CONTRIBUTION A LETUDE DES ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES DES BRULURES SUICIDAIRES EN TUNISIE

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CONTRIBUTION A LETUDE DES ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES DES
BRULURES SUICIDAIRES EN TUNISIE: A PROPOS DE 94 CAS
Messadi A, Louati L, Mahjoub E, Nouira R, Dlimi S, Braham F.
Unité des Brûlés, Service de Chirurgie Plastique, Hôpital Aziza Othmana, Tunis,
Tunisie
SUMMARY. Les Auteurs s'occupent du suicide par le feu et décrivent le profil
épidémiologique de ces suicidants hospitalisés durant une période de quatre ans dans l'unité
des brûles d'un hôpital tunisien entre 1992 et 1995. L'analyse porte sur tous les brûlés admis.
La plupart des victimes ont tenté le suicide sur le mode impulsif. La mortalité des victimes de
brûlure volontaire par le feu est particulièrement élevée et précoce. Les tentatives de suicide
par le feu sont en passe de devenir un problème de santé publique sérieux par ses dimensions
et ses conséquences sociales et économiques lourdes.
Introduction
Le suicide par le feu: ignition ou immolation par le feu qualifié de scandaleux par
certains, de mystérieux par d'autres, soulève ainsi plusieurs interrogations. Choisir
le feu pour se donner la mort est-il une terrible épreuve de courage? est-il un défi
des douleurs et des souffrances? est-il un choix de mort brillante aux yeux de tous,
face à une vie sans éclat?
Frappés par la gravité et la violence de ce phénomène nous avons essaye a travers
ce travail d'étudier le profil épidémiologique des suicidants par le feu hospitalisés à
l'unité des brûlés de l'hôpital Aziza Othmana à Tunis.
Matériel et méthode
Ce travail tente d'identifier le profil épidémiologique des suicidants par le feu
hospitalisés durant une période de quatre ans allant du premier janvier 1992 au 31
décembre 1995 à l'unité des brûlés (à vocation nationale) de l'Hôpital Aziza
Othmana à Tunis.
Ainsi nous avons analysé successivement les données suivantes: l'âge, le sexe,
l'origine géographique, les antécédents psychiatriques, le niveau
socioprofessionnel, les facteurs déclenchants, les moyens employés lors de
tentatives de suicide par le feu (TSF), les indices pronostics, la durée
d'hospitalisation, l'évolution et la mortalité.
Par ailleurs il faut signaler que nombreux suicides ou tentatives de suicide sont
passés sous silence, déclarés accidents, ou traités à l'hôpital d'origine, ce qui peut
sousestimer le nombre réel des brûlés et particulièrement des suicidants par le feu.
Résultats
L'analyse porte sur tous les brûlés admis dans l'unité des brûlés de l'hôpital Aziza
Othmana durant cette période de quatre ans (1992 à 1995). Ainsi 650 patients ont
été hospitalisés pour brûlures fraîches, dont 94 suite à une tentative de suicide par
le feu, soit 15,1% des admissions. Les tentatives de suicide par le feu surviennent
en troisième position (Fig. 1) après les accidents domestiques (AD), 57,6%, et les
accidents du travail (AT), 24,9%. Les brûlures criminelles sont exceptionnelles
(2%).
Fig. 1 - Les tentatives de suicide par feu et autres
causes de brûlures.
Répartition des TSF selon le sexe
La répartition des tentatives de suicide par le feu en fonction du sexe montre une
predominance féminine très évidente: 63% de femmes contre 37% d'hommes.
(Fig. 2).
Fig. 2 - Répartition selon le sexe.
Répartition des TSF selon l'âge
En dehors des quatre enfants, la répartition des tentatives de suicide par le feu selon
l'âge montre un pic de fréquence au sein de la population d'adultes jeunes dans les
tranches d'âge 15-29 ans et 30-49 ans (Fig. 3). La moyenne d'âge tout sexe
confondu est de 28 ± 12 ans.
Fig. 3 - Répartition selon l'âge.
Répartition des TSF selon l'origine geographique
Les tentatives de suicide par le feu proviennent essentiellement de la région du
grand Tunis (Fig. 4): Tunis et banlieue (42,3%), suivie de la région du nord-ouest
(24,3%).
Fig. 4 - Répartition selon l'origine géographique.
Aussi bien pour le grand Tunis (1.828.842 habitants) que pour le nord-ouest
(1.225.898 habitants), ces victimes sont souvent issues d'un milieu rural et/ou à
niveau socioéconomique modeste. L'appartenance à ce milieu semble être un
facteur suicidogène de part les difficultés socioeconomiques, le manque de loisirs,
la promiscuité...
