Revue française de pédagogie
Pour une analyse systèmatique des relations enseignants-
enseignés
Mr Rémi Clignet
Abstract
For a systematic analysis of the teacher-learner relationships. Analysis of problems of coordination between adaptation
process of teachers and learners in their interrelationships, the educational environment, and each subject matter. Variability
and trends in this coordination.
Résumé
Analyse des problèmes de coordination entre les modes d'adaptation des enseignants et des enseignés dans leurs relations
réciproques, le milieu éducatif, et chaque discipline d'enseignement. Variabilité et évolution de cette coordination.
Resumen
Para un análisis sistemático de las relaciones educadores-educandos. — Existen problemas de coordinación entre los modos
de adaptation de los educadores y de los educandos en sus relaciones reciprocas, el ambiente educativo y cada disciplina de
enseñanza. Variabilidad y evolución de esta coordinación.
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Clignet Rémi. Pour une analyse systèmatique des relations enseignants-enseignés. In: Revue française de pédagogie, volume
43, 1978. pp. 31-46;
doi : https://doi.org/10.3406/rfp.1978.1653
https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1978_num_43_1_1653
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POUR
UNE
ANALYSE
SYSTEMATIQUE
DES
RELATIONS
ENSEIGNANTS-ENSEIGNES
Les
travaux
contemporains
de
sociologie
de
l'éducation
souffrent
d'un
strabisme
particulier.
Dans
leur
souci
d'expliquer
le
concept
d'égalité,
les
chercheurs
privilégient
en
effet
ce
qui
se
passe
en
amont
ou
en
aval
des
univers
scolaires
ou
universitaires
au
détriment
de
ce
qui
se
passe
au
sein
même
de
tels
univers.
Nombreuses
sont
les
études
qui
rendent
compte
de
la
participation
différentielle
des
individus
à
divers
types
d'enseignement,
du
fait
de
leur
sexe
ou
de
leur
origine
socio-culturelle
(Bou-
don,
1974
;
Bourdieu
et
Passeron,
1969
;
Bowles
and
Gintis,
1976
;
Jencks
and
al.,
1972).
Nombreuses
sont
également
les
études
qui
démontrent
les
mécanismes
expliquant
la
variabilité
des
récompenses
économiques
et
sociales
attachées
à
un
même
niveau
d'instruction
(Alexander
and
Eckland,
1975
;
Blau
and
Duncan,
1967
;
Carnoy
and
Thias,
1971
;
Sewell
and
Hauser,
1975
;
Thurow,
1969).
Mais
la
richesse
de
telles
études
fait
contraste
avec
la
pauvreté
qualitative
et
quantitative
des
recherches
sociologiques
portant
sur
la
relation
entre
maîtres
et
élèves
(Boocock,
1966
;
Richer,
1975).
Si
cette
pauvreté
suggère
que
l'éducation
est
un
investissement
ou
une
commodité
indifférenciée,
cette
conclusion
ne
pourrait-elle,
elle-même,
que
refléter
des
a
priori
idéologiques
et
méthodologiques
?
UNE
BRÈVE
ANALYSE
CRITIQUE
DES
ÉTUDES
SOCIOLOGIQUES
DE
LA
RELATION
PÉDAGOGIQUE
La
plupart
des
études
entreprises
dans
ce
domaine
souffrent
de
nombreuses
faiblesses.
Tout
d'abord,
les
analyses
portent
principalement
sur
les
aspects
globaux
d'une
telle
relation
et
n'élucident
que
rarement
la
variabilité
des
rapports
entre
enseignants
et
enseignés
parmi
différentes
disciplines
(Dreeben,
1968
;
Jackson,
1968
;
McPherson,
1972).
En
deuxième
lieu,
ces
analyses
mettent
souvent
l'accent
sur
les
caractéristiques
soit
des
maîtres
(Waller,
1965)
soit
des
élèves
(Boocock,
1966,
1972).
