Vol.VII N°15 I S S N : 2306 - 191X R���� ��������� �� ����� �� �� ������� ��������� Supplément 2019 1 er Sem. EDLK Les Editions Le Kilimandjaro REVUE AFRICAINE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE Directeur : Pr. Magloire ONDOA Comité scientifique • Joseph OWONA Agrégé de droit public Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Paul-Gérard POUGOUE Agrégé de droit privé et des sciences criminelles Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Adolphe MINKOA SHE Agrégé de droit privé et des sciences criminelles Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Luc SINDJOUN Agrégé de science politique Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Magloire ONDOA Agrégé de droit public et de science politique, Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Janvier ONANA Agrégé de science politique Professeur à l’Université de Douala (Cameroun) • Jean Marie TCHAKOUA Agrégé de droit privé Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Jean NJOYA Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) •Jean GATSI Agrégé de droit privé Professeur à l’Université de Douala (Cameroun) • Victor Emmanuel BOKALLI Agrégé de droit privé Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • André AKAM AKAM Agrégé de droit privé Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Martin BLEOU Agrégé de droit public et de science politique Professeur à l’Université d’Abidjan Cocody (Côte d’Ivoire) • Théodore HOLO Agrégé de droit public et de science politique Professeur à l’Université d'Abomey Calavi (Bénin) • Jean Du Bois de GAUDUSSON Agrégé de droit public et de science politique Professeur à l’Université de Bordeaux IV- Montesquieu (France) • Fabrice MELLERAY Agrégé de droit public et de science politique Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV (France) • Alain ONDOUA Agrégé de droit public et de science politique Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Ferdinand MELIN SOUCRAMANIEN Agrégé de droit public et de science politique, Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV (France) • Léopold DONFACK SOCKENG + Agrégé de droit public et de science politique, Professeur à l’Université de Douala (Cameroun) • Marcellin NGUELE ABADA Agrégé de droit public et de science politique Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Jean-Claude TCHEUWA Agrégé de droit public et de science politique, Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • ATANGANA MALONGUE Agrégé de droit privé Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Nadine MACHIKOU Agrégé de Science politique Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) •Gérard PEKASSA NDAM Agrégé de droit public Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Patrick ABANE ENGOLO Agrégé de droit public Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Germain NTONO TSIMI Agrégé de droit privé et de sciences criminelles Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Robert MBALLA OWONA Agrégé de droit public Maître de Conférences à l’Université de Douala (Cameroun) • Fabien NKOT Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Vincent NTUDA EBODE Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • SPENER YAWAGA Professeur à l’Université de Ngaoundéré (Cameroun) • Michel KOUNOU + Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Jacques BIAKAN Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Jacques KWIMO Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Eric Mathias OWONA NGUINI Docteur en Science politique Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Comité de rédaction • Jean Luc ENGOUTOU Docteur Ph/D en droit public Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) •Alex TJOUEN Docteur Ph/D en droit privé Maître Assistant CAMES • Patrick Henri ASSIENE NGON Docteur Ph/D en droit public Maître Assistant CAMES • Martial ATEBA Docteur Ph/D en science politique Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Yves Patrick MBANGUE NKOMBA Docteur Ph/D en science politique Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Aimé Christel MBALLA ELOUNDOU Docteur/Ph.D en droit public Assistant à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Brice Christian ALOGO NDI Doctorant en droit public Assistant à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Vol VII, n° XV- supplément 2019 REVUE AFRICAINE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE RADSP © Les Éditions le Kilimandjaro Politique rédactionnelle La Revue Africaine de Droit et de Science politique (RADSP) vise la promotion des sciences juridiques et politiques. C’est pourquoi, elle reçoit des contributions de doctrine livrant des réflexions sur les questions ou problématiques actuelles de droit privé, de droit public, de sciences criminelles et de science politique. L’objectif est de fournir la preuve, au travers de cette pluralité des grilles d’analyse, que la prétendue division des sciences juridiques et politiques est beaucoup plus formelle que substantielle ; l’analyse profonde des rapports entre les Hommes dans la société ne saurait se satisfaire d’une telle scission. Sommaire I. Droit Jacques BIPELE KEMFOUEDIO & Armand BALIFOUNE NDJANGUE : Le règlement non juridictionnel des litiges nés des marchés publics au Cameroun ....... 7 Patrick Aldo TCHABET KAMBO : Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage .................................................................................................................................................................................... 37 Firmin Ghislain MOUTIL : L’autonomie de l’arbitrage OHADA à l’égard du juge étatique........................................................................................................................................................................................................... 57 Franck Landry OWONA NDOUGUESSA : La conciliation juridique de l’impôt avec la morale : essai de relativisation du principe de l’amoralisme du droit fiscal. ............................................................................................................................................................................................................... 77 Francis Olivier ESSIMI : Le juge administratif camerounais et l’expert ................................93 Serge Yves NZALI : Le juge compétent en matière de dommages de travaux publics en droit camerounais .......................................................................................................................................................... 113 Anicet EYANGA MEWOLO : Le financement extérieur du budget d’investissement des communes au Cameroun ............................................................................................. 135 NGUEZBAI TEFELAI : La réception de la demande reconventionnelle en droit administratif processuel camerounais, « une arme chargée à blanc » mise à la portée du défendeur ? ............................................................................................................................................... 155 ATANGANA ONDIGUI : Le référendum législatif dans les États d’Afrique noire francophone .......................................................................................................................................................................................... 187 Francine Thérèse BOUMENI TCHOUMBO : Le dialogue des juges par la question préjudicielle dans le droit du contentieux administratif camerounais .... 217 HADIDJA SALI : L’autonomie des chambres parlementaires au Cameroun ... 247 Elie Joseph LOKO-BALOSSA & Placide II MOUDOUDOU : La garde à vue au Congo : une zone de turbulences pour les droits de la personne humaine ...... 269 Placide MOUDOUDOU & Chrisostome KOUMBA-NDOMBE : Les sanctions consuméristes au profit du consommateur en Afrique ......................................................................... 293 II. Science politique Sylvestre Nicker ABE MBARGA : Société civile et fondements de l’évaluation indépendante des politiques publiques au Cameroun ........................................................................... 317 La coordination scientifique de ce numéro de la Revue Africaine de Droit et de Science Politique a été assurée par Magloire Ondoa, Agrégé de Droit public et de Science politique, Professeur à l’Université de Yaoundé II - Soa. Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction pour tous procédés réservés pour tous pays sauf autorisation du directeur de la revue. Édition, administration, abonnements Les Éditions le Kilimandjaro, B.P. : 5455 Yaoundé - Cameroun Tél : 00237 222 72 86 49 Courriel : [email protected] ISSN- 2306 - 191X Dépôt légal : Mai 2019 I. Droit Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage Patrick Aldo TCHABET KAMBO Résumé La convention d’arbitrage est soumise à un double contrôle : un contrôle juridictionnel effectué par l’arbitre et le juge, et un contrôle non juridictionnel ou examen prima facie réalisé par l’institution d’arbitrage dans le cadre d’un arbitrage institutionnel. L’examen prima facie est un contrôle sommaire de l’existence et de la validité apparentes de la convention d’arbitrage lorsqu’elles sont contestées par le défendeur après l’introduction d’une demande d’arbitrage. Si ce contrôle non juridictionnel est fondé dans son principe, sa mise en œuvre est susceptible de constituer un risque pour le pouvoir juridictionnel de l’arbitre. Mots clés Convention d’arbitrage, examen prima facie, institutions d’arbitrage, arbitre, pouvoir juridictionnel. Abstract The arbitration agreement is subject to two checks: a judicial review by the arbitrator and the judge, and a non-judicial review or prima facie examination by the arbitration institution in the context of an institutional arbitration. The prima facie examination is a summary review of the existence and apparent validity of the arbitration agreement when challenged by the defendant after the filing of a request for arbitration. If this non-judicial review is based in principle, its implementation is likely to constitute a risk to the jurisdiction of the arbitrator. Keywords arbitration agreement, prima facie scrutiny, arbitration institutions, arbitrator, jurisdictional authority 38 Revue africaine de droit et de science politique Traditionnellement, l’arbitrage est présentée comme une justice hybride : contractuelle par sa source et juridictionnelle par sa fonction1. La base contractuelle de l’arbitrage est en réalité multiple car sa mise en œuvre nécessite la conclusion d’un ensemble contractuel au cœur duquel se trouve la convention d’arbitrage2. Celle-ci prend la forme d’une clause compromissoire avant la survenance du litige, ou