62 RABELAIS
vant MM. Lenormant et Ganneau, et c'est moi qui précède
M. Helbig.
C'est, je crois, le moment de remercier ceux qui m'ont bien
voulu suivre dans ces explorations aventureuses, alors que je
n'avais d'autre autorité à invoquer que la mienne, et particu-
lièrement tous ceux qui m'ont envoyé des lettres d'encoura-
gement auxquelles je n'ai pas eu le loisir de répondre. Je
n'oublierai pas non plus dans mes remerciements ceux qui
m'ont critiqué à la légère, car d'abord, la seule chose qu'un
auteur ne pardonne point, c'est de ne pas être lu, et, en se-
cond lieu, une critique qui ne porte pas mérite un double
remerciement, car elle fournit l'occasion d'un triomphe aussi
éclatant que facile.
Je remercie donc particulièrement M. Vitu d'avoir traité de
« folies solennelles » les explications que j'avais données jadis
sur l'antiquité du personnage de Carabas, « non que je me
« veuille impudentement exempter du territoire de folie,
« comme disait Panurge; j'en tiens et en suis, je le confesse.
« Tout le monde est fol. En Lorraine, « fou » est près « tou »
« par bonne discrétion »; mais la qualification de « folie so-
lennelle » ne peut pas entrer dans mon blason, aussi ne réfu-
terai-je M. Vitu qu'en l'obligeant à avaler la fin de l'histoire
de Carabas, car, si j'ai bonne mémoire, nous n'en étions en-
core qu'au déluge, et ce personnage s'enfonce bien plus avant
dans la nuit des temps.
Au vingt-cinquième siècle avant notre ère, on le voit arriver
en Egypte avec les conquérants connus sous le nom de « ché-
tas » ou « pasteurs », dont il est le dieu principal. Il se pré-
sente alors sous la forme d'un singe ou d'un nain difforme à
masque rabelaisien et riant à gorge déployée. On a prétendu
que ce poussah était le fétiche de certaines tribus africaines,
mais son nom nous est parvenu : il s'est constamment ap-
pelé « Bais », ce qui s'écrit hiéroglyphiquement par les trois
palmes qu'il porte sur la tête ; or, en grec, la palme se dit
« bais »; et, d'ailleurs, on le retrouve chez tous les Grecs asia-
tiques ou européens, sans en excepter ceux de l'Italie. J'ajou-
terai même que c'est la seule divinité que les Grecs aient ja-