
souvent suffisant dans le cadre du suivi thérapeutique, la
mesure de la concentration libre n’est justifiée que dans le cas
de médicaments très liés aux protéines plasmatiques (pourcen-
tage de liaison supérieur à 90 % [1]) ou quand la liaison varie
en fonction de la concentration. La liaison peut aussi être
modifiée dans certains états pathologiques (ex : insuffisance
hépatocellulaire, insuffisance rénale), au cours d’interactions
médicamenteuses ou encore en fonction de l’âge [16]. De plus,
les médicaments sont liés de manière différente tant sur le plan
qualitatif que quantitatif suivant que ce sont des molécules à
caractère acide ou basique.
Nature des protéines plasmatiques fixatrices
et leurs modifications chez le sujet âgé
Les médicaments peuvent se lier réversiblement sur dif-
férentes protéines : l’albumine, l’α1-glycoprotéine acide, les α,
et γglobulines et les lipoprotéines. Chez le sujet âgé, la
concentration en protéines totales ne varient que légèrement
mais la répartition peut être différente.
L’albumine, protéine de gros poids moléculaire
(67 000 Da) est quantitativement la plus répandue dans le
plasma. Elle est capable de lier les médicaments acides et basi-
ques sur des sites de liaisons spécifiques et différents. Les médi-
caments acides, porteurs de charges négatives au pH plasmati-
que se lient par des forces de nature électrostatique sur un
nombre réduit de sites de haute affinité et saturables. Par
contre, les molécules neutres et basiques se lient sur des sites de
nature différente et en plus grand nombre par l’intermédiaire
de liaisons hydrophobes [17].
La concentration en sérum albumine est plus faible de
19 % chez le sujet âgé que chez l’adulte. Cette hypoalbuminé-
mie est due à une diminution de la fonction rénale et de la
capacité de synthèse protidique du foie [18]. Les taux de sérum
albumine peuvent être aussi plus faibles du fait d’une malnu-
trition. Par voie de conséquence, le pourcentage de fixation des
médicaments à cette protéine est plus faible. Cette hypoalbu-
minémie touche plus particulièrement la liaison des médica-
ments acides, qui ont un liaison diminuée de 12,5 % en
moyenne [18].
L’α1-glycoprotéine acide lie préférentiellement les molé-
cules de nature basique c’est à dire chargées positivement au
pH plasmatique. De nombreux médicaments, tels que le pro-
pranolol, l’imipramine la carbamazépine et le vérapamil se
lient avec une affinité importante à cette protéine [16]. Mais,
les concentrations plasmatiques en α1-glycoprotéine acide
étant beaucoup plus faibles que celles de l’albumine, la capacité
totale de fixation sur cette protéine des molécules basiques est
faible et saturable aux concentrations thérapeutiques. Ces
molécules basiques se lient donc aussi à l’albumine sur des sites
en grand nombre et spécifiques.
Le rôle biologique de l’α1-glycoprotéine acide est encore
mal défini, cette protéine augmente dans certains états tels que
les traumatismes, les infections en particulier myocardiques,
les cancers, les phénomènes inflammatoires et même le stress.
On peut donc s’attendre à une augmentation de cette protéine
chez le sujet âgé et donc à une augmentation de la liaison des
médicaments basiques, mais cette modification reste faible et
sans grande conséquence [19].
Les lipoprotéines lient des molécules lipophiles neutres et
basiques, telles que la quinidine, l’amitriptyline et le diltiazem.
Il a été montré que les lipoprotéines lient certaines molécules
quand les autres protéines sont saturées [16]. Les taux de ces
protéines (VLDL, LDL et HDL) augmentent avec l’âge. Mais
leur rôle étant moins important quantitativement que celui de
l’albumine et de l’α1-glycoprotéine acide, leurs variations ont
peu ou pas de répercussion sur la pharmacocinétique des médi-
caments qui leur sont liés.
En conclusion, les protéines plasmatiques capables de lier
les médicaments sont nombreuses et de nature très différentes.
Tandis que les molécules à caractère acide se fixent essentielle-
ment à l’albumine, les médicaments neutres ou basiques de
fixent à différents types de protéines. En conséquence, chez le
sujet âgé, la liaison aux protéines plasmatiques peut être dimi-
nuée, pour des médicaments acides très liés, tels que les cépha-
losporines ou les antiinflammatoires ou globalement inchan-
gée.
L’augmentation de la fraction libre plasmatique (fu)
entraîne :
– une diminution transitoire de la concentration plasmatique
totale ;
– une augmentation probable des concentrations tissulaires ;
– une modification du volume de distribution qui peut être à
l’origine d’une majoration des effets thérapeutiques ou de
l’apparition de phénomènes toxiques.
Il faut donc souligner l’influence de la fixation protéique
sur la valeur du volume apparent de distribution.
Modification de la fixation protéique
et modification du volume de distributions
D’une manière générale, le volume de distribution d’un
médicament dépend de ses caractéristiques physicochimiques
et de sa liaison aux protéines plasmatiques et tissulaires.
Les molécules ayant un caractère hydrophile seront pré-
férentiellement confinées dans le compartiment sanguin et les
liquides interstitiels. Une diminution de leur liaison plasmati-
que ne modifiera pas significativement la distribution de tels
médicaments. Par contre, les molécules lipophiles traversent
facilement les membranes biologiques et ont de grand volume
de distribution d’autant plus important que leur liaison tissu-
laire est importante. Certains médicaments, comme l’amioda-
rone, la digoxine et les antidépresseurs tricycliques entrent
dans cette catégorie. Mais le changement de leur volume de
distribution est plutôt dû au modification des compartiments
tissulaires qu’à la diminution de la fixation plasmatique chez le
sujet âgé.
En conclusion, plusieurs auteurs s’accordent pour dire
que le changement induit par l’âge dans la composition des
compartiments tissulaires joue un rôle plus important dans la
F. Péhourcq, M. Molimard
Rev Mal Respir 2002 ; 19 : 356-62
8S28
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