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c’est l’incapacité à traduire la réalité biologique de la situation
qui enafait abandonner leterme :peut-on être unpeu
impuissant, beaucoup ou complètement ? Lorsqu’il y a décom-
pensation organique, celle-ci survient progressivement, rendant
les relations sexuelles progressivement plus difficiles. La
dysfonction érectile est donc définie comme l’incapacité
persistante ou récurrente à obtenir ou à maintenir une érection
permettant une relation sexuelle satisfaisante
[1]
.
Prévalence
Longtemps, la prise en charge de la dysfonction érectile n’a
pas dépassé le niveau anecdotique et était réservée à quelques
équipes très spécialisées. La découverte d’un traitement médical
simple et efficace comme les injections intracaverneuses
[2]
aété
à l’origine d’une première diffusion de la prise en charge et a
vu les premières grandes publications sur la prévalence de la DE
depuis Kinsey. The Massachusetts Male Aging Study (MMAS)
[3]
,
publiée en 1993, représente une base de données assez complète
sur 1 290 hommes âgés de 40 à 70 ans, vivant dans la région
de Boston. Ils ont été suivis depuis plusieurs années dans une
étude longitudinale et de nombreux paramètres ont été enregis-
trés. La prévalence de la DE à différents degrés atteignait 52 %
(atteinte minime : 17,2 %, modérée : 25,2 %, complète : 9,6 %).
Le risque d’une DE complète passait de 5,1 % à 40 ans à15 %
à70 ans, le risque d’une atteinte modérée de 17 à34 %. La
maladie a également une influence : le risque de DE complète
passe de 9,6 à15 %en cas d’hypertension artérielle traitée, à
16 %si le high density lipoprotein (HDL) cholestérol est inférieur
ou égal à 30 mg/dl, à 28 % en cas de diabète traité et à 39 %
en cas de cardiopathie traitée. La commercialisation en 1998 de
la première molécule (sildénafil) active per os aréellement
«démocratisé »la prise en charge, ne faisant qu’augmenter
l’intérêt des médecins pour cette pathologie. De nombreuses
autres études sont venues compléter notre connaissance sur
l’incidence de la DE dans la population. Nous citerons l’étude
de Chew et al.
[4]
réalisée en Australie en 2000 par 62 médecins
omnipraticiens sur 1 240 patients :
• en cas d’hypertension artérielle traitée, 52 % des patients se
plaignaient de troubles de l’érection àdes degrés divers et
26 % de DE complète ;
•en cas d’ischémie myocardique, on retrouvait 61 %de DE
dont 38 % de DE complètes ;
• en cas d’artériopathie, on retrouvait 86 % de DE dont 57 %
de DE complètes.
L’étude de Braun, dite «Cologne Male survey » a étudié le
risque de DE en fonction de l’âge, ainsi que les pathologies
associées à la DE. Ainsi l’odds-ratio (OR) pour le risque de DE
est de 11,02 pour les patients âgés de 60 à 69 ans par rapport à
ceux âgés de 30 à 39 ans, et de 22,42 pour les patients âgés de
70 à 80 ans, toujours par rapport à la même population de 30
à 39 ans. Dans la population de 30 à 80 ans, parmi les patients
se plaignant de DE :
• 20,2 % ont un diabète contre seulement 3,2 % de ceux qui
ne se plaignent pas de DE ;
•32 %sont hypertendus contre 13,6 %de ceux qui ne se
plaignent pas de DE ;
•72,2 %de patients souffrent d’hyperplasie bénigne de la
prostate (HBP) symptomatique contre 37,7 % de ceux qui ne
se plaignent pas de DE
[5]
.
Dysfonction endothéliale
Dans un certain nombre de cas, la dysfonction érectile relève
d’une altération du lit artériel et/ou d’un dysfonctionnement
des tissus caverneux (endothéliaux, musculaire lisse et conjonc-
tif). Depuis Leriche, l’incidence de l’obstruction artérielle sur les
érections est connue. Les publications sont nombreuses, mon-
trant bien la relation qu’il y a entre atteinte artérielle et DE.
