L’ILLUSION DU TEMPS DAVID CARSE ‘’Un instant est l’éternité ; L’éternité, c’est maintenant. Voir à travers cet instant unique, C’est voir à travers celui qui voit.’’ - Wu Men La méprise de base, l’obscurantisme fondamental, c’est de croire en des individus distinct(if)s qui existent comme des entités séparées et comme les initiateurs, les penseurs ou les auteurs de pensées, d’actions ou d’expériences, ce qui inclut bien entendu l’individu présumé qui pense ceci. ‘’Il n’est pas si difficile de comprendre, au moins intellectuellement, que cet univers est un Rêve, mais il est presque impossible d’accepter que celui qui est supposé comprendre ceci fait lui-même partie du Rêve. Cette croyance en moi-même est le seul obstacle réel à l’occurrence de l’aperception.’’ (Ramesh S. Balsekar) Cette croyance en des individus séparés, y compris l’individu que l’on appelle soi-même, fait partie de la plus vaste illusion de l’espacetemps. Tout ce qu’il y a, c’est la Conscience, la Présence, le Noumène. Ce qui est perçu comme étant la manifestation, le phénomène, la totalité de l’espacetemps, n’est qu’une apparence/apparition dans la Conscience et rien d’autre que cela. Il n’est pas terriblement compliqué, ni inhabituel pour des chercheurs ― après une certaine investigation ― d’être en mesure de comprendre intellectuellement la nature illusoire de l’individu et de la séparation qui tous deux dépendent de l’idée d’espace : c’est dans l’espace que les choses, y compris les individus, semblent être distincts et séparés les uns des autres. Même si c’est certainement toute autre chose de s’inclure soimême là-dedans, l’idée fondamentale peut cependant être saisie. Après tout, l’idée centrale d’après laquelle ‘’tout est un’’ est présente dans presque toutes les religions et toutes les traditions spirituelles du monde et c’est une idée à laquelle tout chercheur spirituel aura été exposé depuis un certain temps. Comme je l’ai dit, l’idée que ‘’nous sommes un’’ est en soi contradictoire et brouillée par une pensée floue, mais néanmoins, le principe de base peut être compris : la perception de limites qui crée la séparation dans l’espace en des entités individuelles distinctives est une illusion. En vérité, seule l’Unité est. Si on parle de ceci à un groupe de chercheurs, on peut constater un acquiescement général. Bien entendu, ceci pose son propre dilemme. Alors que ce principe d’unité spatiale, la nature illusoire de la séparation de toutes les choses dans l’espace, est dans certains cercles tellement familière que pour être un cliché, il n’est clairement pas véritablement, ni totalement compris. Réellement comprendre ceci entraînerait la fin de toutes les questions, de la souffrance et de la recherche. Si on passe au concept de la nature illusoire du temps et si on commence à parler de l’unité temporelle, il n’y a pas cette familiarité, et même la compréhension intellectuelle est nettement plus difficile à trouver. On peut se gargariser d’expressions telles que ‘’le temps n’existe pas’’ ou ‘’il n’y a pas de passé ou de futur, seulement maintenant’’, mais la compréhension de ce que cela signifie est moins courante. Les librairies sont remplies de livres qui mettent en avant la valeur de ‘’vivre dans l’instant présent’’. Un auteur populaire insiste sur le fait qu’il n’y a ni passé, ni futur, mais seulement maintenant, l’instant présent. A tout moment, il n’y a que l’instant présent. Il y a toujours et seulement ‘’maintenant et maintenant et maintenant’’. Chaque instant présent est suivi par l’instant présent suivant. C’est simplement renommer le passé, le présent et le futur quelque peu confusément en ‘’maintenant, maintenant et maintenant’’. Il y a toujours le concept du temps séquentiel, un instant présent en suivant un autre. Il pourrait s’avérer utile d’employer le modèle de l’unité spatiale (qui, une fois qu’il est au moins compris intellectuellement, révèle l’illusion de l’espace) pour parvenir à la compréhension de l’unité temporelle qui révélera pareillement la nature illusoire du temps. Les concepts sont parallèles : L’idée de moments séparés dans le temps est similaire à la croyance en des individus séparés dans l’espace. Tout comme les entités séparées dans l’espace sont vues comme n’existant pas en tant que telles, en tant qu’entités séparées, mais plutôt simplement comme des apparitions/apparences dans la Conscience, ou comme la manière dont la Présence se manifeste, similairement, les instants séparés dans le temps peuvent être vus comme n’existant pas en tant que tels, en tant qu’instants séquentiels, mais plutôt simplement