En l’an mille, Gerbert d’Aurillac devient le pape Sylvestre II. Il sera suspecté de sorcellerie
pendant plusieurs siècles. Quelle faute a-t-il commise ? Ce passionné de science est simplement
un jour allé en Espagne musulmane pour y apprendre les mathématiques indiennes. Impressionné
par les avantages de cette méthode, il a tenté de l’enseigner à Reims, en vain.
Aux 11e et 12esiècles, l’Europe envoie ses fidèles se battre en Terre Sainte. Pendant deux siècles
de croisades, les Européens, en contact avec les Arabes, apprennent à manipuler les chiffres
indiens. De retour sur leurs terres, ils tentent d’enseigner ces méthodes à leur entourage.
L’adoption des nombres indiens a permis d’énormes évolutions au niveau des mathématiques.
Ce système plus simple, plus rationnel, a pu décharger les mathématiciens des efforts qu’ils
devaient faire pour calculer. Il a permis de mieux cerner les propriétés des nombres, de
généraliser l’abstraction mathématique, etc. C’est grâce aux chiffres indiens que l’on a enfin pu
inventer des machines à calculer de plus en plus perfectionnées, jusqu’à arriver à l’informatique.
Et pourtant, cette adoption ne s’est faite, en France, qu’avec la généralisation du système
métrique et l’abandon définitif des abaques à jetons lors de la révolution française ! Il a donc
fallu près de 800 ans entre le premier contact de l’Europe avec les chiffres « arabes » et leur
adoption. Plus d’un millénaire après leur invention ! Mais pourquoi tant de temps ?
Pour bien comprendre, il faut se replacer dans le contexte. À cette époque, tout le monde est
habitué à voir des chiffres romains et à s’en servir régulièrement (tous les jours pour certains). Le
système « marche », même s’il est très compliqué et empêche la plupart des gens de faire des
opérations complexes. Une élite, bien formée dans le domaine, tire profit de cette situation. On
ne peut pas se passer d’eux (pour le commerce ou les administrations), et ils ont donc tout intérêt
à ce que la solution perdure. Alors, lorsqu’on leur propose un nouveau système enseigné par les
« infidèles », celui-ci ne peut être vu que comme démoniaque, et rejeté, sans même avoir été
étudié. Même un pape qui en fait la promotion est mal vu. Ces méthodes de calculs font donc
face à une forte résistance, entretenue par une campagne de désinformation reprenant les peurs
ancrées dans le peuple de l’époque (diable, maléfices, etc.)
Pour en savoir plus :
Sur les chiffres, lire L’Histoire universelle des chiffres, de Georges Ifrah
Un système numérique est un ensemble de symboles (chiffres) et de
conventions qui permettent de nommer et d'écrire les nombres ainsi que
d'effectuer des calculs sur eux. Sous leur forme écrite, ces derniers sont nés, en même
temps que l'écriture, du besoin d'organiser les récoltes, le commerce et la datation
(écriture des dates). L’introduction de ce système (système décimal) et l’invention de
l’algèbre qui suivit très tôt par la suite, permirent aux mathématiques de se développer et
de progresser dans le monde entier.