Mais
quand
ils
isolent
indûment
ces
deux
pôles
de
la
relation
pédagogique
les
uns
des
autres,
et
quand
ils
traitent
les
catégories
correspondantes
d'acteurs
comme
étant
des
atomes
séparés
les
uns
des
autres
(Payne,
1976,),
les
chercheurs
supposent
implicitement
qu'il
existe
une
définition
universellement
partagée
de
la
relation
pédagogique
idéale
et
donc
que
l'examen
d'un
seul
type
d'acteur
suffit
à
rendre
compte
des
contradictions
opposant
un
tel
idéal
aux
réalités
quotidiennes
de
la
salle
de
classe
ou
du
laboratoire.
Ne
faire
porter
la
recherche
que
sur
une
seule
catégorie
d'acteurs,
c'est
souvent
supposer,
bien
arbitrairement,
que
leurs
perspectives
sont
interchangeables.
En
troisième
lieu,
bien
que
certaines
de
ces
recherches
visent
à
évaluer
les
effets
des
milieux
scolaires
sur
les
performances
individuelles,
ces
évaluations
ne
comportent
souvent
que
des
comparaisons
entre
diverses
écoles
et
classes
traitées
arbitrairement
comme
étant
des
touts
indifférenciés
(Coleman
and
al.,
1966
;
Mac
Dill
and
al.,
1969)
(1).
Si
d'autres
recherches
visent
aussi
à
identifier
tant
l'amplitude
que
la
direction
de
la
relation
entre
divers
types
d'enseignement
(cours
magistraux,
groupes
de
discussion,
etc.),
et
les
résultats
obtenus
par
les
populations
étudiantes
correspondantes,
elles
ne
cherchent
pas
non
plus
à
évaluer
la
variabilité
d'une
telle
relation
en
fonction
de
l'âge,
du
sexe,
de
l'origine
socio-économique
ou
culturelle
et
de
la
personnalité
des
élèves
ou
des
maîtres
(Me
Keachie,
1962-1963
;
Dubin
and
Taveggia,
1968,
Taveg-
gia,
1976).
En
quatrième
et
dernier
lieu,
ces
recherches
comportent,
bien
sur,
l'utilisation
de
modèles
quasi
expérimentaux,
dans
la
mesure
elles
sont
assorties
de
comparaisons
entre
des
populations
sujettes
à
des
curriculums
ou
des
styles
d'enseignements
différents
(Anderson,
1967)
(2).
Ces
comparaisons
n'en
sont
pas
moins
atemporelles
ou
ahistoriques
s'il
est
vrai
que
«
l'interprétation
des
règles
sous-jacentes
à
une
tâche
pédagogique
entraîne
des
négociations
incessantes,
tant
entre
enseignants
et
élèves
(qu'au
sein
même
des
deux
groupes
qu'ils
constituent
respectivement),
(Mehan,
1974
;
128)
(3).
31
Nous
démarquant
de
telles
études,
nous
suggérons
ici
que
toute
relation
pédagogique
pose
essentiellement
des
problèmes
de
coordination
entre
les
modes
d'adaptation
des
enseignants
et
des
enseignés
dans
le
cadre
de
leurs
relations
réciproques
comme
dans
le
cadre
des
activités
propres
à
la
discipline
à
laquelle
ils
appartiennent.
Notre
but
est
donc
double.
Il
s'agit
d'une
part
de
montrer
comment
cette
coordination
varie
en
fonction
de
la
définition
idéale
de
chaque
discipline,
de
l'organisation
des
activités
qui
en
découlent
au
sein
d'un
milieu
scolaire
ou
universitaire,
et
des
caractéristiques
psychologiques
et
psycho-sociologiques
propres
aux
acteurs
participant
à
la
relation
pédagogique
correspondante.
Mais
il
s'agit
d'autre
part
de
montrer
comment
cette
coordination
évolue
avec
l'histoire
de
chaque
discipline,
du
milieu
éducatif
et
des
divers
groupes
participant
à
une
telle
relation.
MODES
D'ADAPTATION
INDIVIDUELS
ET
LEUR
INFLUENCE
SUR
LA
RELATION
PÉDAGOGIQUE
L'adaptation
de
tout
organisme
au
milieu
ambiant
implique
la
mise
en
jeu
de
deux
forces
contradictoires.
