LA MYASTHENIE Introduction • La myasthénie ou « Myasthenia Gravis » est une maladie auto-immune chronique liée à un défaut de transmission de l'influx nerveux entre le nerf moteur et le muscle strié. • Maladie de la jonction neuromusculaire due à un blocage des récepteurs de la plaque motrice par des anticorps anti-récepteurs d’acéthylcholine. • La plus fréquente des syndromes myasthéniques. • Elle se manifeste par une faiblesse musculaire qui s'aggrave à l'effort et s'améliore au repos. • Sa gravité tient au risque de complications respiratoires qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital. • La prévalence de la myasthénie se situe entre 43 et 64 par million d'habitants. • Son incidence varie entre 2 et 5 par année et par million d'habitants. • Atteint surtout des adultes. • Plus fréquente chez la femme que chez l'homme (3/2) entre 20 et 30 ans • Au-dessus de 60 ans les cas masculins sont les plus fréquents. • La plupart des cas sont sporadiques. 2 - Physiopathologie de la MAI: Physiopathologie de la MAI: • Diminution du nombre de récepteurs à acétylcholine (RAch) et des replis post-synaptiques. • Anticorps anti-AchR diminution du potentiel post-synaptique absence de PA musculaire faiblesse de la contraction • Fatigue myasthénique - c'est-à-dire une activation d'un moins en moins grand nombre de fibres musculaires pendant une impulsion répétée – • Les Anti-RAch responsables de la perte en RACh fonctionnels agissent en: • bloquant le site de fixation de l'Ach • provoquant une élimination accélérée du RACh • détruisant la membrane post synaptique après activation du complément. Ces anticorps spécifiques de la myasthénie sont détectés chez 80 à 90 % des patients. - Pas de corrélation entre le taux d'anticorps et la symptomatologie clinique - Les patients séronégatifs sont comme les autres améliorés par les échanges plasmatiques mais répondent souvent moins bien aux anticholinesterasique. • 41% des patients dits « séronégatifs ») ont des anticorps anti-MuSK. • MuSK est un récepteur tyrosine-kinase spécifique du muscle • rôle important dans le développement et la stabilité de la membrane musculaire. • Les personnes atteintes de myasthénie avec anticorps anti-MuSK ne répondent pas au traitement (habituel) par anticholinestérasiques. • Il existe également des personnes atteintes de myasthénie anti-RACh - et anti-MuSK - Rôle du thymus: Le thymus est impliqué dans la maladie : - 50 % des patients : hyperplasie correspondant à une prolifération lymphocytaire ectopique de même structure que les follicules lymphoïdes des ganglions - 15 à 20 % des patients myasthéniques thymome. (autosensibilisation) 3.1 Clinique a) Signes fonctionnels Début: traumatisme, infection, intervention chirurgicale, effort inhabituel ou épisode de la vie génitale de la femme (puberté, grossesse, ménopause); Impossibilité de sevrer un patient de son respirateur en post-opératoire Penser à la myasthénie devant les symptômes suivants: - une diplopie ou une ophtalmoplégie ± complète - un ptosis uni- ou bilatéral, alors en règle asymétrique - une diplégie faciale asymétrique (réduction de la mimique, effacement des rides, diminution de l'occlusion des paupières, incapacité siffler). - une dysphonie avec voix nasonnée - un trouble de la déglutition - une difficulté à la mastication - une faiblesse des muscles de la nuque avec tête tombante. - une paralysie des membres à prédominance proximal Ces signes sont d'autant plus évocateurs qu'existent les caractéristiques suivantes: - Apparaissent ou s'aggravent avec la fatigue - Disparaissent ou s'atténuent avec le repos - Variabilité dans une même journée en intensité et en siège - Plus marqués le soir - Certains troubles sont permanents par paralysie incomplète sans systématisation - La fatigue d'un groupe musculaire fait parfois apparaître un déficit à distance (ex: le port d'une valise lourde entraîne une diplopie). b) Signes physiques L'examen cherche à reproduire ces déficits moteurs en faisant travailler les groupes musculaires à la répétition d'un exercice et au maintien de l'attitude. Il ne fait que constater les déficits et ne retrouve aucune anomalie par ailleurs. 