d’un compromis après3. La convention d’arbitrage tire son importance de ce qu’elle constitue le fondement de la compétence de l’arbitre. Par définition en effet, les arbitres sont de simples personnes privées, qui tiennent leur pouvoir de juger de la volonté des parties manifestée dans la convention d’arbitrage. La compétence renvoie à l’aptitude d’une juridiction à connaître et à instruire d’une affaire4.Contrairement au juge étatique qui jouit d’une compétence permanente et a priori, l’arbitre en bénéficie une fois qu’il a été investi par les parties litigantes à travers une convention d’arbitrage5. En principe, l’existence de la compétence arbitrale s’établit par le contrôle de la convention d’arbitrage. Ce contrôle peut être juridictionnel ou non juridictionnel. Le contrôle juridictionnel est celui qui s’effectue par des organes juridictionnels que sont l’arbitre et le juge. En application du principe compétencecompétence, il appartient à l’arbitre d’apprécier le fondement et l’étendue de sa compétence6 en vérifiant, sa compétence est contestée par le défendeur, l’existence et la validité de la convention d’arbitrage7. Le juge étatique effectue son contrôle de la convention d’arbitrage soit à l’issue de l’instance, à l’occasion d’un recours contre la sentence arbitrale fondée sur l’incompétence de l’arbitre8, soit avant Ch. JAROSSON, La notion d’arbitrage, LGDJ, Paris, 1987, p. 102. En plus de la convention d’arbitrage, toute instance arbitrale nécessite la conclusion d’un contrat d’arbitre qui est l’acte par lequel les parties investissent l’arbitre de sa mission juridictionnelle. Dans le cadre de l’arbitrage institutionnel, l’on retrouve également le contrat d’organisation de l’arbitrage par lequel les parties confient à un centre d’arbitrage la charge d’organiser leur instance, et le contrat de collaboration arbitrale qui organise les rapports entre l’arbitre et l’institution d’arbitrage. Sur ces contrats, v. Th., CLAY, L’arbitre, Dalloz, Paris, Nouvelle bibliothèque des thèses, 2001, pp. 730 et s.; P. A. TCHABET KAMBO, La condition de l’arbitre, Thèse Université de Yaoundé II, juin 2018, pp. 197 et s.). 3 Art. 3-1 de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage (AUA) révisé le 23 novembre 2017. 4 Le terme compétence peut être défini comme le « pouvoir conféré par la loi à un tribunal, d’instruire et de juger un procès », cf. S. CORNIOT, Dictionnaire de droit, Dalloz, Tome Il, 2e édition, Paris, 1966, p. 267. 5 L’arbitre accède au statut de juge à l’issue d’une investiture par les litigants uniquement pour le litige qui les oppose. Il cesse d’être juge une fois sa sentence rendue. 6 Principe selon lequel il revient à l’arbitre de se prononcer en priorité sur compétence lorsque celleci est remise en cause par une partie. Sur ce principe, v. M. BOUCARON, Le principe compétencecompétence en droit de l’arbitrage, Thèse, Université de Nice – Sophia Antipolos, 2011 ; G. A.BERMANN, « Le rôle respectif des cours et des arbitres dans la détermination de la compétence arbitrale », Archives de philosophie du droit, n° 52 : L’arbitrage, 2009, pp. 121 et s. 7 Concrètement, l’arbitre va s’assurer que la convention d’arbitrage existe et qu’elle couvre le litige pour lequel il est saisi. 8 Sur le fondement de l’article 26 de l’AUA, deux motifs peuvent être invoqués : l’absence, la nullité ou l’expiration de la convention d’arbitrage et le non-respect par l’arbitre de sa mission. 1 2 Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage l’instance arbitrale en cas de nullité manifeste ou d’inapplicabilité de la convention d’arbitrage9. Le contrôle non juridictionnel est celui exercé par les centres d’arbitrage. En effet, lorsque les parties choisissent l’arbitrage institutionnel, c’est certes l’arbitre qui effectue le contrôle de la convention d’arbitrage, mais son intervention est précédée par un examen sommaire de la convention d’arbitrage par l’institution d’arbitrage appelé examen prima facie10. Les principales institutions d’arbitrage11 organisent dans leur des règlements d’arbitrage (RA) les modalités de ce contrôle. On peut ainsi lire dans le règlement d’arbitrage du Centre d’arbitrage du Groupement inter-patronal du Cameroun (GICAM) que « Lorsqu’une des parties soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l’existence, à la validité, ou à la portée de la convention d’arbitrage, le Centre, ayant constaté prima facie l’existence de cette convention, peut décider, sans préjuger la recevabilité ou le bien-fondé de ces 39 moyens, que l’arbitrage aura lieu. Dans ce cas, il appartiendra au tribunal arbitral de prendre toutes décisions sur sa propre compétence »12. Le contrôle de la convention d’arbitrage ne suscite pas de difficulté particulière lorsque les parties ont exprimé sans ambiguïté leur volonté de recourir à l’arbitrage dans la convention d’arbitrage. C’est en principe le cas dans le cadre d’un compromis, car sa rédaction après la survenance du litige suppose que les parties ont formulé avec précision leur volonté de confier sa résolution à des arbitres. Dans une clause compromissoire par contre, le consentement est donné à l’avance, un peu dans l’inconnu, et parfois de façon approximative Il arrive donc très souvent que la clause compromissoire contienne des ambiguïtés et qu’elle se révèle au final pathologique13. En pratique, la clause pathologique est une clause qui présente un vice susceptible de faire obstacle au recours à la justice arbitrale14. Il s’agit d’une Art. 13 de l’AUA. Prima facie est une expression latine qui signifie « de prime abord » ou au à première vue. En droit processuel, l’examen prima facie est un contrôle sommaire d’un acte effectué par un organe juridictionnel dans le but de vérifier son apparente conformité aux règles et principes relatifs à sa validité. 11 Le centre d’arbitrage est défini comme une personne morale dont la mission est d’organiser des arbitrages en application d’un règlement qu’il a édicté et que les parties acceptent en convenant que leur litige sera réglé sous ses auspices, cf. Ph. FOUCHARD, « Typologie des institutions d’arbitrage », in Les institutions d’arbitrage en France, Travaux du Comité français de l’arbitrage, Paris, 19 juin 1990, Rev. arb. 1990, p. 281. 12 Cf. art. 15.3. 13 Les raisons d’une telle clause sont multiples. En pratique, les rédacteurs d’un contrat, qui sont rarement des juristes, n’attachent pas à cette clause, abordée en fin de négociation, l’importance qu’elle mérite car très souvent « le plus dur est fait », et la signature en vue. V. S. LAZAREFF, « La justice arbitrale », Journal africain du droit des affaires, 2011, Les MARC en OHADA, p. 6. 14 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, Paris, 1996, n° 484, p. 289. Sur la question, v. F. EISEMANN, « La clause d’arbitrage pathologique », in Essais in memoriam Eugenio MINOLI, UTET, 1974, p. 120 et s. ; F. SCALBERT et L. MARVILLE, « Les clauses compromissoires pathologiques », Rev. arb., 1988, pp. 243 et s. ; L. KOPELMANAS, «La rédaction des clauses d’arbitrage et le choix des arbitres », in Etudes François EISEMANN, Publications CCI, 1978, pp. 23 et s. 9 10 40 Revue africaine de droit et de science politique clause qui rend nécessaire, afin qu’elle produise ses pleins effets, la conclusion d’un nouvel accord, ou du moins un effort d’interprétation qui lui-même est susceptible de créer un désaccord préalable15. A la lecture de la jurisprudence arbitrale, la maladresse de rédaction des conventions d’arbitrage est très souvent liée à la désignation du tribunal arbitral ou à celle de l’institution d’arbitrage16. La pathologie se manifeste soit dans une désignation erronée ou insuffisante du centre d’arbitrage17, soit dans la désignation d’un centre inexistant18. L’examen prima facie de la convention d’arbitrage par l’institution d’arbitrage fait partie de la pratique des institutions d’arbitrage. Son principe est acquis, ses mérites établis. C’est la raison pour laquelle les écrits qui lui sont consacrés soit se contentent de rappeler l’existence de ce contrôle, soit en vantent les nombreux mérites19. A l’analyse pourtant, ce contrôle non juridictionnel de la conven- tion d’arbitrage peut susciter quelques interrogations, notamment à propos de la nature de la convention d’arbitrage20. Par ailleurs, et à titre de rappel, certaines hypothèses de mise en œuvre de l’examen prima facie sont celles d’une contestation par le défendeur de la désignation du centre d’arbitrage. Or, c’est à ce centre contesté qu’il revient d’apprécier la régularité de sa constitution en exerçant l’examen prima facie. On peut dès lors s’interroger, dans le cadre d’un arbitrage institutionnel, sur la portée d’un contrôle prima facie de l’institution d’arbitrage sur l’office de l’arbitre, dont le contrôle juridictionnel est désormais a posteriori. Cet agencement entre le contrôle non juridictionnel de l’institution et le contrôle juridictionnel de l’arbitre n’est-il pas susceptible d’influencer ce dernier dans l’exercice de sa mission ? A l’analyse, si l’examen prima facie de la convention d’arbitrage est un contrôle fondé dans son principe (I), sa mise en En pratique, les formulations défectueuses des clauses sont nombreuses : ambiguïté sur le caractère obligatoire ou non du recours à l’arbitrage ; référence alternative à l’arbitrage et à la justice étatique, référence tant à un arbitrage ad hoc qu’à un arbitrage institutionnel ; désignation imprécise ou maladroite de l’institution censée organiser l’arbitrage, etc. Cf. Chr. SERAGLINI, J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, Montchrestien, Lextenso éditions, 2013, n° 187. 16 La clause pathologique va provoquer un conflit entre les parties sur le principe même du recours à l’arbitrage, mais également sur l’identité de l’institution d’arbitrage désignée. La solution donnée par la jurisprudence à cette situation le principe de l’effet utile de la convention d’arbitrage qui fonde le juge à préférer l’interprétation qui donne effet à la convention d’arbitrage à celle qui va au contraire la priver d’effets. Cf. TGI de Yaoundé, Shell-Cameroun c/ SODECAO, jugement n° 407, 24 mai 1995, Juridis Périodique n° 37 (1999), p. 21, note IPANDA. 17 Dans une sentence rendue par la chambre d’arbitrage le 28 septembre, la convention d’arbitrage se contentait d’indiquer « arbitrage à Hambourg, Allemagne de l’ouest », Yearbook, 1994. p.48. 18 Dans la sentence CCI n°5103, la convention d’arbitrage a désigné un organisme inexistant : « la Section internationale de la Chambre de commerce de Paris », JDI, 1988, p. 1206, obs. G. AGUILAR ALVAREZ. 