L'assimilation
correspond
à
un
mouvement
centripète
et
implique
l'intégration
d'une
partie
ou
de
la
totalité
de
la
réalité
externe
aux
structures
pré-existantes
de
l'organisme
(Pia-
get,
1971)
(4).
Au
niveau
physiologique
le
plus
élémentaire,
l'assimilation
des
aliments
implique
leur
transformation
en
particules
compatibles
avec
la
structure
et
les
processus
physico-chimiques
de
l'estomac
et
de
l'intestin.
Inversement,
l'accommodation
correspond
à
un
mouvement
cen*
trlfuge
et
implique
la
transformation
des
structures
préexistantes
de
l'organisme
en
fonction
de
la
réalité
extérieure.
Au
niveau
physiologique
le
plus
élémentaire,
l'œil
accommode
c'est-à-dire
modifie
la
courbure
du
cristallin
selon
la
distance
qui
le
sépare
de
l'objet
pour
en
obtenir
une
image
exacte.
Toute
adaptation
psycho-sociologique
nécessitant
un
équilibre
entre
ces
deux
forces
contradictoires,
il
est
donc
nécessaire
d'identifier
les
composantes
d'un
tel
équilibre
(5).
En
premier
lieu,
les
deux
forces
dont
il
est
question
n'ont
pas
forcément
des
intensités
égales.
Dans
la
mesure
le
concept
d'adaptation
est
subjectif
et
dépend
de
la
manière
dont
l'organisme
perçoit
sa
position
dans
le
milieu
environnant,
la
balance
peut
pencher
davantage
vers
l'un
des
deux
pôles
et
donc
vers
l'assimilation
ou
l'accommodation.
En
deuxième
lieu,
cet
équilibre
ne
se
fait
pas
dans
un
vide
temporel
ou
historique.
L'assimilation
précède
l'accommodation
puisqu'aussi
bien
cette
deuxième
force
ne
peut
influencer
que
des
structures
qui
existent
déjà.
Mais
l'accommodation
précède
aussi
l'assimilation,
puis-
qu'aussi
bien
toute
modification
des
structures
de
l'organisme
devient
ultérieurement
partie
intégrante
de
ces
structures.
En
ce
sens,
l'accommodation
d'aujourd'hui
est
nécessairement
l'assimilation
de
demain
(Clignet,
1974).
En
troisième
lieu,
cet
équilibre
est
nécessairement
partiel
si
l'on
pense
en
termes
fonctionnels.
Ainsi,
dans
le
domaine
du
raisonnement,
les
déductions
sont-elles
davantage
orientées
vers
l'assimilation
puisqu'aussi
bien,
il
s'agit
d'un
processus
de
généralisation
de
principes
définis
a
priori,
alors
que
les
inductions
penchent
davantage
vers
l'accommodation,
puisqu'elles
reposent
sur
une
différenciation
de
tels
principes.
De
la
même
manière,
la
mémoire
met
sans
doute
en
jeu
des
éléments
d'assimilation
dans
la
mesure
elle
entraîne
l'addition
d'informations
extérieures
à
des
structures
pré-existantes
qui
ne
s'en
trouvent
pas
modifiées
pour
autant,
alors
qu'à
l'inverse,
l'anticipation
est
davantage
centrée
sur
l'accommodation
puisqu'elle
entraîne
une
modification
de
telles
structures.
De
la
même
manière,
dans
le
domaine
affectif,
la
culpabilité
est
davantage
dominée
par
l'assimilation
que
par
l'accommodation
car
elle
incorpore
une
situation
externe
dans
le
réseau
pré-existant
des
exigences
que
le
sujet
a
établi
pour
lui-même,
alors
qu'inversement,
le
sentiment
de
honte
ne
peut
naître
qu'en
réponse
et
donc
qu'en
accommodation
à
une
sollicitation
de
personnages
extérieurs
influents.
Finalement
et
pour
des
raisons
parallèles,
dans
le
domaine
normatif,
l'originalité
se
situe
davantage
vers
le
pôle
de
l'assimilation
alors
que
l'obéissance
aux
règles
sociales
se
situe
davantage
vers
le
pôle
de
l'accommodation.
