L
es critères de diagnostic de la fibromyalgie ont été
d é finis en 1990 par l
A m e r ican College of
Rheumatology
(ACR) afin de séparer ce syndrome
polyalgique des autres pathologies rhumatismales. La patho-
logie touche au moins 5 % de la population, et les femmes en
sont les principales victimes (80 à 90 % des cas).
L’origine des douleurs n’est pas connue, et plusieurs pistes
étiologiques sont explorées. Des mécanismes aberrants de
contrôle de la douleur,des dysfonctionnements endocriniens
et des anomalies de l’immunité ou de réponse du système
inflammatoire sont évoqués. La possibilité de l’expression
d’une maladie psychiatrique est une autre hypothèse. De ce
fait, le traitement reste empirique et des solutions thérapeu-
tiques variées sont proposées. Nous présentons les critères
permettant le diagnostic, une revue des hypothèses pathogé-
niques et des traitements utilisés.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic de fi b ro mya l g ie repose sur la présence de signes
cliniques fquents sans support biologique ou ra d i o l ogi q u e ,
mais dont l’association permet d’évoquer la pat h o l ogi e . C’est un
d i a gnostic d’élimination. Les cri t è r es de diagnostic de la fi b ro-
mya l g ie ont été fis par l’ACR en 1990, d é c r ivant la douleur
ch r onique comme étant le sympme pdominant et défi n i s s a n t
dix-huit points part i c u l i è r ement sensibles
( 1 )
. Les douleurs ne
revêtent pas de systémat i s a tion clinique part i c u l i è re dans leur
l o c a l i s at i o n , leur intensité ou leur hora i re. Elles s’aggravent sou-
vent à l’effo r t , rendant les activis quotidiennes fa s t i d i e u s e s .
Elles sont exacerbées par la pression au niveau des points sen-
s i b l e s , situés de façon symétrique principalement le long du
squelette axial. Ils doivent être re ch e rchés au niveau occipital à
l ’ i n s e rtion du mu s c le sous-occipital, au niveau du ra chis cerv i c a l
La fibromyalgie, maladie ou syndrome ?
Actualités diagnostiques et thérapeutiques
Fibromyalgia: new concepts in diagnosis, rational mechanisms
and targeted treatment
A. Chiffoleau
1
, J. Nizard
2
, J.M. Berthelot
3
, P. Gillet
4
, P. Jolliet
1
1
Centre régional de pharmacovigilance, CHU, Institut de biologie, 44093
Nantes Cedex.
2
Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, CHU Nord-hôpital G. et
R. Laennec, 44800 Saint-Herblain.
3
Service de rhumatologie, CHU, 44000 Nantes.
4
Centre régional de pharmacovigilance, hôpital Central, 54035 Nancy Cedex.
RÉSUMÉ.
Les progrès récents en matière de physiopathologie et de prise en charge de la douleur ont permis de mieux préciser les particula-
rités de traitement des patients porteurs de fibromyalgie, pathologie douloureuse chronique, souvent invalidante pour les patients. Son étio-
pathogénie, encore obscure, semble mettre en jeu une sensibilisation centrale des circuits centraux de la douleur et impliquer des stimuli dou-
loureux périphériques.
Le diagnostic de fibromyalgie, selon les critères de l’American College of Rheumatology, repose sur des critères cliniques : association de
douleurs chroniques musculosquelettiques généralisées et de la mise en évidence de points douloureux spécifiques (au moins onze sur dix-
huit), sensibles à la pression. Une fatigue et des troubles du sommeil sont présents dans la grande majorité des cas.
La fréquence et la banalité de ces plaintes fonctionnelles doivent conduire à éliminer les diagnostics différentiels. Nous présentons ici les étio-
logies et les mécanismes suspectés ainsi que les stratégies thérapeutiques à proposer en relation avec ces hypothèses.
Mots-clés :
Fibromyalgie - Mécanisme de la douleur - Récepteurs NMDA - Récepteurs 5HT3 - Sensibilisation centrale - Antalgiques -
Thérapeutiques non médicamenteuses de la douleur.
