10e s J I R P 씰 MISES 씰 MISES AU POINT AU POINT INTERACTIVES INTERACTIVES H. DESOMBRE Unité de Psychologie Médicale de Liaison, Hospices Civils de Lyon, Hôpital Femme Mère Enfant, BRON. Parents déprimants, enfant déprimé a dépression de l’enfant reste une réalité concrète comme en témoignent les chiffres de prévalence qui se situe, selon les études, entre 0,2 et 2 % pour la tranche des 6-12 ans, et de 1 à 5 % pour les 13-19 ans. Son retentissement est important en termes d’adaptation psychosociale, de développement de la personnalité et du fait de son évolution péjorative (fréquence des rechutes). L Ce constat nous amène à souligner l’importance du dépistage et de la prévention qui peuvent se faire non seulement par la reconnaissance des signes cliniques précoces et des symptômes infracliniques, mais aussi par la connaissance des éléments de vulnérabilité. Il est maintenant bien établi que la dépression de l’enfant est la résultante de l’association d’une vulnérabilité individuelle et/ou d’une vulnérabilité familiale et de facteurs précipitants tels les événements de vie adverses. ❚❚ LES PARENTS “DEPRIMES” Les travaux analysant les conséquences pour un enfant d’avoir un ou ses deux parents déprimés se sont récemment multipliés (tableau I). De leur diversité se dégage une constante : les enfants de parents déprimés sont une population à risque psychiatrique. Toutefois, il apparaît que la nature et l’importance de ce risque sont très variables. Certains auteurs (Beardslee et al., 1996) montrent que le risque de survenue d’un épisode dépressif majeur (EDM) est de 34 % (vs 18 %) si un des parents a présenté lui-même un EDM ; d’autres (Weismann et al., 1997) rapportent une prévalence de 60 % de troubles psychiatriques dont 40 % de troubles dépressifs chez les enfants de parents ayant eu un EDM. Plus récemment, Feder et al. (2008) confirment ces ● Chez le nouveau-né : – troubles de l’attachement, – troubles du sommeil, – troubles de l’alimentation. ● Chez le jeune enfant : – troubles oppositionnels avec provocation, – difficultés relationnelles avec les pairs, – troubles émotionnels (troubles anxieux, troubles thymiques, difficultés de séparation…), – difficultés cognitives. ● Chez l’enfant d’âge scolaire et chez l’adolescent : – troubles des conduites, – troubles émotionnels (troubles anxieux, troubles thymiques, difficultés de séparation…), – ADHD et difficultés dans les apprentissages. Tableau I : Conséquences de la dépression parentale. chiffres avec une prévalence de 34,6 % de troubles dépressifs (vs 6 %) chez les enfants dont la mère a présenté un EDM. Il en est de même des résultats présentés par Tully et al. (2008) qui montrent l’influence de l’environnement, avec augmentation de la psychopathologie chez l’adolescent quand la mère est déprimée. Globalement, il est reconnu que le risque de développer un trouble psychiatrique est 2,5 fois plus élevé si un des parents présente un trouble bipolaire. Le risque de dépression chez l’enfant est d’autant plus important que la dépression parentale est chronique et/ou survient de manière précoce dans le développement de l’enfant. Ce risque est augmenté s’il existe une comorbidité chez les parents, c’est-à-dire si la dépression est associée à de l’anxiété, un abus d’alcool, une dépendance aux drogues… Parmi les tableaux dépressifs, la dépression du postpartum doit particulièrement être repérée du fait de sa survenue durant une période clé du développement psychoaffectif et par là-même du fait de ses conséquences. La prévalence est Parents déprimants, enfant déprimé importante puisqu’elle touche 10 à 15 % des accouchées. On parle de dépression du postpartum quand la dépression survient durant l’année suivant l’accouchement ; toutefois, généralement, elle débute dans les 4 à 6 semaines après, soit après un baby-blues, soit après une période normothymique. Son début est souvent insidieux, donc difficilement repérable. Son diagnostic reste difficile tant il est impensable d’admettre qu’une jeune mère puisse être déprimée, tout à la joie d’accueillir et de s’occuper de son enfant (tableau II). Bien souvent aussi, le regard du clinicien pédiatre est tourné essentiellement