Telechargé par Florence Ribery

action didactique de 1950-1982

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LA R E V U E
E T L'INNOV
INTRODUCTION
I - PROBLEMATIQUE ET
METHODOLOGIE DE LA
RECHERCHE
« Jeter un coup d'œil de survol sur l'évolution de
l'éducation physique et sportive, et se demander : « qu'est-ce qui change ? ». Le pari est
difficile parce qu'on ne « regarde » jamais
sans une idée, plus ou moins consciente, sur les
causes de cette évolution ».
G. Vigarello [ 7 ]
— Les h y p o t h è s e s
— La m é t h o d o l o g i e
II - LES SOURCES
INSTITUTIONNELLES DE
L'INNOVATION DIDACTIQUE
—
—
—
—
—
Qui écrit ?
Du m o n o p o l e aux c o n c u r r e n c e s :
la d y n a m i q u e d e l'innovation
l'âge d'or d e l'ENSEPS
l'amorce du c h a n g e m e n t
III-PLACE DES ARTICLES
DIDACTIQUES DANS LA REVUE
EPS
— Les d o n n é e s quantitatives
— Les é t a p e s de la didactisation d e s
APS
IV DES APS A L'EPS : QUEL
OBJET D'ENSEIGNEMENT POUR
L'EDUCATION PHYSIQUE
— L'éducation physique e t sportive
— De l'objet culturel à l'objet
d'enseignement :
— les classifications ou l'illustration
par l'exemple
— l ' e s p a c e scolaire d e s pratiques
d'APS
V DE L'OBJET D'ENSEIGNEMENT
AUX CONTENUS
D'ENSEIGNEMENT
— Le t r a i t e m e n t d i d a c t i q u e :
— e n s e i g n e r et a p p r e n d r e
— les m o d è l e s d i d a c t i q u e s
— La didactisation d e l'athlétisme et
d e s s p o r t s collectifs
— Conclusion g é n é r a l e
Nos recherches sur l'histoire de la
didactique de l'éducation
physique
devaient inéluctablement
déboucher
sur la période contemporaine.
De
fait, dans notre plan de travail, nous
avions prévu, il y a quelques années,
d'analyser les contenus des articles
d'ordre didactique de la Revue
Education physique et sport (Revue
EPS) ; n'est-elle pas, sans conteste, le
principal témoin de l'évolution des
conceptions éducatives en matière
d'activités physiques et sportives ?
Organe de liaison entre les
éducateurs physiques, elle a joué et
joue encore un rôle éminent dans leur
formation. Entre 1950, date de sa
création, et 1982, plusieurs milliers
d'articles ont été publiés, gage de la
richesse des sujets abordés et du
dynamisme novateur de la profession.
La formulation initiale de notre
recherche était la suivante :
inventaire et analyse des articles
d'ordre didactique parus dans la
Revue EPS entre 1950 et 1982 (1).
30
Revue EP.S n°192 Mars-Avril 1985 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
EPS
ACTION-DIDACTIQUE
1950-1982
1 - PROBLEMATIQUE ET
M E T H O D O L O G I E DE LA
RECHERCHE
| Les hypothèses
Présentée dans son libelle le plus général,
notre hypothèse est la suivante :
.La didactique de l'éducation n'a de pertinence et de légitimité que dans, par et pour
l'école car :
l'école impose à l'E.P. de se conformer à
des normes et à des usages scolaires :
l'E.P. pour se faire reconnaître
comme
une authentique discipline et matière d'enseignement est contrainte de respecter ces
usages et ces normes, donc de se parer des
signes distinctifs
d'une didactique
scolaire (2).
On conviendra aisément q u ' u n e didactique
porte nécessairement les marques de l'institution dans laquelle elle est mise en
œuvre. Parler, par exemple, de « la » didactique des APS. n'a pas de sens si on ne
précise pas dans quel secteur d'intervention elle est pratiquée (centre de rééducation, centre de loisir, club sportif, etc.). Il
est donc essentiel, dans le cas de l'E.P.. de
bien discerner les caractéristiques de l'institution scolaire. Seul point de passage
obligé pour toute la jeunesse française
jusqu'à 16. ans. l'école a dû, pour assurer
son bon fonctionnement, opter pour des
solutions originales :
— concentration dans l'espace des locaux,
des élèves et des personnels. L'école, cité
dans la cité, s'est dotée de règles de fonctionnement propres, favorisant une vie
autarcique.