ABSTRACT.
The exponential increase in pain research over the last years has established fibromyalgia as a common, distressful chronic pain
syndrome. Its pathogenesis involved an interaction of central sensitization and peripheral pain generators.
According to the criteria of the American College of Rheumatology, fibromyalgia syndrome is characterized by widespread pain and tender-
ness at specific sites, often associated with fatigue and sleep disorders.
Given the frequency and the ordinariness of these symptoms, we analyse the diagnosis criteria, the suspected etiologies and mechanisms and
the related rational stategies of fibromyalgia treatment.
Keywords:
Fibromyalgia - Chronic pain - NMDA receptors - 5HT3 receptors - Central sensitization - Analgesic drugs - Non pharmacological
management.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2004
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i n f é r ieur sur les ve r sants antéri e u rs des espaces intert r a n s v e r -
s a i r es C5-C7, au niveau de la ceinture scap u l a i re au milieu du
b o r d supérieur du trap è ze et à l’ori g ine du sus-épineux au-dessus
de l’épine de l’omoplat e , au niveau de la face supéri e u r e de la
deuxme art i c u l ation costoch o n d r a l e , au niveau fessier dans le
q u a d r ant supéro - ex t e r ne de la fesse ainsi qu’au bord postéri e u r
du grand tro ch a n t e r. La douleur des coudes est réveillée par la
p r ession en aval de l’épicondyle et celle des genoux près de l’in-
t e r ligne interne
( 1 , 2 )
. L’intensi de la douleur à la pression peut
ê t r e objectivée par l’utilisation du dolori m è t r e glé à une pre s -
sion de 4 k g , mais la fi a bilité de ces mesures est discue ; l’hy-
p e r v i g ilance des sujets pour des stimuli prédéterminés peut être
un biais et d’autres stimu l i , comme la sensation de ch a l e u r,p o u r -
raient aussi donner des résultats positifs
( 3 )
.
Pour que le diagnostic soit retenu, la douleur doit être présen-
te depuis au moins trois mois, et au minimum onze des dix-
huit points spécifiques doivent être identifiés.
Des signes moins spécifiques sont presque toujours associés
à ce tableau douloureux. La sensation de fatigue augmentant
au cours de la journée, nécessitant des temps de repos pour
accomplir les tâches quotidiennes, les troubles du sommeil et
la raideur matinale malgré l’absence d’atteinte articulaire sont
cités par plus de 75 % des patients. Leur présence simultanée
est notée chez 56 % des patients
(1, 4)
(tableau I).
Les paresthésies, les céphalées et les migraines, l’anxiété, les
douleurs de type “côlon irritable” ainsi que les dysménor-
rhées et les instabilités vésicales sont d’autres plaintes fré-
quemment exprimées. À ces manifestations peuvent s’ajouter
des troubles vasomoteurs comme un syndrome de Raynaud,
des sueurs ou un syndrome sec. Des facteurs favorisants ont
été identifiés : les situations de stress, l’humidité, les varia-
tions de température, le bruit ainsi que les médiocres condi-
tions de travail comme des traumatismes répétés ou une ergo-
nomie inadaptée
(2)
. La constatation de ces associations sou-
ligne le caractère restrictif des critères de l’ACR
(2)
.
Les douleurs chroniques et la diversité des signes d’accompa-
gnement font parfois rapprocher la fibromyalgie du syndrome
de fatigue chronique (SFC), des syndromes douloureux régio-
naux complexes (SDRC) et parfois des syndromes de stress
post-traumatique
(4-6)
. La possibilité de maladies psychia-
triques intercurrentes et le rôle des maltraitances ou des souf-
frances endurées pendant l’enfance sont évoqués
(4, 7, 8)
.
De multiples associations pat h o l ogiques ont été identifi é e s .
