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Philippe Ducatteeuw
Institut français d'analyse transactionnelle | « Actualités en analyse
transactionnelle »
2017/3 n° 159 | pages 3 à 12
ISSN 1377-8935
Article disponible en ligne à l'adresse :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-actualites-en-analysetransactionnelle-2017-3-page-3.htm
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Philippe Ducatteeuw, « Le concept d’entreprise « libérée » vu par l’analyse
transactionnelle », Actualités en analyse transactionnelle 2017/3 (n° 159), p. 3-12.
DOI 10.3917/aatc.159.0003
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LE CONCEPT D’ENTREPRISE « LIBÉRÉE » VU PAR L’ANALYSE
TRANSACTIONNELLE
transactionnelle
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Voici un article qui prend le contre-pied de la mode qui consiste à encenser le phénomène « d’entreprise
libérée ». Après une belle carrière dans l’industrie et une non moins belle carrière d’analyste
transactionnel, Philippe Ducatteeuw TSTA.O nous livre son point de vue sur ce type d’entreprises.
Après une rapide revue des principales théories du management qui ont préparé le terrain de la
« libération » des entreprises, Philippe nous invite à repenser l’objet de son étude selon la Théorie
des Organisations de Berne. Tout d’abord, l’environnement : qu’est-ce qui fait qu’actuellement les
circonstances socio-historiques favorisent l’émergence du concept d’entreprise libérée ? Puis avec le
logos analytique de son Adulte, l’auteur nous montre ce que n’est pas une entreprise libérée. Il
poursuit et reprend différents modèles sur la motivation et les confronte à la notion d’ajustement
d’imago de la Théorie des Organisations de Berne. Philippe termine par un vade mecum pour mettre
en place la libération d’une entreprise en s’appuyant sur la notion de contrat chère à tout analyste
transactionnel.
F.V.
Vos réactions à cet article sont les bienvenues.
Envoyez-les à [email protected]
D
ans le monde des organisations, on entend de plus en
plus souvent parler d’entreprises « libérées ». Au cours
des formations et des supervisions que je donne, j’ai
souvent des questions concernant les entreprises libérées : « On
en parle beaucoup, mais c’est quoi une entreprise libérée ? », « La Théorie
Organisationnelle de Berne (TOB) et la notion d’entreprise libérée sont-elles
compatibles ? ». En tant que TSTA-O et ancien manager, j’ai eu
l’occasion d’étudier et de pratiquer les deux. Je me suis donc fait
une idée de la réponse à ces questions et mon objectif dans cet
article est de la partager. Dès maintenant, je tiens à préciser que
je mets le terme « libérée » entre guillemets car je pense qu’il est
erroné. Il faudrait plutôt parler d’entreprise qui libère ou libérante,
comme le dit le leader d’une entreprise de ce type avec qui j’ai eu
l’occasion de travailler.
Juillet 2017 - n° 159 - Organisations 2.0
Philippe Ducatteew
TSTA-O
Fleurbaix
France
3
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Le concept d’entreprise
« libérée » vu par l’analyse
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Qu’est-ce
qu’une
entreprise
« libérée » ?
L
ibérée ou libérante ? Et si cette entreprise est libérée, de quoi
l’est-elle ?
En 2012, dans un livre intitulé Liberté & Cie1 et sous-titré Quand
la liberté des salariés fait le succès des entreprises, Isaac Getz et Brian
M. Carney utilisent pour la première fois ce terme « d’entreprise
libérée ». En 2015, un documentaire intitulé Le Bonheur au travail
diffusé sur la chaîne franco-allemande ARTE a donné une
publicité importante à ce phénomène. Outre un indiscutable
effet marketing, pour ne pas dire un effet de mode, comme il
s’en produit régulièrement dans le monde des organisations, un
certain nombre de raisons justifient ce succès. Regardons d’un
peu plus près ce bel « alignement des planètes ».