uniformisation
des programmes, des
modes de formation et des méthodes d'en-
EPS N° 192
M A R S AVRIL 1985
PAR P. A R N A U D / PREMIERE PARTIE
seignement et d'évaluation (textes officiels,
programmes nationaux, cursus de formation, examens, etc.). L'effort principal
étant de minimiser les différences (égalité
de tous les élèves en droit), et de nier les
particularismes régionaux et locaux. Un
élève doit pouvoir suivre le même enseignement, disposer des mêmes compétences
professorales, qu'il se trouve à Nice ou à
Dunkerque...
— maximalisation
de la culture scolaire :
aux nécessaires apprentissages instrumentaux (lire, écrire, compter), constituant une
sorte de savoir minimum garanti, n'ont
cessé de se surajouter une multitude de
disciplines d'enseignement...
— rationalisation des procédures pédagogiques et didactiques par structuration et
différenciation des contenus d'enseignements. Un tel découpage aboutit, entre
autres, à hiérarchiser les connaissances en
fonction des niveaux de la scolarité, à
s'appuyer sur une progression dans l'acquisition des savoirs et des savoir-faire, etc.
Une didactique scolaire se présente donc
comme une théorie construite de l'exercice
qui. par un ensemble de situations
instrumentales finalisées, définit, pour chaque
matière d'enseignement,
un contenu structuré, hiérarchisé, différencié afin de guider
les apprentissages scolaires des élèves. La
didactique (scolaire) sanctionne alors le passage de la discipline à la matière d'enseignement en transformant un ojjet d'enseignement en contenus
d'enseignement.
Cette définition exige quelques rapides
commentaires. Une activité (en tant qu'ensemble de savoirs ou de savoir-faire) ne
peut acquérir le statut de discipline d'enseignement que si trois conditions sont
remplies : intégration dans les programmes
scolaires, représentativité culturelle, utilité
supposée. Il y a d o n c lieu de distinguer
l'objet culturel (une pratique sociale, une
science) de l'objet d'enseignement . c e dernier (que l'on pense aux mathématiques,
au français ou... aux APS) ne saurait représenter toute la pratique sociale ou toutes
les connaissances scientifiques auxquelles
il prétend renvoyer. Dans le c h a m p culturel et scientifique, l'école délimite pour son
propre usage les frontières d'une culture
scolaire et. par là, caractérise les objets
d'enseignement qui seront les supports des
apprentissages scolaires.
Le passage au statut de matière d'enseignement exige un autre traitement : celui
qui consiste à transformer l'objet d'enseignement en contenus d'enseignement.
Procédure extrêmement complexe dont le
projet est de faciliter et de guider les apprentissages scolaires des élèves... le postulat sous-jacent étant qu'il n'y a d'apprentissage possible que sous l'effet d'un enseignement !
C'est de cette relation enseigner apprendre, enseignant apprenant, que nait cette
normalisation de la didactique scolaire de
toutes les matières d'enseignement. Les
contenus (c'est-à-dire les situations instrumentales ou systèmes tâches-objectifs
qui sont les instruments ou les moyens
d'un changement attendu ou souhaité de
comportement), sont donc distincts de l'activité de l'élève. Or de tels contenus sont,
dans toutes les matières d'enseignement,
structurés (par mise en évidence de rapports intelligibles entre les connaissances
que l'élève doit acquérir), hiérarchisés (en
ordonnant les séquences d'apprentissage)
et différenciés (par prise en compte des
stratégies d'apprentissage propres à chaque élève) (3).
Evoquer en ces termes la spécificité d'une
didactique scolaire, c'est prendre en
31
Revue EP.S n°192 Mars-Avril 1985 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
compte les rapports entre un enseignant et
des apprenants scolarisés : c'est mettre
l'accent sur la spécificité d'un apprentissage scolaire. C'est dire que, si cette logique scolaire justifie l'enseignement, il resterait à démontrer qu'elle profite aux apprentissages.
Comment 11.P. parvient-elle à se conformer à ces normes et à ces usages scolaires ?
Tout d'abord, constatons qu'elle est obligatoire à l'école depuis plus de cent ans.
