Parents déprimants, enfant déprimé
importante puisqu’elle touche 10 à 15 % des accouchées. On
parle de dépression du postpartum quand la dépression sur-
vient durant l’année suivant l’accouchement ; toutefois, géné-
ralement, elle débute dans les 4 à 6 semaines après, soit après
un baby-blues, soit après une période normothymique. Son
début est souvent insidieux, donc difficilement repérable.
Son diagnostic reste difficile tant il est impensable d’admettre
qu’une jeune mère puisse être déprimée, tout à la joie
d’accueillir et de s’occuper de son enfant (tableau II). Bien
souvent aussi, le regard du clinicien pédiatre est tourné essen-
tiellement vers l’enfant, et il est fait abstraction du processus
de “maternalité”. Outre les critères habituels de la dépression,
on constate au niveau interactionnel que ces mères apparais-
sent plus en retrait, moins engagées dans l’interaction, irri-
tables, supportant difficilement les mouvements d’autonomi-
sation de leur enfant.
Le diagnostic de la dépression du postpartum est un enjeu
fondamental, tant les conséquences sont importantes, mais
malheureusement une majorité reste non identifiée ; aussi,
tout professionnel de la santé rencontrant de jeunes mères
devrait se souvenir de quelques questions “clés” pouvant
aider à son repérage (tableau III).
❚❚ LES PARENTS “DEPRIMANTS”
A côté de ces parents “déprimés” au sens nosographique du
terme, il est important d’envisager aussi que des parents, sans
pour autant être déprimés, puissent être “déprimants”. Comme
nous l’avons évoqué précédemment, l’apparition d’un trouble
dépressif peut être attribué à la conjonction d’une vulnérabilité
individuelle et/ou familiale et de facteurs précipitants.
Le rôle des relations interpersonnelles dans la vulnérabilité
dépressive est maintenant bien reconnu, en ce sens que le
manque de renforcement externe (par les parents par
exemple…) et un déficit de compétences sociales créent une
condition favorable pour l’apparition de troubles dépressifs. Les
études rétrospectives menées chez des sujets déprimés retrou-
vent de manière fréquente des antécédents de dysfonctionne-
ments dans les relations parents-enfants. Ces difficultés concer-
nent aussi bien des attitudes de rejet et une carence d’affection
que des comportements de surprotection et de vigilance
anxieuse, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en
termes d’estime de soi pour l’enfant. Cette altération de l’estime
de soi augmenterait le risque de survenue d’une symptomatolo-
gie dépressive dans les suites d’un événement traumatique.
❚❚ CONCLUSION
La prévention de la dépression de l’enfant justifie une attention
vigilante des professionnels de la santé et tout particulièrement
des pédiatres qui sont en première ligne pour repérer non seu-
lement les premiers signes cliniques, mais aussi les facteurs de
vulnérabilité que peuvent être les parents “déprimés” et “dépri-
mants”. Il s’agira alors pour eux d’apporter une guidance et un
soutien à l’enfant et à ses parents, de coordonner la prise en
charge multidisciplinaire parfois nécessaire, et de se souvenir
(pour terminer sur une note optimiste…) que plus l’enfant aura
de bonnes compétences sociales, un tempérament marqué par
l’adaptabilité, une bonne connaissance de la maladie dépres-
sive de ses parents, plus il sera capable d’être résilient et moins
vulnérable face à un parent “déprimé” ou “déprimant”. ■
Bibliographie
1. Inserm, Troubles mentaux : Dépistage et prévention chez l’enfant et l’ado-
lescent, 2002.
2. MARCELLI D. La dépression maternelle périnatale : incidence sur le bébé et
le jeune enfant. Arch Pediatr, 1999 ; 6 Suppl. 2 : 370-3.
3. PSYCHOSOCIAL PAEDIATRICS COMMITTEE, CANADIAN PAEDIATRIC SOCIETY. Mater-
nal depression and child development. Paediatr Child Health, 2004; 9: 575-83.
●Femme jeune
●Conflits conjugaux
●Difficultés socio-économiques
●Absence de relation amicale et de soutien
●Célibat
●Décès de la mère pendant l’enfance
●Parité élevée (plus de trois enfants jeunes au foyer)
●Evénement de vie stressant
●Comment ressentez-vous le fait d’être venue une nouvelle
maman?
●Etes-vous heureuse de la naissance de votre bébé?
●Trouvez-vous qu’il est facile ou difficile de s’occuper de votre bébé?
●Comment vont les choses dans votre famille?
●Etes-vous assez reposée?
●Comment est votre appétit?
●Durant le dernier mois, vous êtes-vous sentie envahie par un
sentiment de tristesse ou de désespoir?
●Durant le dernier mois, avez-vous éprouvé moins de plaisir ou
d’intérêt à faire les choses?
The American Academy of Pediatrics, Task Force on the Family, 2003.
Tableau II: Facteurs de risque pour la dépression du postpartum.
Tableau III: Repérage de la dépression du postpartum: des questions “clés”!
L’auteur a déclaré ne pas avoir de conflit d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.