14. TRANSPLANTATION DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOIETIQUE maj 2010 14.1. INTRODUCTION………………………………………………………………. 3 14.2. INDICATIONS………………………………………………………………….. 3 14.3. SOURCES DE CSH…………………………………………………………… 4 14.3.1. La moelle osseuse…………………………………………………. 4 14.3.2. Le sang périphérique……………………………………………… 4 14.3.3. Le sang placentaire………………………………………………… 5 14.4. PRINCIPE………………………………………………………………………. 5 14.4.1. Les greffes allogéniques…………………………………………. 14.4.1.1. Le donneur ………………………………………………… 14.4.1.2. Le déroulement de la greffe………………………………. 14.4.1.2.1. Traitement du receveur ………………………… 14.4.1.2.2. L'injection des CSH au receveur ……………… 14.4.1.2.3. La prise de greffe ……………………………….. 14.4.1.3. Mini-greffe…………………………………………………... 5 5 6 6 6 6 7 14.4.2. Les greffes autologues……………………………………………. 14.4.2.1. Avant la greffe …………………………………………….. 14.4.2.2. Le déroulement de la greffe ……………………………… 14.4.2.2.1. Traitement du receveur ………………………… 14.4.2.2.2. L'injection des CSH au receveur ……………… 14.4.2.2.3. La prise de greffe ………………………………. 7 7 7 7 8 8 14.5. COMPLICATIONS……………………………………………………………. 14.5.1. Greffes allogéniques………………………………………………. 14.5.1.1. Les complications immunologiques …………………….. 14.5.1.1.1. Le déficit immunitaire …………………………… 14.5.1.1.2. Les conflits immunologiques post-greffe …….. 14.5.1.1.3. Le rejet ……………………………………………. 14.5.1.1.4. La réaction du greffon contre l’hôte (GVHD)…. 14.5.1.2. Les complications non immunologiques ……………….. 14.5.1.2.1. Complications rénales …………………………. 14.5.1.2.2. Complications hépatiques ……………………… 14.5.1.2.3. Complications pulmonaires …………………….. 14.5.1.2.4. Complications endocriniennes ………………… 14.5.1.2.5. Autres complications ……………………………. 8 8 8 8 9 9 9 12 12 12 13 13 13 14.5.1.3. La mortalité liée à la greffe ……………………………….. 13 14.5.2. Greffes autologues…………………………………………………. 14.5.2.1. Les complications immunologiques …………………….. 14.5.2.2. Les complications non immunologiques ……………….. 14.5.2.3. La mortalité liée à la greffe ……………………………….. 14.5.2.4. Le risque de rechute de maladie maligne………………. 13 13 14 14 14 14.6. RESULTATS……………………………………………………………………. 15 14.6.1. Greffes allogéniques………………………………………………. 15 14.6.2. Greffes autologues…………………………………………………. 15 14.7. REFERENCES…………………………………………………………………. 16 14. TRANSPLANTATION DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOIETIQUE 14.1. INTRODUCTION Pour de nombreuses tumeurs, la relation dose-efficacité de la chimiothérapie est bien démontrée, mais utiliser ces médicaments à très fortes doses expose l’organisme à des toxicités limitant leurs administrations dont la plus fréquente est la toxicité hématologique ; celle-ci peut être palliée par la transplantation de cellules souches hématopoïétique (TCSH) récoltées à partir des cellules souches du sang périphérique (CSSP) d’un donneur ou dans sa moelle osseuse pour repeupler celle du receveur. La TCS peut être soit allogénique cela implique la TCSH d’un individu chez un autre, elle est dite syngénique lorsque le donneur est un jumeau identique ; soit autogénique lorsque les cellules souches utilisées sont celles du patient lui-même. 14.2. INDICATIONS La transplantation de cellules souches est indiquée pour traiter les patients ayant une insuffisance médullaire ou après une chimiothérapie (radiothérapie) intensive. L’indication est discutée au cas par cas en tenant compte de la pathologie, de l’âge du malade et de son statut hématologique précis indiquant un pronostic sans greffe, de l’existence ou non d’un donneur familial, des risques liés à la procédure estimés pour chaque cas, de la présence ou non d’une alternative thérapeutique. Dans le cas d’une allogreffe, les indications sont : Maladies malignes : o Leucémies, lymphomes, myélomes. o Syndrome myélodysplasique. o Neuroblastome. Maladies non malignes : o Aplasies médullaires constitutionnelles (maladie de Fanconi) ou acquises. o Déficits immunitaires combinés sévères. o Hémoglobinopathies (thalassémie, drépanocytose). o Déficit enzymatique portant sur le tissu hématopoïétique (maladie de Gaucher,…). Pour une autogreffe, les indications sont : Hémopathies malignes (environ 85%) : o Leucémies, lymphomes, myélomes. o Maladie de Hodgkin. o Myélodysplasies. Certaines tumeurs solides (sein, ovaires, testicules, poumons, système nerveux,…). Sarcome des tissus mous. Certaines maladies auto-immunes (sclérose en plaque, lupus,…). 