Cette situation n'a jamais souffert d'exception en dépit de la mobilité de ses tutelles
ministérielles. Remarquons, ensuite, l'obstination d'une revendication d'intégration
au Ministère de l'Education qui a su résister aux forces qui voulaient évacuer l'E.P.
de l'Ecole. Il y a dans ces deux constats
une preuve irréfutable de la capacité de
l'E.P. à se conformer à des règles qui. à
l'origine, ne la concernaient pas. Il est à
gager d'ailleurs que sa nouvelle tutelle
ministérielle lui interdise de se réclamer
d'une spécificité autre que scolaire... En
vertu de ce principe d'homomorphisnie
nous posons donc comme hypothèse que
l'E.P. doit se faire reconnaître comme une
authentique discipline d'enseignement (en
satisfaisant aux trois conditions précédemment définies par lesquelles l'E.P.
fonde sa légitimité scolaire), puis comme
une matière d'enseignement exactement
semblable à des consœurs intellectuelles
(donc en construisant des contenus, structurés, hiérarchisés et différenciés).
Nous sommes là, au cœur des rapports
entre Culture et Enseignement, qui nous
obligent à envisager les conditions de la
didactisation des activités physiques et
sportives en milieu scolaire. Plus globalement, nous devons successivement envisager les relations entre l'objet culturel et
l'objet d'enseignement de l'E.P. puis les
modalités par lesquelles l'objet d'enseignement se transforme en contenus d'enseignement.
En quoi les articles didactiques parus dans
la Revue EPS sont-ils des indicateurs pertinents de cette normalisation didactique ?
Peut-on vérifier, et de quelle manière, ce
principe d ' h o m o m o r p h i s m e ? La méthodologie de cette recherche fournira des précisions sur la démarche utilisée ainsi que sur
les critères d'analyse retenus à cette fin.
La méthodologie |
Afin de ne pas alourdir notre exposé, nous
ne présenterons, ici, que les éléments indispensables à la compréhension de nos
analyses.
Délimitation du corpus :
Les 179 numéros de la Revue EPS parus
entre 1950 et 1982 (n° 1, j u i l l e t / a o û t 1950
au n° 178, novembre décembre 1982) représentent
au
total
2 955
articles
(T.G.A.) *. dont 514 articles didactiques
(U.A.D.) **.
32
Qu'est-ce qu'un article d'ordre didactique ?
Prenant en compte la définition de la
didactique scolaire, énoncée précédemment, nous devons définir les critères
d'identification d'une U.A.D. afin d'atteindre l'objectivité et la fidélité.
L'article didactique est reconnu lorsqu'il
satisfait, simultanément, à ces cinq caractéristiques :
• Intervention d'un enseignant en direction des élèves avec l'intention explicite de
susciter ou de guider leur apprentissage.
• Mise en œuvre de situations instrumentales :
— système tâches-objectifs
- doté d'un dispositif
— et de consignes
ayant pour objet de stimuler l'activité de
l'élève et de simuler des situations réelles.
• Lieu d'intervention : l'enseignement du
second degré.
• Moment d'intervention : les heures
d'éducation physique de l'emploi du temps
(partie obligatoire).
• Le didacticien (celui qui écrit l'article) :
un éducateur français.
Nous avons retenu les articles « technicopédagogiques », les progressions d'enseignement, les exemples de séances, de leçons, les répertoires d'exercices, de jeux,
les circuits, les parcours, bref, toute contribution donnant à voir (et à lire) le « voici
ce que je fais et comment je procède » (4).
2 - SOURCES
INSTITUTIONNELLES DE
L'INNOVATION
DIDACTIQUE
Qui écrit ?
Dans le premier numéro de la Revue EPS.
on peut lire que « si l'Amicale de l ' E N S E P
a bien voulu constituer le noyau de départ » de l'équipe rédactionnelle, « elle
fera appel aux personnalités les plus qualifiées dans les domaines pédagogiques et
techniques et se préoccupera, en outre, de
d o n n e r audience aux suggestions des usagers ». Sans opposer nettement les « notables » et les « prolétaires » de l'action
éducative, il est fait d'emblée une distinction qui laisse penser que les orientations
de la Revue seront définies par un aréopage qui, cependant, ne manquera pas de
faire appel aux bonnes volontés. Faut-il
voir dans ces propos l'amorce d'une coupure entre les « théoriciens » et les « praticiens », entre les formateurs de formateurs
et les professeurs d ' E P S des établissements
scolaires ?
