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tion croissante et l’étude des problèmes a engendré
une mobilisation en faveur d’un meilleur dépistage,
suivi de l’élaboration de nouvelles stratégies de pré-
vention et de traitement. Au rang de ces mauvais trai-
tements successivement mieux pris en compte, citons
les négligences lourdes, les abus sexuels et les sévices
psychologiques.
Pour l’essentiel, notre objet porte sur la maltraitance en
milieu familial, qui est un fait majoritaire. Mais en dehors
du milieu familial, des enfants sont aussi victimes de
violences ; on parlera plus volontiers de violence en
milieu scolaire ou entre pairs, de violence institution-
nelle, de violence extrafamiliale, réservant le terme de
maltraitance aux formes interpersonnelles intimes de
violence et de négligence dont les conséquences sont
graves pour l’enfant ou l’adolescent.
La maltraitance des enfants est donc à présent un
concept général qui recouvre plusieurs grandes caté-
gories: maltraitances physiques, négligences lourdes,
abus sexuels, maltraitances psychologiques. Chacune
de ces catégories connaît diverses définitions, plus
ou moins larges et plus ou moins extensives. Aucune
d’entre elles n’échappe à une part de subjectivité, à la
participation d’un jugement. Et des questions de seuil
se posent: à partir d’où y a-t-il maltraitance ? À partir
de quand peut-on la suspecter ? Plus malaisé encore:
comment en mesurer les risques ?
Retenons déjà que dans chaque catégorie il existe une
gradation continue allant de formes bénignes à des
formes extrêmes. La gravité est liée à la durée, à la fré-
quence, à l’intensité. Elle l’est aussi, évidemment, aux
conséquences. Un acte violent posé une fois peut avoir
des conséquences plus ou moins graves, selon les cir-
constances et les blessures encourues. À l’inverse, une
négligence grave peut, par chance, avoir créé «plus de
peur que de mal».
Mais insistons sur la règle la plus générale: la maltrai-
tance est un processus dont la gravité va croissant,
parfois à bref délai. Elle peut s’arrêter spontanément
sans avoir créé un dommage important. Cette éven-
des comportements destructeurs lorsqu’ils paraissent
exister – c’est l’axe de la prise en charge.
De nombreux lecteurs ne seront pas appelés à inter-
venir directement, et encore moins isolément, dans la
prise en charge de situations de maltraitance. Mais ils
souhaiteront pouvoir franchir le pas et communiquer
leurs inquiétudes avec discernement. D’autres lecteurs
seront, en raison de leur profession, des acteurs directs
des interventions médico-psychosociales ou judiciaires
mises en œuvre pour les enfants en danger. Les infor-
mations contenues dans ce texte leur seront générale-
ment plus familières.
Notre ambition n’est donc pas de toucher un public
spécialisé. Il s’agit plutôt de communiquer, de manière
claire et concise, les points d’attention qui aident à voir,
à entendre et à décider.
La maltraitance est un terme qui n’est apparu dans
la langue française que dans les années 1980.
Précédemment, des cas dramatiques et sporadiques
alimentaient la chronique sous les termes d’enfants
martyrs. Sinon, tout ce qu’aujourd’hui nous incluons
sous le terme de maltraitance était largement mécon-
nu ; une méconnaissance proche de l’occultation
ou même du déni collectif. La médecine infantile fut
interpellée en 1962 par le Dr C.H. Kempe qui décrivit le
«syndrome de l’enfant battu»: de très jeunes enfants,
principalement des nourrissons, étaient porteurs de
lésions graves résultant de violences parentales. Le
monde médical, de ce côté-ci de l’Atlantique, res-
tait attaché à des formules euphémiques comme
« cas social » ou codées comme le « syndrome de
Silverman», pour désigner les négligences lourdes et
les sévices observés sur les très jeunes enfants.
On s’aperçoit qu’en nommant clairement les choses,
on arrive à mieux décrire un phénomène – aussi
désagréable à considérer soit-il – et à mobiliser des
ressources et des énergies pour améliorer la situation.
Progressivement, au fil du temps, diverses formes de
mauvais traitements ont été l’objet d’une préoccupa-