A i n s i , 6 5 % des patients ayant un lupus éry t h é m ateux et
p resque 60 % de ceux ayant une polya rt h r ite rhumatoïde pré-
sentent des signes cliniques correspondant aux cri t è res de
fi b ro mya l gi e. Un peu moins d’un tiers des patients infectés par
le VIH ou le virus de l’hépat i t e C décrivent les mêmes symp-
tômes
( 5 )
. Des patients ayant présenté une maladie de Ly m e
p e u vent secondairement développer une fi b r o m ya l gie
( 9 )
. Le
d i abète et l’obésité seraient aussi des terrains favo risants
( 1 0 )
.
Le poly m o rphisme des signes présentés par les patients impo-
se la re ch e r che d’un diagnostic diff é rentiel. Les examens bio-
l ogi q u e s , ra d i o l ogiques et scanographiques n’ap p o rte nt pas
d ’ a rgument pour confi r mer le diagnostic de fi b ro mya l gi e. Dans
la majorité des cas, les marq u e u r s de l’infl a m m ation ou de
p at h o l ogies dy s i m mu n i t a i res tout comme les dosages horm o-
naux sont dans les limites des fo u rchettes de norm a l i t é ; ils per-
mettent l’élimination de pat h o l ogies rhumat i s m a l e s , de mala-
dies systémiques ou de dy s fonctionnements endocriniens
( 1 , 2 ,
4 , 1 1 )
: les dosages suivants sont souvent proposés systémat i-
quement et doivent être norm a u x :N F S,C R P, calcémie et pro-
t i d é m i e,T S H , l at ex / Wa a l e r -Rose et anticorps antinu cl é a i re s .
Des anomalies modérées, parfois discordantes, touchant prin-
cipalement la sécrétion des corticoïdes, de l’hormone de
croissance, de la mélatonine ou des cytokines (interleukines
Il-1, IL-6 et TNFα) ont été mises en évidence dans des sous-
groupes de patients
(11, 12).
Il est encore impossible de dire
si les anomalies constatées sont la cause du syndrome fibro-
myalgique ou si elles sont la conséquence de la douleur, du
stress ou de copathologies.
L’évolution de la fibromyalgie se fait sur le long terme (une à
deux décennies) et les traitements ne soulagent que partielle-
ment les patients
(2, 4)
.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Neumann et al. soulignent les variations constatées en fonc-
tion des critères diagnostiques choisis et des populations étu-
diées
(5)
. Si, dans des services spécialisés, les patients répon-
dant aux critères diagnostiques peuvent représenter plus de
15 % des consultants, les estimations sont concordantes pour
évaluer à environ 5 % la prévalence de ce syndrome dans
l’ensemble des pays.
L a w rence et al. ont réalisé une analyse des données publ i é e s
e n t re 1989 et 1995 aux États-Unis comme en Europe du Nord
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La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2004
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Tableau I. Éléments du diagnostic de fibromyalgie.
Douleur diffuse chronique (depuis au moins 3 mois), y compris axiale
Exacerbation douloureuse à la pression d’au moins 11 des points spéci-
fiques bilatéraux :
au niveau occipital à l’insertion des muscles sous-occipitaux
au niveau cervical C5-C7 à la partie antérieure des espaces intertrans-
versaux
au niveau de la partie moyenne du bord supérieur du muscle trapèze
au niveau sus-épineux au dessus de l’épine de l’omoplate
au niveau de la face supérieure de la deuxième articulation chondro-
costale
au niveau du quadrant supéro-externe de la fesse
au niveau du bord postérieur du grand trochanter
au niveau du coude, environ 2 cm en aval de l’épicondyle
au niveau du genou, près de l’interligne interne
Présence fréquente de signes associés :
asthénie
troubles du sommeil
raideur matinale
pour estimer la prévalence de la fi b ro mya l gie dans la popula-
tion
( 1 3 )
. Ils soulignent aussi les biais concernant les cri t è res de
d i a gnostic utilisés, la sélection des patients par questionnaire
téléphonique ou postal ou les résultats obtenus à partir de petits
groupes de consultants. Ils retiennent cependant l’étude de
Wo l fe et al. réalisée dans le Kansas, i n cluant plus de 3 0 0 0 p e r -
sonnes à partir d’un annu a i re publ i c i t a i re et de questionnaire s
téléphoniques et postaux. Cette étude permet d’estimer à env i ro n
2 % la prévalence de la fi b ro mya l g ie dans la population adulte
de race bl a n c h e . Ce ch i ff r e, p r o c he de 0,5 % chez l’homme,
passe à 3,4 % dans la population féminine. L’ â g e est un fa c t e u r
i m p o r t a n t , notamment chez la fe m m e , puisque la préva l e n c e
passe de 2 % avant 40 ans à plus de 7 % après 60 a n s .