14.3. SOURCES DE CSH 14.3.1. La moelle osseuse C’est la première source de CSH, utilisée dans le cadre des allogreffes et des autogreffes. La moelle (liquide au centre de l’os) est prélevée, sous anesthésie, au niveau des crêtes iliaques ou du sternum. Le volume de moelle prélevée varie en fonction le poids du receveur ; en moyenne de 600 ml à 1 litre, (cela représente environ 2 à 3 x 108 cellules nucléées/kg de poids de receveur), les progéniteurs hématopoïétiques se trouvent dans les cellules nucléées de la moelle, celles-ci sont cryopréservées jusqu’à ce qu’elles soient utilisées. Lors des greffes allogéniques, pour améliorer le confort du donneur, on lui propose une autotransfusion : deux semaines avant le don de moelle, un prélèvement de sang est réalisé sur le donneur (300 à 400 ml) ; la poche est ensuite conservée et transfusée à ce même donneur juste après le prélèvement de moelle afin de compenser la perte sanguine. 14.3.2. Le sang périphérique Le sang périphérique adulte renferme physiologiquement un très petit nombre de CSH non utilisables en pratique. Les CSH peuvent être mobilisées grâce à l'administration de facteurs de croissance hématopoïétiques (G-CSF). Ces CSH sont ensuite recueillies 4 à 5 jours plus tard par cytaphérèse (récolte de cellules par centrifugation du sang). Cette source de CSH est utilisée dans les autogreffes et de plus en plus souvent dans les allogreffes; les cellules sont mobilisées, soit après un cycle de chimiothérapie aplasiante (cyclophosphamide à haute dose) suivi de l’administration d’un facteur de croissance (autogreffe), soit après administration du seul facteur de croissance (allogreffe). L’intérêt des greffes de cellules souches du sang périphérique est lié au fait que : On évite l’anesthésie générale et l’acte chirurgical liés à la greffe de moelle. On peut recueillir un plus grand nombre de progéniteurs hématopoïétiques. La récupération hématopoïétique est plus rapide ce qui réduit la morbidité et la mortalité post-greffe. On peut envisager une greffe pour des patients dont les crêtes iliaques sont envahies par des cellules tumorales ou ont été irradiées (autogreffe). La récolte, parmi le prélèvement, de cellules CD34+ accélère la récupération hématologique. Cela est dû au fait que le caractère antigénique CD34 correspond à une protéine de membrane retrouvée sur les cellules souches les plus immatures et aussi sur des progéniteurs ; ces cellules CD34+ sont celles qui, en nombre suffisant, garantissent une bonne et rapide reconstitution hématologique. 14.3.3. Le sang placentaire Le sang contenu dans le cordon ombilical renferme un grand nombre de CSH, même si le volume de sang disponible n’est pas élevé (80 à 200 ml). Ces CSH sont utilisées dans le cadre d’allogreffes familiales ou non apparentées. Les CSH de sang placentaire sont intéressantes car le cordon est riche en cellules souches hématopoïétiques qui ne sont pas tout à fait immunocompétentes. Les lymphocytes donc sont moins actifs ce qui suscite moins de GVH (voir point 14.5.1.1.4). Cela permet un peu plus de liberté en matière de compatibilité HLA sans pour autant aggraver les risques de complications immunologiques post-greffes. 14.4. PRINCIPE Le principe est d’assurer une immuno-suppression importante grâce au conditionnement pré-greffe et de restaurer l’hématopoïèse en injectant des CSH prélevées antérieurement après stimulation par un facteur de croissance. 