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CM THEORIES SOCIOLOGIQUES
Jean-Hugues Dechaux
CHAPITRE 1 INDIVIDUALISME METHODOLOGIQUE
I) Généalogie Mercredi 23 Janvier
Expression qui insiste sur la dimension individuelle des choses. Comment la sociologie peut-elle être
individualiste alors que par définition elle traite du collectif (sociologie) ? Le mot individualiste fait
référence à une méthode, une façon de raisonner sur les faits sociaux. L’IM consiste à partir de
l’individu pour remonter au collectif, le collectif étant vu comme le produit agrégé d’un ensemble
d’actions individuelles. Ce n’est pas simplement une addition de phénomènes individuels.
C’est un courant théorique de la sociologie contemporaine reconnu depuis les années 80 en France
(tardif, particularité de la sociologie française, aux USA l’IM est reconnu depuis quasiment le début
de la socio. Cette différence s’explique en partie par le fait que la sociologie française a longtemps
été imprégnée de la sociologie durkheimienne), R. Boudon apparaissait comme son chef de file.
L’IM n’est pas une théorie unifiée mais plutôt une théorie qui connaît de multiples déclinaisons, ici
on va parler de deux déclinaisons : la version rustique et la version tempéré. Boudon est lui-même
passé de la première à la deuxième. Ces différentes déclinaisons montrent que c’est un courant
vivant, qui ne cesse de décliner, il y a toujours de nouvelles théories.
On va mettre l’accent sur 3 sources qui s’ancre dans des disciplines différentes : sociologie,
épistémologie et l’économie.
A) La sociologie : M. Weber et la rationalité
Les origines proprement sociologiques de l’IM remontent à Weber. A certains égards, sa sociologie
déborde de l’IM, il n’y a pas que de l’IM dans sa sociologie mais l’IM s’en réclame. Notamment sur un
point : la rationalité de l’action. Dans tout univers social, il y a de l’activité, on agit par rapport à
autrui. Pour comprendre le sens des actions réalisées par les individus le sociologue a besoin de la
notion de rationalité. Il est impossible d’en donner une définition élémentaire, c’est la notion qu’il
utilise le plus et qu’il définit rarement. C’est une notion qui se décline donc. Il fait donc une typologie
des actions qui se base sur le rapport des actions à la rationalité, c’est dans son rapport à la
rationalité que chaque action prend sens. INSERER COURS DIANE RODET DE LA TYPO
Peut-on identifier un noyau de la notion de rationalité ? Oui, c’est l’idée de cohérence, d’adéquation
de l’action. Cela signifie qu’une action est rationnelle lorsqu’elle utilise des moyens adaptés par
rapport à une fin, un objectif visé par celui qui agit ou alors par rapport à des principes qui inspirent
l’action.
Adéquation moyen fin / Rationalité instrumentale : fait écho à la façon dont utilise le mot
« rationnel » dans le langage commun. J’agis de manière rationnelle quand j’utilise un moyen pour
réaliser l’objectif que je me suis donné. EX- je veux aller au ciné (objectif) pour cela, je me renseigne
sur la programmation et je choisi en fonction de mes goûts, de l’horaire, etc. Cette adéquation
recouvre une multiplicité d’acte, mais aussi des contraintes (dans l’exemple du ciné elle est
temporelle). L’analyse de l’action peut être donc plus ou détaillée.
Adéquation moyen principe / Rationalité en valeur ou rationalité axiologique : lorsque j’agis par
fidélité à un principe auquel j’adhère de manière inconditionnelle. Ce qui compte alors dans l’action,
c’est qu’elle soit le reflet de ce principe et non pas le résultat attendu pour arriver à une fin. Mon
action est donc l’expression en acte de mon principe. EX période de guerre, on se fait la guerre sur
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mer. Par patriotisme, le capitaine d’un bateau encerclé refuse de se rendre et coule son navire. Ici le
principe c’est la patriotisme et l’action est l’expression en acte de ce patriotisme. Si on envisage ce
comportement dans la rationalité instrumentale, il devient complétement absurde.
La notion de rationalité est relative, d’où le fait qu’elle ne puisse être définit, il faut spécifier le cadre
dans lequel on se situe pour la définir, surtout pour la rationalité axiologique. L’analyse est
dépendante du contexte, ce qui rend difficile la généralisation, la théorisation générale.
Abstraction décroissante : expression qui n’est pas de Weber mais qui traduit le type de
raisonnement que recommandait de suivre Weber en Sociologie. On se place ici dans la perspective
d’analyser les activités sociales du plus simple au plus complexe. Qu’est-ce qu’on appelle simple =
facile à comprendre, évident, auto-suffisant, trivial. On commence alors à privilégier les hypothèses
de la rationalité instrumentale pour expliquer le phénomène que l’on a sous les yeux.
