¶ 23-069-A-10 3 Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades 4 J.-J. Lasfargues, J.-J. Louis, R. Kaleka 5 25 La connaissance et la gestion de la maladie carieuse ont considérablement évolué depuis l’ère de GV Black. Il est aujourd’hui possible de guérir les lésions carieuses par des procédés non invasifs de reminéralisation en évitant ainsi les restaurations et lorsque cela n’est plus possible de réaliser des interventions opératoires minimales limitant la taille des restaurations. Plusieurs publications font état de l’inadéquation de la classification de Black avec les concepts cariologiques actuels, et proposent de nouveaux systèmes de classification. Les auteurs analysent ces différents systèmes en fonction de leur intérêt clinique et proposent, après en avoir fait la synthèse, un nouveau système de classification des lésions carieuses par site de cariosusceptibilité et stade de progression, le concept « SI/STA » (acronyme pour sites et stades). Dans ce sytème, trois sites carieux occlusal, proximal, et cervical permettent de classer topographiquement les lésions en fonction des zones d’accumulation préférentielle de la plaque dentaire. Pour chacun de ces trois sites, cinq stades de progression des lésions sont définis, en fonction de critères de diagnostic clinique, radiographique et histologique : le stade 0 est un stade réversible, la lésion étant alors reminéralisable ; le stade 1 correspond à une lésion confinée dans le tiers dentinaire externe ; le stade 2 à une lésion étendue au tiers dentinaire médian mais ne fragilisant pas la structure dentaire. Le traitement restaurateur de ces lésions implique des interventions opératoires a minima. Les stades 3 et 4 correspondent à des lésions extensives ayant atteint le tiers dentinaire interne et nécessitant un traitement restaurateur visant à protéger et renforcer les structures dentaires résiduelles, fragilisées ou perdues. Plus qu’une simple classification, le concept SI/STA est un guide thérapeutique de dentisterie préventive, adhésive et restauratrice pour le traitement des lésions carieuses quels que soient leur site et leur stade d’évolution. La mise au point d’une classification internationale consensuelle validée par l’ensemble de la communauté scientifique odontologique est fortement souhaitée. 26 © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. 27 Mots clés : Carie dentaire ; Lésions carieuses ; Classification ; Critères de diagnostic ; Sites carieux ; Stade de progression carieuse ; Décision thérapeutique 1 2 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 28 29 ■ Introduction Plan 30 31 ¶ Introduction 1 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 ¶ Différentes classifications des lésions carieuses Classification de Black Classification par degré de Lubetzki Classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Classifications à visée diagnostique Classification spécifique aux lésions occlusales d’Axelsson (2000) Classifications spécifiques aux lésions proximales Classifications spécifiques aux caries radiculaires Évolutions actuelles vers une classification générale à but thérapeutique 2 2 2 2 3 5 5 6 42 43 44 45 ¶ Concept SI/STA Classification SI/STA Trois principes de base du concept Si/Sta Applications cliniques du concept SI/STA 7 7 9 11 46 47 ¶ Conclusion 15 Odontologie 6 48 Il est clairement établi que les lésions carieuses sont les conséquences d’un déséquilibre infectieux de l’écosystème buccal, provoquant la déminéralisation des tissus durs dentaires. [1, 2] Les lésions carieuses sont en fait les signes physiques d’un processus actif et évolutif, et doivent donc être différenciées de la maladie carieuse proprement dite. Ainsi le traitement de la carie ne peut se réduire au seul traitement de la lésion carieuse ; il suppose également le contrôle des facteurs de risque engagés dans la maladie. Cette prise de conscience majeure, qui a été le fait marquant du développement de la cariologie lors de ces vingt dernières années, a eu des conséquences notables dans l’approche diagnostique et thérapeutique de la carie. [3] Une de ces conséquences a été de reconsidérer la classification des caries à la lumière des connaissances acquises sur la balance déminéralisation/reminéralisation et des nouvelles possibilités de traitement tant non chirurgical que chirurgical des lésions carieuses. 1 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 23-069-A-10 ¶ Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 Classifier les lésions carieuses revient à répertorier les différentes lésions présentes à un instant donné dans la bouche d’un patient atteint par la carie selon un ensemble de critères prédéfinis. Une classification pertinente devrait avoir deux objectifs : celui d’identifier la lésion située au niveau des couronnes cliniques dentaires par son site topographique, mais aussi de la caractériser par ses attributs pathologiques, et ce dès le stade le plus précoce de développement des lésions. Le premier objectif a essentiellement un intérêt épidémiologique ou de codification des actes ; toutefois, à lui seul, il est de peu d’intérêt pour la pratique clinique, car il ne constitue pas une aide à la prise de décision. La prise en considération des caractéristiques pathologiques des lésions permet d’envisager les différentes options de traitement requis de façon à aboutir à la guérison des lésions ainsi répertoriées, soit par des procédures de prévention, soit par des interventions chirurgicales d’interception suivies d’une restauration. C’est la raison pour laquelle, après avoir constaté l’inadéquation de la classification des caries de Black avec les nouveaux concepts cariologiques en vigueur, nous avions proposé, dès 1999, une nouvelle classification des lésions carieuses à visée thérapeutique qui soit en quelque sorte un guide clinique permettant d’assister le praticien dans sa prise de décision. [4, 5] D’autres propositions de classifications des caries ont également été formulées avant et pendant cette période, en particulier le système de classification proposé par Mount et Hume basé sur le site et la taille des lésions. [6, 7] La révision de la classification de Black est un des éléments constitutifs du concept actuel de dentisterie moins invasive ou « minimally invasive dentistry », basé sur des soins préventifs non invasifs et, lorsqu’une restauration est indiquée, des préparations cavitaires peu invasives dites a minima. [8] Malheureusement à ce jour, les efforts entrepris pour obtenir un consensus sur une classification universelle n’ont toujours pas abouti, et de ce fait la classification de Black, [9] bien que jugée de nos jours obsolète, demeure encore la référence internationale à laquelle les praticiens du monde entier se réfèrent dans leur pratique quotidienne. L’objectif de ce travail est de décrire et discuter les différentes classifications des lésions carieuses actuellement disponibles, dont le concept « SI/STA », qui associe une classification des lésions carieuses par site de cariosusceptibilité et stade d’évolution aux principes modernes de traitement de la carie. 109 ■ Différentes classifications des lésions carieuses 110 Classification de Black 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 Au tout début du XXe siècle, Black a publié une classification des lésions carieuses en relation avec la situation de la carie sur la dent : • classe I : carie au niveau des défauts de structure dans les puits et sillons ; • classe II : carie proximale des prémolaires et des molaires ; • classe III : carie proximale des incisives et canines sans atteinte des bords incisifs ; • classe IV : carie proximale des incisives et canines avec atteinte des bords incisifs ; • classe V : carie des collets dentaires ; • classe VI : carie des bords incisifs et pointes cuspidiennes (classe rajoutée ultérieurement). Cette classification strictement topographique a été logiquement utilisée par extension pour désigner le lieu où la préparation cavitaire devait être débutée puis réalisée en fonction de la classe de carie considérée. À tel point que dans l’esprit des praticiens, cette classification initialement lésionnelle devint un système codifiant les cavités d’obturation en relation avec les matériaux disponibles à l’époque, l’or et l’amalgame. Dans la classification de Black, le degré d’altération tissulaire, c’est-àdire la taille ou le stade atteint par la lésion, n’est pas pris en 108 2 compte car à l’époque on ignorait la relation étroite existant entre les bactéries cariogènes et le processus de déminéralisation ainsi que les possibilités de reminéralisation des structures dentaires. L’élimination chirurgicale des tissus lésés était considérée comme nécessaire et suffisante pour traiter la maladie. Le système de Black, simple à mémoriser et extrêmement logique car fondé sur l’approche chirurgicale du traitement, fut universellement adopté par les dentistes. D’autre part, le système de Black suppose l’utilisation de l’amalgame, un matériau d’obturation coronaire non adhésif, régi par des principes de réalisation de cavités stéréotypées, imposant une forme de contour préconçue, centrée sur la résistance de l’obturation plutôt que sur celle de la dent et conduisant de ce fait à des sacrifices tissulaires inutiles. Un de ces principes en particulier, l’extension préventive postulait que les limites extrêmes des cavités devaient être placées de telle sorte que les bords de l’obturation soient soumis à l’autonettoyage lors de la mastication de façon à prévenir les lésions récurrentes. On sait aujourd’hui que l’allongement excessif du périmètre cavosuperficiel ne diminue pas la probabilité de carie secondaire ; au contraire la longévité de la restauration augmente lorsque les cavités sont de faible volume. Les principes d’extension préventive et de préparation standardisée ne sont plus que de vieux adages légués par les pionniers de la dentisterie. L’approche contemporaine plus conservatrice est basée sur la préservation tissulaire : elle consiste à n’éliminer que la quantité nécessaire et suffisante de tissus déminéralisés, et à privilégier le recours aux matériaux de restauration adhésifs. L’objectif de la restauration exclusivement mécanique se double aujourd’hui d’un objectif biologique : un scellement étanche de la cavité de façon à protéger le complexe dentinopulpaire. Cependant si les principes de Black sont aujourd’hui abandonnés, sa classification semble devoir défier le temps et reste une référence commode, alors qu’elle n’est plus conforme ni aux données cariologiques scientifiquement établies ni aux concepts d’intervention minimale et de restauration adhésive qui prévalent aujourd’hui. [10] Le besoin d’une nouvelle classification prenant en considération les concepts modernes d’économie tissulaire est bien réel. 