14.4.1. Les greffes allogéniques 14.4.1.1. Le donneur Il s’agit en général d’un donneur de moelle osseuse mais on s’oriente de plus en plus vers les prélèvements de CSH de sang périphérique. On identifie un donneur compatible en comparant les antigènes d’histocompatibilité ; ce sont des antigènes présents sur quasi toutes les cellules et propres à un individu, ce qui permet de le différencier des autres individus de la même espèce à l’exception des jumeaux monozygotes qui présentent toujours un génotype HLA identique. Ce système majeur d’histocompatibilité joue un rôle prédominant en matière d’immunité d’allogreffe et dépend d’une région chromosomique unique. Cette région comporte à la fois des gènes générateurs d’antigènes responsables de la formation d’anticorps et d’autres responsables de la stimulation de réactions à médiation cellulaire (ex. : lymphocytes T). Le système humain d’histocompatibilité (HLA : Human Leucocyte Antigen) comprend les antigènes de classe I (HLA A, B et C) et de classe II (HLA D). Pour une greffe de moelle, il faut que le donneur et le receveur soient HLA identiques, c’est-à-dire en pratique que les 6 antigènes (3 venant du père et 3 de la mère) HLA A, B et DR (approximation du locus HLA D) soient identiques. Des greffes partiellement incompatibles peuvent être réalisées sous certaines conditions. Le donneur peut être aussi soit le frère ou la sœur du receveur présentant un génotype HLA identique, un chromosome étant apporté par chaque parent, la probabilité que le frère ou la sœur ait un génotype identique est de 25%. Environ 30 % des patients susceptibles d’être greffés ont un donneur ‘idéal’ (jumeau monozygote ou frère histocompatible). Sinon, le donneur est choisi sur base d’un phénotype HLA identique, par exemple, un parent donneur pour son enfant et inversement ou un donneur non apparenté. En matière de greffe non apparentée, le recours aux CSH de sang placentaire devient de plus en plus fréquent. 14.4.1.2. Le déroulement de la greffe 14.4.1.2.1. Traitement du receveur Ce traitement, appelé aussi ''conditionnement'', est réalisé dans les jours qui précèdent la greffe et a un double but: - Il permet d’assurer une immuno-suppression suffisante du receveur afin d’empêcher le rejet de greffe. - Lorsque le malade est porteur d’une maladie tumorale, il doit aussi viser à éradiquer cette maladie. Le conditionnement fait appel, soit à une association chimiothérapie très intensive irradiation corporelle totale, soit à une chimiothérapie très intensive seule. Il consiste en une irradiation corporelle totale (TBI ou total body irradiation de l’ordre de 12 Gy), fractionnée (le plus souvent 6 séances en 3 jours), associée à une chimiothérapie intensive (cyclophosphamide à haute dose, cytosine-arabinosidemelphalan,…) ou parfois en une chimiothérapie seule (Busulfan à haute dose). On peut adjoindre, selon les cas, d’autres agents antitumoraux comme l’Etoposide, la Cytarabine ou une Anthracycline. 14.4.1.2.2. L'injection des CSH au receveur Elle se fait par voie veineuse au jour « zéro » et dure de 1 à 5 heures. 14.4.1.2.3. La prise de greffe Le conditionnement induit chez le receveur une aplasie médullaire sévère avec les complications anémiques, hémorragiques et infectieuses qui s’y attachent. La prise en charge de cette phase nécessite un encadrement transfusionnel soigneux (ne transfuser que des dérivés cellulaires irradiés pour éviter des réactions de type greffon contre hôte transfusionnelles, administrer des facteurs de croissance hématologique pour stimuler la prise, transfusions de plaquettes et de globules rouges), des précautions particulières vis-à-vis des risques infectieux (chambre stérile, décontamination digestive, alimentation stérile…). Le patient est gardé dans une chambre stérile jusqu’à ce que la greffe ait pris (entre 2 et 6 semaines). Après la période d’aplasie (2 à 3 semaines), la prise du greffon est assurée dans pratiquement tous les cas; le risque de non prise du greffon est de l’ordre de 1%. Les cellules du donneur recirculent progressivement assurant un ''chimérisme'' chez le receveur se traduisant par : Changement de groupe sanguin, caryotype sur moelle en cas de différence de sexe entre donneur et receveur, biologie moléculaire... 