Depuis longtemps, des chercheurs préparaient le terrain du
concept d’entreprise « libérée ». D’abord, Abraham Maslow et
ses études sur le développement du potentiel humain dans les
années 1960, puis Mac Grégor (théorie X et Y) et bien d’autres
chercheurs et théoriciens du management tels Edward L. Decci
et Richard M. Ryan, avec la théorie de l’auto-motivation (TAD),
avaient jeté les bases de cette notion. Même si l’idée n’est pas
nouvelle, elle est formulée ainsi : plus on fait confiance aux
salariés, plus on leur laisse la liberté de s’organiser dans une
organisation qui génère un environnement motivant, et plus les
salariés prennent des initiatives et assurent leurs responsabilités.
C’est dans cette optique qu’il nous paraît plus cohérent de parler
d’entreprise libérante que d’entreprise « libérée ».
Un contexte
favorable à la
« libération »
des entreprises
4
Trois bonnes raisons « avouables »
Tout d’abord : lutter contre le stress. La fréquence des burnout qui ne fait qu’augmenter indique les limites de résistance au
stress du personnel des organisations et affecte profondément
les résultats économiques des entreprises. Forte de ce constat, la
France a voté une loi2 pour lutter et prévenir les risques psychosociaux (RPS). Elle sensibilise les managers aux conséquences
judiciaires des risques sur les personnes : amende de 30 000 €
et deux ans de prison. Une autre « bonne raison » tient au
phénomène des départs massifs en retraite de la génération
baby-boom et à l’arrivée des générations dites Y et Z.3 Ces
dernières obligent les entreprises à modifier leur façon de gérer
le personnel sous peine de voir fuir rapidement ces jeunes
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Philippe Ducatteew
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spécialistes qu’elles avaient eu un mal fou à embaucher. En
effet, les générations Y et Z ne supportent plus le management
descendant, n’admettent plus les contrôles que subissaient leurs
aînés : elles ont besoin d’une certaine liberté dans l’action. Enfin,
le besoin d’innovation permanente nécessité par l’essor de la
technologie pousse à mettre en œuvre les techniques d’intelligence
collective pour utiliser toutes les compétences disponibles dans
l’entreprise.
Cependant, d’autres raisons, moins philanthropiques peut-être,
expliquent l’essor du concept d’entreprise « libérée ».
Chercher à réduire les effectifs et accroître les bénéfices
Une mauvaise lecture de Liberté & Cie ainsi que le marketing sur le
sujet peuvent amener à penser que l’entreprise « libérée » permet
de se passer de tout ou partie de l’encadrement. Mais c’est une
erreur. À chiffre d’affaires égal, on n’obtient pas une augmentation
de la marge et les effectifs ne diminuent pas. Et même si les
résultats des entreprises « libérées » sont exceptionnels, ils ne
sont pas dus à la réduction des effectifs.
Céder à la mode du « Happy washing »
Une nouvelle mode venue de la Silicon Valley4 incite les
organisations à fortement valoriser tout ce qui est « positif »5.
Cette tentative de peindre en rose les lunettes des membres de leur
personnel est appelée « Happy washing ». Cette tendance actuelle
est apparue ces dernières années dans les organisations, bien
que cette « pensée positive » n’ait rien à voir avec la psychologie
positive de Martin Seligman. Alors, pour faire bien et paraître
à la page, certaines organisations sont prêtes à mettre en place
des « mesurettes » qui n’ont rien à voir avec le fond théorique de
l’entreprise « libérée ».
U
ne lecture attentive de Liberté & Cie fait apparaître un
certain nombre de paradoxes par rapport au titre, car une
entreprise « libérée » est tout sauf :
* Une entreprise sans vision.
