ANATOMIE DE L’OESOPHAGE Dr. ZARHOUNI INTRODUCTION • L’oesophage est la partie initiale du tube digestif, conduisant le bol alimentaire du pharynx à l’estomac. • Il traverse successivement la région cervicale, la région thoracique dans le médiastin postérieur, le diaphragme, puis se termine dans la partie haute de l’abdomen en se jetant dans l’estomac. • Nous allons décrire lors de ce topo l’embryologie, l’anatomie descriptive, les rapports, la vascularisation et l’innervation de l’oesophage en insistant sur l’importance de leur connaissance dans la compréhension de la pathologie et de la chirurgie oesophagienne. Embryologie de l’oesophage Anatomie descriptive de l’oesophage Limites • Au niveau du crâne, il se présente sur un plan horizontal rasant le bord inférieur du cartilage cricoïde correspondant, tête en position anatomique, à la 6e vertèbre cervicale (C6). Cette limite supérieure est représentée extérieurement par le faisceau cricoïdien du muscle constricteur inférieur du pharynx (où s’engage le nerf laryngé inférieur). • Sa limite caudale correspond au cardia qui est l’ouverture sur l’estomac, au niveau du bord gauche de la 10e ou 11e vertèbre thoracique (TH10 ou TH11), repérée extérieurement par l’angulation entre le bord gauche de l’œsophage et le fundus. Anatomie descriptive de l’oesophage Direction • Le trajet de l’oesophage est médian et longe le rachis, il en suit les inflexions jusqu’à la 4ème vertèbre thoracique (TH4) puis s’en écarte progressivement. • Dans le sens transversal, il présente trois légères courbures. • On note une inflexion sur la gauche dans la portion cervicale, une inflexion à droite au niveau TH4, une nouvelle inflexion sur la gauche de la 7ème vertèbre thoracique (TH7). Anatomie descriptive de l’oesophage Anatomie descriptive de l’oesophage Structure de la paroi oesophagienne • La muqueuse œsophagienne, de couleur rosée à l’endoscope, est formée de trois plans. Un épithélium stratifié pavimenteux squameux en continuité avec le recouvrement de l’oropharynx constitue le plan le plus superficiel. Sous l’épithélium, la lamina propria est un plan de tissus acellulaire contenant un treillis de vaisseaux sanguins et lymphatiques et de glandes productrices de mucus. Le plan le plus profond est la muscularis mucosae composée de fibres musculaires lisses disposées longitudinalement. • La sous-muqueuse est un plan de tissus de connexion lâche. Il contient des plexus artériels, des fibres élastiques et les corps cellulaires des plexus de Meissner, et surtout deux importants réseaux veineux et lymphatique. La musculeuse est constituée d’un plan circulaire interne et d’un plan longitudinal externe. Entre ces deux plans se trouvent les ganglions myoentériques d’Auerbach qui, avec ceux des plexus de Meissner, coordonnent les mouvements impliqués dans la déglutition. L’oesophage n’est pas recouvert de séreuse mais d’un plan adventitiel constitué par le tissu de connexion du médiastin postérieur. Ce plan facilite les mouvements de l’œsophage pendant la déglutition Rapports de l’oesophage Œsophage cervical L’œsophage cervical descend profondément dans la région cervicale, il est au contact du rachis jusqu’à la partie supérieure du médiastin postérieur. Ses rapports sont : • en arrière : le rachis cervical et les muscles prévertébraux • en avant : la trachée à laquelle il est uni par des tractus fibromusculaires (muscle trachéo-œsophagien). Rapports de l’oesophage • Latéralement Dans la gaine viscérale du cou: Les lobes latéraux de la thyroïde. Les glandes parathyroïdes plaquées contre la face latérale des lobes thyroïdiens. Nerfs laryngés récurrents ; Le gauche est dans l’angle trachéo-œsophagien et le droit est satellite du bord droit de la trachée. En dehors de la gaine viscérale