14.4.1.3. Mini-greffe Il est possible de greffer des cellules souches du sang périphérique d’un donneur familial ou non apparenté après un conditionnement réduit (par ex. Fludarabine + sérum antilymphocytaire et éventuellement cyclophosphamide), en réduisant la durée de l’immuno-suppression post-greffe et en injectant à distance de la greffe des lymphocytes du donneur. Ces "minigreffes" perdent l’effet positif du conditionnement à hautes doses par l’irradiation des cellules leucémiques et misent tout sur l’effet GVL (voir point 14.5.1.1.4). Ces greffes sont mieux tolérées, avec une mortalité directe moindre, ce qui permet à des patients plus âgés et/ou en moins bonne condition physique de bénéficier d’une greffe allogénique. Cette technique de greffe ne résout pas tout, du fait que l'injection des lymphocytes du donneur peut provoquer une GVHD aiguë parfois grave. Cette technique se fait à l’hôpital de jour, cela permet d’éviter au patient la chambre stérile. 14.4.2. Les greffes autologues 14.4.2.1. Avant la greffe Donneur et receveur sont la même personne. Le malade, porteur dans la majorité des cas d’une maladie maligne, bénéficie du prélèvement de CSH à un moment où le volume tumoral correspondant à la maladie initiale est le plus faible possible (rémission complète ou très bonne réponse partielle). Le plus souvent donc, le malade aura préalablement déjà subi un traitement cytoréducteur. Le recueil de CSH sanguines a lieu habituellement au décours d’un cycle de chimiothérapie suffisamment intensif pour entraîner une hypoplasie médullaire ; c’est après cette période d’aplasie accélérée par l’administration d’un facteur de croissance (G-CSF) que le prélèvement a lieu. Il peut également avoir lieu en dehors de toute chimiothérapie préalable, après que le patient ait reçu pendant 4 à 5 jours un facteur de croissance (G-CSF) à dose relativement élevée (posologie voir chapitre 13 : Facteur de croissance cellulaire). Le recours aux CSH d’origine médullaire est de moins en moins fréquent; le prélèvement a alors lieu à distance du dernier cycle de chimiothérapie. Le greffon sanguin ou médullaire est ensuite congelé en azote liquide, après un éventuel traitement préalable puis cryoconservé jusqu’à l’injection au patient. 14.4.2.2. Le déroulement de la greffe 14.4.2.2.1. Traitement du receveur Ce traitement, le ''conditionnement'', est comparable au traitement réalisé avant allogreffe; cependant, dans la majorité des cas où les patients sont porteurs de maladies malignes, il n’a qu’un but éradicateur. Dans les rares cas de maladies auto-immunes, ce conditionnement est délivré dans un but d’immuno-supression visant à supprimer l’auto-immunité. 14.4.2.2.2. L'injection des CSH au receveur Elle se fait par voie veineuse au jour « zéro », après décongélation au bain-marie. 14.4.2.2.3. La prise de greffe Le conditionnement induit chez le malade une aplasie médullaire sévère. La prise en charge de cette phase est comparable à celle concernant les allogreffes (encadrement transfusionnel, risque infectieux…) ; toutefois, la période d’aplasie est plus courte qu’après une allogreffe, d’autant plus qu’il s’agit de greffe de CSH provenant du sang périphérique. La prise du greffon est assurée dans pratiquement tous les cas. 14.5. COMPLICATIONS 14.5.1. Greffes allogéniques 14.5.1.1. Les complications immunologiques 14.5.1.1.1. Le déficit immunitaire Le conditionnement induit chez l’hôte un déficit immunitaire cellulaire et humoral transitoire (quelques mois) mais constant et important responsable d’éventuelles complications infectieuses : - Infections virales et notamment CMV, HSV, VZV, Haemophilus... - Infections mycosiques : Candida, Aspergillus… - Infections parasitaires : Pneumocystis Carinii - Infections dites opportunistes: BK, Legionnelle... Ces infections sont favorisées chez les patients en profonde neutropénie et restant sévèrement immunodéprimés longtemps après la récupération leucocytaire. Les infections proviennent souvent de la propre flore du patient. C’est pourquoi un traitement prophylactique est impératif. La prévention des infections à herpès (HSV), varicelle-zoster (VZV) et cytomégalovirus (CMV) est assurée par l’Aciclovir ou le Ganciclovir, les perfusions d’immunoglobulines polyvalentes et l’administration de produits sanguins CMV négatifs ou filtrés aux patients non porteurs du virus. Le Sulfaméthoxazole-Triméthoprime (Co-Trimoxazole) permet de prévenir les infections à Pneumocystis Carinii (pneumonies interstitielles) mais est potentiellement toxique pour la