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I. Insertion des légumineuses dans les systèmes de culture : source d'azote
symbiotique et de diversification des assolements
Chapter · September 2018
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Dynamics of Soil Carbon Sequestration in Tropical and Temperate Agricultural systems (DSCATT) View project
Thesis View project
Anne-Sophie Voisin
French National Institute for Agricultural Research
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SEE PROFILE
Françoise Vertes
French National Institute for Agricultural Research
116 PUBLICATIONS1,082 CITATIONS
SEE PROFILE
Marie-Helene Jeuffroy
French National Institute for Agricultural Research
291 PUBLICATIONS5,828 CITATIONS
SEE PROFILE
Eric Justes
Cirad - La recherche agronomique pour le développement
290 PUBLICATIONS4,947 CITATIONS
SEE PROFILE
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I. Insertion des légumineuses dans les systèmes
de culture : source d’azote symbiotique et
de diversification des assolements
Anne Schneider (Terres Inovia)
Christian Huyghe, Anne-Sophie Voisin, François Gastal, Françoise Vertès,
Marie-Hélène Jeuffroy, Éric Justes, Pascal Thiébeau, Pierre Cellier (INRA),
Guénaëlle Hellou (ESA), Jean-Pierre Cohan (Arvalis)
Plantes dicotylédones de la famille botanique des Fabacées, les légumineuses se différen-
cient des autres cultures surtout par leur alimentation azotée : leur croissance optimale ne
nécessite pas d’intrants azotés, car elles ont la capacité unique d’utiliser l’azote de l’air
ambiant grâce à une symbiose avec des bactéries fixatrices d’azote présentes dans le sol.
Quel que soit son mode d’exploitation, la culture de légumineuses produit des matières
premières, feuilles ou graines, riches en protéines et énergies pour l’industrie agroalimen-
taire. Les spécificités des légumineuses apportent des atouts majeurs pour la durabilité des
systèmes agricoles (ouvrage collectif coordonné par Schneider et Huyghe, 2015). En effet,
les légumineuses permettent une diversification des cultures favorable à la régulation des
bioagresseurs et elles introduisent de l’azote symbiotique dans les sysmes de productions,
réduisant ainsi directement et indirectement des risques de dommages environnementaux
liés à la production et l’application d’intrants azotés (encadré 10.1). Pourtant, après une
réduction drastique de leurs surfaces cultivées depuis les années 1960, les légumineuses
restent très faiblement présentes dans les champs cultivés français actuels. Comme analysé
dans Magrini et al. (2015), on constate que les systèmes agro-industriels dominants se sont
structurés petit à petit (depuis 50 ans) autour d’un paradigme fondé sur la simplification
des assolements maîtrisés par l’agrochimie et les critères de sélection génétique associés.
Cependant, ce modèle se heurte de plus en plus à des impasses techniques (résistances aux
herbicides notamment) et pose des problèmes de dégradation de la qualité de l’environ-
nement, et in fine, remet en question la pérennité du capital de production des agricul-
teurs, donc la durabilité globale des systèmes agricoles.
A. Introduction
1. Différents modes d’insertion et d’exploitation des légumineuses
On distingue trois catégories de légumineuses selon leur mode d’exploitation et leur usage
dans les systèmes agricoles (figure 10.1) :
Q les légumineuses à graines (pois, féverole, lupins, soja, lentille, pois chiche, haricots),
exploitées en culture monospécifique (cas le plus répandu) ou en association avec des
non-légumineuses : source de graines riches en protéines et amidon, de services écosys-
témiques de soutien et de régulation dans le système ;
Q les légumineuses fourragères et prairiales, exploitées par fauche ou/et pâturage : source
de biomasse riche en protéines et de services écosystémiques de soutien, régulation et
biodiversi; les légumineuses fourragères et prairiales sont en général cultivées sur 2 à
Sysmes de cultures et
gestion des nutriments
10
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Systèmes de cultures et gestion des nutriments
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5 ans, soit en culture monospécifique dans les prairies dites « artificielles » (luzerne,
trèfle violet ou sainfoin), soit en association avec des non-légumineuses (graminées le
plus souvent) dans les prairies dites « temporaires » bi- ou multispécifiques ; ces prairies
semées sont désignées comme « permanentes » au-delà de 5 ans d’utilisation, ce qui est
fréquent pour les prairies à base de graminées – trèfle blanc ;
Q les légumineuses noncoltées (pois, vesce, lentille, féverole, lupins, tfles, gesses), utili-
es uniquement pour des services écosystémiques de soutien et de régulation, en couverts
intermédiaires souvent en lange avec des non-gumineuses, ou en couverts assocs à
une culture de rente, avec une croissance de quelques mois ou de plus d’un an.