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 Classification par degré de Lubetzki 172 Cette classification [11] a été très longuement utilisée en France, constituant le fondement des pratiques traditionnelles de la dentisterie opératoire préconisé par Marmasse à partir de 1946. Elle comprend quatre degrés : • premier degré : carie de l’émail ; • second degré : carie de l’émail et de la dentine ; • troisième degré : carie avec complications pulpaires (pulpites irréversibles) ; • quatrième degré : carie avec complications pulpaires et parodontales (nécrose pulpaire et ses complications). On notera que sur les quatre catégories mentionnées, les deux premières concernent des lésions amélodentinaires pour lesquelles le traitement est compatible avec le maintien de la pulpe, les deux suivantes concernent les complications pulpaire et parodontale des lésions carieuses impliquant des traitements endodontiques. Cette approche relativement tranchée s’explique par le contexte de forte prévalence carieuse de l’époque, les lésions étant à évolution rapide et diagnostiquées tardivement à un stade cavitaire. 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 Classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [12] La classification internationale des maladies différencie, au chapitre des maladies de la cavité buccale, les caries dentaires (chapitre XI, K02) en fonction du tissu atteint : • carie limitée à l’émail (carie initiale, taches blanches) ; • carie de la dentine ; • carie du cément. Odontologie 192 193 194 195 196 197 198 199 Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades ¶ 23-069-A-10 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 S’y ajoutent d’autres libellés dont : • carie dentaire stabilisée ; • autres caries dentaires (sans précision). À cette classification de nature histologique, le système de l’OMS ajoute une notation par degré « D », codifiant la gravité de la lésion, la série pouvant être utilisée à titre épidémiologique : • D1 : lésion de l’émail cliniquement détectable avec une surface intacte non cavitaire ; • D2 : lésion de l’émail cliniquement détectable avec une cavité limitée à l’émail ; • D3 : lésion de la dentine cliniquement détectable avec ou sans cavitation dans la dentine ; • D4 : lésion ayant atteint la pulpe. On observe dans ce système deux degrés d’atteinte pour l’émail, le critère de différenciation étant l’apparition d’une cavité altérant la surface de l’émail, et deux degrés d’atteinte pour la dentine, le critère de différenciation correspondant à l’atteinte de la pulpe. La distinction concernant l’absence ou la présence de cavité est importante, car il est désormais admis que toutes les lésions non cavitaires doivent être détectées et arrêtées par des moyens préventifs non invasifs. [13] 222 Classifications à visée diagnostique 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 À partir des années 1990, il devient évident que les interventions invasives (chirurgicale et restauratrice) doivent être évitées aussi longtemps que possible. Une raison essentielle à cela est que des traitements préventifs non opératoires peuvent arrêter non seulement les lésions de l’émail mais aussi les lésions dentinaires cavitaires ou non cavitaires. [14-16] Par ailleurs en évitant les interventions opératoires, on diffère l’enclenchement du cycle des restaurations tel qu’il a été décrit par Elderton en 1990, [17] et adapté par différents auteurs. [10, 18] Toute restauration nécessitant d’être remplacée après un certain temps du fait du vieillissement des matériaux, des récidives carieuses liées à l’absence de gestion préventive de la maladie, et de l’insuffisance de la qualité des restaurations réalisées en pratique généraliste, [19] ont abouti, par suite des mutilations successives et cumulées de la dent, à son extraction. [20] Simultanément à cette prise de conscience préventive, l’émergence de nouveaux concepts de préparation orientés vers la préservation tissulaire trouvait son application grâce au développement des outils de microdentisterie (aides visuelles, instrumentation rotative miniaturisée, air abrasion, sonoabrasion etc.) faisant évoluer la dentisterie opératoire du modèle chirurgical invasif dans lequel elle était emprisonnée vers un modèle médical préventif [10] (Fig. 1, 2). C’est dans cette effervescence que de nombreux auteurs ont tenté de reclassifier les lésions carieuses en fonction du degré d’atteinte des tissus amélodentinaires, en tentant de distinguer les stades de déminéralisation et de destruction de ces tissus, avec l’objectif de favoriser les approches non invasives et d’intervention opératoire a minima pour les stades réversibles ou débutants, au détriment des approches plus conventionnelles pour les stades cavitaires avancés. 254 Classification de Pitts (1997) 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268 En 1997, Pitts, souhaitant attirer l’attention des praticiens sur la nécessité de détecter précocement les lésions initiales, proposa la métaphore de l’iceberg (Fig. 3) avec sa partie visible concernant les lésions évoluées aisément diagnostiquables et relevant des soins restaurateurs, et sa partie immergée, la plus grande, concernant toutes les lésions initiales malheureusement le plus souvent ignorées et donc non traitées mais pouvant pourtant être guéries par des mesures prophylactiques spécifiques. [22] L’auteur distingue du plus sain vers le plus malade, les seuils de diagnostic suivants : • lésions initiales subcliniques en état dynamique de progression/régression détectables par les moyens de diagnostic modernes ou du futur ; Absence de prévention Éruption Enfance Le modèle chirurgical invasif Adolescence Odontologie Vieillesse Âge adulte J.J.L. Figure 1. Cycle des restaurations dans le cadre du modèle chirurgical invasif : une pratique axée sur les traitements chirurgicaux conduit à la perte prématurée des dents. Hygiène, fluor, sealant Éruption Enfance Le modèle médical préventif non/peu invasif Adolescence Vieillesse Âge adulte J.J.L. Figure 2. Cycle des restaurations dans le cadre du modèle médical préventif : une pratique basée sur la prévention et les soins précoces moins invasifs conduit à la conservation des dents pour toute la vie. 3 23-069-A-10 ¶ Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades Figure 3. L’iceberg de la carie dentaire selon Pitts. [21] D : seuil de diagnostic ; TO : traitements avec interventions de dentisterie opératoire ; TP : traitements prophylactiques actifs ; PTA : pas de traitement actif autre que les mesures habituelles de contrôle de la carie. Traitements recommandés D4 Seuil entre « maladie et santé » Lésions atteignant la pulpe Lésions dentinaires cliniquement détectables (ouvertes ou fermées) D3 TO + TP cavitation/progression stable/sans cavitation D2 D1 Considéré avant D3, comme «sans carie » Lésions cliniquement détectables avec cavités limitées à l'émail Lésions cliniquement détectables avec surface d'émail «intacte» Lésions uniquement décelables avec des aides au diagnostic (bitewing, FOTI) Lésions initiales subcliniques en état dynamique de progression/régression, décelables par les outils diagnostiques modernes (Diagnodent) ou du futur TP Pas de traitement opératoire PTA J.J.L. 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287 • lésions détectables uniquement avec les outils conventionnels de diagnostic ; • D1 : lésions de l’émail cliniquement détectables mais avec une surface « intacte » ; • D2 : lésions cliniquement détectables mais avec une cavité limitée à l’émail ; • D3 : lésions dentinaires (ouvertes et fermées) détectables cliniquement : stable et non cavitaire ou en progression et cavitaire (D3+ ) ; • D4 : lésions ayant atteint la pulpe. Cette classification reflète la volonté de l’auteur de réorienter les pratiques vers des interventions préventives qui sont indiquées jusqu’au stade D3. Ce n’est qu’à partir du stade D3+ que les soins préventifs doivent être associés à des soins opératoires. La plus grande part d’activité du dentiste en cariologie devrait donc concerner l’approche préventive non invasive, seules les lésions dentinaires cavitaires en progression et profondes relevant d’une approche chirurgicale complémentaire de l’approche préventive. [21] 289 Autres classifications par scores visuels de diagnostic 290 291 292 293 294 295 296 Plusieurs auteurs ont tenté d’établir une échelle quantitative par score sous forme de continuum depuis la dent saine jusqu’à la destruction totale de la dent, en utilisant comme gold standard l’apparence visuelle de la lésion, seule ou corrélée aux données radiographiques et histologiques. Ces systèmes de scores peuvent être en particulier utilisés pour les essais cliniques. 297 298 Critères de diagnostic clinique et radiographique selon Machiulskiene et al. (1998) 299 300 301 302 303 En 1998, Machiulskiene et al., cités dans l’ouvrage de Fejerskov et Kidd, [23] proposent une échelle de 0 (dent saine) à 10 (dent extraite suite à la carie) fondée sur l’apparence clinique et l’examen radiographique de façon à identifier les lésions actives et inactives, tant primaires que secondaires (dents obturées). 0 : sain ; 1 : active, surface intacte ; 2 : active, surface discontinue ; 3 : active, avec cavité ; 288 304 305 306 307 4 4 : inactive, surface intacte ; 5 : inactive, surface discontinue ; 6 : inactive, avec cavité ; 7 : obturée ; 8 : obturée, avec lésion active ; 9 : obturée, avec lésion inactive ; 10 : extraction due à la carie. 