Telechargé par mouillykine

(Neuropsychologie) Le Lostec, Claire Lirondière, Sandrine Mazeau, Michèle-L’enfant Dyspraxique et les Apprentissages. Coordonner les Actions Thérapeutiques et Scolaires-Elsevier Masson

publicité
L’enfant dyspraxique
et les apprentissages
Coordonner les actions thérapeutiques et scolaires
Chez le même éditeur
Du même auteur :
Conduite du bilan neuropsychologique de l'enfant, par M. Mazeau. 2e édition. 2008, 304 pages.
Neuropsychologie et troubles des apprentissages, par M. Mazeau. 2005, 320 pages.
Dans la même collection :
Neuropsychologie de la sclérose en plaques, par Gilles Defer, Bruno Bréchet, Jean Pelletier. 2010,
208 pages.
Handicap mental : approche transdisciplinaire – somatique, psychiatrique, psychopédagogique,
par Claude-André Dessibourg. 2009, 232 pages.
Démarche clinique en neurologie du développement, par C. Amiel-Tison, J. Gosselin. 2e édition,
2008, 256 pages.
Neuropsychologie du vieillissement normal et pathologique, par K. Dujardin, P. Lemaire, 2008,
256 pages.
Neurologie du comportement, par A. Schnider. 2008, 272 pages.
Conduite du bilan neuropsychologique chez l'enfant, par M. Mazeau. 2e édition, 2008, 304 pages.
Neuropsychologie de la maladie de Parkinson et des syndromes apparentés, par K. Dujardin,
L. Defebvre. 2e édition, 2007, 184 pages.
L'infirmité motrice d'origine cérébrale, par C. Amiel-Tison. 2e édition, 2005, 336 pages.
Autres ouvrages :
Rééduquer dyscalculie et dyspraxie. Méthode pratique pour l'enseignement des mathématiques,
par A. Crouail. Collection Orthophonie, 2009, 184 pages.
Atlas interactif de neuroanatomie clinique. Atlas photographique + CD-ROM interactif
Encéphalia, par L. Thines, F. Lemarchand, J.-P. Francke. 2008, 144 pages.
Pratique de l'EEG. Bases neurophysiologiques, prinicipes d'interprétation et de prescritpion,
par J. Vion-Dury et F. Blanquet. Collection Abrégés de Médecine. 2008, 224 pages.
Évaluation neurologique de la naissance à 6 ans, par J. Gosselin, C. Amiel-Tison. Éditions CHU
Sainte-Justine. 2e édition, 2007, 208 pages.
Les Nerfs crâniens, par D. Doyon, K. Marsot-Dupuch, J.-P. et al. Francke. 2e édition, 2006, 304 pages.
Neuropsychologie, par R. Gil. Collection Abrégés de Médecine. 4e édition, 2006, 432 pages.
Neurologie, par J. Cambier, M. Masson, H. Dehen. Collection Abrégés de médecine. 11e édition,
2004, 576 pages.
Neuropédiatrie, par G. Lyon, P. Evrard. 2000, 2e édition, 568 pages.
L'enfant dyspraxique
et les apprentissages
Coordonner les actions
thérapeutiques et scolaires
Michèle Mazeau
Claire le Lostec
Avec la participation de SANDRINE LIRONDIÈRE
DANGER
LE
PHOTOCOPILLAGE
TUE LE LIVRE
Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir de l'écrit,
tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photocopillage ». Cette pratique qui s'est généralisée, notamment dans les établissements d'enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité
même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement
est aujourd'hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d'autorisation de
photocopier doivent être adressées à l'éditeur ou au Centre français d'exploitation du droit
de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute
reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le
présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées,
d'une part, les reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation
collective et, d'autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre
dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
ISBN : 978-2-294-74480-8
e-ISBN : 978-2-294-74547-8
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex
www.elsevier-masson.fr
Introduction
praxie et syndrome dysexécutif », quand ce n'est
pas un « multi-dys- » fourre-tout qui recouvre
une litanie de symptômes dont on méconnaît la
source ou les interrelations : dyspraxie + dyslexie
+ dyscalculie + …, soit, comme l'avait fort bien
résumé une maman, une dysscolarité !
Paradoxalement, c'est donc maintenant contre
la diffusion d'un savoir superficiel, parfois stéréotypé, voire caricatural (dysgraphie = dyspraxie
= ordinateur !) qu'il nous faut batailler, afin de
réintroduire la complexité du réel et l'indispensable analyse clinique dans la perception, la compréhension des difficultés de cet enfant-là [3].
Mais le seul véritable intérêt d'un diagnostic
précis et fiable réside dans le fait qu'il permet de
construire le projet thérapeutique, de se projeter
dans l'avenir (actions à mettre en œuvre, évolution, pronostic). En effet, le diagnostic émerge de
la compréhension des mécanismes défaillants derrière le symptôme : alors, il peut servir de fil rouge
pour penser les actions les plus efficaces pour
aider l'enfant tout au long de son évolution.
C'est ce versant thérapeutique qui nous motive
ici : nous souhaitons donner des clés aux différents
professionnels qui gravitent autour de l'enfant
dyspraxique pour l'aider au mieux, en particulier
pour lui permettre de faire des apprentissages de
qualité, à hauteur de ce que justifient sa motivation, son intelligence générale, ses capacités verbales et mnésiques.
Presque trois décennies d'interventions auprès
de ces enfants – en séances de rééducation, à leur
domicile, mais surtout en classe, dans leur école,
en lien étroit avec leur enseignant – nous ont en
effet instruites d'une expérience irremplaçable.
Mais il ne s'agit pas pour nous de prescrire
ce qu'il convient de faire : non seulement nous
n'avons « guéri » aucun de ces jeunes (même si
nous espérons en avoir soulagé beaucoup), mais
encore nous plaidons avec force pour que chaque
enfant bénéficie d'un projet « sur mesure », ce qui
ne peut coexister ni avec des recettes ni avec des
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Tout comme la langue d'Ésope, le diagnostic de
dyspraxie1 [1, 2] peut être la meilleure ou la pire
des choses pour l'enfant concerné. Nous sommes
en effet passés ces dernières années d'une situation où ce diagnostic n'était pratiquement jamais
évoqué à une situation de surdiagnostic où il est
souvent affirmé de façon erronée.
Il y a quelques années, le risque était que le
trouble soit méconnu, négligé, confondu avec de
la mauvaise volonté, une absence de motivation,
de la paresse (?), voire une forme d'opposition
aux apprentissages ou même… de la déficience
mentale. Cette attitude, reposant souvent sur
l'ignorance, était extrêmement préjudiciable à nos
jeunes patients, concentrant sur eux opprobre et
image dévalorisée d'eux-mêmes, sans qu'aucune
aide ne puisse leur être proposée. Depuis quelque
temps, c'est la tendance inverse que l'on observe.
Tout graphisme lent à s'installer selon les règles de
l'art, tout ce qui pourrait être interprété comme
une maladresse, même légère, fait évoquer une
éventuelle dyspraxie.
Et pour faire bonne mesure, ces troubles du
développement du geste – qu'on les appelle TAC
ou dyspraxie2 – sont désormais réputés n'être
que rarement isolés : l'enfant ploie alors sous les
diagnostics cumulés (quelquefois motivés mais
souvent fallacieux) de « TAC et TAD-H » ou « dys1
2
Il n'est question dans cet ouvrage que de la dyspraxie
« manuelle » et/ou oculaire (ou « dyspraxie visuo-spatiale »), à l'exclusion de la dyspraxie buccofaciale, buccophonatoire ou de la parole qui fait partie intégrante
des troubles de la parole et du langage.
Nous nous sommes maintes fois expliqués sur le choix
du terme de « dyspraxie », en dépit des DSM successifs
qui n'envisagent que les troubles d'acquisition de la
coordination (TAC). Nous estimons en effet que TAC
et dyspraxie ne sont pas synonymes, ne recouvrent
pas exactement les mêmes pathologies et répondent à
des actions thérapeutiques sensiblement différentes.
L'argumentaire qui sous-tend ce choix est développé
en particulier dans [1] et [2].
1
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
préconisations générales. Pourtant, le recul et le
retour d'expérience de toutes ces années où nous
avons vu grandir et évoluer ces jeunes nous ont
appris :
• d'une part, ce qu'il ne faut pas faire, ce qui
« ne marche pas », quelles voies sont inutiles –
qui prennent souvent l'allure de « solutions de
pseudo-bon sens » –, les impasses dans lesquelles il ne faut pas engager l'enfant sous peine
d'épuiser sa bonne volonté, ses espoirs et même
de compromettre son avenir ;
• d'autre part, quelles sont les pistes utiles, les
directions prometteuses dont il pourra tirer
profit pour contourner les obstacles que son
« dys- » dresse sur sa route, pour vivre avec dans
les meilleures conditions.
Ces orientations thérapeutiques, longuement
développées, décrites, explicitées dans ce livre,
doivent être adaptées au cas par cas. Il ne s'agit
pas d'un « mode d'emploi », ni de recettes, ni de
prescriptions figées ou de recommandations systématiques, mais plutôt d'un état d'esprit qui doit
prendre corps et réalité en fonction de chacun,
selon la mosaïque particulière d'incapacités qui
caractérise tel ou tel, selon aussi son âge, son histoire personnelle – aussi bien familiale que scolaire –, ses projets, ses valeurs, sa personnalité…
Enfin, au-delà de l'ajustement du projet thérapeutique à chaque jeune, il faudra savoir, à chaque
nouvelle étape (de la scolarité, de la vie professionnelle ou personnelle), faire face à de nouveaux
défis, résoudre des problèmes inédits. Seule cette
adaptation « à la carte » et dans la durée pourra
aider chacun, d'abord à grandir, puis à se réaliser.
C'est dans cet état d'esprit que nous avons
repris, complété, modifié et entièrement revu
cette seconde édition de L'enfant dyspraxique et
les apprentissages.
Après avoir rappelé des notions clés concernant
les dyspraxies (chapitre 1) et le projet thérapeutique (chapitre 2), nous abordons successivement
les grandes questions qui se posent aux thérapeutes et aux enseignants :
• dans une première section, nous traitons des obstacles que rencontrent les jeunes dyspraxiques
dans les apprentissages fondamentaux et transversaux qui sont le socle de l'ensemble de la
scolarité. Si l'écriture et les mathématiques
sont toujours sévèrement impactées par la dyspraxie, la lecture est touchée de manière plus
inconstante mais aussi plus inhabituelle. C'est
pourquoi :
– les chapitres « Écrire » (chapitre 3) et « Compter » (chapitre 4) décrivent les difficultés des
jeunes dans ces domaines,
– puis le chapitre 5, « Lire », traite à la fois des
particularités quelquefois déroutantes de ces
dyslexies et des remédiations (« Lire autrement »).
• dans une seconde section, les chapitres 6 à
10 traitent des propositions d'adaptation et des
compensations, en précisant leurs indications
et leurs modalités de mise en œuvre : « Écrire
autrement » (chapitre 6), « Les mathématiques
autrement » (chapitre 7), repérer les obstacles
masqués dans les disciplines où les compétences
praxiques et/ou visuo-spatiales sont méconnues et proposer les aménagements adéquats
(chapitre 8). Nous avons ensuite rassemblé les
informations liées aux diverses utilisations de
l'ordinateur en classe et ce que cela implique
aussi bien pour l'enseignant que pour un éventuel auxiliaire de vie scolaire (« L'ordinateur
pour l'école », chapitre 9). Puis nous analysons
les préalables nécessaires à toute démarche de
compensation, constituant ainsi un véritable
cahier des charges pour concevoir les aides
utiles à cet enfant-là (chapitre 10).
Enfin, nous concluons cette section en abordant la réalisation des actes de la vie quotidienne
et en exposant les moyens de faciliter la vie sociale
de ces jeunes, tant dans leur vie personnelle qu'à
l'école (chapitre 11).
Nous espérons que cette nouvelle édition
pourra aider tous ceux qui, en amont, doivent
énoncer des préconisations (médecins, neuropsychologues, équipes des centres référents), évaluer
le handicap de l'enfant dyspraxique, penser les
compensations véritablement utiles (équipes des
MDPH) et en assurer le suivi.
Nous souhaitons surtout que cet ouvrage
réponde au mieux aux besoins actuels des professionnels du soin (ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, neuropsychologues) et de
la pédagogie (enseignants, enseignants spécialisés, enseignants référents).
Certains parents pourront trouver ici des éléments qui leur permettront de mieux comprendre
les indications ou conseils dispensés à leur enfant
et ainsi de l'accompagner de façon plus adéquate.
2
Qu'est-ce qu'un
« dys- » ? Qui sont les
enfants dyspraxiques ?
Chapitre
1
« Ainsi, en France, l'enseignement public obligatoire vise à construire un accès
égal aux chances. Si le résultat produit néanmoins une hiérarchie, la faute
en incomberait alors à l'individu responsable, ou encore à quelque facteur
environnemental susceptible d'entraver l'épanouissement du potentiel humain.
Ce dernier, en revanche, serait le même pour toutes et tous, selon cette croyance.
Mais partout, on se heurte à des situations gênantes pour la thèse égalitaire (la
taille, la force musculaire…). C'est précisément parce que l'inégalité existe qu'il
importe et urge de construire une société juste. »
J.-C. Guédon3
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Fonctionnement cérébral
cation ? Comment ne pas immédiatement conclure
de ces performances et ­contre-­performances paradoxales que « Quand ils veulent, ils peuvent » ? Il
serait d'ailleurs bien sûr ridicule de vouloir nier – ou
même de minimiser – le rôle de l'implication personnelle dans l'échec ou le niveau de réussite à une
tâche donnée.
Mais certains enfants, malgré leur bonne
volonté et leur application, ne peuvent pas, en raison d'une organisation cérébrale atypique, réaliser
certaines tâches, alors que d'autres activités, qui
intuitivement paraissent proches – ou même plus
complexes –, leur restent normalement accessibles. En effet, le fonctionnement cérébral défie
la logique supposée de l'expérience quotidienne.
• « On me dit que mon fils ne peut pas orienter
ses yeux comme il convient, ce qui le gêne pour
la lecture, mais lorsqu'il joue avec sa console de
jeux vidéo, où pourtant les éléments défilent à
toute vitesse, alors là, il n'est pas du tout gêné par
ses yeux ! »
• « Ma fille est en échec scolaire parce que, me
disent les spécialistes, elle n'a pas une bonne
mémoire. Mais s'il s'agit de chansons de la Star
Academy, de ses vacances ou des confidences de
ses amies, sa mémoire est plus qu'excellente ! »
• « Quand il parle, mon enfant prononce très mal
certains mots, à tel point que souvent on ne comprend pas ce qu'il veut dire, mais lorsqu'on lui fait
répéter des mots, il les prononce alors très bien. »
• « Mon fils de 9 ans écrit très mal, ses cahiers ressemblent à des brouillons à peine lisibles ; on me
parle de dyspraxie. Pourtant, quand il s'applique
et que je suis derrière lui à la maison, il est parfaitement capable de former ses lettres à peu
près convenablement, en tout cas bien mieux. »
Comment ne pas d'abord interpréter ces difficultés étonnamment ciblées et variables comme un
problème de motivation, de bonne volonté, d'appli-
« Les études par imagerie cérébrale montrent
qu'il existe de fait des modules spécialisés
dans le cerveau […]. Elle a permis de détecter
la différence entre processus mentaux qui
paraissent très proches, comme celle qui existe
entre calculer le résultat exact d'une addition
ou l'estimer approximativement : deux zones
différentes du cerveau réalisent ces deux tâches.
3
3
Guédon JC. « Chroniques ». La Recherche 2002.
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
À l'inverse, elle montre les points communs
entre tâches qui semblent bien différentes. »
G. Chapelle4
Exemple
Lors de la lecture, nous croyons avoir la sensation que nos yeux suivent régulièrement
chaque ligne de gauche à droite… Il n'en est
rien. Nos yeux effectuent une suite de minuscules sauts (ce dont nous n'avons aucune
conscience), les saccades. Les régulations en
amplitude, durée et direction des saccades sont
automatiquement ajustées par notre cerveau.
C'est seulement durant les brèves pauses entre
deux sauts, les fixations, que nous saisissons les
informations visuelles qui font l'objet d'un traitement cérébral de type « lecture », que nous
identifions et comprenons les mots écrits.
La neuropsychologie est une branche de la neurologie qui s'intéresse au fonctionnement intellectuel
normal et pathologique, au diagnostic et à la rééducation des troubles des fonctions « supérieures »
(ou fonctions « cognitives », troubles secondaires à
un dysfonctionnement cérébral [1]). Ces troubles
(du langage, de la mémoire, du geste, de l'espace,
de la lecture, etc.) peuvent soit survenir après une
lésion cérébrale très précoce (IMC5 ou toute autre
lésion cérébrale survenue durant la petite enfance),
soit, le plus souvent, résulter d'une atypie du développement cérébral dans un secteur très focalisé de
la cognition (troubles dits « développementaux »),
générant alors un trouble spécifique des apprentissages (dyspraxie, dyslexie, dysphasie, dyscalculie…), dont les répercussions scolaires peuvent être
sévères chez ces enfants à l'intelligence préservée.
Ces enfants, pour des raisons encore souvent
inconnues, ne disposent donc pas, pour développer
certaines de leurs fonctions cognitives, du même
répertoire de compétences que les autres. Ils se
trouvent alors en butte à des difficultés, des échecs,
des impossibilités qu'ils ne comprennent pas et qui
peuvent donner lieu, de la part des adultes (parents,
enseignants, soignants), à des interprétations erronées qui ajoutent encore à la confusion de l'enfant.
Ainsi, la neuropsychologie infantile nous enseigne
que le « naturel » et le bon sens ne sont généralement pas, en la matière, bons conseillers. Au
contraire, il nous faut très souvent accepter d'aller
résolument contre le sens commun si l'on veut
apporter quelque soulagement à ces enfants !
Le fonctionnement cérébral foisonne d'illustrations qui discréditent beaucoup de tentatives
d'introspection conçues, à tort, comme une possibilité d'approcher par soi-même, sans connaissances spécialisées dans le domaine, notre propre
fonctionnement intellectuel. En effet, l'essentiel
de nos savoir-faire de base est complètement automatisé et échappe tout à fait à notre conscience.
Ils sont donc hors de portée de notre auto-analyse
4
5
et la réalité est souvent très éloignée d'une description triviale des phénomènes consciemment
ressentis.
D'autres troubles cognitifs peuvent alimenter
ce propos. En effet, certaines pathologies défient
l'expérience commune [14–16], telles les agnosies
visuelles. Nous avons tous la sensation, l'expérience de ce que c'est que voir : on voit net ou l'on
voit flou, ou l'on ne voit pas du tout. C'est vrai si
l'on ne considère que l'œil et les pathologies ophtalmologiques. Mais on oublie souvent qu'il n'y
aurait pas de vision sans le cerveau qui analyse,
décrypte, décode et reconnaît les stimuli imprimés sur la rétine. Lors de certaines anomalies du
fonctionnement des réseaux de neurones dédiés
au traitement de l'image rétinienne, il peut y avoir
des « ratés ». L'enfant voit bien, net, il peut décrire
ou copier ce qu'il voit, mais il ne sait pas donner
sens à ce qu'il voit. C'est un peu comme si une photographie argentique – parfaite sur le négatif (la
rétine) – devenait ininterprétable du fait d'erreurs
dans l'atelier de développement du photographe (le
cerveau). Alors, là où nous voyons un chat, l'enfant
voit un lapin ; là où nous voyons le dessin d'une
marguerite, l'enfant voit une danseuse en tutu…
D'autres fois, l'enfant voit la même chose que tout
le monde. Le problème, c'est qu'il n'a aucun moyen
de savoir – et nous non plus – s'il voit comme le
reste de l'humanité ou différemment, et comme il
n'a jamais vu autrement, il ne sait pas (ne peut imaginer ni comprendre) que nous voyons (parfois et
de façon imprévisible) différemment de lui.
Pour en venir plus précisément aux enfants
dyspraxiques qui sont le centre de notre ­propos,
Chapelle G. Le cerveau et la pensée. Auxerre : Sciences
humaines ; 2003.
IMC : infirmité motrice cérébrale ou paralysie
d'­origine cérébrale, d'origine périnatale, souvent liée
à la prématurité.
4
Chapitre 1. Qu'est-ce qu'un « dys- » ? Qui sont les enfants dyspraxiques ?
c­ ertains étonnent parce qu'ils n'arrivent pas
à enfiler leur anorak ou qu'ils ne peuvent pas
se servir d'un crayon, alors qu'ils peuvent parfaitement jouer au ping-pong ! Certes, tous les
enfants dyspraxiques sont maladroits : le développement de leurs coordinations motrices et
de leurs habiletés est tardif et incomplet. Mais
certaines activités gestuelles ne sollicitent
pas les mêmes compétences cérébrales, ne se
développent pas selon les mêmes processus,
ne reposent pas sur les mêmes réseaux de neurones et peuvent donc être atteintes (ou respectées) isolément, ce qui explique ces apparents
paradoxes.
Mais, justement, l'enfant dont nous parlons
ici – qui souffre de troubles cognitifs focalisés – n'a pas pu acquérir ces habiletés dans
les mêmes délais que ses pairs, en dépit d'un
entraînement identique ou même déjà renforcé… C'est d'ailleurs ainsi que les problèmes
de l'enfant ont d'abord été repérés. Malgré une
expérience ou un apprentissage comparables à
ceux de leurs pairs, ces enfants ne peuvent pas
faire certaines acquisitions : parler de façon
f luide, intelligible et académique, produire
rapidement des signes graphiques harmonieux, lire, calculer, acquérir certaines habiletés gestuelles.
Ce n'est donc ni la qualité, ni l'intensité de
l'entraînement, ni la méthode pédagogique, ni les
efforts, ni la bonne volonté de l'enfant qui sont en
cause, mais bien son aptitude, ses capacités cérébrales (neurodéveloppementales) à développer
cette performance-là…
Poursuivre les entraînements habituels ne consisterait alors qu'à proposer, sans cesse et sans fin,
« toujours plus de la même chose qui ne marche
pas ».
Par exemple, si l'enfant écrit mal (chapitre 3),
beaucoup pensent qu'il est « logique » de lui
proposer des exercices graphiques – dessiner des vagues, des « ponts », des boucles, des
hampes, des lettres –, de l'inscrire à un atelier
de calligraphie, d'insister pour qu'il s'applique
plus et mieux. De fait, il progresse un peu, mais
toujours insuffisamment au vu des exigences
scolaires qui, elles, croissent exponentiellement
avec les années (cf. figure 3.2, p. 52) et toujours
beaucoup plus vite que les capacités de l'enfant.
Augmentons alors les entraînements, amplifions encore les rééducations de la motricité
fine ou de l'organisation spatiale, multiplions
les prises en charge en psychomotricité ou en
ergothérapie, achetons des cahiers de graphisme qu'il réalisera les mercredis ou durant
les vacances… et l'enfant, confiant et plein
d'espoir, engage toute son énergie dans ce combat, pourtant perdu d'avance. Mais lorsqu'il en
prend conscience – souvent en même temps que
les adultes qui l'entourent –, il est trop tard,
l'échec scolaire est consommé et bien souvent
définitif. Pire, l'échec n'est pas rattaché au problème graphique et l'enfant ne bénéficiera pas
d'adaptations adéquates.
« Toujours plus de la même chose
qui ne marche pas6 »
• « Si un jeune enfant prononce mal les mots, c'est
parce que sa mère (ou sa grande sœur) le comprend trop bien : il n'a pas besoin de faire des
efforts pour se faire comprendre. »
• « Si celui-là ne sait pas ses tables de multiplication malgré de très nombreuses tentatives d'apprentissage, c'est bien la preuve qu'il faut encore
poursuivre et intensifier cet apprentissage. »
• « Si tel autre a une écriture très malhabile et
lente, c'est qu'il bâcle et/ou qu'il a besoin de
plus d'entraînement pour aboutir à un résultat
acceptable. Il faut donc le motiver et/ou renforcer l'entraînement en graphisme pour qu'il
acquière souplesse et rapidité. »
Ces assertions, bien banales, sont toutes soustendues par une même idée : l'effort et la motivation, l'enseignement explicite et l'entraînement
répétitif doivent forcément conduire à des progrès
dans la réalisation de la performance visée. Cette
idée simple et « évidente » vient du fait, incontestable, que l'enfant « standard » ou « typique »
acquiert ces habiletés à la suite d'un entraînement
régulier, plus ou moins long selon les individus
(plus ou moins « doués »).
6
La formule est empruntée à Paul Watzlawick,
psycho­logue, psychanalyste et sociologue contemporain (États-Unis, école de Palo Alto).
5
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
Cette stratégie délétère s'appuie souvent aussi
sur une confiance déraisonnable dans les
« pouvoirs » de la plasticité cérébrale. Ce terme
désigne la capacité du cerveau humain à
reconfigurer certains réseaux de neurones
sous l'effet de l'expérience et de l'entraînement, ce qui constitue le support des apprentissages. Cette capacité est d'autant plus
importante et influente que l'enfant est plus
jeune et qu'elle intervient au décours d'une
période critique7. On a aussi montré que la
plasticité cérébrale peut être à l'origine de
récupérations (rares et partielles) après des
lésions cérébrales secondaires et focalisées : de
là à imaginer que l'entraînement intensif de
fonctions déficitaires pourrait provoquer une
réorganisation neuronale « réparatrice », il n'y
a qu'un pas que certains franchissent aisément. Or, la plasticité cérébrale n'est pas un
phénomène magique qu'il suffirait de convoquer… au prix de centaines d'heures de travail
de l'enfant !
Non seulement augmenter sans fin les entraînements est inutile, mais c'est dangereux. Ainsi, pendant que l'enfant engage toute son attention et son
énergie dans le difficile dessin des lettres – geste
que l'enfant dyspraxique n'automatisera jamais
suffisamment, eu égard aux exigences scolaires
(figure 3.2, p. 52) –, il ne lui reste plus assez de
ressources pour écouter l'enseignant, prêter attention au sens ou à l'orthographe, mémoriser les
informations. Les résultats scolaires s'en ressentent dans toutes les matières, même celles où il
aurait pu faire normalement des apprentissages si
on lui en avait laissé le loisir…
Autre situation courante (cf. chapitre 4) :
l'enfant fait des erreurs lors du comptage d'une
­collection d'objets… Cela semble montrer qu'il
n'a pas encore bien compris la procédure de
dénombrement. On lui propose donc – encore et
encore – de compter des jetons, des bûchettes ou
des haricots. Et la persistance des erreurs conduit
à intensifier encore et encore cet entraînement,
en dépit de l'évidence que « ça ne marche pas ». La
répétition de ces procédures erronées non seulement n'apporte rien à l'enfant, mais perturbe le
concept de nombre en cours de constitution. Et
malgré ses excellentes compétences en raisonnement logique et en calcul mental (qui ne sont
jamais valorisées ni prises en compte), malgré les
premiers redoublements, on ne sait pas lui proposer une autre stratégie, faute d'avoir analysé, compris, diagnostiqué les processus pathologiques en
œuvre derrière ce symptôme.
On pourrait ainsi multiplier les exemples. Les
conséquences nocives de cette attitude apparemment logique (« toujours plus de la même chose
qui ne marche pas ») se manifestent dans tous les
domaines :
• l'enfant perd espoir et, plus grave encore, perd
confiance en ses propres capacités, car, malgré
toutes les rééducations et les efforts fournis, il
ne peut que constater son échec ;
• la responsabilité de ces échecs, incompréhensibles également pour les professionnels qui ont
mis en place les entraînements et les rééducations, lui est toujours attribuée (il ne s'investit
pas assez, ou bien il n'est pas si intelligent qu'on
le disait, ou bien il « fait un blocage »), aggravant
son sentiment de culpabilité et d'impuissance ;
D'une part, la plasticité cérébrale n'est pas
illimitée : elle n'a d'effet que sur l'organisation
synaptique locale (et non sur les fibres longues,
dites « associatives », qui relient entre eux différents centres cérébraux spécialisés). D'autre part,
plus on s'éloigne de la période critique pour la
fonction considérée, plus la plasticité cérébrale
des réseaux concernés est réduite. En outre, ces
réorganisations peuvent aussi générer des aspects
négatifs (hyperexcitabilité locale avec épilepsie,
désorganisation de réseaux adjacents plus immatures mais initialement intacts…). Enfin, en ce
qui concerne les « dys- » développementaux, il
ne faut pas oublier que l'organisation cérébrale
est d'abord sous influence génétique, les aspects
environnementaux (qui gouvernent la plasticité)
n'intervenant qu'à la marge.
7
Fenêtre temporelle durant laquelle un apprentissage
est particulièrement efficace chez l'enfant. Selon les
fonctions considérées, ces périodes favorables sont
différentes. Bien connues pour certaines fonctions
sensorimotrices ou certains aspects du développement langagier, elles restent plus hypothétiques pour
les fonctions de plus haut niveau, qui se développent
plus lentement, sur de longues périodes.
6
Chapitre 1. Qu'est-ce qu'un « dys- » ? Qui sont les enfants dyspraxiques ?
• ses compétences préservées, intactes, efficientes
sont négligées, méconnues, sous-utilisées. Loin
d'être exploitées pour favoriser suppléances et
compensations, elles sont au contraire utilisées
comme une arme contre l'enfant ! Ainsi, s'il ne
« fait » rien et parle beaucoup – le langage oral
est le point fort des enfants dyspraxiques –, on
juge que son langage très élaboré est un verbiage, ou qu'il fait illusion, ou qu'il s'agit d'un
vernis ou d'une fuite et, de toute façon, cela est
retenu contre lui (« S'il parlait moins, il ferait
plus attention à écrire convenablement ») ;
• les orientations (scolaires, professionnelles)
qu'on lui propose sont de plus en plus éloignées
de ses capacités et de ses espérances, voire complètement contre-indiquées (orientation vers des
métiers manuels, nécessitant des capacités gestuelles et spatiales complexes, alors que l'enfant
est dyspraxique). Au bout de quelques années,
son avenir est définitivement compromis.
On parle de dyspraxie lorsque ces couplages et/
ou ces coordinations ne se mettent pas en place
dans les délais habituels et/ou se développent
d'une façon déficitaire, anormale, inefficace, et
ce en l'absence d'une déficience mentale et/ou de
troubles psychiatriques (du moins susceptibles à
eux seuls de rendre compte du trouble gestuel) et
d'un trouble neuromoteur, neurosensoriel, neuromusculaire (du moins susceptible à lui seul de
rendre compte du trouble gestuel), alors que l'enfant a été soumis à un apprentissage habituel. On
parle aussi, selon les auteurs, de retard psychomoteur ou de trouble d'acquisition de la coordination
(TAC) [17, 19].
Quoi qu'il en soit, la réalisation de certains gestes
est difficile, malhabile, disharmonieuse, lente et
fatigante. Cette anomalie est rapportée soit à une
lésion cérébrale qui interrompt certaines des voies
cérébrales qui gèrent la conception et/ou l'exécution des gestes (leucomalacies périventriculaires
dans le cas de jeunes IMC), soit (le plus souvent)
à une atypie du développement cérébral dans le
secteur des aires pariétales (ou sous-pariétales, ou
des circuits fronto-pariétaux…) chez les enfants
sans aucun antécédent neurologique, alors appelés dyspraxiques « développementaux ».
L'enfant « typique », en cours d'acquisition
d'une notion, n'est aucunement comparable à
l'enfant empêché d'y accéder du fait d'un handicap cognitif : les méthodes pertinentes pour
les premiers ne le sont pas pour les seconds,
elles peuvent même s'avérer désastreuses à
moyen et long terme (cf. p. 26, 51).
Un diagnostic fiable
Poser un diagnostic fiable [18] est un préalable
à tout projet d'aide en direction de ces enfants.
Commencer un « traitement » (proposer un ordinateur, un AESH8, des séances de psychomotricité
ou d'ergothérapie, etc.) sur une simple présomption, sans s'assurer du diagnostic, est une erreur
grave dont de nombreux enfants (et parents)
font la douloureuse expérience [20]. Décidées à
partir du symptôme observable (l'enfant écrit,
compte ou lit « mal »), ces prises en charge ne sont
licites que si elles sont de courte durée (6 mois
par exemple), permettant à la fois une observation attentive de l'enfant et la vérification que le
trouble est intense et durable (critères d'inclusion
du diagnostic de « dys- »). Ensuite, il faut absolument déclencher une démarche diagnostique
C'est pourquoi il faut savoir reconnaître (dépister et diagnostiquer) ces anomalies trompeuses et
déroutantes : elles requièrent des prises en charge
spécifiques, c'est-à-dire différentes des propositions habituellement faites à l'enfant tout-venant.
Chacun doit donc préserver sa capacité à s'étonner, à regarder et à écouter autrement, à sortir des
sentiers battus.
Assurer et préciser le diagnostic
Les dyspraxies sont un trouble du développement des apprentissages gestuels. Les gestes sont
un ensemble de mouvements (de couplages sensori-moteurs) coordonnés dans le temps et dans
l'espace dans l'intention de réaliser une action
finalisée.
8
7
AESH : accompagnant des élèves en situation de
handicap. Les AESH reçoivent une courte formation
en cours d'emploi et doivent aider un ou plusieurs
enfants, sous la responsabilité de l'enseignant.
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
Trouble moteur ou neuromusculaire
Déficience intellectuelle
Reflet problème psychodynamique
Dysgraphie
Dyspraxie
Syndrome dys-exécutif
Trouble visuel
Etc.
Figure 1.1. Dysgraphie : exemple de symptôme isolé pouvant renvoyer à différents diagnostics.
Un symptôme ne représente qu'un des éléments constitutifs du diagnostic.
précise. En effet, une imprécision ou une erreur
de diagnostic risque, à l'insu de tous, d'engager
l'enfant dans une impasse thérapeutique, suscitant découragement et nouvelles erreurs interprétatives en cascade.
On peut repérer deux principaux types de scénarios qui constituent des situations « à risque »
sur le plan diagnostique.
(légitime, à partir de tel ou tel symptôme ou de tel
ou tel bilan bien conduit) et diagnostic.
Aucun signe, isolément, n'est pathognomonique (caractéristique) de la dyspraxie. C'est
pourquoi le diagnostic ne peut actuellement
émerger que de la confrontation de plusieurs
examens dépendants de divers professionnels
(tableau 1.1), ne peut s'évoquer qu'à partir d'un
faisceau concordant d'éléments, dont certains
sont des éléments d'élimination – l'enfant n'est
pas atteint de troubles neurosensoriels ou neuromoteurs, ni de déficience intellectuelle, ni de
troubles envahissants du développement, du
moins suffisants pour rendre compte des symptômes observés – et d'autres sont des signes positifs – l'enfant présente certaines caractéristiques
ou associations de troubles très évocatrices
(tableaux 1.1 et 1.2).
Bien sûr, cette démarche est modulée en fonction de l'âge de l'enfant et de l'association de
symptômes qu'il présente. Par exemple, si l'enfant présente des troubles de l'apprentissage de
la lecture (cf. chapitre 5), il est très important de
demander aussi un bilan orthoptique et un bilan
orthophonique.
Un examen incomplet
Trop souvent encore, le diagnostic est porté par
un seul professionnel qui conclut sur la foi d'un
symptôme – par exemple, au décours d'un bilan
psychomoteur ou ergothérapique, on constate que
l'enfant écrit mal (figure 1.1) – ou d'une seule évaluation – dissociation importante aux échelles de
Wechsler9 entre les épreuves verbales bien réussies
et les épreuves non verbales ratées. Il s'agit là de
la confusion – trop fréquente – entre hypothèse
9
Échelles de Wechsler adaptées à l'âge du jeune
(WPPSI, WISC, WAIS) : tests psychométriques dits
« d'intelligence », indispensables au diagnostic de
« dys- », mais insuffisants à eux seuls.
8
Chapitre 1. Qu'est-ce qu'un « dys- » ? Qui sont les enfants dyspraxiques ?
Tableau 1.1. Les quatre temps du diagnostic de dyspraxie.
1
Plaintes dans le secteur des gestes, de l'espace, du graphisme, de la maladresse,
des AVQ*
= suspicion
2
Élimination de troubles neuromoteurs et/ou sensoriels
Hypothèse forte = dyspraxie
3
Échelles de Wechsler : préservation de l'intelligence générale (facteur G), réussite
aux épreuves verbales et mnésiques, contrastant avec l'échec aux épreuves visuopracto-spatiales
4
Bilans psychologue, psychomotricien, ergothérapeute +++ = troubles spécifiques
= affirmer diagnostic
* AVQ : activités de la vie quotidienne.
Tableau 1.2. Critères qualitatifs complémentaires.
1. Antécédent de prématurité* (inconstant).
2. L'enfant critique de façon pertinente sa contre-performance : il a une bonne représentation du résultat qu'il devrait obtenir.
3. Fluctuation de la performance : il a différentes façons d'échouer.
4. Présence de troubles visuo-spatiaux (constante) et/ou du schéma corporel et/ou gnosiques visuels (inconstants).
5. Dissociation au sein des performances praxiques (inconstante) : gestes signifiants vs gestes arbitraires ; mimes
d'action vs manipulation d'outils… (cf. p. 10, 18).
* Des études longitudinales (EPIPAGE) montrent clairement la corrélation statistique entre intensité de la prématurité et fréquence des
troubles praxiques et visuo-spatiaux. Cf. Deforge H, Toniolo AM, Andre M, et al. « Déficits visuo-spatiaux à l'âge préscolaire chez des
enfants anciens grands prématurés ». ANAE 2007 ; 93 : 191-7.
Comme on le voit, ce diagnostic impose la
passation de nombreux bilans, dont les résultats
et conclusions doivent être confrontés les uns
aux autres (lors de la consultation d'un médecin
expérimenté en neuropsychologie ou d'un neuropsychologue compétent dans ce domaine) afin
d'aboutir à un diagnostic. Il s'agit donc d'une
démarche exigeante… et obligatoirement longue.
Les bilans réduits – par exemple la BREV –
sont très utiles dans une optique de dépistage,
pour effectuer un premier screening et repérer
les enfants qui auront effectivement besoin de
l'ensemble de ce bilan diagnostique, mais ils ne
peuvent se suffire à eux-mêmes.
signalement à la MDPH11 dont dépend l'attribution
d'aides techniques ou humaines pour la prochaine
année scolaire, réunion de PPS ou ESS12, etc. Or, s'il
se confirmait ultérieurement que l'enfant soit en
effet dyspraxique, il serait toujours loisible de modifier et de réajuster – désormais avec ­pertinence –
les décisions prises antérieurement. Pour les décisions qui doivent intervenir dans l'intervalle de
temps qui sépare la suspicion de la confirmation du
diagnostic, il faut accepter qu'elles soient prises sur
les éléments dont on dispose à ce moment-là : c'est
essentiellement l'évaluation scolaire qui constitue
une photographie fiable des capacités/­incapacités
fonctionnelles du jeune à ce moment-là de son
­évolution, sans préjuger des causes.
Le sentiment d'urgence
11
Une fois le terme de dyspraxie évoqué, on constate
souvent un sentiment « d'urgence » alimenté par
des échéances datées, au cours desquelles les différents acteurs craignent de prendre une décision
qui engage l'avenir et s'avérerait par la suite mal
adaptée : orientation scolaire, rédaction d'un PAP10,
10
12
PAP : plan d'accompagnement personnalisé, cf.
c­ hapitre 9.
9
MDPH : maison départementale des personnes handicapées, où sont regroupés tous les services dont
dépend la mise en œuvre des aides et compensations
liées au handicap.
PPS : projet personnalisé de scolarisation, qui réunit
les différents acteurs (parents, école, rééducateurs et/
ou services de soins) pour déterminer de quels aménagements (pédagogiques, d'emploi du temps), de
quelles aides techniques et/ou humaines l'enfant doit
bénéficier au cours de l'année scolaire. ESS : équipe
de suivi de scolarisation.
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
S'il est évidemment important de mettre en
place le plus précocement possible les diverses aides
nécessaires, cela ne doit cependant pas conduire à
s'arrêter à une simple présomption diagnostique : les
dangers encourus seraient alors pires que le remède
escompté. En effet, si l'enfant se révèle ensuite effectivement « dyspraxique », cela signifie qu'il est né
dyspraxique et… qu'il restera dyspraxique. Il n'y
a donc jamais aucune réelle justification à faire ce
diagnostic dans l'urgence et, bien sûr, encore moins
à faire une erreur ou une approximation diagnostique dont les conséquences délétères ne feraient
que s'ajouter aux troubles initiaux.
tique ne permet jamais de « rattraper » le retard
diagnostique et ne fait au contraire que compliquer inutilement la situation, déjà difficile.
Un diagnostic précis
La méthodologie suggérée plus haut (cf. tableaux 1.1
et 1.2) est indispensable pour finaliser le projet
individuel de l'enfant.
Préciser la place relative
de chaque symptôme
La dyspraxie est constituée d'un ensemble de
symptômes qui peuvent, chez chaque enfant, réaliser une mosaïque particulière et unique du fait
de la présence ou de l'absence (ou de l'intensité
très variable) de chacun des signes [3]. Les bilans
des différents professionnels visent donc à préciser l'existence et l'importance :
• du trouble constructif proprement dit ;
• des anomalies des traitements spatiaux, quelquefois au tout premier plan de la pathologie ;
• d'anomalies du développement des fonctions du
regard (fixation, saccades, exploration, poursuite) ;
• d'un éventuel déficit en attention visuo-spatiale ;
• d'éventuelles anomalies de constitution du
schéma corporel (y compris notions de droite et
de gauche et gnosies digitales) ;
• de possibles troubles gnosiques visuels ;
• quelquefois d'anomalies comportementales, voire
de troubles de structuration de la personnalité
(traits du spectre de l'autisme).
Les prises en charge, comme nous aurons l'occasion de le redire, ont pour objectif de diminuer la gêne ressentie par l'enfant, de limiter les
répercussions négatives de la dyspraxie dans les
différents secteurs de la vie de l'enfant, de
réduire le handicap (scolaire, psychologique et
social) et non de guérir la dyspraxie.
C'est normalement en moyenne ou grande section de maternelle (éventuellement en CP-CE1
lorsque le trouble est discret) que le retard graphique et la maladresse doivent alerter. Lorsque la
suspicion est plus tardive (CM, voire collège), cela
peut résulter :
• soit d'un trouble léger chez un enfant très compétent sur le plan du raisonnement verbal et qui
a mis spontanément en œuvre des compensations efficaces. Ces dernières vont, un temps,
plus ou moins masquer les conséquences de la
pathologie praxique. Cependant, les exigences
scolaires augmentant, le trouble finit par se
dévoiler, mais plus tardivement ;
• soit d'une méconnaissance ou erreur diagnostique ;
• soit d'un déni du trouble (de la part des parents
et/ou des enseignants et/ou des médecins).
Vouloir sauter des étapes diagnostiques parce
que l'enfant est déjà grand et/ou parce que se jouent
des échéances scolaires (passage en sixième, orientation…) est une erreur fréquente (impression que
l'on a « perdu du temps » et qu'il faut maintenant
« faire vite »). Or, ce n'est pas en quelques semaines
ni en quelques mois que l'on règle un problème
qui mine la scolarité et la vie de l'enfant depuis des
années. Une erreur ou une insuffisance diagnos-
Rechercher d'éventuelles
dissociations
Leur présence permet de mieux cibler le type de
gestes qui pose problème à l'enfant et les modalités
gestuelles qui lui restent accessibles (cf. chapitre 2) :
• trouble touchant électivement les gestes enseignés (culturels) et épargnant les gestes sélectionnés par l'évolution, c'est-à-dire dyspraxie
isolée, sans signe de « retard psychomoteur »
ni TAC. Les premiers stades de développement moteur se sont manifestés normalement,
qu'il s'agisse du ramper, de la station assise, du
quatre pattes, de la marche… ;
• trouble touchant uniquement l'utilisation d'outils (et respectant les gestes symboliques, tels
que faire « au revoir », « chut »…).
10
Chapitre 1. Qu'est-ce qu'un « dys- » ? Qui sont les enfants dyspraxiques ?
concevoir tous les volets. Ayant tenté de bien
comprendre l'enfant et de bien analyser l'éventail de ses capacités/incapacités, il faut aussi, en
regard, bien comprendre et analyser ce que l'on
peut attendre de telle ou telle action pédagogique, éducative, rééducative ou palliative.
Signes associés
Il faut aussi faire le point sur la présence éventuelle
de signes associés dont l'influence est majeure tant
sur le pronostic que sur les choix rééducatifs :
• troubles de l'attention et/ou hyperactivité. Bien
qu'elle ne soit pas du tout systématique, cette
association est très fréquente [20] ;
• dyslexie, dont il faut alors bien préciser les
déterminants (phonologique et/ou visuoattentionnelle). En effet, si elle est uniquement ou essentiellement « visuelle », la
dyslexie fait alors partie intégrante de la
dyspraxie visuo-spatiale avec troubles du
regard (cf. chapitre 5). Mais l'enfant peut
également souffrir d'une dyslexie imputable
à un trouble phonologique, ou à un déficit de
la mémoire de travail, ou à une association
« troubles de l'attention, syndrome dysexécutif et déficit de la mémoire de travail », toutes
ces situations constituant alors un trouble
associé (comorbidité) ;
• déficit de la mémoire de travail, isolé ou au sein
d'un syndrome dysexécutif ;
• immaturité (déficience) intellectuelle…
Rééducations et scolarité : deux
pôles en interactions réciproques
La scolarité – depuis la première année de maternelle jusqu'au niveau universitaire – fait constamment appel aux savoir-faire praxiques et visuospatiaux des enfants, et ce de façon habituellement
masquée, implicite, le plus souvent à l'insu des
enseignants (cf. chapitre 8).
L'enfant dyspraxique est ainsi très souvent mis
en difficulté par la méthode d'enseignement,
les procédures préconisées et/ou le matériel
pédagogique utilisé (et non par les connaissances ou le concept à acquérir).
C'est pourquoi l'échec scolaire est si fréquent
(et souvent sévère) chez ces enfants intelligents13,
de bon niveau verbal, ayant généralement d'excellentes capacités mnésiques, curieux et motivés par
les apprentissages scolaires.
Leur venir en aide, c'est reconnaître et nommer leur trouble, leur en expliquer simplement
les mécanismes et les répercussions. C'est aussi
mettre en place avec eux un « plan de bataille » (le
projet thérapeutique), dont ils attendent légitimement des effets dans leur vie quotidienne et leur
vie scolaire.
C'est pourquoi les actions à visée thérapeutique
doivent toujours associer des soins ciblés (dispensés par les thérapeutes spécialisés) et des adaptations pédagogiques très spécifiques (mises en
place dans le cadre scolaire).
Dans les textes officiels, cette indispensable coordination est souvent désignée sous
le terme de « partenariat » qui doit s'instaurer
Capacités préservées
Enfin, évaluer précisément le niveau de performance dans chacune des fonctions préservées
est une démarche fondamentale pour penser
le projet thérapeutique : langage, mémoires
(mémoire de travail, à long terme, visuelle,
auditivo-verbale), raisonnement et conceptualisation, fonctions sur lesquelles on s'appuie
pour conduire les rééducations et/ou proposer
un contournement du trouble, ou encore l'utilisation d'un palliatif.
Lorsqu'on ne dispose pas de l'ensemble de ces
éléments, le projet ne peut pas vraiment être
personnalisé ni adapté. Il s'agit donc là d'enjeux majeurs qui déterminent la qualité et l'efficacité des propositions ultérieures.
13
Mais si porter un diagnostic fiable et rigoureux
est indispensable pour entamer une démarche
thérapeutique, cela est très loin de suffire à en
11
L'intelligence de l'enfant est attestée par la réussite à
une ou plusieurs épreuves verbales dites de facteur
G ou « intelligence générale » (épreuve de catégorisation, de classification, de raisonnement logique).
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
(­naturellement ?) entre les structures de soins et
l'Éducation nationale. Pourtant, au quotidien,
cette coopération, qui n'est en rien préparée
et dont les modalités ne sont jamais précisées,
peut s'avérer difficile à mettre en œuvre, malgré
toutes les bonnes volontés, du fait :
• du côté de l'école :
– d'une méconnaissance des mécanismes
pathologiques qui sous-tendent la dyspraxie
(trop souvent réduite à la notion de « maladresse » et/ou de dysgraphie),
– de la non-conscience des constituants
praxiques et/ou visuo-spatiaux infiltrant les
différents apprentissages proposés (cf. chapitre 9), du souhait de « normaliser » l'enfant
différent (« En classe, il est comme les autres »,
ou bien : « Il faut bien qu'il arrive à faire
comme les autres »),
– des difficultés concrètes à concevoir et à
mettre en œuvre des aménagements très
individualisés au sein d'un grand groupe,
– de l'absence de temps de concertation, de réunion, de partage avec d'autres intervenants
(rééducateurs libéraux, services de soins
dits SESSD ou SESSAD et, au sein même de
l'école, médecin et psychologue scolaires),
– de la grande difficulté à concevoir des évaluations « justes » en dépit des adaptations
préconisées (par rapport aux autres enfants
de la classe, mais aussi en fonction des savoirs
exigés par le programme). C'est souvent la
marque d'une confusion entre « égalité » et
« justice » et d'une mauvaise appréhension de
la notion de « compensation du handicap » ;
• du côté des équipes de soins et des rééducateurs :
– d'une méconnaissance des exigences liées
aux programmes scolaires, de l'ignorance des
contraintes inhérentes à la pédagogie de groupe,
– de la non-conscience de l'intrication forte
entre la forme (la méthode) et le fond (le
savoir ou le concept visé) lors de certains
apprentissages,
– de la sous-estimation de l'impact psychologique du diagnostic lui-même (souvent
vécu comme un handicap intellectuel et/ou
mental) et des adaptations (toujours stigmatisantes) qui doivent prendre effet au sein
d'un groupe de pairs (les autres élèves de la
classe), générant des réactions de déni ou de
prestance, qui, de fait, rendent impraticables
certaines suggestions proposées, etc.
Pourtant, quel sens peuvent avoir deux séances
de rééducation par semaine (si bien conduites,
si bien adaptées, si efficaces soient-elles) si ces
deux séquences hebdomadaires de trois quarts
d'heure ne trouvent pas d'écho lors des 24–26
autres heures hebdomadaires (en moyenne)
que l'enfant passe en classe, en situation « écologique » d'apprentissage ?
On voit donc d'emblée que le choix de telle
ou telle stratégie thérapeutique (de rééducation
ou de réadaptation) ne peut advenir qu'au terme
d'investigations et de synthèses qui s'intéressent
autant au trouble (la dyspraxie, isolée ou non, son
type, son intensité…) qu'à l'enfant (ses capacités
de compensation, ses projets, sa personnalité), à
ses parents (leurs propres projets, leur acceptation
ou leur refus de considérer leur enfant comme
« handicapé » et de solliciter la MDPH, leur soutien ou leurs exigences…) ou à l'école (« tolérance »
de l'échec dans certains secteurs, proposition de
classe spécialisée ou ULIS14, acceptation des aides
techniques ou humaines, stigmatisation ou non
de l'enfant « à besoins spécifiques », capacité à
travailler avec des intervenants extérieurs, tels les
rééducateurs libéraux ou les services de soins15).
Conscientes de la variété et de l'importance
de toutes ces difficultés intriquées, nous tentons
donc d'aborder ici l'ensemble de ces questions qui
sont interdépendantes et inséparables : les soins,
les rééducations, les adaptations, l'utilisation
d'aides techniques ou de palliatifs, mais aussi les
14
15
12
ULIS : unités localisées pour l'inclusion scolaire en
primaire ou au collège.
SESSD ou SESSAD : services de soins dits « à domicile », qui interviennent sur le lieu de vie de l'enfant
(domicile, crèche, école…). Ces structures, légères et
souples, disposent d'équipes pluridisciplinaires très
complètes (médecins, psychologues, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens, éducateurs, assistants sociaux…) et assurent
les soins, les rééducations et l'aide à la scolarisation
pour un public spécifique (il existe des services de
soins pour enfants handicapés mentaux, moteurs,
auditifs ou visuels). Pour des raisons historiques et du
fait des compétences accumulées dans ces structures,
les jeunes dyspraxiques sont le plus souvent admis
dans les SESSD pour jeunes handicapés moteurs. Plus
récemment, quelques rares services de soins se sont
orientés vers la prise en charge d'enfants porteurs de
troubles des apprentissages.
Chapitre 1. Qu'est-ce qu'un « dys- » ? Qui sont les enfants dyspraxiques ?
aménagements à prévoir en ce qui concerne les
méthodes pédagogiques, les supports d'apprentissages, les évaluations scolaires et enfin les rôles
des AESH.
Ainsi, nous espérons que cet ouvrage puisse
constituer une base pour un réel partenariat
entre les différents professionnels qui doivent,
ensemble, sur le terrain, œuvrer à la réussite scolaire de ces enfants dyspraxiques.
Pour cela, il nous faut d'abord nous pencher sur
les processus qui président aux différents apprentissages chez l'enfant tout au long du développement
(cf. chapitre 2) et sur la conception du projet thérapeutique, lequel doit intégrer les impératifs scolaires.
13
Les préalables au projet
thérapeutique
Chapitre
2
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
« Les qualités objectives (physiques et intellectuelles) des hommes peuvent être
différentes, cela n'atteint pas ces hommes dans leur être même. Ils ne sont ni
inégaux ni différents, ils sont incomparables. »
A. Pichot16
Processus présidant aux
Concevoir le projet et ses multiples implications pratiques au jour le jour – outre le fait
qu'il faut avoir réalisé un diagnostic fiable et
précis – suppose d'avoir constamment en tête
trois notions qui fondent véritablement le sens
de toutes les mesures qui sont prises pour cet
enfant-là :
• les procédures utilisées en rééducation constituent des apprentissages explicites justement
ciblés sur les secteurs où l'enfant est, structurellement, en grande difficulté : le contenu
et les méthodes employées durant les séances
d'une part et les résultats escomptés d'autre
part doivent en permanence tenir compte de
cette réalité ;
• le projet thérapeutique ne peut pas être constitué d'une accumulation de projets « locaux » ou
partiels (même apparemment bien conçus) juxtaposés : c'est pourtant encore le cas de loin le
plus fréquent ;
• c'est le pronostic scolaire qui est l'élément unificateur et déterminant de l'ensemble des actions
proposées dans le domaine cognitif, celui des
« troubles spécifiques des apprentissages ». En
effet, c'est le projet scolaire et le niveau d'exigence qu'il requiert (en termes de contenu et de
contraintes temporelles) qui calibrent le niveau
d'exigences et justifient le choix de la stratégie
thérapeutique. Or, on constate souvent soit que
cette donnée est totalement méconnue, soit
qu'elle reste sans influence sur les propositions
thérapeutiques.
apprentissages et à la rééducation
Ces trente dernières années ont mis l'accent, dans
le domaine de la neuropsychologie, sur certains
processus liés aux apprentissages. Ces derniers
(y compris les rééducations, qui font partie intégrante des apprentissages proposés à l'enfant)
peuvent être implicites ou explicites, contrôlés
ou automatisés : selon les cas, les performances
peuvent ne pas être mobilisées dans les mêmes
conditions (accès aux acquis, niveau de performance atteignable…), et cela impacte grandement
le niveau de performance atteignable par l'enfant.
Apprentissages implicites versus
explicites
Il faut distinguer :
• d'une part, les apprentissages « obligés » qui
reposent sur des fonctions sélectionnées par
l'évolution et génétiquement programmées ;
• d'autre part, les apprentissages neurologiquement « facultatifs », culturellement dépendants,
dont l'acquisition dépend entièrement d'un enseignement explicite des adultes en direction des
enfants (ou des experts en direction des novices).
Dans les deux cas, ce ne sont pas les mêmes processus cognitifs qui sont sollicités.
16
15
Pichot A. « Opinions ». La Recherche 1997.
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
cognitifs spécifiques » qui peuvent toucher les différentes fonctions : langage (dysphasies), coordinations gestuelles complexes (TAC), traitements
spatiaux (troubles visuo-spatiaux), attention,
fonctions d'inhibition et de stratégie (syndromes
dysexécutifs), identification sensorielle (agnosies
visuelles), mémoires (dysmnésies), etc. [1].
Acquisitions liées à l'espèce
Les bébés naissent « équipés » de différentes
« boîtes à outils » spécialisées (pour la socialisation
et la communication, les coordinations motrices,
oculo-motrices et oculo-manuelles, le langage, les
traitements spatiaux, les gnosies…), qui leur permettent de développer certaines fonctions (le langage oral, la marche, les manipulations fines, etc.),
du moins s'ils peuvent disposer du libre jeu des systèmes sensori-moteurs concernés et d'inter­actions
(spontanées et implicites, le plus souvent non
organisées intentionnellement) avec l'environnement et les adultes. Ces acquisitions liées à l'espèce
reposent sur des réseaux et des proto-compétences,
certes très immatures, mais déjà présents en germe
et fonctionnels dès la naissance ou les premières
semaines de vie17 (compétences précoces).
Pour manifester plaisir ou déplaisir, pour se
déplacer en rampant, puis à quatre pattes, puis
debout, pour développer leur poursuite oculaire
et orienter leurs fixations, pour coordonner œil et
main, pour comprendre, puis développer un langage communicationnel, pour utiliser une pince
pouce-index, les enfants tout-venant n'ont besoin
ni d'un enseignement explicite ni de démonstration. Le temps (la maturation) et les interactions
(spontanées) avec un environnement adapté (physique, affectif et social) permettent de renseigner
les systèmes adéquats et contribuent à leur développement progressif, en spirale (le développement de chaque fonction, en interdépendance avec
les autres, autorise des interactions de plus en plus
complexes et sophistiquées avec l'environnement).
Ce type d'acquisition est reconnaissable au fait
qu'il s'agit de performances (sensori-motrices
et/ou cognitives) qui se développent selon un
rythme éminemment prévisible, dans toutes les
cultures, sous toutes les latitudes, la chronologie
de ces acquisitions constituant un repère fiable18
pour suivre le développement de tous les enfants.
Leur atteinte élective, leur atypie ou anomalie de développement donne lieu aux « troubles
17
18
Apprentissage dépendant
d'un enseignement culturel
Au contraire, d'autres apprentissages sont entière­
ment dépendants de l'environnement et de l'éducation prodiguée. Ils ne se produiraient pas (ne
se produiraient jamais) sans l'intervention volontariste, consciente et systématisée des adultes.
Pour y accéder, les enfants doivent subir un enseignement explicite de la part des adultes (ou les
novices de la part des experts). Ces apprentissages
sont rendus possibles (et sont limités) par notre
équipement de base (sélectionné par l'évolution),
mais ne sont pas inscrits tels quels dans notre
patrimoine génétique : un effort intentionnel et
conscient, souvent assorti d'un entraînement gradué, est nécessaire pour que :
• de nouveaux réseaux se constituent (« recyclage
neuronal » [22]), supports de ces nouvelles aptitudes ;
• ces nouvelles aptitudes s'automatisent.
Ces apprentissages nécessitent que les « outils »
initiaux dont est génétiquement doté le bébé soient
réorientés (par l'apprentissage, l'entraînement)
vers la création de novo de réseaux originaux
qui aboutissent à des performances nouvelles :
la lecture [21] et l'écriture, le calcul, la transmission et l'accumulation des savoirs académiques,
la réalisation de gestes « appris culturellement »
(praxies), etc.
L'automatisation de ces nouvelles habiletés est
la marque que leur apprentissage est terminé et
réussi.
Ces capacités inédites sont rendues possibles
par les impressionnantes capacités d'apprentissage dont les humains sont dotés (cf. plasticité
cérébrale, p. 6). Elles constituent le fondement de
la variété des cultures humaines et sont systématiquement exploitées par l'éducation d'une part et
par la scolarisation d'autre part.
Cf. sur le site de l'INSERM : Le développement cognitif de
l'enfant : clés de compréhension ; texte et vidéos :http://
www.inserm.fr/associations-de-malades/seminairesde-formation-ketty-schwartz/fonctions-cognitiveschez-l-enfant-cles-de-comprehension
Il s'agit bien sûr de fourchettes d'âges (médiane ± 1
écart type) au sein desquelles ces capacités doivent se
manifester.
16
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
Le non-accès à ces apprentissages (ou un accès
déficitaire ou qualitativement anormal) caractérise le groupe des « troubles spécifiques des
apprentissages », à savoir : les dyslexies, les dysorthographies, les dyscalculies, les dysgraphies et
les dyspraxies. La dénomination même de ces
troubles, neurodéveloppementaux, reflète la force
du lien qui unit ces pathologies et la scolarité.
 Manger (avec des baguettes, une fourchette et un couteau, les doigts…).
 S'habiller (avec un sari, un blue-jean, un
soutien-gorge, des bandes molletières, une
cravate, des lacets, une fermeture Éclair, des
boutons, des fibules…).
 Écrire (avec un calame, un pinceau, une
plume, un stylo à bille ; de haut en bas ou de
droite à gauche…).
 Conduire une voiture (ou un carrosse, un
âne bâté, un rickshaw, un char à voile…).
 Changer une roue (ou ferrer un cheval), utiliser une perceuse (ou un fléau, un silex, un laser,
une souris d'ordinateur, un rouleau de scotch…).
 Jouer de la trompette (ou de la harpe, du
violon, de la batterie, de la viole de gambe,
de l'harmonica…).
 Allumer la lumière (ou une bougie, le gaz,
un feu de bois…).
 Éteindre son réveil (ou sonner les cloches,
retourner un sablier, construire un cadran
solaire).
 Se faire un brushing (ou des nattes, un
chignon…), se raser, se tailler la barbe, se couper les ongles, se maquiller…
 Jouer à la marelle (ou avec des cubes, en
construisant une cabane, avec un diabolo,
une console de jeux).
 Tisser, tricoter ou broder, etc.
Apprentissage gestuel
En ce qui concerne les gestes (ensemble intentionnel de mouvements coordonnés dans le temps et
dans l'espace en vue de réaliser une action finalisée), comme pour toutes les capacités sensorimotrices et cognitives, certains ressortent de
mécanismes « obligés », sélectionnés par l'évolution, et d'autres dépendent strictement d'un
enseignement et d'un entraînement spécifiques,
en fonction de l'environnement culturel particulier dans lequel le sujet se développe, puis évolue.
Le développement des coordinations sélectionnées par l'évolution suit un rythme chronologiquement contraint et hautement prévisible, connu
sous le terme de « développement psychomoteur » :
tenue de tête, ramper, station assise, quatre pattes,
prise fine pouce-index, station debout, marche
libre, équilibres statiques, équilibres dynamiques
(sauts), réception de mobiles (balles), etc., développement intégrant également les coordinations
oculo-motrices et oculo-manuelles. Classiquement,
c'est un retard (ou une anomalie qualitative) dans ce
développement-là qui est désigné par le terme, toujours très employé, de retard psychomoteur (ou TAC).
Ces gestes, qui emplissent notre quotidien,
dépendent étroitement de l'époque, de la région du
monde et même de la famille dans laquelle nous
sommes nés. Certains savent jouer du piano, faire
du tennis ou gaver les oies, d'autres utilisent habilement une scie, un vilebrequin ou une poêle à crêpes.
D'autres encore ne savent pas et ne sauront jamais
faire ces gestes de façon habile : cela dépend de choix
personnels et/ou de l'environnement dans lequel
nous avons grandi et dans lequel nous évoluons.
D'autres gestes au contraire, « facultatifs » au
regard de l'évolution, sont cependant indispensables dans une communauté ou une société donnée : leur enseignement progressif par les adultes
contribue à inscrire l'enfant dans son environnement social et culturel.
Cependant, au-delà de cette variété, certains
gestes doivent être acquis, à certains âges, dans
certaines cultures, sous peine de constituer, dans
cet environnement-là, un handicap.
Exemples
Gestes culturels (et variabilité
en fonction de l'époque et du lieu)
Ainsi, se laver et prendre soin de son apparence
(se raser, se coiffer, se moucher…), manger et s'habiller conformément aux habitudes de son groupe d'appartenance, mais aussi, dans les pays i­ndustrialisés,
 Se saluer (en faisant un salut de la main,
en joignant les deux mains et en inclinant
le tronc, en faisant une bise, en baissant les
yeux, en faisant la révérence…).
17
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
traverser la rue, conduire une voiture, lire, écrire,
utiliser les outils scolaires (trousse, cartable, règle,
compas, classeur, bâton de colle…) et l'ordinateur
sont, entre autres, des acquis indispensables.
tisé, il sera produit sans effort, avec un haut
degré de réussite.
Mais suffit-il de « voir faire » (observation,
démonstration) ou bien le geste s'apprend-il essentiellement en s'exerçant, en l'effectuant, en expérimentant par essais et erreurs successifs jusqu'à
la constitution du « bon geste », celui qui, harmonieux et efficace, peut s'automatiser et s'effectuer
avec un minimum de contrôle attentionnel ? En
outre, lors de l'entraînement, comment prendre
en compte les différents éléments susceptibles de
faciliter l'apprentissage : réalisation du geste dans
des contextes variés (sollicitant l'adaptation à
l'environnement), nature et importance des feedback (informations en retour) restitués à l'apprenti
sur sa performance, simulation et convocation
consciente de l'image motrice, description verbale
de certains aspects du geste, etc. ? Ces questions
sont évidemment cruciales en rééducation.
De très nombreux travaux, issus aussi bien des
neurosciences que des techniques d'entraînement
pour des sportifs de haut niveau, cherchent à éclaircir ces points ou à définir leur importance réciproque [22]. Nous renvoyons le lecteur à ces études
et publications qui constituent un corpus théorique
pour comprendre comment les sujets tout-venant
acquièrent un nouveau geste. Les études chez le
sujet dyspraxique – c'est-à-dire chez lequel certaines
des stratégies efficaces chez le sujet « normal » se
révèlent inutilisables – sont plus rares et plus parcellaires [23].
