Chimie organique / Cours – TD Chapitre 0 Effets électroniques dans les composés organiques I. Stabilité relative des intermédiaires réactionnels ioniques Dans un composé ionique, la charge est d’autant plus stabilisée que celle-ci est délocalisée sur un grand nombre d’atomes. En conséquence : tout effet électrodonneur stabilise une charge positive, déstabilise une charge négative ; tout effet électroattracteur déstabilise une charge positive, stabilise une charge négative. Exercice n° 1 : Stabilité relative des carbocations et des carbanions 1. Classer par ordre de stabilité décroissante les carbocations ci-dessous. A B C D 2. Classer par ordre de stabilité décroissante les carbocations ci-dessous. Br A Br B C D 3. Classer par ordre de stabilité décroissante les carbanions ci-dessous. H H H H A H B C D II. Propriétés acido-basiques La force d’un acide ou d’une base est mesurée à l’aide d’une constante thermodynamique d’équilibre (d’acidité ou de basicité) dont la valeur dépend des stabilités relatives de l’acide et de sa base conjuguée. L’étude des effets électroniques permet d’identifier les facteurs de stabilisation et de déstabilisation, et ainsi d’établir un ordre relatif d’acidité ou de basicité. Que l’on s’intéresse à l’acidité ou à la basicité comparée de composés organiques, nous raisonnerons ici sur la stabilisation ou déstabilisation de la base du couple considéré par rapport à son acide conjugué. Echelle d'acidité pKA Déstabilisation de la base augmente le pKA du couple Stabilisation de la base diminue le pKA du couple Acidité comparée : Un acide est d’autant plus fort que sa base conjuguée est stabilisée. Basicité comparée : Une base est d’autant plus forte qu’elle est déstabilisée. Il est bon de signaler que l’on pourrait également choisir de raisonner sur les facteurs de stabilisation et de déstabilisation des acides des couples acido-basiques (on suivrait la même démarche), mais cela est souvent moins évident. Exercice n° 2 : Acidité et basicité relative 1. Attribuer les valeurs des pK aux acides carboxyliques ci-dessous : 0,3 ; 0,7 ; 2,9 ; 4,8 O O OH Cl O Cl OH Cl O OH Cl F F OH F 2. Attribuer les valeurs de pK aux bases ci-dessous : 4,6 ; 10,8 ; 11,1 ; 35 NH 2 NH 2 N H N 3. L’imidazole est un ampholyte (ou espèce amphotère) dont les pK sont de 7,0 et 14,9. Représenter l’acide conjugué et la base conjuguée de l’imidazole et attribuer les pK sans ambiguïté. H N N III. Propriétés électrophiles et nucléophiles Un nucléophile (« qui aime les nucléons » donc les noyaux) est une espèce riche en électrons et réactive visà-vis des sites pauvres en électrons aussi appelés sites électrophiles. Un électrophile (« qui aime les électrons ») est une espèce pauvre en électrons et réactive vis-à-vis des sites riches en électrons aussi appelés sites nucléophiles. Afin de repérer les sites réactifs, il faut garder à l’esprit que : un atome porteur d’une charge partielle positive est un potentiel site électrophile. un atome porteur d’une charge partielle négative est un potentiel site nucléophile. Un électrophile est d’autant plus fort qu’il est appauvri électroniquement. En conséquence : tout effet électroattracteur exalte l’électrophilie ; tout effet électrodonneur inhibe l’électrophilie. Un nucléophile est d’autant plus fort qu’il est enrichi électroniquement. En conséquence : tout effet électroattracteur inhibe la nucléophilie ; tout effet électrodonneur exalte la nucléophilie. Rappelons que les notions de force d’électrophilie ou de nucléophilie sont des notions de nature cinétique. Exercice n° 3 : Electrophilie et nucléophilie comparée 1. Après avoir mis en évidence l’existence d’un site électrophile dans les composés carbonylés ci-dessous, classer les par ordre décroissant d’électrophilie. Donner ensuite un exemple d’activation électrophile en expliquant. O O O O O H O NH2 Cl 2. Indiquer la structure du produit de cette réaction et expliquer clairement la chimiosélectivité de cette réaction. O O NaBH 4 EtOH OEt ? 