Si
la
relation
pédagogique
met
donc
en
jeu
des
éléments
normatifs,
cognitifs
et
émotionnels,
comment
les
formes
spécifiques
d'une
assimilation
et
d'accommodation
correspondant
à
de
tels
éléments
se
combinent-elles
les
unes
avec
les
autres
à
un
niveau
intra
et
inter
individuel
?
Pour
répondre
à
cette
question,
il
faut
d'abord
isoler
les
conduites
assimilatrices
et
accommodatrices
des
enseignants
et
des
enseignés,
considérés
indépendamment
les
uns
des
autres.
A)
L'utilisation
de
modes
asslmilateurs
d'adaptation
par
les
enseignants
Ainsi
que
nous
l'avons
suggéré,
l'adaptation
de
chaque
participant
à
une
relation
pédagogique
met
en
cause
tant
la
conception
qu'il
se
fait
des
tâches
constitutives
d'une
discipline
donnée
que
la
conception
qu'il
se
fait
des
autres
participants
de
la
relation.
Tout
d'abord,
un
mode
assi-
milateur
d'adaptation
à
l'égard
des
tâches
propres
à
une
discipline
donnée
tend
à
prévaloir
quand
cette
discipline
est
dominée
par
un
paradigme
nettement
établi.
Les
périodes
«
assimilatrices
»
pendant
lesquelles
la
science
est
«
normale
»
et
vise
à
résoudre
les
puzzles
dérivés
des
lignes
forces
d'un
principe
théorique
ou
méthodologique
partagé
par
tous
les
membres
de
la
communauté
32
scientifique,
différent
donc
des
périodes
pendant
lesquelles
la
science
cherche
un
principe
unificateur
initial
ou
fait
l'expérience
d'une
révolution
(Kuhn,
1970).
De
la
même
manière,
le
mode
assimilateur
devrait
être
plus
fréquent
dans
le
cas
des
disciplines
pour
lesquelles
l'objectivité
est
définie
en
termes
intrinsèques
(les
mathématiques,
par
exemple)
que
dans
le
cas
de
celles
pour
lesquelles
l'objectivité
est
définie
en
termes
extrinsèques
(les
sciences
expérimentales)
(6).
Ce
même
mode
devrait
aussi
être
plus
visible
parmi
des
disciplines
telles
que
la
grammaire
ou
l'histoire
quand
elle
définissent
la
langue
et
le
passé
comme
des
réalités
immuables
et
fixées
une
fois
pour
toute.
Dans
tous
ces
cas,
les
tâches
sont
en
effet
définies
en
termes
d'une
réalité
pré-établie,
et
intériorisée
par
les
représentants
de
la
discipline
qui
en
sont
les
gardiens.
Mais
le
mode
assimilateur
infléchit
également
la
relation
de
l'enseignant
à
l'égard
des
enseignés.
Son
influence
dans
ce
domaine
se
manifeste
aussi
bien
en
termes
normatifs,
que
sociaux
et
émotionnels,
(Freire,
1970
;
59).
Ainsi,
l'utilisation
de
métaphores
animales
ou
végétales
pour
justifier
telle
ou
telle
pratique
pédagogique
présup-
pose-t-elle
nécessairement
une
conception
générale
de
la
relation
correspondante
à
laquelle
les
élèves
doivent
être
uniformément
soumis
afin
d'être
intégrés
ultérieurement
dans
le
monde
des
adultes.
Dans
ce
cadre,
l'éducateur
doit
«
tailler
l'imagination
de
ses
élèves
»,
«
irriguer
le
sol
fertile
de
leurs
cerveaux
»,
(Chobaux,
1963)
;
il
doit
travailler
sur
ses
élèves
plutôt
qu'avec
eux
(Friedenberg,
1963),
et
il
doit
articuler
ses
propres
activités
par
rapport
à
un
élève
moyen
ou
par
rapport
à
un
élève
idéal
(Linares,
1967).
Au-delà
de
ces
affirmations
de
principe,
le
mode
assimilateur
tend
à
prévaloir
quand
l'organisation
spatiale
ou
temporelle
de
la
relation
pédagogique
reste
insensible
à
la
spécificité
des
tâches
à
accomplir
et
de
la
population
des
élèves
concernés.