Les résultats obtenus au Canada sont voisins, avec une préva-
lence de 3,3 % dans la population générale, pouvant atteindre
8% chez les femmes de 55 à 64 ans
(14)
.
Cette diff é r ence liée au sexe est confo rtée par Yu nus. Dans la
p o p u l a tion masculine, la symptomat o l ogie semble moins sévère
avec moins de points spécifiques at t e i n t s , moins de douleurs
intenses et constantes et moins de fatigue mat i n a l e
( 1 5 )
.
Chez l’enfant et l’adolescent, la prévalence de la fibromyalgie
est faible : elle a été évaluée à environ 1,2 %. La symptoma-
tologie diffère peu de celle de l’adulte. Les enfants semblent
présenter moins de raideur et, surtout, évoluer de façon plus
rapidement favorable
(5, 16)
.
MÉCANISME
Les causes des douleurs exprimées par les patients fibromyal-
giques ne sont pas formellement identifiées, et sont probable-
ment mu l t i fa c t o r ielles. Les ex p l o rations biologiques ont
cependant décelé des anomalies :certaines concernent des
groupes restreints de patients et ne sont pas retrouvées dans
d’autres groupes ; d’autres, connues dans de nombreuses
pathologies, sont trop peu spécifiques. Dès lors, plusieurs
hypothèses sont proposées.
La théorie selon laquelle la fibromyalgie serait une forme
de somatisation de pathologies psychiatriques, névrose ou
dépression, est insuffisante pour expliquer la pathologie. Ces
maladies apparaissent plutôt comme un facteur révélateur
(4,
17)
. De plus, les tests de personnalité réalisés dans cette popu-
lation trouvent des résultats comparables à ceux des autres
populations de douloureux chroniques
(18).
La meilleure connaissance des mécanismes douloureux
offre différentes perspectives
(19)
. Les investigations les plus
récentes portent plutôt sur la possibilité d’un dysfonctionne-
ment des voies nociceptives
(20-22)
.
Les nocicep t e u rs péri p h é riques semblent peu intervenir dans
les mécanismes primitifs des douleurs fi b r o mya l giques. La
d i m i n ution du seuil douloureux induite par la libération de
m é d i a t e u rs à la suite des lésions tissulaires aboutissant à un
phénomène de sensibilisation des fi b r es sensitives est peu pro-
b abl e. Les médiat e u rs , comme la bra dykinine et les pro s t a-
glandines infl a m m at o i re s , ne sont pas modifiés chez la majo-
rité des patients fi b r o mya l giques. Cep e n d a n t , de la substance
P (SP), h abituellement absente des nerfs péri p h é ri q u e s , aya n t
été identifiée dans les tissus mu s c u l a i res de certains pat i e n t s ,
la sensibilisation pourrait ap p a ra î t re secondairement et part i c i-
per à l’entretien des douleurs
( 2 1 , 2 2 )
. Il pourrait s’agir d’un
phénomène d’infl a m m ation neurogène expliqpar la migra-
tion rétrograde des médiat e u rs dont la SP et le
c a l c i t o n i n - ge n e
re l a ted pep t i d e
(CGRP)
( 1 9 )
. Les altérations de la micro c i rc u-
l ation et des mitoch o n d rie s parfois observées signeraient seu-
lement la souff rance mu s c u l a i re induite par un comport e m e n t
d’éviction qui aboutit à une perte des fo rces mu s c u l a i res et à
un travail plus intense pour un même effo rt
( 2 2 )
.