19 M. PHILIPPE, « Les pouvoirs de l’arbitre et de la cour d’arbitrage de la CCI relatifs à leur compétence », Rev. arb., 2006, pp. 591 et s. Toutefois, pour une position plus nuancée, voire critique, v. E. SILVA ROMERO, « Les apports de la doctrine et de la jurisprudence française à l’arbitrage de la Chambre du commerce internationale (CCI) », Rev. arb., 2005, pp. 425 et s. 15 Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage 41 œuvre est susceptible de présenter un services rendus. La mise en évidence des risque pour le pouvoir juridictionnel de enjeux de ce contrôle nécessite que l’on l’arbitre (II). s’arrête sur les éléments qui lui servent de fondement (1), avant d’analyser ses moI. Un contrôle fondé dans son dalités (2). principe L’arbitrage est une justice alternative à la justice étatique qui est la justice de droit commun. Le recours à l’arbitrage nécessite par conséquent un consentement non équivoque des parties21, et l’examen prima facie participe de cette exigence d’intégrité du consentement à l’arbitrage. Si plusieurs arguments peuvent être avancés pour justifier ce contrôle (B) son architecture doit au préalable est présenter (A). A. L’architecture du controle prima facie de la convention d’arbitrage Le contrôle de la convention d’arbitrage présente un enjeu important pour le centre d’arbitrage. C’est en effet sur la base de la conclusion arrêtée à l’issue de ce contrôle que va dépendre sa mission d’organisation de l’arbitrage, et par conséquent sa rémunération pour les 1. Les bases du contrôle L’un des domaines d’exercice du contrôle prima facie est la procédure d’exequatur à l’occasion de laquelle le juge vérifie l’apparente régularité d’une sentence arbitrale, ainsi que sa conformité à l’ordre public22. L’examen prima facie se manifeste également en matière de contrôle de la validité de la convention d’arbitrage, lorsqu’une partie conteste son existence ou sa validité, dans une simple vérification par le juge étatique que celleci n’est pas manifestement nulle ou manifestement inapplicable23. S’inspirant de ce modèle, les institutions d’arbitrage ont organisé à leur profit un mécanisme d’examen préalable de la convention d’arbitrage qui leur permet, en cas de contestation de sa validité par le défendeur, de procéder à son examen sommaire à l’issue duquel elles décideront si l’arbitrage aura lieu ou non24. En cas de La convention d’arbitrage n’est pas un contrat ordinaire, mais un contrat dont l’effet est procédural. Il s’agit en effet d’un accord dont l’objet et le but sont d’instituer un juge. 21 Sur la question du consentement à l’arbitrage, v. O. DIALLO, Le consentement des parties à l’arbitrage international, éd. Graduate Institute Publications, Genève, 2015, 292 PP. 22 Le caractère manifeste de la contrariété à l’ordre public suppose qu’elle soit flagrante, et que sa constatation ne nécessite pas un examen approfondi. V. J-M. TCHAKOUA, note sous Ordonnance n° 955 du Président du TPI de Douala du 23 février 1998 et Ordonnance n° 1271 du Président du TPI de Yaoundé du 29 mars 2000, Revue camerounaise de l’arbitrage, n° 10 Juillet - Août - Septembre 2000, p. 10. Plus généralement sur la question, v. J-M. TCHAKOUA, Le contrôle de la régularité internationale des jugements et des sentences arbitrales en droit camerounais, Thèse de doctorat 3ème cycle en Droit privé, Université de Yaoundé, 1991. 23 Art. 13 al. 2 de l’AUA. En effet, l’inapplicabilité et la nullité doivent être « manifestes », c’est-à-dire que leur constatation ne doit pas nécessiter un examen approfondi. 24 La plupart des institutions instituent dans leur règlement un organe interne chargé d’exercer le contrôle prima facie. Il s’agit d’un organe technique chargé qui veille au respect des dispositions du règlement d’arbitrage. Il peut prendre plusieurs appellations : Comité permanent pour le centre d’arbitrage du GICAM, Comité d’arbitrage pour le Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation 20 42 Revue africaine de droit et de science politique décision favorable, le dossier est transmis à l’arbitre, qui appréciera, de façon plus profonde, l’existence, la validité ou la portée de la convention d’arbitrage querellée. Les règlements d’arbitrage de nombreuses institutions d’arbitrage prévoient cet examen. Ainsi, l’article 10.3 du règlement d’arbitrage (RA) de la CCJA dispose que « lorsqu’une des parties soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l’existence, à la validité, ou à la portée de la convention d’arbitrage, la Cour, ayant constaté prima facie l’existence de cette convention, peut décider, sans préjuger la recevabilité ou le bien-fondé de ces moyens, que l’arbitrage aura lieu. Dans ce cas, il appartiendra à l’arbitre de prendre toutes décisions sur sa propre compétence »25. Les rédacteurs de ces règlements se sont largement inspirés des dispositions des règlements d’arbitrage successifs de la CCI où la question de la compétence de la Cour pour exercer le contrôle de la convention d’arbitrage a été envisagée depuis la première version de 1922. L’article 6 alinéa 4 de la version actuelle du règlement d’arbitrage en vigueur depuis le 1er janvier 2012 organise l’examen prima facie comme suit : « Dans tous les cas soumis à la Cour conformément à l’article 6, paragraphe 3, la Cour décide si, et dans quelle mesure, l’arbitrage aura lieu. L’arbitrage aura lieu si et dans la mesure où, prima facie, la Cour estime possible qu’il existe une convention d’arbitrage visant le Règlement »26. 10. En réalité, les centres d’arbitrage se sont attribués le pouvoir de se prononcer sur la convention d’arbitrage à travers leurs règlement d’arbitrage en l’absence de dispositions expresses des législations relatives à l’arbitrage. Lorsqu’on parcourt les dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, ainsi que d’autres législations, l’on est frappé par leur mutisme sur cette question pourtant importante27. On peut toutefois la déduire de la Chambre de commerce et d’industrie du Benin (CAMeC) et pour le centre d’arbitrage de l’AFA, etc. 25 V. art. 15.3 du RA du centre d’arbitrage du GICAM que « Lorsqu’une des parties soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l’existence, à la validité, ou à la portée de la convention d’arbitrage, le Centre, ayant constaté prima facie l’existence de cette convention, peut décider, sans préjuger la recevabilité ou le bien-fondé de ces moyens, que l’arbitrage aura lieu. Dans ce cas, il appartiendra au tribunal arbitral de prendre toutes décisions sur sa propre compétence ». V. aussi art. 4 alinéa 2 du RA de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI) du 1er juin 2012, art. 6.1 du RA du China International Economic and Trade Arbitration Commission (CIETAC). 26 V. art. 7 du RA de la chambre de commerce, de l’industrie et de l’agriculture de Dakar (CCIAD) ; art. 2 al. 9 du RA Cour marocaine d’arbitrage ; art. 6 du RA du Centre national d’arbitrage, de conciliation et de médiation (CNACM) de la République démocratique du Congo ; art. 4 du RA du Centre belge d’arbitrage (CEPANI). 27 Cette importance peut notamment s’apprécier sous le prisme du principe d’accès à la justice, d’accès au juge. L’examen prima facie de la convention d’arbitrage par l’institution d’arbitrage confère en effet à cette dernière le pouvoir de déclarer recevable ou non une demande de justice arbitrale formulée par une partie, de permettre à cette dernière d’accéder à son juge. Lorsqu’à l’issue de cet examen l’organe spécialisé du centre d’arbitrage estime que l’arbitrage n’aura pas lieu, c’est l’accès à l’arbitrage qui est refusé au demandeur. Certes celui-ci pourra toujours saisir le juge étatique qui devra, au final, dire si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. Néanmoins, le centre d’arbitrage par ce travail de filtre des demandes d’arbitrage que constitue l’examen prima facie, aura empêché le demandeur de saisir l’arbitre afin que ce dernier se prononce sur sa compétence. Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage d’une disposition générale de l’Acte uniforme qui énonce que « Le fait pour les parties de s’en remettre à un organisme d’arbitrage les engage à appliquer le Règlement d’arbitrage de cet organisme, sauf pour les parties à en écarter expressément certaines dispositions, en accord avec ledit organisme »28. On peut y déduire une autorisation pour les centres d’arbitrage d’organiser à leur guise les procédures arbitrales dans leurs règlements. De façon générale, les législateurs accordent une importante marge de manœuvre aux centres d’arbitrage pour adopter leur règlement, qui sont considérés comme des offres permanentes de contracter. Leur rédaction relève donc de la sphère contractuelle soumise au principe de l’autonomie de la volonté29. Lorsque les parties vont insérer dans leur contrat une clause d’arbitrage d’un centre, cette insertion vaudra acceptation du contenu de son règlement d’arbitrage30. Si la pratique de l’examen prima facie est répandue dans les règlements d’arbitrage, il s’articule selon des modalités assez particulières. 43 d’arbitrage vise à s’assurer de l’effectivité de sa désignation comme organisatrice de l’arbitrage. La plupart des règlements d’arbitrage l’organisent suivant des modalités assez similaires. A titre illustratif, le règlement de la CCJA prévoit que « Lorsqu’une des parties soulève un ou plusieurs moyens relatif s à l’existence, à la validité, ou à la portée de la convention d’arbitrage, la Cour, ayant constaté prima facie l’existence de cette convention, peut décider, sans préjuger de la recevabilité ou du bien-fondé de ces moyens, que l’arbitrage aura lieu. Dans ce cas, il appartiendra au tribunal arbitral de prendre toutes décisions sur sa propre compétence »31. La procédure est plutôt simple et n’est qu’une étape dans la vérification opérée par le centre en cas de demande d’arbitrage32. En cas de contestation, le centre effectue une vérification sommaire de l’existence et de la validité de la convention d’arbitrage. Si sa décision est positive, il transmet le dossier au tribunal arbitral qui se prononcera sur sa compétence33. L’examen prima facie de la convention d’arbitrage par l’institution 2. Les modalités du contrôle prima se présente donc comme un contrôle facie de la convention d’arbitrage sommaire et préalable de la désignation L’examen prima facie exercé par les ins- de celle-ci comme organe d’organisation titutions d’arbitrage sur la convention Cf. Art. 10 al. 1 de l’AUA. Principe qui postule que les parties déterminent librement le contenu de leur contrat, sous réserve du respect de l’ordre public et des bonnes mœurs. 