En tout cas, la Revue ne s'adresse pas
seulement aux professeurs d'EPS, ce qui
peut justifier la diversité des articles. Mais,
* T.G.A. : total général des articles parus dans la Revue BPS à l'exclusion des éditoriaux, des analyses bibliographiques, des informations, des annonces...
** U.A.D. : unité d'article d'ordre didactique, c'est-à-dire un article d'ordre didactique par numéro : par exemple, dans un article « à suivre » se poursuivant sur trois
numéros de la Revue, nous compterons trois U.A.D.
Revue EP.S n°192 Mars-Avril 1985 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
si les « Notes techniques de l ' E N S E P S »
correspondaient aux besoins internes de
l'Ecole Normale, la création et la diffusion
de la Revue EPS présupposait le désir de
c o m m u n i q u e r avec l'ensemble de la profession dans la perspective d'une formation continuée. Or, chacun sait qu'à cette
époque, la position institutionnelle de
l ' E N S E P S éclipsait les autres centres de
formation. Quels sont, en conséquence, les
auteurs d'articles didactiques ? On pourrait émettre l'hypothèse que ces articles
sont la transcription élaborée et cohérente
d'une pratique éducative : non point une
théorie de cette pratique, mais une tentative de formalisation et de systématisation
de démarches individuelles qui donnent à
voir et à connaître. Concrètement, un article didactique devrait présenter le : « Voici
ce que je fais » plutôt que le : « Voici ce
que pense »... Conséquence logique : ce
sont les praticiens - les hommes de terrain
- beaucoup plus que les théoriciens qui
devraient avoir la fibre didactique. Ce sont
les professeurs d'E.P.. au contact direct et
quotidien avec les élèves, qui sont, a priori,
les mieux placés pour témoigner et com-
Tableau A
LES AUTEURS D'ARTICLES DIDACTIQUES
* Le n o m b r e d ' a u t e u r s e s t s u p é r i e u r au n o m b r e d ' a r t i c l e s , un article é t a n t s o u v e n t r é d i g é par p l u s i e u r s
auteurs.
muniquer le fruit de leur expérience.
Peut-on le vérifier '.'
Les données quantitatives que nous avons
recueillies sont, de ce point de vue. explicites (cf. tableau A). Entre 1950 et 1960.
professeurs d'E.P. d'établissement secondaire (E.S.) et formateurs de formateurs
(F.F.) se partagent également les pages de
la Revue. On notera, cependant la nette
domination de l'ENSEPS sur les autres
centres de formation (1REPS, C R E P S ) ; ce
qui s'explique sans doute par le fait qu'elle
dispose des structures et des personnels
qui lui donnent audience et rayonnement :
une analyse plus fine montre d'ailleurs que
pendant cette période (et également la
suivante) nombre de professeurs d'E.P.
d'établissements sont devenus professeurs
à l ' E N S E P S , ce qui, de toute évidence,
était une promotion estimable. La seconde
période (1961-1971) consacre l'influence
déterminante de l ' E N S E P S et de l'INS :
l'introduction du sport à l'école a suscité
d e nombreuses innovations didactiques
dont la plupart sont à mettre au compte des
EPS N° 192
MARS AVRIL 1985
formateurs de formateurs. On assiste dans
le même temps à l'éveil des IREPS et des
C R E P S . Mais, constatons que pendant
cette période, les productions didactiques
échappent partiellement aux hommes de
terrain. Elles restent l'affaire de ceux-là
mêmes qui disposent des connaissances
techniques et pédagogiques les plus actualisées, et l ' E N S E P S reste, de ce point de
vue. la mieux placée.