moelle, une alternative est actuellement la Pentamidine en aérosol. Le risque de pneumopathie interstitielle peut survenir dans les 3 à 6 mois après une allogreffe de CSH même si une étiologie infectieuse n’est pas toujours seule en cause (interaction avec les conséquences du conditionnement pré-greffe et notamment de l’irradiation pulmonaire). Les antifongiques (Fluconazole, Itraconazole,…) permettent de prévenir les infections par candida et autres champignons. Au moindre signe permettant de suspecter une infection, un traitement antibiotique IV est commencé sans attendre le résultat des cultures (ex. : pénicilline à large spectre ou céphalosporine de troisième génération + aminoglycosides). Posologie habituelle des principes actifs utilisés en prophylaxie : Principe actif Aciclovir Dose i.v: 250 mg/m² 2 x/jour oral : 200 mg 3 x/jour Co-trimoxazole oral : 2 comprimés 2 x/jour Pentamidine aérosol : 300 mg /4 semaines Fluconazole 400 mg/j ; 3 jours avant le début de neutropénie, poursuivre 7 jours après que neutrophiles >1000cellules/mm3. PS : Ces posologies sont à ajuster en cas d’insuffisance rénale. 14.5.1.1.2. Les conflits immunologiques post-greffe En dehors des greffes syngéniques, le risque potentiel de conflits immunologiques entre les cellules du greffon et les cellules ou tissus du receveur est toujours présent car, plus on s’éloigne de la situation de compatibilité HLA parfaite, plus le risque de conflit existe. En situation comparable de compatibilité HLA, cette complication est beaucoup plus importante s’il s’agit d’un donneur non apparenté. 14.5.1.1.3. Le rejet Le risque de rejet de greffe est très faible (environ 1%) en raison de la très importante immuno-suppression induite chez le receveur par le conditionnement. 14.5.1.1.4. La réaction du greffon contre l’hôte (GVHD) Le risque de réaction du greffon contre l’hôte est beaucoup plus important car les conditions d’apparition de celle-ci sont réunies : - Un receveur très immunodéprimé, incapable de rejeter les cellules allogéniques transfusées. - Un greffon riche en cellules allogéniques immunocompétentes (lymphocytes T) qui vont identifier les cellules et tissus du receveur comme ''étrangers'' au donneur. Cette réaction immunitaire (Graft Versus Host Disease: GVHD) est liée à la réactivité des cellules immunocompétentes du donneur contenues dans le greffon vis-à-vis d’antigènes cellulaires et/ou tissulaires (HLA ou non) du receveur amplifiée par l’action de nombreuses cytokines (IL2, TNFα, interféron γ...) produites suite à des lésions cellulaires et/ou tissulaires induites par le conditionnement et/ou par la GVHD. La GVHD survient dans près de 30% des cas après une allogreffe familiale génoidentique et plus de 80% des cas après une allogreffe phéno-identique. Elle se manifeste de deux façons : - GVHD aiguë s’observe entre 2 et 4 semaines après la greffe, sa période s’étend jusqu’à 100 jours après la greffe. Il s’agit d’une agression du patient par le système immunitaire du donneur avec, comme organes cibles, la peau (rash pouvant aller jusqu’à l’épidermolyse bulbeuse), le tube digestif (diarrhée), le foie (ictère) mais aussi les poumons (pneumopathie interstitielle). On distingue 4 grades de gravité (Tableau I), les GVHD de grades IV ayant une mortalité de près de 90%. Tableau I : grades de la GVHD aiguë Organes cibles Peau Foie Tube digestif Variable rash ictère: bilirubine diarrhée Grade I <25% SC* 1-3mg/dl 0.5-1l/jour Grade II 25 - 50 % SC* 3-6mg/dl 1-1.5l/jour Grade III érythrodermie 6-15mg/dl >1.5l/jour Grade IV épidermolyse bulbeuse >15mg/dl douleurs abdominales sévères ou hémorragies *SC : surface corporelle - GVHD chronique survient plus de 100 jours après la greffe et est souvent, mais pas systématiquement, précédée d’une GVHD aiguë. Elle atteint aussi la peau et les muqueuses (zones d’hypo- ou hyperpigmentation, sclérose, érythème, syndrome sec buccal et oculaire) et le foie (cytolyse, cholestase, voire ictère). Elle peut également se manifester par des phénomènes auto-immuns (avec présence d’auto-anticorps) et un tableau de sclérodermie ainsi qu’une bronchiolite oblitérante avec pneumopathie obstructive. Le