Nous rappelons ici simplement certaines données concernant les « neurones miroirs ». La mise
en évidence, dans les années 1990, de neurones
bimodaux, visuo-moteurs, a en effet considérablement modifié notre perception des mécanismes qui régissent l'apprentissage gestuel. Ces
études font état de deux sortes de neurones visuomoteurs [24] :
• les neurones dits « canoniques » – les voies pour
l'action (le « comment faire ? ») – réagissent à
la présentation d'objets « manipulables ». Ils
assurent une association systématique et adéquate entre la vision et les caractéristiques fonctionnelles de l'objet. Ils codent la représentation
motrice d'une interaction correcte avec l'objet.
Ils précisent donc comment attraper, saisir
l'objet et comment agir (cf. la notion d'affordance selon Gibson [25, 26]). Ainsi, voir un
crayon ou un marteau (ou un téléphone ou une
poêle à frire) active de façon automatique, non
Les anomalies de constitution et d'automatisation de ces gestes appris (alors que l'enfant a
bénéficié d'un enseignement habituel) sont la
caractéristique clinique qui spécifie le groupe
des dyspraxies. C'est lorsqu'elles se manifestent
en l'absence de tout retard psychomoteur que
les dyspraxies sont les plus typiques, mais aussi
les plus difficiles à diagnostiquer. Au contraire,
lorsque tous les gestes se développent de façon
anormale (retard psychomoteur et dyspraxie),
le diagnostic est plus précoce et alors plus souvent dénommé TAC (trouble d'acquisition des
coordinations).
Différents mécanismes sous-tendent ces
apprentissages gestuels (y compris un dosage
en proportions variées de ces différentes procédures), également utilisés en rééducation :
• l'observation (spontanée ou organisée délibérément comme dans la démonstration) : on
montre le geste à accomplir (ou un élément
caractéristique ou une séquence de ce geste) que
l'enfant doit regarder attentivement ;
• l'imitation : l'enfant observe dans l'intention de
reproduire ensuite le modèle le plus exactement
possible ;
• l'entraînement : l'enfant tente de réaliser le geste
(ou l'enchaînement gestuel). À chaque essai, il
conçoit et planifie le geste (sa finalité, sa réalisation, son contrôle proactif), puis, lors de
sa réalisation effective, il perçoit (proprioception, kinesthésie) les caractéristiques du geste
accompli (réglages posturaux, amplitudes,
force, configuration des différents segments
corporels, trajectoires…) et il introduit des
corrections en fonction de l'appréciation (jugement : fonctions exécutives) du résultat obtenu
(boucle de contrôle efférences/réafférences,
régulation rétroactive). Au cours des essais
successifs (apprentissage par essais et erreurs),
un « schéma moteur » de plus en plus performant émerge normalement peu à peu, dont les
caractéristiques se rapprochent de plus en plus
du geste expert. Une fois ce dernier engrammé
(inscrit cérébralement, mémorisé) et automa-
18
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
consciente et simultanément, non seulement la
signification de l'objet que je regarde (je reconnais que c'est un marteau ou un téléphone),
mais aussi son usage : je sais comment le saisir,
quels gestes je dois effectuer pour l'utiliser ;
• les neurones dits « miroirs » – les voies pour
la perception et la signification de l'action (le
« pour faire quoi ? ») – s'activent lors de l'observation d'une action faite par autrui (certains
neurones ne répondent qu'à un type d'action).
G. Rizzolatti a montré que l'observation d'une
action provoque, chez l'observateur, l'activation des mêmes réseaux de neurones que la
réalisation effective du geste chez l'acteur (aires
frontales prémotrices et pariétales). Leurs propriétés en font (entre autres) des candidats de
choix pour contribuer à l'apprentissage par
observation et imitation. Cependant, pour activer cette classe de neurones, l'action observée
doit répondre à certains critères :
– impliquer principalement les mains et/ou la
face,
– se rapporter à des postures corporelles, des
mouvements de type biologique (par opposition à des mouvements produits par des
objets manufacturés ou des mécanismes).
Ainsi, les nouveau-nés distinguent les mouvements biologiques des mouvements mécaniques d'un robot humanoïde (l'expérimentation, faite dans le noir, ne laisse visibles que
les capteurs posés aux différentes articulations),
– concerner une action finalisée dont l'observateur comprend le but, la signification, l'intention.
A contrario, cela implique que le mime, les
gestes arbitraires ou une action qui n'est pas porteuse de sens pour l'observateur ne déclenchent
pas de réponse des neurones miroirs : un apprentissage préalable est donc nécessaire à leur mise
en route. Les gestes connus et les gestes nouveaux
(du point de vue du sujet) ne sont pas traités par
les mêmes voies [22, 27, 28]. Ceci est corroboré par
des travaux en imagerie fonctionnelle [29, 30] :
l'imitation de gestes arbitraires active des réseaux
partiellement différents de l'imitation de gestes
signifiants, reconnaissables et (re)connus par le
sujet. Cela rend bien compte de certaines dissociations observées en pathologie, chez certains
jeunes dyspraxiques : certains peuvent imiter des
gestes signifiants et sont incapables d'imiter des
gestes sans signification (configurations digitales
ou manuelles arbitraires) ; d'autres ne peuvent pas
imiter des gestes que par ailleurs ils reconnaissent
et identifient parfaitement et qu'ils peuvent même
produire sur consigne verbale.
Cette distinction (entre gestes connus ou inconnus du sujet) est fondamentale, en particulier
lorsqu'on envisage un apprentissage gestuel intentionnel (ce qui est le cas pour les gestes « culturels », spécifiquement praxiques) [22]. Enfin, les
neurones miroirs ne sont impliqués que par le
but (la signification, la finalité, l'intentionnalité)
de l'action : ils ne codent pas les détails (morphologiques, cinématiques) de la réalisation du geste
et l'observateur n'est pas sensible aux caractéristiques fines du modèle.
C'est la raison pour laquelle voir autrui réaliser
un geste (observation, démonstration) aide peu
l'observateur naïf à réaliser avec habileté (ou
précision) ce même geste. C'est encore plus vrai
chez l'enfant qui évalue encore mal sa propre
posture et qui maîtrise mal l'organisation des
différents segments corporels entre eux et par
rapport à l'axe.
Par ailleurs, Michel Desmurget insiste sur
l'intérêt de distinguer différents types de gestes,
dont la réalisation impose des contraintes d'apprentissage différentes : les morphocinèses et
les chronocinèses d'une part et les téléocinèses
d'autre part.
Les morphocinèses (organisation morpho­
logique du geste réclamant des coordinations
spatiales) et les chronocinèses (organisation chronométrique du geste réclamant des coordinations
rythmiques et temporelles) sont des gestes dans
lesquels les trajectoires et la forme finale du geste
sont parfaitement spécifiées.
Cela permet, lors des essais successifs et de l'entraînement progressif, l'émergence d'une représentation codée (abstraite, amodale) stipulant les
caractéristiques du geste. Ainsi, pour ce type de
gestes, une représentation abstraite de la forme
et/ou de la structure temporelle (ou rythmique)
s'élabore, spécifiant les rapports topologiques et/
ou chronologiques des différentes composantes
du geste. L'apprentissage consiste alors à approcher, puis à acquérir (à stocker en mémoire) « le
bon geste ».
19
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
Exemples
variables, de la forme et l'emplacement relatif de l'interrupteur (se hisser sur la pointe
des pieds et étirer le bras vers le haut ou, au
contraire, se mettre accroupi et orienter le
bras semi-fléchi vers le bas…), mais, dans tous
les cas, on peut définir la « règle » comme la
combinaison de deux impératifs :
 situer l'axe corporel et un bras de telle
façon que l'interrupteur touche (entre en
contact avec) l'extrémité du membre supérieur choisi ;
 isoler une partie de la main (le plus souvent
l'index) pour exercer une pression.
Ces deux contraintes (« règles ») permettent de
réaliser l'action (« allumer, appuyer sur l'interrupteur »), quelle que soit la forme gestuelle
sous laquelle l'action est effectivement réalisée.
Exemples donnés par M. Desmurget
 Morphocinèses : l'écriture, mais aussi la
danse, l'utilisation de certains outils ;
 Chronocinèses : la dactylographie, les lancers, le piano…
Ainsi, le geste « dessiner la lettre /n/ » (morphocinèse), au-delà des infinies variations
individuelles, impose un schéma commun minimum qui permet justement d'y
reconnaître la lettre /n/ et, au-delà des
innombrables réalisations possibles, de la
­différencier de /r/, ou de /h/, ou de /u/. Les
caractéristiques significatives de ces gestes
sont imposées par la forme finale à obtenir.
Il en est de même pour la plupart des gestes
d'utilisation d'outils (on apprend la bonne
prise, le bon geste, dont la forme optimale
est définie par les experts).
Ces distinctions (gestes liés à l'espèce/gestes
culturellement appris, morphocinèses/téléocinèses) sont certainement au cœur des dissociations fréquentes chez les jeunes dyspraxiques, qui
étonnent et font même quelquefois douter de la
réalité de leurs troubles (cf. p. 5 et 114). De façon
habituelle, nous constatons que certains gestes
leur sont accessibles quasi normalement (enfoncer les touches d'un interrupteur, taper sur un
clavier), alors que d'autres (plus morpho­logiques
et dans lesquels les facteurs spatiaux sont généralement prééminents) ne peuvent pas être réalisés
correctement…
Les téléocinèses consistent en une action sur
l'environnement. Seul le résultat final est spécifié (et non la configuration gestuelle en elle-même,
qui, pour produire le résultat voulu, peut être d'une
infinie variété) : « l'enveloppe morphologique » du
geste n'étant pas caractéristique, il est impossible
(contrairement aux cas précédents) de construire une
­représentation abstraite qui engramme les caractéristiques générales (spatiales et temporelles) du geste.
Dans ces cas, il faut donc essentiellement
connaître et comprendre la signification du geste,
qui peut être réalisé de mille manières, toutes pertinentes si le résultat attendu se produit : le sujet
doit donc construire un ensemble de règles qui lui
permettent d'atteindre le but en toutes circonstances, règles qui sont actualisées au cas par cas,
en fonction des conditions (corporelles et environnementales) du moment.
On voit donc qu'il ne s'agit pas des mêmes procédures d'acquisition du geste selon le type de geste
(devant conduire à une représentation abstraite
ou à la construction d'un système de règles), selon
son caractère (déjà connu ou nouveau)… Si l'on
y ajoute la notion que certaines coordinations
sensori-motrices émergent « spontanément » lors
du libre jeu des systèmes sensori-moteurs (gestes
sélectionnés par l'évolution, apprentissage implicite), alors que d'autres nécessitent des instructions explicites et des entraînements progressifs
particuliers (gestes enseignés) ; si l'on n'oublie pas
le fait (évident) que la simulation comme la réalisation gestuelle sont profondément ancrées dans
les compétences spatiales (espace corporel, espace
de préhension, espace lointain, espaces coordonnés dans un système de repères ego- et allocentrés que le sujet doit pouvoir ­manipuler) ; si on
Exemples
Exemples de téléocinèses donnés par
M. Desmurget : appuyer sur le bouton
de l'ascenseur, pointages
Le geste « allumer la lumière » (téléocinèse)
peut consister à appuyer sur (enfoncer) un
interrupteur (un bouton). Ce geste peut
nécessiter des organisations gestuelles très
différentes à partir de positions corporelles
20
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
Cette gestion automatisée de l'essentiel de l'activité cérébrale concerne l'ensemble des tâches
habituelles, routinières pour le sujet, laissant ainsi
disponibles d'importantes ressources attentionnelles qui peuvent être allouées à d'autres activités
simultanées :
• des activités non encore automatisées, qui
requièrent donc le contrôle et la régulation de
différents paramètres encore non suffisamment
maîtrisés. Toutes les tâches nouvelles pour le
sujet nécessitent attention et contrôle volontaire. C'est la raison pour laquelle elles sont
perçues comme « difficiles » et fatigantes par le
sujet. C'est le cas de toutes les tâches en cours
d'apprentissage (par définition non encore
automatisées) et de toutes celles qui sollicitent
des fonctions pathologiques (gestuelles et spatiales en cas de dyspraxie, linguistiques en cas
de dysphasie/dyslexie, etc.) ;
• des activités dites de haut niveau (résolution
de situations-problèmes au sens très large du
terme, compréhension…), qui réclament la
coordination et le contrôle de divers paramètres
dont la conjonction est rare ou que le sujet rencontre pour la première fois (adaptation à des
situations nouvelles).
Dans ces deux cas, on parle de processus
contrôlés (par les fonctions attentionnelles et exécutives). On dit aussi que ces tâches requièrent
une importante charge mentale.
prend en compte l'importance fondamentale des
fonctions exécutives, qui jouent un rôle à plusieurs niveaux de l'action (décision et pertinence
à déclencher tel geste, motivation, anticipation
des conséquences, planification et stratégie pour
la réalisation de l'action, comparaison entre
le projet et le résultat) ; si on réalise que, à tous
les niveaux, les systèmes de régulation (sensorimoteurs et cognitifs) du geste peuvent intervenir
en amont de la réalisation (contrôle proactif)
et/ou en aval de son déclenchement (contrôle
rétroactif) ; alors, on comprend la grande variété
des troubles du développement gestuel, chaque
élément cité ci-dessus pouvant potentiellement se
développer de façon atypique et/ou anormale, et
ce isolément ou en combinaison avec d'autres…
« Le TAC se caractérise par une grande
hétérogénéité tant dans ses manifestations
symptomatiques que dans l'ampleur de
celles-ci. »
J.-M. Albaret, P. de Castelanu19
Sur un plan clinique, il est plus efficace de distinguer :
• des dyspraxies « de conception » ou encore de
planification, souvent associées à des troubles
des fonctions exécutives ;
• des dyspraxies « de production » ou « d'exécution » (Stamback, et al. [32] parlent de dyspraxie
« motrice »), qui s'accompagnent de troubles
visuels et spatiaux, de loin les plus fréquentes
lorsque la dyspraxie est isolée (sans autre
« dys- » associé).
Notion de double tâche
Les performances attentionnelles (au sens
­neuropsychologique du terme) caractérisent un
­individu donné, à un moment donné de son développement : l'attention se développe et évolue,
comme toutes les autres fonctions cognitives, avec
l'âge (se reporter aux tests d'attention étalonnés
chez l'enfant, tels que ceux de la NEPSY ou TEACh, éditions ECPA).
Processus contrôlés versus
automatisés
La grande majorité des processus perceptifs, sensori-moteurs et cognitifs, une fois la décision prise
de les mettre en œuvre, se déroule normalement,
sans intervention volontaire de la part du sujet,
hors de notre champ de conscience et sans que
nous ne puissions exercer intentionnellement un
contrôle sur leur déroulement.
19
Surtout, l'attention est une fonction aux multiples facettes, dont « la quantité et la qualité » ne
sont pas extensibles à volonté : on parle de réservoir à capacité limitée.
Albaret JM, Castelanu P (de). « Démarches
­iagnostiques pour le TAC ». In : Geuze RH.
d
Le trouble de l'acquisition de la coordination.
­Marseille : Solal ; 2005.
Cette notion, fondamentale, signifie qu'on ne
peut pas « toujours plus » (plus longtemps ou plus
intensément) faire attention. Lorsque le réservoir
21
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
attentionnel est vide, aucun contrôle ne peut plus
être exercé sur l'activité en cours et il faut attendre
un délai minimal « de récupération » avant de
pouvoir de nouveau solliciter les fonctions attentionnelles (pause, récréation, interclasse…).
Par ailleurs, lorsqu'on doit conduire deux (ou
plusieurs) tâches simultanément, ce qui est le cas
le plus fréquent aussi bien en classe que dans la vie
quotidienne, il est nécessaire qu'au moins une des
deux tâches soit automatisée pour permettre leur
réalisation dans de bonnes conditions. Si aucune
des deux tâches n'est automatisée, les deux tâches
sont ratées (alors que chacune, séparément, aurait
pu être conduite de façon satisfaisante).
En effet, toute tâche non automatisée (donc
non routinière pour le sujet, qu'il s'agisse d'un
problème, d'une activité en cours d'apprentissage
ou d'une rééducation) absorbe une grande partie
(voire la totalité) des ressources attentionnelles
disponibles. On dit aussi qu'elle a, pour le sujet,
un « coût cognitif » important.
Une conséquence immédiate de ce fait est que
lorsqu'une tâche requiert d'importants contrôles
attentionnels (tâche nouvelle, en cours d'acquisition ou qui sollicite des systèmes pathologiques de
type « dys- »), alors cette tâche ne peut être réalisée qu'isolément, souvent partiellement, durant
un temps réduit, avec lenteur et fatigue, tout en
faisant l'objet d'une exécution médiocre.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, lorsqu'ils
enseignent une nouvelle notion (une nouvelle
procédure, un nouveau concept), les pédagogues
s'appuient sur des tâches antérieures que l'enfant
­maîtrise déjà parfaitement (automatisées), de façon
à concentrer les efforts attentionnels sur les aspects
nouveaux qui font l'objet de la leçon actuelle.
Cependant, il arrive fréquemment que les rééducateurs et les enseignants, à leur insu, mettent
l'enfant « dys- » en double tâche. En effet, certaines compétences (visuelles, gestuelles…) sont
habituellement acquises bien avant l'âge de la
scolarité et/ou normalement se développent sans
intervention volontariste ni consciente des adultes
(apprentissages implicites). Il est alors très difficile aux non-spécialistes (parents, enseignants…)
d'imaginer que certains enfants qui, sur le plan
moteur, intellectuel et comportemental, apparaissent comme « normaux » ne possèdent pas ces
compétences « de base ».
Exemples
Lors de la lecture : de nombreux enfants
atteints d'une dyspraxie visuo-spatiale
(DVS) ne peuvent acquérir ni automatiser
le « geste oculaire » précis nécessaire pour
une saisie automatique et efficace des
informations. De ce fait, la toute première
opération nécessaire à la lecture – la saisie
visuelle fine et précise des indications littérales et textuelles – réclame de leur part
une attention et un contrôle volontaire de
leurs mouvements oculaires, contrôle épuisant, méconnu de tous, qui génère lenteur
et fatigabilité anormale (cf. p. 102). Surtout, cela met l'enfant en double tâche, à
l'insu des adultes non informés : l'enfant
ne peut pas, simultanément, contrôler ses
gestes oculaires et les opérations liées au
déchiffrage du texte. La compréhension
en est très négativement affectée. Si l'on
ignore ce problème et que, face aux difficultés de lecture de l'enfant, on lui propose une rééducation « classique » (plus
d'entraînement à la lecture, cf. p. 5), on
engage le jeune dans une voie sans issue
(du fait de son handicap neurovisuel) et
l'on organise à la fois son découragement
(les efforts fournis ne seront jamais gratifiants) et son échec scolaire…
Lors de la production d'écrits (cf. p. 50) :
à partir du CE1-CE2, les enfants toutvenant commencent à automatiser suffisamment le dessin des lettres (écriture
manuscrite), ce qui leur permet de dégager des ressources attentionnelles pour
l'orthographe, la signification ou l'élaboration d'un texte. Ce n'est jamais le cas
des enfants dysgraphiques, obligés d'engager une grande partie (voire la totalité, selon l'intensité du trouble) de leurs
ressources attentionnelles dans la gestion
et le contrôle du geste graphique : non
seulement ils s'y épuisent (lenteur et fatigabilité), mais, surtout, ils sont en double
tâche dès qu'ils prennent leur stylo ou
leur crayon, ce qui compromet gravement
leur accès aux notions essentielles pour
lequelles pourtant la tâche a été conçue
(orthographe et/ou apprentissage de vocabulaire et/ou élaboration d'un texte…).
22
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
Ainsi, ce n'est pas la même chose, pour un jeune
atteint de dysgraphie dyspraxique, de pouvoir dessiner à peu près correctement les lettres durant la
séance d'ergothérapie (le graphisme manuel et le
dessin des lettres sont alors la seule tâche visée), ou
bien durant une dictée en classe, ou lors de la prise de
notes, ou lors d'une rédaction. Dans ces derniers cas,
les tâches visées par l'enseignant supposent obligatoirement une certaine automatisation du graphisme.
Sinon, l'enfant est en double tâche et c'est toujours la tâche de bas niveau (ici, la réalisation du
dessin des lettres) qui le mobilise et vide l'essentiel de son réservoir attentionnel, aux dépens de
la tâche de haut niveau (orthographe, compréhension, élaboration et planification d'un texte…) qui
ne peut donc pas être traitée (ou, dans le meilleur
des cas, seulement partiellement).
Les « dys- » : le surhandicap
de la double tâche
On voit par les exemples précédents qu'un des problèmes essentiels que ces enfants « dys- » rencontrent
lors de tous les apprentissages et tout au long de leur
scolarité réside dans le fait qu'ils ne peuvent réaliser facilement ni « routiniser » des traite­ments dits
de « bas niveau » (sensori-moteurs, gestuels et spatiaux), traitements qui font normalement l'objet
d'une acquisition implicite précoce, puis d'une
automatisation chez les enfants tout-venant.
De ce fait, des tâches élémentaires restent « coûteuses » pour les jeunes dyspraxiques. Elles sont
à l'origine de situations quasi permanentes de
double tâche, le plus souvent à l'insu de tous.
Exemple
Il faut donc, après avoir analysé les troubles aussi
finement que possible (cf. p. 10), être en mesure
de lister les activités dans lesquelles ces capacités
déficientes sont normalement (et souvent implicitement) sollicitées (cf. chapitres 8 et 10). Ensuite,
il faut en informer l'enfant et les parents pour l'en
libérer au maximum, mais aussi les rééducateurs
et les enseignants afin que les mesures proposées
soient réellement comprises et acceptées de tous.
Beaucoup de parents (ou d'adultes en général) signalent combien ils sont dépités de
constater que l'enfant peut faire certaines
choses à certains moments, ponctuellement,
sans arriver à les effectuer systématiquement
à chaque occurrence. Ils sont alors persuadés que l'enfant fait preuve d'une certaine
mauvaise volonté (« Quand il veut, il peut »)
ou qu'il se complaît dans la dépendance à
l'adulte (« Il veut rester bébé »). Or, la plupart
du temps, il s'agit de gestes acquis en rééducation (lacets, habillage (cf. chapitre 11),
diverses constructions, graphisme manuel,
etc.). L'enfant peut produire ces gestes (avec
même une bonne réussite) si et seulement si :
 il ne fait que cela et peut concentrer toute
son attention uniquement sur cette tâche ;
 il n'est pas fatigué ;
 il dispose d'un temps suffisant (généralement plus long que la normale).
Mais s'il veut suivre la conversation en même
temps qu'il coupe sa viande (double tâche),
alors il doit choisir : ou couper la viande (geste
non automatisé, appris et réalisable en rééducation), ou suivre la conversation. De même,
s'il doit finir de copier au tableau et écouter les
explications de l'enseignant, mettre son manteau et répondre à son copain, tirer un trait et
réfléchir à la conversion des millimètres en centimètres, écrire à la main et planifier sa phrase…
Rééducations, apprentissages
explicites et processus contrôlés
L'objectif de la rééducation est de tenter de
réduire les symptômes et/ou leurs répercussions
en ­proposant un enseignement explicite, là où
les autres enfants développent normalement un
savoir ou un savoir-faire implicite, secondairement automatisé.
Par définition, chez l'enfant souffrant d'un handicap, les activités travaillées en rééducation restent
sous contrôle attentionnel (comme une activité « en
cours d'apprentissage ») : il ne faut jamais l'oublier
lorsqu'on propose à l'enfant d'utiliser telle ou telle
stratégie en classe (c'est-à-dire lorsqu'un autre
apprentissage est simultanément requis), puisqu'on
le mettra alors en situation de double tâche.
23
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
Il faut donc savoir évaluer le « coût » imposé au
jeune « dys- » lors de la réalisation de telle ou telle
tâche et savoir préciser quand, à quelles doses et
dans quel cadre on peut demander telle ou telle
performance à l'enfant.
en effet formé pour évaluer les troubles (chaque
professionnel dispose de bilans spécifiques), puis
mettre en œuvre les remédiations, rééducations et
entraînements qu'il juge utiles. Ces rééducations
font appel à différentes techniques, généralement
en fonction de la formation et des convictions
du professionnel, proposant des entraînements
variés, souvent présentés sur un mode ludique et
ciblés sur les échecs de l'enfant lors du bilan.
Il faut aussi évaluer la pertinence d'une rééducation qui donne des résultats visiblement
satisfaisants en situation « artificielle », mais
qui, de façon masquée, induit un surhandicap
caché en situation « écologique ».
Méthodes traditionnelles
ou « classiques »
Il s'agit de méthodes dites sensori-motrices, ou
encore globales, qui visent à entraîner (restaurer)
simultanément les fonctions sensorielles (proprioception, kinesthésie, fonctions vestibulaires,
tactiles), motrices (équilibres, coordinations
statiques et dynamiques avec jeux de ballon, de
cerceaux, de sauts, de grimper, coordinations œilmain), spatiales (parcours sous diverses formes),
schéma corporel…, toutes fonctions impliquées, à
divers degrés, dans la réalisation et la régulation
du geste [33, 37].
En effet, s'il n'est pas a priori très grave de ne
pas bien dessiner les lettres lorsqu'on écrit pour
soi-même un court pense-bête (du moment qu'on
peut laisser une trace écrite durable et de qualité),
il peut être dangereux de favoriser le graphisme
manuel si cette performance se réalise, tout au
long de la scolarité, aux dépens des tâches de haut
niveau normalement liées à l'écrit (orthographe,
prise de notes, écoute de l'enseignant, constitution de liens, compréhension, mémorisation,
rédaction de textes…). L'enfant écrit de mieux en
mieux et, croit-on, « comme tout le monde » (partie visible de l'iceberg, cf. figure 3.2), mais, en fait,
plus il écrit à la main, plus il perd d'informations
(partie cachée de l'iceberg). Le choix de l'écriture
manuelle, dans le cas (malheureusement fréquent) où cette dernière reste sous contrôle attentionnel (double tâche), peut donc constituer un
grave surhandicap, à l'origine d'un échec scolaire
global indu.
« Ces techniques peuvent certes donner des
résultats positifs (par exemple, l'enfant progresse
dans les exercices travaillés, comme l'équilibre,
ou la réception de ballons, ou l'organisation
spatiale…), mais sans que ne puissent être
réellement mis en évidence des résultats
concernant l'aspect fonctionnel, le handicap. »
H.J. Polatajko, N. Cantin
Dans ce cadre, certaines techniques ont insisté
sur tel ou tel aspect plus particulier de la rééducation, faisant porter les efforts sur les processus
sous-jacents supposés déficitaires.
• La méthode d'intégration sensorielle ou IS [34]
est directement issue de l'hypothèse selon
laquelle les troubles de régulation du geste de
ces enfants seraient secondaires à des troubles
d'intégration sensorielle. Le travail porte alors
surtout sur les modalités sensorielles dites
« proximales », à savoir vestibulaires, proprioceptives et tactiles. Pour ce faire, le thérapeute
fait appel à des mouvements de balancement,
d'équilibre, d'entraînement tactile et proprioceptif (gestes effectués dans le sable ou d'autres
matériaux, sans contrôle visuel).
Méthodes de rééducation
La prescription des rééducations prend racine
dans le diagnostic (de maladresse gestuelle, de
dyspraxie, de retard psychomoteur ou de TAC), le
plus souvent à raison d'une ou deux séances par
semaine durant une durée indéterminée (souvent
plusieurs années). Mais outre le fait que la situation de double tâche – pourtant centrale – est
habituelle­ment méconnue (ou négligée), la prescription de rééducations individuelles (psychomotricité, ergothérapie) spécifie rarement les objectifs
et le contenu des séances, laissés à l'initiative des
différents professionnels. Chacun d'entre eux est
24
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
C'est le cas de la rééducation graphomotrice
habituellement pratiquée par des psychomotriciens. Il s'agit de techniques sensori-motrices
globales qui visent expressément, par une progression qui s'inspire de l'évolution normale de
l'enfant valide, l'amélioration du geste graphique.
Les progrès observés n'ont malheureusement
que pas ou peu de répercussion fonctionnelle (en
milieu scolaire), du moins dans les pathologies du
graphisme qui nous intéressent ici.
La méthode Jeannot (ou sa version verbalisée : « le
petit chien » [38]) est plus volontiers pratiquée par
les ergothérapeutes. Il s'agit de soutenir le graphisme
manuel par l'évocation verbale des différentes parties du « petit chien » (oreille, dos, queue…), qui
représentent des éléments de chaque lettre à dessiner, éléments qu'il faut enchaîner. À ce jour, à notre
connaissance, les effets fonctionnels (scolaires) de
cette méthode n'ont jamais été évalués…
À noter également, les résultats très décevants
d'un programme d'écriture multisensorielle proposé par Lockhart et Law en 1994 [39] : les auteurs
eux-mêmes constatent que leurs résultats ne sont
pas probants.
« Cela fait trente ans qu'aucune preuve
convaincante de l'efficacité de l'intégration
sensorielle n'a été trouvée. Étant donné le
grand nombre d'études échouant à prouver
son efficacité, les théories en faveur de cette
méthode thérapeutique doivent donc être
considérées de manière critique… […] Les
résultats cumulatifs de sept études indiquent
que l'IS n'est pas plus efficace qu'un placebo
dans l'amélioration des performances
scolaires qui constituent pourtant l'objectif
thérapeutique majeur de l'IS […]. Vis-à-vis des
habiletés motrices, l'IS est, dans de nombreux
cas, aussi efficace que l'absence de tout
traitement. »
H.-J. Polatajko, N. Cantin [33].
• L'approche de M. Frostig [35], proche de la
précédente, insiste davantage sur les aspects
visuels, la coordination œil-main et la
­précision gestuelle (visuo-spatiale, visuo-graphique…).
• La méthode « le bon départ » [36] utilise aussi
des stimulations sensori-motrices globales,
mais propose de façon spécifique de se centrer sur les aspects rythmiques de l'exécution des mouvements (figures géométriques,
chansons, mouvements corporels, gestes graphiques…).
• De même, la méthode d'entraînement kinesthésique de Laszlo, et al. (1983, 1985, 1988)
ne convainc guère : pas ou peu de différence
entre les performances des enfants rééduqués
selon ces principes et ceux qui reçoivent un
traitement « classique », voire… aucun traitement [33].
Exemple
Y., jeune dysgraphique de 10 ans, bénéficie
d'une prise en charge en graphomotricité à
raison de deux séances par semaine. Après
18 mois de prise en charge, le psychomotricien
indique (extraits du bilan de suivi d'­évolution) :
« Amélioration du graphisme se traduisant
par un gain de 4 points au BHK 20, amélioration en qualité et en vitesse […], mais on note
une dégradation de la production avec le
temps et la fatigue […]. Par ailleurs, les enseignants n'ont pas constaté de modification
majeure de son écriture […] ; cela soulève le
problème de la généralisation des acquis en
situation, en regard de l'importance du travail rééducatif proposé. »
Et de conclure : « On note donc des améliorations sur certains des aspects de l'écriture,
mais ces dernières restent fragiles et encore
incertaines […]. Il semble donc important de
continuer et de renforcer ce travail. »
En résumé, ces méthodes ont fait l'objet
d'études récentes qui sont très décevantes.
Aucune de ces méthodes, pour lesquelles nous
avons désormais plus de trente ans de recul, n'a
obtenu de résultats convaincants [33, 34].
Rééducations du graphisme
Là encore, ces techniques, utilisées depuis les
années 1970, n'ont pas fait leurs preuves. Les évaluations montrent certes une amélioration discrète, mais qui a tendance à se détériorer à l'arrêt
de l'entraînement.
20
25
BHK : Charles M, Soppelsa R, Albaret JM, ECPA
­éditions.
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
mance « plancher » pour cet âge ou ce niveau
scolaire. On doit alors s'interroger sur la
signification de ces « pseudo-progrès » et
sur la justification des rééducations dont ils
seraient issus.
Cette observation est tout à fait caractéristique, emblématique de toute une série
de rééducations, à la fois sans fin (il faut
encore et encore « renforcer ce travail », faire
« toujours plus de la même chose qui
ne marche pas » !) et sans efficacité fonctionnelle puisque le handicap scolaire, le « trouble
spécifique des apprentissages » n'est pas amélioré du tout.
Méthodes « dynamiques »
(ou « écologiques »)
Ces approches s'appuient sur une conception
dite « dynamique21 » du développement des coordinations gestuelles chez l'enfant. Les systèmes
complexes, comportant de multiples variables
indépendantes, évoluent toujours vers un état
stable, prévisible. Il en serait de même de la gestuelle de l'enfant, dont l'évolution dans le temps
serait liée à l'émergence d'une auto-organisation
perceptivo-motrice (les patrons de coordination) qui se mettrait en place spontanément sous
l'influence du libre jeu des différents systèmes
concernés et des contraintes (biomécaniques,
environnementales…) dans lesquelles ces systèmes évoluent [40].
Il s'agit donc essentiellement de mettre l'enfant
« en situation », en graduant les difficultés via les
contraintes qu'il doit gérer : nombre de coordinations et degrés de liberté concernés par le geste,
force, amplitude, vitesse… [41]. Idéalement, on
propose des exercices dans des situations les
plus naturelles possible (« écologiques »), intégrés
au mieux dans la vie quotidienne (au domicile
ou à l'école, impliquant les parents et les enseignants), de façon brève mais fréquente (séances
de 20 minutes, trois à quatre fois par semaine),
en visant une tâche précise (saut, lancer, écriture,
habillage…) et en variant les contextes de l'action
(il s'agit de varier les contraintes pour lesquelles
la réalisation du geste est requise afin de gagner
en souplesse de réalisation, de favoriser la possibilité de transferts vers d'autres gestes proches
mais non travaillés).
Les études évaluatives [44] montrent une amélioration statistique notable des performances du
groupe rééduqué selon ces techniques par rapport
Plus récemment, en 2012, Barray [84] propose
une méthode centrée sur l'entraînement à la cursive et conclut sur des résultats positifs concernant 3 des 4 jeunes étudiés. Mais, en réalité, 2 des
4 participants restent en difficulté : l'un reste peu
lisible et pratique l'écriture-clavier ; l'autre reste
en difficulté lors des activités de copie (double
tâche ?) et anormalement lent. Surtout, cette
étude ne dit rien de l'amélioration fonctionnelle,
de ce pour quoi est utilisé le graphisme en situation scolaire, à savoir permettre et faciliter les
apprentissages…
Des « progrès » (attestés par les scores à tel ou
tel bilan) laissent penser qu'on est sur la bonne
voie, alors qu'enfant et rééducateur ne font que
courir après un horizon qui semble toujours atteignable et qui recule pourtant au fur et à mesure
de l'avancée de la rééducation… et de l'augmentation des exigences scolaires et sociales.
Ainsi, Jolly, et al. [4], en 2012, étudient un cas
unique, une fillette porteuse d'un TAC (enregistrement de divers paramètres du graphisme via
une tablette graphique) : « Les résultats montrent
que l'écart entre l'enfant TAC et les contrôles [les
auteurs comparent à 5 contrôles appariés selon
différents critères] s'accroît avec le temps en dépit
des rééducations (figure 3.1). »
Rappelons à cette occasion que :
• tout enfant atteint d'une pathologie stable (non
évolutive) progresse, avec ou sans rééducation.
Si les progrès (relatifs) sont plus lents que ceux
des enfants valides durant la même période, ils
sont concomitants d'une aggravation de l'écart
à la norme (cf. figure 3.2) ;
• les progrès de l'enfant (y compris à des tests
étalonnés) ne sont pas forcément productifs
ni fonctionnels si l'enfant reste au-dessous
d'un certain seuil qui constitue la perfor-
21
26
Théorie du développement gestuel chez l'enfant inspirée de la théorie physique de l'évolution des systèmes dynamiques et sous-tendant la notion de TAC
(trouble d'acquisition des coordinations).
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
aux groupes témoins (auxquels on a proposé une
rééducation « classique », inspirée des principes
décrits ci-dessus). Mais, là encore, l'amélioration
est mesurée par le score obtenu à un test gestuel, le
M-ABC [42], alors que les auteurs soulignent une
importante ­faiblesse : ces progrès ne sont pas toujours perçus par les enfants eux-mêmes ni surtout
par leurs enseignants, posant toujours la question
(primordiale pour nous et pour le jeune) de la fonctionnalité, de la finalité, de la signification des progrès obtenus.
Les différentes évaluations de ces pratiques
[47, 48] concluent à une amélioration significativement plus importante qu'avec les méthodes
contrôle (méthode classique, Ayres), avec des
résultats qui se maintiennent après l'arrêt des rééducations et qui peuvent se transférer à d'autres
habiletés non travaillées.
« Les analyses montrent également une
amélioration significative au niveau
d'habiletés non ciblées par la prise
en charge. […] La CO-OP conduit
à des améliorations statistiquement
plus importantes que l'ergothérapie
traditionnelle. »
H.-J. Polatajko, N. Cantin [33]
Méthodes cognitivo-verbales
Il s'agit d'approches qui font appel, consciemment, à des stratégies cognitives de type
analyse de tâche et résolution de problèmes.
­S 'appuyant explicitement sur le raisonnement,
la mémoire et le langage et s'inspirant des travaux de Meichenbaum en 1977 [43], elles ont
été à l'origine de différentes méthodes, tels
l'autoguidage ou les auto-instructions verbales,
ou encore, plus récemment, la méthode CO-OP
(Cognitive Orientation to Daily Occupational
Performance) [45, 46].
On délivre des instructions verbales et l'on
fournit des feed-back précis, fondamentaux dans
cette approche, pour permettre à l'enfant de juger
de sa performance et d'en modifier les ­éléments
jugés maladroits, insuffisants ou ratés.
Le jeune, lui, est mis en situation de résolution
de problème (but, planification, action, vérification), concrètement sollicité par une série de
questions :
• que dois-je faire ? Quel est mon problème ?
(Déterminer et énoncer le but poursuivi) ;
• comment vais-je m'y prendre ? (Déterminer la
stratégie) ;
• que dois-je faire ? (Énoncer précisément les
étapes, leur contenu et leur organisation) ;
• ai-je bien réussi ? (Comparaison entre la réalisation, le résultat final et le projet initial,
feed-back.) Et, le cas échéant, qu'ai-je raté et
pourquoi ? (Analyse et repérage explicite du
problème rencontré, énonciation des solutions
à mettre en œuvre pour y remédier.)
On prévoit une série limitée de séances (12 à
15 séances) d'une heure chacune, à raison d'une
ou deux fois par semaine.
Ce sont, à ce jour, les seules méthodes aux résultats positifs nets, et ce probablement pour trois
raisons :
• ce sont des méthodes dans lesquelles l'enfant est
acteur (c'est lui qui produit l'analyse de la tâche,
des erreurs…) ;
• on met en avant ses compétences, on utilise les
« points forts » du jeune dyspraxique : le langage, le raisonnement, la séquentialisation de la
tâche ;
• on lui apprend à raisonner sur ses difficultés,
ce raisonnement étant facilement généralisable
(la tâche actuelle n'en étant qu'une particularisation).
Notons encore, au sein des méthodes cognitives, le recours à l'imagerie motrice [49]. Il s'agit
de la capacité à s'imaginer et à se représenter en
train d'agir, en simulant mentalement une action
réelle effectuée par soi-même ou par autrui. Très
utilisées pour les apprentissages moteurs dans le
cadre de la performance sportive de haut niveau
ou en milieu scolaire, ces techniques ne peuvent
guère être mises en œuvre avec efficacité avant
l'âge de 7–8 ans. En effet, des études récentes [23]
ont montré que ce n'est que très progressivement,
entre 5 et 7 ans, que ces capacités d'imagerie
motrice émergent.
En résumé, ces méthodes :
• visent à réduire tel ou tel symptôme précis,
particulièrement gênant dans la vie de l'enfant (méthode orientée vers la tâche). Elles ne
prétendent nullement restaurer la fonction
gestuelle et encore moins agir sur un (ou des)
27
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
• restaurer (au moins partiellement) les processus
pathologiques sous-jacents (approches orientées
vers le déficit). Ces approches, très critiquables,
sont actuellement abandonnées :
– d'une part, comme nous l'avons montré plus
haut, elles n'ont jamais fait leurs preuves,
– d'autre part, les processus déficitaires possiblement en cause sont très nombreux, mal
connus dans leurs interrelations et probablement différents selon les enfants (cf. [31, 51] et
p. 20–21),
– enfin, même si les processus pathologiques
en cause pouvaient être précisés, il n'est pas
certain que ces déficits primaires soient
accessibles à la rééducation ;
• limiter le handicap : il s'agit dès lors de réadaptation. C'est bien sûr l'option la plus rationnelle
et, de loin, la plus efficace. Le handicap résulte
de l'intersection entre une incapacité (ici gestuelle et/ou visuo-spatiale) et l'environnement.
Une même incapacité (par exemple, incapacité à
se repérer sur un plan) n'a pas la même répercussion fonctionnelle selon le contexte dans lequel
elle s'exprime : très gênante si le jeune se promène en ville et se perd, elle devient négligeable
s'il dispose d'un GPS… Il en va de même pour :
– la dysgraphie : peu gênante pour écrire une
liste de courses, tranquillement, au domicile,
un dimanche matin ; catastrophique s'il s'agit
de prendre des notes durant un cours et que ces
notes s'avèrent ensuite être lacunaires et illisibles,
– l'habillage, où le handicap peut résulter d'une
contrainte particulière, tels la rapidité ou
encore le fait que le corps soit humide (sortie
de piscine), etc.
p­rocessus déficitaire(s) supposé(s) à l'origine
des troubles [50] ;
• surtout, sollicitant explicitement et intentionnellement les fonctions verbales et raisonnementales du jeune, elles mobilisent ipso
facto une part importante de ses ressources
attentionnelles.
Ces stratégies cognitivo-verbales sont certainement les mieux adaptées à l'enfant
dyspraxique, à condition qu'elles ne
­
concernent que :
• un petit nombre d'activités, bien ciblées, dont la
réalisation est socialement ou scolairement indispensable (cf. chapitre 11) ;
• des activités ponctuelles, qui peuvent être
réalisées isolément, du fait des importantes
ressources cognitives (attentionnelles) qu'elles
requièrent, ce qui exclut qu'elles puissent être
utilisées pour améliorer le graphisme manuel en
situation scolaire…
Car, in fine, la véritable question n'est pas celle
des méthodes de rééducation, mais bien celle des
objectifs auxquels elles sont censées répondre.
Objectifs des rééducations
Théoriquement, on peut viser trois sortes d'objectifs, isolément ou en association :
• réduire le (ou les) symptôme(s) (approches
orientées vers la tâche) : c'est une stratégie qui
n'a de sens que si elle s'applique à quelques
rares symptômes, ponctuels, bien circonscrits, à des tâches bien répertoriées et peu
nombreuses, qui induisent une gêne particulièrement humiliante et incontournable (par
exemple, le fait de savoir se rhabiller en sortant
des toilettes, cf. p. 204). Dans ces cas, une stratégie séquentielle et verbale (petite comptine à
savoir par cœur, stratégie CO-OP) est, comme
nous venons de le montrer, le choix le plus
efficace et le plus judicieux. Cependant, cette
stratégie a des limites : réclamant un important contrôle conscient, elle ne peut pas être
mise en œuvre en permanence ni dans toutes
les circonstances (double tâche, fatigue, impératif de rapidité…) ;
Cela suppose donc de repérer les situations de
handicap : à l'école, ou au domicile, ou lors de
telle activité et, précisément, dans telle ou telle
circonstance.
On peut alors, selon le cas, l'efficacité et le type
de résultat recherché, tenter de rééduquer le jeune
(en choisissant préférentiellement une approche
cognitivo-verbale) et/ou aménager les conditions
environnementales.
Le projet thérapeutique individuel comprend
donc toujours trois grands axes, qui doivent être
clairement identifiés :
28
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
• rééduquer (méthode cognitivo-verbale) un ou
deux gestes, une ou deux tâches dont la réalisation apparaît incontournable et indispensable
dans le contexte actuel ;
• aménager (adapter, pallier, compenser) les situations génératrices de handicap. Pour les enfants
qui nous occupent, ce handicap peut être social
(repas, habillage, sports et loisirs) ou scolaire
(apprentissages). Entre 4 et 16–20 ans, dans
nos cultures, l'essentiel du projet se concentre
autour de l'école, lieu d'apprentissage, mais
aussi, par la confrontation permanente avec
les pairs, lieu où se forgent les identifications,
l'image de soi, la personnalité ;
• contourner, éviter… Il faut renoncer à tout rééduquer ! Il faut savoir éviter certaines ­situations,
renoncer à certaines habiletés « facultatives ».
Bien sûr, c'est au cas par cas, lors de discussions
avec l'enfant et sa famille, en fonction de son
projet, de sa personnalité, de ses goûts et intérêts qu'il faut négocier pour faire accepter certains renoncements…
ou ergothérapie, d'un auxiliaire de vie scolaire
(AVS, AESH).
Pourtant, s'il est certain qu'il y a, comme dans
toute pathologie, des indications types qui
répondent au noyau commun justifiant que tous
soient réunis sous le même vocable « d'enfants
dyspraxiques », il est indispensable de penser la
thérapeutique comme une prescription « sur
mesure », extrêmement individualisée.
En effet, sur le plan purement clinique, le diagnostic de dyspraxie s'actualise au sein d'histoires individuelles et familiales particulières :
quoi de commun entre un enfant qui présente
une dyspraxie isolée, sans aucun autre signe
associé, de très bon niveau verbal, très soutenu
par des parents informés et étayants, et un autre
atteint de l'association d'un déficit attentionnel,
de compétences verbales « limites » et dont les
parents sont dépassés, ou encore de cet autre
qui souffre aussi de troubles gnosiques visuels
sévères associés à des troubles du comportement ? Chaque mosaïque de symptômes, chaque
histoire ­familiale, chaque ­trajectoire représente
une situation unique qui doit donner lieu à un
projet au plus près des besoins de chaque enfant,
de chaque famille.
Ce projet doit en permanence (au moins une
fois par an) être évalué (au regard des objectifs
et sous-objectifs explicitement visés), puis réajusté, en fonction des résultats obtenus (ou
non) et de l'évolution des exigences environnementales (elles-mêmes variables en fonction
de l'âge de l'enfant, du projet scolaire luimême, etc.).
Ce n'est pas une juxtaposition
de projets « locaux »
Mais, le plus souvent, des prises en charge
démarrent sans aucun diagnostic précis ou sur
une simple suspicion, à partir de la constatation d'un symptôme (maladresse, retard psycho­
moteur, dysgraphie, dyslexie, voire trouble d
­ 'accès
au calcul…), c'est-à-dire d'une anomalie qui,
« logiquement », apparaît comme « à rééduquer ».
Le symptôme est considéré comme « à éradiquer » avec l'idée (plus ou moins implicite) que si
l'anomalie peut être gommée ou réparée par une
action rééducative adéquate, d'une certaine façon
l'enfant sera plus ou moins « guéri », ou du moins
ne souffrira plus de son trouble.
Au fur et à mesure que des symptômes sont
repérés, en cascade, les rééducations se multiplient,
souvent sans profit ni amélioration ­f lagrante.
Ce que n'est pas le projet
thérapeutique individuel
À partir des éclairages et exemples précédents, il
apparaît donc, comme en négatif, ce que ne doit
pas être le projet thérapeutique.
Ce n'est pas une réponse
stéréotypée à un diagnostic
Quelquefois, le diagnostic de dyspraxie, émergeant à la fin d'une démarche bien conduite,
déclenche, comme une réponse automatique,
« la » prise en charge ou la demande d'un ordinateur, de rééducation en psychomotricité et/
29
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
Exemple
Quel bilan, après deux ans de cette prise en
charge intensive, mais sans aucune cohérence
globale ?
L'enfant est épuisé (ses parents aussi), mais,
malgré cette débauche d'aides matérielles
et humaines, en dépit des efforts consentis,
nonobstant les progrès pourtant réalisés (en
particulier en graphisme manuel – désormais lisible – et un peu en habillage), M. n'a
pas pu apprendre à lire et ne peut suivre le
rythme imposé par un CP ordinaire. Il est
saturé, découragé et en échec sévère. Il a
pourtant déjà un an de retard. L'école suggère alors de continuer les apprentissages au
sein d'une CLIS…
Ni l'enfant ni les parents ne comprennent
pourquoi les « choses ne s'arrangent pas »,
puisqu'« on a tout fait » et que M. est intelligent (ce qui est attesté par l'examen psychométrique pratiqué en cours d'année par la
psychologue scolaire). Tout ce qu'il a appris,
au terme de ces deux années, c'est qu'il a
besoin d'aide « pour tout », qu'il faut qu'il produise toujours plus d'efforts (dont il ne perçoit aucun résultat en retour) et qu'il ne peut
pas suivre ses copains qui passent en CE1.
En fait, on a juxtaposé, sans logique ni
cohérence d'ensemble, des rééducations
« locales » qui, isolément, semblent répondre
à un besoin, mais qui forment un patchwork
disparate et sont de fait sans efficacité.
En particulier, la difficulté de M. à apprendre
à lire n'a pas été reliée à ses problèmes de
regard (cf. chapitre 5). Les « aides » mises en
place sont inadaptées. Les liens entre les rééducations et les apprentissages scolaires sont
opaques et M. n'est confronté en permanence
qu'à ses difficultés dans lesquelles il s'enlise.
Le jeune M., 7 ans et demi, en fin de CP, présente une dyspraxie visuo-spatiale (DVS),
isolée mais sévère, s'accompagnant d'importants troubles du regard. Lorsque nous le rencontrons, les parents organisent eux-mêmes
le suivi de leur enfant en un ballet continu de
rééducations en libéral (six séances hebdomadaires). Ils sont allés de spécialiste en spécialiste (psychomotricien, ergothérapeute,
graphothérapeute, ophtalmologiste, orthoptiste, orthophoniste, pédopsychiatre), au gré
des difficultés et anomalies notées par l'école
ou par tel ou tel professionnel.
On leur a d'abord signalé le retard graphique :
M. « bénéficie » d'une séance par semaine de
psychomotricité (proposée par la psychomotricienne qui avait fait le bilan initial), d'une
séance de graphomotricité (sur le conseil
d'une amie) et d'une séance d'ergothérapie (car on leur a parlé de dyspraxie et ils se
sont renseignés sur Internet). Il dispose aussi
d'un ordinateur demandé par les parents à
la MDPH, dont il ne sait que faire, car M. est
très fier de ses progrès en graphisme manuel
(cf. p. 52), ordinateur qui embarrasse aussi
l'enseignante, mais qui est quand même
« un peu » utilisé par l'ergothérapeute pour
entraîner M. à des jeux constructifs et spatiaux. La psychomotricienne propose également, durant une partie des séances, un travail centré sur l'habileté corporelle et sur les
notions spatio-temporelles. L'ergothérapeute
de son côté s'intéresse aussi aux activités de
la vie quotidienne (en particulier l'habillage).
L'orthoptiste (consultée sur les conseils de
l'ophtalmologiste), qui a constaté un important déficit de la poursuite oculaire et une
grande difficulté à produire des mouvements
saccadiques, a préconisé, pour commencer,
une série de 20 séances. Enfin, vers le milieu
du CP, désarçonnée devant les grandes difficultés de M. pour apprendre à lire, la maman,
sur les conseils de l'enseignante, a mis en
place une rééducation orthophonique. À
noter aussi que, depuis la grande section de
maternelle (date à laquelle, devant l'importance du retard graphique, le diagnostic de
dyspraxie a été évoqué par le médecin scolaire), M. a été signalé à la MDPH et dispose
d'une AESH à mi-temps.
Or, le symptôme n'est qu'un signe. Rester au
niveau du symptôme, c'est faire deux types d'erreurs qui pèseront lourd sur l'évolution de l'enfant :
• proposer « toujours plus de la même chose qui
ne marche pas », car cela conduit à proposer
plus d'entraînement, plus d'exercices, plus de
démonstrations, plus d'activités préliminaires
(les prérequis, les préalables ou les supposés
« stades antérieurs »), bref plus d'efforts qui,
mal choisis et mal orientés, n'atteignent pas
leur but ;
30
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
• isoler chaque difficulté : si chaque symptôme
est traité comme un trouble autonome, cela
empêche de voir (et de traiter) le dysfonctionnement commun qui, en amont, les relie.
Chaque symptôme doit être intégré dans un
projet global.
de « rater une chance » pour leur enfant, ce qui les
incite, bien naturellement, à « tout essayer ». Malheureusement, même dans des structures spécialisées (SESSD, SESSAD, IEM, CMPP, CMP…), le
projet global reste encore trop souvent la juxtaposition des projets des différents acteurs.
Ces structures bénéficient d'un plateau technique
très complet et chaque professionnel ­procède – soit
à l'admission de l'enfant, soit ultérieurement – à
une évaluation spécifique de son domaine. Ces
examens, qui permettent de recenser précisément
les compétences et incompétences de l'enfant dans
différents domaines au regard de son âge, doivent
être utilisés pour en faire une synthèse, d'où le diagnostic, puis le projet global doivent émerger.
Mais, le plus souvent, la conclusion de ces différents examens – dont une partie est spécifique
à chaque domaine professionnel et dont une partie se recoupe (figure 2.1) – consiste en une sorte
de listing d'incapacités assorties des rééducations
censées réduire chacune : ces pseudo-projets sont
alors réduits à une succession d'exercices conçus
comme des entraînements progressifs qui doivent
faire reculer indépendamment chacun des différents symptômes.
La dyspraxie n'est pas la conséquence d'un défaut
d'enseignement ni d'une insuffisance d'entraînement (cf. p. 6) : c'est une anomalie neurodéveloppementale, un handicap qui distord ou
interdit certains apprentissages gestuels et/ou
certains traitements spatiaux. Seul le projet global permet d'attribuer à chaque symptôme sa
place dans la mosaïque de problèmes qui
assaillent l'enfant, puis de décliner précisément
les objectifs d'un projet individuel en termes de
priorités, d'objectifs et de sous-objectifs.
On comprend que cela est difficile (voire impossible) pour les parents qui doivent (ou qui souhaitent) gérer eux-mêmes les différentes thérapies,
d'autant qu'ils sont souvent envahis par l'angoisse
Kiné
Psychomot.
– Motricité
– Coordinations
motrices
et oculomotrices
– Structuration
temps
– Image
du corps
Ergo
– Vie quotidienne
– Aides techniques
APPRENTISSAGES
– VPS
– schéma
corporel
Neuropsychologue
ECOLE
Enseignant
– Facteur G
– Fonctions
attentionnelles
et exécutives
– LE
– LO
– Mémoires
Ortho
Figure 2.1. La complémentarité des différents professionnels : le risque d'une juxtaposition.
Ortho : orthophonie ; Psychomot. : psychomotricité ; Ergo : ergothérapie ; Kiné : kinésithérapie ; VPS : activités visuopracto-spatiales ; LE : langage écrit ; LO : Langage oral.
31
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
Ces prises en charge se trompent d'objectif : s'il est
vrai que l'enfant (au prix d'un entraînement cinq à
dix fois plus important que l'enfant tout-venant)
peut (partiellement) améliorer (lentement) tel ou
tel symptôme (par exemple, graphisme), à quoi lui
sert ce graphisme désormais lisible si, durant cette
période de rééducation et de « progrès », il prend
un retard scolaire rédhibitoire (cf. doubles tâches,
p. 21, 51 et 100) ?
Il faut donc, en permanence, lutter contre cette
tendance « naturelle » à juxtaposer les actions du
fait :
• des rééducateurs eux-mêmes, qui s'y résolvent
souvent faute de réel projet global qu'ils ne
peuvent concevoir seuls : un coordinateur, qui
effectue la synthèse des données, doit être le
pivot du projet ;
• des parents, qui espèrent que la disparition
de chacun des symptômes sera synonyme de
retour à « la norme » ;
• des enseignants enfin, qui assimilent volontiers
(à tort) le trouble « dys- » à une insuffisance
d'entraînement ou d'efforts (cf. p. 6).
C'est pourquoi il arrive quelquefois que cela
débouche sur une véritable « coalition objective »
(involontaire) des différents acteurs. Cette situation déstabilise le rééducateur qui se sent isolé
et n'ose plus défendre son projet thérapeutique,
redoutant de heurter les parents et d'induire
un conflit avec l'enseignant. D'autant que ces
conflits, ouverts ou latents, insécurisent gravement l'enfant. Ils rendent compte du refus fréquent des jeunes de faire différemment (c'est
l'enfant, nous dit-on, qui veut écrire à la main,
qui veut faire comme tout le monde, cf. p. 76) et
in fine de ses faibles résultats scolaires en dépit
de ses « progrès » en rééducation et de ses excellentes capacités raisonnementales, verbales et
mnésiques.
Ensuite, il faut disposer de temps de rencontres
avec les autres intervenants (rééducateurs, enseignants) et les parents pour expliciter les objectifs
poursuivis, tracer les grandes lignes des buts visés
et des axes des rééducations et réadaptations, les
argumenter, les justifier.
Établir un pronostic scolaire
Tenter de déterminer le pronostic scolaire est
fondamental pour construire le projet thérapeutique, car c'est le fil d'Ariane qui relie entre elles
les conséquences des différents symptômes, c'est
le cœur du projet thérapeutique pour les enfants
souffrant d'un « dys- », c'est ce qui permet de
donner force et cohérence aux différentes propositions de ­rééducations et de réadaptations qui
sont avancées.
C'est en effet le pronostic scolaire qui justifie
de faire certains choix thérapeutiques plutôt
que d'autres, qui permet de hiérarchiser les
actions à entreprendre.
Il s'agit de tenter de se projeter, en termes d'évolution, dans un avenir scolaire à moyen et long
terme permettant de calibrer les attentes dans les
différents domaines et de proposer des aides en
adéquation avec ces attentes. C'est, chez l'enfant
de 4–16 ans, le projet scolaire et le niveau d'exigence qu'il requiert (en termes de contenu et de
contraintes temporelles) qui justifient les choix
thérapeutiques.
Il ne s'agit pas d'enfermer l'enfant dans
un avenir qui serait écrit à l'avance ! Tout
pronostic est éminemment hypothétique et
­
doit en permanence être réajusté en fonction de
l'évolution réelle constatée au fil du temps, des
é vénements particuliers qui jalonnent l'his­
toire de cet enfant-là, etc. S'il est illusoire de
croire qu'un pronostic est ce qui va se réaliser
(ce n'est qu'un des possibles), il est tout aussi
dangereux, lorsqu'on a en charge de jeunes
enfants, de refuser toute projection dans l'avenir et de les enfermer dans un « ici et maintenant » stérile.
Convaincre de la nécessité d'actions non évidentes pour le grand public, lutter contre le
sens commun et obtenir la confiance et l'adhésion des différents acteurs est donc indispensable : cela suppose en premier lieu d'être
soi-même bien au clair avec la justification
et la motivation des différentes propositions
thérapeutiques.
32
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
Diagnostic précoce (5–8 ans)
et dyspraxie isolée
Car l'objectif, en matière de « dys- », c'est
de permettre à l'enfant, en dépit de son
trouble, de faire des apprentissages (et si
possible une scolarité) qui lui offrent un
épanouissement personnel, puis ultérieurement une inscription sociale et professionnelle satisfaisante.
Lorsque le diagnostic est fait entre 5 et 7–8
ans (grande section de maternelle → début ou
mi-CE1), les aides adaptées peuvent être mises en
route précocement, autorisant ainsi la poursuite
d'une scolarité standard de qualité, dans les temps
normalement impartis.
Ceci est envisageable si :
• l'enfant fait la preuve d'un bon niveau intellectuel (cf. note 13, p. 11), mnésique et verbal, avec
une attention auditive de bonne qualité ;
• la dyspraxie est isolée : les différentes évaluations ont exclu tout trouble de l'attention, tout
déficit de la mémoire de travail, tout trouble
gnosique visuel susceptible d'interférer notablement avec les apprentissages ;
• il n'y a pas de graves troubles du comportement
ou bien ceux-ci, modérés, peuvent être rapportés à l'échec scolaire et/ou directement liés à la
dyspraxie (troubles secondaires, induits).
Enfin, l'attitude des parents, réalistes quant au
trouble mais positifs et étayants, est également
un facteur qui peut s'avérer décisif, favorisant
l'acceptation des aides et augmentant leur efficacité.
En effet, la poursuite d'une scolarité au rythme
habituel et visant des diplômes va demander à
l'enfant des efforts sur le très long terme, avec des
moments difficiles prévisibles, des déceptions,
des échecs partiels qu'il faudra pouvoir surmonter. La personnalité de l'enfant et la qualité du soutien parental peuvent être déterminantes tout au
long de ce qui peut être vécu comme une véritable
course d'obstacles.
Tenter d'établir un pronostic scolaire vraisemblable et réaliste représente donc un préalable
indispensable à la conception d'un véritable p­ rojet
thérapeutique si l'enfant souffre d'une dyspraxie
avérée (mais aussi, d'ailleurs, s'il souffre d'un
autre « dys- »). En effet, c'est de l'évaluation du
handicap scolaire que doit dépendre l'aide (en
nature et intensité) à la scolarisation : les moyens
déployés, tant en rééducation individuelle qu'en
situation scolaire, dépendent étroitement des
objectifs visés.
De façon forcément très schématique, nous distinguons quatre grands types de pronostics scolaires, selon qu'une scolarité longue peut – ou non –
être envisagée :
• scolarité longue et si possible diplômante (brevet, baccalauréat) ;
• classe spécialisée (ULIS) ;
• scolarité courte (CFG22, SEGPA, CAP) ;
• pas de projet scolaire, mais un projet éducatif
visant l'indépendance sociale dans un environnement adapté (IEM, ESAT, IMP/IMPro,
appartement thérapeutique…).
Pronostic de scolarité longue
Les enfants dyspraxiques – du fait de leur échec
prévisible dans les matières scientifiques (cf.
chapitres 4 et 8) et de leur incapacité à effectuer
des métiers « manuels » – doivent, s'ils en ont les
capacités, s'orienter préférentiellement vers des
carrières littéraires (philosophie, langues, lettres,
droit, histoire, commerce…) qui nécessitent de
bonnes performances scolaires et l'accès à des
études supérieures diplômantes.
On peut succinctement repérer deux grands
types de situations qui incitent à considérer
comme tout à fait prioritaire le projet scolaire, et
ce dans cet objectif de scolarité longue.
22
Paradoxalement, plus il est licite de penser un
projet scolaire ambitieux, plus il sera justifié de
proposer précocement des palliatifs et des compensations pour répondre aux besoins de l'enfant et faire face aux exigences scolaires.
Diagnostic tardif (≈ 11–12 ans),
mais chez un enfant « très doué »
Une autre situation peut inciter à faire le même
pari, celui d'une scolarité diplômante en temps
voulu, en dépit du diagnostic tardif.
CFG : certificat de formation générale.
33
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
L'histoire est souvent celle d'un enfant qui est
adressé en milieu ou fin de CM2, ou lors de la
première année de collège. C'est en effet la prise
de conscience des exigences du collège qui incite à
consulter, alors même que l'enfant a généralement
été repéré depuis longtemps comme étant en difficulté. Mais durant toute la scolarité maternelle
et primaire, soit on a banalisé les troubles (« Il n'est
pas motivé, il est fainéant, il bâcle, il ne s'applique
pas… »), soit on les a interprétés a priori en termes
psychodynamiques triviaux 23 (« Il n'a pas le désir
d'apprendre, il n'a pas le désir de grandir, il est
“bloqué” par des conflits inconscients non résolus… »). C'est souvent la proximité de l'entrée au
collège qui met en évidence l'écart entre les possibilités de l'enfant et ce qui va lui être demandé,
tant en termes de connaissances que d'autonomie
et d'organisation.
Mais il est déjà bien tard : toute la scolarité s'est
déroulée sous le signe non seulement de l'échec,
mais aussi des exhortations inutiles (« Appliquetoi, entraîne-toi davantage »), des conflits (avec
les enseignants, avec les parents lors des devoirs
à faire…), des déceptions et des découragements.
L'enfant s'est construit une image négative de lui
et a perdu confiance aussi bien dans ses propres
capacités que dans l'aide que les adultes peuvent
lui apporter.
C'est pourquoi habituellement ces diagnostics tardifs sont de mauvais pronostics : reflétant
souvent les dénégations persistantes des adultes,
le diagnostic est posé lors de la préadolescence
ou l'adolescence, à une époque particulièrement
difficile pour gérer la différence (négative) chez
un jeune en grand échec scolaire, dont on a largement épuisé les velléités d'efforts et annihilé tout
espoir en la scolarité.
Pourtant, si l'enfant est d'une part très motivé
et d'autre part exceptionnellement doué sur le plan
du raisonnement verbal et de la mémoire (notes
standard dans ces secteurs supérieures ou égales
à 14–15, niveau verbal aux échelles de Wechsler
faisant évoquer une précocité intellectuelle…),
alors on peut tenter de remettre sur pied un projet
scolaire ambitieux.
23
Il est cependant impératif, dans cette configuration, que les parents manifestent une grande
motivation : en effet, il faut réussir assez vite (en
un an ou deux maximum : au-delà, le projet ne
peut plus prendre forme dans les délais impartis par l'Éducation nationale) à convaincre cet
adolescent blessé de s'investir de nouveau dans
la scolarité, dans les rééducations et dans des
adaptations. Lui redonner confiance en ses
possibilités, le persuader de prendre encore le
risque d'échouer – mais aussi, bien sûr, celui de
réussir. Les objectifs et surtout les sous-objectifs
du projet, en termes d'acquisitions scolaires, les
moyens que l'on veut mettre en œuvre doivent
faire l'objet d'explications répétées. Le jeune doit
sentir un fort consensus sur ce sujet entre tous
les adultes. L'adhésion du jeune et de ses parents
à ce projet qui sera semé vraisemblablement
d'embûches est un élément absolument fondamental.
Au-delà de ces deux situations assez caricaturales et quel que soit le cas particulier de tel ou tel
enfant pour lequel on pense justifié de tenter ce
challenge – s'engager (l'engager) dans la voie d'une
scolarité diplômante –, il faut être conscient que ce
type de projet est à la fois très gratifiant (on pense
l'enfant « capable de », on envisage pour lui un avenir socialement valorisant) et aussi très difficile
concrètement à mettre en œuvre et à réaliser.