30 Le juge du contrat veille toutefois au respect de l’équilibre entre les centres d’arbitrage et les parties. Il n’hésite pas à déclarer non écrites les dispositions des règlements qui portent atteinte à cet équilibre. Dans une espèce (CA de Paris, Société SNF-SA c/ CCI, 22 janvier 2009, n° 07/19492) la Cour d’appel de Paris a reconnu la responsabilité de la CCI en déclarant non écrite l’article 34 de son règlement qui lui accordait, ainsi qu’à son personnel et aux arbitres, une immunité absolue. 31 Art. 10.3. V. aussi art. 7 du RA du CCIAD, art. 15.3 du RA du GICAM, art. 6.4 du RA de la CCI. 32 Les règlements d’arbitrage exigent un ensemble de d’éléments et de documents que doit contenir la demande d’arbitrage, parmi lesquels la convention d’arbitrage. Cf. art. 5 du RA CCJA. 33 Si pour cette étape préalable du contrôle la plupart des règlements d’arbitrage se rejoignent, la suite qu’ils donnent en cas d’inexistence ou d’invalidité de la convention d’arbitrage peut varier. Certains 28 29 44 Revue africaine de droit et de science politique de l’instance arbitrale, l’appréciation de la compétence arbitrale dans son fondement et son étendue étant réservée aux arbitres34. Si la plupart des institutions d’arbitrage retiennent ce système d’un examen préalable de la convention, suivi d’une investiture de l’arbitre qui se prononcera sur sa compétence, d’autres adoptent une plus extrême concernant le rôle de l’arbitre. Le système retenu par la China International Economic and Trade Arbitration Commission (CIETAC)35, est à ce titre tout particulier car le centre se réserve le pouvoir de se prononcer sur la question de la validité de la convention d’arbitrage. Les arbitres ne pourront statuer sur cette question que sur la base d’une délégation expresse de cette institution36. Le règlement d’arbitrage de la CCI est également illustratif, pour ce qui est des cas de pluralité de parties ou de pluralité de demandes. Le texte précise que « Dans tous les cas où la Cour rend une décision conformément à l’article 6, paragraphe 4, il appartient au tribunal arbitral de prendre toute décision sur sa propre compétence, sauf en ce qui concerne les parties ou les demandes à l’égard desquelles la Cour décide que l’arbitrage ne peut avoir lieu »37. Une telle disposition est susceptible de limiter la compétence des arbitres38. L’examen prima facie de la convention d’arbitrage par les institutions est certes consacré de façon générale dans l’arbitrage institutionnel, mais sa pratique ne fait pas l’unanimité. Certains règlements d’arbitrage qui ne contiennent en effet aucune disposition relative à ce contrôle, font le choix de laisser à l’arbitre la latitude et l’exclusivité d’apprécier sa compétence, et de dire si la convention d’arbitrage est valide ou pas. On peut citer de façon générale les règlements d’arbitrage des centres de tradition anglosaxonne, et plus particulièrement celui de règlements d’arbitrage vont plus loin en proposant des mesures alternatives aux parties dans le cas où le contrôle déboucherait sur un constat d’absence de convention d’arbitrage. C’est ainsi que l’article. 7 al. 3 du RA du centre d’arbitrage du CCIAD dispose que « dans le cas où il n’existerait pas de convention d’arbitrage, le secrétariat peut conseiller aux parties d’en souscrire une pour recourir à l’arbitrage du Centre ». D’autres sont muets sur la question. C’est le cas des règlements d’arbitrage de la CCJA, du GICAM. 34 Le système de contrôle de l’existence et de la validité de la convention d’arbitrage adopté par la CCI est assez original. Son règlement pose la règle d’un contrôle alternatif décidé à la discrétion du secrétariat général qui peut le confier soit au le tribunal arbitral, soit à la Cour. Cf. art. 6 paragraphe 3. 35 V. FAN KUN, « L’arbitrage en Chine : pratique, obstacles juridiques et réformes », Bulletin de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI – Vol. 19, n° 2 – 2008, pp. 28 et s. 36 Ce mécanisme est prévu à l’art. 6 du RA du CIETAC intitulé «Contestation relative à la convention d’arbitrage et/ ou à la compétence de juridiction » qui dispose que « 1. La CIETAC dispose du pouvoir de vérifier l’existence et la validité d’une convention d’arbitrage ainsi que sa compétence sur une affaire d’arbitrage. La CIETAC peut, si nécessaire, déléguer ce pouvoir au tribunal arbitral. 2. Lorsque la CIETAC considère, au moyen d’une preuve prima facie, qu’une convention d’arbitrage prévoyant l’arbitrage de la CIETAC existe, cette dernière peut décider sur la base d’une telle preuve qu’elle est compétente et la procédure d’arbitrage se poursuit. Une telle décision n’empêche pas la CIETAC de prendre une nouvelle décision concernant sa compétence sur la base de faits et/ou d’éléments de preuve contraires à la preuve prima facie réunis par le tribunal arbitral durant la procédure d’arbitrage ». 37 Art. 5 al. 6. 38 Le cas du Règlement d’arbitrage du Centre d’Arbitrage et de Médiation de Madagascar (CAMM) quant à lui envisage clairement la possibilité pour l’arbitre de contredire la décision du centre. Cf. art. 8. Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage la London Court of International arbitration (LCIA), ou encore celui de l’American Arbitration Association (AAA) qui sont muets sur la question39. L’examen prima facie de la convention d’arbitrage apparait donc comme une vérification minimale du fondement de la compétence arbitrale par l’institution d’arbitrage. Si cette pratique est assez répandue dans les principaux règlements d’arbitrage, plusieurs raisons peuvent être avancées pour l’expliquer et la justifier. B. La justification du contrôle prima facie de la convention d’arbitrage Plusieurs arguments peuvent être avancés pour relever le bien-fondé de l’examen prima facie de la convention d’arbitrage par l’institution d’arbitrage. Certains sont liés à cette institution (1) alors que d’autres concernent les parties litigantes (2). 1. Les arguments liés à l’institution d’arbitrage L’examen prima facie permet au centre d’opérer à une double vérification : l’existence de la convention d’arbitrage censée traduire la volonté résolue des parties de recourir à l’arbitrage40, sa désignation comme centre d’organisation de 45 l’arbitrage dans la convention d’arbitrage. Dans l’arbitrage institutionnel, les parties doivent prendre soin de désigner avec clarté le centre d’arbitrage. Ce n’est pas souvent le cas dans la pratique, particulièrement pour ce qui est des clauses compromissoires dont l’une des manifestations de leurs pathologies est précisément la désignation approximative de l’institution d’arbitrage, les parties se laissant parfois surprendre par des appellations ou des sigles similaires41. Lorsqu’on envisage la nature de la relation contractuelle entre les parties et le centre d’arbitrage, cette question de la vérification de sa désignation présente un intérêt singulier. En effet, parties litigantes et centre sont liées par un contrat d’organisation de l’arbitrage par lequel les premières confient au second la mission d’organiser leur instance42. A l’instar de tout contrat, le contrat d’organisation de l’arbitrage est soumis aux conditions substantielles de validité du droit commun, dont le consentement43. Si le consentement du centre d’arbitrage ne pose aucun problème particulier dans la mesure où sa volonté de contracter est exprimée de façon permanente et non équivoque dans son règlement, celui des parties par contre peut susciter quelques difficultés, du fait qu’elles soient regrou- Dès lors qu’une demande d’arbitrage est introduite, ces institutions se contentent de mettre en place le tribunal arbitral qui, seul, se prononcera sur les questions relatives à la convention d’arbitrage et sa compétence. 40 Cette première partie du contrôle est fondamentale car l’inexistence de la convention d’arbitrage rend en principe impossible le recours à l’arbitrage. La plupart des règlements d’arbitrage prévoient toutefois un mécanisme de suppléance de cette absence de convention d’arbitrage en subordonnant la mise en œuvre de l’arbitrage à l’acceptation de la demande d’arbitrage par le défendeur. Cf. art. 9 du RA CCJA, art. 14 al. 1 du RA GICAM. 41 Cf. F. SCALBERT et L. MARVILLE, « Les clauses compromissoires pathologiques », op. cit., p. 246. 42 Sur ce contrat, v. Ch. JAROSSON, « Le rôle respectif de l’institution, de l’arbitre et des parties dans l’instance arbitrale », Rev. arb. 1990, pp. 381 et s. 39 46 Revue africaine de droit et de science politique pées en une seule partie appelée partie plurale. L’on est en présence d’un acte conjonctif dans lequel les deux consentements des parties fusionnent pour former un consentement joint qui les engage au même titre44. Lorsque le consentement joint est exprimé avec ambiguïté, la jonction originaire est compromise parce que chaque partie de la pluralité peut remettre en cause son consentement45. L’examen prima facie peut également se justifier par la volonté du centre d’éviter une éventuelle mise en jeu de sa responsabilité devant le juge étatique par un litigant, pour avoir, à tort, soit décliné, soit retenu sa constitution46. C’est surtout la seconde hypothèse qui semble la plus plausible47, celle où à l’issue d’un arbitrage administré sanctionné par une sentence arbitrale, la partie succombante qui, dès le début de l’instance, n’a cessé de contester la constitution du centre d’arbitrage, intente une action en responsabilité contre ce dernier devant le juge étatique48. En cas de constat d’une constitution abusive du centre, la demande d’indemnisation ne pourra prospérer que dans l’hypothèse où la sentence a été au préalable annulée pour incompétence du tribunal arbitral, nullité ou inapplicabilité de la convention d’arbitrage49. 43 Ce sont les conditions fixées par la plupart des codes civils des Etats membres de l’OHADA : le consentement, la capacité, la cause et l’objet. Cf. art. 1108 du Code civil applicable au Cameroun de 1960. 44 L’acte conjonctif est un « acte dans lequel plusieurs personnes sont rassemblées, lors de sa formation ou postérieurement, au sein d’une même partie, c’est-à-dire par un même intérêt, défini par rapport à l’objet de l’acte ». Cf. R. CABRILLAC, L’acte conjonctif en droit privé français, LGDJ. Coll. bibliothèque de droit privé, T.213, 1990 n° 319. 45 La rupture est encore plus flagrante lorsqu’une partie, en principe le défendeur, conteste la validité ou l’étendue de la convention d’arbitrage. La position de cocontractant de l’institution d’arbitrage va dès lors se trouver fragilisée, voire compromise en face d’un consentement étriqué. D’où sa volonté de scruter minutieusement la convention d’arbitrage, et non pas de l’examiner sommairement comme le laisse entendre l’expression prima facie, afin de s’assurer de l’effectivité de sa constitution. 