a fibromyalgie est un syndrome encore controversé mais
de plus en plus souvent diagnostiqué, parfois même
revendiqué par les patients eux-mêmes. Selon les séries, les
pays étudiés et les critères utilisés, la fréquence pourrait
varier de 2 à 12 % de la population
générale, annonçant un retentissement
épidémiologique important. L’annonce
du diagnostic est une part fondamen-
tale de la prise en charge, qui va sou-
vent rassurer le patient mais risque
d’entraîner des revendications crois-
santes face auxquelles le médecin, peu
habitué, risque d’être dépassé. Il est
donc important de savoir quels sont les
avantages et inconvénients d’un tel dia-
gnostic pour le patient et ses différents
médecins, dans quelles conditions et
quelles perspectives il doit être annoncé
pour mettre en place une prise en
charge la plus efficace possible.
La fibromyalgie :
un diagnostic utile
Il faut rassurer le patient et reconnaître
sa plainte. Pour la plupart des patients,
errant de kinésithérapeute en “pata-
médecin”, de généraliste en rhumatologue, l’annonce du
diagnostic de fibromyalgie est souvent vécue comme une
reconnaissance de la part du corps médical, après tant de
“vous n’avez rien, c’est dans la tête”. De nombreux exa-
mens complémentaires ont été réalisés et n’ont pas montré
d’anomalies, ce qui est souvent vécu comme une absence
de réalité du symptôme : “ j’ai mal partout, on ne trouve
rien”. Or il y a une plainte, des douleurs diffuses, des symp-
tômes multiples qui débordent largement le cadre rhuma-
tologique. Mettre un nom sur ces troubles, c’est les objec-
tiver et permettre de communiquer
avec le patient, mais aussi entre les
nombreux intervenants, qu’ils soient
médecin, kinésithérapeute ou psycho-
logue. C’est un tremplin pour la prise
en charge qui ne doit pas s’arrêter là.
La fibromyalgie :
un syndrome, pas une maladie
Une fois le diagnostic posé, pour un
certain nombre de patients, la fibro-
myalgie est une reconnaissance médi-
cale mais aussi sociale. Cela peut
entraîner une demande de prise en
charge à 100 %, une demande de mise
en invalidité, la recherche de compen-
sations multiples et de bénéfices
secondaires, autant au niveau socio-
professionnel que dans l’entourage
proche, jusqu’à représenter une occu-
pation à part entière. Il faut donc être
vigilant et aider le patient à aller au-
delà du diagnostic : la fibromyalgie n’est pas une maladie.
C’est un ensemble de symptômes, variables selon les
patients, qui peuvent avoir de nombreuses causes : trau-
matisme physique ou psychologique, épisode viral, prise
médicamenteuse, anomalie génétique, voire association à
d’autres états douloureux chroniques ou maladies systé-
miques. C’est donc plus un état d’hypersensibilité à la dou-
leur associé à une hypervigilance et à des troubles du som-
meil qu’une maladie. Cet état d’hypersensibilité à la douleur
La Lettre du Rhumatologue - n° 271 - avril 2001
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ÉDITORIAL
Le diagnostic de fibromyalgie :
un espoir pour le patient,
un piège pour le médecin ?
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S. Perrot*
* Service de rhumatologie A et centre de la douleur, hôpital Cochin-Tarnier,
Paris.
L
“J’ai mal partout, on ne me trouve rien !”
© BSIP VEM