En effet, cela implique :
• des conditions temporelles très contraignantes ;
• des capacités (pour les professionnels) à anticiper de façon permanente les besoins de l'enfant
et l'évolution des exigences scolaires.
Contraintes temporelles
Il faut que l'enfant soit capable de faire les acquisitions scolaires prévues par les programmes scolaires, dans les temps impartis.
La pression temporelle est intense et ininterrompue : le projet et la manière de le conduire (choix
rééducatifs, stratégie de prise en charge) doivent
en tenir compte en permanence. Cela implique
en particulier de privilégier clairement les principaux objectifs scolaires à atteindre au fil des ans et
donc de choisir des méthodes d'accès à ces savoirs
rapidement accessibles aux jeunes en dépit de leur
dyspraxie. C'est pourquoi on fera plus souvent et
plus précocement le choix de palliatifs efficaces
pour permettre l'accès aux savoirs.
L'erreur, évidemment, n'est pas l'interprétation psychodynamique en soi (dans de nombreux cas, elle
peut être pertinente), mais le fait qu'elle intervienne a
priori comme « explicative » de l'échec scolaire et soit
souvent évoquée par des non-spécialistes…
34
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
Cette contrainte temporelle est malheureuse­
ment assez souvent négligée ou sous-estimée par
les rééducateurs, uniquement préoccupés des
« progrès » apparents de l'enfant (indépendamment de leur efficacité pour réduire le handicap
scolaire) et de « respecter le rythme de l'enfant »
(rythme malheureusement toujours trop lent),
avec l'espoir qu'il puisse ainsi mieux s'épanouir.
Or, outre le fait que l'échec scolaire est rarement
épanouissant, permettre l'accès de ces jeunes à
un diplôme valorisant est exigeant. Il ne suffit
pas qu'ils « poursuivent leurs progrès », ni qu'ils
« fassent des apprentissages », ni qu'ils finissent
plus ou moins par « faire comme tout le monde ».
Deux années de décalage négatif dans les savoirs
entre 4 et 16 ans ruineront définitivement tout
projet scolaire et professionnel de ce type, et ce
quelles que soient leur motivation et leurs capacités potentielles. Pour ces enfants, c'est là tout
le challenge : il faut réussir à transformer leurs
potentialités en performances effectives, et ce
dans un délai imposé par l'école.
Il faut donc être très vigilant lorsqu'on évoque
un maintien en maternelle, surtout si ce dernier
est uniquement (ou essentiellement) motivé
par un retard graphique et/ou un « manque
d'autonomie ». En effet, si ces problèmes sont
­d irectement en lien avec la dyspraxie, le redoublement améliorera peu et seulement très temporairement les performances de l'enfant (simplement du fait qu'il aura un an de plus), mais
la dyspraxie demeurera, toujours accompagnée
de son même cortège de difficultés scolaires
­s'accumulant au fil des ans. C'est aussi tout
l'enjeu d'un diagnostic précoce (en moyenne ou
grande section de maternelle, cf. p. 9), qui permet de prendre des décisions pertinentes, en
toute connaissance de cause et en protégeant
l'avenir.
Un « maintien » injustifié peut compromettre
l'opportunité ultérieure d'en faire bénéficier
l'enfant si (du fait de la lenteur, de la double
tâche, des adaptations nécessaires, de la fatigabilité ou d'autres événements intercurrents)
son niveau scolaire (en termes de niveau des
acquisitions) se trouvait à certains moments
trop loin de ce qui est attendu pour son âge.
Il vaut donc mieux, si possible, se réserver la
possibilité ultérieure d'effectuer une année
scolaire sur deux ans.
Exemple
Assez souvent, c'est l'intensité du déficit en
numération et calcul (cf. chapitre 4) qui fait
prendre la décision d'une année en deux ans
au décours du CM2 ou lors de l'entrée en
sixième.
Le jeune G. n'a aucun antécédent particulier. Pourtant, il est très pataud (il évoque
son humiliation lors des cours d'éducation
physique ou d'une classe externée au ski),
très maladroit et en échec scolaire depuis sa
première année de maternelle (dysgraphie
majeure). En CE2, à la suite d'un bilan psychométrique pratiqué par la psychologue
scolaire, le diagnostic de dyspraxie développementale est évoqué.
Lorsque nous voyons G. pour la première
fois, il est en CM1, sous la menace d'un
redoublement. Il se présente comme
un garçon très inhibé, en grande souffrance, persuadé qu'il « est bête et nul »,
se défendant ­douloureusement d'être « un
gogol » (un débile !). Les différentes évaluations ­
confirment une DVS sévère chez
un garçon intelligent (score de 14 aux
­similitudes24), beau parleur et bon lecteur.
C'est dans le domaine du nombre et du
calcul que les difficultés de G. culminent : il
s'avère avoir un niveau… de grande section
de maternelle ! Nous préconisons alors une
admission dans notre SESSD, avec un projet
sur deux ans pour préparer au mieux son
entrée au collège. Peu à peu, la confiance
s'établit entre l'enfant, les parents et nous
au fur et à mesure que G. se rassure et
reprend confiance.
Nous déclinons le projet dans différents
domaines :
 rééducation très ciblée autour du nombre,
l'objectif n'étant pas l'obtention d'un
« niveau de CM2 » qui paraît peu réaliste,
mais simplement l'accès à un savoir de base.
Après deux ans, G. sait lire, écrire et ordonner les nombres au-delà de 100 000 et il peut
résoudre des problèmes de niveau CE2 avec
l'aide d'une calculette ;
 mise en place des aides qui vont le l­ibérer
du graphisme et de la double tâche (cf. p. 21
24
35
Épreuve verbale du WISC, épreuve de catégorisation
reflétant le niveau d'intelligence générale du jeune.
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
Les nécessaires anticipations
et chapitres 3, 6 et 9) : apprentissage du clavier et de l'ordinateur, de logiciels spécialisés
(Cabri Géomètre®), contrôles oraux, limitations des écrits, demande d'AESH ;
 travail de mise en valeur de ses capacités
(lecture, récits, raisonnement) et soutien psychologique.
Après ces deux années, G. intègre une
sixième avec le soutien d'une section ULIS
et d'un AESH. Le suivi du SESSD se poursuit
dans l'objectif de favoriser une scolarité
de qualité, même s'il est prévisible que les
résultats dans les matières scientifiques resteront très faibles. Ce jeune a obtenu son
bac L avec mention et s'est inscrit en faculté
de lettres.
En outre, par définition, il s'agit d'un projet à
long terme, qui réclame endurance et détermination : il faut « tenir la distance » et ceci
concerne aussi bien le jeune et ses parents que
l'équipe de rééducation.
Il faut sans cesse savoir anticiper et prévoir
aujourd'hui les adaptations dont le jeune aura
besoin demain, voire après-demain. Attendre que
l'enfant soit confronté à un problème pour commencer à chercher ou proposer une solution (ou un
contournement) est une stratégie inappropriée en
termes de délai de mise en œuvre et donc vouée à
l'échec.
Engager le jeune et sa famille dans l'espoir d'une
scolarité longue et diplômante est donc une décision importante qui doit être discutée à plusieurs
reprises, avec franchise et réalisme, avec le jeune
et ses parents, en en soulignant les points positifs,
mais sans minimiser les éventuels points de fragilité du projet. Des entretiens avec le psychologue
peuvent être très utiles.
Il faut ensuite préparer soigneusement – et
réajuster sans relâche –, des années durant,
chaque élément du projet thérapeutique. Car
ce type de projet est très exigeant : il mobilise
une énergie importante de la part du jeune, mais
aussi une disponibilité et une expérience suffisantes de la part des équipes, et ce sur le long
terme. Un échec serait à l'origine d'une déception à la hauteur des espoirs que l'on aurait fait
naître.
Le programme de soins et de rééducations de
l'enfant est alors très dépendant du projet qui
va dicter ses impératifs : moyens particuliers
à mettre en œuvre pour que l'enfant puisse lire
et écrire en dépit de son trouble neurovisuel,
par exemple, ou stratégies originales d'accès au
nombre (cf. chapitre 7), et ce dans des délais brefs
(un ou deux ans). Les choix thérapeutiques (rééducatifs et pédagogiques) doivent donc s'ordonner autour de ces priorités.
Lorsque l'enfant a deux ans ou plus de décalage scolaire par rapport aux camarades de
son âge, outre l'arrêt qui est donné à son projet scolaire et professionnel, il est également en
difficulté pour se construire (on lui demande,
implicitement, de s'identifier à un groupe de
plus jeunes), pour partager des jeux, des intérêts
et des préoccupations avec ses copains de classe
(figure 2.2).
Scolarité spécialisée (ULIS)
Traditionnellement, les classes spécialisées de
l'Éducation nationale (EN) sont destinées aux
SCOLARITE « NORMALE »
= Contraintes temporelles
Se socialiser,
partager,
appartenir
au groupe
+++
Apprendre
un métier
Obtenir des
diplômes
Apprendre
Figure 2.2. Un projet scolaire exigeant doit intégrer les contraintes temporelles.
36
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
élèves qui ne peuvent pas (plus) suivre une scolarité normale, ordinaire. Réservés aux enfants
en grand échec scolaire cumulant des troubles
et des retards de toutes sortes, ces petits groupes
(10–12 élèves) permettent à l'enfant de se libérer du rythme imposé par les programmes et de
­bénéficier d'un enseignement « à la carte » adapté
à ses besoins particuliers.
Les enfants inscrits dans ces classes, situées
dans des écoles de quartier, bénéficient aussi de
temps d'inclusion dans les classes ordinaires de
l'école, temps choisis en fonction de leur planning et des matières enseignées dans la classe
d'intégration, ce qui favorise leur socialisation et
leurs relations avec des pairs de leur âge. On distingue des ULIS-école (niveau primaire) et des
ULIS-collège.
Mais il faut savoir qu'il n'existe plus actuellement de classes dédiées à ces troubles du geste
et des traitements spatiaux. Les ULIS sont
habituellement polyvalentes, rassemblant des
jeunes présentant des troubles des apprentissages variés (spécifiques et non spécifiques),
déficients intellectuels, ou dysphasiques, ou
« multi-dys- », ou présentant des troubles du
comportement, voire un trouble du spectre de
l'autisme (TSA).
Ces ULIS accueillent donc de fait des publics
très hétérogènes. Il est vrai que les ULIS « polyvalentes » facilitent une meilleure proximité géographique par rapport au domicile des familles.
Mais c'est aux dépens de la spécificité des actions
qui peuvent y être entreprises sur le plan pédagogique.
Or, s'il est légitime de ne pas créer de « filières »
scolaires à partir d'un diagnostic médical, il
est au contraire très important de regrouper les
enfants, pour les apprentissages, en fonction de
leurs besoins pédagogiques particuliers, surtout
lorsqu'on s'adresse à ceux qui, du fait de l'intensité et/ou de la particularité de leur handicap, ne
peuvent pas (ou plus) suivre une scolarité standard.
Sur le plan pédagogique, on peut en effet distinguer grossièrement :
• les enfants qui, en raison de leurs troubles, ont
besoin que les informations leur soient essentiellement fournies sous forme de schémas,
dessins (ou pictogrammes) ou vidéos, car ils
sont en difficulté avec le langage (oral et/ou
écrit). Le langage employé doit être simple,
largement redondant, favorisant les reformulations, les phrases courtes, les consignes
réduites. Les méthodes pédagogiques doivent
valoriser l'observation, la manipulation,
l'expérimentation active. Cela concerne les
jeunes dysphasiques, dyslexiques, mais aussi
une partie des enfants malentendants avec
troubles associés ;
• les enfants qui, à l'inverse, ont besoin de s'appuyer sur le langage pour construire leurs
savoirs et qui ne peuvent tirer aucun enseignement des schémas, tableaux, dessins, manipulations et expérimentation d'aucune sorte qui,
au contraire, les parasitent. Cela concerne les
enfants souffrant de dyspraxie et/ou de troubles
neurovisuels, mais aussi certains jeunes malvoyants avec troubles associés, certains IMC
porteurs de DVS, etc.
Il est évidemment très difficile, pour un enseignant en charge de ces enfants intelligents, dont
les troubles neurodéveloppementaux interfèrent directement avec la scolarité, de prévoir
une pédagogie qui privilégie à la fois le verbal
pour les uns et le non-verbal pour les autres25,
le tout au sein d'un petit groupe d'une douzaine
d'enfants d'âges variés et dont le niveau scolaire
s'étage, selon les matières, sur 4 ou 5 années scolaires. D'autant que, dans certains domaines, les
apprentissages scolaires réclament des stratégies
très élaborées et tout à fait inusitées en milieu
ordinaire (chapitres 6 à 8).
C'est la nécessité de ces stratégies pour certains
de ces enfants qui rend indispensable le maintien
de ces classes spécialisées, sous forme de dispositifs légers et souples, permettant de constituer,
ponctuellement, des regroupements en fonction
de besoins pédagogiques communs. La loi du
11 février 200526 favorise l'inclusion scolaire : c'est
un progrès indéniable. Cependant, cela ne doit
pas conduire à réduire drastiquement les structures intermédiaires et spécialisées : il est très
25
26
37
On pourrait d'ailleurs s'interroger sur la formation
de ces enseignants, qui devraient être « spécialisés en
tout » !
Loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
important de conserver un large éventail de structures, dispositifs et services capables de répondre
à la diversité des cas cliniques, des évolutions, des
besoins.
Dans tous les cas, les jeunes dyspraxiques
(contrairement aux jeunes déficients mentaux)
ont besoin que leurs capacités préservées, leur
intelligence et leur raisonnement soient utilisés
comme leviers pour favoriser leurs apprentissages.
Dans le même temps, la façon dont leur fonctionnement intellectuel est affecté par leur(s)
trouble(s), les mécanismes qui gênent ou favorisent les apprentissages doivent être bien
connus des enseignants qui, en collaboration
avec les services de soins, sont en charge de prévoir, au cas par cas, les adaptations spécifiques
(puis les progressions) indispensables. Faute de
quoi, l'ULIS risquerait de n'être qu'une classe où
l'on proposerait à l'enfant « différent » de faire
« comme les autres », mais plus lentement et plus
longtemps ! Quelle serait alors la finalité de ces
classes ? Le projet de socialisation est, pour les
jeunes dyspraxiques, nécessaire mais très insuffisant. Le projet scolaire doit rester un véritable
projet d'apprentissages.
Idéalement, il faudrait donc disposer d'ULIS
spécifiquement dédiées aux jeunes dyspraxiques
et pathologies assimilées27, des classes officiellement étiquetées « troubles des fonctions non verbales ».
Quels enfants faut-il envisager d'orienter vers
une ULIS ? On peut distinguer, là encore de façon
schématique, trois cas de figure :
• l'enfant qui, mal orienté ou dont le diagnostic a
été trop tardif, a pris un retard trop important
et ne peut plus, en l'état, prétendre suivre une
scolarité « normale » ;
• l'enfant « multi-dys- » (cf. p. 38) ;
• l'enfant dyspraxique dont les capacités raisonnementales (facteur G, cf. note 13, p. 11)
sont normales mais faibles (notes standard
27
aux épreuves de facteur G verbales ≈ 7–8),
n'autorisant pas les compensations indispensables nécessitées par la présence du trouble
« dys- ». Dans ces conditions, la poursuite
de la scolarité en inclusion peut être vécue
comme un véritable harcèlement, alors même
que l'on sait que cela ne permettra pas au
jeune une réelle orientation scolaire ou professionnelle satisfaisante. L'orientation vers
une ULIS peut permettre des apprentissages
dans un climat moins exigeant, mais autorisant cependant une bonne autonomie sociale.
L'enfant « multi-dys- »
Le petit groupe, une bonne appréhension des
troubles par un enseignant formé et la mise en
œuvre de techniques, méthodes et matériels
particulièrement adaptés permettent certains
apprentissages qui ne sont envisageables que dans
une classe spécialisée.
Cela concerne, par exemple, au sein de la population des jeunes dyspraxiques :
• les jeunes qui souffrent d'une dysphasie et
d'une dyspraxie : sauf exception, le trouble du
langage doit être pris en compte en priorité,
mais la présence de la dyspraxie complique
notablement la mise en œuvre de certaines
compensations habituellement utilisées pour
les jeunes dysphasiques/dyslexiques (cf. cidessous exemple 1) ;
• ceux chez lesquels s'associent dyspraxie et
agnosie visuelle, du moins si l'agnosie visuelle
est handicapante et s'accompagne de traits
psycho­tiques (cf. ci-dessous exemple 2) ;
• tous ceux qui présentent des troubles importants des fonctions exécutives et/ou de l'attention (avec ou sans hyperactivité), troubles
insuffisamment maîtrisés par le traitement
médical ;
• tous ceux dont le déficit de la mémoire de travail auditivo-verbale – indépendamment de
tout trouble attentionnel et de toute pathologie
dysexécutive – est sévère : en effet, privés de cet
important outil d'apprentissage et de compensation de leur dyspraxie, ces jeunes ne peuvent
pas faire des apprentissages selon les méthodes
habituelles ni surtout dans un cadre ou des
délais habituels.
Sous ce terme, nous désignons tous les enfants
souffrant d'une « dys- » qui épargne la sphère linguistique : dyspraxiques bien sûr, mais aussi
enfants souffrant de troubles gnosiques visuels, de
troubles visuo-spatiaux, de troubles de l'attention,
quelquefois regroupés sous le vocable : « troubles
non-verbaux [3] ».
38
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
avec intolérance aux changements, stéréotypies, langage « décalé », intérêts particuliers…). Pourtant, il fait aussi montre de
bonnes capacités verbales et raisonnementales (score aux similitudes = 15) et d'un
intérêt (électif) pour certaines activités
scolaires : il apprend à lire seul à l'âge de
4 ans (alors que sa sœur aînée est en CP),
puis se passionne (de façon excessive mais
efficace !) pour les nombres et leur organisation.
La scolarité en ULIS permet la mise en place
progressive de l'outil ordinateur pour pallier son agraphie (qui reste totale). La prise
en compte adaptée de ses troubles gnosiques visuels d'une part et l'instauration
d'une psychothérapie régulière d'autre part
permettent de faire nettement baisser son
niveau d'angoisse et d'améliorer notablement son comportement. Simultanément, il
fait des apprentissages (sélectifs) d'excellent
niveau (concordants avec son âge réel ou
au-delà), en particulier en arithmétique, en
français et en anglais. Ces acquisitions contribuent également à ancrer A. dans le réel. Il
est actuellement en troisième, bénéficiant
d'un dispositif ULIS, aidé d'un AESH, et son
évolution positive se poursuit, tant sur le
plan scolaire que relationnel et comportemental.
Exemples
Exemple 1
S. est une petite fille vive et intelligente qui
présente une hémiparésie droite congénitale
et, sur le plan cognitif, un manque du mot
(dysphasie mnésique), intense et très handicapant.
Sur le plan scolaire, à partir du CE2, on
constate une difficulté particulièrement
sévère en numération et calcul. En explorant cette impossibilité à progresser en
numération, nous découvrons que S. est
incapable d'associer un mot oral précis
à une quantité ou à un nombre écrit en
chiffres arabes : elle ne peut ni nommer les
nombres ni apparier (désigner) un nombre
donné oralement à sa représentation analogique ou à son écriture arabe. Mais S.
peut sérier, classer et comparer des collections et des nombres écrits. Elle a parfaitement compris le principe de la numération,
son lien avec la quantité, le principe de la
base 10 et la construction de la numération
écrite arabe.
C'est pourquoi Sandrine Lirondière suggère
de lui proposer une progression arithmétique qui évite la dénomination verbale des
nombres et qui utilise au contraire toutes
les propriétés de la numération écrite
arabe (logique, régularité parfaite, mise en
exergue de la base 10) : ce type de travail, si
particulier, ne peut s'envisager que dans le
cadre d'une scolarité très spécialisée, en petit
groupe, au décours d'une étroite collaboration entre les services de soins (ici, son ergothérapeute) et l'enseignante. Ce travail porte
ses fruits : en fin de primaire, on envisage la
poursuite de sa scolarité au collège avec le
support d'une ULIS,
Ainsi, dans un milieu adapté et spécialisé,
ces enfants ont l'opportunité de faire certaines
acquisitions qui peuvent leur donner accès,
malgré leurs troubles, à des apprentissages et
une formation professionnelle (qui doit bien
sûr être choisie en fonction de l'éventail particulier des compétences/incompétences de
chaque jeune).
Là encore, on comprend bien en quoi ce type de
pronostic gouverne le projet rééducatif : l'objectif ici
n'est pas la « rapidité » d'accès au « programme » de
tel ou tel niveau scolaire, mais bien le fait même
que des notions de base puissent être acquises
et utilisées à bon escient par le jeune, de façon à
­préserver à l'avenir son autonomie sociale d'une
part et sa formation professionnelle ultérieure
d'autre part.
Exemple 2
Le jeune A., né prématurément, est victime d'hémorragies cérébrales néonatales
responsables d'importantes lésions cérébrales pariéto-occipitales. Il présente une
hémiparésie droite, une dyspraxie massive à tous les modes et une grave agnosie
visuelle aux images et aux visages, dans
le contexte de troubles relationnels avec
traits autistiques (anxiété diffuse majeure
39
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
Enfant dyspraxique aux
potentialités intellectuelles
normales/faibles
Pronostic de scolarité courte
Par scolarité courte, on entend ici une scolarité qui vise à donner accès, dès 16 ans, à une
formation professionnelle. Il peut s'agir d'une
SEGPA (jeunes ne pouvant entrer au collège)
ou encore d'orientation préprofessionnelle en
fin de troisième (ou à 16 ans, fin de la scolarité
obligatoire).
Ce type de projet scolaire a différentes conséquences, qui doivent être prises en compte dans le
projet de soins :
• absence de pression temporelle en ce qui
concerne les apprentissages : les objectifs
concernent les savoirs de base (lire, écrire,
compter), dans l'optique de préparer une bonne
indépendance sociale ultérieure. Un parcours
préprofessionnel, un CAP peuvent ensuite être
envisagés ;
• l'indépendance sociale, l'autonomie personnelle (et éventuellement financière en cas de
projet professionnel) sont au centre du projet
thérapeutique à moyen et long terme.
Cela concerne schématiquement soit :
• des jeunes dont le niveau de raisonnement
(facteur G) est limite ou faible (note standard aux épreuves de facteur G égale ou inférieure à 7) et qui présentent une association de
troubles (DVS + troubles du langage, mémoire
de travail faible, syndrome dysexécutif important, etc.), éventuellement avec une personnalité limite ;
• des « grands » (12–15 ans), dont le niveau scolaire est en décalage négatif de plus de 2 ans,
ou qui sont en rupture scolaire, ou dont l'échec
scolaire est ancien et massif, et ce quels que
soient leur niveau intellectuel ou leurs potentialités (cf. ci-dessous exemple 1) ;
• toute situation, même théoriquement favorable à une scolarité longue, s'il y a un déni
persistant et un refus non négociable des aides
proposées, que ce soit de la part du jeune,
de ses parents ou de l'école. Ces refus, ces
dénis, lorsqu'ils perdurent, sont souvent le
signe d'une fragilité particulière de l'enfant
et/ou de l'ensemble familial (cf. ci-dessous
exemple 2).
La dyspraxie impose des stratégies de compensation, de contournement du trouble, qui utilisent
les capacités raisonnementales, mnésiques et verbales des jeunes. Si l'enfant, par ailleurs d'intelligence normale, ne dispose pas de « réserves »
­suffisantes dans ce domaine pour pallier son
trouble, il risque fort, en milieu ordinaire, d'accumuler progressivement des retards qui, à moyen
terme, vont s'avérer irrattrapables.
Dans un premier temps, les familles refusent
souvent cette orientation en ULIS, car elles
sont rassurées par le fait que leur enfant puisse
poursuivre une scolarité en intégration, en
milieu standard. Pourtant, à terme, le jeune
dyspraxique, en échec, épuisé et découragé,
finit par être orienté par défaut et dans une relative urgence vers une scolarité spécialisée et/
ou courte qui, faute d'avoir été convenablement
préparée, est habituellement très mal vécue,
car il quitte brusquement le cursus « normal »
auquel il a cru pouvoir prétendre, souvent au
prix d'efforts importants.
Au contraire, une scolarité bien préparée et « à
la carte » au sein d'une ULIS permet d'alléger le
contenu des programmes, de se centrer sur les fondamentaux avec l'aide de matériels et techniques
spécifiquement adaptés en fonction de la dyspraxie
et ainsi autorise une scolarité de meilleure qualité
(qui se prolonge le plus souvent par une ULIS-collège) et débouche sur une formation plus compatible avec les aspirations et les possibilités du jeune.
Souvent pensées par les parents (et même certains professionnels) comme des lieux de relégation pour les enfants qui ne peuvent pas suivre
une scolarité (d'où l'extrême inquiétude des
parents ou leur refus de ces ULIS), ces classes
spécialisées peuvent aussi être quelquefois des
lieux d'excellence où se conjuguent professionnalisme (de l'enseignant et d'un service de soins)
et expérience, autorisant chez ces enfants aux
troubles si particuliers des apprentissages et
des parcours scolaires qui, sinon, auraient été
impossibles.
40
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
redoublé son CE1. Intelligent et vif, R. est
diagnostiqué « dyspraxique » alors qu'il
entre en sixième au collège de son secteur.
Le père, très autoritaire et très directif, ne
peut accepter le diagnostic (son fils, intelligent, doit « s'appliquer et faire comme les
autres »), alors même que la mère, en conflit
avec le père, elle-même dépassée et démunie, ne peut soutenir R. Ce dernier refuse le
diagnostic avec force et, malgré l'aggravation régulière de ses problèmes scolaires (il
redouble sa cinquième), il banalise ses difficultés (« c'est parce que je n'ai pas assez
travaillé ce trimestre, c'est parce que je
n'aime pas telle matière, c'est parce que tel
professeur ne m'aime pas ») et refuse toutes
les aides que nous proposons, aussi bien en
rééducation individuelle qu'au collège. Le
suivi psychologique mis en place dès l'admission dans notre SESSD n'avance guère et, au
contraire, nous assistons à une décompensation sur un mode paranoïde avec phobie
scolaire.
Nous demandons alors l'aide d'un service
de pédopsychiatrie voisin, tandis que nous
rediscutons en équipe de la pertinence de
notre intervention chez ce jeune adolescent
dont nous avons probablement sous-estimé
la fragilité et que le diagnostic et nos propositions ont peut-être contribué à déstabiliser.
Exemples
Exemple 1
Le jeune B., sans aucun antécédent particulier, est en grand échec scolaire « depuis
toujours ». Il nous est signalé par le médecin
scolaire alors qu'il redouble son CM2. De ce
fait, il s'est vu proposer une évaluation par
la psychologue scolaire. Le diagnostic de DVS
est établi alors que B. entre en sixième au collège de son quartier (une ZEP). Le diagnostic
est très mal accueilli par cet adolescent fragile
et blessé : il refuse le diagnostic (et les aides
que nous proposons) jusqu'à son exclusion du
collège pour raisons disciplinaires, alors qu'il
a plus de 16 ans et redouble sa quatrième.
En réalité, son niveau scolaire est très
faible dans toutes les matières (grossièrement, proche d'un CE2) : débordé par les
demandes scolaires auxquelles il n'est pas
du tout en mesure de répondre, fragilisé
par une très mauvaise estime de lui, déstabilisé par le diagnostic (que, malgré nos
explications, il assimile à une déficience
mentale dont son échec scolaire serait la
preuve…), il se réfugie dans une dépression
larvée émaillée de réactions de prestance et
de provocations.
Nous proposons alors d'une part un soutien
psychologique et d'autre part une remise à
niveau via un quasi-préceptorat assuré dans
nos locaux par Votre école chez vous28.
Cette association accepte de travailler en
étroite collaboration avec nos services (ergothérapeute) pour mettre en place les adaptations pertinentes en fonction de la DVS.
B. s'investit très positivement dans ce projet
et, au terme d'une année scolaire, il passe et
réussit le CFG. Il est ensuite accepté dans une
filière préprofessionnelle où il prépare un
CAP de vente.
Projet non scolaire : projet
éducatif et, si possible,
indépendance sociale
Enfin, pour certains enfants, la sévérité et l'intrication des troubles ne permettent pas d'envisager
raisonnablement une scolarité. C'est souvent la
conjonction de troubles moteurs et/ou sensoriels
avec les troubles cognitifs multiples qui oblige à
renoncer à une scolarité.
Exemple 2
Le jeune R., sans aucun antécédent particulier, a eu une scolarité chaotique et a déjà
28
Exemple
F. est un jeune IMC qui présente une quadriplégie spastique. Il présente aussi un
important trouble visuo-spatial pour lequel
Votre École Chez Vous : association loi de 1901, sous
contrat avec l'Éducation nationale – 29, rue Merlin,
75011 PARIS.
41
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
C'est la conjonction d'informations issues de
différents domaines (antécédents neurologiques,
éventail particulier de fonctions préservées ou
atteintes, intensité de telle ou telle pathologie,
compensations déjà spontanément mises en place
ou non, personnalité de l'enfant, attitude et projets de ses parents, parcours de vie et parcours
scolaire antérieur, âge au moment de la consultation, etc.) qui permet d'envisager tel ou tel avenir
scolaire, tel pronostic scolaire et donc tel ou tel
projet thérapeutique.
il bénéficie de deux séances par semaine
d'ergothérapie. C'est un enfant d'intelligence
normale (similitudes au WISC-IV = 10). Très
fatigable, à 6 ans, il est admis simultanément
dans notre SESSD et en CLIS.
À l'issue de la première année d'école, il ne
sait pas lire du tout : nous reprenons alors
les bilans antérieurs qui s'étaient beaucoup
focalisés sur les problèmes moteurs et practospatiaux et nous mettons en évidence un
important déficit de la mémoire de travail
auditivo-verbale. À 9 ans, il peut lire quelques
syllabes simples et déchiffrer (laborieusement) des mots réguliers de deux syllabes. Le
calcul mental est impossible. Nous préconisons donc une réorientation vers un institut
d'éducation motrice.
C'est le rôle du médecin (compétent en neuropsychologie infantile) et/ou du neuropsychologue
de rassembler les éléments nécessaires et d'en
faire la synthèse pour avoir une vue d'ensemble
de cette mosaïque unique dont l'enfant est porteur, pour construire son projet thérapeutique
individuel. Dans nos cultures, entre 4 et 20 ans,
pour les enfants souffrant de troubles « dys- », ce
projet est obligatoirement organisé en corrélation étroite avec le projet scolaire.
Le projet thérapeutique est alors d'abord un
projet de soins (de rééducation), de confort
et, autant que possible, d'épanouissement
personnel et d'autonomie ou d'indépendance
partielle. Le ­projet scolaire est centré sur la
socialisation et l'épanouissement personnel,
tandis que les apprentissages sont limités aux
savoirs fondamentaux (lire, compter), lesquels
ne sont malheureusement que partiellement
atteignables.
Un établissement spécialisé (dans les troubles
moteurs, tels les IEM, ou, selon chaque cas
particulier, dans les troubles sensoriels, ou
dans les troubles intellectuels, tels les IME,
ou dans les pathologies psychiques, tels les
hôpitaux de jour) peut être alors une bonne
orientation, permettant de prendre en charge
de façon coordonnée à la fois les soins, les activités éducatives, les loisirs, la socialisation et
les activités scolaires ou parascolaires (selon
l'âge et les possibilités de chaque jeune), ce qui
permet à l'enfant de se développer au mieux de
ses capacités.
En effet, les fonctions cognitives – celles qui
nous permettent de nous connaître et de prendre
connaissance du monde – interfèrent directement
avec les apprentissages : le plus souvent, « rééduquer » l'enfant atteint de troubles cognitifs spécifiques consiste à l'aider à faire malgré tout des
apprentissages et à réduire ses difficultés scolaires
pour préserver au mieux son avenir. Il faut donc
savoir renoncer non seulement à « guérir » l'enfant, mais aussi à « tout » rééduquer, soit que l'on
sache la rééducation de certains symptômes sans
effet, soit parce que ce serait aux dépens d'objectifs plus déterminants à moyen ou long terme pour
l'avenir du jeune.
Analyser les difficultés de l'enfant, les obstacles
qu'il rencontre en termes de handicap est indispensable. C'est le premier défi du projet thérapeutique, puisque c'est à partir de cette analyse que
pourront être mis en place palliatifs, contournements, aménagements, adaptations efficaces. Mais
comment les choisir ? À quel moment les introduire dans la vie et/ou la scolarité du jeune ? Comment les faire accepter (au jeune, à ­l'entourage) ?
C'est là un second défi, tout aussi déterminant
dans la constitution du projet thérapeutique. C'est
Conclusion
On voit donc que ce n'est pas du tout « le symptôme » (il est malhabile, il écrit mal, il est « nul »
en calcul…) qui est directement à l'origine des
options rééducatives.
42
Chapitre 2. Les préalables au projet thérapeutique
pourquoi, après avoir détaillé les stratégies adaptées à tel ou tel handicap scolaire particulier, nous
brosserons les contours d'un véritable « cahier des
charges » de la démarche de compensation du handicap (chapitre 10). Il faut aussi accompagner les
parents dans ce cheminement difficile qui favorise
l'émergence d'objectifs fonctionnels, atteignables
et réalistes.
Bien sûr, les troubles ne se limitent pas au secteur scolaire et se manifestent aussi dans « la vraie
vie » (cf. chapitre 11), à la maison et durant les loisirs. Mais ces manifestations de la dyspraxie qui
affectent la vie quotidienne se retrouvent aussi à
l'école (à la cantine, durant les cours d'éducation
sportive, les sorties, les classes externées) et leur
expression, face à des pairs souvent peu compréhensifs, induit honte et isolement. Elles doivent
donc être prises en compte et faire partie intégrante du projet.
Nous nous attachons surtout, dans la suite de
cet ouvrage, aux indications et pratiques qui ont
fait leurs preuves auprès de jeunes atteints de dyspraxies isolées (même si nous évoquons les adaptations à prévoir en cas de troubles attentionnels
associés), dont le pronostic scolaire est a priori
favorable, car c'est pour eux que le projet est à la
fois le plus complexe, le plus exigeant… et souvent
le moins « évident ». Enfin, c'est aussi à partir de
ces pratiques que l'on peut chercher à adapter les
projets de ceux qui sont plus atteints.
43
Écrire
Chapitre
3
« L'écriture assemble des signes dont la première caractéristique est qu'ils
diffèrent d'un système à l'autre. À l'intérieur même d'un système, il se trouve
que le signe d'écriture varie encore sensiblement selon le style du moment ou les
hasards de l'histoire. D'où proviennent donc ces constantes variations dans le
tracé des signes ? Des supports et des outils : les signes aigus en forme de clous
imprimés par le calame sur l'argile mésopotamienne ne ressemblent pas aux
traces rapides laissées par le pinceau chinois sur la soie ou le papier. Derrière ce
foisonnement de graphies et de tracés, nous pouvons dégager une constante : la
volonté de transmettre un message. »
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
A. Zali, A. Berthier29
Le « retard30 » graphique – la dysgraphie – est
certainement « le » signe le plus précoce et le plus
constant des pathologies dyspraxiques.
De ce fait, certains ont cru (à tort) qu'il pouvait
être un « marqueur » de la dyspraxie, réduisant le
diagnostic au symptôme. De ce fait également,
c'est fréquemment sur ce symptôme (cf. p. 25) que
se centrent nombre de rééducations : graphomotricité (psychomotricité), rééducation graphique
(ergothérapie), graphothérapie (psychologie),
etc. Or, la dysgraphie peut être le symptôme de
très nombreuses pathologies, neurologiques et/
ou psychodynamiques (cf. figure 1.1, p. 8), et
même se manifester en dehors de toute pathologie proprement dite. Elle ne constitue donc
qu'un des éléments du puzzle dont le clinicien
doit recueillir toutes les données.
Rappelons succinctement quelques notions cliniques :
• les troubles neuromoteurs (dont les patho­
logies cérébelleuses, même discrètes ou soft)
29
30
sont la cause neurologique la plus fréquente
de dysgraphie ;
• si toutes les dysgraphies ne sont pas secondaires
à une dyspraxie, à l'inverse il n'y a pas de dyspraxie sans dysgraphie ;
• au contraire, les troubles visuo-spatiaux isolés
(sans dyspraxie) n'entraînent pas obligatoirement de dysgraphie ;
• d'autres troubles « dys- » génèrent aussi des
troubles du graphisme :
– les troubles de l'attention et des fonctions
exécutives (les lettres sont mal formées, mais
le geste graphique fluide est trop rapide,
brusque, impulsif, avec irruption d'itérations
et de persévérations, cf. p. 135). Il s'agit là d'un
diagnostic différentiel très important, d'une
part pour proposer des interventions véritablement adaptées (ce qui ne sera pas le cas s'il
y a erreur diagnostique) et d'autre part pour
éviter la confusion avec une comorbidité de
type « dyspraxie (ou TAC) + TDA-H »,
Zali A, Berthier A. L'aventure des écritures. Bibliothèque nationale de France ; 1997.
Ce terme, toujours très utilisé, est bien mal choisi puisque, de fait, il ne s'agit pas d'un « retard » (un simple décalage
chronologique), mais bien d'une pathologie, d'une impossibilité de développer cette capacité, aussi bien en ce qui
concerne les critères chronologiques que qualitatifs.
47
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
– les troubles gnosiques visuels génèrent aussi
des troubles du graphisme. Il s'agit souvent
d'une agraphie quasi complète avec absence
d'intérêt pour la trace graphique31, et non
d'une écriture lente, cabossée, mal lisible,
– les troubles du langage (dysphasie, dyslexie)
peuvent aussi s'accompagner de troubles graphiques dont la nature et l'intensité (et donc la
remédiation) sont très différentes (cf. p. 135),
– certains enfants à haut potentiel présentent des
troubles graphiques isolés, sans dyspraxie [3].
Rappelons quelques caractéristiques de la dysgraphie dyspraxique :
• lenteur graphique, avec impossibilité d'accélérer, ce qui reflète la non-automatisation du
graphisme (le geste reste sous contrôle attentionnel et conscient, ce qui limite les capacités
d'accélération). L'enfant cherche le « bon geste »,
fait des essais successifs avec ratures, essais de
corrections… Ceci contraste avec l'attitude de
l'enfant qui présente une dysgraphie secondaire
à un TDA-H, dont le geste est rapide et brusque,
sans ajustements correctifs. La lenteur de l'enfant avec TDA-H résulte de difficultés de mise
en route et de nombreuses interruptions liées à
des distracteurs ;
• fluctuation de la performance : l'enfant réalise
la même lettre de diverses manières, selon le
contexte graphique et selon les moments, il a
différentes façons de réussir ou de rater (surtout
s'il est jeune, car, plus tard, avec l'expérience, il
finit par fixer la forme graphique la plus économique pour lui) ;
• déstructuration des lettres, réalisées en plusieurs « morceaux » qui ne constituent pas
des sous-éléments naturels de la lettre (telles
hampe, boucle, attache…) ;
• écriture et lettres « attachées » moins bien réalisées que les lettres « détachées » : on note une
nette aggravation du trouble en cursive ou en
anglaise (meilleure réalisation relative des
lettres bâtons et des majuscules d'imprimerie) ;
• dessins encore plus altérés que le graphisme.
Aucun de ces signes, pris isolément, ne peut
suffire à faire le diagnostic (cf. tableau 1.1). C'est
dire qu'en présence d'un trouble ou d'un retard
31
g­ raphique avéré et significatif (c'est-à-dire attesté
par au moins un test étalonné, normé), c'est
d'abord une démarche de diagnostic différentiel
[18] qui s'impose.
Une fois la dyspraxie affirmée, décider sous
quelle forme doit s'effectuer la prise en charge de
la dysgraphie reste complexe : il faut d'abord bien
prendre conscience de la double signification, en
français, du mot « écrire » et de la place du graphisme manuel dans les apprentissages scolaires.
Ensuite, il faut établir quelles sont les différentes
fonctions de l'écrit afin de déterminer, au plus
près des réalités de chaque enfant, quelles situations d'écrits constituent pour lui un handicap,
de quelle nature et de quelle intensité. Enfin, nous
détaillons dans quelles conditions l'ordinateur
peut constituer une aide efficace à l'école.
Les deux versants du terme
« écrire »
Le terme français d'« écriture » est très ambigu,
désignant à la fois :
• le geste graphomoteur (et donc la praxie correspondante) : il s'agit de « dessiner » les lettres.
« Écrire bien », dans cette acception, signifie
écrire joliment, de manière lisible et agréable,
voire esthétique (lettres bien formées, présentation conforme aux standards culturels). On
félicite les très jeunes enfants qui réalisent de
« beaux cahiers », agréables à regarder. Celui qui
fait de jolies lettres à la main et réalise une belle
mise en forme (aspect visuel et artistique) fait
de la calligraphie ou, s'il s'agit d'imprimerie, de
la typographie (choix de la police, de la casse, de
la couleur, mise en forme…) ;
• l'activité intellectuelle (élaboration de la pensée),
associée à une activité linguistique (production
d'un texte) : il s'agit là de traduire en mots et
en phrases bien formées linguistiquement une
pensée dont la trace permanente en permet
la transmission à distance (géographique ou
chrono­
logique). Un texte « bien écrit », dans
cette acception, réfère à une langue claire et/
ou qui traduit au plus près la pensée de l'auteur,
ses émotions, ses opinions, ses expériences. Le
contenu (la pensée) autant que les choix linguistiques contribuent à la qualité du texte. On
parle d'un « beau texte » quand auteur et lecteur
Mazeau M, Pouhet A. Neuropsychologie et troubles
des apprentissages chez l'enfant : du développement
typique aux « dys- ». Paris : Masson ; 2014. p. 161–163.
48
Chapitre 3. Écrire
peuvent en partager le contenu linguistique,
idéique et émotionnel. Celui qui produit un
texte est un auteur (ou un poète).
Lorsqu'il s'agit d'écriture, il faut donc toujours
préciser clairement si l'on évoque :
• soit la forme de surface, le graphisme manuel, la
calligraphie, c'est-à-dire le geste graphomoteur,
la praxie qui consiste, à l'aide d'un outil scripteur, à tracer les lettres ;
• soit le contenu, l'aspect linguistique et sémantique de l'écrit, transmission de la pensée, à
l'aide de symboles arbitraires mais conventionnels, dont la trace est durable32.
Le contenu (le fond) de ce qui est écrit est en
effet tout à fait indépendant de la forme de surface, de la façon dont les lettres sont réalisées. Que
nous importe comment le Prix Nobel de littérature a matériellement laissé trace de son texte :
avec un feutre, un stylo ou une craie, en anglaises
avec des pleins et des déliés ou en majuscules
d'imprimerie, en lettres latines ou cyrilliques, en
tapant sur le clavier de son ordinateur, en utilisant
ou non son correcteur orthographique, ou même
en dictant à son secrétaire ou à son ordinateur.
Pour éviter toute confusion, nous appelons
désormais la forme de surface (le geste de tracer
les lettres à la main) le graphisme manuel. L'activité intellectuelle et linguistique qui conduit à
produire un texte est, elle, désignée par le terme
de production d'écrits.
Certains, tel Lurçat [52], supposent un lien
obligé entre le geste graphomoteur et l'activité
linguistique attachée à la production d'écrits,
le premier étant conçu comme facilitateur de la
seconde, aussi bien dans la phase d'apprentissage
de l'écrit qu'ultérieurement dans les activités de
planification de texte et de production d'écrits.
Cette croyance a d'ailleurs alimenté certaines
techniques pédagogiques au décours du CP. Il est
montré en effet que, chez l'enfant valide, la réalisation du geste graphomoteur associé à la lecture
des graphèmes correspondants contribue, par la
multiplication des stimuli cohérents et convergents (kinesthésiques, proprioceptifs, visuels et
phonologiques), à faciliter l'intégration et l'automatisation du lien oral-écrit. Ainsi, récemment
[85], Graham et Hebert (2011) ont montré un lien
32
de réciprocité, en spirale, entre apprentissage de
l'écriture et de la lecture. Ceci est incontestable
chez le sujet typique.
La question se pose cependant très différemment chez les enfants atteints de troubles du geste,
puisqu'il est très peu probable que leurs gestes –
mal coordonnés et mal contrôlés – leur apportent
des informations cohérentes avec celles fournies
par leur vision et la phonologie ou puissent faciliter tout autre apprentissage, qu'il s'agisse de lecture ou autre.
Nous verrons au contraire à quel point l'écriture manuelle (par le biais de la double tâche,
cf. p. 21) constitue pour eux un obstacle à tout
apprentissage.
On peut même avancer que la réalisation gestuelle imparfaite du jeune dyspraxique va d'une
part parasiter les informations visuelles et phonologiques qui, isolément, auraient été pour lui
des informations fiables et d'autre part accaparer
l'essentiel de ses ressources attentionnelles, aux
dépens des informations visuelles et phonologiques.
Enfin, nous disposons, depuis plus de cinquante
ans, de l'expérience de jeunes qui, incapables
d'aucune réalisation gestuelle (jeunes quadriplégiques, enfants souffrant d'amyotrophie spinale
infantile [ASI], etc.), apprennent à lire, puis à
écrire (avec un matériel adapté) avec facilité, souvent même précocement, alors même qu'ils n'ont
jamais pu tracer la moindre lettre ni faire aucun
geste approchant.
« Les résultats ont pointé, chez ces
enfants ASI, la force du raisonnement
hypothético-déductif sans avoir recours
aux manipulations. […] [L'ensemble des
études] a mis ici en évidence chez ces jeunes
enfants une supériorité du développement
des cognitions spatiales par rapport à la
population témoin du même âge. »
P. Jouinot, et al. [53]
Cependant, il est indéniable que, chez l'adulte
tout-venant, la façon la plus commune mais aussi
la plus facile, la plus simple et la plus courante
de donner une forme concrète à une production
C'est cette permanence de la trace qui distingue
langue écrite et langue orale.
49
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
pratiquement sans contrôle attentionnel, libérant
ainsi des ressources cognitives suffisantes pour
assurer les tâches de haut niveau.
écrite, c'est de la réaliser par graphisme manuel.
Actuellement, de plus en plus de personnes produisent de l'écrit à partir de leur ordinateur,
mais ces scripteurs peuvent aussi écrire à la main
lorsque le besoin s'en fait sentir : l'ordinateur est
pour eux une alternative choisie, qui répond à
certains besoins, mais qui ne remet pas en cause
l'utilité, la simplicité et l'efficacité du graphisme
manuel au quotidien. Mais celui-ci ne se développe pas « spontanément » ni par une simple
exposition à l'écrit. Le graphisme manuel résulte
d'un enseignement particulier qui s'inscrit au tout
début de la scolarité et qui débouche, normalement, sur l'automatisation du geste graphique.
Pourquoi apprendre le graphisme
manuel ?
Place du graphisme dans
les apprentissages
Le graphisme manuel est
une praxie complexe
Le graphisme manuel nécessite un enseignement
explicite, intentionnel et systématisé de la part des
adultes en direction des enfants, enseignement
sans lequel cette habileté ne se développerait pas :
c'est bien une praxie (cf. p. 16–18).
Cet apprentissage dépend d'un entraînement
progressif et intensif : souvent débuté en moyenne
section de maternelle, systématique et pluri-­
hebdomadaire en grande section, il se poursuit
tout au long de la première année de primaire
(CP) et souvent même encore en CE1. Ces exercices soutenus et réguliers durant en moyenne
trois années consécutives sont indispensables, car
les enfants doivent acquérir une gestuelle fluide
et précise. Il leur faut effectuer des enchaînements
gestuels rapides, au tracé parfaitement déterminé
et rigoureux : ils doivent être capables de produire
les détails pertinents et significatifs du dessin de
chaque lettre (permettant de distinguer le a du
d, le n du h, le n du p, le e du c, le k du h, etc.).
Les enfants tout-venant, selon leur habileté, commencent à automatiser (en partie) leur graphisme
manuel dans le courant du CE ou en début de CM.
Ensuite, le graphisme subit une dernière transformation à l'adolescence, se personnalisant et reflétant alors le style de chacun.
Ce n'est donc habituellement qu'à partir du CE
que le geste peut être produit de façon routinière,
50
Contrairement à la lecture, les mathématiques
et les connaissances académiques, le graphisme
manuel est le seul des apprentissages scolaires
à n'être pas enseigné pour lui-même : il n'a donc
pas du tout le même statut que la lecture ou les
mathématiques. Son apprentissage n'est pas
motivé par l'intérêt qu'il y a à écrire joliment,
puisque notre enseignement n'inclut nullement la
calligraphie dans les programmes. La motivation
du long apprentissage du tracé des lettres réside
uniquement dans l'obtention d'une automatisation (totale ou relative jusqu'en fin de primaire) de
leur réalisation graphomotrice, puisque c'est là la
condition d'un graphisme utile et efficace.
En effet, le graphisme manuel sert « d'outil
pour » (pour prendre des notes, produire des
textes, disposer d'une mémoire externe, cf. p. 62)
et il ne peut remplir ce rôle que s'il est parfaitement maîtrisé et automatisé (ne réclamant pas ou
peu de ressources attentionnelles). Le graphisme
manuel, une fois automatisé, est en effet le support
de la réalisation de tâches de haut niveau permettant les apprentissages.
Car c'est la production d'écrits, la trace écrite
qui est visée par la scolarité et non le graphisme
manuel en tant que tel. L'importance attribuée
au graphisme manuel au tout début de la scolarité tient donc essentiellement au fait qu'il est
capital de disposer d'un outil fiable, performant et automatisé pour produire de l'écrit.
C'est ce statut particulier qui incite, en cas de
handicap graphique, à mettre rapidement à disposition de l'enfant tout autre outil qui lui permette
de remplir les mêmes fonctions. C'est ce statut particulier du graphisme manuel à l'école qui autorise
l'usage d'un ersatz, d'un palliatif (l'ordinateur) ou
même qui justifie qu'on s'en passe chaque fois que
possible (recours à l'oralisation, à un secrétaire,
aux photocopies).
Chapitre 3. Écrire
Progrès en graphisme manuel et
écart à la norme
Car un outil peut facilement en remplacer un
autre, à condition qu'il soit bien maîtrisé
(cf. chapitre 9) et qu'il remplisse parfaitement
les objectifs visés (cf. tableau 3.2, p. 52).
Cette formulation (pathologie stable et définitive) doit être explicitée. Elle signifie que l'anomalie initiale (le déficit) ne va spontanément ni
guérir ni s'aggraver : elle est une particularité
du développement neurocognitif de cet enfantlà et constitue une caractéristique de son économie p­ sycho-intellectuelle. Au contraire, les
conséquences de l'anomalie initiale (le handicap), elles, peuvent évoluer au cours de la vie,
en fonction de l'âge et de la maturation d'une
part et des exigences scolaires et sociales
d'autre part.
La maturation et l'expérience de l'enfant permettent habituellement une diminution relative et partielle de l'intensité des symptômes.
L'enfant, en grandissant, est moins malhabile,
réalise à peu près correctement de plus en plus
de gestes : « il fait des progrès ». Mais, simultanément, avec l'âge, les exigences sociales et scolaires augmentent et donc, paradoxalement, le
handicap (résultante de la confrontation de la
particularité délétère du sujet et des nécessités
sociales) s'aggrave.
Tant que cette praxie n'est pas
acquise, l'enfant qui doit écrire
est en double tâche
Ce n'est en effet qu'une fois le geste graphomoteur (visuo-practo-spatial) suffisamment automatisé que l'enfant sera disponible pour les tâches
intellectuelles et linguistiques de haut niveau
(orthographe, syntaxe, élaboration d'un texte,
­compréhension, mémorisation…) qui sont in fine
la véritable motivation de la scolarité.
D'ailleurs, en fin de grande section de maternelle et en tout début de primaire, les enseignants
savent bien, par expérience, qu'il leur faut séparer
les deux tâches, celles qui concernent le savoir-faire
(exercices de graphisme) et celles qui concernent
les aspects conceptuels, à savoir l'attention au
sens (sémantique) ou aux aspects linguistiques
(production d'écrits). Ce n'est qu'à partir du CE
que la trace écrite commence à être utilisée, très
progressivement, comme support pour un autre
apprentissage (l'orthographe). Auparavant, l'entraînement graphique est demandé isolément,
les exercices graphomoteurs (lignes de boucles,
de telle ou telle lettre, de tel ou tel mot…) réclamant pour eux-mêmes l'entièreté de l'attention de
l'enfant.
Durant cette période, où ces praxies sont en
cours d'apprentissage, le graphisme manuel est
lent, laborieux, de médiocre qualité et génère une
importante fatigabilité. Normalement, après une
longue phase d'entraînement, ces défauts disparaissent pour laisser place à un geste harmonieux,
fluide, rapide et ne nécessitant pas (ou peu) de
contrôle attentionnel.
Exemple
Citons le très intéressant travail de Jolly,
Huron et Gentaz [4], où l'évolution du graphisme d'une jeune dysgraphique (TAC) est
comparée à des groupes contrôles de fin de
grande section de maternelle, de CP et de CE1
(figure 3.1). Leurs résultats montrent qu'en
dépit des rééducations, l'écart entre les productions manuscrites de l'enfant TAC et des
enfants typiques tend à s'aggraver avec l'âge.
Les auteurs concluent : « Notre observation
suggère (i) que l'enfant avec TAC atteint un
niveau stable qui reflète son habileté graphique maximale et (ii) qu'au-delà de ce
niveau plafond, la remédiation n'apportera
pas de bénéfices. »
Or, certains enfants ne pourront jamais acquérir ces praxies, c'est-à-dire automatiser leur
geste graphique : ces enfants ne souffrent pas
d'une insuffisance d'enseignement ni d'entraîne­
ment, ils souffrent d'une pathologie neuro­
développementale stable et définitive, une
dyspraxie.
Car si les « progrès » ne permettent pas à l'enfant de se rapprocher du niveau d'efficience
habituel de ses pairs, au contraire l'écart à la
norme peut s'accroître (figure 3.2).
51
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
Nombre de pauses
0,60
0,50
Nombre de moments statiques
0,40
15,00
0,30
0,20
10,00
0,10
0,00
5,00
GS
0,00
GS
CP
CP
CE1
CE1
durée du crayon en l’air (m)
1,00
Nombre de mouvements lents
0,80
10,00
0,60
0,40
5,00
0,20
0,00
GS
CP
0,00
CE1
GS
Nombre de pics de vitesse
CP
CE1
distance (cm)
15,00
8,00
6,00
4,00
2,00
0,00
10,00
5,00
0,00
GS
CP
GS
CE1
CP
CE1
Figure 3.1. Évolution du graphisme d'une jeune fille dysgraphique (traits noirs) et d'un groupe
contrôle (traits grisés).
Évolution moyenne,
« normale »
Niveau
de performance
L’écart à la norme s’accroît
Évolution
de l’enfant DVS
L’enfant progresse
T1
T2
Temps, âge…
L’enfant est
proche de la
norme …
Le décalage à la
norme se constitue
et se creuse
Figure 3.2. Interpréter les progrès de l'enfant.
52
Malgré les progrès,
l’écart à la norme
s’accroît
Chapitre 3. Écrire
il s'agit d'une épreuve étalonnée d'accélération
du graphisme (« Je respire le doux parfum des
fleurs »). La capacité à accélérer reflète la capacité à tracer les lettres sans (ou avec très peu de)
contrôle attentionnel. L'enfant qui ne peut pas
accélérer montre qu'il a besoin d'un important
temps de contrôle (ou d'ajustement) sur son geste.
Il faut donc bien distinguer, dans les performances de l'enfant, celles qui représentent un progrès de l'enfant par rapport à lui-même et celles
qui lui permettent de progresser par rapport à la
norme.
Exemples
 Un enfant de 5 ans qui ne sait pas s'habiller ne se trouve pas en très grand décalage
avec les autres du même âge (cela ne constitue donc pas un handicap notable). Mais si, à
8 ans, il arrive à mettre seul son pantalon et
son anorak (ce qui constitue pour lui un progrès important), il est cependant très marginalisé par rapport à ses camarades s'il doit
demander de l'aide au sortir de la piscine pour
mettre ses chaussettes, boutonner sa chemise
et fermer sa fermeture Éclair. En dépit de ses
progrès, le handicap s'est aggravé.
 Un enfant de 5 ans très dysgraphique qui
écrit maladroitement son prénom en grosses
lettres majuscules mal formées est peu marginalisé en début de grande section de maternelle. Si, en CE2, il progresse suffisamment
pour produire un graphisme lisible en cursive, mais qu'il est lent et en permanence en
double tâche (cf. p. 21, 70), le handicap scolaire est bien plus important qu'il ne l'était à
5 ans, en dépit des « progrès ».
En outre, écrire en permanence en classe à sa
vitesse maximale est générateur d'épuisement
rapide et ne laisse aucune disponibilité pour les
tâches de haut niveau.
Comprendre et limiter
le handicap scolaire lié
à la dysgraphie
Évaluer le handicap secondaire à la dysgraphie, la
gêne induite et les répercussions prévisibles dans
les apprentissages est un temps capital pour guider
les choix rééducatifs. Car le « savoir écrire » indispensable pour effectuer une scolarité convenable
se décline en fait sous de nombreux aspects. En
effet, le graphisme manuel peut se réaliser dans
différentes conditions, ressortant d'objectifs très
variés : il faut donc évaluer dans quelle mesure
certains de ces objectifs peuvent être compromis par la dysgraphie et comment y remédier au
mieux.
Enfin, ces écrits doivent généralement être réalisés en temps limité et la lenteur peut avoir aussi
des conséquences sur la qualité des apprentissages.
C'est donc par rapport à la norme et aux exigences (sociales et scolaires) auxquelles l'enfant
est soumis que l'on doit interpréter l'intensité du
handicap et juger des progrès constatés – qu'il
s'agisse de progrès spontanés ou après rééducation (cf. figure 3.2).
Ainsi, il faut évaluer (selon l'âge, le niveau et le
projet scolaire) non seulement la qualité du graphisme, sa lisibilité et sa vitesse (la lenteur est en
soi un handicap scolaire très invalidant, cf. p. 70),
mais surtout son automatisation, critère fondamental pour justifier l'utilisation du graphisme
manuel lors des apprentissages.
Les cliniciens ne disposent pas actuellement
de tests étalonnés leur permettant d'apprécier
directe­ment le degré d'automatisation du graphisme manuel auquel est parvenu un enfant.
Nous disposons cependant d'un reflet indirect de
cette capacité à automatiser le tracé des lettres :
Différentes conditions
de production de l'écrit
On peut distinguer différentes manières de réaliser de l'écrit ou différents contextes dans lesquels
l'écrit s'actualise à l'école :
• la copie (directe ou différée) ;
• la complétion de phrases ou de textes (phrases à
trous) ;
• la dictée ;
• la prise de notes (pour les plus grands) ;
• la production à partir de la pensée de l'élève
(expression écrite).
53
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
copie directe, puisque seule une exploration du
modèle est requise (celle-ci peut s'effectuer avec
quelques fixations plus ou moins précises). Mais
cette stratégie sollicite davantage la mémoire de
travail visuelle et visuo-spatiale.
Dans les deux cas (copie directe ou différée),
il faut distinguer les modèles situés sur un support dont la distance et l'orientation sont fixes
(tableau) ou au contraire manipulables au gré de
l'enfant (étiquette, fiche, cahier ou livre posé à
son côté) : ceci a d'importantes implications sur
le plan visuel (en termes d'acuité visuelle, d'oculomotricité, de stratégie du regard) et donc sur la
performance que l'enfant peut réaliser.
De même, le fait que le modèle soit disposé horizontalement (cahier ou livre posé sur le bureau)
ou verticalement (tableau, écran de l'ordinateur,
page ou manuel posé sur un pupitre, cf. figure 3.3,
« Cahier couleur » en fin d'ouvrage) peut avoir
une influence déterminante chez certains jeunes
atteints de DVS, en fonction d'éventuelles anomalies de leur champ visuel et/ou de difficultés particulières à calibrer leurs saccades dans un plan ou
l'autre de l'espace.
Il est très important en effet de distinguer ces
différentes conditions de réalisation du graphisme, car si toutes demandent de tracer des
lettres, elles ne requièrent cependant pas les mêmes
capacités sensori-motrices et cognitives. Certaines
situations peuvent mettre l'enfant en très grande
difficulté, alors que d'autres peuvent au contraire
lui autoriser une performance beaucoup plus
proche de la normale (cf. p. 10–11).
Copie
C'est un exercice scolaire extrêmement fréquent,
surtout en primaire, car il est utilisé à de nombreuses fins, telles que focaliser l'attention de l'enfant (sur une consigne, l'orthographe, un concept)
ou lui procurer les écrits dont il aura besoin pour
apprendre ou réviser. Chez les plus jeunes, il s'agit
aussi de les entraîner aussi bien à la lecture (du
texte à copier) qu'à la rapidité et à la qualité du
graphisme manuel.
La copie peut être (cf. p. 128) :
• une copie directe : le modèle est sous les yeux
de l'enfant. Les plus jeunes (en primaire) effectuent souvent alors une copie lettre à lettre ou
élément par élément. Sur le plan neurovisuel,
cette copie impose de nombreux allers-retours
avec des fixations très précisément calibrées
(sur telle lettre, puis sur la suivante, etc.). Pour
les enfants souffrant de DVS avec troubles du
regard (troubles de l'oculomotricité et/ou de la
stratégie du regard), c'est une tâche épuisante
qu'ils ne réalisent souvent que partiellement,
avec une grande lenteur et de nombreux oublis
de lettres et/ou de mots (cf. p. 105). Les effets
positifs attendus via la tâche de copie sont alors
illusoires ;
• une copie différée : l'enfant doit observer le
modèle qui est ensuite soustrait à sa vue. Il doit
ensuite le reproduire en mémoire immédiate.
Habituellement, il s'agit de mots entiers, de
segments de phrases ou de phrases entières. La
charge neurovisuelle est alors beaucoup moins
importante.
Nota. – Les exercices de transformation de
phrases ou de textes (exercices de grammaire ou
de style) s'apparentent à une copie (de phrases et/
ou de textes), qui peut être directe ou différée,
copie à laquelle s'ajoute le travail linguistique ou
grammatical. Cependant, l'oculomotricité est
beaucoup moins sollicitée que dans le cas d'une
Des dissociations dans les performances en copie
selon les conditions matérielles et le contexte
doivent donc être recherchées : elles doivent être
systématiquement exploitées et servir de base à
la conception personnalisée des adaptations à
l'école.
Que proposer ?
Pour de nombreux enfants, en particulier ceux
qui présentent des troubles du regard et/ou une
pathologie neurovisuelle, la copie :
• est rapidement épuisante ;
• réclame un coût attentionnel prohibitif, ne permettant pas de réaliser les objectifs pour lesquels la copie est instituée.
Dans ces cas, il faut donc bannir cette activité :
si l'enfant a besoin d'un écrit pour apprendre
(résumé de la leçon, poésie…), on peut, selon les
cas, soit lui fournir des photocopies, soit utiliser
un secrétaire.
Il faut aussi toujours se rappeler que, chez ces
jeunes dyspraxiques, la focalisation de l'attention
passe d'abord par l'écoute : il est donc capital que
cette écoute, en classe, ne soit pas obérée par une
54
Chapitre 3. Écrire
tâche concurrente (la copie), qui, pour eux, n'a
aucune justification (puisque ni l'amélioration
du graphisme, ni la focalisation de l'attention, ni
aucun apprentissage n'est favorisé par la copie).
Il est cependant difficile, concrètement, de dispenser l'enfant de toutes les tâches de copie qui
peuvent occuper en classe un temps très important : l'enfant accepte mal de ne pas faire comme
ses camarades et l'enseignant peut avoir l'impression que l'enfant est inoccupé. La question de
savoir quelles activités lui proposer durant les
temps de copie est donc importante.
On peut suggérer, selon les cas et le projet de l'enfant, des exercices d'entraînement à l'ordinateur,
ou de commencer l'apprentissage de la leçon si des
photocopies ont pu lui être fournies, ou de terminer
un travail que l'enfant (lent) n'aurait pas pu finir en
temps utile, ou de commencer ses devoirs, etc.
Enfin, si la copie s'avère incontournable, on aménage la situation : apprentissage de stratégies plus
économiques sur le plan visuel, telles que la copie différée, entraînements visuels (et rééducation orthoptique si nécessaire), aménagements structurant
le modèle et guidant le regard (repères de couleur,
augmentation de la taille de la police, augmentation
des espaces intermots et interlignes…), utilisation
de pupitre pour verticaliser le modèle (figure 3.3, cf.
« Cahier couleur » en fin d'ouvrage), etc.
Dans tous les cas, la mise en place de ces aménagements suppose une anticipation des activités
prévues. Il faut scanner les textes et les reconfigurer, les surligner, les coloriser (cf. figures 3.3,
3.4, 3.5 et 3.6, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage),
préparer les photocopies, puis les numéroter
et les classer, etc. Ces adaptations, très utiles,
voire indispensables aux jeunes dyspraxiques,
demandent donc au quotidien beaucoup de temps
de préparation.
Complétion de phrases
(ou de textes)
Souvent utilisés pour des exercices de vocabulaire,
de grammaire et de conjugaison, les exercices à
trous constituent une facilité pour ceux qui sont
lents ou très dysgraphiques, puisqu'ils n'ont que
très peu de mots à réaliser en graphisme manuel.
C'est donc un bon choix, aussi bien pour un
entraînement (en orthographe, en grammaire)
que pour les contrôles de connaissances dans de
nombreux secteurs des apprentissages.
Que proposer ?
Favoriser les exercices à trous demande que les
exercices ou contrôles soient spécialement préparés – par l'enseignant, les parents ou l'AESH –
pour permettre une complétion en graphisme
manuel ou, le plus souvent, sur ordinateur. Il faut
alors prévoir des présentations type « formulaire »
qui permettent de remplir des espaces prévus à cet
effet (cf. figure 8.1).
