auto direction Égalité intrinsèque, considération Comment mettre en place l’entreprise libérante 10 D Contrats de Berne Constitutionnel Social Opératif e ces trois conditions, Getz déduit la méthode pour mettre en place l’entreprise « libérée ». 1. S’appuyer sur l’égalité intrinsèque : cesser de parler et commencer à écouter. Ensuite, renoncer à tous les symboles qui empêchent les salariés de se sentir intrinsèquement égaux. 2. S’appuyer sur la possibilité de développement : commencer à partager ouvertement et activement sa vision de l’entreprise pour permettre aux salariés de se l’approprier. 3. S’appuyer sur l’auto-direction : arrêter d’essayer de motiver les salariés pour mettre en place un environnement qui leur permettra de se développer et de s’auto-diriger, et les laisser se motiver eux-mêmes. 4. L’entreprise étant maintenant libérée, il faut la maintenir en l’état et, pour cela, le leader doit rester vigilant pour devenir garant de la culture de liberté qui risque à tout instant d’être remise en cause. Une vigilance de tous les instants, tel est le prix de la liberté » 22. A.A.T. - Revue trimestrielle de l’IFAT (www.ifat.net) Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Philippe Ducatteew Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle L’ordre des opérations de Getz me paraît un peu bizarre. On imagine mal un leader arrivant un matin et ne parlant plus. C’est pourquoi, en m’appuyant sur l’ordre des contrats de Berne, je propose l’ordre 2, 3, 1, 4 dans la mise en place des contrats et du suivi des opérations. Ordre pour mise en place de l’entreprise libérée en utilisant la TOB TOB Contrats de Berne Eléments d’un environnement motivant pour I. Getz Getz 1 Constitutionnel Développement, soutien 2 2 Social Auto-direction 3 3 Opératif Egalité intrinsèque, considération 1 4 L’entreprise étant maintenant libérée, il faut la 4 maintenir en l’état et, pour cela, le leader doit rester vigilant pour devenir garant de la culture de liberté qui risque à tout instant d’être remise en cause. Une vigilance de tous les instants, tel est le prix de la liberté » Le point 4 est très important dans une entreprise libérante car le rôle de son leader sera de devenir le gardien farouche d’une culture (au sens TOB) de liberté, c’est-à-dire sans aucun contrôle inutile. C’est peut-être ce que voulait dire Berne en écrivant : « Le meilleur groupe n’est pas forcément celui qui a la culture la plus ferme ou la plus rigoureuse. Ce dont les membres semblent avoir besoin, c’est d’un juste degré de liberté : pas trop limité, pour ne pas les frustrer indûment, ni trop large pour ne pas les déconcerter. »23 Peut-être, dans son génie, avait-il pressenti l’entreprise libérante. E. Berne a écrit Structure et Dynamique des organisations et des groupes comme un ouvrage sur la théorie du fonctionnement des groupes humains. L’entreprise, qu’elle soit « libérée » ou pas, reste un groupe humain et ce qu’a prévu E. Berne se révèle juste, que ce soit pour le succès d’une entreprise ou pour son échec. notes Liberté & Cie Librairie Arthème Fayard 2012 (version française). Les références données dans cet article se rapportent à la version « Poche » publiée chez Flammarion en 2013. 2 Loi n° 91-1414 du 31/12/91 (art L230-2 du code du travail) applicable au 1/1/92: “En cas d’accident du travail, alors que le risque avait été relevé dans le document unique, la faute inexcusable de l’employeur sera de fait établi et sa responsabilité pénale aggravée.” 1 Juillet 2017 - n° 159 - Organisations 2.0 11 Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Le concept d’entreprise « libérée » vu par l’analyse transactionnelle Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Le document unique est exigible depuis le 7/12/2002 et doit intégrer les RPS depuis 2008. L’article L4121-1 à 5 du Code du travail impose à l’employeur d’assurer la santé mentale de ses salariés. Il doit prendre les mesures appropriées afin que les risques liés aux stress ne se réalisent pas. “La survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle liés au stress démontre en tant que telle, l’inexécution de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur”. 3 Le Prix de la confiance, Une révolution humaine au cœur de l’entreprise, Didier Pitelet, Eyrolles 2013. 4 La Siliconisation du monde Éric Sadin, Éditions L’échappée. 5 Le Pouvoir des gentils, Les règles d’or de la relation de confiance, Franck Martin, Eyrolles 2015. 6 Liberté & Cie Librairie Arthème Fayard 2012 p. 95. 7 Ibid. p. 91. 8 Ibid. p. 91. 9 Ibid. p. 92. 10 Ibid. p. 115. 11 Ibid. p. 13. 12 Structure et Dynamique des organisations et des groupes Éditions d’AT, 2005, p. 323. 13 Ibid. p. 229. 14 Ibid. p. 153. 15 Ibid. p. 326. 16 Voir aussi « Les 3C, boussole de l’inattendu : contact, cadre, contrat » V. Sichem, AAT n° 134, avril 2010. 17 Structure et Dynamique des organisations et des groupes Éditions d’AT, 2005, Tableau 1 p. 47. 18 Ibid. Tableau 1 p. 47. 19 Ibid. p. 149. 20 Ibid. p. 153. 21 Ibid. p. 153. 22 Liberté & Cie Librairie Arthème, Fayard, 2012, p. 15. 23 Structure et Dynamique des organisations et des groupes Éditions d’AT, 2005 p. 169. 12 A.A.T. - Revue trimestrielle de l’IFAT (www.ifat.net) Document téléchargé depuis www.cairn.info - St.Francis Xavier University - - 132.174.255.250 - 02/09/2018 17h27. © Institut français d'analyse transactionnelle Philippe Ducatteew