33
Revue EP.S n°192 Mars-Avril 1985 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
Mais, les événements de 1968 vont bousculer quelque peu cette préséance : la transformation des missions de l'ENSEPS (à
partir de 1970), la loi sur la formation
professionnelle continue ( 1 6 / 7 / 1 9 7 1 ) et
l'intégration universitaire des études en
STAPS (1975) vont radicalement transformer le profil des auteurs. L ' E N S E P S perd,
progressivement, son monopole dans la
formation des professeurs d'E.P. au profit
des U.E.R. nouvellement érigées. Mais,
surtout, le développement de la formation
professionnelle continue (F.P.C.) va donner un dynamisme nouveau à l'innovation : les professeurs d'E.P. des établissements scolaires (E.S.) vont assurer, le plus
souvent en liaison avec les U E R E P S . leur
propre formation, leur propre recyclage,
créant ainsi les conditions de leur entrée en
force dans les colonnes de la Revue EPS.
Preuve éclatante que la profession a su se
dégager de la tutelle de l ' E N S E P S - pendant longtemps véritable maison mère et
nourricière.
Aussi, dans son éditorial d'octobre 1953
(EPS 17) l'auteur a-t-il raison de souligner
que le Comité d'Etudes et d'Informations
de la Revue EPS « n'est pas une chapelle ». Il est effectivement largement ouvert à tous ceux qui s'attachent à la promotion de l'E.P. 11 reste que cette position doit
être nuancée en fonction des périodes.
A la lente érosion de l ' E N S E P S , s'oppose
la lente ascension des centres de formation
régionaux, mais, surtout, la percée spectaculaire des E.S. depuis 1971. On ne peut,
cependant, rester insensible à l'apparition
de plus en plus massive d'articles didactiques en provenance du secteur sportif
extra scolaire (cf. tableau A). Tendance qui
devrait s'accentuer dans les années à venir
du fait du rattachement de l'Education
Physique au Ministère de l'Education. Les
structures traditionnelles. « Jeunesse et
Sport-Temps Libre » peuvent, dès lors (et
bien souvent avec la contribution des professeurs d'E.P.) envisager une intervention
éducative qui, à l'animation, ajoute des
cursus de formation qui empruntent largement à l'enseignement des APS (cf. les
projets du professorat de sport ainsi que
les offres de formation des directions départementales).
| Du monopole aux concurrences ]
La dynamique de l'innovation
Lorsque la Revue naît, en 1950, elle dispose de trois sources pour alimenter ses
colonnes :
r> l'ENSEPS qui est à cette époque et pour
l'essentiel un centre national de formation ;
> les IREPS et les C R E P S qui sont des
centres régionaux de formation des enseignants d'E.P. ;
> les établissements scolaires (E.S.) qui
sont les lieux privilégiés où s'appliquent et
s'expérimentent plus ou moins empiriquement les actions didactiques.
Pour reprendre les analyses de Louis Le-
grand (à l'époque Directeur de recherche à
l ' I N R D P ) . nous dirons que trois possibilités s'offrent à la Revue EPS pour promouvoir l'innovation didactique en F.P. :
t- La revue EPS peut être considérée
comme un centre de décision en matière de
politique rédactionnelle : sa position institutionnelle ainsi que les conditions de sa
création lui permettent d'établir des relations privilégiées avec l ' E N S E P . Dans ces
conditions il est probable que cette dernière bénéficiera, au moins dans les premières années, d'un monopole de fait dans
la diffusion des articles didactiques : d'autant qu'elle possède les enseignants et les
étudiants les plus compétents pour mettre
en œuvre et expérimenter les contenus de
l'E.P. auprès des classes d'application. La
revue j o u e alors un rôle de diffuseur du
« centre » à la « périphérie » constitué par
les IREPS d'une part (avec les C R E P S ) et
les E.S.
r~ Peut-on faire l'hypothèse que, cette mise
en place étant réalisée, s'opérera un renversement de tendance ? Pour les raisons
précédemment évoquées, il est probable
que les E.S. ainsi que les centres de formation régionaux joueront progressivement
un rôle non négligeable dans l'approvisionnement de la revue EPS en articles
didactiques. On devrait alors constater un
mouvement inverse, allant de la périphérie
(UER, C R E P S , E.S.) au centre (essentiellement la revue EPS). En ce qui concerne
l'ENSEPS, ses missions ayant changé, elle
ne devrait plus jouer qu'un rôle discret
dans l'innovation didactique.
> Quant au mouvement réciproque (de la
périphérie au centre et du centre à la
périphérie) il n'existe que dans la mesure
où les professeurs d'E.P. sont abonnés à la
revue EPS : mais dans ce cas il ne s'agit
nullement d'une action concertée et
contrôlée par l'une ou l'autre des parties.
