fondamentale de la conscience selon lui, et sur la conscience comme corps (La
Phénoménologie de la perception). Il y était question de l’illusion, l’illusion
étant proprement une (non)expérience particulière de la conscience dans son
rapport, non à la vérité (erreur), mais à la réalité (« expérience » de non-
lucidité). On peut distinguer deux grands types d’illusions (qui se combinent très
souvent) : la psychologique (dont Freud a très bien parlé) et la perceptive.
Concernant la perceptive, on distinguera entre la perceptive particulière (lié à un
état particulier, une personne particulière…) et l’universelle (celle que plusieurs,
voire tous, dans un état « normal », connaissent, dans des circonstances
similaires). Ainsi, par exemple, si j’ai bu et que je vois double, les autres, sobres,
ne voient pas double quant à eux ; je dois alors parler ici d’illusion perceptive
particulière. Par contre, si nous nous promenons sur un chemin, nous pouvons
tous apercevoir une pierre plate alors qu’il ne s’agit que d’une tache de soleil.
Mieux encore, par rapport à l’illusion dite de Müller-Leyer par exemple, nous
aurons tous l’impression d’un segment plus long que l’autre (celui qui se
termine par des angles ouverts) alors que les deux segments sont égaux. Voilà
donc énoncés deux exemples d’illusion perceptive non particulière (dont seule la
seconde est proprement universelle).
C’est à la forme d’illusion non particulière, quoique non universelle, que M.P
s’intéresse dans l’extrait étudié : sans être saoul ou autre, je vois une pierre plate
(de loin) et, de près, une tache de soleil. Dois-je dire : j’ai cru voir une pierre
plate alors qu’il s’agissait d’une tâche de soleil, ou dois-je dire que, après tout,
j’ai perçu deux choses différentes ? Il faut avouer que si je ne m’étais pas
rapproché, je n’aurais pas perçu la tâche de soleil. Mais qu’est-ce qui me dit
qu’il suffit de s’approcher pour percevoir ce qu’il en est réellement de la chose ?
Qu’est-ce qui me dit que, en explorant par d’autres biais cette dite tache, je ne
me rendrais pas compte qu’il s’agit encore d’autre chose ? Etc. Rien ne me le dit
dans l’absolu. Je devrais donc dire que j’ai perçu (au sens propre) d’abord une
pierre plate, puis une tâche de soleil. Mais nous ne fonctionnons (vivons) pas
comme cela : nous élisons un certain nombre de critères plus ou moins limités
pour nous autoriser à conclure que, au bout d’un certain nombre d’explorations,
nous avons réellement affaire à ce que nous percevons.
Mais si nous élisons le critère général de l’exploration pour faire la distinction
entre l’illusion (« perception » de ce qui n’est pas ou qui est autrement ou non-
perception de ce qui est) et la perception, il faut avouer que nous n’explorons
jamais la totalité du réel dans laquelle se trouve la chose que nous disons
finalement réelle. Il faudrait explorer toutes les connexions de cet objet, donc le
réel dans sa totalité, pour s’assurer de la réalité de la moindre chose ; ce qui est
impossible, de sorte que, comme le conclut M.P., percevoir, c’est finalement
« croire en un monde » ! Cela donne incontestablement un certain vertige. Mais
après tout, si nul témoin divin n’est posé en dehors de la conscience humaine,
témoin qui saurait, lui, ce qu’il en serait du réel en lui-même, nous devons
reconnaître que la réalité (forcément pour nous, hommes) et l’illusion