La Religion, la Science, et Lisa Simpson
Si j’écris cet « article » (je mets des guillemets, car ça fait un peu pompeux comme terme je
trouve) c’est pour vous faire part d’une réflexion que j’ai développé autour des rapports entre
sciences et religions.
Durant les 5 dernières années, mon propre avis sur la question a changé au moins une dizaine
de fois, au fur et à mesure de mes lectures et de mes discussions avec des fondamentalistes
religieux (allant du mormon américain au créationniste musulman), des scientifiques anti-
religion, ou même des camarades de classe à la fois religieux ET scientifiques. Mais je dois
d’abord commencer par un aveu : durant ma première année en science, j’ai pensé que
l’ennemi numéro 1 de ma discipline était la religion et que ces deux domaines s’opposaient
totalement.
I- L’origine du problème
C’est une idée largement répandue au sein même des scientifiques. La plupart voient la
religion comme un ennemi car elle nous éloigne du rationalisme et de la logique (j’en
reparlerai plus tard, mais je ne suis pas d’accord avec ce point).
Souvent conservatrice, elle fait également la grimace quand une nouvelle découverte
scientifique bouleverse notre vision des choses, voire peut agir directement contre la science,
en interdisant certaines recherches. Cela dit, ce dernier point n’est plus tellement d’actualité
(en tout cas dans la majorité des pays) donc nous n’allons pas nous attarder là-dessus.
‘‘Et mon poing dans ta gueule, il est immobile connard ?’’
Gallilée, Sidereus Nuncius (1610)
De leur côté, les fondamentalistes religieux ne passent bien souvent que par deux réactions vis
à vis de la science : le concordisme et le rejet. Et franchement, je ne sais pas lequel est le
pire.
= > Dans le premier cas, certains vont vouloir manipuler le texte religieux, pour le faire coller
aux découvertes scientifiques (et là généralement c’est du grand n’importe quoi, avec des
métaphores tarabiscotées, ou une méconnaissance profonde de l’histoire des sciences). Je
trouve le procédé parfaitement mal venu, d’autant que cela revient souvent à dénaturer le
véritable message du livre sacré.
= > Dans le deuxième cas, le rejet, c’est la science que l’on va dénaturer, car elle ne
correspond pas aux saintes écritures. L’exemple le plus connu : le créationnisme. « Comme
dans la Bible, le Coran ou la Torah, l’homme a été créé par Dieu à son image, je n’accepte pas
l’évolution. »
On comprend facilement quel est le moteur de ces deux visions : donner de la crédibilité
aux textes sacrés (qui n’en ont pourtant pas besoin, si ? va-t-on mesurer la valeur d’un texte
sacré à sa concordance avec les découvertes scientifiques ? dans ce cas là, j’en écris un sur le
champ… et comme c’est le plus récent, et qu’il sera en accord avec les dernières découvertes,
mon livre sera forcément mieux que le Coran et la Bible !)
En gros : « j’ai raison d’y croire car tout ce qui est dit dans mon Coran est vrai, la science l’a
vérifié. Et si elle ne l’a pas vérifié, c’est qu’elle se trompe. Cette pute.»
II- Des domaines distincts et limités
Alors forcément il faut avouer qu’au premier abord, on se dit que pour réconcilier ces deux
domaines, on va surement transpirer un peu. Comment faire pour rendre ces deux
domaines compatibles ? Est-on réellement obligé de dénaturer les textes religieux ou les
textes scientifiques (voire les deux) pour y parvenir ?
Finalement quand on passe des années sur cette question sans trouver aucune réponse
satisfaisante, il faut peut-être commencer à se demander si la question n’est pas simplement
mal posée. Et si nous nous demandions tout d’abord si ces deux domaines doivent être
compatibles ?
Et toute une série de fait convergent vers cette question, plutôt que sur la première.
Comment se fait-il que certains religieux (religieux à 100%) arrivent à faire la part des
choses et assumer les nouvelles découvertes scientifiques ? Pourquoi le pape lui-même
(religieux puissance 4000 minimum) a affirmé en 1950 qu’il n’y avait aucune opposition entre
la science et la religion ? Et enfin pourquoi existe-il des scientifiques musulmans, juifs ou
chrétiens ?
Mendel. Preuve vivante qu’on peut être à la fois un moine et un
scientifique brillant. Et avoir une coupe de cheveux hideuse accessoirement.
En effet, la science et la religion sont deux domaines totalement distincts qui, par
conséquence, ne peuvent rentrer en réelle compétition. Si vous ne me croyez pas, pas de
soucis, je vais essayer de vous convaincre.