La revue ne s'est jamais fixée pour mission
d'orienter et de guider la recherche pédagogique : elle ne fait que prendre acte de
l'évolution de l'E.P., et, si elle joue inévitablement une fonction dans l'innovation
didactique, celle-ci n'a jamais fait l'objet (à
notre connaissance) d'une décision explicite (5).
Les sources institutionnelles
de l'innovation didactique
L'âge d'or de l ' E N S E P S
Afin d'approfondir cette première analyse,
nous avons dénombré les articles didactiques concernant l'athlétisme, la gymnastique et les sports collectifs, la natation, la
danse, la G.R.S. et le j u d o (ce choix nous
est dicté évidemment, par la réalité des
pratiques d'APS en milieu scolaire). (Cf.
graphiques 1, 2. 3).
L ' E N S E P S monopolise la production d'articles didactiques entre 1950 et 1960. Si elle
maintient sa pression pendant la période
suivante, elle commence à être sérieusement concurrencée par les centres de formation régionaux et les établissements
scolaires. La période 1972 1982 concrétise
le déclin de l ' E N S E P S . Globalement, la
période 1961/1971 correspond à un effort
34
Revue EP.S n°192 Mars-Avril 1985 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
Analyse des graphiques 1, 2 et 3
N e pouvant alourdir notre e x p o s é de
considérations de détail, nous laissons le soin
au lecteur de poursuiv re une analyse qui, en
tout état de cause devrait mettre en évidence
l'extrême disparité des sources
institutionnelles de l'innovation didactique
en fonction des A P S (sorte de division
sectorielle de l'innovation). On constatera
néanmoins :
la progressive baisse d'influence de
l'ENSEPS ;
l'apparition tardive des U E R E P S et des
CREPS ;
— la m o n t é e des établissements scolaires ;
— la place privilégiée de l'athlétisme et. dans
une moindre mesure des sports collectifs
dans les établissements scolaires ;
le rôle important des U E R E P S et des
C R E P S dans l'innovation didactique en
gymnastique.
Remarque : les graphiques ne prennent pas
en c o m p t e les autres sources de l'innovation
didactique (extra-scolaires) qui sont
importantes pour ces trois groupes de
spécialités :
1950-1960 : près de 3 0 % des articles
1961-1971 : environ 2 2 % des articles
1972-1982 : plus de 4 0 % des articles
EPS № 192
M A R S AVRIL 1985
C'est un p h é n o m è n e que nous mettons en
liaison avec le d é v e l o p p e m e n t des stratégies
en faveur du professorat de sport.
35
Revue EP.S n°192 Mars-Avril 1985 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
Tableau B
sans précédent de didactisation dont les
raisons sont sans doute à rechercher dans
l'introduction officielle du sport à l'école à
partir de 1959/1962.
Cependant, un autre phénomène est significatif, voire inquiétant : globalement, le
nombre des articles didactiques ne cesse
d'augmenter entre 1950 et 1982 (respectivement 28,3 % et 14,2% p o u r chaque période), (cf. tableau B). Mais, cette augmentation ne peut être attribuée aux seules
productions didactiques des établissements de formation et d'enseignement. En
effet, ceux-ci voient leur contribution progresser entre 1950 et 1971 ( + 42.9 %), mais
sensiblement chuter entre 1972 et 1982
( - 13 %). Au profit de qui ? Essentiellement
au profit du secteur extra-scolaire. On
assiste à ce paradoxe que les articles didactiques relatifs à la didactique scolaire des
APS sont produits par ceux-là mêmes qui
exercent des fonctions professionnelles
dans les services administratifs ou dans le
secteur sportif. Leur apport est d'un peu
moins de 30 " o entre 1950 et i960, pour
passer à 21 % entre 1961 et 1971 et... plus
de 40 % à partir de 1972...
1
Total d e t o u s les articles d i d a c t i q u e s parus d a n s la revue EPS pour c h a q u e période
c o n s i d é r é e (athlétisme + g y m n a s t i q u e + s p o r t s collectifs).