Culture de rente de légumineuse avant une non-légumineuse
Culture de rente de légumineuse associée à un couvert de non-légumineuse
Légumineuse(ou
parfois mélange dans
le cas d’un couvert) Culture récoltée Couvert (non récolté)
Récolte
R
Culture de rente de non-légumineuse associée avec un couvert de légumineuse
Cultures associées légumineuse et non-légumineuse
(2 produits récoltés en 1 campagne)
RR
R
R
RRCouvert d’interculture (non récolté : ou récolté pour avoir 3 cultures
en 2 ans : « culture dérobée » ou « CIVE »)
R
R
RRCouvent relais
RR
R
R
RCouvert relais qui devient une culture
Couvert (semi)permanent (semé avec
une culture de rente ou en relais)
Campagne N Campagne N+1 Campagne N+2
temps
VFigure 10.1 : Différents modes d’insertion des légumineuses dans les successions et les associations
végétales.
Source : Jeuffroy et al., 2015
2. Gestion des systèmes avec légumineuses et fertilisation
Pour mener à bien l’insertion des légumineuses dans les systèmes de culture, trois éléments
doivent être pris en compte : les objectifs visés par l’agriculteur, l’environnement socioéco-
nomique dans lequel l’exploitation est insérée et le contexte pédoclimatique des parcelles.
Concevoir les systèmes de culture avec légumineuses et piloter leur fertilisation requièrent
une bonne compréhension des fournitures azotées spécifiques des gumineuses, variables
selon leurs modes d’insertion dans la succession culturale, le mode d’exploitation de leurs
produits et les conditions pédoclimatiques. Cette variabilité et la compréhension limitée
de ses facteurs majeurs explicatifs incitent souvent à sous-estimer le gain de rendement et
la baisse de dose d’engrais azoté à réaliser sur les cultures compagnes ou suivantes. De
plus, les effets des légumineuses sur les systèmes de cultures ne se limitent pas aux flux
azotés ; ceci renforce leur intérêt, mais complexifie également les études pour lier les ser-
vices rendus par les légumineuses au système et l’ajustement des règles de conception et
de pilotage des systèmes de culture. Cependant, dans les contextes passés et actuels, on
constate qu’il est possible de concilier légumineuses et performances économiques, et que
la présence de ces cultures tend à faciliter l’obtention de la multiperformance sur les plans
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économique et environnemental (Magrini et al., 2015 ; Cellier et al., 2015). Par ailleurs, la
réussite des systèmes avec légumineuses est facilitée par des objectifs de production privi-
légiant la réduction des intrants et le maintien et l’amélioration de la fertilité des sols
(Jeuffroy et al., 2015) (chapitre 6.I).
Sont résumés ci-après certains éléments de l’ouvrage collectif Schneider et Huyghe (2015)
pour mieux comprendre le fonctionnement des légumineuses et donner un aperçu des
connaissances actuelles sur les fournitures d’azote, et sur les autres effets liés à ces sources
d’azote symbiotique et de diversification que sont les légumineuses.
B. Comprendre le fonctionnement spécifique des légumineuses,
ses déclinaisons selon les espèces utilisées et le mode
dinsertion dans les assolements
Les éléments à retenir, caracristiques des gumineuses, sont les suivants (Voisin et al., 2015) :
1. Nutrition azotée autonome et flexible
La fixation azoe symbiotique est le processus biologique fondamental qui permet de convertir
l’azote gazeux (N2) présent dans lair ambiant en azote minéral intermédiaire (azote ammo-
niacal, NH3) qui est alors assimilable par les organismes vivants pour constituer les mocules
organiques, notamment les pro-
ines. Les gumineuses sont des
plantes fixatrices d’azote, via une
symbiose avec certaines bacries
(Rhizobium ou Bradyrhizobium)
présentes dans le sol, au sein d’ex-
croissances spécifiques des racines,
les nodosités. Les bénéfices sont
ciproques : via une enzyme spé-
cifique (la nitrogénase), la bactérie
fournit à la plante le N2 fixé ; en
retour, la plante apporte l’énergie
cessaire à la synthèse des nodo-
sités et à leur fonctionnement
(figure 10.2).
XFigure 10.2 : La symbiose xatrice
dazote des légumineuses : des échanges
ciproques de nutriments entre la
plante et le rhizobium ber et trans-
formé en bactéroïde dans le nodule.
Source : Schneider & Huyghe, 2015
La fixation symbiotique de N2 est un processus biologique, étroitement gulé par la plante
en fonction de la teneur en azote minéral du sol. Ainsi, le taux de fixation (quantité d’azote
fixé par rapport au prélèvement total d’azote par la plante) est fortement réduit quand
la disponibilien nitrates du sol est élevée. En effet, les légumineuses prélèvent préféren-
tiellement l’azote minéral disponible du sol et la fixation symbiotique prend le relais quand
l’azote minéral se raréfie. Les légumineuses ont donc une grande adaptabilipour utiliser
la fixation de l’azote de l’air ou l’absorption de l’azote minéral du sol, selon les sources
d’azote disponibles.