L’hypothèse d’un dysfonctionnement des circuits centraux
prévaut à la lumière d’études concordantes. Le mécanisme
suspecté est celui d’une sensibilisation centrale.
La sensibilisation centrale consiste en une excitabilité renfor-
cée des neurones de la corne postérieure de la moelle, avec
une sensibilité accrue aux stimuli et une réactivité amplifiée.
Le signal douloureux est modulé par des neurotransmetteurs.
Certains comme le glutamate, l’aspartate, la SP,le VIP
( va s o a c t ive intestinal pep t i d e )
sont fa c i l i t at e u rs , d ’ a u t r e s
comme le GABA
(gamma aminobutyric acid)
ou l’acétylcho-
line sont inhibiteurs
(20, 21)
.
Le glutamate se fixe sur des récepteurs N-méthyl-D-aspartate
(NMDA), provoque un afflux de calcium dans la cellule et
active la protéine-kinase C, la NO-synthétase et la cyclo-oxy-
génase. L’activation de ces récepteurs NMDA provoque aussi
la libération de SP,qui se fixe sur les récepteurs NK1 et NK2.
Ces neurotransmetteurs provoquent une dépolarisation lente
et prolongée qui rend la cellule hyperexcitable, ce qui se tra-
duit par une amplification de la stimulation primitive
(20, 21)
.
Le NO diffuse dans les cellules, induit l’activation de la pro-
téine kinase guanosine monophosphate-dépendante qui inter-
vient dans les circuits d’apprentissage et de mémorisation.
Des taux élevés de SP et d’arginine, le précurseur du NO,
ainsi qu’une augmentation du taux de glycine constatés dans
le LCR des patients fibromyalgiques semblent appuyer cette
hypothèse
(21)
.
Si le système lié au récepteur NMDA est un point clé de la
compréhension des douleurs de ces patients, il n’est pas le
seul système en cause. D’autres transmetteurs participent à la
modulation centrale de l’information douloureuse, comme le
neuropeptide Y. Sa présence est interprétée comme le signal
d’un stress
(20)
. Le
nerve growth factor
s’exprime au niveau
des neurones de la douleur profonde où il stimule la synthèse
et le transport de la SP et du CGRP
(19)
. Ce médiateur est
aussi augmenté chez les fibromyalgiques
(20)
.
L’ a c t ivation des cellules gliales par ces mêmes médiat e u r s pour-
rait participer à l’intensifi c a tion de la douleur. Des mesures des
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2004
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de l’humeur et la fat i g u e. Le traitement reste symptomat i q u e
et vise à améliorer le confo rt du patient. La mise en éch e c
répétée des tentat i ves thérapeutiques cl a s s i q u e s , le risque d’in-
t e ra c t i o n s , d ’ e ffets indésirables et la prise en ch a rge des copa-
t h o l o gies rendent complexe la gestion de ces tra i t e m e n t s
( 2 , 4 )
.
Les anti-inflammatoires
ne présentent pas d’intérêt dans le
traitement du patient fibromyalgique, sauf peut-être, sur de
courtes périodes, pour limiter l’acutisation douloureuse liée
au réentraînement à l’effort. L’absence habituelle d’efficacité
antalgique des AINS et des corticoïdes s’explique par l’ab-
sence de pathologie inflammatoire. Les effets indésirables qui
accompagnent leur utilisation les font généralement écarter
des thérapeutiques envisageables
(23)
.
Les antalgiques classiques
,bien que n’ayant pas d’effet
majeur et durable, doivent être testés.
Le paracétamol utilien pre m i è r e intention, aux doses cl a s -
siques 3 à 4 g/j parties régulièrement sans at t e n d r e le
retour des douleurs peut ap p o rter un soulagement
( 2 , 4 , 2 3 , 2 4 )
.
