LSOC 2010
Régulation et globalisation
Notes de cours 2018-2019
constitution de son domaine d’études le cinéma ou le dessin humoristique (cf. le dernier
chapitre de l’orientalisme). Edward Saïd postule, au-delà des différences, une certaine
cohérence de ces représentations diverses. Alors que la notion d’orientalisme est d’habitude
réservée au seul domaine savant, il l’étend au-delà de cette frontière pour désigner n’importe
quel discours articulé sur l’Orient tenu par le colonisateur occidental.
L’orientalisme se présente donc un ensemble de représentations stéréotypées :
- l’oriental est impénétrable, secret
- l’oriental a une sexualité débridée, faite de bizarre jouissances
- la littérature orientale est faite de contes
- l’oriental est excessif, radical
- l’oriental est traître, rusé, déloyal
- l’oriental est passif, il attend plus qu’il n’agit, il est fataliste.
Edward Saïd ne prétend pas savoir ce qu’est véritablement l’Orient ou le monde arabe.
Il entend simplement soutenir que « la construction d’une identité, qu’il s’agisse de l’Orient
ou de l’Occident, de la France ou de la Grande Bretagne, tout en étant le résultat d’expériences
collectives distinctes, se réduit finalement à mon avis à l’élaboration d’oppositions et de
différences avec « nous » qui restent sujettes à une continuelle interprétation et
réinterprétation. Chaque époque et chaque société recréent ses propres « autres »
.
-
2. La domination passe par des contraintes discursives
Ces représentations représentent plus le contexte impérial de genèse que l’objet dont
elles parlent : « l’orientalisme a plus répondu à la culture qui l’a produit qu’à son objet
putatif »
. Il s’agit d’une projection, et même d’une création performative qui accompagne,
soutient, génère des pratiques de colonisation (en Algérie, à partir des années 1840 ; en
Egypte, à partir de la colonisation britannique de 1888 ; en Inde, etc.). Ces projections sont
donc, en tant que telles, des pratiques de domination.
Sur ce point, Saïd rejoint donc une certaine forme de critique sociologique inspirée du
marxisme, mais qui n’est plus marxiste. Elle n’est plus marxiste d’abord parce qu’elle trouve
chez Marx lui-même des effets de l’orientalisme et l’affirmation d’une conscience supérieure
de l’Occident, qui serait arrivé à un stade de développement des forces productives supérieur
à celui de l’Asie (cf. les commentaires de Saïd sur les pages que consacre Marx au mode de
production asiatique
). Mais surtout, elle n’est pas marxiste en ce sens que le rapport de
pouvoir repose entièrement sur un ressort discursif. Certes, cette domination discursive n’est
pas contradictoire avec une domination matérielle, mais elle en est analytiquement
indépendante.
Au travers de l’orientalisme, l’idée de re-présentation devient suspecte. La
représentation est en effet soumission de l’objet à ce qui la représente, au discours en tant
qu’il véhicule une maîtrise. En ce sens, l’orientalisme est soumission de l’Orient à l’Occident.
Saïd E. (1978), L’orientalisme, éd. franç. 1997, Paris : Le Seuil (la couleur des idées), p. 358
Saïd E. (1978), L’orientalisme, p. 36
Saïd E. (1978), L’orientalisme, p. 178 et svtes.