46 On peut observer en effet que de plus en plus, la responsabilité des institutions d’arbitrage est recherchée par les litigants qui souhaitent à tout prix trouver un responsable à leur échec. Sur la question, v. Ph FOUCHARD, « La responsabilité des institutions permanentes d’arbitrage devant le juge étatique (à propos d’une jurisprudence récente) », Rev. arb. 1987, P. 223 et s. ; R. DUPEYRE, « Les arbitres et centres d’arbitrage face à leurs responsabilités : le droit français à son point d’équilibre », Bulletin ASA (Association suisse d’arbitrage), 2/2014, pp. 265 et s. 47 La première hypothèse, difficilement envisageable, relève d’une absence de contrat, le centre d’arbitrage ayant décliné la proposition de contracter des parties litigantes. En effet, en application de la théorie de la réception, le contrat d’organisation de l’arbitrage est formé lorsque le centre d’arbitrage reçoit l’acceptation des parties à travers une demande d’arbitrage, et accepte d’organiser leur arbitrage. Sur la question, v. Ch. JARROSSON, « Le statut juridique de l’arbitrage administré », Rev. arb., 2016 n° 2 pp. 445 et s., sépc. p. 450. 48 Précisons qu’un défendeur peut toujours attaquer la constitution du centre d’arbitrage en début ou en cours d’instance en contestant la validité de la convention d’arbitrage devant le juge étatique. Sur la question, v. R. MAFO DIFFO, Le juge étatique et l’arbitrage dans l’espace OHADA, Thèse de doctorat, Université de Dschang, juin 2016. 49 Cf. art. 26 a) de l’AUA. Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage 2. Les arguments relatifs aux parties Du point de vue des litigants, des arguments en faveur d’un contrôle prima facie de la convention d’arbitrage par l’institution d’arbitrage existent et ils sont nombreux50. L’on peut tout d’abord relever la volonté pour le centre de respecter la volonté des parties de soumettre à l’arbitrage. En exerçant son contrôle sur la convention d’arbitrage, l’institution s’assure ainsi que les conditions de sa mise en œuvre sont remplies, surtout lorsque la clause est ambigüe ou pathologique. Ainsi, en cas de doute sur l’identité de l’institution désignée par la convention d’arbitrage, l’institution saisie en premier pourra retenir sa compétence, à condition que les deux parties ne la contestent pas51. Trois principaux arguments sont souvent avancés pour justifier l’examen prima facie de la convention d’arbitrage. Le premier est celui de la célérité de la procédure, l’examen permettant, en un temps réduit, de fixer très tôt les parties sur l’issue de la procédure. Cet examen constituerait ainsi un gain de temps considérable pour les parties. L’examen préa- 47 lable a lieu en principe dans un bref délai, à compter de la réception de la réponse à la demande d’arbitrage ou, en cas de silence du défendeur, après l’expiration du délai de réponse52. Dans tous les cas, il permet d’éviter le recours au juge étatique et la perte de temps qui s’en suivra53. Le deuxième argument en faveur de l’examen prima facie est celui d’une économie de frais pour les parties. En effet, seule une avance sur les frais administratifs sera nécessaire pour l’examen de la convention d’arbitrage par les services administratifs du centre54. L’institution d’un contrôle prima facie permet ainsi d’éviter aux litigants des frais relatifs à la constitution du tribunal arbitral et aux honoraires des arbitres, et qui auraient été nécessaires si la question avait été tranchée directement par les arbitres. Le principal argument en faveur du contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage est celui de la lutte contre les manœuvres dilatoires des litigants55. En effet, en cas de contestation de la clause d’arbitrage par le défendeur dans l’optique de parasiter la procédure arbitrale, son examen rapide par le centre Sur ces arguments, v. M. PHILIPPE, « Les pouvoirs de l’arbitre et de la cour d’arbitrage de la CCI relatifs à leur compétence », op cit., pp. 591 et s. L’auteur se lance dans un véritable plaidoyer de l’examen prima facie par les institutions d’arbitrage. 51 Th. CLAY, note sous CA Paris 28 octobre 1999, Middle East Agricultural and Trading Cie Ltd c/ Avicola Bucaresti, Rev. arb., 2002, p. 175 ; M. PHILIPPE, « Les pouvoirs de l’arbitre et de la cour d’arbitrage de la CCI relatifs à leur compétence », op. cit., p. 602. 52 Dans le règlement d’arbitrage de la CCJA, ces délais sont de trente jours en cas de réponse du défendeur, et de quarante-cinq jours s’il reste silencieux. Cf. art. 9. 53 Cet argument doit désormais être relativisé suite à la réforme de l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage qui impose au juge d’appui des délais pour statuer. Bien que cette hypothèse n’ait pas été formellement envisagée, elle peut relever du contentieux de la compétence du juge soumise au délai de 15 jours. Cf. art. 13. 54 Le règlement du CAMM précise ainsi que «l’avance sur les frais administratifs reste acquise au CAMM ». cf. art. 8 in fine. 55 Sur la question, v. E. GAILLARD, « Les manœuvres dilatoires des parties et des arbitres dans l’arbitrage commercial international », Rev. arb., 1990, p. 759. 50 48 Revue africaine de droit et de science politique aura le mérite de faire échec à cette tentative déloyale56. En dépit de leur incontestable pertinence, ces arguments ne réussissent pas à masquer les risques que l’examen prima facie de la convention d’arbitrage est susceptible de faire planer sur l’office de l’arbitre. se prononcer sur sa compétence. Mais dans l’arbitrage institutionnel, sur le fondement de l’examen prima facie, les centres d’arbitrage se réservent le pouvoir de se prononcer sur la convention d’arbitrage avant l’arbitre, ce qui peut déboucher un partage déguisé du principe compétencecompétence avec les arbitres (1). Par ailII. Un contrôle « risqué » dans leurs, en fonction de son issue, l’examen prima facie peut consacrer une dulcification sa mise en œuvre dans la mise en œuvre de ce principe (2). Soutenir que l’examen prima facie de la 1. Le partage déguisé du principe convention d’arbitrage est susceptible de compétence-compétence entre constituer un risque dans sa phase de le centre et l’arbitre mise en œuvre revient à s’interroger sur La question ici est celle de savoir si le l’influence qu’il peut exercer sur le pouvoir juridictionnel de l’arbitre. La centre, à travers l’examen prima facie, ne question est celle de savoir si la reconnais- s’approprie pas un pan du pouvoir qu’a sance au profit du centre du pouvoir l’arbitre de statuer sur sa propre compéd’apprécier prima facie la convention d’ar- tence. Pour la doctrine, centre et arbitre bitrage, ne risque pas de dériver, s’il était disposent de pouvoirs de nature distincts, utilisé avec légèreté, vers une atteinte du qui58se cumulent plutôt sans se concurrenpouvoir juridictionnel par l’arbitre57. A cer . Le pouvoir du centre d’arbitrage est l’analyse, l’examen préalable de la conven- de nature administrative, et sa décision tion d’arbitrage par l’institution est sus- prépare celle de l’arbitre sur sa compéceptible de constituer un risque tence. Par conséquent, l’exercice par le d’atteintes de deux aspects de ce pouvoir : centre d’arbitrage de son pouvoir de le principe compétence-compétence (A) contrôle ne relève pas du principe compétence-compétence. et l’indépendance de l’arbitre (B). A l’observation, la pratique de l’examen A. Un risque d’atteinte au principe prima facie peut conduire à un véritable compétence-compétence partage dans la mise en œuvre du principe compétence-compétence. Ainsi, Il est acquis que le principe compétence-compétence permet à l’arbitre de le contentieux de l’existence de la convenEn effet, les exemples sont nombreux de défendeurs profitant d’une rédaction défectueuse de la convention d’arbitrage pour tenter, à défaut de se soustraire à leur engagement de recourir à l’arbitrage, du moins d’essayer d’entraver au maximum la procédure arbitrale. Dès lors, l’intervention du centre d’arbitrage, de façon bien plus rapide que celle du juge étatique, permet de fixer le plus tôt les parties sur le sort de leur convention d’arbitrage. 57 E. SILVA ROMERO, « Les apports de la doctrine et de la jurisprudence française à l’arbitrage de la Chambre du commerce internationale (CCI) », op. cit., p. 430. 58 M. PHILIPPE, « Les pouvoirs de l’arbitre et de la cour d’arbitrage de la CCI relatifs à leur compétence », op. cit., p. 473, M. BOUCARON, Le principe compétence-compétence en droit de l’arbitrage, op. cit., p. 388. 56 Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage tion d’arbitrage relèverait de la compétence du centre, tandis que celui lié à sa validité et à sa portée serait dévolu à l’arbitre59. L’examen prima facie serait donc un contrôle a priori touchant à l’existence de la convention d’arbitrage, alors que l’arbitre effectuerait un contrôle a posteriori sur la validité et la portée de la convention d’arbitrage. Ce schéma débouche sur une partition du principe compétence-compétence au profit du centre60. Or, la frontière n’est pas étanche entre ces deux aspects du contrôle et le risque de glissement de l’examen de l’existence apparente de la convention d’arbitrage vers celui de sa validité est élevé61. De plus, certains règlement comme celui de la CCI prévoit une solution radicale en cas de pluralité de demandes ou de parties, en neutralisant le pouvoir des arbitres sur les éléments du litige que la Cour d’arbitrage a exclu à l’issue de l’examen prima facie 62. L’on peut certes relever que la physionomie du contrôle prima facie, de même que son impact sur l’appréciation de la compétence arbitrale, ont évolué. Si on se réfère au règlement d’arbitrage de la CCI qui a inspiré la plupart des centres d’arbitrage des Etats membres de 49 l’OHADA, sa version initiale de 1931 reconnaissait à la seule Cour d’arbitrage la possibilité de se prononcer sur la convention d’arbitrage63. Mais, dès 1955, le règlement a évolué, en opérant une distinction entre le contrôle prima facie exercé par la cour et le pouvoir de l’arbitre de statuer sur sa compétence64. L’examen prima facie peut également aboutir à une véritable impossibilité pour l’arbitre d’appliquer le principe compétence-compétence. 