du cou : paquet vasculo-nerveux du cou contenu dans la gaine vasculaire du cou, constitué par: La carotide primitive -La jugulaire interne – Le nerf vague et Les nœuds lymphatiques de la chaine jugulo-carotidienne Rapports de l’œsophage cervical Rapports de l’œsophage cervical Rapport de l’Œsophage thoracique • L’étude des rapports anatomiques de l’œsophage thoracique est fondamentale pour la compréhension des coupes horizontales en imagerie et pour l’abord chirurgical de l’œsophage thoracique par voie thoracique droite ou gauche. • Nous étudions ces rapports en divisant l’œsophage en trois tiers, ce qui correspond à la division de l’œsophage définie en chirurgie pour la localisation des processus tumoraux. • On distinguera donc : le tiers supérieur ou œsophage supra-azygoaortique au-dessus des crosses de la grande veine azygos et de l’arc de l’aorte (crosse) ; le tiers moyen ou œsophage interazygoaortique entre les deux crosses et comprenant la bifurcation trachéale ; le tiers inférieur ou œsophage infra-azygoaortique au-dessous des crosses. Rapport de l’Œsophage thoracique • OEsophage supra-azygoaortique • Il correspond au tiers supérieur de l’oesophage thoracique. • Plus étendu à droite qu’à gauche du fait de la taille de l’arc de l’aorte, il répond : • en arrière, à la face antérieure du rachis thoracique dont il est séparé par un tissu celluleux aisément clivable. • Le conduit thoracique s’éloigne de la face postérieure de l’oesophage pour rejoindre l’artère subclavière gauche et l’accompagner à sa sortie de l’orifice supérieur du thorax ; Rapport de l’Œsophage thoracique • en avant, à la face postérieure de la trachée à laquelle il est • • • • • • • • • • uni par le muscle trachéo-oesophagien. Il s’agit là d’un rapport intime expliquant l’envahissement précoce de la trachée par les tumeurs malignes du tiers supérieur de l’oesophage thoracique ; à droite, à la plèvre médiastine droite. À sa partie basse, l’oesophage est rejoint par le nerf pneumogastrique droit après avoir croisé la face latérale droite de la trachée. Cette région latérotrachéale droite, au-dessus de la crosse de la grande veine azygos et en arrière de la veine cave crâniale, est le siège des lymphocentres de la loge dite de Barety ; Rapport de l’Œsophage thoracique • à gauche, à la plèvre médiastine gauche. Ce segment oesophagien plus court est inscrit dans un triangle (triangle de Poirier) limité par l’artère subclavière gauche, la face antérieure du rachis et l’arc de l’aorte. Ce triangle d’abord chirurgical de l’oesophage thoracique supra-aortique est traversé par la veine intercostale supérieure gauche. Rejoignant le bord gauche de l’oesophage, le nerf laryngé inférieur gauche remonte accompagné de lymphocentres appelés aussi « chaîne lymphatique récurrentielle gauche ». Vue latérale droite du médiastin Vue latérale gauche du médiastin Coupe horizontale du thorax en TH3. Coupe tomodensitométrique. Rapport de l’Œsophage thoracique • OEsophage interazygoaortique • En arrière, l’oesophage répond au plan vertébral puis s’en détache progressivement du fait du cheminement vers le bas de l’aorte thoracique descendante. Celle-ci se place sur son bord gauche et le projette vers l’avant. Le conduit thoraciqueappliqué contre la colonne thoracique, se rapproche de l’œsophage dans la partie haute du médiastin moyen en cheminant dans l’angle dièdre formé par la partie postérieure de la crosse de l’aorte et la veine hémiazygos accessoire. Rapport de l’Œsophage thoracique • En avant, • l’oesophage est en rapport avec la face postérieure de la trachée, puis la bifurcation trachéobronchique et enfin la bronche souche gauche. Il est uni à l’arbre aérien par du tissu cellulaire dense (muscle trachéooesophagien) épaissi au niveau de la