Son action centrale faisant intervenir le récepteur 5HT3 est sou-
lignée
( 1 9 )
. Son association aux morphiniques fa i bl e s , c o m m e
la codéine ou le dex t r o p r o p ox y p h è n e , peut optimiser l’effi c a c i-
té du traitement en ajoutant une cible opiacée à l’action du para-
tamol et en exploitant l’effet sédat i f. Leur efficacité s’épuise,
amenant à la pre s c ription de dicaments de plus en plus dosés,
puis au passage aux morphiniques fo rts. Leurs effets indési-
rabl e s , dose-dépendants pour la plupart , les risques d’accoutu-
mance et de dépendance nécessitent la prudence dans les indi-
c a tions. Il convient en particulier d’éviter de les pre s c ri r e ch e z
les patients connus pour une dépendance, qu’elle soit alcoo-
l i q u e ,t a b agique ou médicamenteuse
( 2 , 4 , 2 0 )
. L’ e xistence de
fo rmes galéniques nouve l l e s , par exemples de fo rmes tra n s d e r-
m i q u e s , p o u r rait limiter les effets indésirabl e s , mais ces fo rm e s
n’ont pas fait l’objet d’études dans la fi b ro mya l gie
( 2 3 ) .
Le tramadol, analogue synthétique de la codéine,et certains
de ses métabolites possèdent un effet agoniste µfaible et inhi-
bent le recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline. Son
efficacité, testée contre placebo, semble modérée mais parfois
cliniquement intéressante chez les patients fibromyalgiques.
Les effets indésirables comme les ve rt i ges et les nausées re s t re i-
gnent son utilisation chez des patients ambulatoires. Leur sur-
venue est toutefois limitée par l’augmentation progressive des
doses. Des convulsions ont aussi été signalées, en association
avec des posologies importantes
(23)
.
Les morphiniques de palier III constituent une non-indica-
tion, selon les recommandations de la Société française d’étu-
de et traitement de la douleur (SETD,
recommandations sous
presse
), compte tenu du mauvais rapport bénéfice/risque de
ces produits dans cette indication.
Les antipre s s e u r s
p e u v ent améliorer la quali de vie des
p a tients. Les antidépre s s e u r s , en particulier l’amitriptyline et les
t r i cy c l i q u e s , sont utilis dans le traitement des douleurs ch r o-
niques. Une ta-analyse chez des patients fi b ro m ya l g iques a
flux sanguins dans les aires cérébrales ont montré l’implicat i o n
des aires corticales ou subcort i c a l e s , thalamiques comparables à
celles des patients présentant des douleurs ch roniques
( 2 0 )
.
Le fait que la fi b ro mya l gie puisse être associée à nombre de
c i rconstances pat h o l ogiques et de symptômes amène à rep o s e r
la question du concept de fi b ro mya l gie en tant qu’entité cl i-
nique isolée
( 4 , 1 7 )
. Il s’agi rait plutôt d’un syndrome cara c t é-
risé par l’état hy p e ra l gi q u e,p o u vant être pri m i t i f, ou souve n t
s e c o n d a i r e à d’autres affections douloureuses ch roniques.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE DES PATIENTS
FIBROMYALGIQUES
Traitements médicamenteux
A n t a l g iques et coanalgésiques
( t a bleau II)
.
Si la douleur
ex p r imée par le patient fi b ro mya l gique peut être notamment
expliquée par le dérèglement des circuits neuro l ogiques de
t r ansmission de l’info rm ation douloure u s e, on ne connaît pas
l ’ o r i g ine de ce dy s fonctionnement. Les plaintes associées les
plus courantes concernent la qualité du sommeil, les tro u bl e s
Tableau II. Traitements médicamenteux antalgiques du pat i e n t
fibromyalgique.
Quel traitement antalgique ? Comment ?
