contrôle inhibiteur de la douleur [19,23]. En revanche, des
différences portant sur les processus impliquant la modula-
tion de la douleur ont étérécemment démontrées entre hom-
mes et femmes et ceci en l’absence de FM, ce qui pourrait
suggérer que des anomalies des mécanismes inhibiteurs de la
douleur prédisposeraient au développement de la FM chez la
femme [20].
Des lésions tissulaires ou nerveuses périphériques, une
exposition répétéeàdes stimuli périphériques douloureux
peuvent modifier l’activitédu système nerveux central, et
ainsi conduire àl’installation d’une douleur chronique d’ori-
gine centrale, un état d’hyperalgésie ou d’allodynie pouvant
persister même aprèsguérison de la lésion tissulaire [24].
Plusieurs auteurs pensent que, comme ce qui est observéàla
suite d’une lésion nerveuse, des modifications du système
nerveux central apparaissent au cours de la FM, faisant inter-
venir une sensibilisation centrale, une altération des systè-
mes de modulation des messages nociceptifs, des modifica-
tions fonctionnelles médullaires (neuroplasticitécentrale)
[14]. Les altérations fonctionnelles des voies spinales aug-
menteraient la transmission nociceptive dans les aires céré-
brales et une nouvelle organisation fonctionnelle des fibres
nerveuses pourrait transmettre la douleur dans certaines
conditions. Un tel concept rendrait compte des FM observées
au cours de certains rhumatismes inflammatoires chroniques
[25], ou faisant suite àun traumatisme par exemple cervical
[26]. Toutefois certaines douleurs relèvent d’un mécanisme
central même en l’absence de toute cause périphérique noci-
ceptive. Au total l’expression anormale de la douleur impli-
que probablement des dysfonctionnements centraux, appa-
raissant en réponse àdes anomalies des afférences
neuronales (dépendantes de stimuli périphériques), ou surve-
nant spontanément en l’absence de stimulus. Tous les étages
du système nerveux central peuvent être en cause.
Des travaux ont portésur les structures mêmes du SNC
impliquées dans la douleur.La débimétrie cérébrale (Spect =
single photon emission computed tomography),arévélé
dans la FM une réduction des flux sanguins cérébraux régio-
naux dans le thalamus et le noyau caudépar rapport aux
témoins [27]. Cette réduction du flux (qui témoigne d’une
diminution de l’activitéfonctionnelle), pourrait rendre
compte de l’atteinte centrale des processus inhibiteurs de la
transmission douloureuse et donc de l’anomalie de percep-
tion de la douleur. Les valeurs du flux cérébral n’étaient pas
liées aux index d’anxiétéou de dépression. La réduction du
flux dans le thalamus et le noyau caudépeut être induite par
une exposition prolongéeàdes stimuli nociceptifs périphéri-
ques via un excès de neuropeptides des fibres-C. L’ensemble
va modifier les réponses centrales, avec diminution du seuil
de la douleur et apparition d’un syndrome douloureux chro-
nique. Un autre travail plus récent a montréqu’après stimu-
lation périphérique, la répartition des modifications des flux
sanguins cérébraux était différente dans la FM et dans la
dépression [12].
De même, le développement de techniques d’imagerie
cérébrale fonctionnelle (f MRI) a permis d’objectiver les
mécanismes impliqués dans le traitement central de la dou-
leur au cours de la FM [28]. Les images cérébrales étaient
analysées après stimulation d’intensitévariable sur le lit de
l’ongle du pouce. Les résultats ont montréque des régions
cérébrales communes étaient activées chez les témoins et les
FM en provoquant une pression suffisante pour entraîner des
sensations douloureuses identiques dans les 2 groupes. En
revanche,pour une intensitédestimulation identiquepour les
2 groupes (qui provoquait une sensation douloureuse dans le
groupe FM, mais pas chez les témoins), l’activitéet la répar-
tition des régions cérébrales activées était qualitativement et
quantitativement différente entre témoins et FM. Ces travaux
démontrent que les traitements centraux des signaux doulou-
reux sont différents au cours de la FM, par rapport aux sujets
normaux.
Les symptômes variés rencontrés au cours de la FM, ont
conduit àévoquer une altération du système limbique et de
ses projections [29]. Le système limbique est un régulateur
complexe impliquédans la douleur, le sommeil, l’humeur, la
fatigue..., et qui possède des relations réciproques sur le
système endocrinien et la modulation du système nerveux
périphérique. La dysfonction du système limbique peut être
engendréepar descauses centralesou apparaîtreen réponseà
des stress d’origine variée. Les principaux arguments en
faveur d’une origine centrale sont résumés dans le Tableau 2.
4. Les neuromodulateurs impliqués
Une anomalie de la neuromodulation doit être évoquéeen
raison des arguments qui viennent d’être développés. De
nombreuses substances impliquées dans la neuromodulation
du message douloureux, jouant un rôle soit dans la transmis-
sion soit dans l’inhibition de la douleur) peuvent conduire à
un syndrome d’amplification àla douleur.
La sérotonine (5-hydroxytryptamine) est un neurotrans-
metteur qui joue un rôle dans la modulation de l’information
douloureuse par son action antinociceptive. Elle est mise en
jeu par les structures supraspinales, et module la transmis-
sion nociceptive dans la corne postérieure. Elle intervient
aussi dans la régulation du sommeil àondes lentes et est
incriminée dans certains désordres psychiatriques, essentiel-
lement anxiétéet dépression. Un trouble du métabolisme de
la sérotonine mérite donc d’être évoquédans la FM. Cette
hypothèse a étéconfortée par plusieurs travaux qui ont dé-
montréune diminution des taux sériques de sérotonine et des
taux de 5-HIAA (5-hydroxyl-indol-acetic acid) dans le LCR
des FM par rapport aux témoins [30,31]. Enfin, le bénéfice
des traitements sérotoninergiques vient appuyer l’intérêt des
travaux concernant ce neuromédiateur [32]. Il faut ajouter
que l’effet antalgique des antidépresseurs ne semble pas liéà
leur propre effet antidépresseur, puisqu’il n’y a pas de diffé-
rence d’efficacitéentre patients déprimés ou non dans certai-
nes études. Enfin, les antidépresseurs sérotoninergiques purs
ne semblent pas plus efficaces que les tricycliques àeffet
mixte, et le mécanisme sérotoninergique n’est sûrement pas
exclusif.
316 E. Houvenagel / Revue du rhumatisme 70 (2003) 314–320