La relation négative entre taux de fixation symbiotique et disponibilité en azote minéral
du sol présenterait une variabilité génotypique peu caractérisée à ce jour. Globalement,
cette relation est linéaire pour les légumineuses annuelles à graines comme le pois, tandis
Titre
très
long
Xylème
Phloème
Sucres
et énergie
issus de la
photo-
synthèse
Leghémoglobine
Acides
aminés
CO
2
O
2
N2
Racine
Bactéroïde
Nodule
NH4NH3
ATP
+
Respiration
Nitrogénase
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Systèmes de cultures et gestion des nutriments
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qu’elle est plus asymptotique pour les légumineuses fourragères comme le trèfle, en par-
ticulier lorsqu’elles sont cultivées en association, les espèces non fixatrices associées rédui-
sant rapidement la teneur en azote miral du sol. En présence d’animaux dont les déjections
au pâturage, en particulier urinaires, augmentent localement la disponibilité en azote
minéral dans le sol, les légumineuses prairiales ont de fortes fluctuations des taux d’azote
fixé dans l’espace et dans le temps.
me si leur rendement en matière che a encore aujourdhui un niveau inrieur à celui
des ales, le rendement en proines du pois et d’autres légumineuses à graines est plus
élevé que celui d’un blé ou dautres céréales fertilies. Produire des proines mobilise davan-
tage de ressources énergétiques pour la plante que produire de l’amidon. Le potentiel de
rendement en matière che atteignable par les gumineuses à graines serait donc en théorie
inférieur à celui des céales. Il existe cependantune marge de progs importante pour aug-
menter conjointement les rendements et la teneur en protéines des proagineux européens,
car les travaux d’alioration variétale sont plus cents que ceux sur céales.
2. Dynamique de la nutrition azotée au cours du cycle de croissance.
a. Chez les légumineuses annuelles à graines, une fixation optimale en fin de phase
végétative avant le remplissage des graines
Chez les légumineuses à graines annuelles, en culture monospécifique, le prélèvement
d’azote se divise en trois étapes (figure 10.3). Cette dynamique, qui a été quantifiée sur le
pois, est transposable à toutes les légumineuses à graines.
Q En début de cycle, les besoins en azote nécessaires à la mise en place de la plantule sont
assurés par la semence, l’autonomie étant proportionnelle à la taille de la graine.
Q De la levée au début de remplissage des graines : à partir de la levée, l’absorption de
nitrates provenant de lazote minéral du sol prend le relais, puis diminue au fur et à mesure
de lépuisement du stock. La xation symbiotique démarre dès que les serves de la graine
et l’azote minéral du sol ne permettent plus de subvenir aux besoins en azote, soit au
bout d’environ 235 degrés-jours aps le semis chez le pois. Les premres nodosités du
pois sont visibles s le stade 3-4 feuilles. Leur mise en place a lieu au détriment des racines.
Les reliquats azos du sol au semis favorisent le démarrage de la croissance, permettant
une disponibilité en nutriments suffisante pour une mise en place rapide des nodosis.
En revanche, des niveaux dazote minéral supérieurs à 50 kg.ha1 environ retardent la mise
en place des nodosités et limitent la fixation symbiotique. Celle-ci augmente au cours de
la phase vétative au fur et à mesure de la diminution de la disponibilité en azote minéral
du sol et de la mise en place des nodosités, pour devenir majoritaire dès lan de la phase
tative. Ensuite, la gumineuse a la capacité de basculer d’une voie à l’autre, en fonc-
tion des variations de fourniture d’azote minéral par le sol et des besoins de la plante,
sauf si le fonctionnement des nodosités a été longtemps inhi par des facteurs de milieu
favorables (sécheresse, anoxie, pathogènes, etc.).
Q À partir du début du remplissage des graines, la fixation symbiotique décroît : cette baisse
est interprétée comme une conséquence de la compétition exercée par les gousses au
cours de leur remplissage pour les nutriments carbonés issus de la photosynthèse, aux
pens des nodosités (dont l’efficience diminue par ailleurs avec leur vieillissement). En
plus de ce facteur intrinsèque majeur, des facteurs environnementaux favorables peuvent
contribuer à accélérer la diminution de laxation symbiotique enn de cycle. La couleur
rose des nodosités indique qu’elles sont fonctionnelles, alors qu’une couleur vert-marron
indique la sénescence de leurs structures et donc l’arrêt de la fixation symbiotique. La
teneur en protéines des graines (en moyenne 24 % chez le pois, soit 3,8 % N) est fonction
du rapport entre l’accumulation d’azote et l’accumulation de matière che dans les graines,
terminées par des mécanismes inpendants. La variabili de la teneur en proines
des graines de pois est importante, aussi bien entre années qu’entre lots collectés une
ane done. Si cette variabili peut avoir des origines génétiques, les conditions envi-
ronnementales expliquent la plus grande partie des fluctuations.
Titre
très
long
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