Cela suppose que du temps puisse être consacré
à la préparation du travail de l'enfant DVS par des
personnes suffisamment compétentes et bien formées aux différentes possibilités et utilisations des
traitements de texte (parent, enseignant, AESH
formé, souvent par l'ergothérapeute).
Figure 3.3. Exemple d’adaptation pour la copie en classe.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
55
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
Ce soir, monsieur Lapin a peur d'aller se coucher.
Il vient de lire dans son journal
Une nouvelle terrifiante ! LE LOUP
EST REVENU !
Figure 3.4. Adaptation du modèle en vue d'une tâche de copie.
De Pennart G., Le loup est revenu !, Kaléidoscope, 1994.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
a
Figure 3.5a. Mélanie, la petite souris noire.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
56
Chapitre 3. Écrire
b
Figure 3.5b. Un séjour à la montagne.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
Figure 3.6. Colorisation alternée de lignes.
De Pennart G., Le loup est revenu !, Kaléidoscope, 1994.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
57
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
solution parmi différentes propositions orthographiques). Bien sûr, cela limite au minimum la production écrite de l'élève (il entoure ou se contente
d'un signe qui marque la bonne réponse), mais
on risque aussi de favoriser la mémorisation des
formes orthographiques fautives qu'il doit lire,
analyser et comparer à la bonne forme.
En ce qui concerne l'orthographe grammaticale, l'apprentissage oral, puis la récitation des
règles remplacent avantageusement leur copie.
Ensuite, il faut, comme pour l'orthographe
d'usage, proposer l'épellation, la complétion ou la
transformation de phrases (en graphisme manuel
ou à l'ordinateur).
Dictée
Exercice traditionnel d'apprentissage et de
contrôle des connaissances orthographiques, la
dictée a ceci de particulier, par rapport à la copie,
qu'elle ne réclame aucune afférence visuelle préalable : c'est pourquoi, paradoxalement, beaucoup
de jeunes qui présentent des troubles neurovisuels sont moins gênés en dictée (ou en expression
écrite) qu'en copie.
Rappelons cependant que la construction du
lexique orthographique est sous la dépendance
des compétences de calibrage des saccades de
fixation lors de la lecture (cf. p. 101) et peut donc
être compromise chez certains enfants dyspraxiques présentant des troubles neurovisuels
[54, 55].
S'il est en effet très important que l'enseignant
valorise et favorise l'usage de l'ordinateur qui permet aux enfants de faire leur scolarité, il est tout
aussi important, en ce qui concerne les apprentissages eux-mêmes, d'avoir vis-à-vis d'eux des
exigences qui sont les mêmes que celles imposées
à leurs pairs : c'est cette exigence qui donne sens
aux adaptations proposées, mais aussi qui en
favorise leur acceptation par le jeune lui-même et
par ses camarades de classe.
Par contre, la dictée réclame impérativement
de suivre le rythme du dicteur : l'enfant dysgraphique peut soit « décrocher » (ne pouvant plus
gérer, en mémoire immédiate, l'accumulation de
son retard), soit tenter d'accélérer et devenir alors
de plus en plus illisible.
Enfin, la relecture et la correction des erreurs
éventuelles dépendent du niveau de lecture du
jeune (cf. chapitre 5) et supposent :
• outre des connaissances orthographiques et
grammaticales explicites,
• de bonnes capacités neurovisuelles,
• et d'excellentes fonctions exécutives (inhibition d'une lecture par adressage exclusif et des
aspects purement sémantiques de la lecture), qui
ne sont vraiment efficaces dans ce type de fonction que très progressivement à partir du CM.
Que proposer ?
L'apprentissage de l'orthographe d'usage peut
être proposé oralement : dire et répéter les caractéristiques orthographiques du mot, apprendre
par cœur des listes de mots qui partagent la même
particularité orthographique ou la même étymologie, favoriser l'épellation, etc.
Pour contrôler les connaissances, on peut recourir selon les cas à l'épellation, aux phrases à trous
à compléter (cf. supra), ou à une dictée réduite en
longueur sur l'ordinateur (cf. chapitre 6).
Il est déconseillé de proposer un contrôle en
choix multiple (l'enfant doit choisir la bonne
Prise de notes
La prise de notes est un exercice très exigeant, qui
sollicite de nombreuses fonctions cognitives. C'est
la raison pour laquelle ce n'est guère demandé aux
enfants qu'à partir du collège : il faut en effet écouter (attention) et comprendre (facteur G, connaissances antérieures mobilisables en mémoire à long
terme), suivre le plan de l'orateur, puis trier et hiérarchiser les informations « on line », les r­ ésumer
et les synthétiser (fonctions exécutives, fonctions
linguistiques) et enfin les écrire, éventuellement
en abrégé (style télégraphique, abréviations). Le
tout doit être rapide (c'est une exigence fondamentale de la prise de notes) et, pour être utile,
doit pouvoir être relu avec un maximum de
fiabilité.
La dysgraphie et la lenteur graphique p­ erturbent
considérablement l'ensemble de ce processus,
dans lequel les tâches de haut niveau réclament un
fort coût cognitif. Si la tâche de bas niveau n'est pas
parfaitement et efficacement automatisée, la prise
de notes est impossible ou parcellaire et donc
inefficace.
58
Chapitre 3. Écrire
Que proposer ?
Il est généralement plus efficace, afin de permettre à l'enfant d'effectuer les opérations de haut
niveau (planification, synthèse, compréhension,
mémorisation…), de le libérer de la tâche graphique dans la fonction prise de notes. Le jeune
doit cependant pouvoir disposer des mêmes
informations que ses camarades, les notes servant
normalement de « mémoire externe ».
Il doit alors disposer des notes d'un camarade
(photocopies) ou de celles de l'enseignant si celuici y consent ; c'est le palliatif le plus efficace. Le
manuel scolaire, si l'enseignant s'y réfère, peut
aussi constituer un palliatif, à lui seul ou en
complément des photocopies. Cependant, il faut
vérifier que la mise en pages du manuel ne soit
pas trop surchargée d'informations et soit, sur le
plan typographique et visuo-spatial, accessible à
l'enfant dyspraxique. Enfin, il faut, lorsqu'elle est
accessible, privilégier la version numérique.
Le jeune peut également enregistrer le cours (si
l'enseignant y consent). Dans ce cas, il faut savoir
que la bande-son ainsi constituée peut être utilisée
comme mémoire externe (nombre de ces jeunes
souffrant de DVS apprennent beaucoup mieux en
écoutant et en réécoutant qu'en lisant ou en écrivant…). Mais la réécoute est longue et souvent fastidieuse (car complète, ou nécessitant des avances
rapides bien calibrées à la recherche de telle ou
telle information précise). Par ailleurs, le travail de
planification et synthèse reste à faire, oralement,
par le jeune. Ce doit donc rester une méthode
exceptionnelle, plutôt adaptée à des conférences,
des sorties, une panne de la photocopieuse, etc.
Dans tous ces cas, le jeune, libéré du souci du
graphisme manuel (et même, plus généralement,
de la gestion de la trace écrite), est disponible
durant le cours pour une écoute de qualité, surtout si le plan est disponible simultanément : inscrit au tableau ou entré dans l'ordinateur ouvert
devant l'enfant durant l'écoute.
Cependant, il n'est souvent pas évident, ni pour
le jeune ni pour l'enseignant, d'accepter une apparente inactivité durant le cours, alors que l'ensemble de la classe est en train d'écrire : on peut
alors lui demander d'inscrire le plan ou, s'il dispose de photocopies (ou du manuel), de surligner
les informations importantes, de noter quelques
mots clés ou éléments particulièrement pertinents.
Enfin, si le jeune est réellement très performant
à l'ordinateur et qu'il peut produire une frappe
rapide et automatisée, il peut effectuer la prise de
notes à l'ordinateur, du moins si l'orateur ne parle
pas trop vite, si les notes ne sont pas trop abondantes et/ou s'il sait utiliser efficacement une
­écriture abrégée (cf. p. 182). Cependant, à partir
de la quatrième, de la troisième ou de la seconde
(selon les matières et les professeurs), le volume
des notes, l'importante planification qu'elles réclament et leur importance dans les apprentissages ne
permettent souvent plus d'envisager l'ordinateur
comme unique palliatif (cf. p. 191).
Expression écrite (ou « production
d'écrits »)
Les exigences sont presque les mêmes que pour la
prise de notes, à ceci près que :
• la notion de vitesse et de rapidité n'est pas du
tout au premier plan de cette activité (même si
elle est en temps limité) ;
• c'est la pensée du sujet lui-même qu'il faut
mettre en forme (et non celle d'un locuteur).
Produire un écrit demande différentes opérations
mentales, en particulier la mise en forme sémantique,
puis linguistique de la pensée, une planification, une
organisation et un déroulement chronologique (ou
logique) de cette pensée, puis une vérification et des
ajustements (du plan, de la chronologie, de la syntaxe, de l'orthographe). Ces révisions successives
constituent les brouillons qui marquent l'élaboration
et la construction progressive du texte.
Dans cet exercice, le jeune dyspraxique est surtout gêné par ses difficultés spatiales qui interviennent pour mettre en œuvre et rendre visible
le plan. En effet, ratures et surcharges peuvent
rendre le brouillon inexploitable par le jeune luimême. Dans la production finale, normalement le
plan se marque par des arrangements spatiaux du
texte (paragraphes, retours à la ligne) qui lui sont
très difficiles ou impossibles à gérer, à s'approprier.
« D'autres procédés autonomisent l'écriture [par
rapport à l'oral]. Techniques typographiques
surtout : alinéas, blancs, chapitres, majuscules,
titres et sous-titres. En arrachant la parole au
temps par la spatialisation, elles en font un objet
en deux dimensions de page et trois dimensions
de volume. »
C. Hagège33
33
59
Hagège C. L'homme de paroles. Paris : Gallimard ;
1987.
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
En outre, la dysgraphie elle-même contribue à
appauvrir la production de différentes façons :
• la fatigabilité peut rendre rapidement le brouillon illisible. De facto, cela peut limiter drastiquement la production d'écrits, alors même que
le jeune a beaucoup de connaissances ou d'idées.
On peut s'en assurer en comparant productions
orales et écrites sur le même sujet. Exemple :
le jeune S., lors des épreuves de sciences économiques et sociales du baccalauréat (section
SES), obtient 8/20 aux épreuves écrites et 16/20
aux épreuves orales ;
• l'attention portée au graphisme est soustraite
aux étapes d'élaboration du texte, de recherche
des idées, des liens, de la mise en forme linguistique et de la planification de l'ensemble (double
tâche, cf. p. 21), donnant quelquefois des textesfleuves mal conçus (associations d'idées non
organisées) et plus ou moins hors sujet ;
• la lenteur ne permet souvent pas de rédiger un
brouillon détaillé, puis de le recopier : soit le
devoir est anormalement court par manque de
développements, soit il est amputé de toute sa
partie finale ;
• enfin, si le jeune n'a pas eu le temps de faire la
relecture et la dernière révision de son texte, le
devoir est entaché de fautes d'orthographe souvent grossières au sein de phrases à la syntaxe
médiocre (mal planifiées).
Que proposer ?
Il est important de préparer précocement les
enfants à la conception de plans, d'abord linéaires,
puis plus complexes, et de leur enseigner la réalisation spatiale d'un plan (mise en pages, paragraphes, pagination, niveaux de titres) et d'un
brouillon (utilisation des fonctions couper, copier,
coller…) sur ordinateur où les modifications ne
donnent lieu ni à des ratures ni à des surcharges.
Cet apprentissage, long, doit se mettre en place
très progressivement, dès le primaire, car le jeune
doit pouvoir disposer d'un outil efficace pour produire de l'écrit dès le CM2 ou le début du collège.
Or, en règle générale, ces enfants dyspraxiques
sont beaux parleurs, ils ont de bonnes connaissances générales et raisonnent bien : ils sont
donc souvent très performants dans les activités
de langue française durant le primaire, y compris en expression écrite, car les productions
demandées sont courtes et ne réclament ni réelle
mise en forme de la pensée ni élaboration d'un
plan complexe. Beaucoup de professionnels et de
parents sont alors rassurés par ces premiers succès et orientent l'essentiel de la rééducation sur
les difficultés apparentes, visibles (graphisme,
calcul, géométrie, habillage, etc.). Mais les progrès en graphisme (modestes et qui ne libéreront
jamais l'enfant de la double tâche, cf. p. 51) et en
mathématiques (qui ne seront jamais suffisants
pour autoriser une orientation dans les filières
scientifiques) sont sans effet réel sur l'avenir du
jeune.
Car à partir du collège et à long terme, ce sont en
général les résultats dans les matières littéraires
qui règlent le pronostic scolaire, puis les choix
professionnels des élèves avec DVS : il est donc
fondamental d'anticiper les difficultés à venir
dans les activités de planification, de rédaction,
de commentaires de texte et de dissertation.
Le travail rééducatif préparatoire à l'élaboration
de textes doit commencer dès le CE2 et comprend
deux volets à mener de front :
• apprentissage de la verbalisation et travail de
tous ses corollaires (mémoire de travail auditivo-verbale, regroupement catégoriel et organisation des informations en mémoire à long
terme, hiérarchisation des idées…) ;
• apprentissage de la mise en plan et mise en
forme de textes à l'ordinateur.
Enfin, de nombreux jeunes doivent utiliser un
secrétaire (leur AESH ou une personne inconnue
lors des contrôles et examens) : ces personnels
doivent être formés à ces techniques de construction et d'élaboration du texte en plusieurs temps,
en spirale (cf. figure 8.1, p. 146). Il leur faut en effet
savoir tenir leur rôle d'aide en lien avec le handicap (ici, le trouble spatial et graphique), mais sans
intervenir dans la production du jeune, ce qui est
à la fois complexe et délicat.
Schématiquement, on peut conseiller d'utiliser
la trame suivante, en cinq points34 :
• évocation en vrac, par le jeune, des idées, citations, auteurs, liens logiques, qui surgissent à
la lecture du sujet choisi. Le secrétaire doit les
noter tels quels (mots isolés, phrases avortées,
34
60
Cette stratégie ne peut pas être utilisée telle quelle
en cas de trouble neurovisuel entravant la lecture
(se reporter au chapitre 5).
Chapitre 3. Écrire
ébauche de paragraphes formés de plusieurs
phrases reliées, etc.), sous forme d'une liste
sérielle mise sous les yeux du jeune. À ce stade,
il faut que l'élève ait appris à contrôler les éventuelles diffluences par association d'idées qui
conduisent à des devoirs « fleuves » sans plan ni
structure interne, ou à des hors-sujets ;
• le jeune effectue une première ébauche de
classement des items précédemment énoncés
(pré-plan) : dans cette phase, le secrétaire doit
constituer différentes zones dans la page ou
prendre différents feuillets pour marquer chacun des regroupements conceptuels en cours
d'élaboration. Il peut, au fur et à mesure de
cette phase, biffer les items nommés dans la première « liste ». Il peut ainsi signaler oralement
au jeune tout item qui n'apparaît dans aucun
de ces regroupements, se faire préciser si l'item
est abandonné ou a été simplement oublié. Des
ajouts se font jour habituellement à ce stade,
sous forme d'idées nouvelles ou complémentaires à développer, de citations, d'auteurs, etc. ;
• le plan est désormais en cours de constitution :
le jeune nomme les différentes parties de son
devoir, signale quels éléments sont des sousensembles d'autres paragraphes, comment il
pense ordonner ses idées et les différentes parties du devoir. Le secrétaire doit, sur les indications orales du jeune, noter très clairement
ce plan sur une feuille spécialement dédiée, en
laissant des « blancs » qui permettront si besoin,
au fil du temps, de compléter, de complexifier ou de préciser les différentes parties, leur
position relative et leurs enchaînements. Cette
page (qui peut souvent être une double page)
doit ensuite en permanence rester sous les yeux
de l'élève35. S'il suggère des modifications, une
nouvelle page doit être rédigée, afin qu'il ait
toujours sous les yeux la dernière mise à jour
de son plan, propre, bien présenté et clair (il
peut être utile d'utiliser des couleurs différentes
pour les différents niveaux de titres36, surtout
si le secrétaire écrit à la main). Si le secrétaire
effectue ce travail à l'ordinateur, le dernier
35
36
plan mis à jour par le jeune doit être imprimé
en temps réel, afin d'être disponible sous ses
yeux durant toute la rédaction du texte et, le cas
échéant, être modifié et précisé (cf. p. 144) ;
• la phase de rédaction proprement dite peut
alors commencer : à partir des différents éléments déjà notés, il élabore son texte, son argumentaire, sa réflexion et les met en forme et en
phrases qu'il dicte à son secrétaire. Celui-ci lui
relit chaque phrase ou paragraphe au fur et à
mesure, à la demande. Il effectue les modifications demandées par le jeune, relit la version
modifiée, et la production progresse ainsi pas à
pas, avec aussi des retours en arrière (précisions
sur un thème antérieur, prise de conscience
d'une redite ou d'une malposition d'un argument dans le plan, etc.). C'est le secrétaire qui
effectue, au fur et à mesure, la mise en forme
spatiale du texte (paragraphes, retours à la
ligne) en fonction du plan déterminé par le
jeune précédemment (et/ou sur les indications
de l'élève) ;
• lorsque le texte est rédigé, le secrétaire propose
à voix haute une (ou plusieurs) relecture(s) d'ensemble, permettant une révision générale et les
derniers ajustements (formulations, liens entre
les paragraphes, déplacements de certaines
phrases ou paragraphes, précisions à ajouter…).
On comprend bien que ce travail doit être extrêmement personnalisé. Il atteint son apogée au
cours de l'épreuve anticipée de français, puis de
l'épreuve de philosophie du baccalauréat, mais
concerne aussi les épreuves d'histoire, de sciences
sociales, d'économie, de langues, etc. Il doit être
longuement et très progressivement préparé avec le
jeune et donne lieu simultanément à une formation
spécifique en direction des secrétaires (et AESH).
Une bonne coordination avec les rééducateurs
d'une part (apprentissage des fonctions de mise
en forme de textes à l'ordinateur, stratégies orales
de planification, entraînement de la mémoire de
travail qui est surutilisée dans ces stratégies…) et
avec les parents d'autre part (encouragements à
utiliser précocement ce type de méthodologie) est
indispensable pour assurer une bonne efficacité
à ces techniques à la fois inhabituelles, longues
et complexes. Cependant, on voit bien, lorsque
ce travail n'est pas fait, que les bons résultats en
français de ces élèves dyspraxiques ont tendance
à se déliter au fil des années (au fil des exigences
scolaires). Le passage au lycée signe souvent le
À ne pas confondre avec la stratégie de mind maping
(ou cartes heuristiques, ou cartes mentales), qui sollicite de bonnes compétences spatiales…
Certains jeunes, atteints de troubles visuo-spatiaux
importants, ont besoin que chaque partie soit portée
sur des feuilles de couleur différente.
61
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
basculement dans l'échec dans ces matières où
justement c'est l'excellence qui est attendue.
Ce travail, qui ne s'impose pas comme « évident »
lors de la première enfance puisqu'il ne correspond
alors à aucun symptôme « visible » (simplement du
fait qu'il n'y a pas encore d'exigences scolaires en
ce domaine), est pourtant le garant d'une scolarité
longue (compte tenu de l'échec prévisible dans les
matières scientifiques, cf. p. 96) et d'une orientation professionnelle gratifiante.
Il doit donc être entrepris assez tôt (aux alentours du CE2-CM) et faire partie intégrante du
projet thérapeutique si le pronostic scolaire est
bon, visant une scolarité longue et diplômante
(cf. p. 33).
Différentes sortes de textes
à produire
Outre les textes argumentatifs et de réflexion
(commentaires, rédaction, dissertations) abordés
plus haut, il peut être intéressant de repérer les
contraintes spécifiques liées à des types de textes
particuliers. Ainsi :
• les textes descriptifs réclament une représentation mentale figurative détaillée de nature
visuo-spatiale, précise et juste de l'objet (ou de
la situation) à décrire. Ces traitements visuo-­
spatiaux peuvent être difficiles, erronés ou
impossibles pour de nombreux jeunes dyspraxiques (cf. figure 8.2, p. 147) ;
• les textes narratifs peuvent être demandés soit
à partir de connaissances et de l'expérience du
sujet, soit à partir d'illustrations, voire d'histoires en images : dans cette dernière hypothèse, c'est encore la prise d'information visuelle
et/ou spatiale qui peut quelquefois constituer le
handicap premier à la réalisation de l'écrit ;
• les textes discursifs (conversationnels, théâtre,
courriers) requièrent une bonne utilisation de
la ponctuation, tirets, guillemets, etc., toutes
marques qui organisent spatialement l'écrit et
peuvent constituer un obstacle pour ces jeunes ;
• les textes prescriptifs (recette, mode d'emploi, règle
d'un jeu) doivent être informatifs : choix et hiérarchisation des informations à transmettre, impor-
62
tance de la chronologie d'apparition des informations au sein du texte, de la précision de certaines
informations (dont certaines peuvent être très spatiales, fournies sous forme de dessins ou schémas) ;
• les textes poétiques supposent de pouvoir jouer
avec le langage, les sons, la présentation typographique ;
• légender ou commenter une carte, un schéma,
un graphique (cf. tableaux 8.2, 8.3 et 8.4,
­p. 147–148, 149, 151 ; figures 3.7 et 3.8, « Cahier
couleur » en fin d'ouvrage) : il s'agit là d'un type
d'écrit particulièrement dépendant des traitements visuo-­spatiaux. Mais, contrairement aux
textes descriptifs, c'est ici sur les deux versants,
afférent (analyse et/ou représentation mentale
du sujet à traiter) et efférent (l'écrit produit doit
être placé correctement, situé précisément sur la
carte ou le graphique), que les compétences spatiales sont requises. C'est la raison pour laquelle
il s'agit souvent d'activités tout à fait irréalisables
pour les jeunes dyspraxiques.
Lorsqu'il s'agit d'un contrôle de connaissances,
on propose généralement que le jeune puisse
remplacer l'aspect figuratif par un commentaire
dans lequel il donne (oralement ou par écrit) les
explications nécessaires. Lorsqu'il s'agit d'exercices destinés à faire acquérir un nouveau concept
ou de nouveaux savoirs, on est alors obligé de
reconfigurer le matériel, qui doit être présenté sous
forme d'un texte (à lire ou à entendre, cf. p. 159).
Il est d'ailleurs à noter que ces aménagements sont
expressément prévus lors de la passation des examens : l'élève dyspraxique peut disposer d'un texte
rédigé à la place d'une carte ou d'un schéma. De
même, plutôt que de dessiner ou de légender une
carte (ou un schéma), il est autorisé à disserter sur
le même sujet.
En résumé :
Les compétences cognitives sollicitées selon le
type de tâche sont résumées dans le tableau 3.1.
On comprend facilement que les performances
de l'enfant peuvent être variables selon la tâche,
mais aussi en fonction du temps imparti, de
la longueur de l'écrit à produire, de la fatigue.
Ces fluctuations ne peuvent pas être rapportées
de façon faussement simplificatrice à la bonne
volonté ou à la motivation du jeune (« Quand il
veut, il peut »).
Par ailleurs, selon les fonctions plus ou moins
préservées ou plus ou moins défaillantes chez
chacun, on peut prévoir des aides ciblées portant
Chapitre 3. Écrire
Mer Méditerranée
Tropique
du Cancer
MAGHREB
Arabie
saoudite
Égypte
Soudan
Mer Rouge
Équateur
Tropique
du
Capricorne
Méridien de
Greenwich
Océan
Atlantique
Océan Indien
Figure 3.7. Leçon : Les cinq continents, chap. III : L'Afrique.
Objectif : Présentation du continent africain, situation, principaux reliefs.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
Air riche
en O2
et pauvre
en CO2
O2
CO2
CO2
O2
O2
Sang pauvre O2
Sang riche O2
O2
CO2
CO2
Figure 3.8. Rôle des alvéoles pulmonaires.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
plus particulièrement sur telle ou telle situation
d'écrit, on peut moduler les adaptations en fonction des besoins repérés et choisir au mieux les
tâches durant lesquelles on laisse éventuellement
l'enfant « en autonomie » sans le pénaliser.
Différents objectifs
de la production d'écrits
Les écrits produits à l'école remplissent différentes
fonctions, qui doivent toutes être préservées en
63
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
Tableau 3.1. Principales compétences cognitives sollicitées par les diverses formes d'écrits.
Copie
Complétion :
phrases,
textes
Dictée
Prise de notes
Expression
écrite
+
±
±
(grammaire)
+++
+++
+++
+
+++
Relecture
0
0
Mémoire de
travail visuelle
±
+++
0
0
0
0
Fonctions
exécutives/
planification
0
+
0
Relecture,
corrections
+++
+++
Regard/
neurovision
+++
±
+++
0
0
0
Connaissances
orthographiques
0
+
Selon l'exercice
+++
0
+
Connaissances
grammaticales
0
+
+++
0
+
Compétences
spatiales
+
0
+
0
0
++
Compétences
linguistiques
0
±
++
++
++
+++
Influence du
facteur temps
+
+
+
+++
+++
+
Directe
Différée
Facteur G.
+
Attention
visuelle
Compétence sollicitée : 0 : pas du tout ; + un peu ; ++ beaucoup ; +++ essentiellement.
cas d'impossibilité de graphisme manuel. Selon
les rôles que remplit telle ou telle forme d'écrit, on
peut proposer des palliatifs différenciés, adaptés à
l'objectif poursuivi (cf. tableau 3.2).
Il faut absolument rassurer les parents (et l'enfant lui-même) :
• d'une part, le graphisme manuel de ces enfants
s'améliore toujours un peu spontanément (cf.
figure 3.2, p. 69), même en l'absence de toute
action rééducative en ce sens ;
• d'autre part, il n'existe aucun jeune dyspraxique
qui ne soit pas capable d'écrire à la main, du
moins si :
– l'écrit peut être réalisé en un temps non
limité,
– l'écrit est court, réduit à quelques mots ou
quelques phrases,
– le sujet a le choix de la police, en particulier s'il peut écrire en « non-attaché » (lettres
bâtons, majuscules d'imprimerie),
– aucune autre tâche (en particulier de haut
niveau) n'est requise simultanément.
Écrire pour communiquer
à distance
C'est l'essence même de l'écrit que de constituer
une trace linguistique transmissible à distance (géographique ou temporelle). À l'école, il peut s'agir de
faire un courrier, tenir un journal, rédiger un mode
d'emploi, un compte rendu d'expérience, etc.
Que proposer ?
L'ordinateur répond parfaitement à ces impératifs, du moins en classe (chapitre 9). Mais la
plupart des familles redoutent que, utilisant
­l 'ordinateur, l'enfant ne soit pas capable, ultérieurement, de remplir des formulaires, de laisser un
petit mot ou de remplir un chèque, toutes situations indispensables à la vie sociale.
On note que ces quatre conditions sont exactement
à l'opposé de celles qui sont exigées à l'école…
64
Chapitre 3. Écrire
Les cours de l'enseignant, déjà sous format
numérique, peuvent aussi, grâce à une clé USB,
être directement accessibles via l'ordinateur, ce
qui règle alors le problème.
Écrire pour disposer
d'une mémoire externe
Copier un mot (mémoriser l'orthographe), un
texte, un résumé, un plan, prendre des notes (et
se relire) à partir d'un discours oral ou d'un texte
écrit, mais aussi, dans la vie courante, faire une
liste, un aide-mémoire… Ce sont là les fonctions
principales des écrits scolaires : l'enfant doit disposer de traces des informations et explications
fournies par l'enseignant, de façon à pouvoir y
revenir, faire des révisions, apprendre.
Aussi, si ses cahiers (ou classeurs) ne lui permettent pas de se relire, si ses copies ou ses notes
sont incomplètes ou erronées, ces écrits seront
inutilisables et sans objet.
Que proposer ?
Disposer de traces propres, lisibles, complètes
et bien organisées (typographie et mise en pages
adaptées aux troubles neurovisuels éventuels, cf.
p. 100–104), auxquelles l'enfant peut se référer
facilement (notes datées, rangées, classées…), est
indispensable s'il doit poursuivre une scolarité.
Ces écrits peuvent être constitués de photocopies (de bonne qualité graphique, d'une présentation simple, claire et aérée) titrées, datées, numérotées, classées, ou de textes écrits à l'ordinateur par
le jeune et collés par une tierce personne dans les
cahiers (ou classeurs), ou encore de textes écrits
(à la main ou à l'ordinateur) par la personne qui
fait office de secrétaire. En l'absence d'un AESH,
il est actuellement facile et rapide de se procurer,
via une tablette ou un smartphone, une photo du
texte qui, après aménagement, pourra ensuite être
soit relu par une synthèse vocale, soit transféré sur
l'ordinateur du jeune, soit imprimé.
Dans tous les cas, il faudra rendre accessibles
les textes (sur le plan typographique, présentation spatiale, illustrations et schémas, mise au
format formulaire, etc.). C'est bien évidemment le
travail de l'AESH de faire le secrétariat, de faire
les photocopies, de scanner les textes pour en
permettre l'aménagement en ce qui concerne la
typographie et l'organisation visuo-spatiale, de
les classer, de coller les textes produits à l'ordinateur dans les cahiers, de surligner…, travail chronophage et permanent, au quotidien. Il faut en
effet vérifier chaque jour que l'enfant dispose bien
de l'ensemble des informations nécessaires, en
des formats facilement accessibles pour lui, pour
apprendre ses leçons, faire ses devoirs, réviser.
Écrire pour focaliser l'attention
Chez l'enfant tout-venant, recopier (le texte du problème, la consigne, la poésie, un mot nouveau…)
est un moyen fréquemment utilisé pour mobiliser
son attention visuelle sur l'information nouvelle
ou pertinente. C'est d'autant plus indispensable
que la situation de classe, en grand groupe, génère
facilement une certaine dispersion attentionnelle.
La copie, au contraire, concerne chaque enfant
personnellement, l'oblige individuellement à une
attention ciblée, puis à une action qui le recentre,
pour sa part, sur le travail demandé collectivement.
Mais chez beaucoup d'enfants dyspraxiques,
l'attention visuo-spatiale, le contrôle oculomoteur, l'analyse spatiale de l'organisation du
modèle, puis enfin le tracé des lettres lui-même
constituent un imbroglio de difficultés majeures
qui compromettent d'emblée les tâches de bas
niveau, premiers maillons de la chaîne des fonctions cognitives sollicitées.
Dans ces conditions, loin de focaliser l'attention
de l'enfant dyspraxique sur l'information pertinente, la copie la dilue au contraire dans l'invisible
mais indispensable contrôle du regard et du geste.
Que proposer (cf. p. 128) ?
La copie doit donc être bannie, ou du moins évitée au maximum : elle épuise l'enfant dyspraxique
sans qu'il puisse en tirer aucun des bénéfices
attendus. Cependant, il doit, comme les autres,
être aidé pour focaliser son attention.
Pour lui, les aides attentionnelles sont alors centrées sur l'écoute et ne peuvent être efficaces que
si la collaboration médico-pédagogique est étroite,
chacun réutilisant en partie les stratégies dont
l'enfant peut s'emparer, tout en les appliquant
dans des contextes très différents. En rééducation, ces méthodes sont individuelles et visent un
renforcement des fonctions attentionnelles ellesmêmes. En classe, elles doivent être utilisables en
groupe et servir les apprentissages.
En rééducation, d'emblée, on évalue, puis on
entraîne les capacités d'attention auditive de l'enfant puisqu'on sait que ce sont ces compétences-là
qui, avec le niveau de facteur G, régleront in fine le
65
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
pronostic scolaire. En outre, capacité en mémoire
de travail auditivo-verbale et attention auditivoverbale sont intimement liées.
On propose [8], entre autres, des jeux de focalisation sur des cibles (auditives, visuelles, combinées) avec des consignes de plus en plus complexes,
un travail de répétition de syllabes, de logatomes,
de « parler verlan », de repérage d'un mot dans un
discours, de répétition de fins de phrases, etc. [57].
De nombreux logiciels, sur ordinateur, proposent
également des jeux d'attention verbale et d'entraînements de la MT auditive [58, 59]. La situation
individuelle permet d'évaluer la fatigue de l'enfant
et de calibrer les attentes en fonction de la disponibilité et de ses progrès. Il est très important, lors
de ces exercices, de lui signifier clairement quel est
le lien entre ce travail et celui demandé en classe.
En classe : après avoir attiré l'attention de
l'enfant (on convient d'un « signal », par exemple
l'adulte pose sa main sur l'épaule de l'enfant),
on peut demander à l'enfant de reformuler la
consigne, ou bien c'est l'AESH qui reformule
(informations, consignes, explications), en individuel et à voix basse, les dires de l'enseignant. De la
sorte, le discours ou la consigne collective devient
individuel, s'adressant à ce seul enfant : il est ainsi
mis en situation d'apprentissage.
L'adulte veille également à limiter au maximum les distracteurs (enfant situé près de l'enseignant et du tableau) et à rehausser au mieux les
informations ciblées, sur lesquelles doit porter
l'effort attentionnel : isolement de l'information
ciblée par un surlignage de couleur, demande de
répétition des mots clés de la consigne avant de
débuter la tâche, utilisation de pictogrammes
focalisant l'attention [56].
D'une façon générale, il ne faut pas oublier qu'à
côté des éléments auditivo-verbaux (prééminents),
on peut aussi utiliser certains stimuli visuels pour
capter ou recentrer l'attention de l­'enfant (ces
enfants y voient bien !), à condition que l'enfant
n'ait pas à produire simultanément une tâche graphique et qu'il ne soit pas nécessaire d'en faire une
analyse spatiale. C'est pourquoi l'usage – plus ou
moins systématique – de pictogrammes et/ou de
couleurs est très efficace pour focaliser l'attention.
Écrire pour maîtriser la langue
écrite
Il s'agit là d'apprendre à mettre en forme sa pensée sous une forme linguistique appropriée (au
thème, au destinataire) et conforme aux usages
culturels de la langue. C'est un travail qui s'étend
sur l'ensemble de la scolarité, prenant de multiples formes (commentaires de textes, rédactions,
­dissertations), se complexifiant progressivement.
C'est donc un objectif qui se décline en différents
sous-objectifs, concernant :
• d'abord les outils de base de la langue, tels que
le vocabulaire, l'orthographe, la grammaire et
la conjugaison. Dans ce but, on propose souvent
aux enfants de copier, compléter, transformer
ou produire des mots, des phrases ou de petits
textes.
Que proposer ?
– il faut favoriser la verbalisation, l'oral, l'épellation (orthographe lexicale), l'apprentissage
par cœur de règles (grammaire, conjugaison,
syntaxe),
– il faut aussi limiter, voire supprimer les situations de copie,
– limiter les écrits (souligner, répondre par
vrai/faux, etc.),
– recourir à l'usage de l'ordinateur, de formulaires… ;
• puis ces éléments linguistiques sont progressivement inclus dans des productions d'écrits
qui sollicitent la syntaxe, les différents styles et
niveaux de langue et les connaissances sur le
monde physique et social.
Que proposer ?
On conseille de commencer précocement la
dictée à l'adulte qui entraîne l'enfant à la transposition de l'oral à un texte écrit dont les règles
et contraintes sont différentes, y compris sur le
plan typographique ;
On note, là encore, combien la présence permanente, à temps plein, d'un AESH bien formé peut
jouer un rôle décisif dans la scolarité de l'enfant
dyspraxique, non que l'auxiliaire fasse « à la place
de l'enfant » comme on l'entend dire quelquefois,
mais parce que ses interventions méthodologiques, bien adaptées, libèrent l'enfant de toute
entrave en lien direct avec son handicap et lui permettent de valoriser ses capacités d'intelligence
et de langage pour faire les mêmes acquisitions
scolaires que ses pairs. Il s'agit donc bien de compenser le handicap.
66
Chapitre 3. Écrire
• enfin, l'élève doit être capable de produire
une rédaction ou une dissertation, c'est-à-dire
récupérer en mémoire à long terme les idées et
connaissances en lien direct ou indirect avec le
thème, faire un plan, élaborer sa pensée, choisir le style linguistique (en tenant compte de
la consigne, du sujet à traiter, de l'occasion, du
lecteur éventuel…), effectuer la mise en mots
et en phrases, ajuster la syntaxe (phrastique et
textuelle) et l'orthographe. Cela demande de
grandes compétences en sémantique, pragmatique, facteur G, fonctions exécutives…
L'élève atteint de DVS est donc en difficulté non
dans l'exercice proposé en tant que tel, mais plutôt
dans l'appropriation des formes orthographiques
[65], la conception et la réalisation d'un plan (cf.
p. 58, 59).
Que proposer ?
Des pistes de travail rédactionnel sont présentées
p. 59–61. Chez les plus grands, on utilisera aussi la
dictée vocale (cf. p. 194), après apprentissage et dans
des conditions particulières (nécessité d'isolement
ou devoirs à la maison). En effet, son utilisation
requiert d'excellentes fonctions de planification
(fonctions exécutives). En outre, la forme de surface
du plan (paragraphes, retours à la ligne, sauts de
ligne) devra le plus souvent être gérée par l'adulte.
texte (du problème, de l'exercice, de la consigne,
de l'expérience…) et, chaque fois que le devoir
s'y prête, l'autoriser à répondre par un mot, un
résultat, une marque graphique économique :
surligner la bonne réponse dans le texte, ne
mettre que l'initiale du mot, cocher la bonne
réponse, n'écrire que la terminaison du verbe,
répondre par « vrai/faux », etc. ;
• utiliser, chaque fois que possible, les QCM (questions à choix multiple) et les complétions de
phrases, qui minimisent la part d'écrit (cf. p. 55),
que celui-ci soit réalisé à la main ou à l'ordinateur
(on rappelle cependant que les propositions en
choix multiple ne sont pas adaptées pour l'apprentissage de l'orthographe lexicale, cf. p. 103) ;
• recourir surtout au verbal qui permet répétitions et apprentissage par cœur (orthographe,
listes lexicales, règles grammaticales, faits
numériques…).
Cependant, cela suppose impérativement la disponibilité d'un adulte (parent, enseignant, AESH,
éducateur scolaire ou autre) capable de s'assurer
que l'enfant s'est bien approprié le savoir visé et de
faire les corrections éventuellement nécessaires.
Il faut aussi veiller à ce que le temps mis pour faire
ces exercices (cf. p. 70) soit à peu près du même ordre
que le temps que les autres enfants y consacrent
en moyenne : au-delà, la fatigue (particulièrement
rapide et intense chez les jeunes dyspraxiques) rend
ces exercices inutiles ou même nocifs, car l'enfant
ne peut plus assimiler de nouveaux savoirs. Il peut
alors produire de nombreuses erreurs qui risquent
de parasiter la mémorisation de la notion et de compromettre l'assimilation de l'item correct.
Écrire pour faire des exercices,
faire ses devoirs
Les exercices ont pour objectif d'amener l'élève à
s'entraîner, de façon à ce qu'il parvienne peu à peu
à automatiser une production de qualité (lexicale,
orthographique, syntaxique, mathématique, etc.)
selon son âge et son niveau scolaire.
C'est pourquoi l'attribut principal de ces exercices est d'être répétitif et ciblé sur un élément précis. Par ailleurs, le fait que les exercices soient écrits
permet à l'adulte un contrôle (cf. infra) sur leur
réalisation effective, la compréhension ou l'appropriation par l'enfant de la notion travaillée et
d'éventuels ajustements ou corrections à prévoir.
Que proposer ?
Nous l'avons dit, écrire à la main (mais aussi,
quoique dans une moindre mesure, à l'ordinateur)
épuise l'enfant sans pour autant lui permettre de
faire les apprentissages prescrits, au contraire.
Nous conseillons donc de :
• limiter au maximum la charge de l'écrit et dispenser l'enfant de recopier la consigne ou le
Il faut donc réduire la quantité d'exercices d'application, en proportion de ce que l'enfant peut réaliser
dans les mêmes délais que ses camarades de classe.
D'autant que ces enfants, intelligents, très suivis
et très accompagnés sur le plan scolaire, ont souvent besoin de moins de séances d'entraînement
que certains de leurs pairs valides pour s'approprier certaines notions…
Écrire pour effectuer un contrôle
(passer un examen)
Évaluer les connaissances acquises, la façon dont
l'élève peut ou non les réemployer à bon escient,
67
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
les stratégies utilisées, repérer les méconnaissances, mais aussi les incompréhensions, les quiproquos, les erreurs, tout cela, en grand groupe –
le « groupe-classe » –, ne peut se réaliser que par
l'intermédiaire de l'écrit.
minimales sur le plan rédactionnel (mot isolé,
surlignage, résultat brut, phrases en style télégraphique…) ;
• lorsque l'élève utilise le graphisme manuel
(pour des mots isolés, des phrases à trous, des
chiffres), la qualité du tracé (grossier, difficile à
lire) et la présentation (sale, brouillonne, désordonnée) ne doivent pas entacher la notation.
Une indulgence particulière doit être demandée
en ce qui concerne l'orthographe et la qualité
rédactionnelle (prise en compte de la situation
de double tâche) ;
• s'il utilise l'ordinateur (cas le plus souhaitable),
l'indulgence ne doit plus porter que sur les
aspects spécifiquement spatiaux (présentation
et mise en forme), l'enfant étant dispensé des
épreuves intrinsèquement spatiales (cartographie, schéma, légende, graphique, géométrie) ou bien ces dernières étant spécialement
aménagées pour lui (cf. p. 10–11 et figure 3.8,
« Cahier couleur » en fin d'ouvrage) ;
• s'il fait appel aux services d'un secrétaire (avec
ou sans le recours à l'ordinateur), les tâches que
celui-ci doit remplir doivent être très précisément listées avant l'examen.
Pour la passation des examens (cf. p. 186), nous
conseillons la rédaction d'une fiche très détaillée
qui justifie et précise toutes les aides techniques
et humaines nécessaires à ce jeune-là, pour ces
épreuves-là, fiche soumise préalablement au
médecin scolaire et/ou au médecin du rectorat qui
décide des aménagements autorisés.
En effet, il existe des directives au plan national concernant l'aménagement des examens et
concours pour tous les enfants handicapés, dont
les jeunes « dys- » : le médecin scolaire doit être
contacté dans le courant de l'année scolaire (souvent dès la rentrée scolaire de l'année de l'examen
pour lequel les aménagements sont sollicités), car
c'est lui qui recommande les démarches à effectuer
et contacte les autorités compétentes. Il est également souhaitable d'informer l'enseignant référent,
à la MDPH, des aménagements qui sont demandés. En règle générale, les aides (humaines et/ou
matérielles) que le jeune utilise régulièrement en
classe depuis plusieurs années sont agréées si elles
sont justifiées par le handicap et par un certificat
médical descriptif et argumenté.
Enfin, pour certaines évaluations (lors de brefs
contrôles inopinés en classe), l'élève peut être
interrogé oralement par l'enseignant lui-même,
Lorsque le graphisme manuel est, en soi, une difficulté qui interfère négativement avec les activités de haut niveau (double tâche, cf. p. 21, 51), les
contrôles écrits n'évaluent plus les connaissances
de l'enfant, mais seulement sa capacité – ou son
incapacité – à gérer son handicap visuo-practospatial.
Que proposer ?
Comme pour les exercices et les devoirs, on
choisit une présentation de phrases à trous, des
réponses courtes et précises, on favorise l'usage
de l'ordinateur, de la fonction formulaire (cf.
figure 8.1) et des logiciels spécialisés dont l'enfant
a la maîtrise. Chaque fois que possible, on propose
un contrôle oral.
Par ailleurs, on octroie au jeune un tiers-temps
supplémentaire pour tenir compte des contraintes
imposées par le handicap, le matériel, la lenteur.
Lorsque, au cours de contrôles informels, pour
des raisons matérielles d'organisation et de planning, il n'est pas possible d'octroyer ce temps supplémentaire :
• l'enseignant diminue la charge de travail d'environ un tiers (ce qui oblige, dans la grande
majorité des cas, à repenser les consignes, les
sujets ou les questions spécifiquement pour
l'élève dyspraxique, car il est rare que la simple
suppression du dernier tiers des exercices permette de faire une évaluation des mêmes items
que pour ses pairs). Le barème de notation s'en
trouve modifié et doit être notifié à l'élève ;
• selon les disciplines et le type de contrôle, on
applique un coefficient de notation tenant
compte de la lenteur de l'élève. Il ne peut s'agir là
que d'expédients ponctuels. En effet, les jeunes
doivent apprendre à utiliser ce tiers-temps : il
faut donc mettre en place les conditions de cet
entraînement régulièrement, lors des contrôles,
et ne pas attendre le jour de l'examen pour en
faire la proposition au jeune ;
• comme pour les exercices et devoirs, il faut
autoriser explicitement le jeune à ne pas recopier
le texte ou la consigne et accepter des réponses
68
Chapitre 3. Écrire
pendant que les autres enfants répondent au
contrôle écrit. Lorsque c'est nécessaire, l'enseignant peut aussi remplir les fiches et cahiers en
lieu et place de l'enfant qui donne ses réponses
oralement. Dans certains cas, lorsqu'il s'agit de
contrôles plus informels, l'AESH peut aussi remplir ce rôle de secrétaire.
On note donc (tableau 3.2) que l'ordinateur peut
remplir toutes les fonctions de l'écrit. Cependant,
ce n'est qu'un ersatz, dont il faut bien connaître les
exigences particulières et les limites (cf. chapitres
6 et 9).
Écrire pour noter les devoirs
à faire
C'est souvent en fin de journée, ou au collège à la
fin de chaque cours, que les devoirs doivent être
très rapidement notés dans le cahier de textes,
quelquefois alors même que la sonnerie retentit et
que tous commencent à ranger leurs affaires.
L'enfant lent est là dans une situation d'une difficulté extrême, dont les répercussions vont se faire
sentir en cascade d'une activité sur l'autre : sortir
le cahier de textes et l'ouvrir à l'endroit pertinent
Tableau 3.2. Principales fonctions de l'écrit à l'école.
Types d'écrits
Communiquer
à distance
Disposer d'une
mémoire
externe
Focaliser
l'attention
Mémoriser
l'orthographe
lexicale
Courriers
Résumés
Copies
Mode d'emploi
Prise de notes
Copies itératives Copies
de mots
Dictées
Dictées
Phrases à trous
Plans
Copies
Caracté­­
ristique
essentielle à
préserver
Trace durable
À disposition
Consultable
par autrui
Consultable par
le sujet
Modalités
palliatives
envisageables
Ordinateur
Transformation
de phrases
– livre de
référence
– Internet
2. Photocopies :
notes du
professeur (+ clé
USB) ou d'un
camarade
Produire
des textes
Phrases ou
textes à
compléter ou
à transformer
Textes
prescriptifs,
narratifs,
descriptifs,
argumentatifs :
rédactions,
dissertations,
journal…
Présentation
adéquate
Focalisation
de l'attention
sur la forme
orthographique
Focalisation
de l'attention
sur la forme
syntaxique
Disposer d'un
brouillon
modifiable
pour la mise
en forme des
différentes
phases
(élaboration,
planification,
production,
révision)
À BANNIR
(l'écrit, très
coûteux pour
ces enfants
sur le plan
attentionnel,
est, en
soi, un
distracteur !)
1. Lettres
mobiles
(jusqu'au CP
environ)
Oral
+ épellation des
flexions
Ordinateur et/
ou secrétaire
formé
Organisation
interne (titre,
pagination,
classement,
rangement)
1. Manuel :
Grammaire et
conjugaison
3. Magnétophone
Ordinateur +++
69
2. Épellation
orale, recours
à l'étymologie,
lecture « flash »
(cf. p. XXX)
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
est déjà compliqué, laborieux et lent. Lorsque
l'enfant est enfin prêt, c'est l'activité de copie ellemême qui le met alors en difficulté. Souvent, la
transcription est illisible (précipitation) et incomplète, donc inutilisable (les parents et l'enfant rapportent qu'ils doivent très fréquemment téléphoner à un camarade pour avoir les informations
utiles aux devoirs). Mais il doit encore ramasser
et ranger ses affaires et soit changer de salle (au
collège), soit sortir et préparer le matériel (livres,
cahier, trousse, ordinateur…) nécessaire à l'activité suivante : il a déjà pris là un retard notable par
rapport à ses pairs, alors qu'il n'a même pas pu,
contrairement aux autres enfants, bénéficier des
quelques minutes de pause nécessaires pour passer d'une activité à l'autre. Si l'enfant dyspraxique
s'octroie ces quelques instants d'interclasse – ou de
fin de journée – pour se détendre, « décrocher » ou
discuter avec ses copains, alors cela lui est reproché, car cela s'ajoute à son retard déjà important…
Aussi, on préconise que ce soit un camarade
(dans certaines classes, une sorte de rotation entre
les enfants est instituée, évitant que ce travail ne
repose toujours sur le même camarade), l'enseignant ou l'AESH qui inscrive les devoirs à faire,
de façon que l'enfant dispose des informations
nécessaires. Dans certaines classes, l'accès aux
devoirs se fait via un site propre à la classe, ce qui
règle le problème…
sur des copies de 5 minutes, ce qui, là aussi, est
loin de refléter la réalité scolaire.
Par ailleurs, nous avons déjà signalé un test (« Je
respire le doux parfum des fleurs », cf. p. 70) qui,
outre la vitesse graphique « habituelle » de l'enfant, mesure ses réserves d'accélération, celles qui
reflètent en partie l'automatisation du graphisme,
celles qui permettent ponctuellement de rattraper
un retard, de se mettre à jour.
Or, l'enfant qui ne peut pas accélérer son graphisme manuel :
• montre qu'il a besoin d'un important temps de
contrôle (ou d'ajustement) de son geste : c'est
un indice fiable pour soupçonner qu'il est en
double tâche, même si le graphisme manuel est
d'apparence satisfaisante, lisible ;
• écrit en permanence en classe, toute la journée, à sa vitesse maximale : cette situation est
génératrice d'un épuisement rapide, ne lui laisse
aucune disponibilité pour aucune autre tâche
intellectuelle et, de fait, s'avère ingérable pour
l'enfant.
Implications générales
La lenteur est à l'origine de plusieurs éléments
défavorables :
• elle met l'enfant en décalage permanent et
cumulatif entre les activités sur lesquelles il
focalise son attention à un moment donné et
le discours (ou l'activité) de l'enseignant et du
reste de la classe. Cette désynchronisation fréquente, sinon continue, ne permet à l'enfant
de bénéficier ni des explications et consignes
orales que prodigue l'enseignant ni du travail
qu'il est en train de produire avec retard ;
• elle révèle et aggrave la situation de double tâche,
en une relation circulaire très négative : c'est la
situation de double tâche qui contribue (aussi)
à ralentir l'enfant, et lorsqu'il a pris du retard, il
n'a plus d'autre choix que de se focaliser sur la
tâche de bas niveau (le graphisme manuel) pour
essayer d'accélérer le geste, de se mettre à jour ;
• elle compromet paradoxalement les indispensables temps de repos, de détente et de socialisation si l'enfant doit finir son travail durant
les pauses ou les récréations. Lors de la scolarité primaire, l'enseignant peut plus facilement
d'une part remédier au fil de la journée aux
retards pris par l'enfant et d'autre part éventuellement réguler l'alternance des temps de
Lenteur graphique
La lenteur graphique est définie par des tests étalonnés de vitesse d'écriture : cette dernière doit
être rapportée à l'âge de l'enfant et à son niveau
scolaire. Il s'agit de la vitesse du graphisme
manuel37 (selon les tests, il peut s'agir de copie,
de répétition de mots, de dictée) évaluée dans des
conditions nettement plus favorables que la situation habituelle de copie à l'école. En effet, lors de
ces épreuves, l'enfant est en simple tâche (puisque
aucune autre tâche intellectuelle ne lui est demandée simultanément), ce qui est rarement le cas en
situation scolaire. En outre, les épreuves de dégradation avec le temps et la fatigue ne portent que
37
Il est souvent intéressant, lorsque l'enfant est initié
à l'ordinateur, de comparer vitesse en graphisme
manuel et vitesse de frappe au clavier.
70
Chapitre 3. Écrire
travail et de repos sur la journée. À partir du
collège, cette régulation est plus difficile du fait
de l'organisation par disciplines : les retards ou
les manques passent plus facilement inaperçus,
alors qu'ils s'avèrent plus graves, cumulatifs et
plus difficiles à rattraper ;
• l'enfant travaille souvent avec précipitation,
aux dépens de la réflexion : il s'épuise à noircir du papier aussi vite qu'il peut, sans rien en
apprendre… ;
• enfin, la lenteur et le retard constants génèrent
une anticipation de l'échec et un découragement profond, qui s'ajoutent au sentiment d'incompétence.
peut s'agir de dispenses de certains cours ou de
certaines matières qui ne compromettront pas le
cursus ultérieur38 ou bien de répartir les apprentissages d'une année scolaire sur deux années.
Cette dernière solution est particulièrement
intéressante et trop peu souvent utilisée. Étaler les
apprentissages sur deux ans, c'est d'abord reconnaître les difficultés de l'enfant et les prendre en
compte, permettant à l'élève de faire des apprentissages de qualité, partiels, mais qu'il complète
l'année suivante. Il faut bien sûr choisir avec soin
le moment de cette proposition qui ne peut être
renouvelée, au mieux, qu'une seule fois dans le
cursus scolaire, afin que le jeune ne soit pas en
trop grand décalage d'âge avec le reste de sa classe.
L'ensemble compromet donc inévitablement les
apprentissages, et ce d'une façon masquée, car la
gravité provient de la répétition et de la chronicité de cette situation.
Exemple
P., 14 ans, jeune fille dyspraxique, est en grande
difficulté en troisième, malgré son excellent
niveau de raisonnement et l'importance de
l'aide parentale. Elle rêve d'être journaliste et
elle possède a priori les capacités pour effectuer un cursus littéraire. Son histoire scolaire
est assez caractéristique : excellente élève en
primaire, elle est progressivement mise en difficulté par sa lenteur. Les résultats deviennent
médiocres, puis, à partir de la quatrième, franchement inquiétants : c'est dans toutes les
matières, y compris en français et en langues
(où elle était antérieurement performante),
que les notes fléchissent, puis s'effondrent.
Sur notre suggestion, le collège lui propose
alors d'effectuer sa troisième en deux ans,
afin de tenter de préserver ses chances d'admission en seconde générale actuellement
très compromises. P. et ses parents acceptent
cette proposition qui sera assortie de :
 rééducations ciblées – aide à la rédaction
de textes élaborés (cf. p. 60) – et intensification de l'usage de l'ordinateur ;
 dispenses de certains cours (dessin, mais
aussi latin et mathématiques, dans l'optique
d'une orientation vers un baccalauréat option
littéraire ou langues).
Dans le cas où l'on a l'espoir d'une scolarité
longue et diplômante (cf. p. 33), la lenteur d'écriture constitue en soi un handicap grave qui doit
être précocement pris en compte, sous peine de ruiner définitivement à bas bruit le pronostic scolaire.
Que proposer ?
D'une façon générale, il faut limiter les écrits (à
la main et/ou à l'ordinateur), ainsi que cela a déjà
été dit précédemment (procurer des photocopies,
des résumés, demander à l'enfant de ne pas recopier les énoncés et de fournir des réponses écrites
minimales, etc.).
Il faut surtout adapter la charge de travail dans
toutes les activités proposées ou presque (nombre
des exercices, longueur des dictées ou des devoirs),
de telle sorte que le travail puisse être fait dans le
temps imparti à ses camarades de classe.
Mais si ce temps en fin de primaire (CM)
dépasse le tiers-temps prévu par les textes (cf.
p. 67), il faut alors prévoir également des allégements d'emploi du temps en fonction du projet
scolaire et du projet de vie du jeune dyspraxique.
Ces aménagements du planning scolaire de
l'enfant peuvent prendre différentes formes et être
adaptés, au cas par cas, aux besoins. Les aménagements d'emploi du temps sont décidés en réunion
de PPS, avec l'accord de l'enseignant référent à la
MDPH, des enseignants et des parents. L'objectif
est d'aménager un temps de répit à l'enfant, tout en
organisant une remise à niveau pour lui permettre
de reprendre ensuite une scolarité satisfaisante. Il
38
71
Les dispenses de l'enseignement de telle ou telle discipline ne peuvent être prises en compte que si l'enfant
est reconnu « handicapé » par la MDPH et décidées par
la CDAPH. Attention cependant : certaines disciplines
sont obligatoires lors de certains examens, et l'enfant
en pourra pas en être dispensé le jour de l'examen
(cf. note 60, p. 142).
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
imparti est trop court pour lui et qu'il n'a pas
terminé, il laisse alors l'activité inachevée. L'enfant doit savoir qu'il sera autorisé à finir (ou à
compléter) ultérieurement, ou encore qu'« on »
(l'A ESH, l'enseignant, un camarade) lui fournira la suite et la fin (du cours, du corrigé…).
Cette situation, qui ne peut être que ponctuelle,
permet au jeune de conserver sa sérénité et
d'effectuer un travail certes partiel, mais dans
de bonnes conditions de disponibilité et donc
d'apprentissage.
À l'issue de la première troisième, P. passe
le brevet en histoire-géographie : elle peut
garder ses notes pour l'année suivante où
elle passera les épreuves complémentaires. Il
est possible que P. ait de nouveau besoin, au
cours des années de lycée, d'un tel dispositif,
mais son âge le lui permettra. Loin de compromettre son avenir, cela peut lui donner
les moyens d'aller au bout d'un projet professionnel gratifiant.
Croire que plus l'enfant fournit de travail, plus
il est en situation de réussite est une erreur fréquente, et lorsque les résultats scolaires de l'enfant
« décrochent », il est difficile de résister aux arguments apparemment de bon sens, du type : « Il
échoue parce qu'il fait moins d'exercices, moins
d'entraînements que les autres et/ou parce qu'il
rate certains cours » (du fait des rééducations et/
ou des allégements d'emploi du temps).
Or, l'expérience nous montre régulièrement
que de nombreux enfants handicapés moteurs
non dyspraxiques sont scolarisés à temps partiel
sans aucune influence négative sur leur cursus scolaire. A contrario, de nombreux enfants
dyspraxiques ne sont dispensés d'aucune tâche
et s'enfoncent peu à peu inexorablement dans
l'échec scolaire.
L'important est surtout que, durant les heures
scolaires, l'enfant soit réellement disponible pour
comprendre, mémoriser, apprendre, faire des
liens et qu'il rentre au domicile en ayant les éléments (cahiers, textes, informations, documents,
concepts…) nécessaires pour réviser.
C'est le travail du médecin, des rééducateurs,
des parents, des enseignants (et de l'AESH) que d'y
veiller, et cela passe, chez l'enfant lent, par le choix
d'acquisitions prioritaires (celles qui conditionneront son cursus ultérieur, ou son indépendance
sociale, ou qui permettront la réalisation de son
projet professionnel), choix qui détermine la dispense d'un certain nombre d'activités dans d'autres
secteurs.
Enfin, il faut apprendre à l'enfant à gérer, en
classe, les situations résiduelles dans lesquelles
sa lenteur peut le gêner : il faut lui apprendre à
maîtriser le stress que cela représente et il faut
qu'il arrive à s'atteler à son travail initialement
sans précipitation, à son rythme. Puis, lorsqu'il
constate que les autres ont fini ou que le temps
Mise en route d'une activité
Les adultes signalent souvent que l'enfant dyspraxique se met en retard dès le début de l'activité : décrit comme rêveur, peu attentif, lent à
commencer la tâche, l'enfant doit être sollicité à
de nombreuses reprises pour se mettre au travail.
Là encore, rappelons les différents éléments qui
se cumulent et rendent compte de cette difficulté
à initier l'activité :
• chercher, trouver, ouvrir à la bonne page ou disposer le matériel demandé, après l'avoir extrait du
cartable, de la trousse, de la case, du vestiaire ou
du bureau de l'ordinateur, constitue un véritable
challenge pour l'enfant dyspraxique (cf. p. 93),
tâche ardue dont la réalisation le laisse souvent
perplexe, perdu, désemparé. C'est pourquoi, chez
les plus jeunes, c'est encore le camarade, l'enseignant ou l'AESH qui doit sortir le livre, ouvrir le
cahier, préparer règle et crayons, cliquer et ouvrir
le dossier concerné sur l'ordinateur… Chez les
plus grands, c'est l'organisation du bureau de
l'ordinateur qui doit être conçue non comme cela
paraît « logique » aux adultes performants, mais
comme cela est utile aux jeunes dyspraxiques.
L'étayage dans ce domaine est généralement
indispensable jusqu'à la fin du collège ;
• l'enfant, presque toute la journée en double
tâche, est souvent anormalement fatigué sans
que les adultes en aient toujours nettement
conscience. Le jeune dyspraxique, du fait de sa
lenteur, ne bénéficie d'aucun des temps de repos
qui s'offrent normalement aux autres enfants,
que ce soit en cours de travail ou brièvement
entre deux activités.
Pour toutes ces raisons, l'enfant dyspraxique
doit souvent être aidé matériellement à se mettre en
route. Ensuite, il peut effectuer le travail demandé,
du moins à la mesure de sa dyspraxie.
72
Chapitre 3. Écrire
Les principales réticences
(au mépris des résultats de bilans) qu'il s'agit d'une
dysgraphie banale qui pourrait peut-être s'arranger avec du temps et de l'entraînement.
Certains proposent même de faire un essai (d'un
ou deux ans, ou jusqu'en fin de primaire) d'amélioration du graphisme manuel et de ne passer à
un autre procédé (en général, l'ordinateur) qu'en
cas d'échec. Cette attitude, apparemment de « bon
sens », est particulièrement dangereuse : il est difficile d'engager l'enfant dans un travail de rééducation du graphisme durant plusieurs années (et
d'encourager ainsi son espoir de devenir plus ou
moins apte à « faire comme les autres »), puis, à
l'adolescence et en dépit de ses progrès (cf. p. 52),
de lui proposer d'y renoncer (cf. p. 132).
Par ailleurs, il faut compter environ deux
années scolaires d'un travail rééducatif pluri-hebdomadaire (cf. p. 115) avant que l'enfant ne soit
réellement efficace en classe avec un ordinateur :
si l'on commence tard, alors que l'enfant est déjà
en échec scolaire ou en phase de décrochage,
l'échec scolaire sera consommé d'ici là…
Nos homologues anglo-saxons préconisent souvent un usage beaucoup plus tardif de l'ordinateur
(fin de primaire, début de collège), arguant qu'un
apprentissage plus tardif est aussi plus rapide du fait
d'une plus grande maturité de l'enfant, ce qui est
tout à fait évident. Mais le statut du graphisme y est
très différent. Les jeunes écrivent indifféremment en
scripts, en lettres bâtons, en majuscules d'imprimerie ou en cursives, souvent un mélange de plusieurs
polices. L'écriture cursive n'est enseignée que tardive­
ment (en milieu de primaire) et de façon accessoire.
D'une façon générale, au cours de la scolarité, peu
d'attention est portée à la calligraphie et à la présentation, peu de remarques sont faites aux enfants dans
ce domaine, peu d'exigences sont exprimées sur la
forme de surface des écrits produits. Aux États-Unis,
depuis la rentrée de 2014, 45 États ont complètement
supprimé l'enseignement de l'écriture cursive. La
plupart des enfants (et des adultes) écrivent en un
mélange de scripts et de majuscules d'imprimerie.
Seuls l'efficacité, la rapidité, l'intention et le contenu
de l'écrit sont pris en compte.
En France, au contraire, il existe toujours un
consensus très fort pour maintenir l'apprentissage
du graphisme manuel et en particulier de la police
dite « anglaise » ou « cursive » (les lettres « attachées »,
comme disent les petits). Une attention extrême
est portée à la qualité du graphisme, à la tenue des
cahiers, à la présentation des devoirs et exercices.
aux adaptations
Disposer d'écrits et être capable d'en produire
est absolument indispensable tout au long de la
scolarité. Mais les modalités à l'aide à partir desquelles sont réalisées les traces écrites peuvent
être variables : seuls comptent l'efficacité du
procédé et le respect des objectifs visés en termes
d'apprentissages. Il ne faut donc prendre aucun
risque scolaire sous prétexte de préserver la calli­
graphie.
Dans ce but, et quel que soit le moyen adopté,
doivent être prises en compte :
• la vitesse à laquelle l'enfant peut réaliser la trace
écrite (à la main, à l'ordinateur, en dictée à l'ordinateur ou à un secrétaire…), la lenteur constituant un surhandicap sévère ;
• la qualité des écrits obtenus (lisibilité, présentation, complétude…), ce qui en permettra la
réutilisation ;
• la disponibilité du jeune aux tâches de haut
niveau (automatisation) qui sont les seules réellement visées par la scolarisation, sur lesquelles
in fine l'enfant est jugé et qui seules déterminent
son avenir.
Ce sont ces trois critères simultanément qui
qualifient la gravité et l'importance des répercussions fonctionnelles, c'est-à-dire le handicap
lié à la dysgraphie, et donc qui déterminent les
mesures à prendre.
Cependant, lorsqu'il apparaît que, pour préserver
la scolarité, il faut « renoncer » au graphisme manuel
(à le rééduquer et/ou à en faire le mode habituel de
réalisation de l'écrit en classe), beaucoup de réticences se manifestent bien naturellement.
Du côté des professionnels
du soin
Les rééducateurs croient souvent, à tort, que leur
mission consiste à réduire ou à « gommer » au
mieux les symptômes. En outre, il faut souvent
se décider tôt, alors que l'enfant est jeune, idéalement en grande section de maternelle ou en début
de primaire. Les parents (et quelquefois l'enseignant ou les professionnels) espèrent alors encore
73
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
laissant sidérés des parents qui n'étaient préparés ni à l'un ni à l'autre. En outre, lorsque l'enfant
est jeune, les familles sous-estiment le problème
d'accès au graphisme, le réduisant souvent à une
question de bonne volonté et de surcroît d'entraînement, méconnaissant les conséquences délétères engendrées par le problème de la double
tâche dont ils ignorent tout (cf. p. 21).
