LA THEORIE DU CAPITAL HUMAIN
La théorie du capital humain est une théorie économique néoclassique (dont le
principal auteur est Gary Becker, prix Nobel 1992), qui cherche, à partir du concept
de capital humain, à expliquer le mécanisme de fixation des salaires et à rendre
compte du comportement des individus face à la formation.
Il faut pour mieux comprendre cette étude, définir certains termes :
Le capital humain est un stock de qualifications, connaissances et aptitudes
productives accumulé par un individu. Chaque individu a un capital humain propre.
Pour autant ce stock n’est pas fixe, il peut évoluer grâce à divers facteurs, tels
que la formation, l’expérience ou plus généralement toute activité qui puisse permettre
à un individu d’augmenter sa productivité dans une entreprise.
Cette conception de l’individu comme capital a de fortes implications en économie :
Elle permet d’expliquer le mécanisme de fixation des salaires. Dans une
entreprise, un salarié est payé en fonction de sa productivité, de ce qu’il apporte à
l’entreprise. Or celle ci est directement liée à son niveau de capital humain. De plus
cette conception rend compte de l’actuelle individualisation du marché du travail : les
entreprises cherchent des compétences et une motivation de plus en plus spécifique
dont les donnés du capital humain rendent compte.
Elle induit une rationalisation des choix de formation. Cette théorie fait de
l’homme un capital, conférant à ce dernier les mêmes qualités que le capital physique :
il s’use et à besoin constamment de se renouveler. Ce renouvellement peut s’opérer de
façon inconsciente, non réfléchie : acquérir de l’expérience ou tout simplement faire
attention à son état de santé. Il peut aussi l’être de manière calculée, la formation
(stage, étude…) est alors perçue comme un investissement. Comme n’importe quel
autre investissement, il est soumis à des critères de rentabilité. Il faut donc que la
productivité marginale du travail, l’augmentation des revenus anticipés soit supérieure
à la somme des coûts liés à la formation (coûts directs et coûts afférents) et des coûts
d’opportunité (ce que l’individu aurait pu gagner, s’il avait préféré travailler). En
fonction de ce calcul, l’individu opère un arbitrage. Cette théorie participe donc à
l’extension du raisonnement économique à des domaines nouveaux. Elle s’inscrit
pleinement dans la théorie néoclassique de maximisation sous contrainte. Compte tenu
de ses ressources, un individu cherche à utiliser et développer ses potentialités
productives à maximum.
Il est alors important de savoir qui va financer ces investissements. L’Etat a
tout intérêt à supporter ces coûts, cela lui permet d’avoir une population qualifiée et
donc plus productive, ce qui n’est pas sans incidence sur la croissance économique
d’un pays (cela est déjà le cas avec les dépense d’éducation). Les entreprises peuvent
avoir intérêt à assurer la formation de leurs salariés dans la mesure où il s’agit d’une
formation spécifique qui n’a principalement d’intérêt que dans cette entreprise. Dans
ce cas elle n’a pas à craindre que l’individu fasse profiter cette formation à une autre
entreprise. Dans le cas d’une formation générale, les compétences intégrées par
l’individu pouvant être utilisées par toutes les autres entreprises ; l’entreprise en
question n’a pas de véritable intérêt à financer cette formation. Pour éviter cela, la
théorie de Becker suppose qu’un individu puisse accepter un salaire inférieur à celui
qu’il pourrait avoir dans une autre entreprise. La différence étant le financement de la
formation.
Les critiques de la théorie du capital humain ont principalement revêtu trois
caractères :
Elle repose principalement sur le postulat de rationalité, c'est-a-dire que
l'individu est toujours capable d'effectuer un arbitrage entre les différentes possibilités
qui s'offrent à lui et de faire un choix rational reposant sur la prise en compte de coûts
visibles ou invisibles (coût d'opportunité). Or cet arbitrage n'est pas toujours effectué.
Elle ne permet pas toujours d'expliquer les choix des entreprises dans la
réalité. Dans un contexte de crise, les entreprises n'ont pas intérêt à financer la
formation de leurs employés pour deux raisons. Tout d'abord, le chômage de masse
leur permettant d'accéder facilement à une main d'œuvre relativement qualifiée et peu
chère, l'investissement en capital humain ne leur est pas nécessaire. Mais surtout,
l’instabilité du marché du travail peut leur faire craindre la fuite de leurs employés vers
d'autres entreprises. En effet, les formations dans lesquelles sont amenées à investir les
entreprises pour agrandir le capital humain de leurs employés ne sont rentables que
dans la mesure où l'employé ne change pas d'entreprise.
Elle ne prend pas en compte l'impact des origines sociales sur le choix de la
poursuite des études et sur les différences salariales. Pour Bourdieu en effet, l’école
entretient un rôle d’inégalité entre les « classes dominantes » et les « classes
dominées » en valorisant tous les acquis culturels, sociaux et économiques légués aux
enfants par leur famille. Elle récompense la maîtrise de la langue, la prise de parole
libre…autant de facteurs qui, selon lui, handicapent les enfants de classes défavorisées.
Par ailleurs, pour Boudon, les origines sociales conditionnent le comportement
rationnel de l’enfant vis à vis des études. Par exemple, les enfants des milieux
défavorisées prennent conscience plus tôt du risque d’échouer et donc par manque de
confiance en eux abandonnent même avant d’avoir commencé. Inconsciemment, ils
sont sensibles au coût que les études représentent pour leur famille et ne l’envisagent
souvent même pas. En revanche, les enfants de milieu favorisé considèrent comme
« normal » de poursuivre des études, le contraire les marginaliserait vis à vis de leur
famille.
Elle ne suffit pas toujours pour expliquer les inégalités de salaire. La
formation de l'individu détermine selon Becker la facilité ou non d'obtention d'un
emploi ainsi que le salaire perçu après cette obtention. Or, pour Arrow ou Spence la
formation n'est qu'un "filtre" un "signal" permettant à l'employeur de détecter le mérite
de l'individu qui postule pour l'emploi. Mais, parallèlement, le salaire, lui ne dépend
que de l'évolution de l'individu dans l'entreprise, de son adaptation aux attentes de
l'employeur, de son assiduité voire même de sa ponctualité.
Bibliographie :
Samuelson, Paul, Nordhaus William, Economie, Economica, 16° édition, p.233-
234
Piketty, Thomas, L’économie des inégalités,Repères, La découverte, 4° édition,
p.63-64 et73-74
Batifoulier, Philippe Economie sociale, PUF, que sais-je ?, pp 47-50
Echaudemaison, C-D, Dictionnaire d’économie et de sciences sociales, Nathan, 6e
édition, article « capital humain »
Chevalier, Marc, Duval Guillaume « le rôle du capital humain » in Alternatives
économiques n°53, 3e trimestre 2002, p 36-37
Site de la documentation française (www.ladocfrancaise.gouv.fr )
http://multitudes.samizdat.net/article.php3?id_article=231
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