3.2 Évolution de la symptomatologie • Les 1er signes sont céphaliques, en particulier oculomoteurs • L'atteinte peut rester localisée mais dans la grande majorité des cas, elle s'étend dans les 5 années suivantes à l'occasion de poussées favorisées par le stress, un surmenage, une intervention chirurgicale ou une grossesse. • L’évolution est capricieuse, prolongée et imprévisible. Une stabilisation peut survenir nécessitant seulement des doses stables de médicament. Une rémission est possible pendant plusieurs années. • La grossesse peut aggraver ou améliorer la maladie ou encore être sans influence. Le risque majeur est la survenue imprévisible d'épisodes d'insuffisance respiratoire aiguë en rapport avec la paralysie des muscles respiratoires et de la déglutition. Signes prémonitoires: - aggravation dans les jours précédents de la symptomatologie faciale et surtout des troubles de la déglutition. - Il peut exister aussi des accès dyspnéiques nocturnes. - encombrement trachéobronchique important. Ces crises myasthéniques ne doivent pas être confondues avec les rares crises cholinergiques secondaires à un excès de drogues anticholinestérasiques nécessitant un sevrage. 3.3. Formes cliniques Les myasthénies néonatale et congénitale La myasthénie néonatale est transitoire et observée chez un enfant né de mère myasthénique. La faiblesse du cri, de la succion et de la déglutition, le mouvement rare et une hypotonie globale attirent l'attention. Cette forme doit être différenciée de la myasthénie congénitale se manifestant plus tardivement chez un enfant né de mère saine 4.1 Clinique • diagnostic clinique est simple (signes exclusivement musculaire, pas d’autres signes neurologique, Fluctuation). • La confirmation clinique vient de la pratique d'un test pharmacologique qui peut être effectué au cabinet: 0,5mg intra-veineux de néostigmine (Prostigmine) ou 1mg intra-musculaire + atropine. La rémission ± complète et transitoire de la symptomatologie dans 90% des cas affirme le diagnostic. 4.2 EMG de stimulation à la recherche d'un bloc neuro-musculaire Il est positif si la stimulation supra-maximale à 3 ou 5 cycles/s d'un nerf moteur entraîne une diminution de la réponse motrice d'au moins 10% avant le 5°potentiel, après une brève facilitation. L'injection d'anticholinestérasique fait disparaître le bloc mais peut être sans effet sur les symptômes oculaires. Décrément de 72% entre 1ère et 5ème Pas de décrément après 1 mg Prostigmine à 10 min Décrément de 30% entre 1ère et 5ème 30 min après 4.3 Dosage des Ac antiRAch et des Ac anti-muscle strié - Dosage des anticorps anti-récepteur de l'acétylcholine est positif dans 90% des formes généralisées et dans 50% des formes oculaires pures. - Anticorps anti-muscle strié sont positifs dans presque tous les cas comportant un thymome. 4.4 La recherche d'un thymome Tumeur du médiastin antérieur Recherche systématique par scanner thoracique: Il est rare avant 20ans, plus fréquent après 40ans. Tumeur maligne à développement local dans 1/3 des cas (source de récidive tardive). 1/3 seulement des thymomes entraînent une myasthénie. (myasthénie tardive et sévère) L'hyperplasie thymique est le plus souvent microscopique constatée sur la pièce d'anatomopathologie Du point de vue clinique, la myasthénie doit être distinguée d'une simple fatigue musculaire, d'une paralysie des nerfs crâniens et des myopathies à forme oculaire prédominante. L'hyperthyroïdie, La maladie d'Addison L'hypercorticisme peuvent mimer la fatigabilité de la myasthénie. L'intoxication botulinique réalise un bloc neuro-musculaire où les troubles paralytiques surviennent 12 à 48h après l'ingestion de conserves avariées. Les troubles digestifs précèdent la symptomatologie. La mydriase paralytique, la sécheresse de la bouche et les troubles sphinctériens la différencient de la myasthénie. Le syndrome myasthéniques de Lambert Eaton est un syndrome paranéoplasique accompagnant un cancer bronchique. Le déficit touche MI et MS mais respecte constamment la face. Les réflexes ostéo-tendineux sont abolis. L'EMG fait le diagnostic différentiel. Le pronostic est difficile à prédire. C'est la survenue de crises respiratoires qui fait le pronostic de l'affection. La classification d'Osserman (4 stades): stade I myasthénies localisées surtout oculaires stade IIa myasthénies généralisées sans trouble de la déglutition stade IIb + troubles de la déglutition pas de fausses routes stade III myasthénie généralisée, d'évolution rapide avec dysphagie, fausses routes et troubles respiratoires nécessitant la réanimation stade IV myasthénies généralisées graves mais anciennes, souvent accompagnées d'une amyotrophie. 