Ainsi
en
va-t-il
des
classes
dont
l'agencement
des
sièges
est
fixé
une
fois
pour
toutes
ou
des
écoles
dont
l'emploi
du
temps
journalier
ou
annuel
reflète
des
principes
immuables
(7).
Le
mode
assimilateur
dépend
finalement
des
sentiments
que
l'enseignant
éprouve
à
l'égard
de
la
tâche
ou
de
ses
élèves.
Le
«
je
ne
parle
qu'à
des
gens
bien
élevés
mais
certainement
pas
à
des
animaux
»
de
Madame
Z,
l'institutrice
suppléante
de
l'école
de
The
Way
its
spozed
to
be
(Herndon,
1969)
reflète
ainsi
les
frustrations
qu'un
enseignant
peut
éprouver
quand
il
souffre
des
contradictions
entre
le
profil
concret
des
élèves
auxquels
il
a
affaire
et
l'image
idéale
qu'il
se
fait
d'une
école
et
de
ses
habitants.
De
la
même
manière,
les
orientations
assimila-
trices
qu'un
enseignant
adopte
dans
sa
classification
des
élèves
en
«
bons
»
et
«
mauvais
»
sujets
l'amènent
à
donner
à
ces
deux
populations
des
places
différentes
dans
la
classe,
quelle
que
soit
la
politique
officielle
de
l'école
à
ce
sujet
(Barker-Lunn,
1970
:
48-51).
En
résumé,
un
mode
d'enseignement
assimilateur
repose
sur
la
mise
en
jeu
de
principes
de
généralisation.
Qu'il
concerne
les
comportements
à
l'égard
des
tâches
constitutives
de
la
discipline
ou
à
l'égard
des
élèves,
un
tel
mode
vise
toujours
à
intégrer
des
éléments
concrets
dans
un
modèle
général
pré-établi.
En
ce
sens,
un
tel
mode
est
essentiellement
conservateur,
même
quand,
en
surface,
il
vise
à
modifier
la
répartition
des
connaissances.
Les
cours
de
rattrapage
qui
n'offrent
qu'un
simple
accroissement
des
heures
d'enseignement
sans
aucune
modification
du
contenu
ou
du
style
illustrent
bien
l'ubiquité
du
mode
assimilateur,
symbolisé
par
la
formule
«
Plus
cela
change,
plus
c'est
la
même
chose
».
Mais
si
les
processus
de
généralisation
et
de
conservation
mis
en
jeu
par
l'assimilation
affectent
le
contenu
de
diverses
disciplines,
l'organisation
des
activités
qui
s'y
greffent
et
le
style
moral,
cognitif
et
émotionnel
d'enseignement
adopté
par
les
maîtres,
leurs
manifestations
ne
sont
pas
nécessairement
cumulatives
ou
cohérentes.
Même
quand
l'histoire
par
exemple,
est
définie
comme
étant
une
somme
de
faits
achevés
et
comme
tels,
fixés
une
fois
pour
toutes,
certains
professeurs
d'histoire
n'enseigneront
malgré
tout
de
tels
faits
que
dans
la
mesure
ils
les
jugent
compatibles
avec
l'expérience
de
leurs
élèves.
Il
en
résulte
une
série
de
tensions
entre
les
images
pré-établies
de
la
réalité
historique
d'une
part
et
de
la
réalité
socioculturelle
des
étudiants
d'autre
part.
En
outre,
même
si
les
Idées
qu'un
enseignant
se
fait
de
sa
tâche
et
de
ses
relations
avec
ses
élèves
entrent
dans
un
tout
cohérent
caractérisé
par
la
mise
en
jeu
de
certains
principes
assimilateurs,
cela
ne
signifie
pas
pour
autant
que
ce
même
enseignant
adopte
un
mode
d'adaptation
émotionnel
assimilateur
à
l'égard
de
ses
élèves.
Le
bon
sens
populaire
le
reconnaît
bien
quand
il
affirme
d'une
manière
plus
générale
que
«
le
cœur
a
ses
raisons,
que
la
raison
ne
connaît
pas
».