Le paracétamol – en première intention
– à dose efficace : 1g/prise x 3 à 4/j
Les AINS – seulement en cure brève
si acutisation à l’effo r t , t r a u m at i s m e …
– limités par leurs effets indésirables
Les morphiniques faibles :
– codéine, dextropropoxyphène pour optimiser l’effet du para c é t a m o l
– pour leur effet sédatif
– limités par leurs effets indésirables
– limités par le risque de dépendance
– tramadol – en deuxième ligne
– à dose progressive
– limité par ses effets indésirables
Les antidépresseurs :
– imipraminique : AMM pour les algies rebelles
amitriptyline… – pour l’effet antalgique
– pour l’amélioration du sommeil,
de l’asthénie
– limité par ses effets indésirables
– venlafaxine, miansérine, – hors AMM
mirtazapine – effets proches des imipraminiques
– IRSS, IMAO – hors AMM, décevants
Les antiépileptiques :
– carbamazépine, phénytoïne, AMM pour les algies rebelles
gabapentine – non évalués dans la fibromyalgie
Les neuroleptiques :
– tiapride AMM pour les algies rebelles
– sédatif
– à éviter car aggravation
du déconditionnement
Les morphiniques forts – décevants
et les corticoïdes – dangereux
La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2004
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montré que ces dicaments aliorent le sommeil, l ’ i m p r e s s i o n
de fatigue et les douleurs , ce de façon indépendante de la dépre s -
sion pour la plupart des auteurs. La sensibilité des points doulou-
reux n’est pas modifiée par ces traitements. Leur effet s’épuisera i t
en quelques semaines. Les patients sont très souvent gês par les
e ffets indésirables comme la séch e r esse buccale ou les hy p o t e n-
s i o n s
( 2 3 )
. Les inhibiteurs du re c a p t a ge de la sérotonine sont sou-
vent décevants dans cette indicat i o n , m o n t r ant peu d’effet antal-
gi q u e , me si des sultats ponctuels sont publ i é s , pour la fl u o x é -
t i n e , le citalopram et la sert r aline notamment. Les molécules les
plus efficaces sont celles qui ont une composante nora d r é n e r gi q u e
comme la ve n l a f axine ; elle aurait un effet fique plus marq u é
sur la sensation de fatigue que sur la douleur
( 2 3 , 2 4 ) .
Les IMAO
comme le moclobémide n’ont pas montré d’effet antalgique
( 2 4 )
.
Des antipre s s e u rs atypiques comme la mirt a z a p i n e , qui bl o q u e
le récepteur α2 , les récep t e u r s 5HT2 et 5HT3 pourraient être in-
re s s a n t s , mais nécessitent des essais complémentaires
( 2 4 )
.
Les antiépileptiques
n’ont pas fait l’objet d’évaluation dans
le traitement de la fibromyalgie. L’action antalgique des anti-
épileptiques passerait par la modulation des canaux ioniques
et par l’amélioration de la transmission GABAergique. Ils
sont essentiellement utilisés dans le traitement des algies neu-
rogènes, mais très peu d’essais concernent le traitement des
douleurs des fibromyalgiques
(22, 23)
. En France,la carba-
mazépine, la phénytoïne et la gabapentine ont une AMM dans
le traitement de douleurs. Ces produits ne méritent pas, en
l’état, d’être utilisés dans cette indication.
Les benzodiapines qui augmentent l’inhibition GABA e r gi q u e
ne sont pas efficaces comme antalgiques. Leur le est limité par
leur potentiel de dépendance et seduit au traitement de l’insom-
n i e , de lanxiété et, p a r f o i s , des spasticités mu s c u l a i r es
( 2 3 , 2 4 )
.
Traitements utilisables en milieu spécialisé
(structure de
lutte contre la douleur) (tableau III).
L’échec des tentatives des antalgiques habituels amène à
rechercher des solutions aternatives fondées sur les méca-
nismes supposés de la douleur.