traitement de la GVHD comprend deux parties: - Prévention : La meilleure prévention est le respect de l’histocompatibilité HLA. Un traitement immunosuppresseur est systématiquement administré : la Ciclosporine. L’action de cette molécule est spécifiquement dirigée contre la prolifération du lymphocyte T en intervenant sur la production en IL2. La Ciclosporine est prescrite le plus souvent pendant environ 6 mois. Sa toxicité, rénale notamment (potentialisée par le Cotrimoxazole, l’Aciclovir, l’Amphotéricine B), n’est pas négligeable. Le Méthotrexate est aussi utilisé en prophylaxie en combinaison avec la Ciclosporine mais à court terme. Le Mycophénolate Mofétil, le Tacrolimus, le Sirolimus et l’Everolimus sont des alternatives possibles. Dans la mesure où la GVHD est au moins initiée par les lymphocytes T contenus dans le greffon ; il a été facile, par des méthodes immunologiques, de débarrasser in vitro, avant l'injection au receveur, le greffon des cellules immunocompétentes qu’il contient. Ces techniques ont permis de diminuer considérablement l’incidence des GVHD graves mais, il est apparu que l’incidence des rejets de greffes était beaucoup plus élevée et que les patients atteints de maladies malignes avaient un risque de rechute post-greffe beaucoup plus important car la déplétion T du greffon entraînait la disparition des cellules immunocompétentes induisant la GVHD chez le receveur mais aussi des cellules immunocompétentes du donneur capables de détruire les lymphocytes T résiduels du receveur responsables d’un rejet de greffe (donc risque de rejet accru) et des cellules immunocompétentes du donneur capables de détruire les cellules malignes résiduelles du receveur (donc risque de rechute accru). Ces techniques sont actuellement reprises en essayant de réaliser des déplétions partielles sensées éliminer les lymphocytes responsables de la GVHD tout en conservant les autres. Par ailleurs, la constatation de l’élévation du risque de rechute après une allogreffe ''T-déplétée '' a permis la mise en évidence d’une véritable activité immunologique du greffon allogénique appelé ''effet GVL'': L’effet curateur de l’allogreffe en matière de maladie maligne est donc lié aux conséquences réductrices du conditionnement pré-greffe sur le volume tumoral mais aussi à une réelle immunothérapie exercée par le greffon vis-àvis de la maladie résiduelle du receveur. Inversement, le taux de rechute leucémique est plus élevé chez les jumeaux monozygotes. Il semblerait que l’effet G.V.L. soit médié par des cellules Natural-Killer et les lymphocytes T. - Traitement : o Traitement curatif de la GVHD aiguë : En cas de lésions cutanées strictement localisées, un traitement corticoïde local peut suffire. Si la maladie est plus évoluée, un recours aux immunosuppresseurs est nécessaire : - D’abord la corticothérapie (Prednisone ou (Méthyl)prednisolone). - Puis éventuellement, en cas de cortico-résistance, le sérum antilymphocytaire voire les anticorps monoclonaux (ATGFresenius®, Orthoclone-OKT3®, Thymoglobuline®,…) ; Leurs principaux effets secondaires sont : Fièvre, thrombopénie, choc anaphylactique. o Traitement curatif de la GVHD chronique : Il s’agit de recourir aux immunosuppresseurs : Corticoïdes, azathioprine, ... Il faut savoir que les traitements de la GVHD aggravent l’immunosuppression induite par le conditionnement pré-greffe et aggravent donc le risque infectieux pour le patient. Posologie générale des principes actifs généralement utilisés : Principe actif Methotrexate Utilisation Prévention Dose J1 :15mg/m² J3-6-11 :10mg/m² Ciclosporine Prévention i.v. :3-5mg/kg/jpuis et traitement PO:10mg/kg/j pdt 1 an (Methyl)prednis Traitement 2-40 mg/kg/j olone Azathioprine Traitement 1-5 mg/kg/j Mycophenolate Prévention 1-1,5 g/ 2x /jour mofetyl Tacrolimus Prévention 0,1-0,2mg/kg/j en 2 prises Globulines anti- Traitement 1-10 mg/kg/j lymphocitaires pdt 14 jours MuronomabTraitement 5 mg/j pdt 14 jours CD3 Effets secondaires prise greffe retardée mucosite,... hypertension, convulsions, néphrotoxicité, ictère,... hyperglycémie, infections, hypertension, ulcère,... Myélosuppression,... Leucopénie, anémie, troubles gastro-intestinaux, douleurs,... hypertension, douleur, toxicité rénale et hépatique, diabète, ... Fièvre, thrombopénie, choc anaphylactique,… Fièvre, myalgies, choc,… 14.5.1.2. Les complications non immunologiques 14.5.1.2.1. Complications rénales Liées à la toxicité néphrologique de la Ciclosporine, des antibiotiques utilisés lors du traitement d’infections dues aux chimiothérapies, à l’irradiation corporelle totale ou encore à la survenue d’un syndrome hémolytique et urémique induit par la GVHD ou par la Ciclosporine. 