Mais
l'examen
des
relations
de
complémentarité
ou
d'opposition
entre
ces
différents
modes
est
rendu
plus
difficile
encore
par
les
tendances
de
la
pédagogie
à
se
définir
comme
un
ensemble
de
recettes
plus
que
comme
une
analyse
scientifique
des
comportements
enseignants
vécus
(Esland
et
al.,
1972
:
30-31).
B)
L'utilisation
des
modes
d'adaptation
assimilateurs
par
les
élèves
Ce
mode
offre
une
image
symétrique
à
celle
du
mode
que
nous
venons
de
décrire,
et
il
implique
donc
une
intégration
des
expériences
scolaires
dans
un
réseau
de
structures
cognitives,
émotionnelles
ou
sociales
qui
précèdent
logiquement
et
chronologiquement
de
telles
expé-
33
3
riences.
Rien
n'illustre
mieux
ce
mode
que
la
réaction
des
élèves
de
Herndon
à
son
retour
en
classe
après
un
congé
de
maladie.
Bien
que
l'auteur,
avant
son
départ,
se
soit
ingénié
à
trouver
des
tâches
susceptibles
de
correspondre
à
leurs
aspirations,
ils
lui
disent
«
Madame
Z
la
suppléante
était
un
bien
meilleur
professeur
que
vous
ne
l'êtes.
Avec
elle,
nous
avons
fait
des
pages
d'écriture,
de
l'orthographe,
de
la
lecture,
en
un
mot
tout
ce
qu'on
est
supposé
faire
».
L'expression
«
être
supposé
faire
»
reflète
le
mode
d'adaptation
assimilateur
de
ces
élèves.
En
effet,
leur
refus
de
s'adapter
à
un
style
d'enseignement
si
progressif
soit-il,
est
basé
sur
un
ensemble
de
règles
qu'ils
ont
appris
et
à
quel
prix
à
définir
comme
ayant
priorité
absolue.
Ayant
plus
d'ancienneté
dans
le
système,
ils
rappellent
à
leur
maître
que
de
ce
fait
même,
leurs
propres
structures
normatives
«
sont
supérieures
»
aux
siennes.
Avoir
un
style
d'apprentissage
«
assimilateur
»
c'est
donc
viser
à
réduire
la
relation
pédagogique
courante
à
une
relation
antérieure
et
comme
telle
plus
générale.
Cependant,
un
mode
assimilateur
affecte
le
comportement
de
l'enseigné
non
seulement
à
l'égard
de
l'enseignant,
mais
aussi à
l'égard
des
tâches
constitutives
des
diverses
disciplines.
Ainsi
le
déclin
du
nombre
relatif
d'étudiants
américains
apprenant
des
langues
étrangères
ce
nombre
a
diminué
de
16
%
en
1969
et
1975
alors
que
le
nombre
total
d'étudiants
augmentait
de
22
%
pendant
la
même
période
(New
York
Times,
March
23,
1977),
traduit-il
la
prééminence
grandissante
attribuée
à
la
langue
anglaise
et
donc
le
rôle
qu'elle
devrait
jouer
comme
structure
intégrante.
Un
mode
d'apprentissage
assimilateur
influence
aussi
les
aspects
cognitifs
de
chaque
discipline.
Ses
effets
peuvent
être
défavorables,
comme
le
montrent
Gay
et
Cole
à
propos
des
écoles
du
Liberia
(1962).
«
Le
professeur
demanda
:
six
est
deux
fois
quel
nombre
?
Quand
ils
entendirent
six
et
deux
fois,
les
élèves
crièrent
douze,
car
leur
expérience
les
convainquait
que
la
coexistence
de
ces
trois
mots
ne
pouvait
seulement
signifier
qu'une
fois
de
plus
l'instituteur
leur
demandait
de
réciter
la
table
des
multiplications.
»
En
effet,
a
priori,
le
principe
d'assimilation
limite
l'acquisition
de
la
notion
de
réversibilité.
Mais
ses
effets
peuvent
être
aussi
favorables,
comme
le
suggèrent
les
mêmes
auteurs
à
propos
des
résultats
obtenus
par
des
élèves
libériens
et
américains
sur
des
problèmes
impliquant
l'usage
de
raisonnements
disjonctifs.