Mettre en rapport moyens et croyances c’est plus compliqué, parce que c’est supposer que l’acteur
croit en quelque chose, on a besoin d’éléments de contexte pour le comprendre (ex du capitaine).
Weber nous donne donc ce conseil méthodologique : devant une action quelque soit, i faut
commencer a faire l’hypothèse la plus simple (rationalité instrumentale), si cela ne permet pas de
comprendre l’action il faut utiliser une hypothèse un peu moins simple (rationalité axiologique) et
ainsi de suite.
B) L’épistémologie : K. Popper
Deux notions importantes : individualisme, effet émergent.
Individualisme ne signifie pas dans le sens où l’emploie Popper, donner une valeur morale
particulière à un individu, ce n’est pas une doctrine morale donc. Il s’agit ici de dire ce qui existe
vraiment, de manière concrète. Ce sont des individus et tout le reste, au-delà des individus est
abstraction, construction théorique, une réalité beaucoup plus abstraite.
Ici, Popper nous dit que seul l’individu est concret parce que seul l’individu est en mesure d’agir de
manière rationnelle. Ça signifie qu’un groupe ou une institution n’agit pas en tant que tel mais ce
sont toujours les individus en leur sein qui agissent. Bien sur la société est composée d’entités
collectives, mais il faut se demander comment les individus en viennent à agir au sein de ces entités.
Le problème majeur de la sociologie puisqu’elle s’intéresse à ce qui est collectif, est qu’elle traite par
définition de choses abstraites, des constructions collectives. Ces constructions collectives ne
peuvent être comprise que par le concret et donc les individus qui les font vivre. Pour comprendre un
fait social, quelque qu’il soit, il faut partir du niveau des individus pour reconstituer le mécanisme de
construction du collectif. La question clé du sociologue individualiste est non pas le pourquoi mais le
comment. Pourquoi, c’est poser la question de l’essence des choses mais cela donne une existence
concrète à des abstractions collectives. Comment, c’est poser la question du mécanisme de
fabrication des entités collectives.
Effet émergent : c’est une manière de qualifier le mécanisme de fabrication des entités collectives,
des faits sociaux. Quand on dit, « le sociale n’est jamais composé que d’individu », on pourrait se
dire que la seule différence entre l’individu et le collectif est d’ordre numéraire, il s’agit d’une
échelle. Si on multiplie les individus, on obtient du collectif. Mais la notion d’effet émergent contredit
cela. Un groupe est effectivement un certain nombre d’individu mais ce qui est descriptivement vrai
ne suffit pas. Les individus ensemble provoque autre chose que leur simple addition. Lorsqu’on agit
en rapport avec les autres, le résultat de nos actions nous échappe souvent. Nos actions produisent
souvent des effets collectifs inattendus, non anticipés, deviennent parfois même indésirables et
parfois même contraires aux objectifs qu’on s’était donné ou principes qui nous animent.
La matière sur laquelle nous agissons est composé d’individu comme nous et pour lesquels on a le
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plus grand mal à anticiper le comportement, il y a une opacité dans l’interaction social et c’est pour
cela qu’on fait des hypothèses sur les autres. Ce mécanisme d’agrégation qui fabrique une réalité
particulière, non voulue le plus souvent, se base sur l’action-action (l’interaction).
Ex1 On imagine que j’ai déposé de l’argent dans un banque et que je crains que cette dernière face
faillite. Par conséquent je retire mon argent de cette banque. Si je pense que la banque va faire
faillite, il y a de forte chance que je pense que d’autres gens fasse la même chose que moi. Et si tout
le monde fait comme moi, retire son argent, la banque va effectivement faire faillite et les individus
vont être ruinés = effet émergent = autre effet que ce que les individus voulaient (retirer leur argent
pour pas faire faillite mais en fait, si tout le monde fait ça en même temps, et bien tout le monde fait
faillite).
Ex2 - Je veux poursuivre mes études jusqu’au doctorat, pour avoir un vrai boulot etc. Mais si tout le
monde fait comme moi…
Parler d’effet émergent vient souligner le fait que le social est relativement opaque aux acteurs.
Ce que je perçois moi comme acteur, dans ma situation est d’une certaine manière toujours trop
limité par rapport à la complexité du jeu social. Si le monde social était transparent il n’y aurait pas
d’effet émergent.
On parle plus d’agrégation que d’addition donc, car l’agrégation est un processus fécond.