308 309 310 311 312 313 314 Critères de diagnostic visuel selon Ekstrand et al. (1998) [24, 25] proposent un système À partir de 1998, Ekstrand et al. de scores cliniques basé sur l’apparence visuelle des lésions en relation avec la profondeur de pénétration histologique. Bien que conçus pour la recherche clinique, ces critères visuels sont relativement simples à utiliser et nous semblent de nature à permettre une prise de décision thérapeutique pertinente par le praticien. Cependant, pour Ekstrand, la détection et le diagnostic des lésions sont une chose, l’activité et la sévérité des lésions en sont une autre. Ce n’est qu’en mettant en relation ces différents paramètres que l’on peut envisager les options de monitorage et de traitement logiques de ces lésions. Ekstrand et al. [26, 27] proposent d’évaluer l’activité de la lésion par les quatre paramètres cliniques suivants : • l’aspect visuel de la lésion, qui indique sa sévérité (ou stade d’évolution) allant d’une atteinte superficielle et réversible vers une atteinte cavitaire profonde et non réversible ; • la localisation de la lésion, selon qu’elle se situe dans une zone favorisant une accumulation préférentielle de plaque (aire de contact interdentaire, sillons et défauts de surface, proximité gingivale, défauts cavitaires, ou encore le pourtour des verrous orthodontiques) ou en dehors ; • la perception tactile, c’est-à-dire la sensation au sondage qui permet d’apprécier la présence de dépôts de surface, la rugosité de l’émail et la consistance (dure ou molle) des cavités dentinaires ; • le statut de la gencive marginale en regard des surfaces concernées (tiers gingival) évalué par l’absence ou la présence de saignement provoqué par un sondage prudent. Ces différents critères de diagnostic ont été combinés permettant de relier la sévérité et l’activité des lésions prises individuellement et de quantifier par des scores allant de l’état sain à l’état le plus avancé (Tableau 1). Odontologie 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades ¶ 23-069-A-10 Tableau 1. Quantification du degré d’activité et de sévérité des lésions carieuses. [27] Paramètres de l’activité Degré de sévérité Aspect visuel État sain 0 Opacité (après séchage) 1A Accumulation de plaque Sensation au sondage Saignement gingival au sondage “ Score Tache brune (après séchage) 1B Opacité (sans séchage) 2A Tache brune (sans séchage) 2B Ombre grise soulignée 3 Perte de l’intégrité de surface 4 Cavité punctiforme 5 Cavité extensive 6 Zones non favorables 0 Zones favorables 6 Émail lisse, dentine dure 0 Émail rugueux, dentine molle 5 Pas de saignement 0 Saignement 3 Point important Critères de diagnostic visuel selon Ekstrand et al. (1998) 0 : absence ou début de déminéralisation de l’émail : pas ou peu de changement de translucidité de l’émail après séchage prolongé à l’air (> 5 s) ; 1 : émail déminéralisé jusqu’à mi-hauteur sans réaction dentinaire : opacité ou coloration difficilement visible sur surface humide mais très distinctement visible après séchage à l’air ; 2 : atteinte de toute l’épaisseur de l’émail (stade 2a : stade 2 + début d’atteinte dentinaire avec formation de dentine réactionnelle sclérotique) : opacité ou coloration distinctement visible sans séchage à l’air ; 3 : cavitation débutante associée à de la dentine déminéralisée, avec atteinte du tiers médian dentinaire, réaction de sclérose canaliculaire et apposition de dentine réactionnelle péripulpaire (stade 3a : stade 3 + dentine ramollie en cas de contact avec la plaque dentaire) : rupture localisée de l’émail dans une zone opaque ou dyschromique et/ou coloration grise provenant de la dentine sous-jacente ; 4 : cavitation franche avec présence de dentine ramollie, atteinte du tiers profond dentinaire et extension latérale de la carie. Synthèse de dentine réactionnelle sclérotique, dentine réactionnelle péripulpaire et de dentine réparatrice : cavitation au sein d’un émail opaque ou dyschromique exposant la dentine. Figure 4. Cliché rétrocoronaire sur son support de film : détection des lésions proximales (site 2). Face distale de 34 (stade 0), face distale de 36 (stade 1), face distale de 24 (stade 2) et face distale de 26 (stade 3). • Grade 3 : perte minérale amélaire avec lésion du tiers externe de la dentine détectable par la radiographie ; • Grade 4 : perte minérale conséquente avec cavitation étendue de l’émail au tiers médian de la dentine ; • Grade 5 : cavitation avancée impliquant le dernier tiers de la dentine. Dans cette classification, on voit apparaître l’utilisation du cliché rétrocoronaire comme aide au diagnostic ; cependant, les clichés rétrocoronaires (bitewing) ont une moindre validité pour la détection précoce des caries occlusales par rapport aux caries proximales. [23] Cette classification propose également la délimitation de la dentine en tiers pour caractériser le degré de pénétration carieuse en direction pulpaire. Axelsson considère qu’aussi longtemps qu’une cavité demeure confinée dans l’émail, il n’y a pas d’invasion bactérienne de la dentine et que donc la lésion peut être arrêtée. Tant qu’il n’y a pas d’effraction dentinaire, il n’est pas nécessaire de recourir à un traitement invasif. La pénétration bactérienne intervient secondairement à la déminéralisation de la dentine, des réactions adverses de la pulpe n’étant observées que lorsque la déminéralisation atteint le dernier millimètre protégeant la pulpe. Axelsson suggère de n’éliminer alors que la dentine ramollie infectée et d’isoler et sceller les bactéries résiduelles par une restauration étanche. Cette proposition se fonde à juste titre sur les travaux de Mertz-Fairhurst et al. qui ont montré qu’il était possible d’arrêter une lésion carieuse dentinaire et de maintenir l’état de santé pulpaire à long terme en scellant la dentine cariée, à condition de réaliser des préparations ultraconservatrices avec étanchéification du périmètre cavitaire par une obturation adhésive. [29] Classifications spécifiques aux lésions proximales 349 Classification spécifique aux lésions occlusales d’Axelsson (2000) 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 Axelsson, s’appuyant sur plus de vingt années de pratique de la prévention, publie en 2000 une synthèse remarquée sur le diagnostic et le risque carieux. [28] Dans cet ouvrage, il propose une classification des lésions carieuses occlusales avec une échelle gradée en cinq points. • Grade 1 : tache blanche ou lésion colorée atteignant seulement l’émail, sans image radiographique ; • Grade 2 : cavité superficielle dans l’émail à l’entrée des sillons avec perte minérale dans l’émail adjacent détectable par la radiographie ; 348 Odontologie 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 Les caries proximales des dents postérieures correspondent à la classe II de Black. L’identification des lésions proximales est classiquement effectuée à l’aide de clichés rétrocoronaires corrélés à l’examen clinique des embrasures éventuellement après séparation temporaire et empreinte pour détecter la présence ou l’absence de cavité. [30] Les clichés bitewing ont une valeur indiscutable pour détecter et évaluer la profondeur d’une lésion proximale et ses rapports avec la pulpe (Fig. 4). Cependant, ils présentent le désavantage de sous-estimer la profondeur des lésions et nécessitent, pour une bonne interprétation des lésions et de leur progression, d’être renouvelés à différentes dates et dans les mêmes conditions de prise des clichés. Plusieurs systèmes (anglais, suédois ou norvégien) utilisent les 5 392 393 394 395 396 397 398 399 400 401 402 403 404 23-069-A-10 ¶ Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades 407 scores radiographiques (identifiés par un R pour radiographie, un D pour degré, ou un G pour grade) pour évaluer la profondeur des lésions proximales. [23, 31] 408 Système à trois items 409 413 C’est le système le plus simple adopté par le Comité suédois pour la santé : • D1 : lésion de la moitié externe de l’émail ; • D2 : lésion de la moitié interne de l’émail ; • D3 : lésion de la dentine. 414 Système à cinq items 415 C’est le système le plus courant en vigueur chez les AngloSaxons. [23] Il comporte cinq items dont deux pour l’émail et deux pour la dentine : • R0 : absence d’image radioclaire ; • R1 : radioclarté confinée dans la moitié externe de l’émail ; • R2 : radioclarté confinée dans la moitié interne de l’émail (incluant les lésions atteignant la jonction amélodentinaire sans la dépasser) ; • R3 : radioclarté confinée dans la moitié externe de la dentine (< mi-distance pulpaire) ; • R4 : radioclarté confinée dans la moitié interne de la dentine (> mi-distance pulpaire). Dans ce système, Mejare et al. (1999) ont introduit un stade intermédiaire pour évaluer la vitesse de progression de la carie dans la dentine, portant le système à six items : un stade 3 est introduit entre R2 et R3 pour qualifier une altération de la jonction amélodentinaire mais sans pénétration évidente dans l’épaisseur de la dentine. [32] Le système norvégien comporte également cinq items, mais cette fois-ci deux pour l’émail et trois pour la dentine : • G1 : lésion de la moitié externe de l’émail ; • G2 : lésion de la moitié interne de l’émail ; • G3 : lésion du tiers externe de la dentine ; • G4 : lésion du tiers médian de la dentine ; • G5 : lésion du tiers interne de la dentine. Quel que soit le système de classification, la difficulté essentielle est de corréler l’image radiographique à la profondeur et à la taille réelle de la lésion, à l’absence ou la présence d’une cavité ainsi qu’à la vitesse de progression des lésions. Avec le déclin de la carie lié en grande partie à la généralisation de l’usage des fluorures, [33] la vitesse de progression carieuse a globalement diminué par rapport aux époques de forte prévalence carieuse. La progression d’une lésion de la surface amélaire jusqu’à l’implication de la dentine peut prendre 3 à 9 ans en fonction des paramètres propres à chaque patient (hygiène orale, régimes alimentaires, habitudes de vie, facteurs socioculturels, statut salivaire et microbien de la cavité buccale). La progression est plus lente dans l’émail que dans la dentine ; elle diminue lorsque le risque carieux est faible. Il a été observé que les lésions de la moitié externe de l’émail sont quasiment toutes indemnes de cavité, que seulement 10 % des lésions de la moitié interne de l’émail et approximativement 40 % des lésions de la moitié externe de la dentine sont cavitaires. [30] Bien qu’il soit difficile de déterminer précisément à partir de quel stade une lésion proximale détectée par bitewing devient cavitaire, ces données confirment qu’il existe une possibilité d’arrêter et de stabiliser les lésions proximales, sans intervention opératoire ni restauration tant qu’elles n’ont pas atteint et/ou dépassé le tiers dentinaire médian. [34] Ceci suppose toutefois de ne pas considérer le diagnostic des lésions carieuses isolément, mais de l’inclure dans une démarche diagnostique globale en évaluant, lors d’un bilan carieux individuel, tous les facteurs de risque propres au patient et en les corrélant, par un examen clinique approfondi, aux lésions passées, présentes et futures. [35] 405 406 410 