L’implication de médiateurs comme la SP,le NGF,le NO,
celle des récepteurs NK et des récepteurs NMDA dans les
mécanismes de contrôle et de transmission de la douleur en
font des cibles privilégiées pour les médicaments. Les inter-
actions avec les autres récepteurs aminergiques peuvent aussi
être exploitées
(23)
. Les antagonistes du récepteur NK1 ont
montré une efficacité dans des modèles de douleurs chro-
niques, mais ne sont pas encore disponibles sur le marc
(23,
24)
. Il en est de même des antagonistes des récepteurs du
NGF ou des inhibiteurs de la NO synthetase
(22)
.
Antagonistes 5HT-3.
Le récepteur 5HT3 représente une
piste thérapeutique intéressante, car il s’exprime uniquement
dans les tissus nerveux centraux et périphériques. Son activa-
tion provoque un afflux de calcium intracellulaire qui favori-
se la libération des médiateurs comme la SP. Le tropisétron,
antagoniste de ce récepteur,a été testé avec des résultats
encourageants chez des patients fibromyalgiques. Ses indica-
tions sont classiquement la prévention des vomissements
induits par la chimiothérapie anticancéreuse. Les effets indé-
sirables les plus fréquents sont d’ordre digestif, avec des diar-
rhées et des douleurs abdominales. Des céphalées et des cas
d’hypersensibilité ont aussi été rapportés. La question des
doses et des durées de traitement requises n’est pas résolue,
mais les protocoles publiés utilisent des doses de 4 à 8 mg/j,
par voie intraveineuse, pendant trois à cinq jours, avec un
relais per os de 4 mg/j pendant un à trois mois
(23-27).
La tamine
est utilisée de longue date comme anesthé-
sique général. À son effet principal antagoniste du récep t e u r
N M DA s’ajoutent des effets agonistes opiacés fa i bl e s , d e s
e ffets stabilisants de membrane par bl o c age des canaux
s o d i q u e s , des effets nora d r é n e rgi q u e s , s é ro t o n i n e rgi q u e s ,
a n t i ch o l i n e rgi q u e s , et un bl o c age des canaux calciques
( 2 8 ) .
La stimu l ation sympathique provoque une augmentation de
la pression art é ri e l l e, de la fréquence et du débit card i a q u e.
Les effets indésirables psych o dy s l ept iques du type dépers o n-
n a l i s a tion ou hallucinat i o n s , p o u v ant ap p a ra î t re chez 5 à
3 0 % des patients selon les séri e s , sont surtout at t ri bués aux
p ro p r iétés antich o l i n e rgiques et limitent l’utilisation de ce
médicament en anesthésie. Un usage détourné est aussi
c o n s t até. Les doses antalgiques va rient entre le dixième et le
cinquième des doses requises en anesthésie, mais les pro t o-
coles sont très va ri ables en ce qui concerne les modalités et
les durées de traitement. La kétamine permet également de
r é d u i r e les doses de morphiniques au cours des tra i t e m e n t s
a n t a l giques. L’ ex p é rience est fa i ble dans le traitement des
fi b ro mya l gies et les protocoles utilisent généralement des
doses de 0,5 à 1 mk/kg/j par voie intraveineuse pendant tro i s
à cinq jours
( 2 5 )
. En l’absence d’éva l u ati on dans la popula-
tion concern é e, la kétamine doit rester un traitement de
re c o u rs , administré en milieu hospitalier, sous surve i l l a n c e
des effets indésirabl e s , même s’ils sont supposés moins fré-
quents que lors des anesthésies
( 2 8 )
.
Tableau III. Traitements médicamenteux antalgiques en milieu
spécialisé.
Quel traitement antalgique ? Comment ?
Les antiépileptiques, – dans le cadre de protocoles
antidépresseurs, et d’essais
neuroleptiques hors AMM
Les antagonistes 5HT3 – hors AMM
– tropisétron… – dans le cadre de protocoles
Les antagonistes MNDA
– kétamine – antalgique à dose < dose anesthésique
– mais dose/durée optimales
non déterminées
– effets indésirables dont
dépersonnalisation
– usage détourné possible
– dextrométhorphane – hors AMM
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