Enfin, c'est souvent à cette occasion qu'ils réalisent à quel point il s'agit d'un véritable handicap,
avec les effets de stigmatisation inévitable que cela
induit : ils luttent alors contre cette idée insupportable en minimisant le problème, en le banalisant
ou en espérant des professionnels une « guérison »
(qui consisterait ici en une amélioration suffisante
du graphisme manuel). Dans cette quête, ils sont
souvent leurrés, d'une part par des professionnels
bien intentionnés, mais disposant d'une expérience ou d'un recul insuffisant en matière de
scolarité (cf. p. 24, 25), d'autre part par les « progrès » que leur enfant ne manque pas de faire (cf.
figure 3.2).
C'est la raison pour laquelle le délai qui est
consacré aux tests et évaluations diverses en vue
du diagnostic (plusieurs mois, voire une année
scolaire) n'est pas, comme le pensent beaucoup,
du temps « perdu » (cf. p. 7, 8) : non seulement cela
permet de poser le diagnostic et d'assurer les préconisations thérapeutiques, mais cela donne aussi
aux parents et aux différents professionnels l'occasion d'échanger, de mieux appréhender les faces
cachées du handicap, de se préparer à des décisions difficiles mais, à terme, porteuses d'espoir et
gratifiantes.
C'est la raison pour laquelle, à déficit praxique
équivalent, le handicap scolaire lié à une dysgraphie est beaucoup plus sévère et précoce en
France. C'est cette situation de handicap, particulièrement marquée et génératrice d'échec scolaire global, qui justifie la préconisation d'une
écriture clavier beaucoup plus tôt dans notre
scolarité, avant que ne survienne l'échec scolaire.
Bien sûr, cela impose que le diagnostic de dyspraxie ait été clairement posé, que la nature et l'intensité du handicap soient bien évaluées avant toute
décision (cf. p. 32). Ce sont ces éléments qui doivent
guider la décision, et non une attitude attentiste « par
essai et erreur », dont l'enfant scolarisé en France,
finalement, devra seul assumer les errements.
Enfin, en cas de doute persistant, on peut se
demander quelle erreur serait la plus dommageable à l'enfant si les décisions prises précocement s'avéraient ultérieurement erronées :
• se tromper en proposant le graphisme manuel
à un enfant qui ne pourra pas le maîtriser et
l'automatiser suffisamment : cela aura des
conséquences gravissimes, souvent irrécupérables à moyen et long terme sur le plan de sa
scolarité ;
• au contraire, se tromper en proposant une écriture clavier à un enfant qui se révélerait ensuite
capable d'exploiter efficacement le graphisme
manuel : cela a beaucoup moins d'inconvénients et ces derniers sont moins définitifs. Le
jeune disposera, outre de l'écriture manuelle,
de la maîtrise de l'ordinateur, ce qui ne peut
être, au xxie siècle, qu'un avantage.
Au total, lorsque l'enfant est très jeune (fin de
maternelle, début de primaire), si le handicap
semble « limite » et que le diagnostic et/ou le pronostic sont encore mal assurés, on doit choisir l'ordinateur : le graphisme manuel est de toute façon
travaillé à l'école et l'ordinateur sera enseigné en
rééducation, ce qui préserve l'avenir. Cela permet
à l'enfant de disposer des deux possibilités, de lui
laisser un réel choix ultérieur, sans jamais prendre
le risque de compromettre sa scolarité.
Du côté de l'enseignant
Accepter que l'enfant n'écrive pas à la main peut
être difficile.
Une information sur le handicap que constituent la dyspraxie et la situation de double tâche
est un minimum indispensable à l'enseignant qui
accueille l'enfant dans sa classe. En particulier, il
faut éviter la confusion, fréquente, entre un enfant
qui souffre d'une dysgraphie dyspraxique, et qui
présente donc un handicap, et celui qui a simplement besoin d'un entraînement supplémentaire
(cf. p. 5) ou bâcle son travail.
Mais cela peut s'avérer très insuffisant du fait de
convictions de l'enseignant…
Du côté des parents
Les réticences tiennent à différents sentiments : il
arrive que l'annonce du diagnostic de dyspraxie
et la proposition de l'ordinateur se télescopent,
74
Chapitre 3. Écrire
type : « Ce qui ne remet pas en cause le diagnostic » ou « Je ne suis pas médecin », affirmations
qui ne font en fait que souligner le scepticisme
du professeur). Dans quels autres domaines de
la médecine cela serait-il possible ?
Comment comprendre que les handicaps
cognitifs, explicitement cités dans la loi du
11 février 2005 et qui interfèrent directement
avec les apprentissages (troubles spécifiques des
apprentissages ), puissent être niés par une partie
du corps enseignant, alors même que des équipes
de soins spécialisées interviennent ?
• confusion sur les buts et objectifs visés : l'enseignant semble être très satisfait du fait que l'écriture manuscrite du jeune C. soit lisible. Mais
l'école est-elle le lieu légitime de la rééducation
d'une dysgraphie dyspraxique, six heures par
jour ? L'enseignant mesure-t-il les conséquences
délétères, à terme, de l'effet double tâche (cf.
p. 21) si ce jeune était sommé d'écrire à la main
en permanence ?
Dans d'autres cas, les professeurs qui acceptent
le diagnostic avancent leur crainte de stigmatiser40 l'enfant dans le groupe par l'utilisation d'un
matériel inhabituel, ce qui leur semble aller à
l'encontre de leur mission, qui consiste à traiter de
façon « égalitaire » tous les enfants.
Mais l'équité, pour l'enfant handicapé, ne
consiste-t-elle pas justement à lui fournir la juste
compensation du déficit induit par sa pathologie ?
Ne s'agit-il pas là d'une confusion entre égalitarisme et équité, entre égalitarisme et justice ?
L'enseignant peut être leurré par d'apparents
progrès graphiques au cours de l'année scolaire
(figure 3.2) : n'ayant pas de recul sur l'évolution
au-delà d'une année scolaire, il ne peut prendre
conscience du devenir à moyen et long terme de
l'enfant.
L'enseignant peut également être mis en difficulté par l'enfant qui veut « faire comme les
autres » (cf. infra) ou encore par les questions de
ses camarades qui interrogent devant l'ordinateur
ou les adaptations dont « bénéficie » le jeune dyspraxique, dont ils ne perçoivent pas le handicap.
Le jeune dyspraxique peut alors être perçu comme
profitant de « passe-droits », de faveurs indues et,
de ce fait, être ostracisé par ses camarades.
Exemple
Extrait du courrier du professeur principal du
jeune C. (en cinquième), adressé au service de
soins qui a diagnostiqué la dyspraxie, alors
que plusieurs réunions d'équipes éducatives
ont déjà eu lieu au collège :
« Il semble qu'il y ait un écart entre ce que
vous traduit C. et ce qui se joue ici : il est
peut-être plus facile de dire qu'on n'a pas
les feuilles que de s'efforcer (même si c'est
dur…) d'avoir ses affaires, ses livres, feuilles
et photo­copies, qu'on essaiera de classer, ne
pas perdre, ne pas oublier.
Quand ces efforts sont faits (ce qui a été le
cas aujourd'hui notamment), une dictée a pu
être manuscrite de manière lisible et prati­
quement sans faute, ce qui ne remet aucune­
ment en question le diagnostic posé (je ne
suis pas médecin), mais qui permet juste de
pointer qu'un dispositif ne peut fonctionner
sans le travail du principal intéressé. Le portable ne fera pas tout39… »
Cet exemple, pris dans un collège standard où
l'ensemble de l'équipe éducative a manifesté intérêt
et volonté de s'adapter face au handicap du jeune
C., est assez caractéristique à plusieurs titres :
• méconnaissance des difficultés d'organisation
du jeune : on suppose qu'avec un peu de bonne
volonté, il pourrait avoir ses affaires, ses feuilles
et photocopies, les classer, etc. ;
• valorisation mal comprise « des efforts, du travail » qui amèneraient à une sorte de « normalisation » (dictée manuscrite). Cette attitude
est clairement une négation du handicap. Qui
penserait à valoriser les efforts d'un enfant qui
chercherait à voir sans ses lunettes ? Pourtant,
d'autres handicaps sont admis sans contestation
(si l'on signale à l'école un enfant diabétique et
que l'on donne des conseils nutritionnels, ces
derniers sont en général pris très au sérieux).
Donc, cette attitude reflète non seulement l'invisibilité du handicap praxique, mais aussi (ou
surtout) un refus du diagnostic, qu'on s'autorise à réfuter, à nier (malgré les dénégations, du
39
Ayrault AD. Dyspraxie et précocité : limites de la prise
en charge : étude de cas [Mémoire pour l'obtention
du DU de psychopathologie des troubles intellectuels
et cognitifs chez l'enfant et l'adolescent, Pr Mazet P].
Paris : université Paris VI ; 2009.
40
75
Rappelons que ce n'est pas tant la compensation qui
stigmatise l'enfant que le handicap lui-même…
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
Lorsque cette question se pose, il est important de proposer une intervention destinée à
l'ensemble de la classe, effectuée par le médecin
scolaire, le médecin ou un rééducateur du SESSD,
l'infirmière ou le psychologue (selon la personne
qui se trouve la plus à l'aise avec la notion de dyspraxie, la plus expérimentée). Les grands enfants
(fin du primaire, collège) souhaitent quelquefois
faire eux-mêmes cette information à leurs camarades : on peut alors les aider, s'ils le souhaitent, en
préparant avec eux cette intervention.
Enfin, plus concrètement, l'enseignant se pose
la question de savoir ce que va faire l'enfant durant
les temps consacrés par les autres aux exercices de
graphisme manuel ou de copie.
Rappelons d'abord que l'enfant dyspraxique
auquel on préconise l'usage de l'ordinateur n'est
pas « interdit de graphisme » ! Ce n'est que dans
les applications où le graphisme manuel est utilisé
comme support à une tâche d'apprentissage qu'il
lui est formellement déconseillé.
Il peut donc écrire à la main pour signer son dessin, remplir un exercice « à trous » ou envoyer une
carte postale à sa grand-mère… En classe (surtout
en maternelle), il peut donc aussi participer à certains exercices de graphisme41, à condition que les
exigences (de rapidité, de qualité) soient adaptées
à son trouble. À condition aussi d'éviter d'insister
sur cette activité et sur l'importance des éventuels
« progrès » de l'enfant, c'est-à-dire de ne pas en
prendre prétexte pour le leurrer et lui donner de
faux espoirs de « normalisation ».
On peut aussi, durant ces temps, proposer une
activité alternative : produire des mots avec des
lettres mobiles, s'entraîner en lecture, terminer
un exercice en retard, commencer ses devoirs…
et, dès que l'ordinateur est introduit à l'école (cf.
p. 181), inciter à un exercice de frappe au clavier (si
possible, en lien avec le travail effectué par l'ergothérapeute).
anomalie dont il est porteur, voire même avec le
cerveau : il redoute la déficience mentale autant
que la folie et ne sait comment comprendre ce
trouble étrange et invisible qui l'entrave, le limite
en faisant de lui un être « à part ». Le refus du
diag­
nostic, de son statut de « handicapé », du
matériel qui le symbolise et le désigne aux autres
en tant que tel représente souvent la première
ligne de défense derrière laquelle l'enfant tente de
se ­réfugier.
Dans cette configuration, l'enfant se trouve en
permanence en situation de compétition négative avec les autres enfants. Il s'épuise à tenter de
masquer son handicap. Il ne lui reste que peu ou
pas de ressources pour valoriser ses compétences
préservées. Ainsi, à long terme, il n'aura acquis
aucune des stratégies qui lui auraient permis de
réussir en dépit de sa dyspraxie.
Exemple
Le jeune Q., né prématurément (grossesse
gémellaire, son jumeau est indemne), présente une IMC très discrète, se traduisant par
une très légère asymétrie de la marche. En
moyenne section de maternelle, l'important
retard graphique fait entreprendre une évaluation qui conclut à une dyspraxie. Le niveau
verbal et raisonnemental supérieur (QIV au
WISC-III = 130–135 ; similitudes, note standard
= 15), l'attention et la mémoire excellentes,
le comportement de l'enfant, curieux, motivé
par les apprentissages et d'excellent contact,
tout incite à faire le pari d'une scolarité
longue (cf. p. 33). De ce fait, nous préconisons
d'emblée la limitation des écrits manuels et
l'apprentissage du clavier de l'ordinateur. Les
parents sont très réticents.
Notre raisonnement pour tenter de les
convaincre repose sur deux arguments, que
nous déclinons sous différentes formes à chacune de nos rencontres :
 c'est parce que nous sommes persuadés du
potentiel et des capacités scolaires de leur
enfant que nous faisons cette proposition qui
leur semble si inhabituelle (mise au clavier dès
la grande section de maternelle) : il ne faut
prendre aucun risque avec les apprentissages
de Q. et surtout pas pour un objectif aussi
secondaire que le dessin des lettres ;
 plus tard, il sera toujours temps, si le besoin
s'en fait sentir ou si l'enfant le réclame,
Du côté de l'enfant lui-même
Inquiet des mots qui lui sont attachés (désormais,
il est « dyspraxique », « handicapé »), l'enfant comprend que cela a quelque chose à voir avec une
41
Il faut savoir que les exercices de coloriage (qui
impliquent précision et contrôle du geste durant une
durée assez importante) sont souvent très redoutés
de l'enfant dyspraxique…
76
Chapitre 3. Écrire
En fait, l'enfant veut surtout « être comme tout
le monde », effaçant ainsi son handicap. Mais s'il
est assez facile de comprendre ce qui anime l'enfant (et ses proches), s'il est possible de partager
leurs inquiétudes et leur sentiment d'injustice, il
faut cependant prendre conscience que cette attitude n'est protectrice qu'à très court terme et provoque rapidement échecs et désillusions.
de reprendre un travail sur le graphisme
manuel : si celui-ci s'avérait efficace (ce dont
nous doutons, mais qui ne peut être écarté
par les parents), Q. disposerait alors des deux
modalités d'écriture, manuelle et informatique,
ce qui ne peut constituer qu'un avantage.
Auprès de l'enfant, nous développons un
argumentaire complémentaire : un enfant
de petite section qui sait dessiner avec sa
main des ronds et des traits sait-il écrire ?
Non… Tenir un crayon n'est pas le gage que
l'on écrit. Moi-même, qui rédige son dossier
sur l'ordinateur, peut-on dire que je ne sais
pas écrire ? Celui qui sait écrire n'est pas forcément celui qui tient un crayon : c'est celui
qui connaît les lettres et sait lesquelles choisir
et dans quel ordre il faut les arranger. Nous
insistons sur le fait que « l'école, ce n'est pas
pour les mains, c'est pour la tête », tête qu'il a
plutôt bien faite. Il serait bien dommage que
ses mains, assez maladroites, parasitent sa
réflexion, ses apprentissages, ses acquisitions.
L'excellence de ses performances scolaires
contribue, dès le début du primaire, à rassurer tout le monde, libérant Q. et ses parents
de tout doute sur la légitimité de nos interventions. Q. utilise toutes les adaptations que
nous proposons avec une grande efficacité
tout au long de sa scolarité. À 17 ans, il a
obtenu son bac (section ES) avec une mention
« bien » et s'est inscrit à la faculté de droit.
Tous les aménagements proposés doivent être
clairement expliqués à l'enfant et soutenus par les
parents. Ils doivent aussi être explicitement exposés et encouragés par l'enseignant, qui, du point
de vue de l'enfant, est le seul à posséder la légitimité pour tout ce qui se passe en classe.
Faute de quoi, l'enfant aura toujours l'impression de tricher, de transgresser une loi implicite ou
encore, paradoxalement, de bénéficier indûment
d'un traitement de faveur. Dans ce cas, la situation
est rapidement intenable pour l'enfant : quand il
réussit, qu'il a de bons résultats, ces derniers sont
implicitement attribués aux aides dont il bénéficie
(ordinateur, temps supplémentaire, AESH, etc.),
alors que les échecs et les insuffisances sont de sa
seule responsabilité…
C'est souvent ce sentiment (cf. p. 133, 134),
associé à celui de décevoir les adultes (parents,
enseignants), qui sous-tend ce désir manifesté par
l'enfant « d'écrire à la main ». Y répondre immédiatement, sans réflexion ni discussion, c'est
rendre un bien mauvais service à l'enfant, qui le
paiera rapidement d'un échec scolaire obérant son
avenir.
En résumé, la dysgraphie est donc loin d'être
un symptôme secondaire ou négligeable. Elle
constitue au contraire un problème complexe,
dont les conséquences se manifestent en permanence – y compris sous des formes rampantes
et invisibles (la double tâche) –, exhibant aux
yeux de tous le handicap, symptôme sur lequel
risquent de se focaliser les espoirs, les exigences,
les conflits…
Il arrive que parents et enseignants, luttant eux
aussi contre la réalité insupportable du handicap, se
confortent alors mutuellement, souvent encouragés
initialement par les progrès graphiques de l'enfant
(cf. p. 51, 52). Lorsque les uns et les autres prennent
conscience de l'échec scolaire constitué, il est alors
souvent trop tard pour y remédier. C'est généralement
dans ce contexte que l'enfant, très insécurisé, « veut
écrire à la main », que les adultes (enseignants, parents,
rééducateurs…) déclarent qu'ils ne sont pas opposés à
l'utilisation de l'ordinateur dont ils comprennent l'intérêt, mais qu'ils souhaitent aussi répondre au désir de
l'enfant qui « veut écrire à la main »…
77
Compter
Chapitre
4
« Comme pour tout objet de pensée, le mode premier d'expression des nombres est celui
des mots. […] Il importe de se souvenir que les nombres, tout d'abord, se parlent. »
S. Baruk [70]
Beaucoup de parents et d'enseignants supposent
que l'apprentissage de la numération et du calcul
repose uniquement sur les capacités logiques de l'enfant, d'où la croyance socialement bien établie que
la réussite en mathématiques refléterait « l'intelligence », avec son corollaire que l'échec dans cette discipline serait la marque d'une intelligence médiocre.
Ainsi, l'arithmétique est-elle investie d'une auréole
particulière et les contre-performances de l'enfant
dans ce domaine donnent lieu à des interprétations
particulièrement négatives et blessantes.
Or, s'il est vrai que les capacités intellectuelles,
la logique et les capacités de déduction, de raisonnement, de classification et catégorisation
(facteur G, cf. note 13, p. 11) sont indispensables
pour comprendre et progresser dans ce domaine,
d'autres capacités sont également sollicitées, qui
peuvent mettre l'enfant intelligent en échec.
intrapariétaux (l'aire VIP ou aire ventrale de ce sillon et l'aire LIP ou aire latérale de ce même sillon).
De nombreuses études [7] ont confirmé cette forte
corrélation entre les performances à des tâches
spatiales et les performances en mathématiques.
C'est aussi la raison pour laquelle la plupart des
méthodes d'enseignement proposent de commencer par des activités sensori-motrices – telles que
regarder (observer), manipuler, expérimenter –,
activités visuo-practo-spatiales supposées soutenir « l'accès à l'abstraction » et systématiquement
utilisées comme une base qui serait indispensable pour amener progressivement l'enfant aux
concepts visés. L'accès au concept de nombre (ou
d'opérations) à l'école est ainsi presque toujours
médiatisé par la manipulation de divers matériels
(jetons, bûchettes, etc.) et/ou par des représentations figuratives des quantités et des transformations de collections (dessins, schémas, flèches
indiquant les relations entre les divers éléments,
dispositions particulières des éléments symbolisant les dizaines et les unités, etc., cf. p. 85).
L'apprentissage scolaire de la numération et du
calcul fait donc appel, de façon massive et systématique, d'une part aux capacités de traitement spatial
de l'enfant et d'autre part à ses capacités praxiques.
Relations entre capacités visuoL'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
spatiales et apprentissages
Depuis une vingtaine d'années [5], on sait qu'il
existe un lien fort entre capacités de localisation
spatiale et représentation de la grandeur numérique d'un nombre : évaluer la magnitude d'un
nombre (sa taille, sa grandeur, c'est-à-dire sa
signification), c'est situer ce nombre sur une ligne
mentale virtuelle (imaginaire) sur laquelle on
place les nombres d'autant plus à droite qu'ils sont
plus grands (et d'autant plus à gauche qu'ils sont
plus petits). Ces résultats ont depuis été vérifiés et
complétés, en particulier par la mise en évidence
de l'implication du sillon intrapariétal. En effet
[6], on a montré que l'association nombre-espace
repose sur les interactions entre deux réseaux
C'est dire à quel point les enfants souffrant de
dyspraxie visuo-spatiale se trouvent littéralement empêchés d'accéder au nombre, non du
fait de capacités insuffisantes dans le domaine
de l'abstraction, de la logique, du raisonnement
(ces facultés sont normalement développées
chez ces enfants), mais du fait de leur impossibilité à traiter les aspects practo-spatiaux inhérents à l'objet mathématique.
79
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
Et lorsque l'enfant échoue dans ces activités
manipulatoires et/ou graphiques, on en déduit
presque toujours qu'il faut les renforcer puisqu'elles
« ne sont pas encore maîtrisées » ou sont « en cours
d'acquisition » : c'est un domaine où, une fois
encore, au nom du bon sens commun, on risque
de proposer sans fin à l'enfant « toujours plus de la
même chose qui ne marche pas » (cf. p. 5).
Nous envisageons ici la remédiation dans ce
domaine selon deux axes différents qui, selon
les enfants (l'importance de leur trouble practo-­
spatial, leur âge et leur niveau scolaire, « l'urgence » relative d'accéder à telle ou telle performance pour poursuivre la scolarité), peuvent être
proposés soit isolément, soit simultanément, plus
ou moins mêlés en des proportions variables :
• la première stratégie tente de prendre en compte
la spécificité du fonctionnement intellectuel
de ces enfants et propose un abord de la notion
de nombre (et d'opération) différent et adapté,
c'est-à-dire essentiellement adossé au verbal, au
linguistique. C'est certainement le choix le plus
pertinent pour permettre à ces jeunes d'accéder dans de bonnes conditions au concept de
nombre, à la numération et aux premières opérations sur le nombre. Cependant, si ces stratégies
sont envisageables en prise en charge (rééducative
ou pédagogique) individuelle, il faut bien reconnaître cependant qu'il est peu réaliste de proposer
ce style d'apprentissage à 1'enfant au sein d'une
classe qui disposerait d'une méthode d'apprentissage plus classique, reposant sur le visuo-spatial ;
• la seconde stratégie consiste à partir des
méthodes d'apprentissage habituelles, utilisées en
classe. Il s'agit alors de leur appliquer des aménagements de forme, afin que leur présentation soit
mieux adaptée aux faibles possibilités de traitements spatiaux de l'enfant (cf. p. 10). Ce choix ne
représente donc qu'un ersatz, mais il reste probablement le plus facile à mettre en œuvre et à faire
accepter en classe, en milieu ordinaire.
Proposer un apprentissage
adossé au linguistique
Les connaissances arithmétiques concernent
des concepts abstraits, des connaissances formelles, des symboles et des opérations mentales
de haut niveau : les manipulations (de jetons, de
80
bûchettes…) et les représentations figuratives
habituellement employées (tableaux, schémas,
dessins…) ne sont que des stratagèmes (certes
efficaces pour le plus grand nombre) utilisés pour
en faciliter l'abord. En aucun cas, ces artifices
pédagogiques ne constituent l'objectif visé : ils
peuvent donc légitimement être abandonnés au
profit d'autres techniques susceptibles d'aboutir au
même résultat.
Or, pour cette population d'enfants dyspraxiques, il est logique de favoriser une pédagogie qui s'appuie sur le sens, qui insiste sur les
aspects langagiers, tout en se dégageant au maximum des aspects manipulatoires (praxiques) et
visuo-spatiaux, puisque ces derniers, inutilisables pour ces jeunes, ne constituent de toute
façon pas le but de l'apprentissage.
Des travaux par tomographie d'émission de
positrons (TEP) confirment que les représentations mentales que nous construisons sont peu
dépendantes des stratégies et modalités initialement choisies, ce qui légitime, pour ces enfants,
l'utilisation du verbal (cf. figure 4.1).
Évidemment, pour la population qui nous
intéresse, la question de fond est de savoir si
ces jeunes peuvent (ou non) construire ce type
de représentation et si les informations verbales peuvent leur permettre de les construire.
Cependant, pour ceux qui le peuvent, ces travaux (tout comme la clinique et les progrès des
jeunes) nous confortent dans notre démarche
d'utiliser la verbalisation.
Les travaux de Stella Baruk [68–70] répondent
précisément à ces exigences. Nous ne connaissons
pas d'autre pédagogue qui ait travaillé, expérimenté et écrit autant sur les rapports entre le
nombre et la langue, qui ait analysé aussi finement
les erreurs courantes des enfants « typiques » face
aux stratégies pédagogiques « classiques ». Enfin,
elle a formalisé une progression pédagogique destinée aux enfants du primaire, Comptes pour
petits et grands [70], dont le sous-titre est particulièrement explicite : « Pour un apprentissage du
nombre et de la numération fondé sur la langue
et le sens », manuels pratiques particulièrement
utiles pour conduire les apprentissages initiaux.
Bien sûr, nous n'allons pas paraphraser cette
auteure et nous renvoyons le lecteur aux ouvrages
Chapitre 4. Compter
Visuel
A
B
C
D
E
F
G
Verbal
Figure 4.1. Activations cérébrales observées durant l'inspection d'une image mentale de
structures tridimensionnelles.
Lorsque des sujets apprennent des structures géométriques complexes, les uns par mémorisation visuelle (les figures,
dessinées en 3D, leur sont présentées visuellement), les autres par description verbale, les zones cérébrales activées lors
de la récupération de l'image mentale (on demande ensuite aux sujets, par exemple, si D est plus haut que F ?) sont très
similaires, quoique subtilement différentes, dans les deux formes d'apprentissage.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
Houdé O, Mazoyer B, Tzourio-Mazoyer N. Cerveau et psychologie. Paris : PUF ; 2002, 431 p.
• compter, c'est dire le nom des nombres que l'on
obtient en partant de un, et en ajoutant encore
un, encore un, et ainsi de suite ;
• les nombres sont organisés. Ainsi, 4, c'est « 3 et
encore 1 » ou « 2 et encore 1 et encore 1 », etc.,
d'où la suite ordonnée de la comptine numérique.
Ils sont aussi organisés en groupements (de 5 =
une main ou de 10 = les deux mains) ; après 9, les
mots organisent les nombres en paquets de dix,
de cent, de mille, et ainsi de suite ;
• comme tous les mots, tous les nombres se lisent
et s'écrivent. Mais ce sont les seuls mots qui ont
deux écritures (en lettres et en chiffres arabes :
douze ou 12).
Pour aborder les nombres à deux chiffres, elle
conseille d'éviter l'utilisation précoce des termes
« unités » et « dizaines », au profit d'une compréhension de la signification de ce qui est dit. Insistons aussi sur la confusion que peut induire, chez
l'enfant, le vocable « unité » : en effet, tout peut être
unité, y compris des dizaines ou des centaines.
Par ailleurs, une unité peut être la référence (l'étalon) en matière d'argent (unité monétaire = l'euro)
ou de mesure (le mètre, le litre…), etc.
Outre le recours aux configurations manuelles
(cf. p. 82), Stella Baruk exploite avec constance les
relations entre : entendre/dire ←→ dire/écrire :
cités, très explicites et très concrets. Cependant,
ces livres n'ont pas été conçus pour des jeunes dyspraxiques et nous présentons ici, très succincte­
ment, certains principes ou adaptations fondamentaux pour les jeunes dyspraxiques.
La numération : une construction
linguistique
La numération, son organisation, la place particulière de la base 10 et de la sous-base 5 et les premières opérations sur le nombre reposent sur des
instructions verbales, assorties de commentaires
qui explicitent clairement la signification mathématique de chaque étape de cette construction.
Ainsi, le tout début de l'apprentissage (nombres
de 1 à 9) s'ancre dans des notions de base qui
doivent être dites, explicitées, assorties bien sûr
d'exemples, d'exercices. Citons en particulier :
• les numéros, ça sert à repérer ; ils sont souvent
déjà écrits (sur les maisons, les autobus, les
maillots des joueurs…) ;
• les nombres, eux, donnent une idée de quantité ;
ils servent à se souvenir, à imaginer, à se représenter une quantité ; un nombre, ça sert à dire
« combien de », et quand on peut dire « combien
de », c'est qu'on a compté ;
81
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
trente
sept
↓
↓
3
7
manuelles particulières) ni de les dessiner (incapacité dans toutes les activités grapho-spatiales).
Mais ces jeunes peuvent parfaitement choisir
et utiliser des cartons sur lesquels figurent ces
configurations. Ces représentations analogiques
sont très importantes pour soulager la mémoire
de travail, faciliter le calcul mental, accéder à la
signification des opérations (ajouts, retraits) et à
celle des retenues lors des premiers calculs.
Nota. – La suite des mots-nombres, dans cette
représentation, se fait toujours à partir du petit doigt
et dans le sens de la lecture (de gauche à droite ou,
pour les enfants qui nous occupent, du vert vers le
rouge, cf. p. 90, 119, 148, 149) : à ce stade, les difficultés d'orientation droite/gauche propres à la numération arabe sont donc en partie levées, puisque tout
ce qui s'écrit (lettres ou nombres en écriture arabe)
s'écrit de gauche à droite (figure 4.2).
Le fait de lire (les « paquets de 10 » ou les configurations de 10 représentées par les deux mains)
en commençant par le haut est une aide majeure
pour les jeunes qui nous occupent ici (figure 4.3a).
Pour la lecture/écriture des nombres à deux (ou
plusieurs) chiffres, Stella Baruk propose de dire,
par exemple, que le nombre 57 est organisé en
5 paquets de 10 (5 fois les deux mains), ce qui
s'écrit avec un « 5 qui vaut 50 », et d'un 7, qui lui, est
un « vrai 7 » (il dit « la vérité », car il vaut « 7 uns »).
Cette formulation évite de caractériser « les
unités » comme le chiffre écrit à droite (ou « du
côté de la porte », comme on l'entend souvent dire
par les enfants). Elle conduit à une écriture correctement spatialisée simplement en écrivant les
chiffres selon les conventions propres à l'écriture
et dans l'ordre (séquentiel) où on les entend (où
on les dit), ce qui reflète leur ordre de grandeur
(le 5 qui vaut 50, puis le 7 qui vaut 7).
Cette façon de travailler permet non seulement
de lire et d'écrire les nombres à deux chiffres,
de comprendre la réelle signification de chaque
chiffre sans référence explicite à sa position spatiale au sein du nombre (à droite de ou à gauche
où le « tr… » qui s'écrit 3 vaut 30 (3 fois les deux
mains) et le 7 « dit la vérité », c'est-à-dire qu'il
représente bien sept éléments (bien sûr, le 3 ne
« ment pas » ! Mais il dit autre chose que 3 « uns »).
On analyse les nombres à deux chiffres en
disant que le premier chiffre, qui dit les « paquets
de 10 », s'appelle une dizaine, alors que le second
chiffre dit les « uns » (« la vérité »).
En ce qui concerne la signification du zéro, elle
le présente comme « le chiffre du silence ». Si au
lieu de dire /trente-sept/ ou /trente-quatre/, on
a besoin de dire /trente/, le zéro marque alors la
place vide, « le silence » :
trente
…
(silence)
↓
↓
3
0
Ce n'est qu'ensuite que sont abordés les nombres
à deux chiffres tels 10, 20, 70, 80, 90, joliment soustitrés : « Quand les mots ne rendent plus comptes »,
c'est-à-dire quand on entend (on parle) autrement
que l'on écrit. Un travail explicite est fait pour que
l'enfant comprenne et engramme ces particularités.
Utilisation des configurations
manuelles
La notion de quantité et les premiers calculs sont
étayés par l'organisation des doigts. Concernant
les jeunes dyspraxiques, il n'est pas ni possible
ni souhaitable de leur demander de produire
eux-mêmes ces configurations (gêne fréquente à
la dissociation des doigts, fréquents troubles du
schéma corporel et/ou agnosie digitale, difficulté
practo-spatiale à reproduire des configurations
Trois
Deux
Huit
Quatre
Sept
Un
Neuf
Dix
Cinq
Six
DIX
UN
Figure 4.2. Configuration manuelle et comptage.
82
Chapitre 4. Compter
1. Tu as vu avec les étiquettes que pour additionner
trente-deux
et
vingt-cinq
3
2
+
2
5
on les avait mis côte à côte pour figurer leur somme.
2. Pour savoir
« combien ça fait ».
il suffit de disposer
les étiquettes
comme d’habitude,
les « dix » ensemble,
et les « uns » ensemble.
a
5
qui vaut 50
et
7
qui « dit la vérité »
b
et on trouve :
5
7
Figure 4.3. Utilisation des configurations de doigts pour de petites opérations sur le nombre.
a. Ici, réalisation de 50 + 7.
b. Ici, réalisation de 32 + 25.
Extrait de Baruk S. Comptes pour petits et grands : pour un apprentissage du nombre et de la numération fondé sur la
langue et le sens. Volumes 1 et 2. Paris : Magnard ; 2003.
de), mais aussi de soutenir les premières opérations (après bien sûr en avoir expliqué la signification) et d'effectuer de petits calculs mentaux :
ainsi, l'exemple ci-dessus (figure 4.3a) peut être
conçu comme l'ajout de 7 à 50, ou la réalisation
de l'addition 50 + 7. Là encore, Stella Baruk utilise
« ce qui s'entend », en attirant explicitement l'attention sur ces nombres déjà organisés en sommes
oralement, puisque /cinquante-sept/, c'est cinquante et sept ou 50 + 7.
Simultanément, un travail systématique est
consacré à la connaissance et à la mémorisation (en mémoire à long terme) des doubles, des
nombres pairs et impairs, des petits ajouts…
Lorsque additionner nécessite un calcul
(figure 4.3b : 32 + 25 = ?), elle propose d'utiliser
la représentation organisée « en mains et doigts ».
Quelle que soit la présentation (y compris lors
d'une pose de l'opération en colonnes), le calcul
consiste toujours à mettre « les dix » ensemble
et « les uns » ensemble (cette formulation évite
encore tout recours à une représentation d'abord
spatialisée, comme le fait d'en référer à la notion
de « colonnes »).
Enfin, le problème de la retenue, née « du choc
de deux calculs », est abordé : il arrive en effet que
« les uns », lus ensemble, dépassent dix…
Pour des calculs plus complexes ou sur de plus
grands nombres, on utilise soit une aide informatisée à la pose des opérations (cf. figure 4.8,
« Cahier couleur » en fin d'ouvrage), soit (de préférence) une calculette.
Utilisation de la calculette
L'expérience montre que faire accepter à l'école
l'utilisation précoce et systématique de la calculette
pour les enfants dyspraxiques reste encore très
problématique. Divers types d'arguments peuvent
rendre compte de ce refus à l'école primaire.
Ambiguïté opération/calcul
En français, le terme d'opération a une double
signification qui peut induire, chez certains, des
83
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
confusions de sens. On parle en effet d'opération
soit pour faire référence à l'opération mentale
(décider que, dans tel cas, il s'agit d'un ajout, d'un
retrait, d'un partage…), soit pour évoquer la procédure qui permet de trouver le résultat chiffré de
l'opération mentale préalable (addition, soustraction, multiplication, division).
La décision – le choix de l'opération adéquate en
fonction du problème soumis – est de l'ordre de la
réflexion, de la logique, du raisonnement : c'est bien
évidemment cet aspect conceptuel qui est recherché lors de la résolution de problèmes, la compréhension de la signification des transformations et
des opérations mentales en jeu (cf. p. 91).
Valeur pédagogique
de la pose des opérations
De nombreux enseignants disent utiliser les procédures de calcul (algorithme de résolution de
l'opération posée) pour enseigner le principe de
position de la numération arabe (grâce aux alignements en colonnes des unités, dizaines, centaines…) et/ou pour expliciter le principe de la
retenue. Pourtant, l'expérience montre que la plupart des enfants (et des adultes !) utilisent avec succès ces procédures sans toujours en comprendre la
signification ni les raisons sous-jacentes.
D'ailleurs, dans d'autres pays, d'autres dispositions spatiales et d'autres algorithmes spatiaux sont
utilisés pour effectuer les calculs (pour résoudre
une addition, une multiplication, une division,
etc.), et il n'a jamais été fait mention que les enfants
de ces pays présentent des difficultés spécifiques et/
ou durables pour accéder à la numération écrite en
chiffres arabes, au système décimal ou à la signification des retenues… De ce fait, il est fort douteux
que telle ou telle procédure ait des vertus pédagogiques particulières, qu'il s'agisse de la pose des
opérations « en colonnes », en lignes ou autre.
Mais, pour des enfants souffrant de troubles,
ou d'anomalies, ou de déficits des traitements spatiaux, ce sont évidemment les stratégies verbales et
logiques ou le contournement (calculette) décrits
par Stella Baruk qui sont les plus appropriés.
L'exécution du calcul, dite encore technique ou
procédure de calcul, peut être conduite de multiples façons. Selon la nature du calcul à effectuer et les nombres à manipuler, telle ou telle
stratégie peut être plus appropriée, plus pratique ou plus rapide, mais… seul le résultat
compte ! On peut ainsi trouver le « combien ça
fait » par calcul mental, par une procédure spatiale de pose et l'application d'algorithmes spécifiques (inaccessible aux jeunes dyspraxiques,
car ces algorithmes sont très spatiaux), par un
calcul dit « réfléchi », etc. Le calcul peut aussi
ne pas être effectué du tout – exemple : P = 2
(L + l) – ou… être délégué à une calculatrice.
Nous citons de nouveau Stella Baruk pour
­clarifier cette distinction [70] :
Instructions officielles
Les programmes scolaires sont clairs : « La maîtrise d'une technique opératoire pour chacune des
quatre opérations est indispensable. » Dès le CE1,
il est spécifié que l'élève doit « connaître et utiliser les techniques opératoires de l'addition et de la
soustraction (sur des nombres inférieurs à 1 000)
et connaître une technique opératoire de la multiplication ». Dès le CE2, s'y ajoute la connaissance
de la technique opératoire de la division avec un
diviseur à un chiffre. Mais les programmes sont
conçus pour les enfants tout-venant.
Pour les jeunes dyspraxiques, du fait du handicap spatial dont ils souffrent, cet objectif est non
seulement inatteignable, mais surtout sans signification ni utilité. Rappelons d'ailleurs que ces jeunes
bénéficient d'aménagements pédagogiques (via le
PAP ou le PPS, cf. chapitre 9, p. 186) qui doivent
« Une opération est la mise à exécution
d'une décision : celle qui consiste, à partir de
deux nombres, à en constituer un troisième,
qui lui est supposé répondre à la question
préalablement posée. […] Le “combien ça
fait” peut, si on le souhaite, être confié à une
machine qui exécutera docilement les ordres.
Cette machine, habile à trouver “combien
ça fait”, s'appelle une calculette et a donc
pour fonction d'effectuer des calculs. […]
D'abord, l'opération/décision et ensuite, s'il
est possible et souhaitable de l'effectuer, le
calcul. […] Autrement dit, une fois que l'on
a, soi, opéré, décidé d'appuyer sur une touche
(+, −, ×…), ce que la machine ne saurait faire
toute seule, on peut alors lui donner l'ordre
de calculer. »
84
Chapitre 4. Compter
permettre de respecter l'esprit du programme (les
acquis conceptuels), tout en les autorisant à en
adapter la méthodologie ou la forme de surface.
C'est pourquoi il est tout à fait possible (et souhaitable) d'anticiper la directive proposée pour le
cycle des approfondissements (CE2, CM1, CM2)
qui précise aussi que l'élève doit savoir « organiser ses calculs pour trouver un résultat par calcul
mental, pose ou à l'aide de la calculatrice ».
Si les objectifs à atteindre par les élèves et les
contenus à enseigner par les enseignants sont
fixés par les « programmes » et s'imposent à tous,
en revanche le maître est pleinement responsable
du choix des méthodes pédagogiques qu'il va utiliser pour aider les élèves à maîtriser les objectifs
prévus dans les programmes42.
Les jeunes dyspraxiques, eux, ne peuvent tirer
profit de la pose et de la résolution des opérations
via des algorithmes spatiaux, du fait de leur handicap spatial : ils doivent donc en être dispensés.
Ces impossibilités, directement en rapport avec
la nature du handicap, doivent être :
• clairement notifiées aux enseignants (et aux
rééducateurs43) par les médecins ou le neuropsychologue ;
• explicitement notées dans le PAP ou le PPS ;
• puis prises en compte lors de la préparation
des adaptations à prévoir pour les évaluations
nationales et les examens.
D'autant que, comme presque toujours, il s'agit
d'adapter la forme (la technique, la procédure,
la méthode : ici, l'exécution du calcul, du « combien ça fait ») et non le fond (la notion, le concept :
42
43
ici, la compréhension de l'organisation de la
­numération, sa signification et le sens des opérations sur les nombres) qui reste l'objectif visé.
L'impression de « favoriser »
l'enfant dyspraxique
L'enseignant signale souvent combien il lui est
difficile, au sein du groupe-classe, de gérer un
traitement spécial pour l'enfant dyspraxique, souvent pensé comme « un traitement de faveur ». Les
autres enfants de la classe, eux, ne sont pas autorisés à utiliser la calculette et doivent appliquer
(souvent laborieusement et avec de nombreux
risques d'erreurs) les techniques opératoires dont
le jeune dyspraxique est dispensé. De ce fait, cette
permission d'utiliser la calculette est souvent
vécue par tous (l'enseignant, les camarades de
classe, l'enfant dyspraxique) comme une injustice
ou la marque d'un favoritisme. L'enfant lui-même
traduit cet état d'esprit en disant qu'il a l'impression de « tricher » (cf. p. 134).
Des explications simples, claires et précises
doivent donc être dispensées tant auprès de l'enfant
lui-même que des adultes (enseignants, rééducateurs, parents) et de ses camarades de classe : il s'agit,
pour lui, de la compensation de son handicap (et non
d'une quelconque « tolérance » ou d'un passe-droit).
En résumé :
D'une façon générale, chaque fois que possible,
il faut choisir des stratégies raisonnementales
verbales, dégagées au maximum des traitements
visuo-spatiaux et/ou practomoteurs, peu ou non
accessibles. Lorsque ces derniers s'avèrent cependant incontournables, il faut, selon les cas, soit
prévoir des aménagements qui en facilitent l'accès
au jeune dyspraxique, soit en dispenser l'enfant.
Le Guide des parents publié par l'Éducation nationale pour la rentrée de septembre 2012–2013 stipule
ceci : « Les programmes nationaux de l'école primaire
définissent pour chaque domaine d'enseignement les
connaissances et compétences à atteindre dans le cadre
des cycles ; ils indiquent des repères annuels pour organiser la progressivité des apprentissages dans la plupart
des domaines d'enseignement. Ils laissent cependant
libre le choix des méthodes et des démarches, témoignant ainsi de la confiance accordée aux maîtres pour
une mise en œuvre adaptée aux élèves. Dans ce cadre,
les maîtres proposent un accompagnement de tous les
élèves, notamment ceux qui connaissent des difficultés, en personnalisant les aides aux apprentissages afin
de favoriser la réussite scolaire de tous. »
En particulier si une orthophoniste – ou tout autre
rééducateur – est chargée de rééduquer les troubles
du calcul.
Aménager les aspects
visuo-praxiques
Ce n'est pas un hasard si les méthodes habituellement utilisées par les pédagogues valorisent tant
la manipulation et les aspects visuo-­spatiaux, à
tel point que certains ont pu croire que c'était là
l'essence même du « savoir compter ». En effet,
les enfants tout-venant – du moins dans leur
immense majorité – sont normalement très performants dans les activités visuo-spatiales, et ce
85
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
bien avant de l'être dans les activités logiques
et/ou langagières : la population des enfants
dyspraxiques (surtout ceux qui présentent des
troubles des traitements spatiaux) constitue donc
une minorité qui contredit l'expérience commune.
Pour tous les pédagogues et les éducateurs,
manipuler est considéré comme un moyen
ludique qui permet progressivement à l'enfant,
par l'expérimentation, d'extraire des régularités,
de comprendre les relations entre collections ou
entre nombre et quantité, de passer du concret à
l'abstrait, du perceptif au conceptuel : là encore,
si l'on s'adresse à ces enfants dyspraxiques, non
seulement cette stratégie n'est pas motivée (le
sensorimoteur, l'expérientiel, le « concret » ne
sont pas, pour eux, un support pertinent à leur
réflexion, à la conceptualisation, à l'abstraction),
mais, au contraire, ce choix méthodologique
est nocif, délétère : les « enseignements » que ces
jeunes dyspraxiques tirent de ces expériences
détruisent ou parasitent leur réflexion et constituent alors pour eux, au contraire, un obstacle à
leurs apprentissages.
Nous envisageons ici certains moments clés de
cet apprentissage numérique (notion de nombre,
numération et opérations sur le nombre), qui en
réalité s'interpénètrent. En fait, ce sont surtout
les activités le plus souvent proposées aux enfants
pour mettre en place ces acquisitions qui nous
intéressent. Nous devons :
• y débusquer toutes les sollicitations visuopracto-spatiales, explicites ou non,
• concevoir des aménagements qui minimisent
ces exigences en traitements spatiaux et
praxiques, afin d'en faciliter l'accès aux enfants
DVS,
et ce sans que cela affecte la signification fondamentale de l'apprentissage, le concept développé,
l'objectif visé par l'activité telle qu'initialement
prévue.
désigne et son écriture, travail habituellement
limité aux petits nombres, jusqu'à 10–15 ou 20).
Opérations logiques
Sériation
On propose habituellement aux enfants de mettre
en ordre du matériel, par exemple une série de
bûchettes de tailles croissantes. Or, les enfants qui
présentent des troubles du regard ont souvent de
grandes difficultés à apprécier les tailles relatives
des objets, et ce d'autant que ces différences sont
minimes. Par ailleurs, ils ont beaucoup de difficultés à aligner les origines : de ce fait, ces exercices leur sont inaccessibles. Paradoxalement, il
leur est plus facile de sérier… les nombres (!) que
n'importe quel autre matériel qu'il faut ensuite
organiser spatialement. De ce fait, l'activité ne
répond à aucun objectif d'apprentissage chez ce
type d'enfant.
Cependant, si l'on souhaite absolument qu'ils
participent au même type d'activités que les autres
enfants de la classe, ils peuvent éventuellement
sérier des œufs (ou des cubes) gigognes, objets
moins « linéaires », dont ils apprécient mieux,
visuellement, les proportions relatives.
Classification
On demande aussi fréquemment aux enfants de
classer divers matériels selon différents critères
(couleur, forme, taille s'il s'agit de matériel type
« plaques logiques », ou animaux versus légumes,
animaux de la ferme versus animaux du zoo, etc.).
Ces exercices ne comportent pas de difficultés
particulières pour les enfants souffrant de dyspraxie visuo-spatiale, du moins s'ils ne sont pas
présentés sous des formes graphiques qui leur en
interdisent l'accès : tableaux à double entrée, tracés de traits enchevêtrés impossibles à suivre des
yeux ni du doigt… (figure 4.4). Dans ces cas, il
convient d'aménager la présentation de ces exercices (éviter la mise en relation via des flèches, des
traits intersectés…) ou de les proposer oralement.
S'il s'agit d'ôter un intrus dans un regroupement
déjà existant, il faut s'assurer que l'enfant a bien
exploré du regard l'ensemble des éléments présentés (objets, images, dessins disséminés sur une
page…), aussi bien pour en déduire la catégorie
déjà construite que pour repérer l'intrus. Sinon, il
faut adapter la présentation du matériel, s'assurer
En maternelle : les activités
« prémathématiques »
Dès la moyenne section, mais surtout en grande
section de maternelle, on rencontre différentes
activités dites « prémathématiques », centrées soit
sur les opérations logiques (classification, sériation, combinatoire), soit sur le nombre (la comptine, le lien entre le mot-nombre, la quantité qu'il
86
Chapitre 4. Compter
Figure 4.4. Deux présentations visuo-spatiales difficiles à analyser et à utiliser par des jeunes
dyspraxiques.
attributs qui sont énoncés verbalement, tels
que les lunettes, une moustache ou un chapeau,
diversement combinés chez les différents personnages présentés).
de la stratégie d'exploration visuelle ou la faciliter
(suivi du doigt, repérage grâce à des couleurs, description verbale ou dénomination successive de
tous les éléments…).
Enfin, rappelons que toutes les épreuves dites
« de facteur G » sollicitent ces mêmes capacités à
classer et à catégoriser (cf. note 13, p. 11) et que
celles qui utilisent un matériel verbal sont nettement plus pertinentes pour ces enfants.
Numération et nombres
Comptage et dénombrement
Pour être pertinent et aboutir à un nombre cardinal qui qualifie précisément une collection, le
comptage doit répondre à différents critères dont
le premier concerne le fait de regarder et de désigner (du doigt, du regard, en barrant, en coloriant,
en déplaçant) chaque élément de la collection une
fois et une seule, sans oubli aucun.
C'est là une des grandes difficultés des jeunes
dyspraxiques qui souffrent de troubles du
regard44 : leur regard parcourt la collection de
façon désorganisée, aléatoire, anarchique. C'est
ainsi que certains éléments sont comptés à plusieurs reprises (il est facile d'y remédier en « marquant » les éléments déjà comptés : les déplacer,
Combinatoire
Ces tâches sont généralement proposées sous
forme de tableau à double entrée.
Le repérage de l'endroit précis (case, point d'intersection), où une ligne donnée et une colonne
donnée (ou bien une abscisse et une ordonnée) se
recoupent, est souvent très difficile à réaliser pour
l'enfant qui est atteint de troubles du regard, voire
impossible. Ainsi, l'opération mentale que constitue la combinatoire doit être réalisée en proposant :
• soit des jeux n'utilisant pas de tableaux, de
lignes ni de repérage de coordonnées (exemple :
habiller le petit ours de toutes les façons possibles en disposant de tee-shirts, de pantalons,
de chaussures de différentes couleurs) ;
• soit des combinatoires à partir d'éléments verbaux (comme dans le jeu « Qui est-ce ? » : les
personnages possèdent – ou non – certains
44
87
Ces difficultés concernent tous les enfants dyspraxiques qui souffrent de troubles du regard,
mais elles peuvent aussi concerner d'autres enfants
souffrant d'autres types de troubles (troubles visuoattentionnels ou syndromes dysexécutifs…), qui
peuvent présenter des difficultés d'organisation du
regard cliniquement très semblables.
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
les entourer, les barrer, les colorier…), alors que
d'autres ne sont pas vus et donc oubliés (il n'y
a aucun moyen de pallier ces oublis, sinon de
conduire chaque comptage avec l'enfant).
Par ailleurs, du fait de la nature aléatoire des
doubles comptages et oublis, chaque nouvel
essai de comptage conduit l'enfant à un résultat différent, ce qui est exactement l'inverse de
l'objectif de ce type d'activité (qui est de faire
prendre conscience à l'enfant de l'invariance du
nombre !).
En outre, lorsque l'enfant dénombre de petites
quantités (ce qui est souvent le cas en maternelle
ou en début de primaire), un double comptage
peut compenser un oubli, donnant alors un résultat exact, confortant à tort l'adulte dans l'idée que
l'enfant est « étourdi » ou que la procédure est « en
cours d'acquisition ».
dispose alors, pour ces petits nombres (mais aussi
pour la base 10 et la sous-base 5), d'un référent
analogique facilement exploitable.
Bien sûr, ces représentations doivent être associées à une quantité donnée d'un seul coup d'œil,
sans en recompter les éléments un à un (sinon, on
reproduit les difficultés liées au comptage).
Leurres perceptifs
Le travail sur le principe d'ordre indifférent, les
épreuves piagétiennes d'invariance du nombre,
les leurres perceptifs consistent en comparaison,
évaluation et/ou comptage de collections diversement agencées. L'objectif est de faire constater
à l'enfant que le cardinal d'une collection donnée
est stable, invariant, indépendant de l'apparence
figurative, de la disposition spatiale, de la surface
ou du volume occupé par la collection.
Ce type d'exercice est proposé aux enfants standards parce que ces derniers sont performants sur
le plan visuo-spatial, et ce bien avant d'être performants sur le plan conceptuel et numérique.
Il s'agit donc de prendre en compte leurs « évidences » visuo-spatiales précocement et solidement construites (deux collections qui occupent
la même « surface », disposées en « terme à
terme », sont perceptivement égales) et de les inciter à s'en dégager pour différencier clairement le
visuo-spatial (la configuration ou l'espace occupé
par la collection) du numérique (le cardinal de la
collection).
Or, du fait de leur trouble du regard et du déficit
du développement de leurs fonctions spatiales, les
enfants DVS ne construisent absolument aucune
certitude ni apprentissage pertinent par voie
visuo-spatiale (dont ils ne retirent que des informations aléatoires, fluctuantes et imprévisibles) :
il est donc tout à fait paradoxal de tenter d'utiliser
ces fonctions, inefficaces chez eux, pour ensuite
les inciter à les distinguer des concepts numériques.
C'est pourquoi cette classe d'exercices n'a guère
de justification chez l'enfant dyspraxique, chez
lequel il faut toujours préférer un apprentissage
centré d'emblée sur le nombre.
Or, dans ces conditions, plus l'enfant compte et
dénombre, plus il trouve des résultats différents pour une même collection d'objets : il ne
peut ni contrôler ses erreurs ni en apprendre
quoi que ce soit.
En effet, il ne s'agit pas d'erreurs d'étourderie
ni d'une mauvaise compréhension de la procédure
de comptage (cette interprétation ne conduit qu'à
poursuivre les comptages, à faire « toujours plus
de la même chose qui ne marche pas »), il s'agit
d'un handicap qui consiste en une exploration
visuelle anarchique du matériel.
Il faut donc :
• soit proposer des comptages en relation individuelle (parents, AESH, rééducateur, tutorat
par un autre élève…) en s'assurant que tous les
éléments de la collection sont bien désignés une
fois et une seule, sans aucun oubli ;
• soit renoncer à ce type d'activité.
Si l'on veut que l'enfant dispose d'une représentation analogique pour les petites quantités, on
peut utiliser les représentations prototypiques,
telles celles des dés, des dominos, et les configurations manuelles (cf. figures 4.2 et 4.3), du moins
si on les utilise en reconnaissance et non en production par l'enfant : l'enfant dyspraxique doit
disposer de cartons sur lesquels ces différentes
configurations sont dessinées, cartons qu'il utilise et choisit en fonction de ses besoins. L'enfant
Lecture et écriture des chiffres
• La lecture des chiffres arabes, à ce stade, ne
pose pas de problème particulier à l'enfant dyspraxique.
88
Chapitre 4. Compter
(apprendre) que les nombres qui sont dits « avant »
dans la litanie sont plus petits que ceux qui sont
dits « après ».
43
18
Dans la mesure où l'on peut anticiper les difficultés ultérieures, il est fondamental de conduire
(dès la maternelle) un apprentissage systématisé
et très solide de cette suite numérique orale, qui
servira de base ultérieure pour compenser (partiellement) les difficultés de l'enfant.
Figure 4.5. Écritures de chiffres en « miroir ».
• Leur écriture est souvent grossière et maladroite
(comme l'ensemble du graphisme manuel), avec
de nombreuses graphies en miroir, sans que cela
n'en perturbe la lisibilité (figure 4.5).
Il faut simplement veiller à ce que cela n'induise
pas d'ambiguïté (par exemple, entre le 1 et le 7 :
on peut apprendre aux enfants à réaliser le 7 avec
une barre horizontale pour bien le différencier).
En effet, initialement, il y a peu de bénéfice à utiliser le clavier d'un ordinateur pour l'écriture des
chiffres et des nombres.
Il faut automatiser cette suite le plus tôt et le
plus loin possible, favoriser l'habileté à s'y déplacer virtuellement : à partir d'un nombre donné,
on avance ou on recule45, on compte de 2 en 2,
de 5 en 5, de 10 en 10, etc., ce qui prépare à la fois
un travail systématique de calcul mental, puis
l'utilisation raisonnée de la file numérique écrite
(figure 4.6).
Si l'enfant présente une faible mémoire de travail ou si la dyspraxie est associée à un syndrome
dysexécutif, ce travail doit être soutenu simultanément par la présentation de la file numérique
écrite (figure 4.6), assortie éventuellement d'aides
de couleurs (au passage des dizaines). Dans ces
cas, il est important que cette suite puisse être
séquencée (sinon l'enfant s'y perd).
En CP-CE
Nombres et calcul
Suite orale des mots-nombres
La suite des mots-nombres (acquise progressivement entre 3 et 5–8 ans) est précocement connue
pour les nombres de 1 à 10, puis souvent jusqu'à
20, sous forme d'une récitation automatisée (une
litanie, une comptine). En français, de 1 jusqu'à
17, cette suite orale est tout à fait opaque puisqu'il
s'agit de mots différents et arbitraires, suite au
sein de laquelle le terme « dix » n'occupe même
pas une place particulière. Il en est de même en
ce qui concerne le nom de la seconde dizaine
(vingt). Mais ensuite, le nom des dizaines suivantes est directement dérivé du nom de la pile
correspondante (trois dizaines → trente ; quatre
dizaines → quarante ; cinq dizaines → cinquante ;
etc.). Les irrégularités des séries « soixante-dix »,
« quatre-vingts » et « quatre-vingt-dix » peuvent
être soit contournées (en utilisant initialement la
terminologie belge : septante, octante, nonante),
soit explicitées : soixante + 10 → soixante-dix
(logique !) ou septante ; septante + 10 → octante
ou quatre paquets de vingt → quatre-vingts, etc.
(cf. p. 82).
Lorsque la dyspraxie est isolée, l'enfant dispose de bonnes capacités verbales et mnésiques,
il apprend rapidement cette comptine orale
des mots-nombres. Il peut aussi comprendre
Organisation de la numération écrite
La numération écrite en chiffres arabes (contrairement à la comptine orale) met explicitement
en évidence la base 10 et est construite régulièrement, sans aucune exception, de façon parfaitement logique. Elle est donc d'un soutien très
important pour permettre la compréhension de
l'organisation du système numérique. Mais elle
est souvent présentée sous forme d'un tableau à
double entrée.
Or, c'est justement cette présentation qui met
en difficulté beaucoup d'enfants dyspraxiques,
qui ne peuvent suivre des yeux (ni du doigt) une
ligne et/ou une colonne et encore moins cibler
la case (ou le point) précis de leur intersection
fig. 4.4.
45
89
Compter à rebours n'est jamais automatisé. Cela
réclame donc de très bonnes compétences en
mémoire de travail et un excellent contrôle de l'administrateur central.
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
Etc ...
Figure 4.6. File numérique.
ENCADRÉ 4.1.
C'est la raison pour laquelle il faut associer
explications et apprentissages oraux, combinés à
l'utilisation de la file numérique écrite assortie de
couleurs (cf. figure 4.6 et encadré 4.1).
Par contre, chercher à tout prix à leur donner
des repères « spatiaux » ne constitue ni une aide
ni une rééducation : cela ne fait qu'ajouter à leur
confusion. Ainsi, on entend fréquemment des
enfants qui déclarent : « Les unités, c'est le chiffre
qui est du côté de la porte », enseignement dont on
peut douter d'une part de la fiabilité et d'autre part
de la signification mathématique !
Le repère de couleur (ici, marqué en gras sur la
figure 4.6) donne immédiatement au jeune dyspraxique un indice fiable et facilement utilisable
sur la signification du chiffre. Il ne s'agit donc pas
là d'un détail, mais bien d'une indication majeure
dont l'enfant ne peut se passer.
Utilisation de la file numérique
(normalement en couleurs
pour en faciliter la lecture).
Cette file (qui peut être très longue et alors
soit enroulée, soit segmentée…) est scotchée sur le bureau de l'enfant.
Limites : cette présentation présente l'inconvénient majeur de ne pas marquer (visuellement, par la disposition spatiale) la
réitération des dizaines, le rôle fondateur
de la base 10 dans cette construction. On
peut alors :
� marquer (par la couleur) et expliciter
clairement la place du 10 et son rôle dans
l'organisation des nombres ;
� marquer d'une couleur différente, sur la
suite écrite des nombres en chiffres arabes,
les chiffres qui « disent la vérité » (et représentent les unités) et ceux qui disent les
dizaines, les « paquets de dix » (cf. p. 82).
C'est pourquoi il est capital que le code couleur
adopté soit constant, afin d'utiliser les automatismes déjà acquis en langage écrit. Il faut en
outre que ce code couleur soit respecté par
tous, en particulier tout au long des années scolaires successives.
Intérêts : l'enfant peut s'y référer pour y
« avancer ou reculer » linéairement (éventuellement en s'aidant, pour décider de la
direction de ses déplacements, des repères
de couleur rouge et verte marqués sur sa
table) ou pour faire de petits ajouts (3 + 2 :
« à partir de 3, j'avance de 2 cases et j'arrive
sur le 5 ») ou de petits retraits (12 − 5 : « à
partir de 12, je recule de 5 cases et j'arrive
sur le 7 »). Noter l'importance de placer le
0 en tout début de file : si, à partir de 3,
je recule de (je retranche) 3, j'obtiens 0.
On peut aussi facilement faire remarquer
qu'en ajoutant 1, on tombe sur le successeur immédiat du nombre, et qu'en opérant ainsi de manière itérative, on construit
la suite des nombres, ou encore que si à
partir de 4, j'avance de 3, puis je recule de
3 (je recule d'autant), je me retrouve sur la
case du départ, etc.
Ce matériel va servir de support pour lire et
écrire les nombres, les comparer (le plus grand ou
le plus petit, plus petit que ou plus grand que, N
de plus que ou N de moins que, etc.), encadrer un
nombre, effectuer de petites opérations d'ajouts
ou de retraits.
Lecture/écriture des nombres
À partir du moment où la position des chiffres
dans le nombre devient significative (nombres à
2 chiffres ou plus), ces enfants sont notablement
gênés, car soit ils ne peuvent interpréter la position relative de chaque chiffre dans le nombre
(120, 201, 210, etc.), soit il s'agit de nombres
miroirs droite/gauche, telles des anagrammes
chiffrées (exemple : 12/21 ou 172 et 271). C'est
pourquoi ils doivent être aidés d'emblée par
des stratégies de verbalisation (cf. p. 81) et des
­systèmes de colorisation (cf. p. 119, 147).
La difficulté persiste cependant dans la lecture
et l'écriture des grands nombres et/ou le placement
des zéros intercalés, car cela nécessite en effet de
pouvoir traduire la signification de chaque chiffre
en une organisation spatiale rigoureuse.
En début de scolarité, pour les petits nombres
(ou ceux qu'il peut maîtriser facilement), on peut
90
Chapitre 4. Compter
demander à l'enfant de dire le nombre qui est écrit
par l'adulte (en utilisant le code couleur). Par
exemple, pour 53 : un trois rouge (ou « un trois
qui dit la vérité », cf. p. 82) et un cinq vert (« qui
vaut 50 »), ou pour 503 : un trois rouge et un cinquante vert, qui « vaut 50 paquets de dix ». On
peut également proposer des programmes adaptés
sur l'ordinateur, qui disposent automatiquement
les couleurs et les chiffres successifs de droite à
gauche (cf. chapitre 9).
ciel de pose des opérations sur leur ordinateur :
ceci n'a guère d'intérêt autre que de donner à
l'enfant l'illusion qu'il « fait comme les autres »,
sauf peut-être en ce qui concerne les divisions,
car cela permet aux enfants de visualiser « le
reste » (cf. figure 4.8, « Cahier couleur » en fin
d'ouvrage).
Utilisation des fichiers, manuels
et livres d'arithmétique dans
le primaire
Opérations sur les nombres
Il faut ici clairement distinguer (cf. p. 83) :
• l'opération mentale : c'est l'aspect intellectuel,
qui permet de conceptualiser la nature de la
transformation en jeu dans le problème posé,
en termes d'ajouts, de retraits, de partage, de
distribution, etc.
Cet aspect ne pose aucun problème particulier
aux enfants dyspraxiques, pour autant qu'on ne
surcharge pas leur réflexion par des manipulations et/ou des représentations figuratives et
spatiales intempestives qu'ils ne peuvent interpréter, qui les parasitent et qui perturbent gravement leur réflexion ;
• et la procédure opératoire, le calcul proprement dit,
qui permet, par une stratégie particulière, de trouver le résultat de l'opération : « combien ça fait ».
Ce sont ces procédures qui sont problématiques. Elles peuvent consister, selon le type de
calculs à réaliser, en :
• calcul mental : les enfants dyspraxiques (s'ils ne
présentent ni trouble mnésique ni syndrome
dysexécutif associé) y sont normalement compétents. Ils doivent même être surentraînés en
ce domaine, et ce assez précocement (cf. p. 89) :
savoir compter de 2 en 2, de 5 en 5, de 10 en
10, leur enseigner les différents « trucs » facilitateurs de calcul mental, etc. En effet, c'est à
partir de ce matériel mémorisé qu'ils pourront
(partiellement) compenser leurs difficultés
à résoudre des calculs par la pose des opérations ;
• calculs posés : du fait de leur nature (liée à la
numération de position), ces procédures sont
uniquement et entièrement spatiales. Il faut
donc leur proposer d'emblée une calculette qui
effectue pour l'enfant les aspects mécaniques du
calcul (cf. p. 83). On peut aussi prévoir un logi-
Il faut être particulièrement vigilant en ce qui
concerne la typographie et surtout la présentation visuelle de ces manuels scolaires ou des
contrôles (figures 4.4, 4.7 et 8.7, p. 87, 92, 154).
Les stratégies visuo-spatiales y sont généralement
surutilisées (dessins, schémas, représentations
figuratives illustrant des expérimentations). La
présentation, pour être attrayante pour l'ensemble
du jeune public, propose souvent des chevauchements entre les différents exercices, des bulles qui
évoquent celles des bandes dessinées, des flèches
pour mettre en relation différents éléments d'une
même page, etc. Ces feuillets surchargés sont inutilisables pour la plupart des enfants dyspraxiques,
qui ne peuvent souvent même pas repérer l'entièreté des explications ou de l'exercice ni où sont
les parties laissées vierges pour qu'ils écrivent la
réponse !