Les
premiers
sont
supérieurs
aux
seconds,
parce
que
la
langue
Kpelle
est
beaucoup
plus
riche
en
éléments
disjonctifs.
Cette
richesse
permet
aux
élèves
libériens
de
faire
intervenir
un
mode
assimilateur
au
début
même
de
leur
démarche,
ce
qui
accroît
tant
leur
vitesse
que
leur
précision
(8).
Pour
conclure,
qu'un
style
d'apprentissage
«
assimilateur
»
présente
des
aspects
cognitifs,
émotionnels
ou
normatifs,
il
amène
toujours
l'intégration
de
la
relation
du
sujet
à
l'égard
de
la
tâche
ou
à
l'égard
de
l'enseignant
dans
des
structures
pré-établies.
Dans
la
mesure
ces
aspects
ont
leur
vie
propre
qui
varie
aussi
bien
en
fonction
de
la
discipline
étudiée
qu'en
fonction
de
l'histoire
sociale
et
intellectuelle
du
sujet,
il
convient
donc
de
déterminer
les
limites
à
l'intérieur
desquelles
ces
comportements
«
assimilateurs
»
se
combinent
les
uns
aux
autres
pour
avoir
finalement
des
effets
cumulatifs
et
cohérents
sur
les
conduites
globales
de
l'élève.
C)
L'utilisation
des
modes
accommodateurs
d'adaptation
par
les
enseignants
Ce
mode
d'adaptation
reflète
une
differentiation
des
structures
inhérentes
à
la
tâche
de
chaque
discipline
et
dépend
en
premier
lieu
de
la
conception
que
ces
disciplines
se
font
de
la
nature
(Moscovici,
1968).
Ce
mode
tend
en
effet
à
être
plus
fréquent
quand
cette
«
nature
»
est
considérée
comme
une
combinaison
mouvante
de
processus
dynamiques
plutôt
que
comme
un
ensemble
de
structures
fixes
et
statiques.
Mais
si
tout
processus
d'accommodation
repose
donc
sur
la
notion
de
changement,
il
est
de
ce
fait
même
particulièrement
visible
au
moment
des
crises
que
chaque
discipline
traverse,
et
au
moment
des
«
révolutions
scientifiques
»
par
exemple
(Kuhn,
1970).
Ce
mode
dépend
donc
aussi
des
changements
infléchissant
la
définition
de
la
relation
entre
la
tâche
et
l'enseigné.
En
ce
qui
concerne
l'enseignement
de
la
lecture
en
Amérique
par
exemple,
Baker
se
plaignait
au
milieu
du
XIXe
siècle
de
ce
que
les
instituteurs
ne
tenaient
pas
compte,
dans
leur
enseignement,
du
fait
«
que
les
enfants
tendent
initialement
à
reproduire
la
combinaison
des
sons
qu'ils
entendent
plutôt
que
la
combinaison
des
sons
qu'ils
lisent
»,
(cité
par
Carpenter,
1963
:
37-38).
Il
reprochait
donc
à
l'enseignement
de
l'époque
de
refléter
davantage
une
définition
abstraite
des
structures
de
coordination
entre
langue
parlée
et
langue
écrite
que
l'observation
empirique
du
comportement
concret
adopté
par
les
élèves.
Dans
la
mesure
ce
mode
accommodateur
dépend
donc
de
la
diffusion
des
recherches
faites
sur
l'apprentissage,
les
changements
de
style
d'enseignement
dans
diverses
disciplines
ont
rarement
une
même
intensité
et
une
même
vitesse.
L'enseignement
de
la
musique
a
évolué
moins
rapidement
par
exemple
que
l'enseignement
de
la
lecture
au
cours
des
trente
dernières
années
aux
Etats-Unis
(Clifford,
1973).
L'adoption
d'un
mode
accommodateur
influence
finalement
la
relation
globale
et
spécifique
des
enseignants
à
l'égard
de
leurs
élèves.
Ainsi
ce
mode
implique-t-il
par
exemple
l'abandon
d'une
hiérarchie
des
disciplines
définie
a
priori
par
les
seuls
maîtres
et
symbolisée
entre
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