Partir des individus ce n’est pas comme on peut l’entendre dans les critiques de l’IM réduire le social
à l’individuel. L’IM part de l’échelle individuel pour reconstituer ce mécanisme de construction du
collectif par agrégation qui produit le social, le collectif par effet émergent.
C) L’économie
Cette discipline va introduire 3 notions : utilité, intérêt et modèle.
L’économiste dit qu’est rationnel ce qui est utile à l’acteur économique, dans cette optique je
procède à un recentrage sur la rationalité instrumentale. Je fais donc des hypothèses sur les fins que
l’acteur poursuit et sur les moyens mis en place pour y arriver. L’économiste réfléchit donc en
termes d’utilité : il y a le consommateur et le producteur, tout deux animés par le souci de réaliser au
mieux leurs objectifs. Cela signifie que chaque catégorie est animée par le souci de maximiser son
utilité par un calcul. Chacun procède en son intérêt. Pour comprendre un marché on se penche sur
les intérêts des producteurs comme ceux des consommateurs. On parle alors d’un raisonnement
utilitariste.
La grille de lecture utilitariste apprécie chaque action comme étant le résultat d’un calcul
coût/avantage. Je cherche à maximiser ce rapport : + d’avantage, - de coût. Pour comprendre la
rationalité instrumentale d’un individu, il faut refaire ce calcul.
Modèle : quand on parle du consommateur et du producteur, on parle d’un modèle théorique.
L’utilitarisme qui repose sur des hypothèses simples, présente un avantage en termes d’analyse car
elle permet de modéliser les relations qui s’établissent entre les acteurs (construit des modèles
d’analyses).
Ex- L’économiste qui cherche à comprendre le fonctionnement d’un marché, s’intéresse à tout ce
que partagent ces différents protagonistes : il veut construire un modèle de ce qu’est un producteur
et un modèle de ce qu’est le consommateur.
C’est le modèle abstrait, simplifié, théorique, l’idéal type qui est intéressant. Je modélise la réalité.
Il y a donc d’un côté la réalité empirique, variable et compliquée mais celle-ci doit être épurée pour
se prêter à l’analyse scientifique. Le modèle d’analyse est un modèle simplifié, unidimensionnel.
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L’IM a une certaine tendance à être utilitariste mais pas toujours.
II) L’individualisme méthodologique version rustique Mercredi 30 Janvier
On va présenter la déclinaison dite rustique de l’IM. Elle présente les caractéristiques suivantes :
C’est la déclinaison la plus simple
La plus systématique
La plus ancienne, celle originelle de l’IM.
Dans la littérature cette version porte le nom de théorie du choix rationnel (TCR).
A) Les principes de la théorie du choix rationnel
La notion de rationalité en constitue le cœur. Ill s’agit d’analyser les faits sociaux comme étant le
produit de choix qui sont opérés par des acteurs sur une base rationnelle.
Les plus souvent les acteurs sont des individus mais il peut s’agir parfois de groupe qui sont donc
considérés comme acteur collectif. On ne peut pour autant pas toujours considérer qu’un groupe est
un acteur collectif. C’est un des apports de la TCR que de montrer que toute somme d’individu ne
constitue pas forcément un acteur collectif.
La rationalité ici est conçue sur une base étroite et volontairement simple, elle fait référence à la
rationalité instrumentale (moyen-fin). Un choix rationnel est donc le choix d’un certain moyen en vu
d’atteindre un objectif, une fin donnée. Pourquoi parler de choix ? Parce que cela suppose qu’il est
possible, qu’il existe par conséquence pour l’acteur différentes solutions possibles.
Que nous propose de faire la TCR ? Quels sont ses principes d’analyse, les axiomes de la TCR ?
Axiomes = énoncé qui est généralement tenu pour évident et qui va constituer la base d’un système
de raisonnement, à partir de ces axiomes on déduit des propositions qu’on va tester empiriquement.
C’est ce qui va participer à la confrontation hypothèse / empirie.
La TCR repose sur trois axiomes :
1. Le conséquentialisme : l’acteur apprécie son action à partir de ses conséquences attendues par
rapports aux objectifs visés. Anticipation des conséquences des différents scénarios que l’acteur
pourrait suivre.
2. Le calcul coût/avantage : on considère que l’acteur confronte plusieurs choix, scénario possible et
s’engage en faveur de celui qui est le plus intéressant pour lui.
3. L’égoïsme : ne qualifie pas une appréciation morale sur le comportement des individus mais une
manière de raisonner. Les fins visées par l’acteur se rapportent à ses seuls intérêts.
La rationalité est entendue est terme strictement instrumental, l’acteur est sauf exception l’individu
lui-même et enfin la modélisation est un calcul d’intérêt.