Ce que
l’entreprise
« libérée »
n’est pas
Getz et Carney nous rapportent cette anecdote à propos de
l’entreprise viticole Sea Smoke et de son patron, Bob Davids :
« Ce que Bob a cherché à faire comprendre à ses salariés dès leur entretien Philippe Ducatteew
Juillet 2017 - n° 159 - Organisations 2.0
5
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Le concept d’entreprise « libérée » vu par l’analyse transactionnelle
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d’embauche, c’est que Sea Smoke consiste à produire du Pinot noir de qualité
mondiale. C’est pour réaliser cette vision qu’il les a laissés libres de définir
eux-mêmes les mesures à prendre »6. Pour être précis, la vision de Bob
Davids s’énonce ainsi : « faire produire à ses vignes “le meilleur
pinot noir humainement possible” »7. L’entreprise libérée repose
sur la vision du leader et cette vision doit faire rêver.
* Une entreprise sans leader.
Avant de partir voyager un long moment sur son bateau, ce même
Bob Davids annonce : « Je serai absent huit mois […]. Si vous avez le
sentiment qu’il faut absolument me contacter, qu’il faut impérativement que
je m’occupe de votre problème, je vous demande de vous allonger. Quand cette
impression aura disparu, relevez-vous, réglez le problème et envoyez-moi un
e-mail pour me faire connaître la solution. »8 A noter que ce texte est
placé en exergue du chapitre 4 de Liberté & Cie intitulé « Liberté
ne veut pas dire anarchie » et sous- titré « Une entreprise libérée
doit avoir une vision commune ». Il y a donc bien un leader à la
barre de l’entreprise « libérée » (et en l’occurrence aussi à la barre
de son bateau) mais on perçoit à travers sa déclaration qu’il exerce
son leadership de manière plutôt originale.
* Une entreprise sans organisation et sans encadrement.
« Deux ans plus tard, un jour d’été de 2003 où il se trouve aux Bahamas,
Davids reçoit un coup de fil du directeur et viticulteur en chef de son vignoble,
Victor Gallegos. »9 Mais ce que nous dit également Davids, c’est
que l’entreprise a également un maître de chai, Kris Curran. Il y
a donc bien un directeur qui fait office de chef, et au moins un
maître de chai. Tout ceci montre bien qu’il y a une organisation
hiérarchique. Mais la façon de la faire fonctionner dans une
entreprise « libérée » est particulière.
* Une entreprise rapide de mise en œuvre
Pour être honnête, Isaac Getz insiste tout au long du livre
pour dire que la mise en œuvre est longue. Contrairement au
« Happy washing », l’entreprise « libérée » ne se décrète pas.
Elle s’élabore patiemment et cela prend du temps. « Au terme
de quinze ans d’efforts, Westphal [PDG de Vertex] estimait que
la culture de son entreprise était à mi-chemin sur la voie vers
son idéal, et qu’il faudrait « encore dix ou quinze ans » pour
l’atteindre. »10
6
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Philippe Ducatteew
* Un concept nouveau
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L’entreprise « libérée » n’est pas un concept nouveau11. Comme
le disait déjà William L. McKnight, le patron de 3M (post-it, etc.)
en 1924 : « Les individus réagissent à leur environnement. (…) Si vous
mettez des barrières, vous obtiendrez des moutons ».
E
n reprenant les travaux de Deci (1975) et White (1959) sur
les motivations extrinsèque et intrinsèque, on comprend
mieux ce qui pousse à agir les individus dans une entreprise
« libérée ».
Lorsqu’un individu pratique une activité qu’il trouve
intéressante et qui lui apporte satisfaction ou plaisir, on dit qu’il
est poussé par une motivation intrinsèque. L’activité elle-même
est, pour lui, source de gratification. La personne est intéressée
à ce qu’elle fait, manifeste de la curiosité, explore de nouveaux
stimuli et cherche à remporter des défis toujours plus grands.
Pour Deci et White, trois besoins humains doivent être satisfaits
pour permettre l’accès à l’auto-motivation :
• La compétence, c’est-à-dire la propension à exercer un effet
sur l’environnement ainsi qu’à accéder à des résultats appréciés à
l’intérieur de celui-ci.
• L’autonomie qui est le désir d’organiser soi-même son
expérience et son comportement, et d’avoir une activité qui
coïncide avec le sentiment intégré qu’on a de soi.