Il faut donc d'abord proposer à l'enfant des
photocopies (de bonne qualité) ou des documents
scannés sur lesquels on isole systématiquement
un seul exercice par feuillet.
En ce qui concerne l'explication du concept,
la réalisation des différents exercices et les
éventuelles réponses à fournir, il faut concevoir des adaptations graphiques, la colorisation,
­l'évitement ou la transformation des données en
tableaux, graphes ou schémas et, bien sûr, la verbalisation (cf. p. 102, 147, 149, 159, 160, 161).
Grandeurs et mesures
Si les jeunes souffrant de DVS peuvent très bien
comprendre le concept d'unité de mesure et juger
de l'ordre de grandeur de certaines mesures, ils ne
peuvent effectuer, réaliser eux-mêmes la plupart
des mesures.
91
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
Figure 4.7. Coloriage mathématique.
(Cf. aussi figure 8.7.). Yvrard P. Perfectionnement au calcul CE2 : coloriages codés. Paris : MDI ; 2006.
92
Chapitre 4. Compter
Addition avec retenues
Soustraction avec retenues
1
1253
+
+
9 12 1 7 5
−
946
14 19 9 2
4 2 8 3
2199
Division avec calcul intermédiaire
Multiplication avec retenues
1
4 2
−
3 1
2 5 3
−
x 2 8 6
1
−
1 5 1 8
2 0 2 4 0
−
5 0 6 0 0
7 2 3 5 8
Figure 4.8. Formulaire de pose d'opération (exemples).
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
n'est pas réduit à l'expérimentation directe, la manipulation ou la réalisation effective de mesures.
Mesure de la longueur d'un segment
En ce qui concerne la mesure de la longueur d'un
segment, ces enfants ne peuvent matériellement :
• ni manipuler correctement une règle graduée,
à savoir faire concorder l'origine du segment
à mesurer et le zéro de la règle, puis l'orienter de telle façon qu'elle soit plaquée contre le
segment (sans le recouvrir) et enfin l'immobiliser ;
• ni repérer précisément la graduation qui correspond à l'extrémité du segment concerné (lire le
résultat, la longueur du segment).
Certains peuvent donner des instructions verbales et séquentielles à l'adulte (AESH, enseignant,
parent) ou à l'ordinateur (logiciel adapté, cf. chapitre 9) qui réalise la tâche à sa place. Sinon, l'enfant
dyspraxique doit être dispensé de cette activité.
Le travail conceptuel concernant la notion de
mesure étalon et d'unité de mesure, l'apprentissage des
ordres de grandeur des éléments habituels de notre
environnement, la compréhension de l'organisation
décimale des unités de mesure et de leurs rapports
réciproques, les opérations mentales, les formules et les
calculs mettant en jeu ces mesures sont normalement
accessibles à ces enfants (compréhension, apprentissage, mémorisation), du moins si leur apprentissage
Les volumes et les masses
Outre les difficultés signalées plus haut pour les
longueurs, les jeunes dyspraxiques sont souvent
confrontés à des dessins représentant la troisième
dimension, lignes de fuite qu'ils ne peuvent pas
interpréter du tout ou pas de façon fiable. En outre,
les leçons concernant ces notions consistent souvent en expérimentations et manipulations que les
enfants DVS contrôlent mal : ils consacrent alors
l'essentiel de leurs ressources cognitives à tenter
d'éviter quelques catastrophes (renverser le matériel, le briser…).
Au contraire, libres de toute manipulation, de
toute nécessité d'analyse d'un dessin, de toute
contingence liée à une réalisation graphique ou
à l'effectuation d'une mesure, ces jeunes peuvent
alors raisonner avec pertinence sur les concepts
qui leur ont été explicités.
Organisation et gestion
des données
Comme nous avons déjà eu l'occasion de le
signaler, les tableaux, graphes, schémas sont des
93
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
é­ léments que ces enfants ne peuvent ni interpréter
ni réaliser. Ces objectifs (organisation et gestion
de données) et ces activités (tableaux, graphiques)
sollicitent donc exactement et entièrement les
fonctions cognitives défaillantes des jeunes dyspraxiques.
D'ailleurs, tous les « outils » de rangement, de
classement requièrent des compétences spatiales,
qu'il s'agisse des données d'un problème, des classeurs ou des cahiers, et même du cartable, de la
trousse, du bureau (y compris le bureau de l'ordinateur), etc.
La lutte contre la désorganisation permanente
est constante… et durablement à la charge des
adultes (cf. p. 199, 200). C'est même la raison qui
fait dire que ces enfants ne sont « pas autonomes »
(à l'école, à la maison). Il faut trouver pour certaines activités des ersatz ou des palliatifs et, pour
l'essentiel, accepter… de faire à leur place !
Ces jeunes sont aidés par la description verbale
et/ou un listing séquentiel des éléments à classer
(ou des actions à faire), appris par cœur, affiché
sur leur bureau ou collé sur leur ordinateur (cf.
encadré 6.1, p. 134). Des stratégies associées, de
type CO-OP (cf. p. 27), sont très efficaces.
Il faut cependant veiller à ne pas surcharger leur
mémoire (ou leur bureau) de suites d'indications,
de fiches ou d'instructions, à les limiter au minimum indispensable pour toujours privilégier les
apprentissages conceptuels et les connaissances,
sans jamais les sacrifier aux procédures et savoirfaire.
C'est souvent ce déficit persistant et rebelle
concernant l'organisation, l'autonomie et la gestion (du matériel, des connaissances) qui fait assimiler à tort handicap et mauvaise volonté, absence
d'application, fainéantise ou travail bâclé. Attention de ne pas confondre causes et conséquences :
certains, ignorant le handicap fondamental qui
sous-tend la dyspraxie, interprètent à tort les difficultés organisationnelles de ces enfants comme
résultant d'un défaut d'attention, de motivation
ou d'efforts. Ces personnes pensent alors que
l'enfant « se repose entièrement » sur l'adulte (c'est
souvent l'AESH, voire la mère, qui est visé) et
qu'améliorer son autonomie suppose de le mettre
en situation de faire seul. C'est un argument souvent avancé pour limiter le temps d'intervention
de l'AESH auprès du jeune dyspraxique (cf. p. 122,
169, 170, 201).
Il est bien évident que si, libéré de l'aide d'un
tiers, l'enfant pouvait réaliser les actes et traitements spatiaux exigés (à juste titre) des autres
enfants, il ne serait pas dyspraxique ! Et si pour
guérir ou améliorer notablement le handicap, il
suffisait de supprimer l'aide humaine… cela
serait miraculeux !
Bien sûr, c'est prendre le problème exactement
à l'envers (comme pour l'habillage, cf. p. 204,
le graphisme ou la lenteur) : c'est parce qu'il est
incapable, du fait de son handicap, de réaliser
certaines actions (ranger, classer, utiliser certains outils, certains matériels, lire ou construire
des tableaux et graphiques, etc.) qu'il a besoin
d'une aide humaine qui réalise pour lui ces actes,
de façon à éviter que sa désorganisation permanente ne se répercute dans tous les secteurs de la
scolarité.
En CM et au collège
C'est le moment où l'enfant aborde :
• les nombres entiers et naturels jusqu'au milliard
ou plus ;
• les nombres décimaux et les fractions : là, il
s'agit de nouveaux apprentissages, qui posent de
nouveaux problèmes aux jeunes dyspraxiques
et dont certains aspects leur resteront inaccessibles, du moins sous leur forme « habituelle » :
valeur des chiffres en fonction de la position de
la virgule et de leur position dans le nombre,
écriture fractionnaire (position des nombres
par rapport au trait de fraction), correspondances entre nombres à virgule et écritures
fractionnaires, repérage des valeurs sur une
droite graduée… ;
• grandeurs et mesures : les apprentissages
concernent les longueurs, les masses, les
volumes (mesures, calculs, conversions, périmètres…), les aires, les angles, le repérage dans
le temps et les durées, la monnaie ;
• organisation et gestion de données : il leur
faut produire des tableaux, des graphiques
et les analyser. La proportionnalité est abordée à partir de notions faisant intervenir les
notions de pourcentage, d'échelle… On prend
conscience que la plupart de ces apprentissages
sont en grande partie inaccessibles à l'enfant
94
Chapitre 4. Compter
dyspraxique non pour des motifs conceptuels,
mais bien en raison de la complexité des traitements spatiaux réclamés par la plupart de ces
apprentissages.
Il est donc de plus en plus important de chercher
à distinguer, pour chaque nouvelle acquisition,
quels sont les aspects conceptuels que le jeune doit
(ou peut) acquérir de ce qui revient à la méthodologie ou à la présentation spatiale habituelle qu'il
faut chercher à contourner, du moins lorsque c'est
possible.
Notons que la stratégie est identique à celle qui
consiste à transformer un plan (une carte spatiale)
en un trajet constitué d'une suite d'instructions verbales, telles que fournies par les GPS (cf. p. 159).
Exemple
On peut décrire de façon détaillée la suite
séquentielle des actions à exécuter pour utiliser une équerre ou un compas [71].
On peut aussi transformer une information holistique, visuo-spatiale, en une suite
séquentielle d'instructions verbales : A.
Crouail propose de transformer les données
spatiales (souvent réalisées sous forme de
dessin) en un récit (donc une verbalisation)
qui décrit très précisément les déplacements
d'une fourmi qui se déplace le long des parcours requis, en fonction de l'énoncé. Ceci
permet à l'élève de résoudre un problème de
périmètre, d'intervalles… Les stratégies utilisées (récits, contes) visent à enrichir l'énoncé
d'éléments concrets (histoire mise en scène
par l'enfant) afin que l'élève se construise et
s'approprie une représentation mentale (sous
forme discursive, sémantique) de la situationproblème qu'il doit résoudre.
Exemple
Les règles de priorité des calculs, l'algèbre
et la résolution d'équations, même simples,
réclament aussi des compétences neurovisuelles et spatiales. En effet, le jeune ne doit
pas oublier (visuellement) certains éléments,
qu'il s'agisse d'un nombre, d'une lettre, d'un
signe opératoire ou d'une parenthèse (équivalent du saut de mot en lecture, cf. p. 104),
surtout lorsqu'il effectue ses calculs successifs, d'une ligne à l'autre : chaque report
avec retour à la ligne peut être l'occasion
d'oublis, d'erreurs, d'interversions… L'aide
de couleurs (par exemple) peut être déterminante.
Ainsi, au cas par cas, on peut combiner différentes stratégies : proposer des aménagements
pour certaines dispositions spatiales (il peut s'agir
de couleurs, de présentations linéaires ou d'autres
simplifications) et/ou enseigner des procédures
verbales.
Mais il faut insister sur certaines contraintes
liées à la verbalisation :
• le choix de la verbalisation suppose que l'on se
soit préalablement assuré des capacités du jeune
en attention et mémoire de travail auditivo-­
verbale, mais aussi en mémoire à long terme ;
• la formulation des instructions verbales ne peut
pas être improvisée. Elle doit être très précise
(les éléments visuo-spatiaux ne sont en effet
pas faciles à décrire dans leurs relations fines,
puisque, justement, leur rôle est de donner une
information multifactorielle à partir d'une perception globale, ce qui doit en éviter la description verbale !). C'est pourquoi cette technique
requiert des personnels formés à ces techniques,
sachant anticiper les formulations à employer
dans les diverses circonstances, en fonction des
programmes scolaires ;
• par ailleurs, l'enfant doit être entraîné spécifiquement à utiliser cette méthode, souvent
durant plusieurs mois avant d'être véritablement efficace. Il peut s'agir de descriptions
Enseigner des procédures
verbales
Pour cette partie, nous nous inspirons directement des travaux d'Alain Crouail [71], professeur
de mathématiques dans un collège mixte recevant
des jeunes valides et dyspraxiques : il est donc
sans objet de les reproduire ici, nous invitons
donc le lecteur à se reporter à ses ouvrages.
Le principe général vise à traduire les informations visuo-spatiales, simultanées et globales en
informations verbales, séquentielles. C'est une
stratégie de choix lorsqu'il s'agit de définitions,
d'explicitations conceptuelles, de règles et même
de procédures spatiales.
95
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
v­ erbales de procédures, de récitation par cœur
de définitions ou de récits (des « contes » selon
la formule de A. Crouail) qui actualisent le problème sous une forme séquentielle que l'enfant
DVS peut alors résoudre. Faute de quoi, on peut
se trouver devant des récits ou contes très intéressants, mais qui n'aident en rien la résolution
de problèmes, au sens scolaire du terme ;
• l'enfant doit enregistrer sa verbalisation et ses
commentaires doivent ensuite être écoutés,
puis corrigés individuellement (importance du
feed-back, comme pour tout ­apprentissage) :
ceci nécessite à la fois une prise en charge
individuelle ou en très petit groupe et une disponibilité importante en temps de la part de
l'enseignant.
• mais il ne faut pas se leurrer : l'enfant dyspraxique ne pourra jamais généraliser ces techniques (c'est là l'essence même de sa pathologie) ;
• ces stratégies ont un coût très important pour
l'enfant, en temps, en énergie… Or, si cela permet certains apprentissages, il est cependant
loin d'être acquis que les résultats soient toujours à la hauteur des efforts investis dans ce
domaine.
Certaines notions mathématiques sont indispensables à une certaine autonomie sociale
(notion de nombre, comparaisons de quantités,
petites opérations…).
D'autres n'ont comme motivation que de permettre la poursuite de la scolarité à un certain
niveau et de permettre une orientation ultérieure
vers des métiers « scientifiques » : pour de nombreux jeunes, ces objectifs-là resteront inatteignables. Il faut en prendre la mesure rapidement
afin d'éviter d'engager l'enfant (sa famille et les
enseignants) dans des projets dévoreurs de temps
et d'énergie, mais sans réelle efficacité à moyen et
long terme.
Il faut donc bien cibler le projet en calcul et en
mathématiques en général et ne pas oublier qu'un
entraînement, même bien pensé en fonction du
trouble visuo-spatial que présente l'enfant, comporte ses limites, inhérentes au handicap.
Conclusion
Nous voulons insister sur quelques éléments inhérents au choix d'adapter au « moins mal » pour les
jeunes dyspraxiques les procédures visuo-spatiales habituellement mises en œuvre en mathématiques :
• ces aménagements requièrent un enseignement
individualisé : chaque cours doit être, idéalement, préparé à l'avance pour en permettre
l'aménagement (présentation, mise en pages,
colorisation…) et/ou la verbalisation, qu'il
s'agisse de la notion à acquérir ou des exercices
d'application. Ceci impose une prise en charge
individuelle ou en très petit groupe, ou bien en
classe ordinaire, mais avec l'aide d'un AESH
très bien formé à ces techniques ;
• ces adaptations comportent leurs propres
limites. Il est possible :
– de coloriser certains éléments pour aider les
enfants à les situer « à droite de » ou « à gauche
de », ou bien, comme le propose A. Crouail [71],
– de tracer à l'avance les barres de fraction pour
que l'enfant repère numérateur et dénominateur,
– de transformer un problème aux données
spatiales (déterminer le périmètre d'un
champ d'après un dessin coté) en un problème séquentiel (cf. « la petite fourmi »),
– d'enseigner à l'enfant une procédure verbale
d'utilisation de l'équerre ou du compas dans
telle ou telle circonstance précise ;
Il faut se garder d'engager de manière trop
importante les ressources de l'enfant (et des
rééducateurs) dans des batailles partiellement
mais inéluctablement perdues d'avance, alors
même que ces jeunes ne s'orienteront pas vers
des métiers scientifiques.
Un entraînement dans des matières où ils sont
moins en difficulté (domaine littéraire, langues,
droit, histoire et connaissances générales…) est
souvent beaucoup plus efficace et constitue une
stratégie à long terme nettement plus profitable
pour la grande majorité des jeunes dyspraxiques :
c'est l'objet même du projet individuel (cf. p. 33)
que de préciser les priorités, la hiérarchie des
actions à entreprendre et leur place relative. D'autant que la géométrie, autre branche des apprentissages mathématiques, mettra ces jeunes
(et leurs enseignants) dans des difficultés encore
plus complexes (cf. chapitre 8)…
96
Chapitre 4. Compter
Il ne s'agit pas de rééduquer tous les symptômes
ni de donner au jeune des « trucs » pour répondre
« comme les autres » et encore moins, devant
l'échec en mathématiques et le retard cumulatif
que prennent habituellement ces enfants dans
cette matière, de faire « toujours plus de la même
chose qui ne marche pas » (cf. p. 5).
les apprentissages. Certaines de ces rééducations sont tout à fait sans objet si la « dyscalculie » n'est pas rapportée à sa cause première, le
trouble spatial du jeune dyspraxique.
D'une façon générale, les objectifs d'une rééducation du calcul ne peuvent pas être décidés isolément, en ne tenant compte que des anomalies
constatées dans le bilan mathématique. Souvent
utile lorsqu'elle est bien adaptée, cette rééducation
doit être précisément déterminée (objectifs, techniques à favoriser, méthodes à proposer, aménagements à mettre en place en milieu scolaire, directives à suggérer à l'AESH, limites à se fixer…),
en tenant compte de l'ensemble des troubles dont
souffre l'enfant et en lien étroit avec le pronostic
prévisible et le projet scolaire envisagé (cf. p. 32).
Or, la grande majorité des enfants dyspraxiques, au vu de leur échec habituel, précoce et intense en calcul, bénéficient de
rééducations dites « logico-mathématiques »,
généralement pratiquées par des orthophonistes formés aux troubles du calcul. Le terme
de « logico-mathématique » est particulièrement mal choisi, car ces jeunes disposent de
compétences logiques intactes, qui serviront
même de support préférentiel pour permettre
97
Lire
Chapitre
5
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
« L'écriture est un message à regarder, une constellation de signes qui s'offrent
dispersés dans un espace, celui de la page ou ce qui en tient lieu, écran, mur,
paroi ou firmament, « page » de sable, de bois, de terre ou de pierre. L'alternance
de vide et de plein, de noir et de blanc y organise un champ visuel aux rythmes
singuliers. »
Zali A. « L'écriture, art du visible ». In : L'aventure des écritures. Paris :
Bibliothèque nationale de France
• ce terme désigne aussi le diagnostic neuropsychologique, c'est-à-dire l'identification d'un
déficit (ou d'une anomalie développementale) touchant un (ou plusieurs) des processus
cognitifs sollicités lors de l'apprentissage de la
lecture. En effet, différentes grandes f­onctions
cognitives peuvent être en cause. La déficience ou l'anomalie de développement de chacune d'entre elles peut déterminer un tableau
­pathologique différent, une forme de dyslexie
particulière, chacune répondant à des stratégies
thérapeutiques spécifiques [1].
Différents mécanismes peuvent expliquer des
difficultés (ou des performances significativement insuffisantes) en lecture chez l'enfant dyspraxique et il faut considérer ici deux situations
bien distinctes :
• soit la dyslexie est sans rapport direct avec
la dyspraxie : la dyslexie est la conséquence
d'un trouble phonologique, d'un déficit de la
mémoire de travail, d'un syndrome dysexécutif [8]… C'est alors un trouble associé. Les
dyslexies phonologiques représentent, de loin,
les plus fréquentes des dyslexies (environ les
{2/3} de l'ensemble des dyslexies), ce qui rend
compte du fait que de nombreux professionnels, à tort, assimilent la dyslexie-symptôme
(constatation d'un trouble de la lecture) avec le
diagnostic de dyslexie « phonologique ». Bien
sûr, l'association d'une dyslexie phonologique
avec une DVS constitue une comorbidité et
modifie considérablement la prise en compte et
le pronostic du problème de l'accès à la lecture
(cf. p. 38) ;
La grande majorité (environ les deux tiers) des
enfants qui sont atteints d'une dyspraxie isolée
apprennent à lire sans aucun problème particulier, puis développent des compétences en lecture
comparables à celles de leurs pairs.
C'est pourquoi, lorsque ce n'est pas le cas,
il convient de reprendre les explorations à la
recherche d'une cause qui rende compte des symptômes : seul le diagnostic du type de dyslexie dont
souffre l'enfant permet de lui proposer des aides,
des rééducations et des adaptations efficaces. En
effet, le terme de dyslexie recouvre deux significations très différentes :
• souvent, il ne s'agit que d'un constat : l'enfant ne
peut pas apprendre à lire et/ou le niveau de performance atteint en lecture est très inférieur à ce qu'il
devrait être46, ce qui se traduit par un décalage de
deux années ou plus par rapport aux acquis des
enfants du même âge ou du même niveau scolaire
ou par un écart supérieur à 1,6 déviation standard
(ou − 2 DS47 si l'on est plus exigeant) par rapport
à la norme lors de tests étalonnés. C'est alors un
symptôme, c'est-à-dire un signe observable qui
peut être la résultante de différentes pathologies
sous-jacentes. Ce constat doit donc absolument
déboucher sur une seconde étape, diagnostique ;
46
47
Après avoir éliminé : une déficience mentale, un
trouble envahissant du développement, une insuffisance d'apprentissage (non-scolarisation, difficultés
psychosociales sévères…).
Déviation standard (DS) ou écart-type (ET) : caractérisent l'écart à la norme dans les tests dont les
résultats ont une distribution « normale » (en cloche,
courbe de Gauss).
99
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
• soit la dyslexie résulte de troubles neurovisuels
en lien direct avec la dyspraxie, gênant la phase
de prise d'information visuelle de la lecture :
on parle de dyslexie « visuelle » ou « visuoattentionnelle » [64]. Cela semble concerner, de
façon plus ou moins intense, environ un tiers
des jeunes dyspraxiques, ceux qui présentent
des troubles neurovisuels importants. Dans de
rares cas (environ 10 % ?), elle peut même être au
premier plan, révélant une dyspraxie gestuelle
très discrète passée inaperçue. Certains [9] ont
montré un lien entre processus visuels inhérents à la lecture, dyslexie visuelle et anomalies
pariétales (ces dernières étant aussi le support
des fonctions visuo-spatiales et praxiques).
Seules ces dyslexies visuelles sont l'objet de ce chapitre : il ne s'agit pas de comorbidité, mais bien des
répercussions de la dyspraxie dans l'accès à la lecture.
(de haut en bas), avant même de pouvoir exercer
ses capacités de conversion grapho-phonologique,
de déchiffrage, puis d'identification des mots et
de compréhension de texte. Cet acte visuel de saisie du texte est complexe.
Il s'agit d'un « geste » oculaire :
• qui repose sur le développement initial de capacités innées : fixation d'une cible, poursuite
d'une cible mobile, exploration d'une scène
visuelle grâce à une succession de saccades. Ces
habiletés se mettent en place aux alentours de
l'âge de 4 mois, puis elles s'affinent progressivement au fil des mois et des années ;
• et qui, sur ces bases, est secondairement
appris entre la grande section de maternelle et
le CE2 (stade habituel de la lecture courante).
L'entraînement à la lecture enseigne (apprentissage implicite) au système neurovisuel comment
organiser les saccades linéairement de gauche
à droite (de droite à gauche pour des lecteurs
arabes ou israéliens) et comment calibrer les
saccades oculaires afin qu'elles tombent précisément presque au milieu du mot. C'est pourquoi
de nombreux spécialistes [73] dans le domaine
de l'apprentissage de la lecture préconisent
depuis longtemps un entraînement visuel systématique en CP pour favoriser l'apprentissage de
la lecture chez des enfants tout-venant [73].
Ces « praxies oculaires pour la lecture » peuvent
ne pas se mettre correctement en place chez certains jeunes dyspraxiques qui présentent une
importante imprécision des gestes oculaires. La
gêne à la lecture, selon l'intensité des troubles,
peut se manifester à différents moments de la scolarité et sous différentes formes.
Mais c'est toujours une dyslexie-symptôme [1]
qui alerte dans un premier temps : l'enfant ne lit
pas comme il est attendu pour son âge, son niveau
intellectuel, son niveau scolaire. Il faut alors rechercher les éléments qui relient cette dyslexie et la dyspraxie : le bilan orthophonique étonne, car il montre
de bonnes capacités en phonologie et métaphonologie et l'enfant connaît bien les correspondances
sons-graphies. Il lit beaucoup mieux les mots isolés
que les mêmes mots inclus dans un texte. Un bilan
orthoptique peut étayer ce diagnostic. Cependant,
il doit être confronté aux bilans des autres professionnels (psychologue ou neuropsychologue, ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste) pour
déboucher sur une conclusion fiable.
Dyslexie « visuelle » dans le cadre
d'une dyspraxie
Lorsque les difficultés en lecture du jeune sont
directement en lien avec la dyspraxie [72], selon
l'intensité des troubles, les difficultés peuvent se
manifester soit d'emblée (lors de l'apprentissage
en CP-CE1), soit ultérieurement lorsque la lecture
courante est requise (CE2).
Dans les deux cas, l'avis de l'orthoptiste est
requis en complément du bilan neurovisuel :
d'importantes anomalies sont toujours présentes,
concernant la fixation, les capacités de poursuite
oculaire et, surtout, le déclenchement, le calibrage
et l'organisation des saccades oculaires.
L'exploration visuelle du texte (organisation
linéaire et régulière des saccades, essentiellement de gauche à droite, exploration en lignes ou
colonnes, calibrage des grandes saccades de retour
à la ligne, balayage d'un texte à la recherche d'une
information précise) est défectueuse. Il peut s'agir
d'un trouble de la régulation spatiale automatique
de l'organisation exploratoire (une diffusion du
trouble praxique aux gestes oculomoteurs) et/ou
de troubles de la stratégie du regard (déficit des
fonctions exécutives).
Lire est en effet d'abord un geste visuel : il faut
pouvoir s'emparer du texte avec ses yeux, de la
suite linéaire des lettres/syllabes/mots (de gauche
à droite, en français) et des lignes successives
100
Chapitre 5. Lire
Difficulté d'accès à la lecture
­(CP-CE1)
Elles rendent surtout beaucoup plus efficaces
et plus « rentables » les stratégies d'aménagements des textes (adaptations typographiques
et de présentation) qui doivent toujours être
simultanément utilisées.
Il s'agit de très jeunes enfants (6–8 ans) pour lesquels
il est légitime de mener simultanément des actions
de rééducation et des actions de réadaptation.
Aménagement spécifique
de l'apprentissage
Réels mais lents et laborieux, les progrès liés à la
rééducation ne sont jamais assez rapides ni assez
fonctionnels pour permettre de suivre le rythme
scolaire (cf. p. 34). C'est pourquoi, d'emblée, afin
de préserver des apprentissages de bonne qualité,
il faut prévoir aussi des adaptations et des palliatifs efficaces dans des délais satisfaisants.
La rééducation est conduite par un professionnel qualifié. Les outils de compensation préconisés par les spécialistes sont utilisés pour tous les
apprentissages, en particulier en classe.
Rééducation de l'organisation
du regard (orthoptiste,
ergothérapeute)
En complément du travail effectué par l'ortho­
ptiste et/ou en collaboration directe avec lui, les
rééducateurs (ergothérapeute, orthophoniste)
peuvent proposer un entraînement fonctionnel
des saccades, en vue d'améliorer la prise d'informations visuelles lors de la lecture. Pratiqué en
individuel ou en petit groupe lors des séances
de rééducation (ergothérapie), cet entraînement
prend des formes différentes selon l'âge de l'enfant
et l'intensité des troubles [74].
Les exercices (sur papier, sur tableau, ou sur
écran d'ordinateur, ou, en groupe, sur écran grâce
à un vidéoprojecteur) portent principalement sur
trois domaines :
• l'organisation linéaire des saccades, de gauche à
droite ;
• la grande saccade de retour à la ligne ;
• le calibrage des saccades et l'augmentation
de l'empan visuel, dit aussi « fenêtre visuo-­
attentionnelle » [10].
Ces rééducations ne conduisent pas à une « normalisation » des mouvements du regard lors de la
lecture, mais peuvent limiter la fatigabilité et autoriser la lecture sur de courts textes.
101
L'enfant, du fait de ses mouvements désorganisés du regard, explore visuellement les mots (ou
le texte) de façon aléatoire. La nécessité permanente, lors de la tâche de lecture, de contrôler
plus ou moins intentionnellement les mouvements de ses yeux induit une fatigabilité anormale, car elle met le lecteur débutant en double
tâche quasi permanente (cf. p. 21), situation qui
aggrave ses difficultés de déchiffrage et d'assemblage.
C'est la raison pour laquelle il est très important, en phase d'apprentissage, de simultanément :
• favoriser tous les autres processus linguistiques
sous-jacents à la lecture : surentraînement des
habiletés métaphonologiques, automatisation des conversions graphophonologiques, en
particulier les di- et trigraphes, syllabes, et ce
préalablement à la lecture de mots et de petits
textes ;
• soulager au maximum la tâche visuelle :
colorisation syllabique alternée (cf. infra),
surlignage alterné des lignes, retour auditif
pour effectuer un contrôle sur la production
écrite et la frappe à l'ordinateur (et en éviter le
contrôle visuel)… ;
• porter une grande attention à la présentation du
texte (typographie, présentation spatiale), et ce
de façon systématique et permanente.
Toutes ces adaptations imposent une vigilance
constante, car elles doivent concerner l'ensemble des écrits proposés à l'élève : cela
constitue une part très importante du travail
de l'AESH, travail qui doit être suffisamment
anticipé chaque fois que possible (en lien avec
l'enseignant), afin que l'enfant puisse disposer
de textes réellement exploitables, et ce en
même temps que ses camarades.
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
sation. Dans ce but, la méthode par imprégnation
syllabique [76] est un choix privilégié : en isolant
les syllabes, en focalisant l'attention de l'enfant sur
ces groupements fréquents de lettres, on favorise
leur repérage ultérieur dans le mot et l'automatisation de leur conversion. Par ailleurs, cela donne
sens et renforce grandement l'efficacité des adaptations visuelles simultanément mises en œuvre
(colorisation alternée des syllabes, cf. infra).
En outre, l'automatisation des conversions
graphophonologiques favorise un apprentissage
« sans erreur » : la vocalisation toujours correcte
des syllabes ou petits mots transcrits favorise un
appariement parfait et automatique entre le stimulus visuel qu'est le graphème et son correspondant phonologique.
Maximiser l'efficacité des processus
linguistiques sous-jacents (orthophoniste)
Il s'agit d'utiliser et de valoriser au mieux les
compétences langagières – de bon niveau – de
ces enfants pour faciliter l'apprentissage de la
lecture et compenser (ou contourner) les difficultés ­auxquelles ils vont se heurter du fait de leurs
troubles du regard.
Entraînement phonologique
Il est très important de proposer à l'enfant dyspraxique un entraînement métaphonologique
parti­culièrement soutenu. Cette activité fait souvent déjà partie des exercices que font normalement tous les enfants en GSM, mais, dans la grande
majorité des cas, ce travail reste relativement ponctuel et limité. Il est donc important de l'intensifier
et d'être très vigilant sur l'évolution des compétences du jeune dyspraxique dans ce domaine.
En règle générale, ces enfants (qui n'ont pas de
troubles phonologiques) progressent rapidement
et de façon très efficace dans ces exercices (du
moins en l'absence de déficit de la mémoire de
travail et/ou des fonctions exécutives).
Si la mémoire de travail auditivo-verbale est
« limite », un entraînement spécifique dans ce
­secteur [58, 59, 75] est rapidement profitable et
permet d'utiliser avec profit les stratégies compensatrices proposées ici.
Alléger les contraintes visuelles
(ergothérapeute, AESH, enseignant)
Plusieurs stratégies sont employées, s'appuyant
sur l'oral, la colorisation alternée des syllabes
et/ou des lignes, l'utilisation de logiciels adaptés, l'aménagement typographique et spatial des
textes. Nous conseillons, là encore, de privilégier
la syllabe, principal constituant du mot en français. La colorisation alternée de syllabes fait partie
des stratégies d'aide au repérage visuel des frontières syllabiques.
Faible efficience en lecture
(à partir ou au-delà du CE2)
Épellation
Ce travail doit être couplé à l'apprentissage de la
reconnaissance des lettres dans les polices usuelles
(majuscules, minuscules, cursives) et de leur dénomination. Cela permet assez souvent (en lien avec
l'entraînement de la mémoire de travail), dès la fin
de CP, l'épellation de syllabes et de mots courts et
fréquents et, réciproquement, la reconnaissance
de mots courts et fréquents épelés par l'adulte.
Cette compétence leur est ensuite très utile pour
reconnaître visuellement une syllabe ou un mot
dont ils ont déjà construit une représentation
orthographique par voie auditivo-­verbale (traitements « descendants » ou top → down) et pour
l'apprentissage du clavier (cf. p. 119).
Il s'agit de jeunes qui ont initialement appris à lire
sans problème manifeste, mais qui ne parviennent
pas à une lecture courante fluide et rapide et/ou :
• qui présentent une fatigabilité anormale à la lecture, limitant leurs possibilités à quelques lignes ;
• leur compréhension de texte est insuffisante ou
lacunaire.
C'est souvent à partir du CE2-CM que leur
efficience en lecture s'avère insuffisante au point
d'inquiéter, et leur écart à la norme ne cesse de
se creuser, avec des performances qui les situent
à deux ans ou plus du niveau de lecture attendu
pour leur âge ou leur niveau scolaire.
En fait, les troubles neurovisuels empêchent
ces enfants de progresser normalement, de
se saisir visuellement de façon efficace du
texte et ils atteignent précocement un « plafond », ­
généralement au niveau CP-CE1 : ils
Conversions graphophonologiques
(graphèmes, di- et trigraphes, syllabes)
Ces conversions sont également systématiquement entraînées, afin de favoriser leur automati-
102
Chapitre 5. Lire
Là encore, l'idée apparemment de bon sens
que, pour acquérir une solide orthographe
d'usage (lexicale), il faut lire « plus » ressort de la
logique du « toujours plus de la même chose qui
ne marche pas » ! Au contraire, c'est parce qu'ils
sont porteurs d'un handicap neurovisuel que ces
jeunes ne peuvent pas bénéficier de la lecture pour
construire leur lexique orthographique, pour
améliorer leur orthographe.
Il faut donc leur proposer d'apprendre l'orthographe par voie auditive (épellation) et/ou
visuellement, mais en éliminant (ou limitant) la
nécessité de calibrer les saccades et de les organiser : apprentissage par voie auditivo-verbale ou
« mots flashs » apparaissant toujours au centre de
l'écran.
Enfin, si une dysorthographie gênante persiste,
on proposera d'utiliser un correcteur orthographique (cf. p. 104, 123).
c­omprennent et peuvent appliquer les règles
d'assemblage, peuvent identifier un mot ou
même lire une petite phrase, voire quelques
lignes (laborieusement), mais ils ne peuvent pas
lire un texte de façon fluide et rapide (lecture
dite « courante »).
L'objectif essentiel est alors de donner à l'enfant
une possibilité de s'emparer du contenu des
textes, d'une façon fiable et rapide, d'utilisation
facile et souple, afin qu'il puisse poursuivre sa
scolarité, apprendre, réviser, réfléchir.
En complément, la rééducation en vue d'améliorer les capacités de lecture de l'enfant peut aussi
être utile (+ essai de rééducation orthoptique si
cela n'a jamais été fait). Mais l'urgence est désormais d'éviter que les difficultés neurovisuelles
de l'enfant ne diffusent dans l'ensemble des
apprentissages, générant un échec scolaire global. Les propositions doivent donc tenir compte
de l'importance du trouble lexique, de la nature
des écrits, de leur longueur, de leurs objectifs (un
texte de problème ne s'aborde pas comme une
œuvre littéraire…) et, bien sûr, du pronostic scolaire global (cf. p. 32).
Voie auditivo-verbale
Lors des premières années d'école primaire, les
apprentissages systématiques de l'orthographe
des mots usuels se font sous forme de dictées dites
« préparées », par l'intermédiaire de listes de mots.
Il faut en encourager un apprentissage par cœur
et oral (épellation), en regroupant les mots partageant la même particularité orthographique, ou la
même étymologie, ou le même champ sémantique
(cf. p. 58).
Lutter contre la dysorthographie
associée (orthophoniste)
Les anomalies de calibrage des saccades lors de
la lecture ont une autre conséquence : la fixation
oculaire ne se fait pas (ou tout à fait exceptionnellement, par hasard) précisément où elle devrait
pour permettre une perception globale efficace de
la forme orthographique des mots. De ce fait, ces
jeunes DVS ne peuvent pas construire un lexique
orthographique fonctionnel [54] (cf. p. 58).
Lecture « flash »
On présente à l'enfant des mots isolés (de préférence des mots d'occurrence fréquente) qui
s'inscrivent au centre de l'écran de l'ordinateur. L'enfant sait où ils vont apparaître, il n'a
pas à faire de recherche visuelle ni à calibrer
ses saccades ; il doit juste fixer brièvement le
centre de l'écran. Chaque mot doit apparaître
très brièvement (d'où le terme de lecture flash),
un temps insuffisant pour autoriser une lecture
par voie indirecte (assemblage), afin de ne pas
solliciter une succession de saccades oculaires.
Cette technique tend à favoriser la lecture par
adressage et, du même coup, l'engrammation
implicite (cf. p. 15) de la forme orthographique
du mot. Il est évidemment nécessaire d'utiliser les paramétrages spécifiques de lecture
propres à l'enfant : police, taille, casse, crénage,
contrastes…
Or, cette dysorthographie peut avoir un impact
d'autant plus négatif sur leur scolarité que ces
jeunes s'orientent, pour la plupart, vers des sections littéraires (cf. p. 59, 96). Il faut donc être
vigilant précocement (dès le CE1) sur la qualité
des apprentissages orthographiques des jeunes
dyspraxiques qui présentent des anomalies du
regard et de médiocres performances en
lecture.
103
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
La lecture, dès lors qu'elle n'est pas fluide
et véritablement automatisée, est source de
fatigue anormale, voire d'incompréhension du
texte. Il faut alors la remplacer par une oralisation des textes (appelée rétroaction vocale par
nos homologues canadiens). Quand l'enfant est
jeune, c'est un adulte qui lira pour lui, adaptant
son rythme de lecture aux capacités, besoins
et rythme de l'élève. La lecture est cependant
encore favorisée et améliorée par des adaptations, comme (par exemple) la colorisation
alternée des syllabes.
Correcteur orthographique
Il faut disposer d'un correcteur orthographique
très performant, en particulier :
• capable de repérer les erreurs transformant
la forme globale du mot et/ou les graphèmes
initiaux de début de mot, tout en respectant la phonologie du mot (automne écrit /
otone/). Ce respect de la forme phonologique
du mot est en effet habituel dans ces dyslexies
visuelles ;
• ne faisant pas de trop nombreuses propositions
dans lesquelles le jeune risque de se perdre et de
passer beaucoup de temps.
Il peut aussi contenir des mots en écriture
abrégée (tjrs → toujours, bcp → beaucoup)
ou initiale (ortg → orthographe) concernant
des mots fréquents ou utilisés dans les programmes de l'année scolaire en cours, abréviations inscrites telles quelles dans le correcteur
orthographique automatique de l'ordinateur
de l'élève (cf. p. 180) qui restituera la forme
­c omplète du mot.
Bien sûr, ces propositions peuvent être plus ou
moins combinées et elles doivent évoluer en fonction de l'importance de la dysorthographie, de
l'âge et du niveau scolaire du jeune, de son projet
d'orientation et d'avenir.
Colorisation alternée des syllabes
(figure 3.5, cf. « Cahier couleur »
en fin d'ouvrage)
Il s'agit d'aider l'enfant à repérer visuellement les
frontières syllabiques et donc les syllabes (dont
il a préalablement automatisé le correspondant
phono­logique) au sein des mots écrits. Il peut
ainsi utiliser les procédures acquises antérieurement (imprégnation syllabique, logiciel de
retour vocal paramétrable, etc.) avec efficacité
et rapidité. C'est la condition fondamentale
pour effectuer l'assemblage dans de bonnes
conditions et aboutir à du sens. Par convention,
les lettres muettes sont laissées en gris ou noir
(les petits mots-outils, qui ne doivent pas être
déchiffrés mais lus par adressage, sont en noir
et soulignés).
Cette préparation des textes doit être réalisée
par l'orthophoniste, l'AESH, l'enseignant ou les
parents (il existe des logiciels qui automatisent
cette tâche). Mais elle doit être poursuivie en
classe (et à la maison lors de devoirs) tant que
la lecture n'a pas atteint une certaine efficacité
(en rapidité et fluidité) comparable à celle qu'on
observe habituellement en fin de CE1-CE2. Ce
n'est que progressivement que ces aides visuelles
sont partiellement omises, puis tout à fait abandonnées.
Lire autrement
La lecture peut rester laborieuse et épuisante
pour un élève dyspraxique, même bien rééduqué.
En fonction de la sévérité des troubles, la lecture est plus ou moins fortement impactée. Dans
ces ­cas-là, nous préconisons de restreindre au
maximum les tâches de lecture en les limitant à
quelques mots, voire de courtes phrases.
Dès lors que la lecture est sollicitée pour les
apprentissages et que l'enfant se trouve en double
tâche, il faut trouver des palliatifs permettant
aux élèves dyspraxiques d'acquérir les mêmes
connaissances que leurs camarades.
Il est très important que les différents écrits
soient préparés et colorisés à l'avance pour que
l'enfant dyspraxique puisse, lors des différentes
séquences, disposer des mêmes supports pédagogiques et répondre aux mêmes exigences que
ses camarades.
Seul le support est modifié, il s'agit donc bien
d'adapter la forme et non le fond, c'est-à-dire de
respecter l'essence même de l'apprentissage
tout en en modifiant la modalité d'accès.
104
Chapitre 5. Lire
plus nombreuses, cela modifie les informations
perçues lors de chaque fixation (limite l'empan
visuel) et réclame une organisation du regard
encore plus importante !
Colorisation alternée des lignes
(figure 3.6, cf. « Cahier couleur »
en fin d'ouvrage)
Lorsque l'enfant n'a plus besoin de l'aide syllabique, les textes qu'il peut (doit) lire seul croissent
en longueur et en densité. Les jeunes présentant
des troubles du regard doivent alors être aidés
pour :
• suivre la ligne sans que leur regard ne s'égare
(saut de mots) ;
• effectuer les retours à la ligne (éviter les sauts de
lignes).
Le surlignage de chaque ligne, en couleurs alternées, aide considérablement l'enfant en réduisant
sa fatigue (le contrôle volontaire qu'il doit exercer
sur les mouvements de son regard) et en limitant
les regards erratiques qui ralentissent la lecture
et perturbent la compréhension (cf. figure 3.3,
« Cahier couleur » en fin d'ouvrage).
Il est très important que ce surlignage ne
masque pas le texte. Nous préconisons d'utiliser des fluos transparents de couleur claire dont
l'alternance permet une bonne discrimination des
lignes. Attention aux couleurs trop proches dans
la gamme chromatique.
L'alternance choisie doit être toujours la même,
de façon à ce que l'enfant acquière la régularité de
cet algorithme et puisse anticiper, à chaque retour
à la ligne, la couleur de la ligne suivante. Pour certains enfants, il est également nécessaire de marquer le début (et la fin) de chaque ligne : dans ce
cas, on choisit un repère vert en début de ligne et
rouge en fin de ligne (cf. figure 3.4, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage).
Bien sûr, tout cela doit être en place préalablement à l'utilisation scolaire du ou des textes.
Adapter la présentation spatiale
et typographique
Plusieurs éléments concourent à rendre plus
accessibles les différents écrits :
• très peu d'informations par page : un ou deux
paragraphes, un seul problème ou un seul exercice, etc. Il s'agit de limiter la recherche visuelle
sur le support, activité qui réclame une excellente stratégie d'exploration du regard. Ces
aménagements doivent concerner les feuillets,
les pages, le tableau, l'écran de l'ordinateur et
les murs de la classe souvent surchargés d'informations ;
• une présentation classique, claire, aérée : les présentations touffues, complexes, souvent jugées
attrayantes par les autres enfants (bulles imitant
les bandes dessinées, imbrication de dessins
et de textes, typographies originales, textes en
colonnes, flèches ou traits emmêlés reliant des
éléments éloignés…) sont souvent inaccessibles
pour les enfants DVS (figures 8.5a et 8.5b). Il
faut alors scanner ces ouvrages (facilité par
l'utili­sation d'une souris scanner, le plus souvent
réalisé par l'AESH) et en réaménager les informations (ou les exercices), ou bien c'est l'AESH
(ou le secrétaire) qui doit recopier chaque élément pertinent sur l'ordinateur de l'enfant…
Bien sûr, toutes ces opérations seront grandement facilitées lorsque les supports numériques
seront réellement répandus (l'Éducation nationale
cherche à favoriser les supports numériques).
La numérisation des supports scolaires, l'utilisation de plus en plus fréquente des smartphones,
tablettes et ordinateurs toujours plus performants
facilitent grandement ces adaptations. Ainsi, la
numérisation peut se faire par photo, couplée à un
logiciel de reconnaissance de caractères… L'adaptation personnalisée (typographie : police, taille,
casse, espacement des caractères et des lignes) peut
se paramétrer. C'est pourquoi nous nous attachons
à décrire les besoins des élèves et non les solutions
techniques qui sont en perpétuelle évolution et
qui doivent progressivement entrer à l'école, être
acceptées lors des contrôles et examens.
Augmenter l'espacement
des lignes
Chaque fois que possible, on choisit des interlignes 1,5 ou doubles, qui facilitent le retour à la
ligne et limitent les sauts de ligne. Ceci est possible si le texte à lire est informatisé ou si l'on peut
le scanner et en modifier la présentation.
Attention cependant à ne pas trop augmenter la police de caractères ni les interlignes (cf.
figure 3.5a, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage).
La lecture du texte nécessite alors des saccades
105
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
Quoi qu'il en soit, ces aides doivent toujours
prendre place dans une stratégie globale de
simplification et de clarification de tous les
écrits, car cela constitue le premier et le principal des allégements visuels.
Dès lors qu'il s'agit de suppléer à une fonction
déficitaire, seul un partenariat étroit entre les
différents intervenants permet une utilisation
justifiée, acceptée et efficace de cette aide
palliative.
Plusieurs logiciels de retour vocal existent dans
le commerce. Il faut prendre le temps de bien évaluer les besoins de l'enfant, c'est-à-dire :
• les répercussions de ses troubles, donc ses difficultés, voire ses incapacités ;
• mais aussi ses ressources, ses capacités ;
• le contexte dans lequel le jeune évolue ;
• la situation d'apprentissage concernée et ses
enjeux dans le projet de vie de ce jeune.
Il s'agit donc d'évaluer la situation de handicap
dans son ensemble afin de choisir le palliatif le
plus adéquat et de définir ses conditions d'utilisation.
Ces logiciels ont l'avantage de permettre à
l'enfant d'être plus autonome dans l'activité,
une fois le matériel informatique installé et
branché par une tierce personne, car il ne faut
pas ­sous-­estimer les troubles d'organisation et
de planification gestuelle qui vont interférer
dans l'installation et la préparation du matériel.
Un casque est également prescrit et fourni en
même temps que le logiciel pour permettre au
jeune DVS de se faire lire les textes par son logiciel
en classe, sans déranger les autres élèves.
En parallèle, il faut essayer au maximum de
recourir aux livres « à écouter », audio et numériques permettant soit une écoute directe, soit une
écoute par l'intermédiaire du logiciel de retour
vocal.
« Ouïe-lire », un autre accès
à la lecture
Il s'agit là non de lire avec les yeux, mais de lire
« avec les oreilles » (!), c'est-à-dire de contourner
le handicap pour permettre au jeune de s'emparer du contenu des différents écrits en dépit des
limitations ou d'impossibilités induites par les
troubles neurovisuels inhérents à la dyspraxie.
On est bien là dans une logique palliative : le
jeune est capable de lire de courts textes, une
consigne, mais il ne peut pas lire un texte long,
prendre connaissance d'une pleine page d'instructions ou d'un roman. Pour toutes ces applications, il faut lui proposer un logiciel de lecture
puissant et performant (cf. p. 192). Il faut choisir
des logiciels susceptibles de lire tous les textes, sur
des supports variés, dans différentes langues (ce
qui est indispensable à partir du collège : langues
vivantes). Le choix de ces logiciels doit donc satisfaire à un cahier des charges répondant à différents critères, en fonction des troubles de l'élève,
de son âge, de son niveau scolaire et des tâches à
effectuer.
L'utilisation de logiciels permettant un retour
vocal pour une lecture oralisée de textes requiert
de bonnes capacités en mémoire auditive, qui
doivent donc être précédemment validées lors du
bilan neuropsychologique. Il est indispensable
de surentraîner la mémoire auditive des élèves
dyspraxiques dès leur plus jeune âge, puisqu'elle
est la condition d'une utilisation fonctionnelle et
efficace de la lecture oralisée (par un tiers ou un
logiciel).
Il ne suffit pas de prescrire et d'installer ces
matériels. Il faut entraîner l'enfant à utiliser ces
logiciels de lecture vocale. L'apprentissage est
généralement effectué en séance individuelle avec
l'ergothérapeute qui :
• montre et explique les différentes fonctionnalités du logiciel ;
• définit avec l'enfant, l'enseignant et la famille les
conditions et modalités d'utilisation du logiciel.
Contourner les difficultés de lecture n'empêche pas l'enfant de progresser en lecture et
ne contrarie en rien la rééducation orthophonique. Mais il faut clairement dissocier les
moments où l'enfant dyspraxique est en
situation de rééducation (séances d'orthophonie et séquences de lecture bien délimitées en classe ou au domicile) et les situations
où l'enfant est un élève en cours d'apprentissage, où la priorité est l'acquisition de nouvelles connaissances.
106
Chapitre 5. Lire
Ainsi, le jeune peut prendre connaissance des
œuvres étudiées en classe, construire les mêmes
savoirs, disposer des mêmes bases de connaissances que ses camarades, d'éléments de réflexion
pertinents et répondre aux mêmes questions ou
exercices que les élèves de sa classe.
Réduire la quantité de lecture
Limiter les textes à lire reste absolument fondamental et pourtant très difficile à faire accepter :
la réaction la plus courante est en effet de penser
que, puisque l'enfant lit mal, il faut qu'il s'entraîne
plus et qu'il lise plus. Certains (qui ignorent ce
handicap ou le nient) renversent même la proposition et pensent que c'est parce que ces enfants
lisent peu qu'ils lisent mal ! On confond alors
causes et conséquences. On est encore dans la
logique du « toujours plus de la même chose qui
ne marche pas » (cf. p. 5)…
Or, lorsqu'ils fatiguent (du fait de leur handicap
neurovisuel, souvent méconnu), ces enfants n'apprennent plus rien : la lecture ralentit, de nombreuses erreurs de déchiffrage et d'identification
de mots se produisent, la compréhension devient
de plus en plus déficitaire. Ces efforts sont donc
non seulement inutiles, mais contre-productifs.
Pour les textes longs (romans, œuvres littéraires…) qui doivent être lus dans des délais
imposés, on propose :
• une lecture alternée avec les parents (ou un
adulte). On évalue grossièrement la quantité
de lecture que l'enfant peut fournir dans de
bonnes conditions de fluidité, de rapidité et de
compréhension (six lignes, ou un paragraphe,
ou une demi-page). Cette quantité sert d'étalon approximatif. L'adulte prend le relais : il lit
à haute voix environ le double de texte étalon,
puis le jeune reprend à son tour sur un signe de
l'adulte qui désigne où continuer ;
• l'écoute de livres, œuvres littéraires, poèmes…
Désormais, de très nombreuses œuvres sont
enregistrées, en audio ou en numérique, qu'il
s'agisse de livres pour les très jeunes, de romans
modernes récemment publiés, de classiques,
etc. Dans certains cas, le jeune peut aussi
prendre connaissance de l'œuvre par d'autres
moyens : films, pièces de théâtre ;
• pour ce qui concerne certaines leçons ou
certains exposés qui nécessitent que le jeune
recherche des informations sur différents supports, il faut aussi penser aux supports audio
(vidéos, CD, documentaires, émissions TV
ou radio, podcasts, etc.) très nombreux et très
bien faits, qui lui permettent d'accéder à des
savoirs de bon niveau, en concordance avec
ceux de ses pairs.
Tous les textes, sur tous les supports, doivent
être aménagés, de telle sorte que l'enfant dispose de documents pédagogiques utilisables en
même temps que ses camarades (AESH, enseignant, parents). Il est capital de réduire de
façon drastique la quantité de lecture.
Signalons la difficulté particulière liée aux
écrits au tableau et aux affichages : ces écrits lui
sont souvent inaccessibles et doivent donc être
adaptés au cas par cas. (cf. chapitre 7)
Cas particuliers : dyslexie
liée à un trouble associé
(co-occurrence de « dys- »)
Dyspraxie et trouble
phonologique
Dyslexie phonologique
Souvent, le diagnostic de dyspraxie est connu
depuis les classes maternelles, l'enfant est déjà
suivi et rééduqué, et c'est avec surprise que l'on
découvre, en fin de CP, les difficultés qu'il présente
pour apprendre à lire. Dans d'autres cas, c'est la
dyslexie qui alerte en fin de CP ou en cours de CE1
et, au décours du bilan, on découvre une dyspraxie
associée, jusqu'ici méconnue ou négligée.
Accès à la lecture (orthophoniste)
Quoi qu'il en soit, la dyslexie doit être prise en
compte en priorité, ce qui nécessite la mise en
œuvre en moyenne de deux séances hebdomadaires d'orthophonie centrées, comme c'est
classique48, sur un travail de conscience phono­
logique, les conversions graphophonologiques et
l'assemblage.
48
107
Nous renvoyons le lecteur intéressé aux ouvrages
consacrés à la rééducation de la dyslexie phonologique.
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
C'est pourquoi cela peut justifier la proposition de
la poursuite de la scolarité en ULIS, où l'on peut
intensifier les rééducations (orthophonie et ergothérapie pluri-hebdomadaires) et surtout coordonner étroitement les projets des rééducateurs
entre eux et avec ceux des enseignants, adapter le
contenu, les méthodes et le rythme des apprentissages (cf. p. 38).
Le diagnostic repose sur la mise en évidence –
chez un jeune déjà repéré comme étant dyspraxique – d'une dyslexie « classique » (phono­
logique) caractérisée par un déficit en conscience
phonologique et la présence de troubles visuoattentionnels (cf. p. 100) avec leur cortège de
troubles orthoptiques, de confusions visuelles, de
sauts de mots, de sauts de lignes, d'anomalies dans
les épreuves de barrage…
Production d'écrits et ordinateur
(ergothérapeute, orthophoniste,
enseignant)
En conséquence, la prise en compte de la dyspraxie doit être allégée (une seule séance d'ergothérapie par semaine) et entièrement orientée vers
des adaptations efficaces en situation scolaire.
Il faut aussi prendre la mesure des répercussions
de cette dyslexie sur l'usage de l'ordinateur : en effet,
l'enfant progresse d'abord normalement dans
l'apprentissage du clavier (cf. p. 114), puis dans
l'automatisation de la frappe en dictée de lettres
(cf. p. 122), mais il reste anormalement lent en
situation d'utilisation scolaire de son ordinateur
(dictées, prise de notes, exercices et devoirs…). En
effet, l'enfant dyslexique qui doit écrire un mot
cherche les sons qui le composent, les lettres, les
digraphes, les règles orthographiques ou grammaticales… et c'est cette recherche, lente, laborieuse,
souvent infructueuse ou fautive, qui ralentit
grande­ment (voire inhibe) la frappe. C'est pourquoi ces jeunes refusent souvent avec force l'ordinateur et revendiquent d'écrire à la main, ce qui
n'est finalement guère plus lent, leur maladresse
pouvant leur permettre (pensent-ils) de masquer
certaines hésitations, incertitudes ou fautes.
En ergothérapie
Les difficultés d'accès au clavier sont souvent
importantes lors de la mise en situation scolaire
(lenteur, fautes de frappe, erreurs phonologiques,
erreurs de segmentation, multiples essais de corrections plus ou moins appropriées…), et ce en
raison de la dyslexie, ainsi qu'exposé ci-dessus. Il
faut alors insister pour utiliser les autres fonctions
de l'ordinateur avec ce type d'enfants : ce sont eux
en effet qui vont avoir précocement besoin en
classe de logiciels spécialisés en lecture, correcteur orthographique, dictée à l'ordinateur, etc. (cf.
p. 130–131).
C'est donc la dyslexie qui perturbe la frappe et
non le fait d'écrire à l'ordinateur ou d'être dyspraxique : on peut en faire la preuve en constatant des performances correctes en copie et
surtout en dictée de lettres (tâches qui ne réclament pas de connaissances phonologiques ni
de compétences en langage écrit), qui
contrastent avec des capacités très faibles en
production d'écrits et dictée.
En orthophonie
Sur le plan rééducatif, concernant l'accès à la lecture, nous préconisons :
• un travail métaphonologique systématique
(conscience phonologique) ;
• le choix d'une méthode syllabique (par exemple :
méthode par imprégnation syllabique) [76] ;
• un aménagement visuel soigneux et très systématique de tous les textes : élargissement des
interlignes, colorisation alternée des syllabes
(cf. p. 102)…
Il est donc indispensable de leur fournir précocement les compensations nécessaires à la scolarité (logiciel de lecture, dictée à l'adulte ou à
l'ordinateur…).
Dyslexie mixte (visuelle
et phonologique)
En classe
Si le jeune poursuit une scolarité normale en
inclusion (bon ou excellent niveau verbal, bonne
motivation, absence de troubles du comportement
et/ou de fragilité psychologique, soutien familial
Ce cas de figure se présente probablement chez
environ 10 % des élèves dyspraxiques et représente
une forme particulièrement rebelle de d
­ yslexie.
108
Chapitre 5. Lire
adapté, cf. p. 33), il faut précocement (dès l'école
primaire) proposer des logiciels d'oralisation des
textes (cf. p. 192) qui lui permettent de disposer
des mêmes documents que ses camarades de
classe et de faire les apprentissages ­auxquels il
peut prétendre.
Lorsque le syndrome dysexécutif est réel et
complet, outre les troubles attentionnels (assortis ou non d'une hyperactivité), l'enfant souffre
également de faibles capacités en mémoire de travail et d'une médiocre gestion de toutes les tâches
d'inhibition des automatismes, de sélection et de
stratégie [77, 78].
L'association des deux lignées de troubles
conduit, de fait, à prévoir une scolarité purement orale, donc avec des aménagements très
importants tant en ce qui concerne les aides
techniques que les aides humaines (dictée
vocale et logiciels de lecture, AESH et secrétaire pour la prise de notes qui doivent être
relues par le logiciel de lecture…).
Or, ces fonctions sont utilisées de façon intense
lors des apprentissages pour pallier les troubles
praxiques et visuo-spatiaux. L'association
« dyspraxie + troubles de l'attention » ou « dyspraxie + déficit de la mémoire de travail
auditivo-verbale » est donc particulièrement
­
délétère, compromettant la mise en œuvre des
compensations efficaces de la dyspraxie.
Dyspraxie et syndrome
dysexécutif [3]
De fait, toutes les activités d'apprentissage
sont affectées par le trouble attentionnel (et/
ou exécutif) qui perturbe l'engrammation des
éléments pertinents, leur gestion en mémoire
à long terme et en mémoire de travail, l'inhibition du parasitage de la pensée par des routines antérieurement acquises ou des éléments
distracteurs. On note alors une impulsivité, des
persévérations, des irruptions d'automatismes
et, dans le langage oral, des diffluences et/ou
des coq-à-l'âne.
L'ensemble de ces dysfonctionnements peut
conduire à des difficultés d'apprentissage
dans tous les domaines, dont l'apprentissage
de la lecture. Une scolarité en ULIS est souvent p­ réconisée (cf. p. 35, 38), permettant des
interventions rééducatives plus fréquentes et la
poursuite des apprentissages en petits groupes
avec un enseignant au fait des stratégies les
mieux adaptées [77, 78].
Troubles de l'attention associés ?
L'association « dyspraxie + troubles de l'attention » est souvent évoquée. Cependant, il faut être
vigilant, car cette association recèle deux pièges
diagnostiques assez subtils :
• d'une part, la dyspraxie elle-même (en raison
des situations de double tâche qui « vident » littéralement le réservoir attentionnel du jeune,
cf. p. 21) et son cortège habituel de troubles neurovisuels peuvent facilement donner l'impression de troubles attentionnels, surtout si ce sont
des tests d'attention visuelle qui sont utilisés
pour porter le diagnostic (par exemple, épreuves
dites « de barrage »). Aussi, on n'évoque la
­co-occurrence « dyspraxie + troubles attentionnels » que lorsque ces derniers sont intrinsèques
et touchent donc aussi (ou principalement) les
tâches auditivo-verbales ;
• d'autre part, et symétriquement, un trouble des
fonctions exécutives peut, s'il prédomine nettement dans le secteur non verbal, donner à lui
seul l'impression d'une dyspraxie : en effet, la
dysgraphie et le trouble de la planification du
geste peuvent en imposer pour une « pseudodyspraxie » (cf. p. 10, 65). On doit cependant
être alerté, dans ce cas, par un geste rapide et
impulsif, qui s'oppose nettement au geste lent,
hésitant et laborieux de l'enfant dyspraxique.
Lorsque l'enfant présente cette association
« dyspraxie + syndrome dysexécutif », il
convient d'abord de prendre en charge, de traiter, de rééduquer et de contrôler (au moins partiellement) les troubles de l'attention,
l'impulsivité et le défaut d'inhibition. Ce n'est
que dans un second temps que les troubles
praxiques peuvent faire l'objet d'indications
spécifiques.
109
Partie I. Les obstacles aux apprentissages scolaires
t­ ravail (avoir sous les yeux ce qu'on ne peut garder en mémoire), etc.
In fine, en situation d'apprentissage et plus
encore de contrôle ou d'examen, seul le recours
à un secrétaire (AESH) – qui pourra contrôler en
temps réel impulsivité et distractibilité – permettra
des productions qui reflètent les réelles compétences intellectuelles de l'enfant, masquées par le
syndrome dysexécutif.
Prise en charge en rééducation
(ergothérapie, orthophonie)
On peut noter, là encore, les répercussions de ces
troubles sur l'apprentissage du clavier, lorsque
­celui-ci a été motivé par une importante dysgraphie dyspraxique. Les frappes itératives sur une
touche ou les frappes désordonnées au hasard sur
n'importe quelle touche peuvent en compromettre
l'utilisation. Il peut alors être souhaitable de
« décacher » le clavier (cf. p. 116), l'enfant dysexécutif bénéficiant malgré tout souvent d'un contrôle
visuel (en dépit du trouble visuo-spatial lié à la
dyspraxie). On peut assortir ce contrôle visuel
d'un précontrôle auditif (épellation, dénomination de la lettre à frapper) et/ou d'un post-contrôle
oral (retour vocal sur la frappe exécutée, qui peut
concerner la lettre, la syllabe, le mot ou la phrase).
Il faut également (cf. p. 65) [59, 78] :
• lutter contre l'impulsivité et les persévérations
lors de l'utilisation de l'ordinateur et imposer
un délai de réponse, convenir avec l'enfant d'un
signe (geste, carton vert…) avant lequel il doit
« retenir » sa réponse ou son action (lutte contre
l'impulsivité) ;
• canaliser l'attention (cf. p. 65) : peu de matériel sur la table, une seule consigne ou tâche à
la fois, mise en exergue (par des couleurs ou
par l'apparition successive d'icônes ou pictogrammes) des éléments pertinents ou utiles à ce
moment-là. Le travail en individuel ou en très
petit groupe (ULIS) est un atout fondamental
pour permettre les apprentissages ;
• soulager au maximum la mémoire de travail
[58] : choix d'une méthode syllabique (imprégnation syllabique [76]), utilisation de quelques
pictogrammes (simples et dépouillés), images
ou chiffres écrits (selon la tâche en cours) pour
soutenir l'attention et libérer la mémoire de
Conclusion
On voit donc qu'il ne suffit pas « de faire lire
l'enfant » plus longtemps ou plus souvent : il
faut d'abord tenter de comprendre quels sont les
troubles sous-jacents qui font obstacle à l'accès à
la lecture courante.
Chez l'enfant dyspraxique, toute pathologie
d'accès à la lecture doit être soigneusement analysée afin de déterminer quelle stratégie doit être
mise en œuvre : il peut s'agir d'une conséquence
directe de la dyspraxie (via les troubles neuro­
visuels) ou bien de l'association (comorbidité)
avec d'autres pathologies perturbant l'accès à la
lecture (trouble phonologique, déficit en mémoire
de travail auditivo-verbale, TDA-H ou syndrome
dysexécutif).
En général, ces troubles de la lecture nécessitent de conjuguer mesures rééducatives (plurihebdomadaires) et pédagogiques bien ciblées et
d'adapter les exigences et le rythme scolaire aux
possibilités effectives de l'enfant. Lorsque plusieurs « dys- » se conjuguent, il faut souvent préférer une orientation en ULIS, où l'on peut trouver
un enseignant formé à la prise en compte de ces
troubles et facilitant un partenariat soins-école
sur plusieurs années scolaires consécutives.
110
Écrire autrement
Chapitre
6
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
« [Michel Butor] compose cet objet littéraire non identifié, qui procure un
bonheur sans égal à quiconque se laisse enchanter […]. On apprend au passage
que le clavier d'un ordinateur peut être aussi sensuel que le grain d'une page ou le
crissement d'un stylo. »
F. Busnel [11]
La Finlande, souvent citée en exemple pour ses
méthodes pédagogiques qui la placent loin devant
la France dans le classement PISA, a décidé d'abandonner l'écriture manuelle en primaire, au bénéfice
de l'écriture clavier, et ce dès la rentrée 2016. L'écriture manuelle pourrait être proposée seulement
en option. En France, une concertation nationale
est engagée jusqu'en mars 2015 dans la perspective
de la généralisation du numérique à l'école (education.gouv.fr). L'utilisation de l'ordinateur à l'école
est largement encouragée depuis plusieurs années
(le plan « Informatique pour tous » qui devait permettre d'initier tous les élèves à l'informatique date
de 1985). On peut lire sur le site Éduscol49 (dans
l'onglet « Enseigner avec le numérique ») : « Élément
clé de la refondation de l'école, la diffusion des
usages du numérique dans l'enseignement constitue un puissant levier de modernisation, d'innovation pédagogique et de démocratisation du système
scolaire. Elle est également un formidable outil
d'inclusion des enfants en situation de handicap »
(cf. « Enseigner avec le numérique », eduscol.education.fr). Les compétences en ce domaine sont évaluées à l'école, au collège et au lycée sous la forme de
B2i (brevet informatique et Internet)50.