La science est un domaine limité. Elle ne peut apporter aucune solution sur les questions
spirituelles et si vous tentez de répondre à des questions sur Dieu avec la science, vous allez
vite vous retrouver démuni, car cette discipline n’a tout simplement pas les outils nécessaires
pour ça ! Comment une discipline qui s’appuie sur des faits matériels pourrait prouver ou
réfuter l’existence de Dieu ?
De même, la religion a ses propres limites (et là j’entends déjà les fondamentalistes de ma
classe gueuler) : si j’essaye de comprendre le fonctionnement du corps humain, ou la
radioactivité avec le Coran ou la Bible, je risque d’y passer mon après-midi (minimum). Les
livres sacrés apportent des réponses spirituelles voire morales mais ne sont évidemment pas
des livres de sciences.
Pour bien comprendre certaines différences, je vous ai fait un petit schéma récapitulatif.
Science (le savoir) =>
- Peut être prouvé (testé, observé, mesuré, universelle)
- Son but : expliquer les faits, comprendre le monde.
- Domaine des faits matériels
Religion (la croyance) =>
- Ne peut pas être prouvé (foi personnelle)
- Son but : apporter des valeurs éthiques et morales et répondre aux questions liées
à l’âme, l’existence de Dieu…
- Domaine du spirituel
III- Les conflits
En fait, les conflits ne commencent à apparaitre que lorsque l’un des deux domaines
déborde sur l’autre. Si un scientifique tenait des propos comme « le Paradis n’existe pas» ou
encore « Dieu n’a pas pu insuffler l’âme dans le corps des hommes », je serai le premier à
crier au scandale et à le traiter de fondamentaliste scientifique (même si ça ne veut strictement
rien dire, mais bon). Il faut que les scientifiques reconnaissent les limites de leur propre
discipline. Leur ennemi nest donc pas la religion, mais seulement lirrationalité de certains
religieux.
Les gens me demandent parfois pourquoi j’ai un problème avec les créationnistes. En dehors
du fait que je sois légèrement vexé (c’est normal, si on prenait votre passion, qu’on la
retournait et qu’on la sodomisait, vous réagiriez comment ?) je reste certain qu’il faut
combattre ce genre d’idéologie. Ne serait-ce que parce qu’ils franchissent justement leur
domaine en ignorant/combattant les faits matériels découverts par la science depuis les 150
dernières années.
De plus, la plupart d’entre eux présentent la création et l’évolution sur un plan d’égalité.
Et là je suis bien placé pour en parler, car la semaine dernière, on m’a encore sorti « tu CROIS
en l’évolution comme nous on croit en la création », ce qui est bien entendu faux (je n’ai
absolument aucune envie de croire que les espèces évoluent, j’ai d’autres choses à faire de
mes journées déjà.) Ou alors, pire, « nous aussi, on SAIT que la création existe ».
Mon schéma (ci-dessus) expliquant les différences entre savoir et croyance n’est-il pourtant
pas clair ?
Je sais pertinemment qu’aucun de mes camarades créationnistes ne seront d’accord avec cette
vision des choses, et continueront à me soutenir le même discours. Pourtant, je ne vois pas sur
quel point on peut être en désaccord. La science et la religion sont bien des domaines
séparés ET limités, que vous le vouliez ou non.
Qui peut prétendre avoir mesuré Dieu ? Avoir observé l’âme ? Apporté des preuves sur
la Création ? Personne.
Donc c’est bien, par définition, du domaine de la croyance.
Et qui peut prétendre que nous n’avons pas observé les continents bouger ? Avoir
mesuré l’âge de la Terre ? Apporté des preuves solides sur l’Evolution ? Personne.
Donc c’est bien, par définition, du domaine de la science.
Mais quand je dis ces choses, et que l’on me répond que « non mais Morgan, pour toi la
paléontologie c’est ta science, pour nous le Coran c’est notre science » j’ai juste envie de
pleurer, car ça veut dire que ces gens-là pensent réellement qu’Allah est mesurable et
observable matériellement, ou alors qu’ils n’ont pas écouté un broc de ce que je disais.
‘‘Oh, oh, alerte au gogole… Alerte au gogole les enfants !’’
Il est grand temps que chacun des partisans des deux domaines, scientifiques et religieux,
admettent leur limite respective.
Je ponctuerai cet article (non sérieux, ça fait vraiment pompeux faut que j’arrête de me la
péter comme ça) par une phrase de Lisa Simpson que j’ai entendu hier soir sur W9, et qui m’a
redonné un peu espoir :
« Nous ne voulons pas de la théorie de la Création à l’école, pas plus que vous ne voulez un
scientifique qui fasse la messe dans votre église ».
Comme quoi, même elle, un personnage de 12 ans, fictif, jaune, et particulièrement moche,
avait compris que chacun doit se contenir à son domaine respectif.
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