14.5.1.2.2. Complications hépatiques Au cours du premier mois après la greffe, peut survenir dans 10% des cas une maladie veino-occlusive du foie (MVO). Cette maladie est liée à une prolifération non maligne des cellules endothéliales des vaisseaux centro-lobulaires entraînant l’occlusion de ceux-ci. Les symptômes sont une hépatomégalie, une accumulation de liquides, une ascite, une jaunisse, une encéphalopathie et le décès dans environ 40% des cas suite à une défaillance hépatique. Le pronostic est souvent très sévère. La MVO est le reflet de l’agression de l’endothélium (médicaments, irradiation, cytokines, cellules immunocompétentes, virus...). Pour le traitement, on utilise le rtPA (activateur tissulaire du plasminogène recombiné = altéplase). En dehors de cette situation, le foie est fréquemment lésé, essentiellement en raison des nombreuses toxicités médicamenteuses. 14.5.1.2.3. Complications pulmonaires Conséquence du conditionnement (irradiation), de la GVHD, des manifestations infectieuses (risque de fibrose). Une surveillance fonctionnelle est nécessaire. 14.5.1.2.4. Complications endocriniennes - - Les gonades : La probabilité de stérilité est très importante en raison de la toxicité du conditionnement sur les cellules reproductrices. La croissance est très souvent affectée chez le jeune enfant après greffe de CSH surtout s’il y a eu irradiation corporelle totale. Celle-ci est contre-indiquée chez l’enfant de moins de 3 ans. La thyroïde : Une hypothyroïdie liée à l’irradiation est possible. 14.5.1.2.5. Autres complications - - Ophtalmologiques : Suite à l’irradiation corporelle totale, le risque de survenue de cataracte quelques mois ou années après la greffe est possible d’autant plus qu’il y a eu un traitement par corticoïdes. Osseuses : Après traitement par corticothérapie prolongée, les patients peuvent être atteints d’une ostéonécrose des têtes fémorales et/ou humérales. Les risques de cancer secondaires ne sont pas négligeables (lymphomes, mélanomes…). 14.5.1.3. La mortalité liée à la greffe L’ensemble des complications immunologiques et non-immunologiques induit une mortalité liée à la procédure (indépendante de la pathologie initiale pour laquelle le malade a été greffé) de l’ordre de 15 à 30%. Ce risque est variable avec l’âge du malade, ses antécédents, l’importance des traitements antérieurs, le degré de compatibilité HLA entre donneur et receveur... Il faudra, dans tous les cas, tenir compte de ce risque de mortalité liée à la greffe lors du choix du traitement. 14.5.2. Greffes autologues 14.5.2.1. Les complications immunologiques Le conditionnement induit chez le malade un déficit immunitaire cellulaire et humoral transitoire, constant mais moins important et moins durable qu’après allogreffe et pouvant être responsable d’éventuelles complications infectieuses. 14.5.2.2. Les complications non immunologiques Les risques de complications liées à la "toxicité" propre de la procédure sont considérablement moins élevés qu’après allogreffe. 14.5.2.3. La mortalité liée à la greffe Est considérablement moins importante qu’en cas de greffe allogénique, le plus souvent nettement inférieure à 5%. 