Ce cadre axiomatique est volontairement simplifié, chaque axiome est résumé en un énoncé simple
(simplifie ce qui peut se passer dans la réalité) dans le but d’être systématique, qui puisse s’appliquer
à l’identique à toutes les situations empiriques on pense qu’il peut s’appliquer. Il s’agit d’un modèle
d’analyse.
Il est simple et assume donc son artificialité. Si le chercheur élabore ce modèle dans le but d’expliquer
la vie sociale c’est que le chercheur fait un pari : moi chercheur, j’ai besoin de recourir à ce modèle
simplifié pour expliquer le réel, dans le but de dégager des propositions qui soient de portée générale,
idéalement universelles. Le modèle s’apprécie non pas par son réalisme mais par sa capacité à produire
des explications générales. Donc lorsqu’on lit la critique qui dit que la TCR repose sur des axiomes
irréalistes, on peut se dire qu’elle n’est pas pertinente car si l’on considère que le modèle peut
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s’appliquer à une variété de situations empirique et produire des explications générales, alors on a la
preuve de son utilité.
B) Pourquoi est-il si difficile pour un groupe de se mobiliser ?
Pourquoi est-ce que les membres d’un groupe sont souvent conduit à accepter une situation qui est
contraire à leur intérêt ? Comment expliquer cette apathie ?
M. Olson
Il ne pense pas à un rassemblement fortuit
Ils ont tous un intérêt commun et son conscient de l’avoir,
Chaque individu membre du groupe pourrait contribuer à la réalisation de cet intérêt commun.
Le groupe présentant ces caractéristiques ne fait la plupart du temps rien, pourquoi alors est-il
incapable de se mobiliser ? Il ne suffit pas de vouloir collectivement quelque chose pour l’obtenir. Ce
qui est vrai pour un individu ne l’est pas forcément pour un groupe. La raison de cette impuissance
collective est simple : à partir du moment l’objectif profite à chaque individu du groupe une fois
réalisé cela signifie que chaque individu en bénéficie donc les individus qui n’auront rien fait pour la
réalisation de l’objectif en bénéficieront aussi. Donc l’individu à plus d’intérêt à laisser les autres faire !
Figure du free rider : ne fais pas ce que ton voisin peut faire.
Ex : groupe de 10 individus qui ont chacun 10€ et doit s’acquitter d’une taxe de 4€. Imaginons que si
les 10 individus déclenchaient une campagne pour faire pression sur le fisc, ils obtiendraient une baisse
de 50% de cette taxe. Pour être plus réaliste, ajoutons des conditions : l’efficacité de l’action collective
est liée au nombre de ceux qui s’y joigne. Aller prendre un ex dans le livre…
Deux enseignements généraux : l’existence d’un acteur collectif n’a rien d’évident. L’inertie du groupe
n’est pas le produit d’une préférence collective mais le résultat de la manière dont s’agrègent les
préférences individuelles. Les préférences individuelles desservent le groupe donc.
Mais on est toujours dans le modèle de la TCR : l’individu pèse les conséquences de l’action collective,
agit de manière égoïste et fait un calcul coût/avantage.
C) Effet émergent à l’échelle individuelle et à l’échelle collective
D’abord le raisonnement d’Olson était déjà développé avant. L’un des plus célèbres exemples de free
rider se trouve chez Marx. Il s’intéresse à la situation française et montre que les paysans français à
cette époque (1850) ne peuvent pas constituer une classe pour soi. Il les appelle d’ailleurs « les paysans
parcellaires ». Ils sont incapables d’action collective et Marx les compare à un sac de pomme de terre.
Pourquoi ? D’abord parce que les paysans sont disséminés et isolés les uns les autres d’un point de vue
géographique. Ils vivent en autarcie, les moyens de communications sont peu développés. Pour
s’organiser collectivement il faudrait qu’ils se rencontrent, qu’ils discutent de leur problème etc. mais
ils se voient comme des concurrents. Pour chaque paysan il y a une grosse différence entre le gain net
de participer à la création de l’entité collective (qui revient cher en termes de coût) et entre le gain
plus grand donc en laissant les autres agir à sa place. Donc chacun raisonnement de cette façon, ils
sont dans l’incapacité d’être une classe pour soi.
Le freerider relève de la catégorie plus générale de l’effet émergent. L’inertie collective est le résultat
dans individualité, typiquement l’inertie est un effet émergent et qui dessert les individus donc.
L’effet émergent résulte donc d’un décalage entre la perception individuelle de l’acteur (échelle
individuelle) et la réalité sociale de l’interdépendance collective (échelle collective). Si chaque individu
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