411 412 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425 426 427 428 429 430 431 432 433 434 435 436 437 438 439 440 441 442 443 444 445 446 447 448 449 450 451 452 453 454 455 456 457 458 459 460 461 462 463 464 465 466 467 468 469 6 Classifications spécifiques aux caries radiculaires 470 471 Les caries radiculaires correspondent à la classe V de Black. La classification clinique usuelle distingue quatre stades de développement des lésions auxquels ont été attribués des critères visuels de diagnostic basés sur la couleur et la consistance des lésions : [28, 36] • stade 1 - lésion initiale : surface ramollie, colorations modérées ; • stade 2 - lésion superficielle : microcavitations aléatoires, couleur sombre ; • stade 3 - lésion cavitaire : cavitation franche, plancher ramolli, couleur sombre ; • stade 4 - lésion profonde, pénétrante, atteinte pulpaire, couleur sombre. Cette classification est surtout à visée restauratrice : les critères visuels de diagnostic sont subjectifs ; elle ne différencie pas les lésions actives (en phase aiguë et à progression rapide) des lésions inactives (en phase chronique, à progression lente ou arrêtée). Or la particularité des lésions carieuses radiculaires est de pouvoir être arrêtées, quel que soit le stade de destruction, et reminéralisées totalement ou partiellement, la restauration ne devenant nécessaire qu’à partir d’un degré important de perte de substance et en cas de préjudice esthétique. [37-39] Évolutions actuelles vers une classification générale à but thérapeutique Depuis l’apparition des systèmes adhésifs destinés aux composites, deux modèles de restauration des lésions carieuses coexistent de façon paradoxale. Le plus ancien, lié à l’utilisation d’un matériau non adhésif, l’amalgame, régi par les principes de préparation stéréotypés de Black, ne perdure que pour la restauration des dents postérieures. Le second modèle, plus récent, s’est constitué avec l’utilisation des matériaux adhésifs à visée esthétique (ciments-verres ionomères et résines composites associés aux systèmes adhésifs amélodentinaires), donc destinés en première intention à la restauration des lésions des dents antérieures et à celle des lésions vestibulaires cervicales. Il est aujourd’hui étendu de facto aux dents postérieures. Aujourd’hui, ce modèle s’est imposé dans la clinique et a largement fait ses preuves ; il apparaît donc justifié de l’étendre à toute la dentisterie conservatrice, dans la mesure où celle-ci repose désormais essentiellement sur l’adhésion. C’est dans ce contexte et en tenant compte de l’ensemble des réflexions énoncées ci-dessus que certains auteurs ont proposé de remplacer la classification de Black par une classification générale axée sur la pratique d’une dentisterie moins invasive (minimally invasive dentistry) et les procédures de restauration adhésive. Les premiers à s’engager dans cette voie furent Mount et Hume qui ont proposé une classification par site et par taille des cavités. [6, 40, 41] Cette proposition utilise deux types de descripteurs (Tableau 2). Tableau 2. Classification des lésions carieuses de Mount et Hume. [40] Taille Minimale Modérée Large Étendue Site 1 2 3 4 Puit/sillon 1.1 1.2 1.3 1.4 2.1 2.2 2.3 2.4 3.1 3.2 3.3 3.4 1 Zone de contact 2 Cervical 3 Odontologie 472 473 474 475 476 477 478 479 480 481 482 483 484 485 486 487 488 489 490 491 492 493 494 495 496 497 498 499 500 501 502 503 504 505 506 507 508 509 510 511 512 513 514 515 516 517 518 519 520 521 Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades ¶ 23-069-A-10 522 523 524 525 526 527 528 529 530 531 532 533 534 535 536 537 538 539 540 541 542 543 544 545 546 547 548 549 550 551 552 553 554 555 556 557 558 559 560 561 562 563 564 565 566 567 568 569 570 571 572 573 574 575 576 577 578 579 580 581 582 583 584 585 586 587 588 589 590 591 Trois sites de lésion coronaire et/ou radiculaire correspondent aux zones préférentielles d’accumulation de la plaque bactérienne dentaire • Le site 1 concerne les puits et sillons et fossettes des dents postérieures mais aussi antérieures, et remplace la classe 1 de Black. • Le site 2 concerne les zones de contact interproximal de toutes les dents et remplace les classes I, III et IV de Black. • Le site 3 concerne le tiers cervical de la couronne ou la racine en cas de récession parodontale et remplace la classe V de Black. Quatre tailles de lésion sont déterminées par leur extension quel que soit le site d’origine de la lésion • La taille 1 concerne les lésions atteignant la dentine pour lesquelles le traitement par seule reminéralisation est insuffisant. • La taille 2 concerne les lésions modérées de la dentine, la dent demeurant suffisamment résistante pour supporter une restauration environnée d’émail sain, soutenu par la dentine. • La taille 3 concerne les lésions cavitaires franches fragilisant les cuspides et les bords incisifs et nécessitant l’élimination de ces structures fragilisées pour placer une restauration soutenant et renforçant les structures résiduelles. • La taille 4 concerne les lésions cavitaires étendues au point de détruire la majeure partie des structures dentaires. Tout en mettant en avant le caractère novateur de cette classification et son intérêt clinique, nous avions d’emblée souligné plusieurs défauts inhérents à cette proposition. [6] Le principal défaut était d’exclure les lésions pour lesquelles le traitement non invasif pouvait être entrepris, et donc de rester dans la logique de Black selon laquelle toute lésion nécessiterait une restauration : en effet, la taille minimale (size 1) pour chaque site est définie comme « une lésion qui a progressé au point d’être juste au-delà de la possibilité de reminéralisation, si bien que l’intervention chirurgicale est indiquée ». C’est la raison pour laquelle les auteurs ont par la suite fait évoluer leur système [42] en incluant comme nous l’avions proposé [6] un stade initial (stade 0) correspondant à une lésion diagnostiquée nécessitant un traitement par reminéralisation. L’arrêt et la reminéralisation des lésions doivent aujourd’hui être considérés comme le traitement prioritaire de première intention des lésions carieuses quelles qu’elles soient. [43-46] Sur ce point, actuellement, les classifications actuelles de Mount et Hume et la classification SI/STA de Lasfargues et al. se sont donc rejointes. Toutefois, deux autres défauts persistent dans la version actualisée de la classification de Mount et Hume, qui se veut essentiellement [47] une classification des cavités, quelle que soit leur origine. En particulier pour le site 3, les lésions d’origine non carieuse (abrasion et érosion) sont confondues avec les lésions d’origine carieuse, ce qui ne nous semble pas adéquat ; il s’agit en effet de pathologies dont les mécanismes sont sans rapport, et qui nécessitent des approches préventives et curatives différentes. D’autre part le système ne mentionne pas de critères de diagnostic des lésions carieuses, comme par exemple ceux proposés par Ekstrand et al. (cf. supra), et se réfère à une dimension cavitaire plutôt qu’à un stade ou un degré d’évolution. Au-delà d’une querelle sémantique, il convient de relever que la taille ou dimension d’une cavité fait référence à une perte de substance, soit un paramètre statique, appelant une attitude mécaniste, le comblement de cette perte de substance. Au contraire dans les autres exemples de classifications mentionnés ci-dessus, plusieurs auteurs font à juste titre référence à des degrés ou stades de progression carieuse, soit un paramètre dynamique, appelant une attitude plus biologique, l’arrêt du processus de déminéralisation des tissus durs. Alors que dans le premier cas, l’acte restaurateur s’inscrit dans une logique strictement chirurgicale et mécaniste, il réconcilie dans le second cas les exigences médicales, biologiques et fonctionnelles. Odontologie SI/STA J.J.L. 0 1 2 3 4 1 1.0 1.1 1.2 1.3 1.4 2 2.0 2.1 2.2 2.3 2.4 3 3.0 3.1 3.2 3.3 3.4 Figure 5. La numérotation des lésions carieuses dans le concept SI/STA permet l’enregistrement numérique des données. Site 3 Site 1 Site 2 J.J.L. Figure 6. Schématisation des trois sites de cariosusceptibilité au niveau des dents antérieures. C’est la raison pour laquelle il nous est apparu nécessaire d’amender la proposition initiale de Mount et Hume, pour lui donner cette triple dimension préventive, biomédicale et fonctionnelle, plus conforme selon nous aux exigences de la dentisterie moderne, que nous avons appelée le concept SI/STA et qui, dans notre esprit, plus qu’une simple classification, est un guide thérapeutique de dentisterie préventive, adhésive et restauratice pour le traitements des lésions carieuses quels que soient leur site et leur stade d’évolution. [47-49] 592 593 594 595 596 597 598 599 600 ■ Concept SI/STA 601 Classification SI/STA 602 Le concept SI/STA a comme caractéristique principale le diagnostic des lésions carieuses en fonction du site de cariosusceptibilité concerné et du stade évolutif de la lésion. Un tableau simple permet de numéroter chaque lésion à traiter selon son site et son extension, et de communiquer grâce à ce système les caractéristiques cliniques pertinentes de la lésion (Fig. 5). Les trois sites sont communs aux dents antérieures et postérieures (Fig. 6, 7). • Le site 1 ou occlusal : lésions carieuses initiées au niveau des puits et sillons, fosses, cingulum et des autres défauts coronaires des faces occlusales. • Le site 2 ou proximal : lésions carieuses initiées au niveau des aires de contact proximales entre dents adjacentes. • Le site 3 ou cervical : lésions carieuses initiées au niveau des aires cervicales, sur tout le périmètre coronaire et/ou radiculaire. 7 603 604 605 606 607 608 609 610 611 612 613 614 615 616 617 618 23-069-A-10 ¶ Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades Site 1 Site 2 J.J.L. Site 3 Figure 7. Schématisation des trois sites de cariosusceptibilité au niveau des dents postérieures. 