1) Buts Éviter ou supprimer les manifestations déficitaires motrices de la myasthénie. 2) Moyens - Les anticholinestérasiques - La thymectomie - La corticothérapie, les immunosuppresseurs - Les échanges plasmatiques et les veinoglobulines Anticholinestérasiques: traitement de base de la myasthénie. Prolongent l'action de l‘Ach par inhibition de l'acétylcholinestérase. 3 produits partagent cette indication: - la néostigmine (Prostigmine), - la pyridostigmine (Mestinon) - le chlorure d'ambénonium (Mytélase). Les effets muscariniques inéluctables sont de plus ou moins atténués Ils doivent être pris 1/2h avant les repas. Posologie quotidienne est obtenue progressivement en commençant par des doses faibles réparties dans la journée. Il est inutile d'associer les médicaments. Dysphagie importante, néostigmine injectable. En cas de thymome, l'indication chirurgicale est formelle. Elle est complétée par une cobaltothérapie en cas d'envahissement. En l'absence de thymome, elle n'est conseillée que chez les malades de moins de 40 ans et le plus près du début de la maladie: elle y trouve sa meilleure indication Dans les autres cas, l'indication est discutée. -Les résultats de la thymectomie apparaissent de 18 mois à 2 ans après le geste. Les thérapeutiques immunosuppressives sont celles présentant le plus large éventail: -la prednisone 1mg/kg/j pendant un mois, puis lentement dégressive (dose minimale efficace) -l'azathioprine (Imurel) 2 à 3mg/kg/j contrôle par numération formule plaquette et bilan hépatique. Tendance à associer ces 2 médicaments en raison d'une action synergique permettant la réduction de la corticothérapie. -Les échanges plasmatiques sont réservés aux poussées aiguës et patients gravement atteints avant la thymectomie. L'amélioration est rapide mais transitoire. - Les veinoglobulines à fortes doses (0,4g/-kg/j pendant 5j). La crise respiratoire nécessite l'intubation et la ventilation mécanique, la corticothérapie et les échanges plasmatiques. 3) Indications Stade I: • traitement anticholinestérasique, surtout chez le sujet de plus de 50ans Stade II: • corticothérapie avant 45ans, immunosupresseurs après 50ans ou association - la thymectomie est envisagée avant la fin de la 1°année d'évolution Stade III: • association corticoïdes/immunosupresseurs - échanges plasmatiques ou Immunoglobuline intraveineuse avant la chirurgie, et au long cours permettant dans certains cas de se passer de la ventilation mécanique Stade IV: • le traitement est uniquement symptomatique: trachéotomie, alimentation par sonde gastrique, et parfois ventilation assistée 4) Résultats Les anticholinestérasiques sont inefficaces dans les formes sévères généralisées dans les formes oculaires pures La thymectomie est aussi inefficace dans la forme oculaire pure La durée de l'immunosuppression est toujours longue. L'efficacité d'une thérapeutique immunosuppressive est attestée par la réduction des valeurs des anticorps anti-récepteurs. De nombreux médicaments sont proscrits dans la myasthénie: • curares et curarisants/ • quinine et quinidine/procaïnamide, • b-bloquants, • diphénylhydantoïne, • Aminosides streptomycine/Colimycine/Cycline injectable • D penicillamine • neuroleptiques à forte dose • benzodiazépines • carbamazepine 5) Surveillance Les accidents de surdosage en anticholinestérasique surviennent pour des posologies élevées ou chez un patient dont l'état s'améliore du fait d'autres traitement: -Une insuffisance respiratoire aiguë peut être difficile à différencier d'une crise myasthénique. La conduite à tenir en un tel cas est de placer le patient sous respirateur si nécessaire et d'arrêter les anticholinestérasiques. Signes de surdosage : - fasciculations abondantes, - déficit musculaire accru, - nausées, vomissements, diarrhée, coliques, - hypersalivation, sudation, larmoiement, - pâleur, myosis, bradycardie. CONCLUSION La myasthénie est une maladie rare suspectée devant des manifestations parétiques ou paralytiques de topographie particulière. Son diagnostic est simple mais son traitement plus difficile du fait d'une évolution imprévisible