Le guide pratique des parents (année 2012–2013,
www.education.gouv.fr) insiste sur l'acquisition
des compétences informatiques :
équipée par la commune, se doit de former
les élèves à utiliser les ressources et les
outils numériques de manière raisonnée,
responsable et sûre. Ces derniers sont
également utilisés à l'école et servent de
support aux enseignements : ils permettent
de mieux individualiser l'enseignement et de
faciliter le travail autonome des élèves. Leur
usage est un puissant levier au service des
apprentissages fondamentaux. »
La « refondation de l'école » comprend un volet
appelé « l'école numérique », projet porté par la
ministre de l'Éducation nationale, Mme Najat VallaudBelkacem. On peut trouver sur le site http://www.
gouvernement.fr/action/l-ecole-numerique le calendrier suivant de mise en place du numérique à l'école :
« Le plan numérique issu de la concertation
nationale sur le numérique est déployé
progressivement dès cette rentrée pour
que la jeunesse soit de plain-pied dans le
monde numérique. Dès la rentrée 2015, 500
établissements pionniers expérimentent
les nouvelles formes d'enseignements et
d'apprentissages passant par les outils numériques
avant que le plan n'entame la première phase de
déploiement général à la rentrée 2016. »
On peut pourtant s'interroger : pourquoi cet
outil accessible à tous est-il tellement difficile à
mettre en place à l'école, alors qu'il est indispensable aux jeunes dyspraxiques pour écrire ?
Bien que des améliorations soient à noter, il
reste des progrès à faire dans la compréhension
de l'aide que cet outil peut procurer et son acceptation comme alternative à l'écriture manuscrite.
« Le numérique est probablement déjà très
présent dans la vie de votre enfant. L'école,
49
50
eduscol.education.fr.
Le brevet informatique et Internet (B2i) école-collègelycée et CFA : les référentiels.
113
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Plus l'enfant est jeune et plus il est important de privilégier l'accès à une écriture dactylographiée, c'est-àdire l'utilisation de l'ordinateur avec l'apprentissage
en clavier caché. En parallèle, lorsque le rythme est
trop rapide ou que la quantité d'écrits devient plus
importante, il faut également recourir au secrétariat,
c'est-à-dire la dictée à un adulte, à une tierce personne.
Quand les enfants sont plus grands (au collège), on privilégie soit l'écriture informatique si
l'enfant est suffisamment rapide au clavier, soit la
dictée vocale associée au secrétariat. Le problème
de la dictée vocale est qu'elle n'est guère utilisable
en situation de classe, puisque le jeune doit parler à haute voix. En outre, au sein d'une classe, les
conditions d'enregistrement de la voix sont loin
d'être optimales et la reconnaissance vocale est
souvent médiocre par rapport à ce qu'elle peut être
à domicile ou dans une salle à part.
Le secrétariat, quant à lui, nécessite la présence
d'une tierce personne, ce qui pose aussi souvent
problème lors de la scolarité : manque d'AESH,
AESH à temps partiel, mais dyspraxie à temps
plein, AESH non formé à ce type très particulier
de travail (cf. p. 201), présence de l'adulte mal supportée par le jeune…
Les photocopies des cahiers des camarades de
classe peuvent être envisagées si l'on prend toujours
le même cahier (même écriture) pour en faciliter
la relecture. Les nouvelles technologies favorisent
cette copie rapide des cahiers des camarades : les
tablettes ou smartphones permettent de photographier rapidement les pages. Par la suite, un traitement de cette photographie est possible, intégrant
d'autres fonctionnalités logicielles le cas échéant. Il
existe aussi des solutions technologiques permettant une reconnaissance de l'écriture manuscrite
(après paramétrage) et un transfert en écriture
dactylographiée. On peut aussi demander les cours
sur clé USB aux professeurs qui les préparent sur
informatique. L'essor des nouvelles technologies,
l'équipement de plus en plus fréquent des établissements scolaires, notamment en tableau interactif,
permettent d'envisager de nouvelles solutions.
Dans un premier temps, et si son indication,
son apprentissage et sa mise en œuvre ne sont
pas réfléchis au cas par cas, l'ordinateur constitue un outil supplémentaire à gérer pour l'enfant
(cf. chapitres 9 et 10). Du fait de sa dyspraxie, il
ne pourra s'en emparer par les méthodes habituelles, banalisées. C'est particulièrement vrai
en ce qui concerne l'apprentissage du clavier.
Taper sur une touche (appuyer sur un bouton) ne réclame pas du tout les mêmes compétences gestuelles que tracer les différentes lettres
et les enchaîner rapidement et précisément (cf.
p. 19–20). C'est la raison pour laquelle la quasitotalité des jeunes dyspraxiques est en situation
de pouvoir devenir performant à l'ordinateur.
Mais cela ne prend sens que si l'enfant peut automatiser la frappe, totalement ou partiellement, de
façon plus efficace que son écriture manuelle.
Le trouble graphique est en effet défini en fonction du degré d'automatisation requise pour une
bonne efficacité scolaire (selon l'âge et le niveau
scolaire). Le palliatif aux troubles du graphisme
doit répondre aux mêmes objectifs que ceux du
graphisme manuel et donc, à terme, être automatisé. [60] (cf. p. 50, 122).
Principes généraux
Écrire « mal » n'est pas un problème si les déformations sont constantes : elles permettent alors une
habituation qui en autorise la lecture : or, ce n'est
pas le cas de l'enfant dyspraxique, dont les déformations des lettres sont fluctuantes (cf. tableau 1.2).
Il faut aussi contrôler la vitesse d'écriture. Si la qualité de la calligraphie se fait au détriment d'une vitesse
acceptable, l'enfant est en décalage permanent face
aux objectifs pédagogiques (cf. p. 51, 52, 53). Le risque
de cette situation constante de double tâche (cf. p. 51)
est qu'il développe secondairement des troubles de la
constitution du lexique orthographique [54] et de la
planification de texte (cf. p. 58, 59).
On doit donc encourager des moyens de compensation qui évitent ces écueils, tels que le recours
à un secrétaire, l'utilisation de l'ordinateur, d'un
dictaphone, d'une dictée vocale… En fonction des
situations scolaires et de l'âge de l'enfant, on opte
pour l'une, l'autre ou plusieurs de ces solutions.
C'est pourquoi il faut analyser finement tous
les paramètres qui gênent l'enfant, envisager les
diverses solutions et décrire les besoins d'adaptation et de compensation, et non lister des produits existants, car les solutions d'aujourd'hui
seront obsolètes demain.
114
Chapitre 6. Écrire autrement
Apprentissage du clavier
jouant avec leur enfant. Tous les jeux, à ce stade,
sont intéressants et peuvent être utilisés (jeux du
commerce, d'habileté, de rapidité, de logique…).
En raison de la place prépondérante du graphisme
dans les écoles françaises, de l'importance donnée
à un graphisme correct et à une présentation soignée et donc du fait du handicap précoce que cela
induit chez les jeunes dyspraxiques, cet apprentissage doit débuter le plus tôt possible (grande section
de maternelle, idéalement), dès que le diagnostic
est assuré. Dès 4–5 ans et toujours en première
intention, ce sont différents jeux (du commerce
ou spécialisés), adaptés à l'âge et aux intérêts de
l'enfant, qui lui sont proposés (cf. p. 73, 77).
Ces jeux doivent permettre une découverte
agréable et motivante de l'outil, c'est une phase de
familiarisation avec l'ordinateur, une phase préparatoire indispensable : l'allumer, utiliser la souris (ou une trackball), découvrir les fonctions de
certaines touches (entrée, effacer, flèches, retour
à la ligne, retour en arrière, fonction « ascenseur »
pour se situer plus haut ou plus bas dans la page…)
et, avec l'aide du rééducateur (au début), faire des
productions valorisantes.
L'ergothérapeute peut :
• évaluer la capacité (ou non) de l'enfant à utiliser la souris et les adaptations éventuellement
nécessaires : taille du clavier, clavier spécial
« bébé », positionnement de l'enfant, trackball,
clavier à l'écran, adaptation des polices, du
contraste, adaptation du curseur, des flèches,
etc., toutes adaptations qui doivent évoluer au
fil des mois et des années ;
• repérer les difficultés (motrices, spatiales, attentionnelles…) et les intérêts de l'enfant (pour tel
personnage, tel type d'activité…), etc.
Chaque fois que possible, on imprime son travail, le résultat de son jeu, son dessin, de façon
à le valoriser et à ce qu'il puisse les ramener à la
maison ou à l'école. Le plaisir de l'enfant et la qualité de ses productions peuvent aussi contribuer à
vaincre certaines appréhensions des parents (et de
l'enseignant).
Cette première étape est donc conçue pour
amorcer ou attiser la motivation de l'enfant par
rapport à cet outil. Cela est d'autant plus efficace
que l'ordinateur est déjà utilisé à la maison (par les
parents, par un aîné) et/ou valorisé à l'école par le
maître. S'ils disposent d'un ordinateur familial,
les parents peuvent facilement être associés à cette
phase de façon gratifiante, tout simplement en
Avant même d'utiliser l'ordinateur à l'école, il
faut consacrer environ 9 mois à 2 années scolaires à l'apprentissage et surtout à l'automatisation de cet outil.
Lorsqu'on entame ce travail, l'idéal est de s'y
consacrer deux fois par semaine, à raison d'environ une demi-heure. Cette durée de séance est
donnée à titre indicatif : certains enfants peuvent
avoir besoin de séances plus courtes entrecoupées
de pauses. Ce temps est nécessaire pour apprendre
la position de toutes les lettres du clavier et commencer le travail d'automatisation de la frappe.
Le travail d'automatisation (cf. p. 21, 122) se
poursuit en classe lorsque l'enfant connaît toutes
les lettres du clavier, surtout si l'apprentissage a pu
débuter en grande section de maternelle ou en CP,
ce qui permet à l'enfant d'être en situation d'automatisation de la frappe en même temps que les
autres enfants de la classe commencent à automatiser le graphisme manuel [63]. Même si l'apprentissage a été un peu plus tardif, il faudra atteindre
une certaine vitesse avant l'introduction en classe
de ce nouvel outil (chapitre 9).
Le démarrage de l'apprentissage se fait en séance
individuelle, souvent auprès des ergothérapeutes.
Comme dans toute « rééducation » (il s'agit ici plutôt de réadaptation), il faut expliquer à l'enfant les
objectifs du travail que nous amorçons ensemble
et obtenir sa coopération, car cela va lui demander du temps et beaucoup d'investissement. Il a
souvent besoin d'être rassuré, et ce régulièrement.
Souvent, le thérapeute garde ses objectifs en tête
et pense qu'une explication suffit à l'enfant, à la
famille, à l'école. Or, les situations varient et de
nouvelles questions voient le jour, même si, du
point de vue du rééducateur, il s'agit toujours, au
fond, de la même situation.
Le partenariat avec l'enseignant est très important, marquant pour l'enfant le lien entre cette
rééducation et son usage scolaire, justifiant l'apprentissage lui-même, lui donnant légitimité et
importance.
115
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Pourquoi cacher les lettres du clavier ?
nels associés, troubles gnosiques visuels…). Dans
ces cas, qui restent rares, il faut composer avec
l'enfant, voire renoncer au masquage des toucheslettres. Cependant, il faut être conscient que ces
enfants restent lents à la frappe, n'atteignant jamais
une automatisation de bonne qualité.
La technique « classique » d'apprentissage de la
dactylographie n'est pas utilisable aussi bien du
fait de difficultés de dextérité manuelle que de
troubles neurovisuels.
Si les lettres sont visibles, l'enfant va explorer
visuellement le clavier à leur recherche et s'y
perdre du fait de ses troubles neurovisuels. Le
mauvais calibrage des saccades oculaires, imprécis ou aléatoire, ralentit le choix de la lettre recherchée ou provoque une erreur (la fixation se faisant
à côté de la lettre cible, voire n'importe où sur le
clavier). Ces erreurs, fluctuantes, compromettent
(ou retardent) l'apprentissage. L'inhibition volontaire et intentionnelle de cette tâche de lecture de
lettres est coûteuse et ralentit la frappe. Cette situation met l'enfant en double tâche (cf. p. 21).
Pourquoi ne pas utiliser
les logiciels du commerce ?
Laisser un enfant dyspraxique apprendre seul
l'usage du clavier ou avec l'aide de ses parents et
de logiciels non spécialisés du commerce, c'est,
dans la plupart des cas, courir à l'échec, surtout
si l'on vise une automatisation suffisante de la
frappe. Les logiciels de dactylo ou les jeux que l'on
trouve sur Internet fonctionnent sur le modèle des
méthodes de dactylo classique, donc (cf. p. 117)
par zone d'utilisation des doigts (les touches dévolues à l'index gauche, celles au majeur droit, etc.).
C'est la raison pour laquelle il est indispensable
de cacher les lettres sur les touches (cf. figure 6.1,
« Cahier couleur » en fin d'ouvrage). De ce fait, l'enfant doit évoquer la lettre à frapper (son nom et sa
phonologie, le « son » qu'elle « fait ») et connaître
son emplacement de façon stable, grâce à des
repères kinesthésiques (et non visuels, cf. p. 118).
En contournant le lien visuel habituel (ici inefficace), cette stratégie crée un lien fort et stable entre
les connaissances phonologiques et la mémoire
kinesthésique.
Cette façon de procéder entraîne des problèmes
au cours de l'apprentissage, car il s'agit de touches
proches sur le plan spatial qui induisent, chez ces
enfants dont les traitements spatiaux sont déficitaires, de nombreuses erreurs en miroir.
Une fois les erreurs engrammées, il est très difficile de revenir en arrière.
De plus, les lettres à taper (et ensuite les mots et les
phrases) apparaissent sur l'écran. Il faut donc que
l'enfant regarde le modèle (l'écran), puis regarde
le clavier pour taper la lettre, puis r­ elocalise, avec
Exceptions
Certains enfants ne supportent pas de ne pas voir
les lettres (enfants très anxieux, troubles attention-
Figure 6.1. Clavier caché.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d'ouvrage.
116
Chapitre 6. Écrire autrement
parfois beaucoup de difficultés, la nouvelle lettre
à taper qui est apparue sur l'écran, etc. Ces allersretours visuels incessants du regard de l'écran au
clavier épuisent l'enfant qui perd rapidement des
yeux la cible à regarder. Son attention est dispersée
sur plusieurs tâches à gérer en même temps, alors
que le but recherché est au contraire de l'aider en
ne traitant qu'une activité à la fois.
Le choix des doigts
Les enfants ont toujours de grandes difficultés de
dissociation des doigts. Isoler tel ou tel doigt, réaliser telle ou telle configuration manuelle leur est
impossible. C'est pourquoi ils doivent avoir le libre
choix des doigts utilisés, le plus souvent deux ou
trois doigts de l'une et/ou l'autre main, voire les
deux index.
C'est une raison supplémentaire de ne pas
utiliser une technique de dactylographie classique. En effet, elle nécessite l'usage intégral des
dix doigts, ce qui est le plus souvent impossible
pour les enfants dyspraxiques (cf. p. 116). Cette
méthode part d'une position de référence (la
ligne du milieu du clavier) à partir de laquelle
chaque doigt a une zone d'utilisation correspondant à un groupe de touches. Le jeune dyspraxique qui dissocie mal les doigts n'en utilise
que quelques-uns, ce qui interdit cette technique.
De plus, insister pour obtenir l'utilisation des dix
doigts va à l'encontre du projet qui est de mettre
l'enfant en situation favorable pour automatiser
la frappe, car il est placé en double tâche et le restera puisqu'il ne pourra pas automatiser certaines
configurations des doigts.
Loi de l'effort unique
Comme dans tout démarrage d'apprentissage, il
faut évaluer quelles sont les compétences cognitives requises par la tâche. On ne peut pas « tout »
demander en même temps, il est donc très important d'isoler pour chaque tâche les sous-systèmes
qui sont mis en œuvre (cf. p. 21).
Si l'on souhaite que l'enfant focalise son attention sur
l'emplacement des touches, on ne peut pas lui demander en même temps de contrôler la dissociation des
doigts, sa posture, de vérifier l'orthographe…
Si en cours d'activité, on remarque une modification de la posture – soit le tronc s'affaisse, soit
l'enfant « glisse » de la chaise, soit il bascule sur le
côté –, cela signifie que le contrôle postural est en
partie sous contrôle volontaire (et donc non automatisé, puisque ce contrôle se dégrade sous l'effet
de la double tâche), ce qui peut se produire en particulier pour les enfants IMC ou être le signe d'une
grande fatigue. Il faut alors penser à une installation qui permet à l'enfant d'être en partie dégagé de
ce contrôle. On propose de choisir une table avec
encoche ou cale-tronc, dont la hauteur est réglable,
une chaise avec repose-pieds, etc. Le but de ces installations est de « prendre en charge » une partie du
contrôle postural, pour que l'enfant ne soit pas en
double tâche lors de la frappe au clavier. C'est pourquoi les sièges « dynamiques », sollicitant le redressement actif de l'enfant, ne sont pas adaptés.
De même, si l'on demande une tâche d'orthographe ou d'épellation, en même temps que la
frappe sur le clavier, avant que l'automatisation
ne soit efficace, on réclame à l'enfant un contrôle
multiple et simultané. On doit plutôt scinder
cette tâche en plusieurs étapes. L'enfant épelle
dans un premier temps, puis, dans un second
temps, on lui dicte les lettres qu'il vient d'épeler
pour être sûr que toute son attention est dévolue
à la frappe.
Les difficultés de dissociation des doigts sont
quasi constantes et demander d'apprendre un
doigté, d'associer obligatoirement tel doigt à telle
lettre réclame un effort volontaire, une attention
consciente (double tâche) qui va à l'encontre du
projet de vitesse et d'automatisation de la frappe.
Par ailleurs, contrairement aux utilisateurs
ordinaires du clavier (qui regardent l'écran ou
le texte à copier), l'enfant dyspraxique, lui, est
contraint de regarder ses doigts sur le clavier :
c'est la mémoire kinesthésique (plus ou moins soutenue par le contrôle visuel51) qui est utilisée pour
localiser les touches (lettres) rapidement et sans
erreur.
Il faut se concentrer sur un seul apprentissage,
celui de la position des touches sur le clavier.
Enfants hémiplégiques
Lorsque l'enfant ne dispose que d'une main,
cela ralentit notablement la frappe. Il est alors
51
117
Il s'agit de vérifier l'emplacement des doigts sur le clavier
et non d'explorer visuellement les lettres sur le clavier…
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
très important que la main hémiplégique reste
positionnée sur la barre d'espacement, ce qui
évite au moins à l'unique main qui écrit les
allers-retours entre les touches-lettres et la barre
d'espacement. On peut également proposer un
clavier ergonomique pour une utilisation monomanuelle.
Il peut être important de ne laisser visibles
que les menus déroulants en enlevant les barres
d'outils ou encore de programmer précisément les
fonctions que l'on souhaite laisser accessibles pour
chaque jeune (les adaptations possibles sont fonction de la version du traitement de texte utilisé).
Clavier caché
Présence d'un petit syndrome
cérébelleux
Lorsque l'enfant est jeune, en grande section de
maternelle par exemple, on commence par lui montrer le clavier dont les lettres sont cachées d'emblée.
La précision de la frappe reste très médiocre et
surtout très lente (du fait de la dysmétrie et du
léger tremblement près du but qui imposent à
l'enfant un contrôle volontaire lorsqu'il approche
la cible, et donc un ralentissement du geste). Un
guide-doigts peut être utile, en limitant la fatigue
liée au contrôle de la précision finale de chaque
frappe. Cependant, la frappe reste souvent définitivement lente (ce qui pose rapidement problème
face au rythme scolaire) et il faut donc prévoir de
limiter les écrits de façon drastique. Par ailleurs,
le guide-doigts représente un matériel supplémentaire à transporter et il faut être très vigilant pour
ne jamais refermer l'ordinateur portable lorsqu'il
est en place…
Cacher les lettres au fur et à mesure de l'apprentissage de l'enfant l'oblige à changer de repère à
chaque nouvelle lettre cachée. Donc, au lieu de lui
proposer un apprentissage stable, il doit à chaque
nouvelle lettre se construire un nouveau référentiel puisque l'environnement se modifie à chaque
nouvelle gommette collée.
Les lettres du clavier sont cachées par des gommettes de couleur (figure 6.1, cf. « Cahier couleur »
en fin d'ouvrage). On choisit en général le vert et le
rouge. Ces deux couleurs sont utilisées de manière
habituelle en rééducation pour aider l'enfant à s'organiser sur le plan spatial sur les feuilles qu'il utilise,
sa table, ses cahiers, ses livres, etc. (cf. p. 89, 90, 91,
149). En fait, il s'agit d'une stratégie que l'on utilise
dans toutes les activités nécessitant une prise d'informations neurovisuelles, surtout si ces informations
nécessitent des traitements visuo-spatiaux. Il faut s'y
tenir pour obtenir une réelle automatisation de ce
code chez l'enfant, et ce dans toutes les activités.
Le vert est toujours disposé du côté gauche de la
feuille, ou de la ligne, et le rouge du côté droit. Pour
les plus jeunes, nous utilisons une analogie simple :
« On démarre au feu vert et l'on s'arrête au feu rouge. »
Lorsqu'on choisit les gommettes, il faut faire
attention à leur taille. En effet, certains enfants qui
ont de grosses difficultés neurovisuelles ne peuvent
plus repérer l'emplacement de la touche si la touche
est entièrement cachée par la gommette. Il faut centrer la gommette sur la touche, tout en laissant la
périphérie visible, ce qui entoure la gommette d'un
liseré foncé. En général, le clavier est noir, ce qui
fait un contraste avec la gommette et évite ainsi que
l'enfant tape systématiquement entre deux touches.
On lui décrit verbalement les deux zones d'utilisation des mains (le pays des verts pour la main
Méthodologie
Choix du matériel et préparation
Il faut d'abord choisir l'ordinateur, les périphériques et interfaces nécessaires à l'enfant en fonction de son âge, de ses besoins, de ses capacités et
de ses difficultés.
On cherche, avec l'enfant, le type de police
qui lui est le plus facilement identifiable : du fait
des troubles neurovisuels, il n'y a pas « la » police
qui conviendrait à tous. Par exemple, il faut faire
attention à ce que le L majuscule et le I soient bien
différenciés, ce qui n'est pas le cas dans toutes les
polices, veiller à la taille des caractères (pour un
bon confort visuel), au crénage52, à la taille des
interlignes, ainsi qu'au contraste. Ces éléments
sont importants à partager rapidement avec l'enseignant pour que les supports utilisés en classe
soient les plus adaptés possible à l'enfant.
52
Le crénage : consiste à agrandir ou à diminuer l'espace
entre des paires de lettres spécifiques.
118
Chapitre 6. Écrire autrement
gauche et le pays des rouges pour la main droite).
Même si l'enfant ne tape qu'à un doigt de chaque
main, on lui demande de respecter la zone dévolue à chaque main.
Les lettres cachées par les gommettes vertes sont :
• sur la première ligne : a, z, e, r, t ;
• sur la seconde ligne : q, s, d, f, g ;
• sur la troisième ligne : w, x, c, v, b.
Les lettres cachées par les gommettes rouges sont :
• sur la première ligne : y, u, i, o, p ;
• sur la seconde ligne : h, j, k, l, m ;
• sur la troisième ligne : n.
Les chiffres situés au-dessus des lettres ne sont
pas cachés, car ils sont organisés de manière
linéaire et ordonnée. C'est d'ailleurs cette organisation linéaire que nous utilisons pour « verbaliser » la place des lettres avec accent ou des signes
de ponctuation placés sous les chiffres (cf. p. 124).
c'est souvent l'étiquette du prénom qui sert de modèle
pour les premiers apprentissages graphiques. L'enfant
en connaît bien la suite des lettres qui le composent.
On montre à l'enfant l'emplacement des trois
premières lettres de son prénom. La touche
majuscule est activée pour que les lettres que l'enfant voit à l'écran soient en majuscules. Débuter
avec des lettres majuscules évite au jeune enfant
la confusion visuelle de certaines minuscules en
miroir (le p/q et le b/d). On désigne l'emplacement
de la première lettre, en la nommant. Pour les plus
petits, on fait attention de bien distinguer le nom
de la lettre et le bruit qu'elle fait (phonologie).
Connaître à la fois « le nom » et « le son » des lettres,
apprentissage qui se fait souvent en même temps
que celui du clavier, est un préalable indispensable à
l'apprentissage de la lecture : l'enfant doit connaître
et la dénomination des lettres, et le son qu'elles
produisent (/esse/ pour /s/, qui « fait » phonologiquement /sssss/, ou /sé/ pour la lettre /c/, qui « fait »
phonologiquement /k/ devant /a, o, u/…). Lorsque
ce travail n'a pas encore été fait à l'école, nous le
conduisons simultanément avec l'apprentissage du
clavier. Nous avons choisi, pour les plus jeunes, de
présenter les lettres, par exemple /f/, en disant que
chacune a un nom, celle-ci s'appelle (/èfe/), et qu'elle
a aussi un « métier » qui est de faire un bruit, un son
(/fff/)… Le travail phonologique et métaphonologique est fréquemment conduit simultanément par
une orthophoniste, avec laquelle il faut absolument
que l'ergothérapeute se coordonne : cette concertation est aussi indispensable qu'avec l'enseignant.
Puis on demande à l'enfant de faire une ligne de
cette lettre, avec une espace entre chaque lettre. À
chaque fois que l'enfant tape sur la touche, on dit
le nom de la lettre et « espace ».
Lorsqu'on débute l'apprentissage, on introduit
l'espace d'emblée, alors que dans le travail d'automatisation, l'espace est fait dans un second temps (cf.
p. 122). L'espace après chaque lettre permet à l'enfant
d'individualiser la lettre comme il le fait lorsqu'il
doit lever le crayon après la ligne de L par exemple.
La lettre est alors reconnue pour elle-même.
On propose à l'enfant de faire une deuxième
ligne de cette première lettre apprise, mais en suivant le rythme de la parole de l'adulte. On l'oblige
alors à contrôler la vitesse de la succession des
gestes et à maintenir une vitesse imposée. Cette
vitesse ne doit d'ailleurs pas être trop rapide. En
Piège
À maintes reprises, lorsque les lettres ont été
« décachées » (volontairement ou non, livraison d'un nouvel ordinateur…), nous avons
constaté, après un ou deux mois, un ralentissement notable de la frappe et la résurgence
de nombreuses fautes de frappe.
Les adultes (parents, enseignants, AESH, éducateurs…) qui eux n'ont pas de troubles neurovisuels
et ont besoin de consulter visuellement le clavier
(pour leur frappe ou pour corriger celle de l'enfant)
doivent disposer d'un clavier annexe, aisé à rajouter, y compris sur les portables via une prise USB.
Démarrage de l'apprentissage
Au début, tous les réglages sont faits par l'adulte, l'ouverture du dossier de l'enfant, les enregistrements, etc.
L'apprentissage commence par les lettres du prénom de l'enfant, c'est une raison supplémentaire
pour laquelle cette phase ne peut être qu'individuelle et non laissée à la direction d'un logiciel
de frappe, même si elle est accompagnée par un
adulte (cf. p. 114).
Choisir de commencer l'apprentissage par le prénom
de l'enfant (ou un diminutif si son prénom est particulièrement long) lui permet de pouvoir l'écrire
rapidement et de façon valorisante, pour signer ses
réalisations par exemple. En outre, en maternelle,
119
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
effet, beaucoup d'enfants accélèrent spontanément au fur et à mesure de la frappe et « collent »
ainsi des lettres sans faire d'espaces ou à l'inverse
font trop d'espaces. Il faut qu'ils contrôlent une
certaine « impulsivité » et certains automatismes
(fonctions exécutives) : c'est donc sur ce contrôle
que l'on focalise leur attention.
On introduit alors la seconde lettre du prénom
de l'enfant, pour laquelle on utilise la même stratégie que pour la première lettre. On combine ensuite
les deux ou trois lettres apprises (syllabe) en les dictant à l'enfant et en nommant toujours l'espace.
Nota. – Il est important d'introduire l'espace
d'emblée, car il est essentiel pour la segmentation
des mots à venir. Il faut que l'enfant connaisse plusieurs lettres pour pouvoir écrire des mots, cela lui
permet déjà de commencer à automatiser l'utilisation de la barre d'espacement.
Vignette clinique : les premières
lettres
Le prénom de l'enfant est Alexandre. Nous lui montrons le A. Simultanément, on verbalise le /a/ et on
lui dit explicitement que c'est la première touche
sur la première ligne des verts. Puis lorsque l'enfant tape sur la touche, nous disons : « A/espace/A/
espace, etc. », pendant une ligne. Pour la deuxième
ligne, nous lui donnons le rythme à suivre.
Nous montrons ensuite la deuxième lettre : le L.
Nous verbalisons sa position sur le clavier : « Il est
chez les rouges, sur la deuxième ligne. » L'enfant
tape sa ligne de « L/espace/ » et nous nommons
la touche sur laquelle il tape à chaque fois. Puis,
comme pour la première lettre, nous donnons le
rythme de la dictée pour la seconde ligne de L.
Nous combinons ensuite les deux lettres apprises
en une « dictée » de lettres : « L/espace, A/espace, A/
espace, L/espace, etc. » L'ordre des lettres que nous
dictons ne respecte pas forcément l'ordre dans
lequel elles apparaissent dans le prénom de l'enfant
pour qu'il ne mémorise pas une suite ordonnée
de touches à frapper, mais bien l'emplacement de
chaque lettre individuellement. L'automatisation
de la succession des lettres de son prénom interviendra lorsqu'il connaîtra l'emplacement de toutes
les lettres qui le compose (cf. p. 122).
Puis nous indiquons l'emplacement de la nouvelle lettre, le E, en verbalisant sa localisation
chez les verts, sur la première ligne. Pour certains
enfants, on peut rajouter entre le trois et le quatre
120
(de la ligne des chiffres). Nous faisons une ligne
de « E/espace » et nous oralisons à chaque fois que
l'enfant fait le E et tape l'espace, puis une seconde
ligne où nous imposons la vitesse de frappe.
Enfin, nous combinons les trois lettres A, L, E,
en les dictant dans un ordre aléatoire, entrecoupées par une espace que nous verbalisons à chaque
fois : nous dirons alors : « A/L/E, espace, E/L/A,
espace, L/A/E, espace », etc.
Nous pouvons proposer ce travail sur plusieurs lignes en faisant varier certains paramètres
comme la vitesse ou en ne disant plus « espace »
et en demandant à l'enfant d'y penser seul. S'il
oublie, il suffit parfois de taper sur la table pour
que l'enfant y pense.
Au fur et à mesure, on augmente le nombre de
lettres que l'on présente à l'enfant. Il faut parfois
consacrer plusieurs séances aux premières lettres
apprises pour qu'il n'y ait pas de confusions spatiales
qui s'installent. Ceci est d'autant plus vrai lorsque
les premières lettres apprises sont très proches,
comme dans le prénom Louise où les lettres O, U et
I se suivent dans le « pays des rouges ».
Autres activités
Lorsque cette phase est acquise, on peut organiser plusieurs activités motivantes. Citons, entre
autres :
• l'écriture du prénom « contre la montre » (le
plus de fois possible en un temps donné, ou
une ligne réalisée en un temps de plus en plus
court). On propose que l'enfant tape une ligne
et que l'adulte tape une autre ligne, les vitesses
obtenues étant à améliorer la fois suivante. On
joue en modifiant les polices et les couleurs des
polices (selon le choix des enfants, afin de les
rendre attrayantes), on peut changer la couleur d'un mot sur deux ou, à chaque fois que
l'on trouve une lettre cible (que l'on choisit avec
l'enfant), on la met dans une autre couleur ;
• l'enfant peut réaliser (avec l'aide de l'ergothérapeute) des étiquettes, des petits cartons d'invitation pour un anniversaire ou pour des fêtes
(en y associant les outils « dessin » de Word®)
etc. ;
• des jeux d'écriture d'anagrammes construites à
partir de tout ou partie des lettres du prénom ;
dictées de lettres et jeux de « la marchande de
lettres » (« Bonjour monsieur, je voudrais deux
/N/, un /E/ et un /A/, s'il vous plaît… »), etc. ;
Chapitre 6. Écrire autrement
• des concours de vitesse, des épellations et des
jeux de devinettes (l'adulte tape sur le clavier
caché et l'enfant doit énoncer les lettres avant
que l'adulte ne les ait frappées) ;
• des jeux d'inhibition : soit l'enfant ne tape
qu'une lettre sur deux, soit il ne doit taper le
A que s'il est suivi du L, soit il ne tape que les
lettres dictées chez les rouges et l'adulte les
lettres dictées chez les verts, etc.
Au fur et à mesure de l'apprentissage des nouvelles
lettres, il faut toujours réutiliser celles antérieurement apprises, dans différentes configurations.
Lorsque l'enfant connaît toutes les lettres qui
composent son prénom, on lui propose de démarrer la séance par une ligne de son prénom. On
peut, de temps en temps, chronométrer le temps
que l'enfant met à taper cette ligne, ce qui sert
ensuite de repère de la progression de la vitesse
de frappe de l'enfant dans un premier temps et de
repère pour la vitesse de frappe d'une ligne « automatisée » dans un second temps.
On vérifie ensuite les lettres que l'on a déjà
apprises, en proposant ce que l'on appelle en général avec l'enfant « la dictée de lettres ». On dicte les
lettres que l'enfant connaît en lui demandant de
faire une espace après chaque lettre.
Si l'enfant se trompe pour une lettre, on analyse
le type d'erreur commise. Est-ce :
• une confusion spatiale (lettres côte à côte ou
erreur en miroir sur une même ligne) ?
• une confusion de sons (/f/ et /v/) ?
• une confusion de noms de lettres (/c/ = « sé » et
/s/) ?
• une confusion « visuelle » (E et F ou O et Q),
etc. ?
On peut retravailler de manière plus particulière les erreurs commises en les introduisant
dans des anagrammes qui utilisent les lettres que
l'enfant connaît.
l'emplacement de la nouvelle lettre à l'enfant, puis
on fait une ligne de cette nouvelle lettre, suivie d'une
espace. On utilise cette nouvelle lettre dans des mots
et des anagrammes, avec les autres déjà connues.
Si l'enfant fait des confusions de sons (comme
pour le B et le D), nous cherchons avec lui des « trucs »
pour l'aider. Alors, soit on peut proposer d'associer
un geste comme dans la méthode gestuelle de BorelMaisonny [62], soit nous disons « B en bas », ce qui lui
permet de la différencier du « D » pour laquelle nous
ne dirons rien, ou encore « B » comme « ballon », etc.
L'enfant (ou son orthophoniste) nous indique ce qui
est le plus efficace pour lui.
Vignette clinique (suite)
Retrouvons ALEXANDRE. Il connaît maintenant toutes les lettres de son prénom. Nous venons
de voir avec lui une nouvelle lettre, le O. Nous
cherchons des anagrammes avec les lettres qu'il
connaît, il peut alors taper une ligne de : ORDRE,
NORD, LÉON, RONDE, NÉON, DONNERA, etc.
Nous lui dictons les lettres qu'il doit taper au
rythme que nous lui imposons. Nous nous arrangeons pour avoir toujours une ou deux lettres
d'avance sur sa vitesse de frappe (cf. p. 125).
Lorsque l'enfant commence à se fatiguer, il commet des erreurs de frappe ou alors il a souvent
besoin de répéter les lettres que nous venons de
dicter (cela peut se produire également s'il a une
mémoire de travail auditivo-verbale un peu faible).
Il est alors judicieux de faire une pause dans la
séance, car l'enfant vide ses ressources attentionnelles et ne peut plus travailler efficacement.
Au fur et à mesure de la progression, nous apprenons de nouvelles lettres. L'ordre d'apprentissage
varie bien sûr avec chaque enfant, puisque nous lui
montrons d'abord les lettres de son prénom.
Ensuite, il faut choisir les lettres par fréquence
d'utilisation dans la langue française, en s'arrangeant pour ne pas apprendre successivement deux
lettres proches sur le plan spatial ou en miroir sur
le clavier (comme le E et le I), car cela maximise
le risque d'erreurs et d'interférences. Il faut aussi
régulièrement vérifier que les lettres apprises
précédemment ne posent pas de problème.
Il est très important de contacter l'enseignant et/
ou l'orthophoniste si ces confusions persistent
[64, 65], sont régulières ou fréquentes…
Progression des séances
On introduit une nouvelle lettre environ toutes les
deux séances. À chaque nouvelle lettre, on procède
comme pour les lettres du prénom : on montre
Avec ces nouvelles lettres, on propose d'autres
mots et anagrammes. Si l'enfant est lecteur, il
121
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
peut participer à la recherche des nouveaux mots.
­Parfois, il manque une lettre qui n'a pas encore
été apprise : c'est l'occasion de l'apprendre immédiatement ou, si cela peut induire des erreurs spatiales, de la noter pour la prochaine séance.
Profiter des propositions de l'enfant permet de
le faire participer, de le rendre acteur de ce travail
qui peut parfois se révéler rebutant. On se saisit de
toutes les propositions de l'enfant pour les introduire dans des mots, des jeux.
On peut aussi utiliser de nouveaux jeux
comme le jeu de la valise – « Je mets dans ma
valise des mots qui commencent par LI… ou qui
contiennent la consonne M », etc. (si ce sont des
lettres que l'enfant connaît) – et également des
jeux où la syllabe du deuxième mot commence
phonologiquement par la syllabe qui termine
le premier (maman → mentir, tirer → réfléchir),
on s'appuie sur le son produit et non sur l'orthographe. On peut aussi réutiliser des jeux cités précédemment ou en inventer d'autres.
Une fois que l'enfant connaît toutes les lettres
du clavier, nous allons aborder la phase d'automatisation proprement dite.
çant toujours de la même façon). Beaucoup d'histoires de la littérature enfantine sont construites
de cette manière, le choix est donc vaste.
Nous utilisons alors le livre comme support de
« dictée » de lettres (nous dictons les mots lettre
à lettre comme dans la phase d'apprentissage,
puisque ce que l'on souhaite automatiser, c'est
l'emplacement de la touche associée à la lettre),
sans dire les espaces.
Exemple
Production d'un enfant
« Maismamefillemetiraitparlamanche :
–
O n p r e b d d e s g ra i n e s , P a p) a !A ll ez ?
onprenddesgraines !
–
G'aigustecequ'ilvousgau,machérie !ditmonsieur !Soufrressan, lepépiniériste. UngolisachetdegrainesdeMonstério saDéliciosa. »
En effet, pour la plupart des enfants, le fait de
dire les espaces entre chaque mot oriente leur
attention sur le fait d'essayer de reconnaître (lire,
déchiffrer) le mot qu'ils sont en train ou viennent
de taper ou, si l'écran est caché, de reconstituer
dans leur tête le mot qui a été épelé. Or, dans ce
travail, ce que l'on cherche, c'est une automatisation de l'emplacement de la touche. Il ne s'agit pas
d'un travail sur le langage écrit.
Ce dernier peut tout à fait être fait dans un autre
temps si le but est de travailler l'épellation ou la
mémoire auditivo-verbale.
Phase d'automatisation
de la frappe
Le thérapeute doit amener l'enfant à faire de plus
en plus de choses seul, mais après une période
d'étayage, en ciblant les difficultés sans noyer ni
décourager l'enfant.
Dans l'objectif de ne travailler que l'automatisation, on essaie d'être le plus monotâche possible
afin que l'enfant n'ait qu'à suivre le rythme de la
dictée des lettres et à mobiliser l'emplacement
correct de chaque lettre sur le clavier.
Utiliser le texte d'un livre
Nous sélectionnons avec l'enfant un livre qui l'intéresse. En fonction de son âge, nous choisissons
des histoires courtes pour qu'à la fin de ce travail
(et si possible à la fin du trimestre ou de l'année
scolaire), il puisse montrer à ses parents ou à l'enseignant sa réalisation terminée qu'il aura mise en
pages. Cela permet de travailler avec lui certaines
fonctionnalités du traitement de texte.
Il est souhaitable de choisir avec lui un livre
dont le personnage principal a un nom facilement
identifiable (ce qui lui permet d'anticiper la succession des lettres lors de la frappe) ou encore une
construction d'histoire avec des passages récurrents, des phrases clés répétitives (héros s'annon-
Le travail de segmentation des mots se fait dans
un second temps avec l'enfant, il est prétexte à un
travail de prise d'informations visuelles soutenu
par la verbalisation. On verbalise dans un premier temps les repères pour que l'enfant sache où
mettre les espaces (cf. p. 127).
Exemple de correction
Extrait de J'aime lire, « Graine de monstre ».
« Mais ma fille me tirait par la manche :
– On prend des graines, Papa ! Allez, on
prend des graines !
122
Chapitre 6. Écrire autrement
– J'ai juste ce qu'il vous faut, ma chérie ! dit
monsieur Soufressan, le pépiniériste. Un joli
sachet de graines de Monstériosa Déliciosa. »
Nota. – Les corrections, ici en gras et soulignées, sont habituellement faites en couleur.
Ayant terminé d'écrire (le mot, la phrase ou
un court paragraphe), on rallume alors l'écran
et l'enfant procède à une phase de correction
(durant laquelle il n'écrit pas) : les temps de frappe
et les temps de correction sont ainsi bien séparés,
successifs et ne se chevauchent pas.
En outre, pour certains enfants, le fait de segmenter les mots pendant la lecture rend le texte
mobile (puisque l'espace que l'on introduit fait
bouger le reste du texte) et facilite ainsi leur lecture par un effet dynamique. Ce sont ces mêmes
enfants qui sont aidés par des logiciels de lecture
dynamique, qui entraînent le mouvement de leurs
yeux, alors qu'eux ne peuvent le faire seuls (à
moins de bouger la tête en même temps).
En effet, les enfants ont souvent la tentation de
vérifier, lettre à lettre, que la touche sur laquelle
ils ont tapé est la bonne. Ils font alors des allersretours très fréquents avec le regard, entre le clavier et l'écran de l'ordinateur, ce qui les épuise et
les ralentit beaucoup (double tâche). Outre qu'elle
est tout à fait inefficace et épuisante, cette stratégie
induit une lenteur inacceptable. C'est la raison pour
laquelle il ne faut jamais encourager ces contrôles et
vérifications lettre à lettre en cours de frappe, ni en
rééducation ni d'ailleurs en situation scolaire.
Une fois encore, il est important de dissocier les
tâches proposées. L'objectif est de focaliser l'attention de l'enfant sur l'emplacement des lettres et le
rythme de la frappe, et non sur les corrections que
nous ferons seulement dans un second temps. Si
le travail s'effectue sur un ordinateur portable, on
peut utiliser une chemise cartonnée que l'on pose
à cheval sur l'écran pour le masquer. On peut la
choisir de couleur rouge, ce qui permet de dire
aux plus petits que le rouge signifie « interdit ».
Lors du temps de relecture, on rallume l'écran et
l'enfant est sollicité (et aidé visuellement : caches
que l'on déplace pour l'enfant, suivi du doigt, couleurs, surlignage progressif…) pour repérer les
oublis (de lettres, d'espaces), les fautes de frappe,
les fautes d'orthographe. Puis les corrections sont
effectuées, linéairement, de gauche à droite (du
vert vers le rouge), mot après mot, en s'aidant de
la verbalisation, en particulier de l'épellation qui
permet de s'attacher à la suite des lettres (et donc à
la forme orthographique des mots).
Rythme de la dictée
Il faut se « caler » sur la vitesse de frappe de l'enfant
avec toujours une ou deux lettres d'avance. Il ne
faut pas dicter trop lentement, car l'enfant aurait
alors le temps de passer en « revue » les emplacements des lettres dans sa tête et le travail d'appariement automatique « lettre/touche » ne se ferait pas
dans de bonnes conditions. Il ne faut pas non plus
dicter trop rapidement, car alors l'enfant est perdu
et risque de se décourager.
Le rythme de la dictée doit être :
• constant, sans ralentissement ni accélération ;
• un peu plus rapide que le rythme réel de frappe
de l'enfant, pour l'inciter à gagner en vitesse et
automatisation.
On dicte les lettres sans espace (cf. supra).
Durant cette phase, il faut souvent rassurer l'enfant,
qui a l'impression de « rater » beaucoup de lettres,
puisque nous sommes toujours un peu en avance
sur lui. On peut lui dire que les autres enfants ont
la même impression que lui et que s'il prend trop de
retard, soit il peut essayer de rattraper en accélérant,
soit il laisse un blanc (barre d'espace), puis il reprend
là où en est la dictée. Il est important de signaler que
cette situation est normale et de toute façon pas grave.
En effet, c'est une situation écologique, habituelle en
classe, que l'enfant doit apprendre à gérer.
Progressivement, on passe à l'utilisation des
lettres minuscules.
Correcteur orthographique
Pour ces enfants, il est souhaitable de supprimer
les correcteurs orthographiques (surtout le correcteur grammatical, de toute façon plus dangereux qu'utile), car les surlignages automatiques
accroissent leur insécurité et surchargent visuellement le texte à l'écran (cf. p. 130).
Enfin, dès que les écrits comprennent plusieurs
lignes ou paragraphes, il faut, à l'occasion, savoir
Éteindre l'écran
Durant toute cette période, il faut éteindre l'écran
durant la frappe, afin que l'enfant ne se concentre
que sur ses doigts et le choix de la touche.
123
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
t­olérer quelques fautes (de frappe ou d'orthographe !)… comme chez chacun. Le perfectionnisme
des adultes ne doit pas aggraver celui des enfants.
Peu à peu, l'enfant, rassuré (cela peut prendre
des mois…), accepte de ne plus vérifier ni corriger
son texte en cours de frappe, et il n'y a alors plus de
nécessité d'éteindre l'écran.
Logiciels de retour vocal
Pour certains enfants, on peut être tenté d'utiliser
un retour vocal. En effet, cet outil permet à l'enfant
un contrôle « audio » en temps réel de ce qu'il écrit,
sans avoir besoin d'utiliser le regard ni perdre du
temps dans les allers-retours clavier/écran.
Cependant, plusieurs aspects sont alors à discuter :
• il faut vérifier si le logiciel de retour vocal choisi
énonce le nom de la lettre ou le phonème (le son) ;
• dans la phase d'apprentissage et d'automatisation,
le travail consiste à associer une touche et une
lettre, ce n'est pas un exercice de langage écrit, il
n'est pas indiqué de surcharger la tâche par un
contrôle en vue d'une correction immédiate, ce qui
doit être fait dans un second temps (cf. supra) : le
retour vocal est donc tout à fait inutile à cette phase ;
• en revanche, dès que l'enfant est suffisamment
efficace pour utiliser son clavier dans une tâche
d'écriture, il peut être intéressant de lui proposer
ce logiciel (cf. p. 192). Cela pourra lui permettre
de vérifier sa frappe « on line » sans solliciter ses
fonctions neurovisuelles et lui évitant ainsi (ou
réduisant considérablement) la phase de relecture et de correction ;
• il faut être attentif au choix du logiciel qui ne
doit pas ralentir l'enfant et qui doit être simple de
paramétrage et d'utilisation et performant sur le
plan de la transcription graphophonologique.
Ponctuation
On commence alors à aborder les règles de ponctuation.
On peut utiliser des moyens mnémotechniques :
après les signes de ponctuation composés d'un seul
caractère (un seul dessin), on ne fait qu'une espace,
située après, ce qui est le cas pour la virgule, le
point. En ce qui concerne les signes de ponctuation composés de deux signes (ou de deux dessins),
comme le point-virgule, les deux points, le point
d'interrogation ou d'exclamation, on fait alors
deux espaces, une avant le signe de ponctuation et
l'autre après. Après un point, on met toujours une
majuscule (ce qui est une règle connue de l'enfant,
car vraie également pour l'écriture manuscrite).
Pour gagner du temps dans l'utilisation des majuscules, on utilise la majuscule « provisoire ». Il faut donc
maintenir la touche majuscule enfoncée pendant que
l'on tape la lettre qui doit être en majuscule. Si l'on utilise la majuscule bloquée, il faut appuyer sur la touche
majuscule, puis sur la lettre que l'on souhaite faire en
majuscule, puis réappuyer sur la touche majuscule
pour la débloquer. Ce qui fait trois manœuvres, alors
que l'on n'en fait que deux avec la majuscule provisoire. Comme le point se fait avec une majuscule et
qu'après un point il y a toujours une majuscule, il ne
faut donc pas lever le doigt qui maintient la majuscule
enfoncée pour faire la lettre suivante lorsqu'on dit
« majuscule provisoire, point ». Si le clavier a un pavé
numérique, on peut l'utiliser pour faire le point.
Il faut aussi apprendre à automatiser ces
séquences. La majuscule est gérée automatiquement (à condition de l'avoir paramétrée dans le
menu correction automatique).
En ce qui concerne les lettres avec accent comme le
« é accent aigu », on verbalise sa position par rapport
aux chiffres. Il est sous le « 2 », et ainsi de suite pour
toutes les lettres ou signes sous les touches de chiffres.
Exemple
Ainsi, pour le « è accent grave », on dit « /E
accent grave/ sous le 7 » ; pour le « A avec
accent », on dit « /A avec accent/ sous le 0 » ;
pour le trait d'union, on dit « trait d'union
sous le 6 », etc. Comme les chiffres sont organisés de manière linéaire et ordonnée, les
enfants les trouvent facilement.
Il faut aussi travailler de manière élective les
séquences de lettres dont la suite est très fréquente
en français (tion, ent, qu, ture…). Ce travail ciblé
doit en permettre l'automatisation.
Durant cette phase, on peut faire varier plusieurs paramètres : lorsque l'enfant a atteint une
vitesse à laquelle on le sent à l'aise, on augmente
le temps de dictée. On cherche ainsi à gagner en
endurance, qui est une condition très importante
d'efficacité en situation scolaire.
Ensuite, on modifie la vitesse de dictée, on
l'augmente en ayant toujours une ou deux lettres
d'avance sur l'enfant, mais on dicte moins longtemps. Enfin, une fois qu'on le sent suffisamment
à l'aise à cette nouvelle vitesse, on peut de nouveau
réaugmenter la longueur de la dictée.
124
Chapitre 6. Écrire autrement
Entraînement de la mémoire
de travail auditivo-verbale
Travail en groupe
Il peut être intéressant de réunir plusieurs enfants
pour faire ce travail d'automatisation. De façon
optimale, le petit groupe est constitué d'enfants
ayant à peu près le même âge et un niveau comparable de maîtrise de l'outil ordinateur.
Cet exercice est très important sur le plan fonctionnel, car l'enfant doit écrire au clavier, tout en
conservant en mémoire les mots entendus qu'il
doit taper juste ensuite et tout en continuant à
écouter ce que l'enseignant dicte ou explique
simultanément. Il est donc indispensable d'associer le travail d'automatisation de l'écriture au clavier et de développer la mémoire de travail [58, 59].
Cela a l'avantage de permettre à des jeunes qui
sont seuls à utiliser l'ordinateur dans leur classe
de se rencontrer et de se rendre compte que
d'autres enfants, scolarisés dans d'autres écoles,
ont les mêmes difficultés qu'eux. On peut aussi
instaurer une dynamique de travail très intéressante (collaboration, émulation) et introduire des
exercices plus variés et plus ludiques.
Dans ce but et pour varier les exercices, nous proposons de nouveaux jeux.
On dicte des lettres (ou des mots courts) que
l'enfant doit répéter dans le même ordre. Dans
un premier temps, on se substitue à l'enfant pour
taper sur les touches, lui ne faisant que répéter
ce que l'on vient de dire. En fonction de l'âge de
l'enfant, on fait varier le nombre de lettres proposées. On commence avec deux lettres, puis on
ajoute une lettre jusqu'à ce que l'enfant ne puisse
plus les retenir (de 2 à 6–9 en fonction de l'âge et
des capacités mnésiques).
On peut aussi lui demander, une fois qu'il a bien
répété les lettres, de vérifier, avant que l'on ne tape
sur la touche, que nous allons bien taper la bonne
lettre (emplacement).
Si l'enfant répète facilement le nombre de lettres
que l'on vient de lui dire, on peut alors augmenter
d'une lettre. On s'arrête après deux échecs consécutifs. Quand l'épellation est terminée, il doit les
redire dans l'ordre. Cela permet de vérifier qu'il a
bien entendu les bonnes lettres et le nombre maximum de lettres qu'il peut retenir à l'endroit. On
propose ce travail à l'enfant sur plusieurs groupes
de lettres, en fonction de sa fatigue.
Dans un deuxième temps, quand l'enfant a bien
compris le principe, on lui propose le même exercice avec les lettres à l'envers. On dicte à l'enfant
les lettres à l'endroit (ou des mots courts, ou des
syllabes), mais il doit alors les taper ou les dicter
à l'adulte à l'envers ou « en verlan ». Attention à la
fatigue de l'enfant avant de proposer d'augmenter
le groupe de lettres.
Pour varier les exercices, on demande à l'enfant
de trouver des mots ou des anagrammes avec les
lettres données ou encore d'écrire son prénom
tout en mémorisant les deux, trois ou quatre
lettres données, etc.
En effet, on peut faire le même type d'exercices
que ceux proposés en individuel, mais également
des jeux d'attention visuelle et de mémoire, faire
des équipes, proposer des défis, etc.
Exemples
� Le groupe d'enfants choisit en commun
une histoire qui sert de support à ce travail. Une discussion préalable s'établit donc
pour déterminer quel type d'histoire sera le
support de travail de l'année. Ils réaliseront
ensemble (collaboration) un livret illustré qui
matérialisera leur travail.
� À l'aide d'un vidéoprojecteur, on montre une
syllabe au groupe d'enfants, par exemple : VA.
Puis cette syllabe disparaît et l'on montre consécutivement trois propositions de syllabes qui se
ressemblent sur le plan morphologique (LEUR/
PEUR/TEUR). Ils doivent donc maintenir en
mémoire la première syllabe et associer une des
propositions pour former un mot. Les enfants
doivent ensuite taper ce mot. Dans cet exemple,
ils ont le choix entre VAPEUR et VALEUR. Les premiers exercices proposés n'ont qu'une solution
et deux propositions, puis, pour complexifier la
tâche, on peut proposer des mots plus longs
et/ou augmenter le nombre de propositions.
� On peut également profiter de ce travail en
groupe pour entraîner la frappe en dictée (au
sens habituel/scolaire du terme).
Ce travail en commun de dictée permet de soutenir verbalement la mise en mémoire des règles
125
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
orthographiques [55] (mots invariables travaillés en épellation au préalable, mots présentant la
même particularité orthographique, etc.) et typographiques (gestions des espaces avant et/ou après
les signes de ponctuation), etc.
En ce qui concerne le travail de copie (cf. p. 54),
on peut également profiter du vidéoprojecteur
pour expliciter les stratégies qui permettent que
ce travail soit moins coûteux sur le plan cognitif. Les enfants discutent des stratégies qu'ils ont
parfois eux-mêmes mises en place. Cette situation
leur permet également de se retrouver dans une
configuration proche d'une séquence scolaire : le
fait d'être en groupe, de devoir utiliser deux plans
de l'espace (vertical et horizontal), des zones d'exploration visuelle de tailles différentes (tableau et
clavier), etc.
Pratiquement, sur le modèle, on isole les lignes
à l'aide de couleurs (cf. p. 105). On en choisit
trois par exemple, que l'on fait toujours se succéder dans le même ordre (ici : jaune, vert, rose).
L'enfant sait (automatise, grâce à un « conditionnement » qui suppose que chacun utilise le
même code couleur) que s'il a lu la ligne jaune,
la ligne suivante doit être verte, etc. (figure 3.4,
cf. « Cahier couleur » en fin d'ouvrage). On peut
également ne laisser qu'une ligne visible à la fois
(masque, fenêtre). Un enfant lit la ligne. On lui
pose des questions sur les indices qu'il doit utiliser : « Une phrase commence toujours par une…
(majuscule) ? », « Quels sont les mots au pluriel ? »,
« Quels sont les signes de ponctuation et les règles
pour les utiliser ? », etc. Si la phrase est longue, on
la découpe en deux parties. L'enfant mémorise ce
qu'il doit taper, puis on cache le « modèle » projeté (copie dite « copie différée », cf. p. 54, 129).
Les enfants tapent le groupe de mots ou la phrase
complète. Cela évite des allers-retours incessants
au modèle qui risquent de perdre le regard (surtout en cours de phrase ou de paragraphe) et
favorise la mémorisation de la forme orthographique des mots.
La préparation du modèle se fait en fonction :
• de sa provenance (tableau ou livre, ou déjà sur
l'écran de son ordinateur…) ;
• de la prise de repères particuliers : surlignages,
ou marquage des débuts de lignes (cf. figure 3.4,
« Cahier couleur » en fin d'ouvrage), ou encadrement des paragraphes pertinents (cf. figure 3.3,
« Cahier couleur » en fin d'ouvrage) ;
126
• du marquage de l'endroit où l'enfant en est,
d'une part sur le modèle, d'autre part dans sa
copie [54, 66].
Il peut être tout à fait intéressant d'utiliser un
« tableau blanc interactif » (TBI).
Exemple de travail en groupe :
le groupe journal
À l'adolescence, les jeunes ont souvent besoin
d'être remotivés pour utiliser l'ordinateur.
C'est à cette période, alors même qu'ils l'acceptaient jusque-là régulièrement en classe,
qu'ils le refusent. Ils s'en servent cependant
toujours volontiers pour communiquer avec
leurs copains ou créer des blogs, mais n'en
veulent plus au collège. On peut leur proposer alors de participer à un groupe journal, où
ils doivent rédiger des articles, les mettre en
pages, insérer des photos, scanner des documents, créer des pages jeux, etc. Cette proposition s'est révélée positive pour certains qui
pouvaient alors montrer leur habileté à l'ordinateur. Ils distribuaient ensuite leur journal.
(D'après Lirondière S. Ordinateur et adolescence : expériences autour d'un groupe journal. Actes du colloque des premières Journées
européennes et francophones d'ergothérapie ;
les 4 et 5 juin 2007 ; Paris, campus Cordelier.)
Installation du matériel
En début de séance, on travaille également régulièrement l'installation du matériel. Cela se fait
par étapes. Au début, l'ordinateur peut être branché et allumé par l'adulte, l'enfant n'ayant qu'à
cliquer sur le document qu'il souhaite « ouvrir ».
Il insère seul la date, fait la ligne de son prénom
comme en séance individuelle. Ce travail, commencé en individuel, peut être repris en groupe.
En progression, on peut proposer que chaque
enfant branche et allume seul son ordinateur et
ouvre son dossier (étayage par l'adulte ou autoguidage verbal, cf. p. 27), ou en montrant à l'aide
d'un ordinateur relié à un vidéoprojecteur les différentes étapes à réaliser.
Puis on peut présenter chaque étape de l'installation sur une fiche différente. Les fiches, que
l'on peut plastifier pour en rendre l'utilisation
plus facile, sont attachées comme dans un carnet.
Après avoir terminé une étape, l'enfant tourne la
Chapitre 6. Écrire autrement
fiche pour passer à l'étape suivante. Dans un premier temps, un enfant du groupe lit la première
consigne, les enfants accomplissent la tâche et
l'enfant qui a lu demande si tout le monde est prêt
à passer à la seconde étape. Lorsque tout le groupe
a répondu oui, les enfants tournent la fiche et un
deuxième camarade lit la nouvelle consigne et
s'assure à son tour que tout le groupe est prêt à
passer à l'étape suivante. Et l'on continue avec un
troisième enfant, etc. Le fait de passer d'un enfant
à l'autre aide à focaliser l'attention de chacun et
impose un rythme identique pour le groupe, se
rapprochant d'une situation scolaire.
En progression, ces fiches (cf. encadré 6.1) sont
utilisées par chaque enfant individuellement, en
rappelant simplement en début de séance que
toutes les étapes de la fiche doivent être faites dans
l'ordre et dans un temps imparti (par exemple 15
minutes). Cinq minutes avant la fin, on rappelle
qu'il ne reste que 5 minutes pour que tout le
monde soit prêt.
Élèves non autonomes : rôle
de l'AESH
Certains enfants ont des troubles praxiques
majeurs qui ne leur permettront jamais d'y arriver dans des délais raisonnables. Ils peuvent brancher seuls leur ordinateur ou ouvrir un document
lorsqu'ils n'ont pas de contrainte de temps ni autre
chose à faire en même temps, mais effectuer ces
différentes opérations leur devient impossible au
regard du rythme scolaire.
C'est l'AESH qui procure alors cette autonomie en se substituant à eux, en installant le matériel, en sortant les affaires du cartable, pour que
l'enfant ne soit pas en double tâche (cf. p. 21) plusieurs fois par jour (surtout au collège où l'enfant
doit changer de salle toutes les 50 minutes) et ne
prenne pas un retard rédhibitoire dans toutes les
activités (cf. p. 70).
Cela n'est pas toujours bien compris ou accepté,
car on suppose (à tort) que la présence de l'AESH
empêche l'enfant d'acquérir de l'autonomie :
or, c'est la situation qui handicape l'enfant dyspraxique et c'est son handicap que de ne pas pouvoir être autonome dans ce type de situation. Il
faut donc bien évaluer les tâches ou parties de
tâches dans lesquelles l'enfant est autonome et
sous quelles conditions.
Exemple
Beaucoup d'enfants (surtout les plus jeunes)
ayant du mal à se représenter les délais, à faire
coïncider les durées objectives et subjectives,
on peut utiliser un « Time Timer » (de chez
Hop'toys53) qui permet, par la visualisation du
temps restant (quartier rouge), d'objectiver le
temps passé et surtout le temps restant.
Fonctionnalités du traitement
de texte
Lorsqu'on a fait, par exemple, un travail de dictée (cf. p. 58, 123), on montre à l'enfant comment
faire un copier-coller des lettres ou mots que l'on
a dictés.
Sur la partie collée, on travaille la segmentation
des mots (cf. « Exemple de correction », p. 122).
C'est l'occasion d'entamer un travail neurovisuel (mise en jeu de capacités liées à la lecture :
prise d'informations sur la forme orthographique
du mot, connaissances grammaticales, mise en
forme typographique).
Là encore, on dissocie les tâches proposées :
• soit l'enfant lit et indique où l'adulte doit faire
les espaces (cet exercice ne peut se faire que si
l'enfant est déjà lecteur). S'il y a des fautes, nous
changeons la couleur des caractères qui n'ont pas
été correctement tapés, voire oubliés, si l'enfant
n'a pas pu suivre le rythme à un moment donné.
On lui montre comment sélectionner les lettres
Ultérieurement, on regroupe les instructions
sur une seule fiche séquentielle (cf. encadré 6.1)
que l'on aide l'enfant à utiliser. Cette fiche
séquentielle utilise le même code de surlignage
que celui utilisé dans les exercices neurovisuels
(cf. p. 90, 119). À terme, cette fiche n'est plus
disposée sur les tables des enfants. Ils doivent
mémoriser, puis rappeler à tour de rôle et dans
l'ordre les différentes étapes, puis les effectuer.
Enfin, on dit juste en démarrage de séance :
« Préparez-vous ! », et les enfants doivent s'installer seuls.
53
Hop'Toys : ZAC de Garosud – 381, rue Raymond
Recouly – CS 10042 – 34078 MONTPELLIER CEDEX 3 ;
www.hoptoys.fr.
127
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
à ­modifier et où changer la couleur de la police.
Cela permet également de voir au bout de combien
de temps de dictée l'enfant se fatigue, car, en général, à ce moment-là, il fait nettement plus d'erreurs.
Cela peut être utilisé comme un élément de motivation avec lui en lui faisant remarquer que sur un
certain nombre de lignes il n'a pas fait d'erreur et
qu'à la séance suivante on essaiera d'augmenter ce
nombre d'une ligne. On indique aussi à l'enfant
comment enregistrer son travail. On peut lui monter qu'il existe plusieurs façons de le faire ;
• soit il utilise les icônes, ou le menu déroulant,
ou encore les raccourcis clavier. À chaque fois,
on verbalise les différentes possibilités, en se
mettant d'accord avec lui sur le vocabulaire
employé. Quand il utilise une de ces possibilités, on lui demande de nous expliquer comment
il aurait pu faire autrement. À terme, il choisit la
façon de faire la plus efficace pour lui.
Quand on fait les copier-coller, les enfants
oublient souvent dans un premier temps de sélectionner le texte qu'ils souhaitent copier. On en profite pour leur expliquer qu'ils doivent « tout dire » à
l'ordinateur qui sinon ne sait pas quoi faire.
On apprend également comment copier d'un
document à un autre. Quand l'enfant a bien avancé
dans le travail d'automatisation de la frappe, il a à
sa disposition un certain nombre de paragraphes
déjà corrigés. On ouvre avec lui un nouveau document dans le traitement de texte qu'il utilise. On
lui apprend à enregistrer ce nouveau document.
On verbalise avec lui chaque étape, l'objectif étant,
à terme, qu'il puisse utiliser cette verbalisation
seul, sous forme d'autoguidage (cf. p. 27).
La maîtrise des différentes fonctions du traitement
de texte est également utile à l'enfant lorsqu'il doit
rédiger et concevoir les expressions écrites : mise en
forme du plan et de la rédaction (cf. p. 59 et 146).
L'exemple qui suit est donné pour indiquer une
démarche. Il est bien sûr à adapter en fonction de la
version et/ou du logiciel de traitement de texte utilisé.
Exemple
Nous en sommes maintenant à l'étape où
l'enfant a déjà quelques paragraphes à sa disposition sur le document. À chaque nouvelle
séance, il a inséré seul la date du jour, il a fait
une ligne de son prénom pour se préparer
128
(c'est un rituel que l'on a instauré avec lui).