14.5.2.4. Le risque de rechute de maladie maligne Est beaucoup plus important qu’après allogreffe, en effet : - L’effet GVL n’existe pas après greffe de CSH autologues. - Le greffon, même prélevé à un moment de la maladie où le volume tumoral est supposé très faible (rémission complète ou très bonne réponse partielle) peut renfermer des cellules malignes résiduelles pouvant participer à la rechute post-greffe. On peut essayer de débarrasser le greffon de cellules tumorales résiduelles : Ce sont des ''purges''. Celles-ci peuvent être: - négatives : Dans ce cas, le principe est de détruire les cellules tumorales. Les purges négatives peuvent être : o Chimiques : Incubation ex-vivo avant congélation du greffon avec un dérivé d’un agent cytotoxique (le plus souvent un agent alkylant) o Immunologiques : Incubation du greffon avec un (ou plusieurs) anticorps monoclonal(aux) capable(s) de reconnaître un (ou plusieurs) antigène(s) à la surface de la cellule tumorale; les cellules malignes sont ensuite détruites (complément) ou séparées des CSH saines par des méthodes de tri cellulaire. Malheureusement peu d’antigènes cellulaires sont spécifiques d’une tumeur... - positives. Le principe est de n’extraire du greffon que les CSH saines et de ne cryoconserver que celles-ci. Les CSH se trouvent dans une fraction cellulaire dite ''CD 34 positive''. Il est possible d’isoler par des procédés immunologiques les cellules CD34+ et de ne cryoconserver que cette fraction mais il faut d’abord s’assurer que les cellules malignes caractérisant la maladie du patient ne soient pas elles-mêmes CD 34+. 14.6. RESULTATS 14.6.1. Greffes allogéniques Les résultats varient en fonction des facteurs précédemment cités (risque de mortalité propre à la procédure, risque de rechute propre à la pathologie initiale et statut de celle-ci avant la greffe). Pour les leucémies aigues, la survie sans rechute à cinq ans chez l’adulte se situe aux alentours de 60% (greffes en première rémission) et de 40% (greffe en seconde rémission), tandis que chez l’enfant, la survie à cinq ans se situe aux environs de 80% (première rémission) et de 60% (seconde rémission). En ce qui concerne le myélome, la survie à cinq ans est particulièrement faible : 25% (première rémission) et 35% (seconde rémission). Dans les leucémies myéloïdes chroniques, la survie à cinq ans est de 60% (maladie en phase chronique) et de 40% (maladie en phase accélérée). 14.6.2. Greffes autologues Les résultats varient en fonction des indications et du statut de la maladie au moment de la greffe. Néanmoins, il est nettement préférable que la maladie soit au moment de la greffe à un niveau le plus bas possible ; les résultats des greffes faites en situation d’état réfractaire à la chimiothérapie sont particulièrement médiocres. Pour le myélome, l’autogreffe de CSH ne permet que, de façon exceptionnelle, de réelles guérisons. Par contre, lorsque ces greffes, sont réalisées précocement, c’est-à-dire intégrées au schéma thérapeutique initial, elles allongent de façon significative la durée de survie des malades (60% de survie à 3 ans). La double autogreffe (transplantation en tandem) permet une survie moyenne de 5 à 10 ans pour les patients avec un myélome de bon pronostic. Cette double transplantation est supérieure à deux greffes séparées par une rechute. Pour les leucémies aiguës, les autogreffes sont réalisées en l’absence de donneur compatible avec le patient. La survie sans rechute à trois ans se situe aux alentours de 50% (greffes en première rémission) et de 40% (greffes en seconde rémission). Dans la leucémie myéloïde chronique, l’autogreffe de CSH est conçue plus comme une technique thérapeutique susceptible de ''rajeunir'' la maladie que comme un moyen de guérir les malades. Le plus souvent, la greffe est pratiquée en phase accélérée de la maladie ce qui permet un retour en phase chronique et ainsi de restaurer une certaine sensibilité à l’Interféron qui a été perdue au moment de l’accélération. Pratiquée en phase chronique, elle permet d’allonger la durée de celle-ci. En matière de cancer du sein, il apparaît que l’autogreffe de CSH est capable d’allonger la survie des patientes surtout s’il s’agit de forme d’emblée évolutive. 14.7. REFERENCES - Compendium 2005, 23eme édition, AGIM. Répertoire commenté des médicaments, 2007, Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique. Drug Information Handbook, 15eme édition, Lexi-comp. Clinical Bone Marrow and Blood Stem Cell Transplantation, K. Atkinson. Les greffes de cellules souches hématopoïétiques, J.P. Jouet, juin 2002. www.ebmt.org