2 . La mise en œuvre dulcifiée du principe compétence-compétence Bien plus qu’une simple attribution voilée de la compétence juridictionnelle, l’examen prima facie de la convention d’arbitrage peut déboucher sur une véritable entrave au pouvoir de l’arbitre de statuer sur sa compétence. En effet, à l’occasion de l’examen prima facie, la mise en œuvre du principe compétence-compétence peut être effectivement remise en cause dans l’hypothèse où, à l’issue d’un examen prima facie de la convention d’arbitrage, le centre arrivait à la conclusion de l’inexistence de la convention d’arbitrage. Cette décision va rendre impossible la constitution du tribunal arbitral ; et par conséquent constituer un obstacle au C’est visiblement vers cette solution que les rédacteurs du règlement d’arbitrage de l’Association française d’arbitrage (AFA) se sont clairement dirigés. L’article 3 dudit règlement dispose que : « lorsqu’est soulevée l’inexistence, l’invalidité ou l’inapplicabilité de la convention d’arbitrage, il appartient au Tribunal arbitral, une fois constitué, de statuer sur sa compétence. Cependant, lorsque le Comité d’arbitrage constate qu’il n’existe pas de convention d’arbitrage ou de compromis visant l’A.F.A, il informe les parties que l’arbitrage ne peut avoir lieu selon son Règlement ». 60 Dans l’arbitrage CCI, le contrôle va plus loin et porte sur l’ensemble du contentieux de la convention d’arbitrage. Cf. art. 6 al. 61 On va se retrouver avec un examen prima facie dont le but n’est plus d’apprécier l’existence de la convention d’arbitrage, mais plutôt celui de déterminer sa validité ou sa portée. 62 Cf ; art. 6 par. 5 : « Dans tous les cas où la Cour rend une décision conformément à l’article 6, paragraphe 4, il appartient au tribunal arbitral de prendre toute décision sur sa propre compétence, sauf en ce qui concerne les parties ou les demandes à l’égard desquelles la Cour décide que l’arbitrage ne peut avoir lieu ». 59 50 Revue africaine de droit et de science politique pouvoir de l’arbitre de se prononcer sur sa compétence. L’arbitre va ainsi se voir empêcher d’exercer un pouvoir qui lui est pourtant dévolu par la plupart des textes sur l’arbitrage. A ce stade de la procédure, rien ne permet d’affirmer qu’un tribunal arbitral constitué après l’introduction de la demande d’arbitrage n’aurait pas retenu sa compétence pour connaitre du litige. Une illustration de cette situation peut être donnée avec le règlement d’arbitrage du CIRDI qui confère au Secrétaire général le pouvoir de refuser l’enregistrement d’une demande d’arbitrage et s’il estime, sur la base des renseignements fournis par le demandeur, que le différend excède manifestement la compétence du Centre65. Le déclinatoire de compétence effectué par cet organe administratif va faire obstacle à la constitution du tribunal arbitral. Un auteur pourtant fervent défenseur de l’examen prima facie de la convention d’arbitrage, reconnait que le déclinatoire de compétence par le centre d’arbitrage à l’issue d’un examen prima facie de la convention d’arbitrage peut constituer un obstacle à l’exercice par l’arbitre du pouvoir d’apprécier sa compétence66. Lorsque le centre d’arbitrage décline ainsi sa compétence, il met fin à la procédure et empêche l’investiture de l’arbitre. Cette hypothèse d’une institution d’arbitrage déclinant sa compétence à organiser l’instance arbitrale peut paraitre rare dans la pratique. En effet, lorsqu’on prend en considération les enjeux financiers que représente l’organisation d’un arbitrage, l’institution optera le plus souvent, parfois en usant des trésors d’ingéniosité dans l’interprétation de la volonté des parties maladroitement exprimée, pour sa compétence que le contraire. Toutefois, une telle hypothèse n’est pas à exclure de façon absolue67. En principe, la contestation de la validité de la convention d’arbitrage devrait conduire l’institution d’arbitrage à organiser la mise en place du tribunal arbitral, afin que ce dernier se prononce sur sa compétence. Les arguments énoncés pour justifier cet examen prima facie de 63 Son article 10 était ainsi libellé : « Dans le cas où les parties sont en désaccord sur la question de savoir si elles sont liées par une clause d‘arbitrage, c‘est la Cour d‘arbitrage qui décide ». 64 J.J ARNALDEZ, « Réflexions sur l’autonomie et le caractère international du Règlement d’arbitrage de la CCI », JDI, 1993, pp. 858 à 859. Il faut reconnaitre qu’en cette compétence reconnue à l’arbitre de statuer sur sa compétence s’est en réalité imposée à la CCI et à toutes les institutions arbitrales qui consacraient le contrôle exclusif du centre d’arbitrage sur la convention d’arbitrage, du fait d’une évolution du droit de l’arbitrage marquée par la consécration quasi universelle du principe compétence-compétence. 65 Art. 38 (3) de la Convention CIRDI : « Le Secrétaire général doit enregistrer la requête sauf s’il estime au vu des informations contenues dans la requête que le différend excède manifestement la compétence du Centre. Il doit immédiatement notifier aux parties l’enregistrement ou le refus d’enregistrement ». 66 M. BOUCARON, Le principe compétence-compétence en droit de l’arbitrage, op. cit., p. 390. Son propos est illustré avec l’affaire Mihaly c. Sri Lanka, Trib. arb. CIRDI, 15 mars 2002, sentence d’incompétence, n° ARB/00/2, 17 ICSID Rev., FILJ 142 (2002); 41 ILM 867 (2002), n° 57. 67 Elle pourrait malgré toutes les prédispositions de l’institution d’arbitrage à retenir sa compétence, se présenter. Ce serait notamment le cas d’une erreur ou même d’une incompétence des personnes chargées d’effectuer ce contrôle au sein de l’institution. V. P. LALIVE, « Avantages et inconvénients de l’arbitrage ad hoc », in Etudes offertes à Pierre BELLET, op. cit., p. 304. Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage la convention d’arbitrage ne semblent pas suffisants. S’agissant notamment de l’argument de l’économie des frais de procédure que l’examen prima facie permettrait de réaliser, la raison parait difficilement convaincante s’agissant de l’arbitrage, et plus particulièrement de l’arbitrage institutionnel. La conclusion d’une clause compromissoire suppose que les parties ont envisagé le recours à l’arbitrage bien avant la naissance du litige, ainsi que les coûts qu’il est susceptible d’entrainer. Les parties n’ont pas besoin d’être autant protégées. Par ailleurs, cette super protection est d’autant moins justifiée que le recours à l’arbitrage est une acte d’administration ou de gestion68, entendu comme un acte qui relève de la gestion normale d’un patrimoine69. L’argument de la lutte contre les manœuvres dilatoires ne semble pas d’une pertinence absolue non plus. À moins de considérer le demandeur comme animé soit d’une candeur extrême, soit d’une mauvaise foi particulière, soit enfin d’une volonté poussée du dilatoire, celle-ci sera très souvent convaincue de l’existence d’une convention d’arbitrage, le consen- 51 tement des parties à l’arbitrage s’étant exprimé, certes de façon confuse70. L’examen prima facie présente également un risque d’atteinte à un autre principe sacré de l’arbitrage, celui de l’indépendance de l’arbitre. B. Un risque d’atteinte à l’indépendance de l’arbitre L’examen prima facie peut constituer un véritable risque d’atteinte à l’indépendance de l’arbitre. Il faut tout de suite préciser qu’il n’est pas question ici de l’indépendance de l’arbitre vis-à-vis des parties71, mais par rapport au centre qui l’a désigné ou confirmé72. Si ce risque peut s’observer dans l’arbitrage institutionnel traditionnel (1), il est encore plus significatif dans l’arbitrage institutionnel de la CCJA (2). 1. Le risque dans l’arbitrage institutionnel traditionnel En réalité, l’examen prima facie pose le problème de la portée de la décision du centre sur celle de l’arbitre. Celui-ci ne se sentira-t-il pas lié ? N’aura-t-il pas un préjugé favorable pour cette décision ? En La doctrine est toutefois divisée sur la question. Pour certains auteurs, la capacité des personnes physiques à compromettre est celle nécessaire pour conclure des actes de gestion (cf. Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, Paris, 1996, p. 467), alors que pour d’autres, cette capacité renvoie à la capacité de conclure des actes de disposition (v. J. ROBERT, B. MOREAU, L’arbitrage, droit interne, droit international privé, Dalloz, Paris, 6e éd., 1993, n° 6 et s. et n° 268). 69 Traditionnellement, l’acte d’administration est opposé à l’acte de disposition et distingué de l’acte conservatoire. 70 Les parties ne doivent donc pas agir avec légèreté lorsqu’elles recourent à l’arbitrage, et l’examen prima facie ne doit pas devenir un paravent qui viendrait atténuer les effets de cette légèreté. 71 Traditionnellement, les textes relatifs à l’arbitrage abordent la question de l’indépendance de l’arbitre sous le prisme de ses rapports avec les parties litigantes vis-à-vis desquelles il doit être et demeurer indépendant et impartial. 72 Dans la plupart des cas en effet, l’institution d’arbitrage aura procédé soit à la confirmation de l’arbitre choisi par les parties, soit à sa désignation en cas de défaillance des parties. Cf. art. 9 du RA du Centre d’arbitrage du GICAM. 68 52 Revue africaine de droit et de science politique principe, la réponse est négative, le tribunal arbitral appréciant de façon souveraine les conditions de sa compétence73. Il pourra toujours se déclarer incompétent en dépit de l’existence prima facie d’une convention d’arbitrage constatée par le centre. Toutefois, la réalité de la situation peut susciter quelques interrogations sur le degré de liberté de l’arbitre, qu’il soit désigné par l’institution d’arbitrage, ou seulement confirmé par celle-ci. Dans la pratique, la mise en œuvre d l’examen prima facie de la convention d’arbitrage va présenter un risque pour l’indépendance de l’arbitre. Ce risque est celui d’une détermination de la décision de l’arbitre sur sa compétence par la décision préalable de l’institution d’arbitrage. L’arbitre pourrait en effet, se sentir lié par la décision prise par l’institution à l’issue de l’examen prima facie de la convention d’arbitrage et se déclarer systématiquement compétent pour connaitre du litige74. La conclusion d’une influence de la décision de l’institution d’arbitrage sur celle de l’arbitre découle d’une simple analyse sociologique de l’arbitrage. En effet, lorsqu’on prend en compte l’environnement dans lequel évoluent les arbitres avec les modalités particulières de leur désignation75, ainsi que les intérêts financiers de l’arbitrage aussi bien pour le centre d’arbitrage que pour l’arbitre, la démarche peut se comprendre76. C’est cette réalité qui a autorisée un auteur à conclure que « les tribunaux arbitraux constitués sous l’égide d’un centre se prononcent généralement en faveur de la compétence de ce centre »77. Cette question de l’influence de l’arbitre s’est posée à propos de l’examen prima facie par la Cour internationale d’arbitrage de la CCI d’une clause d’arbitrage pathologique dans laquelle les parties avaient désigné « l’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Genève ». A la survenance du litige, le demandeur avait saisi la Chambre de Commerce in- Par ailleurs, différents règlements d’arbitrage affirment explicitement cette indépendance de l’arbitre en précisant que ce dernier n’est pas lié par l’appréciation faite par l’organe administratif du centre. Cf. art. 15. 