donné avec une intention thérapeutique qui est indépendante,
ou très faiblement reliée aux effets pharmacologiques de la
médication ou des effets spécifiques du procédé et qui opère
au travers d’un mécanisme psychologique ». Pour Pichot,
l’effet placebo correspond à la différence entre l’évolution
constatée sous placebo et l’évolution spontanée [2]. Il s’ajoute
à l’effet pharmacologique de la substance active pour former
l’effet thérapeutique. Cette dernière définition a le mérite de
souligner que toute thérapeutique agit par combinaison
d’effets spécifiques (du médicament ou de la technique) et
d’effets non spécifiques (effet placebo).
3. La mise en évidence de l’effet placebo
Beecher, sur les données de 15 études cliniques incluant
au total 1082 patients ayant reçu un placebo dans diverses
indications, avance en 1955, l’existence d’un effet placebo
induisant un soulagement significatif chez 35 % des patients
en moyenne, avec des extrêmes allant de 15 et 53 % selon les
pathologies traitées et les traitements administrés [3]. On
remarque donc que la fréquence d’apparition de l’effet pla-
cebo est variable et que le chiffre de 35 %, classiquement
cité, n’est qu’une valeur moyenne. L’effet placebo peut donc
dépasser le classique seuil de 1/3. Dans un essai multicentri-
que, en double insu, portant sur des douleurs métastatiques
osseuses, Boureau et al. ont observé sur un échantillon de
patients cancéreux, après un délai de 15 jours, un effet anal-
gésique placebo dont les caractéristiques qualitatives, quan-
titatives et temporelles ont dépassé les prédictions des inves-
tigateurs : 50 % des sujets présentent une amélioration
moyenne, variable selon les critères choisis, de 30 à 40 % [4].
On peut faire l’hypothèse que, chez ces patients en phase pal-
liative, l’introduction d’une nouvelle thérapeutique et un
entretien quotidien d’environ 30 minutes pour remplir les dif-
férentes échelles d’évaluation de la douleur, ont servi de sup-
port relationnel favorisant l’apparition d’un effet placebo aussi
marqué.
L’effet placebo ne concerne pas uniquement les traite-
ments pharmacologiques mais toutes les psychothérapies ou
la chirurgie. Un exemple classique remonte aux années 1950 :
les conceptions physiopathologiques de l’époque condui-
saient à proposer la ligature de l’artère mammaire interne pour
traiter l’angine de poitrine. Dans deux essais contrôlés, ont
été réalisées des interventions placebo, qui consistaient uni-
quement en une incision cutanée. Une majorité de patients a
été améliorée en termes de douleur, de périmètre de marche,
de consommation médicamenteuse, et ce, de façon durable
(6 mois) [5,6]. Les effets peuvent ne pas être favorables et
mimer des effets adverses. Le placebo peut aussi provoquer
de la douleur chez des sujets normaux. Des céphalées ont été
rapportées par 70 % des sujets (étudiants) qui étaient infor-
més qu’un courant électrique (inexistant) était appliqué au
niveau céphalique [7].
3.1. Effet placebo ou évolution spontanée ?
Il serait toutefois inexact d’attribuer uniquement à l’effet
placebo l’amélioration observée dans un groupe témoin rece-
vant un placebo. L’amélioration constatée est en fait la résul-
tante de plusieurs facteurs : évolution spontanée, régression à
la moyenne (la tendance des mesures de variations aléatoires
à évoluer vers des valeurs moyennes), artefacts liés à la
mesure, erreurs d’appréciation du médecin comme du pa-
tient... Les patients ont tendance à consulter dans des moments
où leurs symptômes sont les plus gênants. L’évolution la plus
probable est alors le retour à des valeurs de bases moyennes.
Mentionnons également l’« effet Hawthorne » selon lequel
le seul fait de participer à un protocole de recherche modifie
les comportements [8]. On ne peut toutefois pas réduire l’effet
placebo aux seuls biais méthodologiques. Les études sur
l’effet placebo apportent des arguments qui permettent de
l’appréhender comme une forme d’analgésie psychogène.
Tous les travaux ne s’accordent pas à reconnaître l’impor-
tance de l’effet placebo. Hrobjartsson et Gotzsche ont cher-
ché à préciser l’importance relative de l’effet placebo et de
l’évolution spontanée (ou sans traitement), dans une analyse
systématique de la littérature des essais affectant les patients
à des groupes contrôles et verum dans des indications variées
[9]. Cette méta-analyse de 29 essais cliniques sur la douleur
retrouve une faible importance de l’effet placebo par compa-
raison à un groupe « évolution naturelle » : réduction moyenne
de 6,5 mm sur une EVA de 100 mm. Dans leur conclusion,
les auteurs remettent en question l’importance accordée à
l’effet placebo et à sa pertinence clinique. Mais le groupe
sans traitement (liste d’attente) est-il qualitativement diffé-
rent d’un groupe avec traitement par placebo, les malades
non traités s’orientant vers d’autres formes de traitement, et
bénéficiant malgré tout d’une prise en charge mettant en jeu
une relation médecin–malade ?
3.2. Placebo et méthodologie
Les attentes induites par l’information donnée à des sujets
participant à un essai avec placebo doivent également être
prises en compte.Vase et al. [10], reprenant le travail de Hrob-
jartsson et Gotzsche [9], retrouvent un effet placebo plus
important dans les études dont l’objectif était l’étude du pla-
cebo, que dans les études comportant un placebo uniquement
comme contrôle. Il est probable que dans les premières, les
suggestions sont plus fortes : les malades reçoivent l’infor-
mation qu’ils ont 100 % de chance de recevoir un traitement
actif. On peut à l’extrême étudier l’effet placebo sans avoir
recours à l’administration d’un placebo, en comparant les
effets de l’administration « cachée » (produit, mais surtout
moment d’administration à l’insu du patient) d’un produit
avec son administration en ouvert. Dans l’étude de Lévine et
Gordon, une injection ouverte de 8 mg de morphine par voie
intraveineuse entraîne, dans une population de patients en pos-
topératoire, un soulagement de la douleur non significative-
ment différent de celui obtenu avec une injection cachée de
sérum physiologique. Les deux mécanismes sont bloqués par
la naloxone, mettant ainsi en évidence une analgésie « endo-
gène non spécifique » [11]. Dans l’étude de Amanzio et al.,
est mise en évidence, sans groupe placebo, la réduction des
228 C. Guy-Coichard, F. Boureau / La revue de médecine interne 26 (2005) 226–232