5 Il s'agit du total d e s seuls articles d i d a c t i q u e s écrits par [6)
7]
[8
L'amorce du changement
A ces données globales s'ajoute surtout
entre 1950 et 1971 la quasi concentration
des compétences didactiques sur un nombre très restreint de personnes (enseignants
de l ' E N S E P S . essentiellement). Cette tendance va, au fil des années, se renverser : à
la montée des établissements régionaux de
formation et des établissements scolaires
correspond une diversification des auteurs.
Prenons quelques exemples : entre 1950 et
1960 un même auteur peut écrire entre 5 et
10 articles didactiques sur une spécialité
(par exemple athlétisme ou gymnastique).
Le phénomène tend à s'estomper dans la
période suivante (entre 3 et 6 articles). C e
monopole semble surtout affecter les activités traditionnelles comme l'athlétisme et
la gymnastique. En réalité, ces chiffres
doivent être majorés car jusqu'en 1960
environ un même auteur était polyvalent
dans sa spécialité. Il traitait souvent de la
didactique de l'athlétisme en général et
abordait successivement ou simultanément
les courses, les sauts, les lancers, ou bien
les sports collectifs.
A partir de 1970/1971, apparaît un nouveau profil d'auteur : celui du spécialiste
qui ne traite didactiquement que d'une
seule activité sportive : les haies, le javelot,
la perche, le sol, la lutte, le football (cf.
tableau C). La notion de groupe de spécialités tend à disparaître... pour réapparaître
ces toutes dernières années. Faut-il voir un
lien de causalité entre la création des
options au C A P E P S et l'étroitesse des
compétences didactiques ? Ou bien, est-ce
le signe de nouvelles exigences dans l'effort de compréhension de la dynamique
enseignement apprentissage ?
Tableau C
N o m b r e moyen d'articles d i d a c t i q u e s par auteur et par g r o u p e d e spécialités
Quelques questions doivent cependant être
posées et nous tenterons de proposer une
esquisse de réponse :
36
Revue EP.S n°192 Mars-Avril 1985 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
• Qui a compétence pour écrire des articles didactiques ? Il est intéressant de
constater que les compétences didactiques
sont également partagées par les professeurs d ' E . P . des E.S. et ceux des centres de
formation national et régionaux (respectivement, pour l'ensemble de la période
39,7 % et 41,5%), On est en droit, cepen-
praticiens ? Il reste que, très souvent, ceux
qui produisent des articles didactiques
sont ceux-là mêmes qui n'enseignent pas
ou plus l'éducation physique dans les E.S.
Il est vrai que dans notre profession, le
même statut correspond à une multiplicité
de fonctions... ce qui ne facilite guère le
repérage des compétences.
dant, de s'interroger sur ce q u e devrait être
le profil d ' u n didacticien d'aujourd'hui. En
dehors des connaissances théoriques et
vécues relatives au fonctionnement du système scolaire et aux caractéristiques de la
population enseignée nous avons proposé [3] que, dans le cadre de l'école, un
didacticien devait, simultanément maîtriser :
Conclusion
En 33 ans, 624 auteurs ont fourni des
articles didactiques à la Revue EPS :
39,75 % l'ont été par des professeurs d'EPS
des établissements scolaires ; 41,50 % l'ont
été par des formateurs de formateurs. Il est
donc clair que ce sont les professionnels de
l'E.P. qui sont les plus enclins à communiquer leur expérience, que celle-ci résulte de
la pratique de l'enseignement ou bien
qu'elle exprime une réflexion élaborée. La
finalité strictement professionnelle des
études, alliée à une certaine aisance ou
habitude à formaliser l'action didactique a
sans doute, dans un premier temps, largement favorisé les formateurs de formateurs. Mais, la transformation des missions
de l ' E N S E P S , l'intégration universitaire
des U E R E P S et le développement de la
formation professionnelle continue ont
peu à peu créé les conditions d'un transfert
des compétences didactiques aux établissements scolaires. Entre la recherche universitaire et la formation initiale des professeurs d'E.P., la voie de la formation
professionnelle continue et de l'innovation
pédagogique semble échapper aussi bien à
l ' E N S E P S qu'aux U E R E P S . Elle appartient aux professeurs d'E.P. des établissements scolaires qui. isolés ou rassemblés
dans des structures affinitaires, ont su créer
pour leurs propres besoins les conditions
d'une autoformation que les institutions
traditionnelles n'avaient pas su mettre en
Photos : Archives -
Revue
EPS
— la logique de la matière ou connaissance
approfondie des activités supports :
les connaissances relatives aux enseignés (donc à l'enfant et à l'adolescent
épistémiques) :
les processus de l'apprentissage de l'enseigné lorsqu'il est engagé dans la réalisation d'une tache (connaissance d e type
praxéologique).