619 620 621 622 623 624 625 626 627 628 629 630 631 632 633 634 635 636 637 638 639 640 641 642 643 644 645 646 647 648 649 650 651 652 653 654 655 656 657 658 659 660 661 662 663 664 665 666 Les cinq stades d’évolution des lésions sont les suivants. • Le stade 0 ou stade réversible : lésion active, superficielle, sans cavitation ne nécessitant pas une intervention chirurgicale mais un traitement préventif non invasif. • Le stade 1 : lésion active débutante, avec des altérations de surface, ayant franchi la jonction amélodentinaire mais ne dépassant pas le tiers dentinaire externe, au point d’être juste au-delà d’une possibilité de reminéralisation, et nécessitant une intervention restauratrice a minima en complément du traitement préventif. • Le stade 2 : lésion active d’étendue modérée, cavitaire ayant progressé dans le tiers dentinaire médian sans toutefois fragiliser les structures cuspidiennes, et nécessitant une intervention restauratrice a minima de comblement de la perte de substance. • Le stade 3 : lésion cavitaire étendue ayant progressé dans le tiers dentinaire interne au point de fragiliser les structures cuspidiennes, et nécessitant une intervention restauratrice de comblement et de renforcement des structures résiduelles. • Le stade 4 : lésion cavitaire extensive et parapulpaire ayant progressé au point de détruire une partie des structures cuspidiennes, et nécessitant une intervention restauratrice de recouvrement coronaire partiel ou total. Dans ce système, seules les lésions carieuses sont concernées. Les trois sites, communément nommés occlusal, proximal et cervical, correspondent aux zones d’accumulation préférentielles de la plaque bactérienne, indépendamment du type de dent considéré et de sa situation sur l’arcade (Fig. 8–10). Il ne s’agit donc pas d’une classification des pertes de substance d’origine autre que carieuse telles que celles pouvant être induites par des traumatismes, des phénomènes d’usure (érosion, abrasion ou attrition) ou d’anciens traitements restaurateurs. De plus ces sites ne sont pas définis seulement par leur topographie anatomique mais par leur spécificité environnementale, en adéquation avec nos connaissances concernant les mécanismes physiopathologiques de la maladie carieuse. Concernant les différents stades de progression des lésions, une adéquation est proposée pour chaque stade entre les critères cliniques pour l’essentiel visuels, radiographiques (Fig. 11) et histologiques (Fig. 12) au plus proche des données scientifiques actuellement disponibles, sans qu’il soit pour autant possible, faute d’outils de diagnostic suffisamment précis, sensibles et spécifiques, de superposer de façon stricte les statuts clinique, radiographique et histologique des lésions. Ces stades n’expriment pas un volume de perte tissulaire et ne sont donc pas corrélés à des formes de contours standardisés de préparation et d’obturation. En revanche, ces stades sont représentatifs des principaux degrés de sévérité et d’activité des lésions considérées à un moment 8 Figure 8. Exemple de traitement d’une lésion carieuse de site 1 et stade 3 sur une seconde molaire mandibulaire : situation initiale (A) ; préparation de la cavité (B) ; substitut dentinaire en ciment verres ionomères modifiés par addition de résine (CVIMAR) (C) ; restauration adhésive directe en résine composite (D). donné, et permettent de dégager des options de traitement non opératoire ou opératoire. Les trois grandes options de traitement disponibles actuellement sont les soins préventifs non invasifs, les soins opératoires a minima, et les soins restaurateurs plus conventionnels. Sur le plan pratique, nous avions initialement figuré les implications thérapeutiques des différents stades d’évolution des lésions, en les matérialisant par des pictogrammes (cf. Fig. 5) sous la forme de rectangle, se remplissant Odontologie 667 668 669 670 671 672 673 674 Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades ¶ 23-069-A-10 Figure 9. Exemple de traitement d’une lésion carieuse de site 2 et stade 1 sur une première molaire mandibulaire : situation initiale, cavitation mésiale (A) ; préparation d’une cavité tunnel (B) ; obturation interne par ciments verres ionomères modifiés par addition de résine (CVIMAR) (C) ; sus-jacente en résine composite, vue occlusale (D) ; vue proximale (E). Figure 10. Exemple de lésion carieuse de site 3 et stades 0, 1, et 2, chez une patiente sous médication neuroleptique : situation initiale (A) ; inactivation et reminéralisation des lésions (B) ; restauration par résine composite adhésive, une fois le risque carieux contrôlé (C). 675 676 677 678 679 680 681 682 683 684 685 686 progressivement au fur et à mesure de l’accroissement du volume de la restauration par rapport à la substance dentaire résiduelle, depuis l’absence de restauration (rectangle vide) jusqu’au recouvrement périphérique par une couronne prothétique sur dent pulpée (rectangle plein). [47] En résumé, la classification SI/STA est une classification générale des lésions carieuses fondée sur des critères diagnostiques cliniques et radiographiques en relation avec les stades histologiques de développement des lésions (Tableau 3), et permettant de sélectionner, en fonction du site et du stade, une option thérapeutique de dentisterie conservatrice et restauratrice (Tableau 4). Odontologie Cette classification peut être utilisée par le praticien généraliste pour classer cliniquement les lésions diagnostiquées en les assortissant d’une décision thérapeutique [50] mais aussi également en recherche clinique pour des classements épidémiologiques. [19, 51] 687 688 689 690 691 Trois principes de base du concept Si/Sta 692 Cette nouvelle classification n’a de sens que si elle est utilisée dans le respect des principes modernes de dentisterie restauratrice, désormais en bonne adéquation avec le qualificatif 693 694 695 9 23-069-A-10 ¶ Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades J.J.L. Dent saine J.J.L. Stade 0 J.J.L. Stade 2 J.J.L. Stade 1 J.J.L. Stade 3 J.J.L. Stade 4 Figure 11. Représentation schématique des critères de diagnostic radiographique des lésions carieuses de sites 1 et 2 pour chacun des stades du concept SI/STA. 696 697 698 d’odontologie conservatrice en lieu et place de celui de dentisterie opératoire ; il s’agit des principes d’économie tissulaire, du principe d’adhésion, et du principe de bio-intégration (Fig. 13). 699 Principe d’économie tissulaire 700 701 702 703 704 La notion de dentisterie adhésive et prophylactique suppose la conservation maximale des structures saines, puisque c’est le substrat même des techniques d’adhésion, et la préservation des tissus résiduels qui est la meilleure garantie de longévité de la dent naturelle restaurée. La meilleure façon d’obéir à ce principe passe par des choix d’accès à la lésion qui offrent non seulement une économie tissulaire en quantité, mais aussi en qualité. En effet, toutes les structures conservées contribuent à la solidité résiduelle de la dent, mais certaines sont significativement plus utiles dans cette fonction : c’est en particulier le cas des crêtes marginales des dents antérieures et postérieures par leur structure de poutre et l’emplacement des contacts occlusaux fonctionnels. Privilégier un accès aux lésions carieuses ménageant au maximum ces structures est l’un des concepts essentiels d’une dentisterie non mutilante ; ménager au maximum l’émail périphérique, y compris non soutenu et déminéralisé dans les cas où il n’est pas soumis directement aux forces occlusales, en est un autre ; préserver dans la partie profonde (parapulpaire) d’une cavité de la dentine déminéralisée reminéralisable afin de protéger la pulpe de l’agression opératoire est le troisième. Tous ces choix cliniques ne sont concevables que dans le double cadre d’un modèle adhésif/prophylactique. Le principe d’économie tissulaire atteint cependant des limites, qui sont celles des indications des techniques de restauration directe. Les techniques indirectes imposent par essence des sacrifices tissulaires liés à la préparation de dépouille. Par ailleurs, il est logique de penser que le ratio restauration/substance dentaire résiduelle influe sur la pérennité de l’ensemble restauré, sans toutefois qu’il soit possible de 705 706 707 708 709 710 711 712 713 714 715 716 717 718 719 720 721 722 723 724 725 726 727 728 729 10 déterminer, même empiriquement, un seuil-plancher annonçant l’échec clinique. Les préparations très conservatrices peuvent être mises en œuvre en utilisant l’instrumentation rotative, mais elles nous obligent à un changement d’échelle, qui nécessite des moyens optiques grossissants (loupes et microscopes), ainsi qu’une diminution du diamètre des fraises, en dessous du millimètre. La fraise devient alors moins dangereuse pour la dent traitée comme pour les dents adjacentes. Selon les situations, les systèmes cinétiques et vibratoires (air abrasion, sonoabrasion ou ultrasonoabrasion) pourront remplacer avantageusement l’instrumentation rotative. 730 731 732 733 734 735 736 737 738 739 740 Principe d’adhésion 741 La capacité à réaliser sur l’émail et la dentine une adhésion assez puissante et durable dans le milieu buccal est le fondement de la révolution qui affecte les concepts traditionnels de la dentisterie restauratrice. L’évolution des systèmes adhésifs permet l’obtention de résultats de deux ordres : • mécaniques : le renforcement induit par l’effet de microrétention augmente la résistance du complexe dent/ restauration ; • biologiques : l’étanchéité assure la protection biologique du complexe dentinopulpaire par l’absence de percolation bactérienne à l’interface dent/obturation et l’imperméabilisation de la dentine. Les évolutions récentes en matière d’adhésion mettent l’accent sur la tolérance des différents systèmes de façon à réduire les risques de micro- et nano-infiltrations mis en évidence ces dernières années et de garantir une étanchéité durable. 742 743 744 745 746 747 748 749 750 751 752 753 Principe de bio-intégration 759 La bio-intégration, qui représente l’objectif final du traitement, est basée sur l’association des agents de prévention et des 760 761 Odontologie 754 755 756 757 758 Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades ¶ 23-069-A-10 Stade 0 Stade 1 Stade 2 J.J.L. Stade 3 Stade 4 Plaque dentaire Dentine déminéralisée Émail déminéralisé Dentine infectée Sclérose tubulaire Dentine réactionnelle Figure 12. Représentation schématique des critères histologiques des lésions carieuses pour chacun des stades du concept SI/STA, en prenant le site 1 pour exemple. 762 763 764 matériaux restaurateurs ainsi que sur le recours aux techniques non agressives répondant aux exigences de biocompatibilité, de fonctionnalité, d’esthétique, et prévention des récidives. 