bronche souche gauche par la présence du plexus nerveux pulmonaire, du nerf pneumogastrique gauche, des voies lymphatiques et des artères oesophagiennes issues des artères bronchiques. Au-dessous de la bifurcation bronchique, l’œsophage est au contact en avant avec les lymphocentres intertrachéobronchiques, eux-mêmes traversés par les artères bronchiques. Rapport de l’Œsophage thoracique • À droite, • l’oesophage est croisé transversalement par la crosse de la grande veine azygos qui se jette dans la veine cave crâniale. Le nerf pneumogastrique droit se rapproche du bord droit de l’oesophage. À ce niveau, il existe un lymphocentre constant de la crosse de la grande veine azygos (Bartels). Cette crosse peut être liée et sectionnée sans conséquence faisant de la voie thoracique droite, la voie privilégiée de l’abord de la totalité de l’oesophage thoracique. Rapport de l’Œsophage thoracique • À gauche, la crosse de l’aorte représente, elle, un obstacle à la libération du tiers moyen de l’oesophage. À ce niveau, l’oesophage reçoit les artères venant des artères bronchiques et souvent une artère naissant directement de l’aorte (artère du croisement). À la face supérieure de la bronche gauche, le nerf laryngé inférieur gauche (nerf récurrent gauche) passe sous la crosse de l’aorte et plus précisément en contournant le ligament artériel. Le nerf laryngé inférieur gauche rejoint alors l’angle trachéo-oesophagien accompagné de sa chaîne lymphatique. Rapport de l’Œsophage thoracique • OEsophage infra-azygoaortique En avant l’oesophage prend contact avec le péricarde à travers le sinus oblique. Il est en rapport direct avec l’atrium gauche, ce qui explique la dysphagie de l’insuffisance cardiaque gauche avec dilatation atriale gauche. Plus bas, l’oesophage perd le contact avec le péricarde pour contracter des rapports avec la face postérieure du diaphragme. Rapport de l’Œsophage thoracique • OEsophage infra-azygoaortique En arrière, l’oesophage est progressivement refoulé par l’aorte descendante, l’éloignant également du conduit thoracique et des veines azygos. Il se place à la face antérieure de l’aorte dont il est le rapport privilégié et auquel il est fixé par un tissu cellulograisseux et lymphatique porteur des artères oesophagiennes et auquel certains auteurs donnent le nom de « méso-oesophage Rapport de l’Œsophage thoracique • OEsophage infra-azygoaortique • À gauche, l’oesophage masqué partiellement en haut par l’aorte descendante devient plus superficiel et descend en arrière du pédicule pulmonaire puis du ligament pulmonaire. Il chemine à la partie basse dans un triangle (triangle de Truesdale) délimité par le péricarde avant, l’aorte descendante en arrière et le diaphragme en bas. Ce triangle expose la face latérale gauche de l’oesophage et est le lieu des perforations spontanées de l’oesophage (syndrome de Boerhaave). Le nerf pneumogastrique gauche rejoint la face antérieure de l’oesophage sous l’arc de l’aorte. Rapport de l’Œsophage thoracique • À droite, l’oesophage recouvert de la plèvre médiastine descend dans le médiastin inférieur entre la grande veine azygos en arrière et la « raquette » pulmonaire prolongée par le ligament pulmonaire en avant. Le nerf pneumogastrique droit gagne le bord droit puis la face postérieure de l’oesophage. Le conduit thoracique peut être exposé au cours de la dissection par voie droite. Figure 13. Coupe horizontale du thorax en TH4. B. Coupe tomodensitométrique. 1. Reliquat du thymus ; 2. veine cave crâniale ; 3. arc de l’aorte ; 4. trachée ; 5. oesophage ; 6. grande veine azygos ; 7. veine intercostale supérieure droite ; 8. nerf phrénique droit ; 9. nerf pneumogastrique droit (X) ; 10. tronc sympathique thoracique ; 11. nerf laryngé inférieur gauche ; 12. nerf phrénique gauche ; 13. nerf pneumogastrique gauche (X) ; 14. conduit thoracique. Coupe horizontale du thorax en TH5. . Coupe tomodensitométrique. 