3 du RA du Centre d’arbitrage du GICAM. Pour une formule presque identique, v. art. 6 par 2 du RA de la CCI. 74 En effet, à cause notamment de sa désignation ou confirmation par l’institution, l’arbitre pourra partir avec un a priori favorable susceptible de le déterminer à s’aligner quasi systématiquement sur la décision de l’institution d’arbitrage. Cette hypothèse serait encore plus envisageable lorsque le caractère pathologique de la convention d’arbitrage repose sur la désignation maladroite de l’institution chargée d’organiser l’arbitrage. Cf. E. LOQUIN, « Toutes les clauses d’arbitrage pathologiques ne peuvent être sauvées », RTD Com., 2002, p. 660. 75 Nous pensons précisément à la confection par les centres de listes d’arbitres, ainsi qu’à leurs pouvoirs de confirmation et de désignation des arbitres. 76 Un arbitre n’ayant pas suffisamment d’expérience, de confiance en lui ou de personnalité, ou alors trop heureux de retenir une compétence sur laquelle il a quelques doutes, aura tendance à se déclarer compétent pour ne pas contredire cette décision. L’arbitre peut ainsi se retrouver dans une espèce de déterminisme, validant quasi systématiquement la décision du centre, même lorsque cette solution pourrait difficilement être déduite de la formulation de la clause pathologique 77 M. BOUCARON, Le principe compétence-compétence en droit de l’arbitrage, op. cit., p. 311. Par ailleurs, le risque d’alignement de l’arbitre sera renforcé par la pratique des listes fermées d’arbitres par certains centres d’arbitrage qui limitent le choix des parties aux seuls arbitres figurant sur cette liste. C’est le cas du centre d’arbitrage du GICAM. Cf. art. 5. 73 Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage ternational de Paris, mais le défendeur contesta cette désignation, soutenant que la clause d’arbitrage désignait plutôt la Chambre de commerce et d’industrie de Genève (CCIG)78. La CCI procéda à l’examen prima facie de la clause d’arbitrage, retenue sa compétence et transmis par la suite le dossier au tribunal arbitral. Dans la sentence intérimaire sur sa compétence, le tribunal arbitral suivi le raisonnement de la CCI, estimant que l’intention véritable des parties était de désigner la CCI comme institution arbitrale avec Genève comme siège de l’arbitrage79. Dans l’analyse qu’il fait de cette sentence intérimaire CCI, un auteur a relevé ce risque d’influence de l’arbitre par la décision de la CCI80, estimant qu’elle aurait « pu se limiter à remettre le dossier au Tribunal arbitral et à lui renvoyer la problématique posée par la partie défenderesse pour résolution »81. Pour lui en effet, « cette solution permettrait d’éliminer le soupçon selon lequel un arbitre désigné par une institution ar- 53 bitrale dont l’une des parties conteste la compétence administrative pour organiser l’arbitrage suivrait une tendance à confirmer la décision prima facie de celle-ci concluant que la dénomination de l’institution arbitrale dans la convention d’arbitrage peut bien la concerner »82. Avec la création des centres d’arbitrage dans les différents Etats membres de l’OHADA et la concurrence naissante entre eux, les hypothèses de clauses pathologiques désignant de façon approximative l’institution chargée d’organiser et d’administrer l’arbitrage vont se développer83. Ce qui rend le risque que représente le contrôle prima facie assez concret. Par ailleurs, ce risque se présente avec une acuité particulière dans le cadre de l’arbitrage organisé de la CCJA. 2. Le risque dans l’arbitrage administré de la CCJA L’arbitrage CCJA présente une configuration particulière liée à sa nature hybride de centre d’arbitrage et d’organe 78 La question était donc celle de savoir si les parties se sont trompées sur la dénomination de la Chambre de commerce et d’industrie de Genève, dont elles ont pensé qu’elle comportait le mot International, ou si elles se sont plutôt trompées sur la localisation de la Chambre de commerce internationale, pensant que celle-ci avait son siège à Genève. 79 Si cette décision des arbitres de confirmer le choix de la CCI peut se comprendre, en ce qu’ils ont estimé que le terme « Genève » ne pouvait pas servir à qualifier l’institution d’arbitrage, une décision opposée était tout aussi possible. Elle aurait été à notre sens plus cohérente, la désignation des parties se rapprochant plus de la CCIG que de la CCI. 80 E. SILVA ROMERO, Note sous ICC Interim Award, n° 10671, Clunet 2005, p. 1275. 81 E. SILVA ROMERO, « Les apports de la doctrine et de la jurisprudence française à l’arbitrage de la Chambre du commerce internationale (CCI) », op. cit., p. 1277. 82 Ibidem. Dans une autre affaire, un tribunal arbitral constitué sous l’égide de la Chambre de commerce et d’industrie de Genève (CCIG) sur la base d’une clause compromissoire pathologique désignant la « Chambre de commerce internationale de Genève », a retenu la compétence de la CCIG, après que celle-ci ait accepté d’organiser l’arbitrage à l’issue d’un examen prima facie de la clause, estimant qu’il fallait accorder plus d’importance au terme « Genève » qu’au terme « internationale ». cf. Sentence CCIG du 24 nov. 1999, affaire n° 151, Bull. ASA, 2003, vol. 21, n°4, pp. 754 à 780. 83 A côté des centres d’arbitrage traditionnels comme celui du de la CCJA, du GICAM, la CACI, de la Chambre de commerce, d’industrie et de l’agriculture (CCIA) de Dakar, on note l’arrivée de nouveaux centres, notamment le Centre d’arbitrage de médiation et de conciliation du Gabon (CAMC-G), le Centre d’arbitrage de médiation et de conciliation de Centrafrique (CAMC-C) en 2012, le Centre d’arbitrage de médiation et de conciliation de Ndjamena (CAMC-N), le Centre d’arbitrage et de médiation (CAM) de 54 Revue africaine de droit et de science politique juridictionnel84. A l’analyse de cette architecture particulière, le risque d’atteinte à l’indépendance de l’arbitre par le contrôle prima facie de la convention d’arbitrage peut paraitre plus élevé dans l’arbitrage institutionnel de la CCJA que dans celui des centres ordinaires. L’arbitre CCJA se trouve en effet dans une situation particulièrement délicate devant un dossier de procédure qui lui est transmis à l’issue d’un examen prima facie positif effectué par la CCJA centre d’arbitrage : c’est encore la CCJA cette fois juridiction de contrôle qui devra se prononcer sur la sentence intérimaire de l’arbitre relative à sa compétence. De ce fait, la certitude pour un arbitre CCJA que sa sentence contraire à la décision de la CCJA retenant sa compétence à l’issue d’un examen prima facie de la convention d’arbitrage sera encore soumise au contrôle juridictionnel de la même CCJA, peut le convaincre d’être plus réceptif à la solution retenue par le centre. Il est certes vrai, comme le prévoit le règlement de procédure de la CCJA, qu’il existe une séparation entre sa fonction d’administration des arbitrages85 et sa fonction juridictionnelle86, et que les magistrats ayant siégé dans la formation administrative de la cour, ne peuvent siéger plus tard dans une formation contentieuse relative à la même affaire87. Toutefois, une étanchéité textuelle n’exclut pas le risque d’une influence, voire d’une détermination de la décision de l’arbitre. On l’a vu, en cas de clause pathologique, le centre saisi par le demandeur aura une tendance naturelle à retenir sa compétence à l’issue de l’examen prima facie. Cette situation de confusion est susceptible de concerner de façon particulière la CCJA et la Chambre d’arbitrage de Cote d’ivoire (CACI). Les deux centres d’arbitrage ont en effet, au-delà de leur communauté de siège à Abidjan, dans leur dénomination les mots « Cour » et « Arbitrage ». Monsieur Narcisse AKA, alors secrétaire général de la CACI, avait relevé en son temps ce risque de confu- la Chambre de commerce, d’industrie, des mines et de l’artisanat du Cameroun (CCIMA), etc. 84 La CCJA assume ainsi une double fonction : organisation et administration des arbitrages d’une part, et contrôle juridictionnel des instances arbitrales rendues par les tribunaux arbitraux siégeant sous ses auspices. Sur cette nature hybride de la CCJA et les inquiétudes qu’elle peut susciter, v. J. ISSASAYEG, «Réflexions dubitatives sur le droit de l’arbitrage de l’OHADA », Revue camerounaise de l’arbitrage, numéro spécial, octobre 2001, pp. 22 et s. ; P-G. POUGOUE, « Le système d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage », in OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, Bruylant, Bruxelles, 2000, pp. 129 et s. ; J-M. TCHAKOUA, «Le système d’arbitrage de la CCJA en question », Colloque de l’APAA : L’arbitrage en Afrique : questions d’actualité, Yaoundé, 14 et 15 janvier 2008, in Revue camerounaise de l’arbitrage, numéro spécial, février 2010, pp. 173 et s. 85 Dans cette fonction, la CCJA à l’instar de tout centre d’arbitrage, organise et contrôle les instances arbitrales, se prononce sur tout incident de procédure par des décisions non susceptibles de recours. 86 Dans cette fonction, la CCJA accorde l’exequatur aux sentences rendues sous son égide et statue sur les recours en annulation contre ces sentences. 87 Cf. art. 23 du règlement intérieur de la CCJA. Sur question, v. Ph., LEBOULANGER, op. cit., n°11, 96 et 97 ; R. BOURDIN, « A propos du Règlement de la CCJA », in L’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, op. cit., p. 152. Le contrôle non juridictionnel de la convention d’arbitrage sion entre la CCJA et la CACI, au profit de la première88. Certes de nombreuses années se sont écoulées et la CCJA a acquis de la notoriété. Mais le risque de confusion est toujours possible, suite à une légèreté dans la rédaction de la clause d’arbitrage. Saisie d’une demande d’arbitrage sur la base d’une convention d’arbitrage indiquant « Cour d’arbitrage d’Abidjan », il est fort probable que la CCJA saisie par le demandeur retienne sa compétence à la suite d’un examen prima facie89. Au final, la mise en œuvre du contrôle prima facie de la convention d’arbitrage dans l’arbitrage administré est susceptible d’écorner quelque peu la fonction juridictionnelle de l’arbitre. Tout dépend en réalité de la mesure qui doit accompagner cette vérification sommaire. En principe, le contrôle a une portée limitée et ne consiste qu’à une simple vérification de la seule existence de la convention d’arbitrage90. C’est en cela qu’il se distingue 55 du principe compétence-compétence91. Un auteur soutient pourtant qu’« il ne faut pas s‘attacher aux mots « prima facie » […], ils ne veulent pas dire que l’examen est hâtif et superficiel »92. Et un autre de préciser que « dans tous les cas, la Cour procède à un examen méticuleux des documents et des arguments des parties pour déterminer le bien-fondé de l‘objection et décider s‘il y a lieu de permettre la poursuite de la procédure »93. L’examen prima facie de la convention d’arbitrage ne constitue du reste pas une panacée pour les institutions d’arbitrage. Plusieurs règlements d’arbitrage font ainsi l’impasse sur cette étape préliminaire. Certains investissent directement le tribunal arbitral pour statuer sur toutes les questions relatives à sa compétence. C’est notamment le cas du règlement d’arbitrage de la Cour d’arbitrage de Cote d’ivoire (CACI)94, ou de celui de la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie95. Par ailleurs, les centres d’arbitrage de tradition anglo-saxonne à N. AKA, « La pratique arbitrale et les institutions d’arbitrage en Afrique : le cas de la Côte d’ivoire », in L’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, op. cit., p. 161. 