765 Applications cliniques du concept SI/STA 767 Options cliniques pour les lésions de site 1 (Fig. 14A à E) 768 769 770 771 772 773 774 775 Le site 1 concerne toutes les lésions carieuses initiales des anfractuosités, des dents antérieures et postérieures. Les faces occlusales des dents postérieures sont les plus concernées : puits, sillons, fosses, fossettes et fissures. On peut cependant rencontrer des lésions site 1 et de stades 0 et 1, au niveau des fossettes vestibulaires et tubercules linguaux des molaires, ou encore au niveau des cingulum des incisives et canines qui relèvent de la même approche thérapeutique. 776 SI/STA 1•0 777 778 779 780 781 782 • Le diagnostic est basé sur la présence de sillons colorés et de légères modifications d’opacité et de translucidité de l’émail sur les berges des sillons. Le signe majeur d’activité à rechercher est la présence de taches blanches opaques de déminéralisation (white spot) au fond et/ou sur les berges des fosses, sillons et fossettes occlusales : l’absence de dentine cariée au 766 Odontologie fond du sillon est indiquée par le fait que ces taches opaques de l’émail ne s’observent qu’à la suite du séchage poussé de l’émail. À un stade plus avancé, ces modifications de couleur deviennent distinctement visibles sans séchage au travers du film salivaire. L’utilisation d’aides optiques (× 3 ou plus) est particulièrement recommandée pour établir le diagnostic. Dans tous les cas, il y a absence de cavité dans l’émail. Le sondage est à éviter pour ne pas provoquer la cavitation. Le radiogramme rétrocoronaire (cliché bitewing) objective une absence de radioclarté dentinaire ou bien une radioclarté superficielle confinée à la jonction amélodentinaire. • Option thérapeutique : on réalisera un traitement non invasif par application de vernis fluoré ou de ciment verres ionomères au stade immédiatement postéruptif et mise en place de sealant dès que les conditions opératoires autorisent un protocole adhésif (siccité du champ opératoire). 783 SI/STA 1•1 799 • Le diagnostic est basé sur l’apparition d’ombres grises et la présence d’opacités, directement visibles sur surface humide (sans séchage de l’émail), associées à des microcavitations localisées cliniquement décelables. L’émail rugueux au sondage est révélateur de ces microcavitations ; une cavité débutante ponctuelle peut être observée après rupture de l’émail, décelable en particulier avec des aides optiques ; le sondage doit rester prudent pour ne pas provoquer la cavitation. Le cliché bitewing objective une radioclarté sous la jonction amélodentinaire, confinée au tiers externe de la dentine. • Option thérapeutique : on privilégiera une préparation a minima (accès ponctuel à la lésion, limité aux seules fosses cariées, sans ouverture du réseau des sillons adjacents à la lésion, avec conservation de l’émail surplombant et à bords nets) suivie d’une obturation adhésive (résine composite) complétée par un scellement des zones anatomiques cariosusceptibles (sealant) au moyen des résines de comblement conventionnelles ou des composites fluides, selon le concept préventif de Simonsen. [36] 800 SI/STA 1•2 819 • Le diagnostic est basé sur la présence d’une rupture localisée de l’émail et/ou d’ombres grises soulignées révélatrices d’une atteinte dentinaire sous-jacente. La perte de l’intégrité de la surface amélaire est décelable sans aides optiques ; la cavité amélaire localisée peut être évaluée par sondage, et révèle une dentine dure en profondeur. Le cliché bitewing objective une radioclarté sous la jonction amélodentinaire, étendue au tiers médian de la dentine. • Option thérapeutique : on privilégiera une préparation a minima avec un accès limité aux sillons atteints, l’émail surplombant étant conservé de façon à ce que la largeur cavitaire en surface demeure inférieure au quart de la distance intercuspidienne vestibulolinguale. Au niveau des molaires, une variante consiste à réaliser des tunnellisations dentinaires pour conserver les poutres d’émail occlusales (ponts d’émail). La restauration adhésive fera appel aux systèmes adhésifs actuels et comblement cavitaire direct par stratification de résines composites microhybrides. 820 SI/STA 1•3 838 • Le diagnostic est basé sur la présence d’une cavité amélodentinaire (remplie de plaques et débris alimentaires) avec un fond dentinaire ramolli au sondage ; les ombres grises étendues aux zones périphériques sont révélatrices d’un émail non soutenu ; dans le cas des caries dites « cachées », ces colorations grisâtres peuvent être étendues à toute la surface occlusale ceci sans perte des structures axiales périphériques (cuspides et crêtes marginales), masquant la présence sousjacente de dentine infectée envahissant toute la surface coronaire de la jonction amélodentinaire, [12] au point de 839 11 784 785 786 787 788 789 790 791 792 793 794 795 796 797 798 801 802 803 804 805 806 807 808 809 810 811 812 813 814 815 816 817 818 821 822 823 824 825 826 827 828 829 830 831 832 833 834 835 836 837 840 841 842 843 844 845 846 847 848 23-069-A-10 ¶ Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades Tableau 3. Correspondances entre les critères cliniques, radiographiques, et histologiques des différents stades d’atteinte carieuse dans la classification SI/STA. 849 850 851 852 853 854 855 856 857 858 859 860 861 862 Stades Critères cliniques Critères radiographiques Critères histologiques Stade 0 Modifications localisées de la couleur (opacités blanches ou colorations brunes) et de la translucidité de l’émail. Ces modifications limitées à l’émail peuvent être légères et uniquement visibles après séchage à l’air (atteinte superficielle) ou distinctement visibles sans séchage au travers du film salivaire (atteinte profonde). Dans tous les cas, absence de cavité dans l’émail. Le sondage est à éviter pour ne pas provoquer la cavitation Zone radioclaire ponctuelle, localisée et limitée dans l’émail ; absence d’implication dentinaire ou implication strictement limitée à la jonction amélodentinaire Émail déminéralisé jusqu’à mi-hauteur, ou dans toute son épaisseur jusqu’à la jonction amélodentinaire ; début de déminéralisation dentinaire sous-jacente et apparition de sclérose dentinaire. Absence de dentine nécrotique infectée Stade 1 Modification de la couleur de l’émail (opacités blanches ou colorations brunes), avec apparition d’ombres grises. Émail rugueux au sondage (révélateur de microcavitations) ; ou cavité débutante ponctuelle après rupture de l’émail, décelable en particulier avec des aides optiques. Le sondage doit rester prudent pour ne pas provoquer la cavitation Zone radioclaire ponctuelle dans toute l’épaisseur de l’émail, plus ou moins étendue dans le tiers dentinaire externe; l’image est difficilement interprétable en termes d’absence ou présence d’une cavité Cavitation débutante dans une zone d’émail déminéralisée ; déminéralisation sous-jacente de la dentine strictement localisée à la zone d’émail concernée ; début de pénétration bactérienne dans la dentine ; formation de dentine sclérotique. Stade 2 Altérations de teinte de l’émail et ombres grises soulignées révélatrices d’une atteinte dentinaire sous-jacente ; perte de l’intégrité de la surface amélaire décelable sans aides optiques ; cavité amélaire localisée évaluable au sondage (dentine dure en profondeur). La lésion est de taille modérée et ne fragilise pas les structures périphériques de la couronne dentaire (crêtes marginales, cuspides, angle incisif) Zone de radioclarté nettement visible (évocatrice d’une cavité de l’émail) et plus ou moins étendue jusque dans le tiers médian de la dentine ; image possible de rétraction pulpaire Apparition d’une couche de dentine nécrotique localisée à la jonction amélodentinaire liée à l’exposition de la dentine ; déminéralisation dentinaire circonscrite en surface à la zone d’émail déminéralisée et atteignant la moitié de l’épaisseur dentinaire ; phénomènes de sclérose canaliculaire et synthèse de dentine réactionnelle et réparatrice en périphérie de la pulpe Stade 3 Cavité amélodentinaire (remplie de plaque et débris alimentaires) ; fond dentinaire ramolli au sondage ; ombres grises étendues aux zones périphériques révélatrices d’un émail non soutenu ; perte partielle de l’occlusion dans la zone cariée. La lésion est étendue au point de fragiliser les structures périphériques de la couronne dentaire ; présence associée possible de sensibilités dentinopulpaires Zone de radioclarté très nette dans l’émail évocatrice d’une perte de substance ; étendue en surface sous la jonction amélodentinaire et jusque dans le tiers interne de la dentine ; image associée de rétraction pulpaire Cavitation amélodentinaire avec extension de la couche de dentine nécrotique latéralement et en profondeur ; déminéralisation dentinaire étendue en surface sous la jonction amélodentinaire au-delà de la zone d’émail déminéralisé, et en profondeur mais avec maintien d’une zone de dentine saine protégeant la pulpe ; dentine réactionnelle avec diminution du volume pulpaire Stade 4 Cavité amélodentinaire étendue au point de détruire une partie des structures dentaires périphériques et induisant une perte de résistance coronaire ; possibilité de symptomatologie pulpaire ; inflammation gingivale localisée associée à la lésion Image radioclaire étendue révélatrice d’une destruction coronaire associée à une image nette de rétraction et/ou minéralisation pulpaire Cavitation avancée impliquant le dernier tiers de la dentine avec présence de dentine déminéralisée au contact de la pulpe ; dentine réactionnelle inconstante ; inflammation pulpaire fragiliser les structures périphériques de la couronne dentaire. Généralement, il y a présence associée de sensibilités dentinopulpaires. Le cliché bitewing objective une radioclarté, étendue latéralement sous la jonction amélodentinaire et en profondeur dans le tiers interne de la dentine. • Option thérapeutique : malgré un accès occlusal plus large impliquant l’élimination sélective de l’émail surplombant périphérique au niveau des versants cuspidiens minés par la carie, la préparation s’appuiera toujours sur les principes d’économie tissulaire en conservant la dentine déminéralisée profonde et dans la mesure du possible l’enveloppe amélaire de façon à réaliser une restauration directe par technique sandwich ciments verres ionomères modifiés par addition de résine (CVIMAR)-composite. 863 SI/STA 1•4 864 • Le diagnostic est basé sur la présence d’une cavité amélodentinaire étendue au point de détruire une partie des structures dentaires périphériques et induisant une perte de résistance 865 866 12 coronaire ; la lésion dentinaire étant parapulpaire, il y a possibilité de symptomatologie pulpaire. • Option thérapeutique : en l’absence de symptômes de pulpite irréversible, la vitalité pulpaire doit être conservée, surtout chez le jeune, en vue de la réalisation d’une restauration à recouvrement (onlay), éventuellement après une phase de temporisation au moyen d’une restauration transitoire en amalgame, ciments verres ionomères ou composite. 