vers l’enfant, et il est fait abstraction du processus de “maternalité”. Outre les critères habituels de la dépression, on constate au niveau interactionnel que ces mères apparaissent plus en retrait, moins engagées dans l’interaction, irritables, supportant difficilement les mouvements d’autonomisation de leur enfant. Le diagnostic de la dépression du postpartum est un enjeu fondamental, tant les conséquences sont importantes, mais malheureusement une majorité reste non identifiée ; aussi, tout professionnel de la santé rencontrant de jeunes mères devrait se souvenir de quelques questions “clés” pouvant aider à son repérage (tableau III). Femme jeune ● Conflits conjugaux ● Difficultés socio-économiques ● Absence de relation amicale et de soutien ● Célibat ● Décès de la mère pendant l’enfance ● Parité élevée (plus de trois enfants jeunes au foyer) ● Evénement de vie stressant ● Tableau II : Facteurs de risque pour la dépression du postpartum. Comment ressentez-vous le fait d’être venue une nouvelle maman ? ● Etes-vous heureuse de la naissance de votre bébé ? ● Trouvez-vous qu’il est facile ou difficile de s’occuper de votre bébé? ● Comment vont les choses dans votre famille ? ● Etes-vous assez reposée ? ● Comment est votre appétit ? ● Durant le dernier mois, vous êtes-vous sentie envahie par un sentiment de tristesse ou de désespoir ? ● Durant le dernier mois, avez-vous éprouvé moins de plaisir ou d’intérêt à faire les choses ? ● The American Academy of Pediatrics, Task Force on the Family, 2003. Tableau III : Repérage de la dépression du postpartum : des questions “clés” ! ❚❚ LES PARENTS “DEPRIMANTS” A côté de ces parents “déprimés” au sens nosographique du terme, il est important d’envisager aussi que des parents, sans pour autant être déprimés, puissent être “déprimants”. Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’apparition d’un trouble dépressif peut être attribué à la conjonction d’une vulnérabilité individuelle et/ou familiale et de facteurs précipitants. Le rôle des relations interpersonnelles dans la vulnérabilité dépressive est maintenant bien reconnu, en ce sens que le manque de renforcement externe (par les parents par exemple…) et un déficit de compétences sociales créent une condition favorable pour l’apparition de troubles dépressifs. Les études rétrospectives menées chez des sujets déprimés retrouvent de manière fréquente des antécédents de dysfonctionnements dans les relations parents-enfants. Ces difficultés concernent aussi bien des attitudes de rejet et une carence d’affection que des comportements de surprotection et de vigilance anxieuse, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes d’estime de soi pour l’enfant. Cette altération de l’estime de soi augmenterait le risque de survenue d’une symptomatologie dépressive dans les suites d’un événement traumatique. ❚❚ CONCLUSION La prévention de la dépression de l’enfant justifie une attention vigilante des professionnels de la santé et tout particulièrement des pédiatres qui sont en première ligne pour repérer non seulement les premiers signes cliniques, mais aussi les facteurs de vulnérabilité que peuvent être les parents “déprimés” et “déprimants”. Il s’agira alors pour eux d’apporter une guidance et un soutien à l’enfant et à ses parents, de coordonner la prise en charge multidisciplinaire parfois nécessaire, et de se souvenir (pour terminer sur une note optimiste…) que plus l’enfant aura de bonnes compétences sociales, un tempérament marqué par l’adaptabilité, une bonne connaissance de la maladie dépressive de ses parents, plus il sera capable d’être résilient et moins vulnérable face à un parent “déprimé” ou “déprimant”. ■ Bibliographie 1. Inserm, Troubles mentaux : Dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent, 2002. 2. MARCELLI D. La dépression maternelle périnatale : incidence sur le bébé et le jeune enfant. Arch Pediatr, 1999 ; 6 Suppl. 2 : 370-3. 3. PSYCHOSOCIAL PAEDIATRICS COMMITTEE, CANADIAN PAEDIATRIC SOCIETY. Maternal depression and child development. Paediatr Child Health, 2004; 9: 575-83. L’auteur a déclaré ne pas avoir de conflit d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.