• L’affiliation qui est le désir d’aimer et de soigner, d’être aimé et
d’être soigné.
L’entreprise
« libérée »
et la notion
de motivation
Mais I. Getz nomme différemment ces mêmes besoins. Il les
appelle besoin de développement et de soutien, besoin d’autodirection, et besoin d’égalité intrinsèque et de considération.
Par contre, quand un individu entreprend une activité pour
des raisons qui lui sont extérieures, on dit qu’il est mû par une
motivation extrinsèque. Parmi les exemples les plus évidents
de motivation extrinsèque, figure le cas où l’individu agit avant
tout pour obtenir une récompense ou éviter une punition. Ainsi,
un membre d’une organisation est soumis à une motivation
extrinsèque, mais il va chercher à la faire coïncider avec une
motivation intrinsèque. Pour opérer ce rapprochement, l’individu Philippe Ducatteew
Juillet 2017 - n° 159 - Organisations 2.0
7
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Le concept d’entreprise « libérée » vu par l’analyse transactionnelle
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va fonctionner en quatre étapes successives appelés stades de
régulation.
. Régulation Extérieure
L’individu entreprend une activité en fonction d’une conséquence
qui lui est extérieure (ex : obtenir une récompense ou éviter une
punition).
. Régulation Introjectée ou Introjection
Cette régulation implique que l’individu accepte une exigence,
une demande ou un règlement externe mais qu’il ne les fait pas
totalement siens.
. Régulation Identifiée ou Identification
Le sujet comprend que les facteurs externes qui régissent son
comportement peuvent avoir des conséquences importantes
pour lui et il accepte alors de les faire siens.
. Régulation Intégrée ou Intégration
L’individu réussit à intensifier l’identification pour y adjoindre
d’autres aspects de sa nature profonde, d’autres valeurs
personnelles, ce qui l’amène à évoluer et à découvrir sa propre
valeur et son moi profond. Parmi les formes d’intériorisation,
l’intégration est la plus poussée et constitue le meilleur moyen pour
que les comportements motivés par des facteurs extrinsèques
deviennent vraiment autonomes ou autodéterminés.
La Théorie des
Organisations
de Berne : une
grille de lecture
pertinente pour
les entreprises
« libérées »
P
our un analyste transactionnel spécialisé dans la Théorie
des Organisations de Berne (TOB), les quatre stades de
régulation de la motivation de la théorie de l’auto-motivation
(TAD) font immanquablement penser à l’ajustement d’imago
décrit par Berne. L’imago de groupe est en effet définie comme
« Toute représentation mentale, consciente, préconsciente ou inconsciente de ce
qu’un groupe est ou devrait être… »12 .
Régulation TAD
.
.
.
.
8
Externe
Introjectée
Identifiée
Intégrée
Implication d’un membre
dans le processus de groupe
. Participation
. Implication
. Engagement
. Appartenance
Ajustement d’imago TOB
.
.
.
.