Il reste que, historiquement, ces trois aspects de la connaissance didactique ont été
le plus souvent isolés. Il apparaît que
l ' E N S E P S , l'INS, les UER et les C R E P S
ont exercé, pendant longtemps, un monopole qui se justifiait par la présence de
spécialistes du sport de haut niveau ou de
représentants des sciences humaines et
biologiques. Les premiers privilégiant la
logique de la matière au travers de démarches technocentrées ; et les seconds référant leurs propositions didactiques à la
connaissance formelle de l'enfant, de la
fonction motrice ou des processus de production énergétique.
• Faut-il voir dans ces épisodes de l'histoire de la didactique scolaire des APS les
conséquences de l'ignorance de la réalité
quotidienne de l'enseignement ? Ou bien,
le passage obligé ou momentané p a r une
problématique abstraite ? O u bien l'illustration d ' u n conflit entre théoriciens et
EPS № 192
MARS AVRIL 1985
Place
Notes
(1) Encore devions-nous nous assurer du caractère
inédit de notre projet par référence aux travaux de
C. Leray [4]. B. Maccario [5] et J. Marsenach [6|.
(2) Pour le détail de l'argumentation, se reporter a
P. Arnaud et G. Broyer |3| et P. Arnaud [Il et [2|.
(3) La différenciation des contenus devrait permettre de mettre en œuvre un enseignement «sur
mesure ». c'est-à-dire exactement adapté aux caractéristiques psychologiques. sociologiques... de
l'élève ainsi qu'à celles du milieu scolaire. Elle
devrait aboutir à multiplier les modes d'entrée dans
les apprentissages.
|4I L'analyse de contenu des articles s'est effectuée
par catégorisation et codage en fonction d'indicateurs pertinents (système de fiches mécanographiques), faute de place, nous ne pouvons en exposer
les modalités.
(5) C'est un point important. La revueEPSa-t-elle
une politique rédactionnelle ou bien n'est-elle que
l'expression. « malgré elle ». des lentes transformations de la profession ? Ou bien encore sa survie
dépend-elle de son pragmatisme ? Nous posons les
questions sans v répondre, tout en constatant que la
revue a toujours su s'adapter aux fluctuations des
politiques éducatives et aux « changements »
comme en témoignent ses orientations successives
entre i960 et I9SI. Eclectisme et pragmatisme
semblent être d'ailleurs les seules parades efficaces
pour conserver un publie de lecteurs hétérogènes.
La position de la revue peut paraître plus délicate
depuis le 1/1/I982 du fait de la scission de la tutelle
ministérielle et de la division professionnelle
qu'elle entraine.
Bibliographie
[I] ARNAUD (P.). - Le corps en mouvement (Toulouse-Privat, I9S2)
[2] ARNAUD (P.). - L'E.P. est-elle une science ? - in
Bulletin de la Société Binet-Simon n° 568. 1979.
[3] ARNAUD (P.) et BROYER (G.). - Psychopèdagogie des activités physiques et sportives. - Privat,
Toulouse. I9S5.
[4) LERAY (C). - Le rôle de la Revue EPS dans la
formation professionnelle continue des éducateurs
phvsiques (Thèse de 3 cycle, Université de Paris VIII), 1975.
[5] MACCARIO (B.). - L'évaluation, aspects théoriques et pratiques enE.P.(1945 1975). -Mémoire
INSEP. 1979.
[6] MARSENACH (J.). - Les pratiques d'E.P. dans
les établissements scolaires ont-elles changé ?
Revue EPS 175. 176. 177 (19X2).
[7] VIGARELLO (G.). - Changement et objet de
changement en EPS - In: Revue STAPS n° S.
octobre 1983.
e
(A suivre)
Pierre Arnaud
Centre de
Recherche et d'Innovation
sur le sport
UEREPS
Lyon-I
37
Revue EP.S n°192 Mars-Avril 1985 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
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