867 Options cliniques pour les lésions de site 2 876 La situation clinique concerne toutes les lésions carieuses des aires de contact de toutes les dents. Pour ce site également, la démarche thérapeutique est identique, qu’il s’agisse de dents antérieures ou postérieures, bien que les différences de type anatomique conduisent à des formes de contour spécifiques à chacun des deux types morphologiques (Fig. 15A à E, Fig. 16A à G). 877 Odontologie 868 869 870 871 872 873 874 875 878 879 880 881 882 883 Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades ¶ 23-069-A-10 Tableau 4. Recommandations thérapeutiques proposées à titre indicatif chez un patient dont le risque carieux est contrôlé, en rapport avec les différents sites et stades de lésions carieuses de la classification SI/STA. Stade 0 Site 1 Site 2 Site 3 Applications fluorées immédiatement postéruptives Applications topiques de fluorures 4 fois par an, jusqu’à stabilisation des lésions et reminéralisation (vernis et gel, en complément des dentifrices et bains de bouche) Applications topiques d’agents antibactériens (chlorhexidine) et reminéralisants fluorures, 4 fois par an, jusqu’à reminéralisation des lésions Minicavités strictement proximales ou occlusoproximales (minibox ou tunnel) par microinstrumentation rotative et sonoabrasion Reminéralisation des lésions en première intention, élimination sélective des tissus altérés en surface suivies si nécessaire d’obturations par ciments verres ionomères modifiés par adjonction de résine (CVIMAR) Scellement des puits et sillons par ciments verres ionomères (sealant CVI) Scellement des puits et sillons par les résines composites adhésives si la digue peut être installée (sealant composite) Stades 1 et 2 Réalisation de minicavités occlusales par préparation rotative (microfraises), cinétique (air abrasion), vibratoire (sonoabrasion et ultrasonoabrasion) ou photoablation (lasers) Obturations préventives a minima de Simonsen (miniobturation adhésive par résine composite et sealant) Oburations a minima par CVIMAR en l’absence de contacts occlusaux sur la restauration ou par composites directs antérieurs et postérieurs Restaurations esthétiques directes en composites si incidence esthétique Stade 3 Élimination chirurgicale sélective de la dentine infectée préservant le complexe dentinopulpaire Élimination chirurgicale sélective de la dentine infectée préservant le complexe dentinopulpaire Restauration adhésive visant au renforcement des structures dentaires résiduelles par collage ou recouvrement Restaurations adhésives visant à renforcer des structures dentaires résiduelles par collage et/ou recouvrement Chez le jeune, préférer les techniques directes (sandwich fermé CVI/composite) Dents antérieures : privilégier les composites directs stratifiés, tant que les exigences esthétiques l’autorisent Restaurations de temporisation par ciments verres ionomères Restaurations prothétiques après dépulpation Dents postérieures : privilégier les restaurations indirectes plus esthétiques et/ou durables (onlays en composite, céramique, ou métallique) ; temporiser en recourant aux techniques sandwich ouvertes dans les situations intermédiaires ou à risque Stade 4 Élimination des tissus cariés et altérés et traitements bioconservateurs de la vitalité pulpaire Élimination des tissus cariés et altérés et conservation Restaurations de de la vitalité pulpaire si possible, la dépulpation étant temporisation par ciments verres ionomères Restauration préservant le complexe dentinopulpaire souvent inévitable et rétablissant la fonction occlusale (onlays-overlays Dents postérieures : restaurations rétablissant la Restaurations prothétiques et couronnes à recouvrement) fonction occlusale (onlays-overlays et couronnes à après dépulpation recouvrement) et asurant la protection du parodonte marginal Dents antérieures : restaurations directes par collage et stratification de résine composite esthétique, comprenant la restauration des angles et bords incisifs atteints Facettes et couronnes en céramique en fonction des impératifs esthétiques et mécaniques Stade 0 : traitement interceptif , non invasif basé sur la reminéralisation des lésions. Stades 1 et 2 : traitements opératoires a minima (minicavités) suivis d’obturation adhésives directes de petit volume. Les restaurations indirectes de type inlays plus mutilantes sont à éviter. Stade 3 : traitements restaurateurs devant assurer la résistance mécanique de la dent en exploitant les techniques adhésives (renforcement par collage) et les techniques plus conventionnelles (renforcement par recouvrement). Stade 4 : traitements restaurateurs prothétiques de la dent pulpée. 884 SI/STA 2•0 885 886 887 888 889 890 891 892 893 • Le diagnostic est basé sur l’objectivation, sur le cliché rétrocoronaire, d’une radioclarté localisée à l’émail avec, à la rigueur, une implication de la jonction amélodentinaire. En cas de doute sur l’absence de cavité, une séparation interproximale est recommandée pour confirmer le diagnostic. • Option thérapeutique : il s’agira d’un traitement non invasif de reminéralisation associé à une surveillance (monitoring) des lésions permettant de suivre leur évolution. En cas d’échec de la thérapie préventive, on passera au traitement restaurateur. 894 SI/STA 2•1 895 896 897 898 • Le diagnostic est basé sur l’objectivation, sur le cliché bitewing, d’une radioclarté amélaire étendue sous la jonction amélodentinaire, dans le tiers externe de la dentine. L’image reste difficilement interprétable en termes d’absence ou Odontologie présence d’une cavité. À l’examen clinique, la translucidité de la crête marginale peut être modifiée et les microcavitations de la surface proximale peuvent être révélées par la dilacération du fil dentaire. • Option thérapeutique : il s’agira en toute circonstance de réaliser de petites obturations par injection d’un matériau adhésif (CVIMAR et composites) après des préparations ultraconservatrices avec conservation des crêtes marginales surplombantes et préservation du contact amélaire interproximal. Ces microcavités gagnent à être réalisées avec l’apport d’aides visuelles (loupes et microscopes) et bénéficient du développement de nouveaux instruments de préparation sonoabrasive. [17, 18, 24] Plusieurs formes peuvent être distinguées en fonction de l’accessibilité à la lésion, notre préférence allant au cavité tunnellisées occlusoproximales fermées obturées en technique mixte par CVIMAR interne et résine composite en surface. 13 899 900 901 902 903 904 905 906 907 908 909 910 911 912 913 914 915 23-069-A-10 ¶ Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades Conservation Préservation ÉCONOMIE TISSULAIRE ADHÉSION BIOINTÉGRATION J.J.L. Protection Étanchéité Renforcement Figure 13. Pérennité Fonctionnalité Esthétique Principes thérapeutiques de base dans le concept SI/STA. 916 SI/STA 2•2 917 918 919 920 921 922 923 924 925 926 927 928 • Le diagnostic est basé sur l’observation de la crête marginale soulignée d’ombres grises accompagnées ou non de fissures. La cavité de l’émail proximal sous l’aire de contact proximal n’est pas toujours décelable cliniquement, et là encore les aides optiques sont utiles. Le cliché bitewing indique une radioclarté dentinaire étendue au tiers médian avec une image possible de rétraction pulpaire. • Option thérapeutique : on privilégiera une restauration par stratification de résine composites microhybrides après réalisation d’une préparation occlusoproximale adhésive en forme de goutte, avec conservation si possible d’une partie de la crête marginale et d’un contact interproximal. 929 SI/STA 2•3 930 931 932 933 934 935 936 937 938 939 940 941 942 943 944 945 946 947 948 949 950 951 952 953 • Le diagnostic est aisé, du fait de la cavitation franche de l’émail proximal si la crête est effondrée, ou du fait de la présence d’un cerne grisâtre due à l’extension de la dentine ramollie sous la crête marginale. L’image radioclaire très nette est évocatrice d’une perte de substance avant même l’effondrement de la crête marginale. La zone radioclaire est latéralisée sur toute la hauteur proximale, étendue au tiers interne de la dentine, et présente une proximité pulpoaxiale. On observe toujours une image associée de rétraction pulpaire. • Option thérapeutique : la perte de la face proximale se traduit par une cavité plus vaste, les limites vestibulaire et linguale se retrouvent situées au-delà de l’embrasure, l’émail cervical résiduel étant très fin, voire absent. Cette situation est techniquement difficile à gérer et toutes les solutions restauratrices sont envisageables en fonction du contexte général du patient : amalgame, composites directs, inlaysonlays. Si la restauration adhésive directe est préconisée, on pourra privilégier une technique sandwich ouverte verres ionomères/composites, cependant les techniques de restauration indirecte, plus aptes à reproduire une bonne anatomie proximale et une bonne étanchéité, pourront être préférées. Au niveau des dents antérieures, on conservera si possible l’angle incisif. 954 SI/STA 2•4 955 956 957 958 • Le diagnostic est évident du fait de l’effondrement de la crête marginale et de la destruction partielle des cuspides correspondantes, la radiographie précisant la proximité juxtapulpaire. 14 • Option thérapeutique : en l’absence de symptômes de pulpite irréversible, la vitalité pulpaire doit être conservée, surtout chez le jeune, en vue de la réalisation d’une restauration à recouvrement (onlay), éventuellement après une phase de temporisation au moyen d’une restauration transitoire en amalgame, CVI ou composite. Au niveau des dents antérieures, les restaurations incluent les angles incisifs et tout ou partie du bord incisal. 959 Options cliniques pour les lésions de site 3 967 (Fig. 17A à E) 968 Le site 3 concerne toutes les lésions carieuses à point de départ cervical, amélaire ou dentinaire, sur toutes les faces de toutes les dents. Le site 3 présente deux spécificités : • la première est que la lésion peut indifféremment être initiée au niveau de l’émail, chez le jeune, ou au niveau de la dentine chez les patients âgés ou en cas de récession parodontale ; • la seconde spécificité est que le traitement non invasif d’inactivation de ces lésions peut être entrepris y compris en présence d’une cavitation superficielle, en laissant donc une cicatrice cavitaire, sous réserve d’une élimination efficace de la plaque. 