89 L’hypothèse inverse est possible. 90 Art. 10.3 RA de la CCJA. Sur la question, v. A. DIMOLITSA, « Contestations sur l’existence, la validité et l’efficacité de la convention d’arbitrage (nullité du contrat principal, arbitrabilité, capacité, litispendance, conditions contractuelles préalables à l’arbitrage, groupes de sociétés) », Bull. CCI, vol. 7, n° 2, déc. 1996, p. 22. 91 L’argument avancé pour relativiser la portée de ce contrôle prima facie, et qui consiste à le présenter comme un examen superficiel qui se limiterait à ce qui saute aux yeux, c’est-à-dire soit au caractère manifeste, soit au constat de l’apparence d’une convention d’arbitrage, n’est pas suffisant. 92 P. BELLET, note sous TGI Paris (réf.), 13 juill. 1988, Société REDEC et Pharaon c/ Société Uzinexport Import et Chambre de commerce international, Rev. arb., 1989, p. 99. 93 M. PHILIPPE, « Les pouvoirs de l’arbitre et de la Cour d’arbitrage de la CCI relatifs à leur compétence », op. cit., p. 601. 94 Art. 10. « Lorsqu’une partie soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l’existence, à la validité ou à la portée de la convention d’arbitrage, il appartient à l’arbitre de se prononcer sur sa propre compétence ». 95 Cf. art. 9 : « L’exception d’incompétence ainsi que toutes autres exceptions d’irrecevabilité doivent être soulevées dans la réponse à la demande ou à la demande reconventionnelle. Le Tribunal arbitral peut toutefois admettre des exceptions soulevées ultérieurement s’il l’estime justifié au vu des circonstances ». 88 56 Revue africaine de droit et de science politique l’instar de la London Court of international Arbitration (LCIA) ou de l’American Arbitration Association (AAA) sont simplement muets sur cette question96. Dans une approche puriste de l’arbitrage, le contrôle, même préalable et sommaire, de la convention d’arbitrage, ne saurait échoir à une institution d’arbitrage, simple organe contractuel chargé d’organiser l’instance arbitrale. Elle est de la seule compétence d’organes juridictionnel que sont le juge étatique et l’arbitre97. Dans ce sens, Philippe FOUCHARD relevait en son temps que l’appréciation de la validité de la convention d’arbitrage ne devrait pas être du laissée à la charge de l’institution d’arbitrage, mais plutôt à celle de l’arbitre, parce qu’elle permettait à l’institution, à tort, de faire « œuvre juridictionnelle »98. En l’état actuel de l’arbitrage institutionnel, l’examen prima facie fait partie des pratiques usuelles. Cependant, ses acteurs devraient le manipuler avec beaucoup plus de délicatesse. Il revient aux parties de rédiger avec attention leur convention d’arbitrage afin d’éviter toute ambiguïté, aux centres d’arbitrage d’effectuer cet examen avec un minimum d’objectivité et de distance. Les arbitres quant à eux devront se montrer à la hauteur de leur fonction juridictionnelle, n’hésitant pas à contredire la décision du centre d’arbitrage. 96 Ce mutisme signifie-t-il une absence d’examen prima facie des conventions d’arbitrage par ces centres ? On peut a priori le penser, vue le très peu de dirigisme avec lequel ils conduisent traditionnellement leurs instances. 97 E. GAILLARD, « La jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’arbitrage international », Rev. arb., 2007, p. 1003. 98 Ph. FOUCHARD, « Les institutions d’arbitrage en France », Rev. arb., 1990, p. 483. Pour Thomas CLAY, l’institution se contente de participer à la mission juridictionnelle de l‘arbitre en le secondant, in L’arbitre, op. cit., p. 688, n° 903. Protocole de rédaction - Appel à contribution : La R.A.D.S.P souhaite recevoir de ses lecteurs et de ses abonnés des articles originaux (40 pages au maximum) et des notes de jurisprudence. Les textes doivent se conformer à la politique rédactionnelle pour le contenu et au protocole de rédaction pour la forme. 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Leur présentation obéit au schéma ci-après : - pour ouvrage, thèse et mémoire : exemple: Kamto (M), Pouvoir et droit en Afrique noire : essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les États d’Afrique noire francophone, LGDJ, Bibliothèque Africaine et Malgache, Paris, 1987, page de l’élément cité. - pour les articles scientifiques : exemple : Ondoa (M), «La constitution duale : Recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun», Revue Africaine des Sciences Juridiques, Vol.1, n°2, 2000, page de l’élément cité. Au-delà des éléments déjà énoncés et qui peuvent restés en l’état, les publications de Science politique devront respectées les exigences suivantes relatives à l’appel de références et à la bibliographie : Enoncer les références à l’intérieur du texte. Exemple : à la suite d’une idée développée par le professeur Maurice Kamto, on trouvera la référence qui suit, placée avant la ponctuation : (Kamto, 1987 : 4). Ici, les deux points permettent d’indiquer la page. Si c’est une idée développée par plusieurs auteurs, on fera la même chose en séparant simplement les références par des points virgules. Exem- ples : (Kamto, 1987 : 4 ; Ondoa, 2000 : 5). Ici, le lecteur est renvoyé à la bibliographie pour y retrouver les titres des livres et articles, correspondant aux références ci-haut mentionnées. Leur présentation obéit au schéma ci-après : - Pour les livres et mémoires Kamto, M. 1987, Pouvoir et droit en Afrique noire : essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d’Afrique noire francophone, Paris : LGDJ, Bibliothèque Africaine et Malgache. - Pour les articles scientifiques Ondoa, M. 2000. « La constitution duale : Recherche sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », Revue Africaine de Sciences Juridiques et Politiques, 2(1) : 80-115 (situer l’article dans la revue, c’est-àdire indiquer les pages qu’il couvre dans ladite revue). Dresser la liste des œuvres citées et des publications utilisées pour préparer l’étude ; les classer dans l’ordre alphabétique des auteurs. La présentation ici obéit au sché- ma de «Appel des références», avec indication du nombre total de pages de la production scientifique citée. N.B : Les articles sont envoyés à la Revue Africaine de Droit et de Science Politique (R.A.D.S.P) en deux exemplaires dont l’un est un fichier numérique (Word) et l’autre un tapuscrit ou version physique. L’auteur d’un article reçoit gratuitement un exemplaire du numéro de parution de son article. Tout article publié à la Revue Africaine de Droit et de Science Politique devient sa propriété. S’il avait déjà été publié dans une autre Revue, son auteur doit le signaler au directeur de la R.A.D.S.P. - Liste des références : Cheminement des articles - Accusé de réception : Sur réception d’un texte, il est émis un accusé de réception. -Première lecture : Le texte est lu en premier lieu par un membre du comité de rédaction qui évalue sa conformité avec la politique rédactionnelle de la revue. Si le texte n’est pas retenu, l’auteur en est informé. Le manuscrit n’est pas retourné. - Seconde lecture : Le texte est ensuite soumis à un comité de lecture regroupant les spécialistes ou experts du sujet, pour évaluation et commentaires (il est donc important de présenter un texte clair susceptible d’ être photocopié). - Décision de publier : Sur réception de ces évaluations, le comité scientifique décide de publier ou non le texte. L’auteur est informé de la décision et reçoit un résumé des parties pertinentes des évaluations. Il peut lui être demandé de retravailler son texte ou de le présenter en se conformant aux suggestions et observations du comité scientifique. -Assignation au numéro : Le texte prêt pour publication est assigné à un numéro de la revue en tenant compte de la place disponible . N.B : La rédaction se réserve le droit de modifier les résumés et les descripteurs. Note sur les contributeurs Jacques BIPELE KEMFOUEDIO Docteur/Ph.D, Chargé de Cours, Habilité à Diriger des Recherches en Droit Public, Université de Dschang Patrick Aldo TCHABET KAMBO Docteur/Ph.D en Droit privé Assistant à l’Université de Yaoundé II-Cameroun Firmin Ghislain MOUTIL Docteur en Droit Privé, Assistant à l’Université de Douala (Cameroun) Franck Landry OWONA NDOUGUESSA Docteur/Ph.D en Droit Public. Francis Olivier ESSIMI Docteur/Ph.D en Droit Public Serge Yves NZALI Docteur/Ph.D en droit public/Université de Yaoundé II ATANGANA ONDIGUI Docteur/Ph.D en droit public Francine Thérèse BOUMENI TCHOUMBO Docteure/Ph.D en droit public Chercheure au Centre d’Études et de Recherches Constitutionnelles, Administratives et Financières (CERCAF) Université de Yaoundé II/ Cameroun HADIDJA SALI Doctorante en Droit public Faculté des Sciences Juridiques et Politiques Université de Ngaoundéré Cameroun Placide MOUDOUDOU Professeur Agrégé de Droit public, Doyen honoraire, Université Marien N’gouabi de Brazzaville (Congo) Elie Joseph LOKO-BALOSSA Maître de Conférences Placide II MOUDOUDOU Doctorant en droit privé à la Faculté de Droit de l’Université Marien NGOUABI République du Congo Anicet EYANGA MEWOLO Dr/Ph.D en Droit public, moniteur à l’Université de Yaoundé II-Soa, Chercheur associé au Centre d’Etudes et de Recherche sur l’Administration et les Finances (CERAF) de l’Université d’ABOMEY-CALAVI Chrisostome KOUMBA-NDOMBE Doctorant en droit privé à la Faculté de Droit de l’Université Marien NGOUABI République du Congo NGUEZBAI TEFELAI Docteur en droit public Moniteur à l’Université de Yaoundé II Sylvestre Nicker ABE MBARGA Docteur/Ph.D en Science politique Moniteur à l’Université de Douala Imprimé en Tunisie D.L. Mai 2019 ISSN - 2306 - 191X E DLK Les Editions Le Kilimandjaro Édition - Publications - Librairie - Consultations - Conseils B.P. 5 455 Yaoundé - Cameroun Tel.: +237 222 72 86 49 E-mail: [email protected] [email protected]