Provisoire
Adaptatif
Opératif
Secondaire
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Philippe Ducatteew
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Ceci nous amène à voir de plus près ce que dit Berne de
l’ajustement au groupe dans Structure et Dynamique des organisations
et des groupes :
« Sa participation est programmée par : une image mentale du groupe,
les habitudes sociales de celui-ci, certains schémas idiosyncratiques de
manipulation et des buts propres, à long terme et prédéterminés, ou,
plus synthétiquement, son imago de groupe, la culture du groupe, ses
jeux psychologiques et son scénario. Il ne prendra pas d’initiatives
dans le processus du groupe jusqu’à ce qu’il pense savoir quelle place il
a dans l’imago de groupe du leader, bien qu’il puisse agir en fonction
de conclusions hâtives. L’imago de groupe et le scénario suivent des
phases d’ajustement bien définies. »13
La notion de culture qui fait partie du canon dans la TOB m’a
amené à m’intéresser à un autre passage peu connu de Berne :
« L’objet du canon est donc de réguler le travail de groupe et
particulièrement le processus interne, série d’opérations destinées
à changer la structure organisationnelle, individuelle et privée du
groupe. C’est le contrat constitutionnel, le « Je promets de soutenir la
constitution de ce groupe » qui maintient les rôles dans la structure
organisationnelle. Le reste du processus interne de groupe est régulé
par le contrat social, le « Vous respectez ma persona et je respecterai
les vôtres ». Le contrat social est imposé par l’étiquette du groupe,
mais chaque groupe développe certaines entorses à l’étiquette, et ces
entorses font partie du caractère de groupe »14
Apparaissent dans ce passage les notions de contrat constitutionnel
et de contrat social. Si on y ajoute la notion de principe opératif
(« principe selon lequel un membre adaptable ne prend pas d’initiative tant
qu’il pense ne pas connaître sa position dans l’imago du leader »15), on
peut penser que l’ajustement d’imago va plus loin que le « qui »
généralement évoqué pour l’imago. Cet ajustement porte aussi
sur le « quoi » et le « comment »16 à travers la constitution, sur les
relations aux autres membres à travers le contrat social et sur la
personnalité perçue du leader à travers le principe opératif appelé
dans la suite du texte contrat opératif.
On trouvera dans le tableau ci-joint les correspondances que l’on
peut faire entre les différents éléments de la TOB et les pages qui
s’y rapportent.
Philippe Ducatteew
Juillet 2017 - n° 159 - Organisations 2.0
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Le concept d’entreprise « libérée » vu par l’analyse transactionnelle
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Structure17
Organisationnelle
Individuelle
Privée
Contenu18
Rôles
Persona
Personnalités
Leadership19
Responsable
Effectif
Psychologique
Élément20
Constitution
Culture
Imago
Contrat21
Constitutionnel
Social
Opératif
En nous appuyant sur notre expérience de manager, de formateur
et sur l’observation du processus, nous posons une hypothèse de
correspondance entre le pilotage de l’ajustement d’imago et les
contrats dans le tableau ci-dessous.
Ordre
1
2
3
Ajustement d’imago
Provisoire
Adaptatif
Opératif
Contrat
Constitutionnel
Social
Opératif
Voici les similitudes que nous pouvons faire entre les besoins de
l’homme selon Getz (à la suite des travaux de Decci et Ryan), et
les différents contrats de Berne :
Besoins de l’homme selon I. Getz
Développement, soutien
Auto direction
Égalité intrinsèque, considération
Comment
mettre en place
l’entreprise
libérante
10
D
Contrats de Berne
Constitutionnel
Social
Opératif
e ces trois conditions, Getz déduit la méthode pour mettre
en place l’entreprise « libérée ».
1. S’appuyer sur l’égalité intrinsèque : cesser de parler et
commencer à écouter. Ensuite, renoncer à tous les symboles qui
empêchent les salariés de se sentir intrinsèquement égaux.
2. S’appuyer sur la possibilité de développement : commencer à
partager ouvertement et activement sa vision de l’entreprise pour
permettre aux salariés de se l’approprier.
3. S’appuyer sur l’auto-direction : arrêter d’essayer de motiver
les salariés pour mettre en place un environnement qui leur
permettra de se développer et de s’auto-diriger, et les laisser se
motiver eux-mêmes.
4. L’entreprise étant maintenant libérée, il faut la maintenir en l’état
et, pour cela, le leader doit rester vigilant pour devenir garant de la
culture de liberté qui risque à tout instant d’être remise en cause.
Une vigilance de tous les instants, tel est le prix de la liberté » 22.
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L’ordre des opérations de Getz me paraît un peu bizarre. On
imagine mal un leader arrivant un matin et ne parlant plus. C’est
pourquoi, en m’appuyant sur l’ordre des contrats de Berne, je
propose l’ordre 2, 3, 1, 4 dans la mise en place des contrats et du
suivi des opérations.
