Colloque scientifique ‘Religion et liberté’ Rabat : 17 – 18 novembre 2014 Le choix de ce thème répond au contexte général actuel qui prévaut au Maroc comme dans le monde arabe. Il est certain que parmi les retombées les plus pressantes de ce qu’on appelle communément, à tort ou à raison, « le printemps arabe », demeure la question du rapport de la religion à la chose publique. La montée des mouvements islamistes de tous bords, les diverses questions qui ont été soulevées suite aux événements révolutionnaires arabes récents, et surtout les interrogations et les négociations qui ont accompagné les moments forts de l’élaboration de nouvelles constitutions dans divers pays arabes y compris au Maroc ; tous ces événements posent avec acuité la nécessité d’interroger les diverses facettes du rapport de la religion, l’Islam en l’occurrence, à la politique en tant que chose publique, valeur autonome, action humaine et institutions. D’autre part, la réussite électorale des Islamistes, voire même leurs accès aux rouages du pouvoir politique dans certains pays arabes, a engendré des craintes de la part de plusieurs couches sociales. Des craintes relatives aux droits sociaux acquis, aux libertés individuelles, aux libertés publiques, à la liberté de la création artistique et littéraire, à la liberté de conscience… En effet, la question posée n’est plus l’apanage des seuls intellectuels et cercles restreints de quelques érudits. Elle est devenue, on ne peut plus, une question sociale et publique. Les mouvements civils de tous bords, en particulier féministes, ont explicité leurs craintes, non seulement à propos des droits acquis, mais aussi sur l’avenir réservé aux combats qu’ils mènent aujourd’hui pour l’égalité entre hommes et femmes, y compris dans des domaines qui demeurent jusqu’à présent accaparées par la Shari’a (les successions, la polygamie…). De leurs coté, nombreux sont les intellectuels, les hommes de lettres et les artistes qui n’ont pas tardé à élever la voix contre toute atteinte, au nom des préceptes moraux ou religieux, à leur droit de s’exprimer librement. Enfin, la multiplicité de nombreuses fatwas étranges menaçant la vie des gens, le déferlement d’une vague d’apostasie véhiculée et instrumentalisée par certains Islamistes contre des artistes et des intellectuels, ne peuvent qu’interpeller l’opinion publique. L’intercalation des statuts religieux dans le registre des règles juridiques (privées ou publiques) ne mène-t-elle pas à l’atteinte aux libertés et droits de l’homme ? Quels rapports peut- on détecter entre la règle juridique et l’ordre religieux ? L’Islam serait-il, contrairement à toutes les religions, Etat et religion à la fois ? L’Histoire ne nous montre-t-elle pas que toute entité associant religion et politique n’a engendré que l’autoritarisme ? Quelle est la place de la religion dans le dispositif des articles de la nouvelle constitution marocaine qui adopte ouvertement les droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus? La question de la religion ne s’inscrit-elle pas profondément dans une problématique culturelle et historique dépassant de loin le simple cadre juridique et institutionnel? Comment expliquer la défaillance, sinon le silence, de la plupart des intellectuels vis-à-vis des questions épineuses que pose le rapport de la religion aux différents aspects de la liberté humaine ? La critique de la pensée religieuse ne serait elle pas finalement la condition, sine qua non, de l’institution d’un Etat moderne ? Loin de prétendre donner des réponses exhaustives à ces questions que l’Histoire sociale et politique peine à résoudre, l’ambition de ce colloque sera de soulever les bonnes interrogations afin de formuler quelques éléments de réponse qui peuvent éclaircir cette problématique centrale. Comité scientifique : Azzeddine Allam Ahmed Assid Said Lakhal Moulim El Aroussi