1. Reliquat du thymus ; 2. aorte thoracique ascendante ; 3. veine cave crâniale ; 4. tronc de l’artère pulmonaire ; 5. artère pulmonaire droite ; 6. artère pulmonaire gauche ; 7. veine pulmonaire supérieure droite ; 8. veine pulmonaire supérieure gauche ; 9. bronche souche gauche ; 10. bronche souche droite ; 11. oesophage ; 12. aorte thoracique descendante ; 13. grande veine azygos ; 14. nerf phrénique droit ; 15. nerf phrénique gauche ; 16. nerf pneumogastrique droit (X) ; 17. nerf pneumogastrique gauche (X) ; 18. conduit thoracique ; 19. veine hémiazygos accessoire ; 20. tronc sympathique thoracique. Coupe horizontale du thorax en TH8. Coupe tomodensitométrique. 1. Ventricule droit ; 2. atrium droit ; 3. atrium gauche ; 4. ventricule gauche ; 5. oesophage ; 6. aorte thoracique descendante ; 7. grande veine azygos ; 8. veine hémiazygos ; 9. sinus oblique du péricarde ; 10. nerf pneumogastrique droit (X) ; 11. nerf pneumogastrique gauche (X) ; 12. conduit thoracique ; 13. tronc sympathique thoracique Œsophage diaphragmatique • La traversée du diaphragme se produit à la hauteur de l’hiatus œsophagien, au niveau de TH10. • Cet orifice purement musculaire de 2,5 cm de long et de forme ovalaire est constitué de fibres provenant du pilier droit et divisées en deux faisceaux : l’un antérieur droit et l’autre postérieur gauche. Ces deux faisceaux entourent l’œsophage en formant alors un système sphinctérien externe qui peut coulisser autour de l’œsophage, notamment au cours de la respiration et de la déglutition. • Ce système musculaire échange quelques fibres avec la musculature œsophagienne et participe à la continence cardiale pour éviter le reflux gastroœsophagien. Cette zone constitue une zone de transition entre le thorax (de pression négative) et l’abdomen (de pression positive). • Au cours de sa traversée du diaphragme, l’œsophage est accompagné par le tronc vagal antérieur et le tronc vagal postérieur Traversée du diaphragme par l’œsophage Vascularisation artérielle • Le segment sus-azygo-aortique : par les branches postérieures des artères trachéo- œsophagiennes. • Le segment inter azygo-aortique : par des rameaux œsophagiens provenant des artères bronchiques ou de la crosse de l’aorte. • Le segment sous-azygo-aortique : par les artères œsophagiennes moyennes de l’aorte descendante, et par les artères œsophagiennes inférieures provenant des artères phrénique inférieure et gastrique gauche. Vascularisation veineuse • - En haut : la VCS par les veines thyroïdiennes inférieures, les veines azygos et phréniques supérieures • - En bas : la veine porte par la veine gastrique gauche, et la VCI par la veine phrénique inférieure gauche. Vascularisation lymphatique • Les nœuds para trachéaux droits et gauches (chaines récurrentielles) • Les nœuds trachéo-bronchiques inférieurs • Les nœuds médiastinaux postérieurs • Les nœuds de la région cœliaque (pour le 1/3 inf de l’œsophage). Vascularisation de l’œsophage. INNERVATION DE L’OESOPHAGE • Des nerfs laryngés inférieurs (récurrents) pour le segment sus azygoaortique • Des nerfs vagues pour le segment sous azygo-aortique • Des rameaux sympathiques pour la totalité de l’œsophage INNERVATION DE L’OESOPHAGE Conclusion Une connaissance précise de l’anatomie de indispensable aux chirurgiens pour comprendre : l’œsophage est • sa structure et ses problèmes de suture • ses rapports avec les organes avoisinants, en particulier, dans l’analyse des coupes tomodensitométriques et dans les précautions nécessaires à sa dissection. • L’importance de ses rapports vasculo-nerveux et avec les organes. Merci pour votre attention