969 SI/STA 3•0 981 • Le diagnostic clinique est basé sur la présence d’une tache banche sans cavitation, si la lésion est initiée au niveau de l’émail (carie coronaire) ou sur l’observation d’une zone cémentodentinaire exposée, colorée plus ou moins érodée si la carie est radiculaire. • Le traitement non invasif consiste dans la reminéralisation de la lésion qui peut être obtenue par application de vernis fluoré après élimination de la plaque et contrôle du risque carieux. 982 983 984 985 986 SI/STA 3•1 991 • Le diagnostic clinique est basé sur la présence d’une cavité superficielle épargnant la jonction amélodentinaire, soit dans l’émail, soit dans la dentine selon qu’il s’agit d’une lésion coronaire ou radiculaire. • Après reminéralisation de la lésion, une restauration adhésive peut être réalisée pour restituer l’anatomie cervicale, favoriser le contrôle de plaque et éventuellement pour masquer l’aspect inesthétique de la cicatrice. Les matériaux bioactifs tels que les verres ionomères seront préférables chez les patients à risque carieux élevé, sinon les systèmes adhésifs automordançants associés aux résines composites peuvent convenir. 992 993 994 995 SI/STA 3•2 1004 • Les lésions sont coronoradiculaires et s’étendent en direction apicale et proximale ; la cavitation est plus étendue en surface qu’en profondeur. • Les options thérapeutiques sont la réalisation de préparation a minima sans forme particulière suivie d’une obturation adhésive comme au stade précédent. 1005 1006 1007 SI/STA 3•3 1011 • Le diagnostic clinique est basé sur la présence d’une cavitation franche, exposant la dentine cariée. La lésion est à cheval sur la jonction amélocémentaire, et concerne également les faces proximales. • Options thérapeutiques : ces situations correspondent la plupart du temps à des patients polycarieux, chez lesquels le traitement étiopathogénique de contrôle des facteurs de risque bactérien, salivaire, ou nutritionnel, est bien sûr primordial. Les préparations sont réduites à l’élimination des seuls tissus cariés. L’objectif des restaurations est avant tout 1012 1013 Odontologie 960 961 962 963 964 965 966 970 971 972 973 974 975 976 977 978 979 980 987 988 989 990 996 997 998 999 1000 1001 1002 1003 1008 1009 1010 1014 1015 1016 1017 1018 1019 1020 1021 Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades ¶ 23-069-A-10 SI/STA 1.0 SI/STA 1.1 SI/STA 1.2 sealant minicavité minicavité minirestauration minirestauration J.J.L. A J.J.L. B SI/STA 1.3 SI/STA 1.4 cavité cavité restauration restauration J.J.L. D 1022 1023 1024 1025 1026 de restituer des profils d’émergence cervicaux plus favorables au contrôle de plaque. Les restaurations seront considérées comme des restaurations de temporisation. Les matériaux bioactifs seront privilégiés. Les verres ionomères sont recommandés en première intention. 1027 SI/STA 3•4 1028 1029 1030 1031 1032 • Il s’agit d’une carie rampante dite aussi en « nappe » avec cavitation étendue à tout le pourtour radiculaire et risque de fracture radiculaire. • Les options thérapeutiques sont les mêmes qu’au stade précédent. 1033 ■ Conclusion 1034 1035 1036 1037 1038 1039 1040 1041 1042 1043 1044 Grâce aux progrès continus de l’adhésion, la préservation et la restauration des tissus dentaires, objectifs longtemps antagonistes, sont désormais conciliables. Dans le cadre de cette dentisterie, l’économie tissulaire est à la fois une nécessité fondamentale et une conséquence bénéfique : c’est le principe majeur, auquel tous les autres doivent être subordonnés et qui doit guider nos stratégies thérapeutiques. Jadis, Black avait énoncé une classification et des principes rigoureux de dentisterie opératoire, qui ont rendu cette discipline majeure. Aujourd’hui, les principes de préparation des cavités de Black sont devenus obsolètes, mais sa classification Odontologie J.J.L. C Figure 14. Schématisation clinique des lésions de site 1 et options de traitement proposées selon les différents stades d’évolution des lésions carieuses à point de départ occlusal : stade 0, traitement non invasif par sealant (A) ; stade 1, obturation préventive du type Simonsen (B) ; stade 2, miniobturations ponctuelles non reliées entre elles (C) ; stade 3, restauration adhésive directe visant au renforcement des structures (D) ; stade 4, restauration adhésive étendue avec recouvrement occlusal partiel (E). J.J.L. E continue d’être utilisée pour sa simplicité et certainement par habitude faute de mieux. Il est temps, un siècle plus tard, d’adapter cette classification aux données actuelles de la cariologie et à la pratique de la dentisterie moins invasive. 1045 Il est difficile d’établir une nouvelle classification universelle, logique, simple à utiliser par le praticien comme l’épidémiologiste. Une classification idéale doit partir des lésions carieuses caractérisées par leur topographie sur la couronne dentaire et leur stade de progression, et non des préparations cavitaires qui découlent de la perte de substance. Cette classification doit être indépendante des formes de préparation et des matériaux utilisés, et compatible avec tous les traitements possibles, procédures de reminéralisation, préparations et obturations conservatrices a minima, restaurations plus conventionnelles. 1049 Parmi les différentes propositions rapportées dans cet article, chacune apporte des éléments justes et intéressants, mais toutes échouent à former une réelle alternative à la classification de Black. Nous avons mis l’emphase sur deux propositions, le système de Mount et Hume et le concept SI/STA qui ont évolué dans la même direction et constituent aujourd’hui deux propositions voisines. Ces deux classifications ont en commun l’objectif d’englober en une même entité les procédures médicopréventive et chirurgicorestauratrice. Leur vocation est d’aider le praticien à opérer le meilleur choix thérapeutique pour la situation clinique considérée, pour chaque site de 1059 15 1046 1047 1048 1050 1051 1052 1053 1054 1055 1056 1057 1058 1060 1061 1062 1063 1064 1065 1066 1067 1068 1069 23-069-A-10 ¶ Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades SI/STA 2.1 SI/STA 2.2 minicavité minicavité SI/STA 2.0 minirestauration minirestauration J.J.L. J.J.L. A B J.J.L. C 1070 1071 1072 1073 1074 1075 1076 1077 1078 SI/STA 2.3 SI/STA 2.4 cavité cavité restauration restauration J.J.L. J.J.L. D E cariosusceptibilité et quel que soit le stade évolutif de la lésion carieuse. Ces choix thérapeutiques sont ici considérés en fonction des caractéristiques des lésions diagnostiquées, mais sont in fine dépendants des facteurs généraux et propres à chaque patient considéré individuellement. L’approche conservatrice, non ou peu invasive, est un impératif pour traiter les lésions initiales des premiers stades. Associée au modèle préventif, elle contribue à retarder la dégradation des dents, conséquence des traitements traditionnels plus invasifs. 16 Figure 15. Schématisation clinique des lésions de site 2, dents antérieures et options de traitement proposées selon les différents stades d’évolution des lésions carieuses à point de départ proximal : stade 0, traitement non invasif par reminéralisation (A) ; stade 1, miniobturation tunnellisée (B) ; stade 2, miniobturations linguoproximale ou vestibuloproximale (C) ; stade 3, restauration adhésive trois faces avec conservation de l’angle incisif (D) ; stade 4, restauration adhésive étendue avec reconstruction du bord libre et de l’angle incisif (E). Actuellement, une réflexion est conduite dans le cadre de la Fédération dentaire internationale pour fondre ces deux propositions dans une classification cohérente des lésions carieuses des couronnes cliniques dentaires. [52] Dans l’intervalle, de nouvelles propositions sont susceptibles de voir le jour. En dernier lieu, il appartiendra à la communauté odontologique internationale de décider ou non de l’adoption d’une classification consensuelle qui soit une alternative de progrès à la classification de Black. Odontologie 1079 1080 1081 1082 1083 1084 1085 1086 1087 Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades ¶ 23-069-A-10 SI/STA 2.0 J.J.L. A SI/STA 2.1 J.J.L. B SI/STA 2.1 J.J.L. C SI/STA 2.1 J.J.L. D SI/STA 2.2 J.J.L. E Figure 16. Schématisation clinique des lésions de site 2, dents postérieures et options de traitement proposées selon les différents stades d’évolution des lésions carieuses à point de départ proximal : stade 0, traitement non invasif par reminéralisation (A) ; stade 1, miniobturations de type tunnellisé (B), de type vertical (C) ou de type horizontal (D) ; stade 2, miniobturation adhésive occlusoproximale en forme de goutte (E) ; stade 3, restauration adhésive proximale avec reconstruction complète de la crête marginale (F) ; stade 4, restauration adhésive étendue avec reconstruction cuspidienne (G). SI/STA 2.3 J.J.L. F SI/STA 2.4 SI/STA 3.0 SI/STA 3.1 SI/STA 3.3 J.J.L. G J.J.L. A J.J.L. B SI/STA 3.2 J.J.L. SI/STA 3.4 D J.J.L. C J.J.L. E Figure 17. Schématisation clinique des lésions de site 3 et options de traitement proposées selon les différents stades d’évolution des lésions carieuses à point de départ cervical, coronaire ou radiculaire : stade 0, traitement non invasif par reminéralisation (A) ; stade 1, miniobturation en ciments verres ionomères modifiés par addition de résine (CVIMAR) ou en résine composite (B) ; stade 2, obturation cervicale vestibulaire en CVIMAR ou en résine composite (C) ; stade 3, restauration adhésive en CVI ou CVIMAR étendue aux faces proximales (D) ; stade 4, restauration de temporisation en CVI faisant le tour de la racine (E). Odontologie 17 23-069-A-10 ¶ Classifications des lésions carieuses. De Black au concept actuel par sites et stades . 1088 ■ Références 1089 1090 [1] Fejerskov O, Kidd E. Dental caries; the disease and its clinical management. London: Blackwell Munksgaard; 2003. 1091 1092 1093 [2] Haikel Y. La carie dentaire. In: Piette E, Goldberg M, editors. 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EMC (Elsevier SAS, Paris), Odontologie, 23-069-A-10, 2006. Disponibles sur www.emc-consulte.com Arbres décisionnels Odontologie Iconographies supplémentaires Vidéos / Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations 19 1226 1227 1228 1229 1230 1231 1232 1233