3. Comparer la nucléophilie de ces trois anions (les deux premiers étant qualifiés de « donneurs d’hydrure »). H H B H H H H ion tétrahydruroborate Al H H H ion tétrahydruroaluminate ion hydrure 4. Expliquer alors les résultats ci-après. O NaH, THF O O 1. LiAlH 4 , THF O OEt OEt OH OH 2. Hydrolyse 5. Proposer une stratégie mettant en jeux plusieurs étapes pour réaliser la synthèse suivante. O O ? O OH OEt 6. Lors de cette étape, on observe les résultats suivants : en spectroscopie IR, 1 possède entre autres deux bandes d’absorption intenses à 1690 cm et 1730 cm alors que dans cette zone, 2 ne possède qu’une bande à 1690 cm . Expliquer ces observations et représenter le composé 2. O NaBH 4 1 O EtOH, 0 °C 2 Exercices d’entraînement Exercice n° 4 : Synthèse de l’héroïne L’héroïne peut facilement être synthétisée à partir de la morphine via la réaction d’acétylation suivante. HO O O O H H O +2 N N O O +2 O O H HO O H H N +2 N O O Morphine Anhydride acétique Pyridine Héroïne Acétate de pyridinium 1. Nommer les différents groupes fonctionnels présents dans les réactants et les produits de la réaction. 2. Identifier les potentiels sites nucléophiles de la morphine. 3. Identifier les sites électrophiles de l’anhydride acétique. 4. Comparer la nucléophilie de CH OH et CH NH . 5. Pourquoi l’atome d’azote de la morphine n’a-t-il pas réagit avant les atomes d’oxygène ? 6. Quel produit obtient-on à priori si on n’utilise qu’un seul équivalent d’anhydride acétique ? 7. Expliquer la formation de l’acétate de pyridinium. 8. Que dire de la solubilité de la morphine dans différents solvants ? 9. Décrire une méthode de purification de la morphine. Données sur la morphine : T = 250 °C ; Solubilités de la forme la plus acide : dans l’eau 64 mg. mL ; dans l’éthanol 1,8 mg. mL . Exercice n° 5 : Synthèse de la méthamphétamine La (+)-méthamphétamine (ou N-méthyl-1-phénylpropan-2-amine) est une drogue synthétique psycho-stimulante qui provoque une euphorie, une forte stimulation mentale, elle est hautement addictive. Pure, elle se présente sous forme de cristaux qui peuvent faire penser à de la glace pilée, d’où ses dénominations crystal et ice. 1) Synthèse à partir de la 2-phénylpropanone (P2P) La méthamphétamine peut être synthétisée à partir de la P2P selon la séquence suivante. 1.a) Ecrire l'équation de réaction de la première étape. Par analogie avec la réaction d’acétalisation, proposer un mécanisme réactionnel. 1.b) Indiquer la nature de la seconde transformation et proposer un réactif susceptible de mener à bien cette transformation. 1.c) Expliquer un inconvénient majeur de cette synthèse. 2) Synthèse à partir de l'éphédrine Une autre méthode de synthèse utilise comme matériel de départ la (-)-L-éphédrine. Cette dernière est mise en réaction avec un mélange d'acide iodhydrique et de phosphore rouge pour conduire, après traitement, à la méthamphétamine. OH NH CH3 HI / P(red) NH CH3 (-)-L-éphédrine 2.a) Indiquer la nature de cette transformation et le rôle du phosphore rouge. 