Répartition des tentatives de suicide selon le statut socioprofessionnel
60,2% des patients tout sexe confondu sont sans profession (SP) et 19% sont des
ouvriers journaliers.
La majorité des femmes (74,6 %), souvent issues d'un milieu rural, sont sans
profession. Chez les hommes par contre les ouvriers journaliers sont les plus
exposés, suivis des chômeurs puis des fonctionnaires et des étudiants (Fig~ 5).
Fig. 5 - Niveau socioéconomique des suicidaires.
Les antécédents psychiatriques
La majorité des suicidants par le feu tout sexe confondu n'ont pas de troubles
psychiques antérieurs et seuls 27% des patients ont été suivis pour maladie
psychiatrique. Par ailleurs les hommes suicidants par le feu présentent deux fois
plus que les femmes des antécédents psychiatriques.
Vu les difficultés de l'interrogatoire dans les suites de brûlures ou la mort rapide du
patient, le pourcentage des antécédents psychiatriques des suicidants par le feu est
probablement sous-estimé.
Les facteurs déclenchants
On considère comme facteur déclenchant toute situation ou événement qui peut être
retenu comme motif de la tentative de suicide .
L'événement est souvent d'apparence banale mais profondement significatif pour la
victime: il entraîne chez elle une blessure narcissique et une profonde dégradation
de l'estime de soi. Ces événements déclenchants se répartissent comme suit dans
notre série:
conflits inconnus 45%
causes familiales 42%
conflits conjugaux 7%
échec scolaire 3%
problèmes professionnels 2%
attentat aux moeurs 1%
La majorité des facteurs déclenchants reste inconnue. Ceci est en rapport avec les
difficultés de l'interrogatoire de ces victimes, qui ne peuvent répondre aux
questions ou refusent tout simplement de le faire, et avec leur mort précoce durant
les premiers jours suivant l'accident. Les conflits familiaux viennent en tête des
causes connues (42%), exprimant l'intensité des mutations socioculturelles en
cours.
Moyens employés dans les TSF
Quatre-vingt- sept patients, soit 93%, ont utilisé la technique d'autocrémation à la
manière des bonzes, c'està-dire en aspergeant le haut du corps par un liquide
inflammable (Fig. 6).
En effet, 79% des femmes et 55% des hommes ont utilisé le pétrole pour s'immoler
par le feu. Ceci s'explique par la disponibilité de ce liquide et son utilisation
fréquente dans les foyers surtout ruraux (primus, brasero ... ).
Fig. 6 - Moyens employés lors des tentatives de
suicide par feu.
En dehors du pétrole, les femmes utilisent peu l'essence (4,9%) à la différence des
hommes (30,4%), ceci en rapport avec l'absence de ce liquide à domicile et sa
présence en milieu professionnel (mécanique ... ). Le recours à l'alcool à brûler et
au gaz reste rare pour les deux sexes.
Indices pronostics
1. Surface cutanée brûlée (SCB)
L'analyse des données figurant sur cet histogramme (Fig. 7) montre qu'il
s'agit de brûlures graves car étendues: en effet, 82 patients (83%) présentent
une SCB supérieure à 30%, dont 44 ont une SCB supérieure ou égale à 50%
Par ailleurs la SCB moyenne pour tous les suicidants est de 48%, avec des
limites allant de 7 à 100%.
Fig. 7 - Etendue de la brûlure chez les suicidants.
Localisations particulières
La localisation des brûlures intervient aussi bien dans le Pronostic vital que
dans le pronostic esthétique et fonctionnel.
Comme déjà décrit, la plupart des suicidants se brûlent après s'être aspergé le
haut du corps par un liquide inflammable, notamment le pétrole. Ceci
explique pourquoi la face, la face antérieure du tronc, et les membres sont le
plus souvent touchés (Fig. 8).Dans notre série 70% des malades présentent
des brûlures de la face et 22% présentent des brûlures du périnée.
UBS à l'entrée
En dehors de l'étendue des brûlures, le pronostic des suicidants par le feu
dépend de la profondeur des lésions. L'UBS moyen est de 128, avec des
limites allant de 14 à 400.
Cinquante-six patients (55% des TSF) présentent des brûlures gravissimes
avec UBS > 100, dont 38 présentent un UBS > 150 (Fig. 9).
Fig. 9 - L'UBS chez les suicidants par le feu.
ABSI: abbreviated burn severity index ou indice de Tobiasen
Seuls 26% des suicidants par le feu ont un ABSI compris entre 2 et 7, dont la
1 / 10 100%
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