comme des apparences dans la Conscience, ou comme la façon dont le Présent se manifeste. Il n’y a pas d’entités séparées : seulement ce qui peut être appelé Ceci. Il n’y a pas d’instants séparés : seulement ce qui peut être appelé maintenant. Il n’y a pas d’entités individuelles qui ont des rapports entre elles : il n’y a qu’une seule Présence, et c’est tout. Il n’y a pas d’instants individuels qui se suivent : il n’y a qu’un seul Présent et il est éternel. Je ne suis pas sûr que l’on puisse parvenir à ceci intellectuellement. Avec la Compréhension, le mystère du temps se replie finalement simplement sur lui-même. La compréhension claire que le temps n’existe pas et comment le temps n’existe pas, est parfaitement simple et évidente, tout comme l’autre. De même qu’il n’y a qu’une seule Présence, il n’y a qu’un seul Présent. Et cependant, même cette méthode d’explication de l’unité temporelle par comparaison avec l’unité spatiale est fausse. Elle n’est pas double, bien entendu. Il n’y a qu’une seule unité, infinie et éternelle, à la fois Présence infinie et éternel Présent. Fondamentalement, l’illusion du temps est exactement la même que l’illusion de l’espace, qui est exactement la même que l’illusion de l’individu. Elles font partie l’une de l’autre, elles dépendent l’une de l’autre et elles se renforcent mutuellement pour constituer le samsara, la manifestation objective instaurée par l’agence de la perception. C’est pourquoi l’illusion de l’individu ou même simplement l’illusion du moi en tant qu’auteur individuel de quoi que ce soit peut être utilisée comme un point focal de la compréhension. Quand cette illusion se dissout, les illusions de l’espace et du temps s’en vont avec. Ramana Maharshi parlait de cette connexion : ‘’Ce qui est éternel n’est pas reconnu comme tel, en raison de l’ignorance. L’ignorance est l’obstacle. Débarrassezvous d’elle et tout ira bien. Cette ignorance est identique à la pensée ‘’je’’. Recherchez sa source et elle disparaîtra.’’ Et Wei Wu Wei exprime la même idée dans Posthumous Pieces : ‘’L’ignorance de ce qui est éternel est due au concept du ‘’temps’’. Le concept du ‘’je’’ et le concept du ‘’temps’’ sont indissociables. Aucun des deux ne peut sembler exister sans l’autre. Ce sont deux aspects de ce qui est erronément considéré comme étant objectif.’’ Ainsi retournons-nous à l’idée principale d’éclaircir le problème du sujet et de l’objet. La croyance en la personne individuelle est une identification à cette personne en tant que sujet qui, par ses perceptions, objective le reste de l’univers phénoménal de l’espace-temps. Lorsqu’il est réalisé que cette usurpation du rôle de la subjectivité est erronée, que ce soidisant individu n’existe pas en tant que sujet qui perçoit, mais simplement comme l’un des objets qui apparaissent au sein du phénomène de l’espace-temps, alors la nature illusoire ou fictive de tous ces objets et de l’espace-temps peut être vue. Avec la réalisation ‘’qu’il n’y a ici personne’’ : ‘’…la libération conséquente n’est pas seulement du ‘’qui ?’’, mais aussi du ‘’où ?’’ et du ‘’quand ?’’ Le ‘’sujet’’ phénoménal supposé a cessé de croire en l’impossible et connaît enfin ce qu’il a toujours été et ce que l’univers phénoménal a toujours été – et qui ne connaît ni qui, ni où, ni quand.’’ (Wei Wu Wei) Alors, on regarde un peu différemment la formule New Age popularisée par Ram Dass : ‘’Soyez ici et maintenant.’’ Au niveau auquel celle-ci était destinée, elle fonctionne bien comme un rappel à la vigilance – même si même là, elle pose la question fondamentale : ‘’Qui doit être ici et maintenant ?’’ Mais dans la Compréhension, on voit que les trois mots sont redondants. Tout ce qu’il y a, c’est l’Etre et il n’y a qu’ici et rien d’autre que maintenant. Où pourrais-je être autrement qu’ici et maintenant ? Même s’il s’avère que je suis perdu dans un souvenir du passé, ce ‘’passé’’ n’existe que sous la forme de ce souvenir, de cette pensée qui survient ici et maintenant et même s’il y a des inquiétudes concernant le futur ou des rêveries dans un organisme corpsesprit, ces inquiétudes ou ces rêveries sont ce qui se produit dans cet organisme, ici et maintenant. Il ne peut jamais y avoir rien d’autre qu’être, ici et maintenant. Il n’y a qu’ici, et c’est la Totalité sans limites, indivise. Il n’y a que maintenant, un maintenant éternel, illimité, indivis. Alors, détendez-vous. Aucun effort n’est requis pour être, ici et maintenant. Vous ne pouvez pas ne pas être. Profitez-en ! (Référence : David Carse, Perfect brilliant stillness beyond the individual self) Partage-pdf.webnode.fr