Progressivement, les idées ont évolué, soulignant très clairement
le risque accru d’avoir un trouble de l’érection lorsque sont
présents des facteurs de risque vasculaires comme l’hypertension
artérielle, une dyslipidémie, un diabète de type 1ou 2(voir
supra, Épidémiologie). L’endothélium vasculaire et caverneux a
la capacité de synthétiser du monoxyde d’azote (NO), substance
agissant sur la guanylate cyclase pour augmenter la teneur en
guanosine monophosphate cyclique (GMP-c) et provoquer la
relaxation musculaire lisse. Le NO est connu comme l’un des
médiateurs essentiels dans le déclenchement des érections et les
inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5commercialisés
pour les troubles de l’érection agissent par son intermédiaire, en
diminuant la dégradation du GMP-c. Les différents facteurs de
risque précédemment cités sont connus pour avoir, entre autres
effets, une incidence sur le fonctionnement endothélial.
Marqueur de la maladie athéromateuse
La sensibilité du pénis aux différents facteurs de risque
vasculaire peut-elle faire que la DE soit en quelque sorte un
symptôme sentinelle de la maladie artérielle ?Un certain
nombre d’études semblent aller dans ce sens. Banks et al. ont
étudié 137 sujets souffrant de DE sans atteinte coronarienne.
L’échodoppler pénien apermis de définir plusieurs groupes :
sujets ne présentant pas d’atteinte artérielle jusqu’à sujets
présentant une atteinte sévère. Les facteurs de risque tradition-
nels (lipides, HTA, âge, indice de masse corporelle [IMC], tabac)
et émergeants (protéine C réactive, L (a), homocystéine) étaient
corrélés à la gravité de l’atteinte artérielle génitale. En analyse
univariée, même rapporté à l’âge, le taux de protéine C réactive
restait significativement plus élevé dans le groupe avec atteinte
artérielle
[6]
.
Greenstein atrouvé une corrélation positive entre le degré de
la DE et le nombre de troncs atteints à la coronarographie de
40 sujets coronariens connus
[7]
.Kawanishi, dans une étude
prospective, acomparé les données échodoppler des artères
caverneuses avec les épreuves d’effort réalisées chez 58 patients
souffrant de DE. Quand les sujets avaient un pic systolique
caverneux supérieur à35 cm/s, seulement 3,7 %d’entre eux
avaient une pathologie coronarienne silencieuse. Àl’opposé,
quand la vitesse systolique était abaissée (moyenne 22 cm/s),
41,9 %d’entre eux avaient une pathologie coronarienne
silencieuse
[8]
.
Kloner aétudié 300 patients coronariens ayant eu une
coronarographie. Parmi ceux-ci, 149 présentaient un trouble de
l’érection (49 %). Chez 99 sur 149 de patients coronariens
souffrant de DE (67 %), celle-ci était survenue avant l’angor,
avec une moyenne d’environ 3 ans (1 à 128 mois)
[9]
. Blumen-
tals a comparé, grâce à une large base de données (Integrated
Healthcare Information Services National Managed Care Bench-
mark Database), le risque de faire un accident coronarien selon
que l’on soit ou non atteint d’une DE. En étudiant 12825
patients atteints de DE comparés àun nombre équivalent de
sujets du même âge indemnes de DE, après régression logistique
multivariée, on constate que le risque de faire une atteinte
coronarienne si l’on souffre de DE est 3,8 plus élevé entre
40-44 ans et 4,04 fois plus élevé entre 50-55 ans
[10]
.
Interférences psychologiques
De tous temps, l’homme a assimilé l’érection à la virilité et,
bien souvent, les patients atteints de DE se plaignent «de ne
plus être un homme ». L’atteinte de leur image représente une
blessure narcissique bien souvent tue, mais source d’une
souffrance réelle. Le repli sur soi, la mésentente conjugale, voire
la dépression peuvent alors guetter le patient. En cas d’atteinte
organique, la décompensation est en général progressive (sauf
certaines pathologies alors évidentes), le côté aléatoire de la
possibilité d’une relation sexuelle devient un élément déstabili-
sant pour le couple avec beaucoup de non-dits. Lui se remet en
cause, anticipe son échec, développe une angoisse avec son
cortège de manifestations physiques liées au stress aboutissant
àune sécrétion inappropriée de catécholamines s’opposant à
l’érection, venant aggraver encore plus un équilibre fragile. Elle
se sent remise en cause, « il ne me désire plus » et, face à cette
19-1710
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Dysfonction érectile d’origine vasculaire
2Angéiologie
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