Ordre pour mise en place de l’entreprise libérée en utilisant la TOB
TOB Contrats de Berne Eléments d’un environnement motivant pour I. Getz Getz
1
Constitutionnel Développement, soutien
2
2
Social
Auto-direction
3
3
Opératif
Egalité intrinsèque, considération
1
4
L’entreprise étant maintenant libérée, il faut la 4
maintenir en l’état et, pour cela, le leader doit rester
vigilant pour devenir garant de la culture de liberté
qui risque à tout instant d’être remise en cause. Une
vigilance de tous les instants, tel est le prix de la liberté »
Le point 4 est très important dans une entreprise libérante car
le rôle de son leader sera de devenir le gardien farouche d’une
culture (au sens TOB) de liberté, c’est-à-dire sans aucun contrôle
inutile. C’est peut-être ce que voulait dire Berne en écrivant : « Le
meilleur groupe n’est pas forcément celui qui a la culture la plus ferme ou la
plus rigoureuse. Ce dont les membres semblent avoir besoin, c’est d’un juste
degré de liberté : pas trop limité, pour ne pas les frustrer indûment, ni trop
large pour ne pas les déconcerter. »23 Peut-être, dans son génie, avait-il
pressenti l’entreprise libérante.
E. Berne a écrit Structure et Dynamique des organisations et des groupes
comme un ouvrage sur la théorie du fonctionnement des groupes
humains. L’entreprise, qu’elle soit « libérée » ou pas, reste un
groupe humain et ce qu’a prévu E. Berne se révèle juste, que ce
soit pour le succès d’une entreprise ou pour son échec.
notes
Liberté & Cie Librairie Arthème Fayard 2012 (version française). Les références données dans cet article se
rapportent à la version « Poche » publiée chez Flammarion en 2013.
2
Loi n° 91-1414 du 31/12/91 (art L230-2 du code du travail) applicable au 1/1/92:
“En cas d’accident du travail, alors que le risque avait été relevé dans le document unique, la faute inexcusable de
l’employeur sera de fait établi et sa responsabilité pénale aggravée.”
1
Juillet 2017 - n° 159 - Organisations 2.0
11
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Le document unique est exigible depuis le 7/12/2002 et doit intégrer les RPS depuis 2008.
L’article L4121-1 à 5 du Code du travail impose à l’employeur d’assurer la santé mentale de ses salariés. Il doit
prendre les mesures appropriées afin que les risques liés aux stress ne se réalisent pas. “La survenance d’un accident du
travail ou d’une maladie professionnelle liés au stress démontre en tant que telle, l’inexécution de l’obligation de sécurité
de résultat de l’employeur”.
3
Le Prix de la confiance, Une révolution humaine au cœur de l’entreprise, Didier Pitelet, Eyrolles 2013.
4
La Siliconisation du monde Éric Sadin, Éditions L’échappée.
5
Le Pouvoir des gentils, Les règles d’or de la relation de confiance, Franck Martin, Eyrolles 2015.
6
Liberté & Cie Librairie Arthème Fayard 2012 p. 95.
7
Ibid. p. 91.
8
Ibid. p. 91.
9
Ibid. p. 92.
10
Ibid. p. 115.
11
Ibid. p. 13.
12
Structure et Dynamique des organisations et des groupes Éditions d’AT, 2005, p. 323.
13
Ibid. p. 229.
14
Ibid. p. 153.
15
Ibid. p. 326.
16
Voir aussi « Les 3C, boussole de l’inattendu : contact, cadre, contrat » V. Sichem, AAT n° 134, avril 2010.
17
Structure et Dynamique des organisations et des groupes Éditions d’AT, 2005, Tableau 1 p. 47.
18
Ibid. Tableau 1 p. 47.
19
Ibid. p. 149.
20
Ibid. p. 153.
21
Ibid. p. 153.
22
Liberté & Cie Librairie Arthème, Fayard, 2012, p. 15.
23
Structure et Dynamique des organisations et des groupes Éditions d’AT, 2005 p. 169.
12
A.A.T. - Revue trimestrielle de l’IFAT (www.ifat.net)
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Philippe Ducatteew
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