2.b) Les pKa de l'éphédrine et de la méthamphétamine valent respectivement 9,5 et 9,9. Expliquer. 2.c) Interpréter le spectre RMN du proton de la (-)-L-éphédrine. 2.d) La (+)-méthamphétamine peut également être obtenue à partir d'un stéréoisomère de configuration de la (-)L-éphédrine, appelé pseudoéphédrine. Représenter la pseudoéphédrine et indiquer la relation de stéréoisomérie entre l'éphédrine et la pseudoéphédrine. 2.e) Expliquer quel est l'avantage de cette méthode de synthèse par rapport à la précédente. Spectre RMN de la (-)-L-éphédrine sous forme de chlorhydrate Données sur la méthamphétamine : T = 173,8 °C (chlorhydrate) T = 212 °C (pur) M = 149,2 g/mol Exercice n° 6 : Les phénols On appelle phénols les dérivés hydroxylés du benzène et des hydrocarbures aromatiques, dans lesquels le groupe OH est lié à un atome de carbone du cycle benzénique. Le composé le plus simple appartenant à la famille des phénols est appelé phénol et est représenté ci-dessous, c’est un désinfectant d’usage général. OH Données sur le phénol : pKa(PhOH⁄PhO ) = 9,95 T = 43 °C T = 182 °C Solubilité dans l’eau : s(25 °C) = 9,8 g. L Phénol 1. Solubilité du phénol 1.a. En vous appuyant sur les interactions intermoléculaires, expliquer la solubilité partielle du phénol dans l’eau. On rappellera les ordres de grandeur des énergies correspondant aux interactions considérées. 1.b. De manière générale, indiquer comment on peut augmenter la solubilité du phénol dans l’eau. 1.c. Proposer une méthode expérimentale pour purifier le phénol. Décrire succinctement son principe. 2. Acidité On se propose de comparer l’acidité du phénol avec celle du cyclohexanol (l’ordre de grandeur du pKa des alcools doit être connu). 2.a. Définir un acide fort, un acide faible et un acide indifférent. Qu’en est-il du phénol et du cyclohexanol ? 2.b. En raisonnant sur les effets électroniques, justifier la différence d’acidité entre ces deux composés. 2.c. Ecrire l’équation de la réaction entre le phénol et la soude ainsi que le mécanisme associé. Déterminer la valeur de la constante d’équilibre thermodynamique de cette réaction. 2.d. Pourquoi ne peut-on pas former quantitativement l’ion cyclohexanolate en milieux aqueux ? 3. Nucléophilie 3.a. Repérer les sites nucléophiles de la molécule de phénol. 3.b. L’atome d’oxygène est-il plus nucléophile dans le phénol ou dans le cyclohexanol ? 4. Acidité comparée des phénols substitués : En raisonnant sur les effets électroniques, classer les pK phénols substitués A, B et C. OH OH OH Cl CH3 NO2 A B C des 5. Spectroscopie RMN du proton : Interpréter les spectres RMN du proton du phénol et du para-nitrophénol aussi précisément que possible. Au minimum, votre réponse devra être accompagnée d’un tableau dans lequel apparaîtront les colonnes : déplacement chimique δ (ppm), intégration, multiplicité et enfin attribution (mise en lien avec un schéma de la molécule). Il est conseillé de s’aider des formules mésomères pour attribuer les différents signaux. Commenter l’influence du groupement nitro. Spectre RMN du phénol Spectre RMN du para-nitrophénol C Annexes Acide / Base / à 25 °C Alcane / Carbanion RH / R 40 – 50 Amine / Amidure RNH / RNH 35 Dihydrogène / Hydrure H /H 35 Alcyne vrai / Alcynure R−C≡C−H/R−C≡C 25 Cétone / Enolate RCOCH / RCOCH 18 – 20 Alcool / Alcoolate ROH / RO 16 – 18 Eau / Hydroxyde H O / HO 14 Phénol / Phénolate PhOH / PhO 10 Ammonium / Amine RNH / RNH 10 Acide carboxylique / carboxylate RCOOH / RCOO 4–5 Acide fluorhydrique / Fluorure Acide chlorhydrique / Chlorure Acide bromhydrique / Bromure Acide iodhydrique / Iodure HF / F HCl / Cl HBr / Br HI / I 3,2 -7 -9 - 10 Les nucléophiles Molécules neutres avec atome porteur d’une charge partielle négative et d’un doublet non liant Anions H 3C Molécules neutres polarisables et riches en électrons (présence de liaison ) 1 liaison + 1 liaison nucléophile CH3 H 3C C H N CH3 H3 C C H Site nucléophile Site nucléophile CH3 C H CH3 Sites nucléophiles Autres exemples : - Ions hydroxyde et alcoolate - Ions amidure , ions azoture - Ions thiolate - Ions halogénures , , , - Carbanions , cyanures Autres exemples : - Alcools ROH - Amines RNH - Thiols RSH - Phosphines PR Autres exemples : - Alcènes - Alcynes - Dérivés benzéniques Les électrophiles Molécules neutres possédant au moins une lacune électronique (acides de Lewis) Cations O N O Cl Molécules neutres polarisables et avides d’électrons O Cl Al Site électrophile Site électrophile Cl H3C C CH3 Site électrophile Autres exemples : - Carbocations - Ion nitronium - Ion oxonium (ou ) Autres exemples : - Borane BH - Trichlorure d’aluminium AlCl - Chlorure de zinc ZnCl - Chlorure de magnésium MgCl Autres exemples : - Dihalogènes Cl , Br , I - Halogénoalcanes RCl, RBr, RI - Composés à liaison C = O (cétones, aldéhydes, chlorures d’acyle, esters, anhydrides d’acide …) Groupements à effet + I ( < ) > Groupements à effet – I ( ) O Métaux Mg Li Nitro N O Alcoolates Amino NH2 Ammonium NH3 Hydroxy OH Alkyloxy O O Halogéno Alkyles X Alkyle X = F, Cl, Br, I alkyle O Cyano Cas particulier (le seul effet inductif qu'il faut connaître par coeur!) : Effet + I bien queC >H à cause d'un effet orbitalaire (non étudié) appelé hyperconjugaison C N Carbonyles C R Alkényles Phényles C H CH2 Alkynyles C CH Groupements à effet + M Groupements à effet – M Le premier atome est porteur d’un doublet non liant Le premier atome est engagé dans une liaison multiple avec un atome plus électronégatif que lui O Alcoolates Alkyloxy O O Nitro Alkyle N O Amino NH2 Hydroxy OH O Halogéno X Carbonylés X = F, Cl, Br, I C R Cyano C N Effet +M ou – M selon les cas Le premier atome est engagé dans une liaison multiple avec un atome de même électronégativité Ethènyle C H CH2 Ethynyle C CH Phényle Solvants apolaires Solvants polaires aprotiques Solvants polaires protiques - Tétrachlorométhane - Hydrocarbures (cyclohexane, éther de pétrole, benzène, toluène…) - Ethoxyéthane CH CH OCH CH - Tétrahydrofurane (THF) - Dichlorométhane CH Cl - Propanone CH COCH - Diméthylsulfoxyde CH SOCH (DMSO) - Diméthylformamide (CH ) NCHO (DMF) - Acétonitrile CH CN - Triéthylamine Et N - Pyridine C H N - eau H O - alcools ROH - acides carboxyliques RCOOH - ammoniac liquide NH ( ) Les effets électroniques ont la même influence sur la basicité et sur la nucléophilie des molécules. Cependant : - la basicité est une notion thermodynamique : l’analyse des effets électroniques suffit pour établir un ordre relatif de basicité. - la nucléophilie est une notion cinétique : en plus des effets électroniques, il faut prêter attention à la possibilité d’approche des réactants dans l’espace, c’est-à-dire à l’encombrement stérique (se référer au cours sur la stéréochimie de conformation). H Effet + I H 3 Effet + I C H3 C O Ethanolate Base forte et nucléophile fort H3C CH3 C H3C O tert-butanolate Base plus forte que l'ion éthanolate mais très faible nucléophile à cause de -C(CH3)3 très volumineux