Souvent, les enfants aiment bien qu'on leur
relise ce qui a été tapé la fois précédente, puis
on dicte la suite. On corrige avec lui ce qui
vient d'être tapé.
Pour faire la mise en pages du document corrigé, on doit donc ouvrir un nouveau document
(cf. figure 6.2, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage).
Cela permet de montrer à l'enfant comment travailler sur plusieurs pages de documents ouverts
en même temps, la stratégie pour se repérer, etc.
On verbalise les différentes étapes :
• on sélectionne le menu déroulant Fichier ;
• puis on clique sur Nouveau ;
• on sélectionne Document vierge ;
• on sélectionne de nouveau le menu déroulant
Fichier ;
• on clique sur Enregistrer sous ;
• une nouvelle fenêtre s'ouvre dans laquelle on
donne un nom au document ;
• on sélectionne l'endroit où l'on souhaite qu'il
s'enregistre.
Bien sûr, l'enfant ne peut pas prendre en charge
toutes les étapes dès le début. C'est pourquoi il
est important de les verbaliser et de les refaire
régulièrement. Ensuite, l'enfant mémorise ces
instructions comme une petite comptine, puis
automatise cette procédure apprise verbalement.
Une fois que le nouveau document est nommé,
l'enfant n'a plus qu'à passer d'un document à
l'autre pour faire ses copier-coller. C'est pourquoi
il est important de choisir pour chaque document
des noms dont l'enfant se souviendra facilement,
mais qui soient également différents pour qu'il
ne se perde pas dans les allers-retours d'un document à l'autre.
Travail de copie
Bien que l'on ne souhaite pas encourager la
copie pour ces enfants, elle est souvent utilisée
en classe comme support à d'autres apprentissages et considérée pour les enfants standards
comme moyen facilitateur puisque le modèle
reste visible. Mais pour les enfants, très nombreux, qui associent des troubles du regard à la
dyspraxie, toutes les tâches scolaires qui nécessitent de la copie ne sont justement pas facilitatrices (cf. p. 51, 65, 99).
Chapitre 6. Écrire autrement
Victor et la sorcière
Une histoire tapée par J.
Il était une fois un jeune lapin qui s’appelait Victor
Petitpois.
Un soir à dîner, il refusa de manger ses carottes.
« Quitte immédiatement la table ! » lui ordonna son
papa très en colère.
Figure 6.2. Exemple de mise en page d'un texte.
Lecaye O., Victor et la sorcière, L’École des Loisirs, 1989.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d'ouvrage.
En particulier, les nécessaires allers-retours du
regard du modèle à leur feuille vont les perdre. En
général, le modèle est au tableau, donc sur un support vertical et en vision de loin, et il faut copier
sur une feuille qui est à l'horizontale et en vision de
près (ou en vision intermédiaire sur l'écran), ce qui
nécessite de changer de plan à chaque fois qu'il faut
prendre les repères. Il leur faut encore gérer les sauts
de ligne, le respect de l'organisation spatiale du
texte (poésie…), pour arriver à un résultat souvent
médiocre, avec des fautes et des oublis de lettres au
minimum, de mots, voire de phrases complètes, et
une fatigue disproportionnée pour la tâche engagée.
Cette situation de copie doit donc être évitée le plus
souvent possible (photocopies, clés USB…).
Si l'enfant doit malgré tout copier à un moment
donné (et donc de manière tout à fait occasionnelle),
cette situation doit être accompagnée par l'AESH qui
dicte à l'enfant ce qui est écrit sur le tableau (contournement de la phase de prise d'informations visuelles).
L'enseignant peut aussi, de manière systématique,
oraliser (lire, dicter) le texte proposé en copie.
Sinon (et toujours de manière limitée et ponctuelle), il faut donner des stratégies à l'enfant, en
particulier pour faciliter la phase de lecture, afin que
cela soit le moins « coûteux » possible (cf. figures 3.3,
3.4 et 3.6, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage).
Cela consiste à ne pas copier ce qui est écrit
directement et immédiatement « par petits segments de mots » et évite une vérification lettre
à lettre. Afin que l'enfant ne vérifie pas sur le
modèle au fur et à mesure, on le cache immédiatement après la lecture.
Après avoir lu le texte, la phrase (le mot), l'enfant
doit écrire ce qu'il a lu sans revenir visuellement au
modèle. Puis une fois le mot ou la phrase écrits, il
lit le mot ou la phrase suivants, puis il l'écrit, etc.
Il faut entraîner cette stratégie en utilisant au départ
des phrases courtes, sans difficulté orthographique,
sans retour à la ligne au sein de la phrase. Cela nécessite, dans un premier temps, de préparer à l'avance les
supports qui vont être utilisés avec l'enfant.
Aménagements typographiques
du modèle
On utilise un interligne 1,5 ou double, les phrases
sont surlignées pour aider l'enfant à se repérer.
On se sert de trois couleurs alternées pour que
chaque phrase soit dans une couleur différente
(cf. figure 3.6, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage). Si nécessaire, un point vert peut être mis
en début de phrase, un rouge en fin de phrase (cf.
figure 3.4, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage).
Lors de la lecture de la phrase, les signes de
ponctuation ainsi que les majuscules sont verbalisés. On insiste également sur les difficultés orthographiques, en verbalisant la règle ou en demandant à l'enfant de le faire.
Copie différée
Il faut éviter au maximum les allers-retours
du regard. En effet, les stratégies de recherches
visuelles sont approximatives, aléatoires, non automatisées. On cherche donc plutôt à s'appuyer sur
les bonnes compétences mnésiques de l'enfant en
dissociant une fois encore les procédures qu'il met
en œuvre et en utilisant la copie différée (cf. p. 54).
Dictée vocale
Il s'agit de dicter à l'ordinateur le texte que l'on
souhaite écrire.
129
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
sera de toute façon utile si l'enfant doit recourir à
l'aide d'un secrétaire.
Paramétrage
Le paramétrage se fait par la lecture à haute voix
d'un texte par l'utilisateur. Après cette phase de
paramétrage, le logiciel « apprend », à partir des
fichiers textes déjà enregistrés dans l'ordinateur,
le vocabulaire spécifique de l'élève. Ensuite, le
logiciel continue à « apprendre » à chaque utilisation. Il faut faire les corrections à la voix en dictant les commandes à l'ordinateur.
Certains jeunes peuvent avoir du mal à lire
le texte lors du paramétrage. Le texte est écrit
assez petit et le temps de lecture est limité. Il
faut, pour que le paramétrage soit efficace, une
voix stable (attention à la phase de mue chez
les jeunes garçons), sans problème de souffle,
sans trop de fluctuations dans la déformation
de la prononciation (problèmes fréquents si
une dysarthrie coexiste). Le logiciel peut gérer
certaines déformations de prononciation si ces
déformations sont stables. L'adulte lit alors la
phrase et l'enfant la répète.
Limites de l'utilisation
Tout d'abord, le casque peut être difficile à utiliser
pour certains enfants. Il faut qu'il soit placé de façon
correcte pour que le micro soit à bonne distance de la
bouche. Or, cet ajustement est difficile à réaliser (en
temps limité) par un enfant dyspraxique. Les écouteurs du casque isolent un peu les bruits et notamment la voix de l'enseignant. En revanche, pour une
utilisation à domicile, on peut privilégier un micro
sur pied que l'on place devant le clavier, ce qui évite
les difficultés de positionnement du casque.
L'utilisation de la dictée vocale n'est pas possible
dans toutes les situations. En effet, l'emploi en classe
peut s'avérer difficile, car ce sont des logiciels assez
sensibles au bruit ambiant. Si l'on souhaite l'utiliser
pour dicter le cours pendant que l'enseignant donne
des explications, cela ne fonctionne pas forcément
correctement – même si l'on a pris la précaution de
demander à l'enfant lors du paramétrage de ne pas
parler trop fort –, car il faut alors chuchoter, ce que
le logiciel ne gère pas très bien. L'enfant, en dictant,
génère lui aussi du bruit, ce qui est parfois gênant
pour le fonctionnement de la classe (cf. p. 192). Lors
des évaluations, il faut trouver une autre salle pour
que l'enfant puisse l'utiliser.
Il ne faut pas avoir de troubles articulatoires ni
de troubles du souffle. Le logiciel peut répondre
à une certaine variabilité de prononciation, à
condition que les déformations soient stables. Si
elles sont fluctuantes, il y a alors beaucoup d'erreurs de transcription.
Production d'écrits
Quand l'enfant est en phase de production de
textes, cela nécessite qu'il ait construit sa phrase
« dans la tête » avant de la dicter, car le logiciel est
plus performant si l'on ne segmente pas trop les
phrases. Il faut être assez compétent sur le plan de
la planification, car il s'agit (comme lorsqu'on utilise un dictaphone) d'avoir le plan en tête, de dicter ce que l'on souhaite mettre dans chaque partie
et en même temps de dicter la mise en forme. La
planification des idées est à travailler en parallèle
avec l'orthophoniste pour améliorer les compétences de l'enfant ou à entraîner si cette tâche est
déficitaire.
Il faut toujours dissocier ces tâches, car elles
sont souvent difficiles à gérer conjointement.
Dans un premier temps, l'enfant dicte le plan,
puis il insère, en la dictant, sa production dans
chaque partie. Ensuite, il gère l'aspect spatial de
l'organisation de son texte (les retraits pour les
paragraphes, les sauts de ligne, etc.).
Une bonne performance dans l'utilisation de
la dictée vocale semble difficile à obtenir avant
le collège. Cependant, si l'on souhaite qu'elle soit
efficace dans des délais raisonnables, on doit proposer un travail de dictée à l'adulte au cours du
CM. Cela permettra à l'enfant de commencer le
travail de planification des phrases et des idées et
Logiciels suppléant la lecture
En raison de l'association fréquente de la dyspraxie avec les troubles du regard, certains
enfants sont empêchés de lire ou ne le peuvent
que sur quelques lignes (cf. p. 191). Il faut alors
absolument dissocier ces médiocres capacités en
lecture des bonnes capacités de compréhension
du langage écrit. C'est pourquoi il faut rapidement
mettre en place des logiciels qui lisent en classe
pour l'enfant (pour une fonctionnalité scolaire),
tandis que celui-ci continue son travail en orthophonie (cf. p. 102).
Un cahier des charges précis (cf. chapitre 10)
doit être fait pour choisir le logiciel qui sera le
130
Chapitre 6. Écrire autrement
mieux adapté pour cet enfant-là, y compris en
termes de projet scolaire (cf. p. 32). Il existe des
logiciels qui associent dictée vocale, retour auditif
et lecture dynamique54.
La question des fautes de frappe
à l'ordinateur
Beaucoup d'enseignants s'interrogent sur la notation des dictées (ou la prise en compte des fautes
d'orthographe dans toutes sortes de devoirs)
lorsque ces dernières sont effectuées à l'ordinateur, certaines erreurs pouvant probablement être
imputées à des fautes de frappe.
À partir du moment où l'enfant utilise l'ordinateur en classe et qu'il y atteint un niveau de
performance suffisant pour effectuer une dictée
(avec aménagements, s'il y a lieu : tiers-temps,
ou réduction de la taille de la dictée, ou mise en
place de formulaires type phrases à trous), toutes
les fautes doivent être comptabilisées, comme
pour les autres enfants. En effet, l'enseignant ne
peut pas regarder et vérifier sur le clavier la position de chaque lettre en regard de la faute produite,
d'autant que certaines erreurs, du fait des troubles
spatiaux, peuvent concerner des lettres disposées
« en miroir » sur le clavier.
Puisque l'ordinateur est l'outil utilisé par l'enfant pour pallier ses difficultés graphiques, il est
licite d'avoir une exigence en termes de précision de frappe (de même que, pour l'enfant toutvenant, on a une exigence de lisibilité et qu'une
ambiguïté de tracé peut lui être comptée comme
une faute).
En effet, on ne peut proposer une juxtaposition
de logiciels qui se révéleraient à terme ingérables
pour l'enfant, en raison des difficultés d'organisation. Durant les séances d'ergothérapie, il faut
donc lui apprendre à utiliser le logiciel choisi
pour l'amener à être le plus autonome possible.
Problèmes fréquents
Dictée et ordinateur :
le correcteur orthographique
(cf. p. 107, 123)
La question se pose souvent de la présence, dans
les traitements de texte, d'un correcteur orthographique. Ces programmes soulignent habituellement
en rouge les mots mal orthographiés (orthographe
lexicale) et proposent automatiquement la correction correspondante : ce programme peut être désactivé sur les ordinateurs des plus jeunes.
Pour les plus grands, au contraire, la présence
de ce correcteur leur permet de produire des
textes de meilleure qualité. D'ailleurs, signalant et
corrigeant les erreurs, ce programme contribue à
l'apprentissage et au développement chez l'enfant
d'une bonne conscience orthographique : il est
donc utile. Il faut cependant apprendre à l'enfant
à s'en servir (dans certains cas, l'ordinateur propose plusieurs alternatives, en choix multiple),
afin qu'il soit efficace sans que cela ne ralentisse
trop la frappe.
Enfin, actuellement, les traitements de texte
ne disposent pas de correcteur fiable en ce qui
concerne l'orthographe grammaticale : il faut
donc apprendre à l'enfant à négliger cette information (souvent signalée par un surlignage vert),
à appliquer les règles apprises, à les mettre en
œuvre par des exercices spécifiques, puis à les
automatiser autant que possible [65].
54
L'enfant utilise déjà un clavier
« non caché »
C'est souvent le cas lorsque l'apprentissage n'a pas été
mené par un professionnel, ou lorsque le diagnostic
de dyspraxie n'ayant pas été posé, l'apprentissage a
été fait « spontanément ». L'enfant connaît à peu près
le clavier, mais il reste lent (aucun travail de vitesse et
d'automatisation n'a été conduit systématiquement),
il n'est pas assez performant pour que l'outil ordinateur lui facilite vraiment sa scolarité.
En outre, si des troubles neurovisuels sont présents et si l'usage du clavier reste sous la dépendance d'une exploration visuelle (mal contrôlée
et anarchique), les progrès seront insuffisants :
après une période (début de primaire) où l'on aura
cru régler le problème graphique, les difficultés
(double tâche, cf. p. 21) vont réapparaître, puis
s'intensifier dès la fin du primaire, compromettant la poursuite de la scolarité.
Il s'agit en général d'un surlignage de la ligne en cours de
lecture, associé à une fenêtre d'une autre couleur qui se
déplace sur le mot en train d'être lu. Les couleurs sont
paramétrables pour être facilitatrices pour l'enfant.
131
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Que proposer ?
Si l'enfant est jeune et l'apprentissage récent, on
peut tenter de lui expliquer la nature du problème,
lui laisser l'usage du clavier non caché en classe
et, simultanément, s'il l'accepte, commencer un
apprentissage méthodique et rigoureux du clavier
caché durant les temps de rééducation. Lorsqu'il
est assez performant, on remplace alors son clavier
ordinaire par le clavier caché. Malheureusement,
dans la plupart des cas, reprendre cet apprentissage contraignant, alors qu'il maîtrise ou pense
maîtriser, même partiellement, la frappe, est inacceptable pour le jeune… Il faut alors se résigner à
composer au mieux avec les limites qu'il atteindra
rapidement avec son ordinateur.
« courir deux lièvres à la fois », ne permet habituellement pas d'engager les forces suffisantes, en
temps et en disponibilité, pour un usage réellement gratifiant et efficace de l'ordinateur.
C'est pourquoi il est capital de tenir un discours
sincère, clair et cohérent : l'ordinateur doit être
choisi pour favoriser la scolarité, et son apprentissage relève d'un travail de rééducation. Pour le
reste, l'enfant écrit comme il veut, à la main ou
à l'ordinateur, et s'il souhaite améliorer son graphisme manuel (ce qui est tout à fait possible et
respectable), cela n'est pas du ressort de la prise
en charge médico-rééducative.
Enfin, en période de préadolescence ou d'adolescence, le jeune a besoin plus que jamais de
s'identifier à ses pairs, d'être « comme tout le
monde », de s'intégrer à son groupe. Il le marque
par ses choix vestimentaires, ses loisirs, son langage… Lui proposer de se singulariser par l'usage
scolaire d'un ordinateur est particulièrement
mal perçu, voire insupportable. D'autant qu'il ne
peut espérer en recueillir les fruits (en termes de
réussite scolaire) que bien plus tard, alors que les
inconvénients qu'il anticipe sont immédiats…
C'est aussi la raison pour laquelle il est indispensable d'une part de porter ce diagnostic précocement et, d'autre part, de ne pas retarder la mise
à l'ordinateur une fois le diagnostic posé.
D'autant qu'une étude datant de 2012 réalisée
auprès d'adolescents dyspraxiques avait pour
hypothèse que, chez des adolescents atteints de
dyspraxie visuo-spatiale, l'introduction récente
de l'ordinateur en classe (moins de deux ans d'utilisation) avait un effet stigmatisant pour l'élève et
pouvait entraîner une baisse de l'estime de soi55.
Les résultats obtenus au questionnaire d'estime de
soi utilisé dans cette étude (inventaire de Coopersmith, 1984) montrent au contraire que l'estime
de soi est plus élevée chez les adolescents ayant
un ordinateur depuis plus de deux ans, et cela
particulièrement dans le domaine scolaire, mais
relèvent également le fort pourcentage d'estime de
soi au niveau social chez les adolescents ayant un
ordinateur depuis moins de deux ans.
Il s'agit d'un grand enfant
ou d'un adolescent
Lorsque le diagnostic est posé tardivement (cf.
p. 33) ou bien si l'on a malencontreusement cru
bien faire de repousser « le plus tard possible »
l'usage de l'ordinateur (cf. p. 73), on se heurte à de
nombreuses réticences.
L'échec scolaire est installé, ancien et sévère :
l'enfant cherche à sauver la face et à conserver
une certaine estime de soi (déni, provocation,
refus scolaire), ou bien, au contraire, il s'enfonce
dans une dépression qui ne lui permet pas d'investir dans une nouvelle stratégie et de nouveaux
espoirs. Or, il faut environ deux années scolaires
avant qu'il ne soit vraiment efficace avec ce nouvel
outil (cf. p. 115). D'ici là, il y a un risque réel que
l'enfant continue de s'enfoncer dans un échec scolaire sans remède.
En outre, l'enfant a fait, durant toutes les années
précédentes, beaucoup d'efforts pour améliorer
son graphisme manuel. Renoncer à ces années de
travail, d'espoir et aux progrès manifestes qu'ils
ont permis reviendrait à nier des années d'efforts,
mais aussi à reconnaître que les adultes se sont
trompés ou ont menti…
C'est aussi la raison pour laquelle il faut éviter de maintenir de front la rééducation du graphisme manuel et l'apprentissage de l'ordinateur
(cf. p. 73). On envoie alors à l'enfant un message
confus (voire franchement contradictoire) et, s'il
progresse un tant soit peu en graphisme manuel
(cf. figure 3.2), il ne pourra pas investir l'ordinateur. D'ailleurs, cette situation, qui consiste à
55
132
Bogusz V. L'impact du passage à l'ordinateur chez les
enfants
dyspraxiques
en
milieu
scolaire ;
décembre 2012 : http://www.psychologue-bordeauxlateste.fr.
Chapitre 6. Écrire autrement
Que proposer ?
Si le jeune refuse avec force l'ordinateur et que
ce refus s'avère difficilement négociable, des essais
peuvent avoir lieu d'abord en rééducation, puis en
ULIS (s'il s'agit du mode de scolarisation du jeune)
ou au domicile.
Une aide psychologique est souvent indispensable pour que le jeune prenne conscience de ses
difficultés sans qu'il ne s'effondre et puisse accepter les aides proposées (cf. p. 34, 41).
Chaque consigne doit être courte, énoncée avant
que l'enfant ne se précipite sur le clavier ou la souris, en lui demandant de laisser les mains sur ses
genoux (hors de son champ visuel) et en utilisant
des stratégies de type « stop and go ». L'enfant met
en œuvre « la consigne » lorsqu'on lui en donne le
signal convenu préalablement avec lui.
Association dyspraxie et troubles
du langage écrit
Ces enfants rencontrent parfois des difficultés
en confondant certaines lettres sur le plan phonologique (/b/ et /d/, /f/ et /v/…). Il faut donc
mettre en place des aides appropriées pour que
la mémorisation de l'emplacement de la touche
associée à la bonne lettre se fasse de manière correcte. Il peut être alors nécessaire d'employer des
méthodes qui utilisent d'autres voies d'indiçage
pour aider l'enfant (exemple : méthode gestuelle
de Borel-Maisonny) ou des petites « astuces » que
nous trouvons avec l'enfant [62]. Alors, la phase
d'automatisation est tout à fait possible lors de
dictée de lettres. Cependant, au moment où on
leur demande de produire du langage écrit, ils
restent bien évidemment en grande difficulté (cf.
p. 107–108), ce qui se traduit par une lenteur reflétant leur dysorthographie constante.
Mais s'il maîtrise son ordinateur et qu'il connaît
son clavier, l'enfant peut utiliser de façon efficace
les logiciels qui lui permettront de contourner sa
dyslexie.
Cas particuliers : comorbidités
Un certain nombre de cas particuliers doivent
être identifiés au préalable (p. 38) afin d'éviter de
se lancer dans un apprentissage inutile ou nécessitant des adaptations différentes ou supplémentaires [1].
Association dyspraxie et troubles
de l'attention
Il faut d'abord s'assurer qu'il s'agit d'une réelle comorbidité, les deux diagnostics de TDA-H et de dyspraxie
ayant été portés dans des conditions fiables. En effet,
il arrive quelquefois que le trouble du geste secondaire au trouble attentionnel (geste brusque, impulsif,
malhabile) soit confondu avec une dyspraxie…
Dans le cas où il s'agit d'une réelle comorbidité,
c'est le trouble de l'attention qu'il faut prendre en
compte en première intention. Pour la prise en
charge générale du TDA-H (traitement médicamenteux, remédiations, aides à la scolarité), se
référer aux ouvrages spécialisés [8].
Cependant, l'ordinateur n'est pas une panacée : son utilisation ne peut rendre les services
escomptés (permettre à l'enfant de faire une scolarité à hauteur de ses espérances et de ses capacités) que s'il s'inscrit dans une stratégie globale
de rééducation, de limitation de la production
d'écrits et de prise en charge des tâches qui en
découlent (photocopies, secrétariat, classements
et rangements, suppléances par l'oral, etc.), en
concertation étroite avec les enseignants.
En ce qui concerne plus spécifiquement l'apprentissage du clavier, il faut veiller :
• à la distractibilité. L'attention ne peut être
maintenue plus de quelques minutes en général, ce qui impose d'être encore plus vigilant sur
ce que l'on demande à l'enfant comme tâche.
Pour aider au maintien de l'attention, un changement régulier d'activité est nécessaire, et ce
avant que l'enfant ait épuisé ses « réserves » ;
• à gérer les persévérations et l'impulsivité. Il faut
donc les aider à ne pas tripoter, à ne pas cliquer
dix fois de suite pour l'ouverture d'un dossier
ou taper plusieurs fois sur la même lettre sans
pouvoir s'arrêter (cf. p. 38).
Conclusion
L'ordinateur peut se révéler un outil précieux
dans la scolarité de l'enfant, à condition que
­l'automatisation en soit suffisante et que son
133
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
domaines. Il ne s'agit pas de « trouver tout bien »,
mais de lui faire prendre conscience des points
forts sur lesquels il peut s'appuyer, qu'il n'est pas
incompétent partout et qu'il peut s'aider de son
bon raisonnement pour contourner ce qui le met
en échec.
Il faut souvent beaucoup de temps pour que
l'enfant arrive à se sentir à l'aise « avec » sa différence. Il a besoin de se prouver à lui-même qu'il
peut y arriver quand même. La négociation doit
toujours se faire avec toutes les cartes en main
pour que l'enfant ne cherche pas à se dépasser
dans des domaines qui, à terme, se révéleront
inefficaces ou inutiles pour lui ou, pire, qui lui
auront demandé tellement d'investissement qu'il
n'aura pas pu engager ses forces dans des secteurs
qui lui auraient été indispensables.
ENCADRÉ 6.1.
acceptation – par l'enfant, les enseignants et les
parents – soit sincère. Il permet alors de répondre
aux exigences scolaires (cf. chapitre 9).
En effet, souvent l'enfant nous interroge : « Estce que je triche si j'écris à l'ordinateur ? Que va
dire la maîtresse ? » Ces interrogations prennent
d'autres formes pour les plus grands : « Les copains
sont jaloux. J'ai l'impression de tricher à l'examen,
surtout avec le secrétaire. Si j'utilise le correcteur
orthographique, je pense que je suis avantagé. »
Pour d'autres, ces questions sont réglées par un
refus de l'utilisation de l'ordinateur ou des adaptations proposées. Cela est d'autant plus fréquent
que l'enfant est proche de la norme et qu'il lui est
renvoyé « qu'avec des efforts, il pourrait y arriver »… Toutes ces questions ne sont pas à prendre
à la légère, car elles tournent toutes autour de la
question de la différence et du handicap, de la
légitimité des compensations.
Considérer qu'un enfant qui n'est pas loin de la
norme peut finalement « y arriver » en l'aidant à
faire « comme les autres », c'est nier ses particularités, son handicap, alors qu'il doit être aidé à
« faire avec » (cf. p. 5, 6, 30, 51). Il faut travailler
ces questions à plusieurs niveaux, d'abord avec les
adultes (enseignants, famille). Les enfants peuvent
le faire à l'aide d'entretiens réguliers avec un psychologue ou lors d'un travail psychothérapeutique.
Lors des séances de rééducations, on doit saisir
toutes les occasions de faire remarquer à l'enfant
qu'il a de bonnes compétences dans certains
134
Exemple de fiche séquentielle
pour l'installation de l'ordinateur
1. J'installe mon ordinateur (si j'ai besoin
d'aide, je le demande).
2. J'ouvre le dossier du groupe.
3. Je mets la date.
4. Je tape la ligne avec mon prénom.
5. Je dois être prêt à 17 heures 15 minutes.
Nota. – Un surlignage de couleur ligne à
ligne peut être proposé si nécessaire (cf.
figures 3.4 et 3.6, « Cahier couleur » en fin
d'ouvrage).
Les mathématiques
autrement
En arithmétique
7
Pose d'opérations, résolutions
spatiales
Plus encore que dans d'autres disciplines, d'une
façon générale, il faut faire attention à la présentation des documents (cf. chapitre 5 : « Lire autrement »), favoriser une aération des exercices et, le
plus souvent possible, ne faire apparaître qu'un
seul exercice par page.
La pose d'opérations est particulièrement problématique pour les enfants dyspraxiques. Comme
toute utilisation de la numération indo-arabe, elle
fait en effet entièrement appel à des compétences
visuo-spatiales. L'enfant doit explorer la feuille de
gauche à droite (pour écrire, ou copier, ou lire les
nombres), puis si la résolution se fait en colonnes,
les nombres s'écrivent simultanément de droite à
gauche et de haut en bas, alignés en colonnes dont
la situation est déterminée par l'écriture du chiffre
le plus à droite de chaque nombre. Les repères que
les enfants prennent spontanément sont souvent
inadaptés (« unités du côté du mur, virgule du côté
de la fenêtre, etc. »).
Numération : dénombrement,
comptage, accès au nombre
L'accès au nombre se fait essentiellement par l'intermédiaire de manipulations et de comptages de collections chez les tout-petits. Or, les enfants dyspraxiques
ont des difficultés en manipulation (c'est le cœur
même de leur pathologie) et en exploration visuelle
qui interfèrent et perturbent leurs résultats. Ils se
construisent une idée « magique » du nombre, parfois
« le maître (ou la maîtresse) est content(e) et parfois
non ». « Quand je compte ces billes, des fois il y en a 4,
des fois 5, des fois 3, et pourtant rien n'a changé, c'est
bizarre… » La notion même de nombre est perturbée
et les enfants ne peuvent plus avoir confiance dans
l'invariance du nombre, qui est un concept indispensable à toute utilisation du nombre (cf. chapitre 4).
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chapitre
Exemple
Zélie, en CP, prend ses repères par rapport au
bureau de la maîtresse : « Les unités sont du
côté du bureau de la maîtresse. » Arrivée en
CE1, Zélie, dépitée, dit à ses parents : « J'ai
eu tout faux en calcul, mais tu comprends, le
bureau de la maîtresse a changé, ça me fait
tromper. » En effet, la maîtresse de CE1 a
installé son bureau à gauche de la classe, en
miroir par rapport à l'installation de la maîtresse du CP !
En passant par un apprentissage plus verbal de
la numération (cf. p. 80), en le dégageant des
manipulations manuelles qui distordent et
perturbent ses apprentissages, nous favorisons
l'accès au sens, ce qui permet par la suite d'effectuer des opérations et des manipulations
mentales avec les nombres. C'est-à-dire que
nous nous appuyons directement sur les
concepts mathématiques sans recourir à la
phase d'apprentissage par manipulations et
observations visuelles, qui peuvent être source
d'erreurs pour eux.
Nous proposons aux enfants dyspraxiques dont
les troubles du regard sont très modérés de poser
et de résoudre leurs opérations différemment :
• en ligne : seulement pour des calculs courts et
dans un domaine numérique bien maîtrisé par
l'enfant ;
• sur un support adapté, en colonnes avec des
repères de couleur ;
135
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
• sur des formulaires tout préparés où il n'y a
plus qu'à inscrire les nombres dans des cases
prédéfinies, respectant un code couleur toujours identique selon la valeur du chiffre dans
le nombre (unité, dizaine, centaine…).
Certaines fonctionnalités de Word ®56 (figure 4.8,
cf. « Cahier couleur » en fin d'ouvrage) permettent
d'adapter les paramétrages de ­
couleur, taille
d'écriture, espacements… mais aussi et surtout
de travailler directement dans Word® et donc de
limiter les problèmes de manipulation et de compatibilité de logiciel. Il est même possible de travailler
directement sur le support de cours de l'enseignant
si celui-ci est déjà informatisé. Le gain de temps et
la facilité d'utilisation sont évidents.
Enfin, des difficultés d'organisation et de planification peuvent se surajouter. Il convient alors
de les aider en séquentialisant les informations
contenues dans l'énoncé, en leur posant à chaque
fois les mêmes questions : « Que dois-tu chercher ?
Que sais-tu déjà ? De quoi as-tu besoin ? Quels
éléments vas-tu utiliser ? Quelle opération vastu faire ? »… Ces questions orientent seulement
la réflexion de l'élève dyspraxique et ne se substituent pas à son analyse, son interprétation et
ses choix. Il s'agit uniquement de compenser ses
difficultés d'organisation afin de lui permettre
d'exercer et de montrer ses réelles compétences
en analyse et résolution de problèmes, une fois le
handicap compensé.
Progressivement, l'enfant doit reprendre à son
compte cette stratégie et se poser lui-même toujours ces questions (auto-instructions verbales, cf.
p. 27 et p. 95), ce qui lui permet, au fil des années,
de gagner en autonomie.
Cependant, il faut au maximum dispenser de
la pose d'opérations. Si celles-ci doivent être
résolues, elles le sont dans la mesure du possible mentalement et/ou avec l'aide de la calculatrice, en fonction de la complexité du calcul
et du niveau scolaire de l'élève.
En géométrie
Cette discipline, tout au long de la scolarité, est
fondée essentiellement sur l'analyse et la production de dessins géométriques. De ce fait, elle
comporte des exigences propres au sein desquelles il est très difficile de scinder ce qui est
de l'ordre du conceptuel et ce qui est de l'ordre
du spatial. En outre, la méthode d'approche de
la géométrie repose essentiellement sur des données spatiales :
• à analyser : figures géométriques, relations
entre les divers éléments de la figure, orientation propre de certains éléments [61] ;
• et à produire, ce qui suppose de bonnes capacités de représentation mentale des aspects
topologiques ou d'orientation des éléments,
mais aussi la capacité à réaliser concrètement la
figure à l'aide d'outils adéquats : règle, équerre,
compas, rapporteur…
La stratégie développée tout au long de cet
ouvrage – contourner ou réaménager les éléments spatiaux sans altérer le sens de la tâche –
est là mise à mal. En effet, surligner, coloriser ou
séquencer les divers éléments d'une figure, faire
tracer les figures par l'intermédiaire d'un logiciel
peut rendre apparemment service à quelquesuns. Cependant, cela contribue rarement à faire
En effet, il faut souligner que les textes officiels
de l'Éducation nationale recommandent une utilisation raisonnée de la calculatrice, en fonction de
la complexité des calculs auxquels sont confrontés
les élèves. Or, pour un enfant dyspraxique, tout
calcul posé est d'une complexité telle qu'il relève
de l'usage de la calculatrice.
Résolution de problème
Pour résoudre un problème, il faut avant toute
autre chose avoir lu et compris l'énoncé, ce qui
peut se révéler déjà difficile pour certains enfants
dyspraxiques et dyslexiques (cf. chapitre 5 :
« Lire »). Dans ces cas-là, nous proposons le
recours à un système de lecture vocale, par logiciel, tierce personne (cf. « Ouïe lire », p. 106)…
Ensuite, il faut analyser les différents éléments
de l'énoncé. Ces jeunes ne peuvent ni produire ni
interpréter les dessins ou schémas qui, pour les
autres élèves, favorisent une représentation efficiente du problème et soulagent leur mémoire de
travail.
56
Souvent sous l'onglet « Développeur ».
136
Chapitre 7. Les mathématiques autrement
a­ ccéder l'enfant au concept géométrique visé. Il
est plus efficace de faire appel à une méthodologie
essentiellement fondée sur le verbal et la manipulation mentale des propriétés géométriques des
objets [12]57.
En contrepartie de cette difficulté propre à la
discipline, l'échec de l'enfant dyspraxique dans
ce domaine est généralement plus facilement
reconnu et même accepté. De ce fait, c'est certainement le domaine, et c'est heureux, où le moins
d'entraînements, de cours de « rattrapage » et
d'aides banalisées mal ciblées sont proposés.
Cependant, en fonction de l'intensité et de la
nature des troubles des traitements spatiaux, certains savoirs peuvent rester partiellement accessibles en utilisant des méthodes tenant compte
du handicap spatial. Parfois, un handicap sévère
contraint à s'orienter vers une section qui permet
la dispense de la discipline (orientation littéraire
ou vers les langues…).
d'un carré, distinguer un triangle rectangle d'un
triangle quelconque ou différencier médiatrices,
médianes et hauteurs peut alors s'avérer difficile.
L'exécution graphique (le dessin) des figures
géométriques est généralement impossible. Dans
les rares cas où elle peut s'avérer réalisable, il faut
utiliser des instructions verbales séquentielles, les
seules dont l'enfant peut tirer profit et qui peuvent
servir de base à des apprentissages effectifs.
Enfin, signalons que les symétries posent à certains de ces jeunes des problèmes totalement insolubles58.
Utilisation des « outils »
géométriques : règle, équerre,
compas, rapporteur…
Orienter et placer correctement l'instrument
(souvent en alignant des origines ou le zéro) est
une action qui réclame à la fois des compétences
visuelles, praxiques et spatiales. C'est dire qu'il s'agit
d'une tâche intrinsèquement très difficile, que les
enfants dyspraxiques ne peuvent pas réaliser.
C'est pourquoi trois choix seulement sont possibles :
• renoncer et dispenser l'enfant de ces activités ;
• utiliser un logiciel spécialisé ;
• verbaliser de façon détaillée la procédure d'utilisation de chaque instrument [71, 12].
C'est l'intensité des troubles, la présence de troubles
associés ou non, les capacités de compensation que
l'enfant peut développer (compétences raisonnementales, linguistiques et mnésiques) et surtout le projet
individuel de l'enfant en termes de projet scolaire
(cf. p. 32) qui légitiment tel ou tel choix.
Principes généraux
Dans ce domaine, il faut toujours bien distinguer
deux temps différents, en repérant quels sont les
traitements spatiaux :
• afférents, liés à l'analyse visuelle de la (ou des)
figure(s) qu'il faut « lire », comprendre, commenter, copier ou transformer ;
• efférents, impliqués dans la conception et la
réalisation d'une figure qu'il faut réaliser, « dessiner », traitements qui font appel d'abord aux
capacités de représentation mentale des objets
géométriques, puis aux capacités de réalisation
graphomotrice.
Ainsi, la reconnaissance des figures géométriques simples et usuelles se fait souvent sans difficulté (dire s'il s'agit d'un carré, d'un triangle…)
précocement. Mais ultérieurement, l'analyse
visuelle des relations entre les différents éléments
de la figure (topologie), l'interprétation perceptive
de la longueur relative des segments (côtés égaux
ou non, milieu d'un segment, etc.), l'appréciation de l'obliquité (diagonales, perpendiculaires,
parallèles) posent problème. Dire, à partir d'une
observation visuelle, s'il s'agit d'un losange ou
57
Adaptations et remédiations
Stratégies verbales
Il s'agit, comme nous l'avons montré à plusieurs reprises, de transformer des informations
58
Recherches en éducation, handicap et apprentissages
scolaires : conditions et contextes ; no 23, octobre 2015 :
http://www.recherches-en-education.net.
137
Les neurosciences cognitives ont montré [21] que le
cerveau humain (comme celui de tous les grands primates) ne distingue pas initialement les éléments en
miroir. Cette discrimination est le fruit d'un enseignement volontariste (de la maternelle au primaire),
très lié à l'apprentissage de l'écrit, générant des réorganisations neuronales… lesquelles ne sont que très
partiellement accessibles aux dyspraxiques.
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
v­ isuo-spatiales, globales, holistiques en une suite
séquentielle d'instructions verbales qui, elles, sont
accessibles aux jeunes DVS.
gies proposées par A. Crouail [71] et E. Petitfour
[12] prennent là toute leur efficacité, préparant le
jeune aux exigences du collège.
Ultérieurement, ces jeunes peuvent être très
intéressés (et relativement compétents) en géométrie analytique. Dans cette discipline, les
aspects perceptifs et spatiaux passent tout à fait
au second plan, au profit d'une description algébrique des propriétés des objets géométriques
et de leurs relations. Les jeunes dyspraxiques
peuvent alors traiter les problèmes séquentiellement, comme ils le feraient avec n'importe quel
système d'équations.
Si l'on pense que l'enfant peut bénéficier des
enseignements dans ce domaine, alors les
AESH (ou secrétaires), tout comme les enseignants, doivent eux-mêmes être entraînés à
« décrire » les figures très précisément et de
façon utilisable par ces jeunes, afin de leur permettre de s'en faire une représentation mentale
(qui ne sera très probablement pas figurative,
mais plutôt propositionnelle, cf. p. 95, 96 et
figure 4.1) et d'en comprendre les propriétés.
Des stratégies et logiciels spécifiques d'aide à la
géométrie adaptés à la problématique du jeune
peuvent donc lui rendre service, à condition
qu'il puisse bénéficier d'un apprentissage efficace de leur utilisation, généralement avec son
ergothérapeute et en lien étroit avec le professeur (ou au moins avec son assentiment).
Cependant, il faut savoir que le langage « naturel » ne permet pas d'accéder avec assez de précision à la description précise et fonctionnelle
des objets et concepts géométriques. Il faut donc
développer et mettre au point – avec l'enfant –
un vocabulaire adapté qui pourra réellement
constituer un « outil » pour accéder (en partie) à
la géométrie [12]. L'objectif est alors non d'obtenir des tracés satisfaisants, mais de permettre au
jeune dyspraxique d'accéder au raisonnement, à la
démonstration géométrique et à la logique propre
à cette discipline.
Les stratégies verbales, si elles sont bien préparées, précises et pertinentes, permettent de réaliser ou de concevoir un trajet, voire même d'analyser ou de décrire une figure simple.
C'est également très souhaitable pour l'apprentissage par cœur des définitions et propriétés des
divers objets géométriques : un élève dyspraxique
peut savoir qu'« une bissectrice partage un angle
en deux parties égales » sans pour autant être en
capacité de la construire ni de la reconnaître.
Ces savoirs (séquentiels) sont par ailleurs tout
à fait indispensables pour utiliser avec profit les
logiciels d'aide à la géométrie (cf. p. 139, 140).
À l'adolescence, du fait de la maturation (en particulier des fonctions exécutives et de la mémoire
de travail), certains jeunes dyspraxiques peuvent
bénéficier de façon plus systématique des stratégies de contournement (verbalisation) ou palliatives (logiciels adaptés). En effet, les méthodes
pédagogiques et les exercices font moins appel
aux aspects perceptifs, mais beaucoup plus aux
propriétés des objets géométriques. Les straté-
Nous insistons sur le fait que l'objectif, pour ces
jeunes, est rarement l'acquisition du programme
prévu pour la classe : il faut, dans ce domaine,
avoir des buts minimalistes, visant, lorsque c'est
possible, les notions de base.
Une partie de la remédiation proposée consiste
à conforter ces enfants dans leurs connaissances
théoriques et à leur apprendre à ne faire confiance
qu'à leurs connaissances verbales, formelles et
conceptuelles, et non à ce que leurs yeux voient ou
croient voir. Ainsi, il faut prendre en compte le texte
« ABC est un triangle rectangle en A », plutôt que
l'interprétation visuo-spatiale de la figure où l'angle
droit en A est représenté par un petit rectangle.
Exemple
Pauline (13 ans, intelligente, scolarisée en
quatrième), regardant le triangle ABC assorti
de la question « Que peux-tu dire du triangle
ABC ? », répond : « ABC est un triangle particulier, car C est plus lourd, il est en bas » (sic !).
Logiciels de géométrie
Même si la fonction dessin de Word® peut suffire
en tout début d'apprentissage pour des reproduc-
138
Chapitre 7. Les mathématiques autrement
tions de dessins, il est important que les enfants
dyspraxiques s'approprient tout de suite le logiciel
qu'ils vont utiliser par la suite, tout au long de leur
scolarité. Classiquement, nous utilisons Cabri II
Plus®. Ce logiciel permet de réaliser l'ensemble des
constructions géométriques et d'y associer des éléments de texte sur la même page, évitant ainsi des
allers-retours avec un traitement de texte. De plus,
ce logiciel est personnalisable, car de nombreux
éléments sont paramétrables (aspect, taille, couleurs des points, droites, segments, etc., icônes de
la barre d'outils, conservation d'une feuille de style
propre à l'élève, nombreuses possibilités de symboles et d'écritures mathématiques, etc.).
Il est indispensable de procéder à une analyse fine et détaillée de l'activité, de ses différentes composantes et de les mettre en
corrélation avec les difficultés de l'enfant et
son environnement, ce qui permet d'orienter
les choix d'adaptation de manière fiable et
pertinente.
Apprentissage d'un logiciel de géométrie
Lorsqu'il s'avère nécessaire de mettre en place un
logiciel de géométrie, il faut procéder à un accompagnement rigoureux permettant à l'enfant d'apprendre à utiliser de façon optimale ce logiciel en
situation scolaire. Il est souhaitable de commencer précocement, anticipant les premiers apprentissages en fonction des programmes scolaires.
En effet, ces logiciels demandent une rigueur
mathématique qui impose de connaître certains
prérequis.
Les concepts de base, les définitions et les propriétés des objets géométriques doivent être appris
et maîtrisés. Il faut que l'enfant ait déjà compris
et acquis certaines notions et le vocabulaire y
afférant (droite, segment, demi-droite, parallèle,
perpendiculaire…) avant de commencer l'apprentissage du logiciel.
Au fur et à mesure des acquisitions scolaires,
on montre à l'enfant comment réaliser les tracés
avec le logiciel de géométrie choisi. Cet apprentissage peut être proposé en séance individuelle et de
manière ludique dès 8–10 ans, selon les besoins.
À ce stade, l'enfant trace des droites, segments ou
autres, de telle sorte qu'au final la production réalisée soit figurative et ludique (représente une fusée,
une maison par exemple ; figure 7.1).
Ensuite, l'apprentissage du logiciel se fait en lien
étroit avec la scolarité. L'enfant utilise ce logiciel
pour réaliser des exercices de son manuel scolaire, en lien avec l'enseignant. À partir du collège, il peut être intéressant de mettre en place
des groupes de travail permettant aux jeunes de
se confronter les uns aux autres et de mieux comprendre et résoudre, en collaboration, leurs difficultés (cf. p. 125).
Pour favoriser des acquisitions de qualité, il est
préférable de mettre en place un logiciel adapté
d'aide à la construction géométrique dès les
premiers apprentissages de l'enfant. Le logiciel,
en effet, ne doit pas avoir pour seul but de compenser la réalisation graphique des figures géométriques. Il n'a sa pleine utilité que si l'enfant
a, préalablement, accès aux propriétés géométriques de la figure (grâce à la verbalisation et à
ses représentations mentales, essentiellement
propositionnelles).
Exemple
D'autres logiciels, comme la trousse géo
tracé développée par l'INSHEA59, permettent
de tracer les différentes figures géométriques en utilisant des outils similaires aux
autres enfants (règle, équerre, compas…),
mais apparaissant sur l'écran de l'ordinateur
et manipulables via la souris de l'ordinateur.
Cependant, cela ne résout en rien le problème d'analyse, de représentation d'orientation et de repérage spatial des enfants
dyspraxiques. Ce logiciel est donc plutôt utile
aux enfants souffrant d'une atteinte motrice
ne perturbant que la réalisation, le tracé,
le graphisme. Il faut donc être très vigilant
dans les propositions et les choix des aides,
certaines pouvant même constituer de véritables surhandicaps.
Fiches de procédures
59
Nous proposons aux enfants des fiches de procédures de tracé des figures géométriques, afin :
INSHEA : Institut national supérieur de formation et
de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés.
139
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
8,0 cm
Figure 7.1. Consigne : « Trace un carré de 8 cm de côté et, au-dessus, un triangle équilatéral, puis
complète le dessin » (CE2).
• de leur permettre d'utiliser le logiciel seuls ;
• de s'entraîner aux auto-instructions verbales, de
renforcer l'accès aux concepts géométriques et,
le cas échéant, d'apprendre à dicter à un adulte
secrétaire ;
• et de favoriser l'automatisation des procédures.
 cliquer sur Distance ou longueur, puis sur le
dernier point tracé et sur le point du segment
qui est sur la même droite que lui ;
 cliquer sur Sélectionner et à nouveau sur le
dernier point tracé, maintenir le clic et déplacer le point pour régler la distance demandée ;
 cliquer sur Segment et repasser tous les
segments ;
 cliquer sur Cacher/montrer (dernière icône)
et cliquer sur toutes les droites, mais pas les
segments.
Exemple de protocole de construction
avec Cabri II Plus® (figures 7.2 et
7.3, cf. « Cahier couleur » en fin
d'ouvrage)
Pour tracer un rectangle :
 sélectionner Segment en cliquant sur la
troisième icône Droite ;
 cliquer sur la feuille de dessin : Déplacer la
souris ; cliquer une deuxième fois → trace le
segment ;
 cliquer sur la neuvième icône Distance ou
longueur ;
 cliquer sur le segment dessiné ;
 cliquer sur la première icône Sélectionner ;
 cliquer sur un des deux points, maintenir le
clic et délacer le point pour régler la distance
du segment comme demandé ;
 cliquer sur la cinquième icône Droite perpendiculaire ;
 cliquer sur le segment, puis sur un des
« bouts » (extrémités) du segment ;
 cliquer à nouveau sur le segment, puis sur
un des « bouts » (extrémités) du segment ;
 cliquer quelque part sur une des deux
droites tracées, deux fois de suite ;
140
Points de vigilance
• Toutefois, il ne faut pas vouloir à tout prix suivre
le rythme de la classe, l'apprentissage de ce type
de logiciel doit se faire selon la progression de
l'enfant. En effet, ils sont très souvent en décalage (retard) par rapport à leurs camarades de
classe au niveau des acquisitions géométriques.
• Un grand soin doit être porté à l'accessibilité
du logiciel proprement dit. En effet, beaucoup
de ces enfants ont besoin d'icônes grossies, de
paramétrage de couleurs et d'épaisseurs de
tracé spécifiques leur permettant un meilleur
repérage visuel et visuo-spatial sur l'écran.
• En outre, ce type de logiciel requiert une certaine dextérité afin de tracer les figures demandées en respectant les consignes de taille,
d'orientation. De plus, si l'ajout d'un périphérique s'avère nécessaire, il faut savoir en évaluer
les contraintes (transport, branchements, etc.).
Chapitre 7. Les mathématiques autrement
Propriétés
Points
Mesure
Lignes
Texte et symboles
Courbes
Attributs
Macros
Transformations
Constructions
Manipulation
Figure 7.2. Barre d'outils de Cabri II Plus®
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
Barre de titre
Barre de menus
Barre d’outils
Barre d’attributs
Fenêtre texte
B
A Zone de travail
Sur ce cercle
Fenêtre d’aide
Barre d’état
Figure 7.3. Cabri II Plus : copie d'écran
®
Cette figure est reproduite en couleur en fin d’ouvrage.
• Ces logiciels comportent certaines touches
spécifiques (figure 7.2, cf. « Cahier couleur »
en fin d'ouvrage), par exemple : médiatrice,
bissectrice… Les enfants sont alors souvent
tentés de les utiliser afin « d'aller plus vite,
de gagner du temps ». Mais cela peut aller à
l'encontre de ce qui est demandé, si l'objectif est de construire ces objets géométriques
particuliers. Par exemple, si l'on demande de
tracer la médiatrice du segment [AB], cela
suppose que l'enfant applique un protocole
de construction. Il doit tout d'abord tracer
le milieu du segment, puis la droite perpendiculaire au segment passant par son milieu,
et non pas utiliser la fonction Médiatrice du
logiciel.
La fonction Protocole de construction permet de visualiser les différentes étapes par
lesquelles l'enfant est passé avant d'arriver à
la figure finale. Ainsi, chacun (en particulier
141
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
l­'enseignant) peut vérifier l'adéquation des
résultats à ce qui a été demandé, et surtout le
raisonnement sous-jacent à la construction.
Les logiciels de tracé de figures géométriques
sont certes assez complexes mais également
très complets. Surtout, ils respectent bien les
concepts mathématiques. Ils nécessitent de réels
savoirs géométriques pour tracer les figures de
base, ce qui permet de s'assurer des apprentissages
et des acquisitions de ces enfants en géométrie.
Cependant, tout ne peut pas être sujet à compensation.
Les limites des stratégies et des palliatifs décrits
ici sont en rapport direct avec le handicap spatial (donner sa position, situer un objet par rapport à un autre, en évaluer l'orientation précise) :
certains jeunes dyspraxiques peuvent alors être
dispensés de géométrie. C'est le médecin qui doit
lister précisément les éléments du programme
dont l'enfant est dispensé. Ces éléments sont à
communiquer aux différents intervenants dès le
début de l'année scolaire et à détailler dans le PPS
(cf. p. 173) et doivent être pris en compte pour les
contrôles et les examens60.
60
142
Attention : certaines dispenses de disciplines, acceptées au décours des PPS et au long de la scolarité, ne
peuvent cependant pas donner lieu à des dispenses
lors des examens. C'est dire que l'on reconnaît que
l'enfant, du fait de son handicap, ne peut pas accéder à
telle ou telle discipline (tout comme le jeune handicapé moteur est dispensé de course ou de saut du fait
d'une limitation ou impossibilité liée au handicap),
mais cette limitation ou impossibilité n'est plus prise
en compte au moment de l'examen… Il faut donc être
très bien informé des possibilités réelles de dispenses – ou non – pour les examens, en fonction des
instructions de l'année en cours (modifications fréquentes). Voir avec le médecin scolaire, l'enseignant
référent, le médecin du rectorat et sur : http://eduscol.
education.fr/cid52443/candidats-handicapes-tousexamens.html.
Obstacles visuo-practospatiaux masqués
et compensations
Chapitre
8
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
« Gardons-nous de sous-estimer la seule chose sur laquelle nous pouvons personnellement agir : la
solitude et la honte de l'élève qui ne comprend pas, perdu dans un monde où les autres comprennent. »
D. Pennac61
De nombreux supports, apprentissages, activités
ou présentations contiennent, de façon masquée,
des éléments visuo-practo-spatiaux dissimulés.
Il ne viendrait à l'idée de personne de demander à un jeune se déplaçant en fauteuil roulant de
faire du sport dans les mêmes conditions, avec les
mêmes contraintes et le même équipement que
tous les autres enfants de la classe. Or, c'est ce que
l'on fait, à son insu, de façon involontaire et souvent en toute bonne foi, si l'on ignore ou néglige
ces difficultés cachées, lorsqu'on demande à un
enfant dyspraxique de réaliser certains apprentissages dans les mêmes conditions, contraintes et
environnement que ses camarades de classe.
Les difficultés d'un enfant dyspraxique se répercutent en effet dans l'ensemble des apprentissages :
• d'une part, en classe, elles concernent toutes les
matières, car elles infiltrent de façon évidente
des compétences transversales (lecture, écriture, orthographe) qui ont des répercussions
dans toutes les disciplines. À ce titre, elles justifient des adaptations systématiques que nous
avons déjà envisagées (chapitres 3 à 7). Dans de
nombreuses autres matières, on imagine, à tort,
que le jeune dyspraxique peut « faire comme
tout le monde ». C'est une erreur ;
• d'autre part, certains éléments visuo-spatiaux
infiltrent aussi de façon masquée le français,
les mathématiques, mais encore l'histoire-­
61
Pennac D. Chagrin d'école. Paris : Gallimard ; 2007.
143
géographie, les sciences… et sont alors susceptibles de générer un surhandicap à l'insu de tous.
C'est l'objet de ce chapitre.
Nous aborderons successivement chaque disci­
pline : après une mise en exergue des éléments
invisibles qui perturbent les apprentissages de ces
jeunes, nous proposerons une démarche d'analyse des différents supports pédagogiques. Nous
l'appliquerons à titre d'exemple aux cartes, schémas, graphiques, dessins, photographies, images,
tableaux et à la géométrie.
Cependant, il est nécessaire et indispensable
que l'ensemble des supports (manuels, documents
pédagogiques…) soit analysé au regard des problèmes visuo-spatiaux des enfants. Cette démarche
d'analyse est à généraliser et à utiliser aussi souvent
que nécessaire. C'est à partir de ces outils d'analyse
que nous exposons, au fil de notre propos, des suggestions d'aides et des exemples concrets.
Ces adaptations doivent pouvoir permettre de
réaliser les acquisitions scolaires de même
niveau, dans les mêmes délais que leurs camarades (cf. p. 34), mais avec des supports (d'apprentissage, de contrôle et d'examen)
accessibles. Il s'agit donc bien d'adapter la
forme de surface et non le fond, le concept. Il
est nécessaire de formaliser ces aménagements
indispensables, en particulier via leur inscription au PAP ou au PPS.
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
En français
C'est essentiellement l'ergothérapeute qui met à
disposition (du jeune, des enseignants, des parents)
ses compétences d'analyse d'activités et de mises en
situations écologiques pour faire des propositions
pertinentes d'adaptations (des supports d'apprentissages, de l'environnement) afin d'optimiser la participation de l'enfant. En effet, de par sa formation, il
peut, au décours des bilans pratiqués et de sa rééducation en situation individuelle, analyser finement
les difficultés rencontrées, leur origine (gestuelle,
visuelle, spatiale…) et essayer avec l'enfant différentes adaptations en fonction de ses troubles, mais
aussi et surtout de ses capacités de compensation.
Outre les difficultés en lecture et en écriture déjà
abordées (chapitres 3, 5 et 6), certains objectifs
pédagogiques de cette matière doivent être adaptés ou revus.
Produire des textes
Il faut sans cesse effectuer des allers-retours
entre cette situation individuelle hyper-­
adaptée et la situation scolaire, au sein du
groupe-classe.
Il faut ensuite s'attacher à convaincre les différents partenaires (école, famille et le jeune
lui-même) de leur nécessité. Il s'agit d'établir un
véritable partenariat entre l'élève, l'enseignant, le
rééducateur et la famille afin que l'ensemble des
aides proposées réponde bien aux besoins spécifiques du jeune et à son projet personnel et scolaire.
La réussite dans les apprentissages est un gage
de pertinence des compensations proposées :
les progrès ou bonnes notes de l'enfant ne
doivent pas conduire à l'abandon de ces aménagements, mais doivent valider leur utilité et
leur efficacité. Cela doit au contraire inciter à
les pérenniser.
Il ne s'agit donc pas ici de s'immiscer dans les
programmes et la pédagogie des enseignants,
mais au contraire d'essayer de trouver avec
eux des adaptations de leurs supports pédagogiques (présentation des notions, activités
proposées, mise en œuvre des contrôles…) afin
de permettre à l'enfant dyspraxique de faire les
mêmes acquisitions et les mêmes apprentissages que les autres enfants de sa classe. C'est
clairement une démarche de compensation du
handicap.
144
La dyspraxie a souvent des répercussions inattendues dans la production de textes (cf. p. 62). Dans
ce domaine, également appelé « rédaction, expression écrite ou production d'écrits, puis commentaire de texte et dissertation », l'enfant dyspraxique
est gêné aussi par l'aspect organisationnel et spatial de ce type d'exercice. Il faut non seulement
trouver des idées, mais aussi les organiser et les
hiérarchiser pour aboutir à un texte construit,
respectant un plan et ayant du sens. L'aspect spatial de la rédaction est souvent méconnu ou sousestimé, il s'agit de la présentation du document
fini : mise en pages, paragraphes, dialogue… En
effet, un texte doit suivre des règles de présentation très spatiales : introduction avec retrait
de paragraphe, saut de ligne entre chaque paragraphe et saut de plusieurs lignes entre deux parties, retrait à chaque paragraphe, lors d'une césure
de mot, après la fin d'une syllabe et avec un tiret,
etc. L'enfant dyspraxique est souvent gêné par cet
aspect spatial.
C'est pourquoi il faut souvent lui rappeler une
liste d'instructions (cf. p. 170), par exemple :
« Qu'écris-tu ? Une phrase ? un début de paragraphe… ? Comment vas-tu présenter cela ? »,
l'idée étant que les adultes entraînent les enfants
de façon systématique à se faire eux-mêmes mentalement une liste d'auto-instructions (« Où en
suis-je ? Je change d'idée, donc… c'est un nouveau paragraphe ? Alors, je dois… »). Les premiers
temps, il faut que ce soit l'adulte qui les étaye dans
cette démarche.
Il ne faut pas attendre des exigences de rédactions, commentaires de texte ou dissertations pour
prendre en compte les exigences spatiales de ces
aspects rédactionnels. Ces méthodes doivent être
donc mises en place précocement (dès le CM) et
longuement entraînées, lentement complexifiées
au fil des exigences scolaires. Pour certains cependant, dans l'incapacité de concevoir et de se représenter ces aspects spatiaux, il faut être tolérant…
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
On peut aussi faire verbaliser toutes les idées,
aider à leur regroupement et laisser ensuite le
jeune « rédiger » les différentes parties correspondant aux regroupements d'idées. Il s'agit d'une
« rédaction » orale. En effet, même sur l'écran de
l'ordinateur, il s'agit d'un regroupement spatial
que l'enfant peut avoir du mal à réaliser seul. Il
est donc primordial que ces enfants apprennent
à tirer parti d'un secrétaire pour toutes les activités scolaires nécessitant de la production de
textes. Lorsque l'enfant bénéficie d'un AESH,
celui-ci peut tenir ce rôle. Il est à noter que la
quantité d'écrits augmente au fur et à mesure
de la s­ colarité.
toujours identiques afin que celles-ci puissent être
apprises et appliquées par la suite. L'enfant remplit
alors une sorte de formulaire vierge où il n'a plus
qu'à inscrire ses idées (figure 8.1).
Souvent, jusque vers le milieu ou la fin du
collège, le jeune doit être aidé par l'adulte dans
cette démarche. Nous leur proposons de lister
toutes leurs idées dans un premier temps, puis
de regrouper ensemble celles qui vont ensemble.
Cette première étape est impérativement réalisée
en dictée à l'adulte et enfin la rédaction du texte
est réalisée dans le formulaire.
Ces enfants vont donc avoir de plus en plus
besoin d'un secrétaire, et ce alors même qu'ils
ont progressé en indépendance fonctionnelle
et en autonomie, du fait de la complexification
des exigences spatiales sous-jacentes.
Cela réclame une stratégie particulière de lecture,
souvent inaccessible aux jeunes dyspraxiques
(cf. p. 100). Il faut aider l'enfant par une procédure
systématique : par exemple, souligner les mots clés
ou idées « importantes » (sur indication de l'enfant
lorsqu'il a lu ou écouté le texte), repérer les différentes parties du plan, masquer les digressions, les
exemples et citations.
Ensuite, l'enfant peut passer à la synthèse ou au
résumé, après lui avoir demandé de reformuler le
contenu, de le définir en une seule phrase, de lui
donner un titre…
Produire des résumés,
des synthèses
Cette notion contre-intuitive d'augmentation
du besoin de secrétariat est très importante, car
elle justifie le maintien et même l'accroissement
du temps de présence de l'AESH afin de permettre
à l'élève d'exprimer et d'exploiter tout son potentiel.
Ne pas adopter la bonne présentation peut relever du handicap ou d'un non-savoir : dissocier les
deux et comprendre sur quoi l'enfant a été réellement évalué nécessitent que les aides spécifiques
soient bien mises en place.
Étude d'œuvres littéraires
Lorsque les élèves doivent étudier un texte, une
œuvre littéraire, ceux-ci doivent le lire seuls, avec
l'exemplaire recommandé par le professeur. On
comprend que pour une utilisation de groupe,
en classe, il est plus facile que tous les élèves disposent de la même édition du texte (même pagination, même version du texte…).
L'enfant dyspraxique, dont la lecture est lente,
laborieuse et fatigante, doit souvent utiliser un
livre audio. Il est alors indispensable que le professeur, averti de cet impératif, choisisse l'édition papier correspondant à la version audio.
Aujourd'hui, on trouve un bon nombre de livres
audio à la Bibliothèque nationale de France. Il
existe aussi des associations se proposant d'enregistrer un livre donné en version audio. De nombreux éditeurs proposent quant à eux des livres
variés, destinés à tous les âges, existant sous forme
de CD ou de fichier MP3.
Fonction Formulaire
Cette fonction permet de proposer une trame spatiale
préétablie pour mettre en forme leur écrit sous une
présentation respectant les standards habituels d'un
texte (titre, organisation sous forme d'introduction/
différents développements/conclusion, retours à la
ligne, organisation en paragraphes…). Ils peuvent
ainsi réaliser leur écrit sous la forme séquentielle
qui leur est souvent plus accessible, tout en ayant un
rendu académique. Cette fonction ne peut être proposée qu'à des jeunes qui n'ont pas de grosses difficultés de lecture/relecture.
Nous pouvons ainsi proposer aux enfants dyspraxiques des règles de procédures séquentielles
145
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
DUPONT Jules
Cliquez ici pour entrer une date.
5e
Rédaction
Note
Observations
Introduction
Il s’agit ici de présenter le sujet, ce dont on va parler.
À la fin de cette partie, il faut présenter le plan de la rédaction donc nommer les parties qui vont
suivre dans l’ordre.
1re partie – 1re grande idée
Plusieurs idées complémentaires sont décrites. À chaque nouvelle idée, changer de
paragraphe.
2e idée.
3e idée.
4e idée.
2e partie – 2e idée (souvent opposée à la première)
Plusieurs idées complémentaires sont décrites. À chaque nouvelle idée, changer de
paragraphe.
2e idée.
3e idée.
4e idée.
3e partie
En général, on fait ici le bilan entre les idées de la 1re partie et celles de la 2e partie.
On essaye de les mettre en relation les unes avec les autres.
À chaque nouvelle idée, changer de paragraphe.
2e idée.
3e idée.
4e idée.
Conclusion
Il s’agit de terminer sa rédaction donc de trouver une idée qui résume (rassemble) toutes les
autres idées de la rédaction en faisant un bilan.
En fin de conclusion, on essaye de trouver une idée plus générale, plus vaste qui va dans le
même sens que ce qu’on vient juste de dire.
Figure 8.1. Exemple de présentation « formulaire ».
Cette démarche suppose une certaine anticipation de la part de l'enseignant pour :
• choisir les textes et œuvres à étudier dans ce
vivier ;
• enregistrer une version audio du livre si celuici n'existe pas encore sous forme numérique ou
audio.
S'il s'agit d'une version audio, il faut aussi anticiper, cette fois au niveau de chaque cours. L'enseignant doit dire aux parents ou à l'A ESH quel
chapitre va être étudié en classe, afin qu'ayant
repéré à combien de minutes ce chapitre est situé
par rapport au début du livre (en fonction des
paramétrages et de la vitesse de lecture habituels
de l'enfant), il puisse préparer le matériel. En
effet, la pagination est inutilisable et l'élève ne
peut généralement pas faire seul, dans les temps
impartis, cette recherche rapide sur le support
audio.
Lorsqu'il s'agit de faire une fiche de lecture,
le choix est laissé à l'enfant de prendre un livre
parmi ceux existant en livre audio ou numérique.
Enfin, n'oublions pas que certains textes sont
intrinsèquement peu accessibles aux enfants
146
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
­dyspraxiques de par leurs importantes références
­spatiales (figure 8.2a et figure 8.2b). Dans ce cas, il
faut accepter de renoncer : les jeunes dyspraxiques
ne pourront jamais les appréhender dans leur
entièreté avec tous les sous-entendus et les détails,
construire des représentations mentales fidèles au
texte.
Ainsi, dans certaines situations « extrêmes »
(du fait de leur lien direct et étroit avec le handicap), la prise en compte du handicap consiste
en une dispense, ce qui n'empêche pas, bien au
contraire, de penser, d'évoquer des solutions
de compensation pour d'autres situations. Par
compensation, il faut entendre remplacement,
contournement, palliatif. Le texte est modifié
ou un autre choix est fait, en faveur d'un autre
texte avec aucunes (ou le moins possible de)
références spatiales, laissant le jeune libre de
montrer sa sensibilité, sa compréhension, son
intérêt, ses savoirs, ses compétences, mais aussi,
le cas échéant, ses limites.
En mathématiques
Cette matière est éminemment complexe pour les
jeunes dyspraxiques, car en lien permanent avec
leurs difficultés spécifiques, détaillées dans les
chapitres 5 et 7.
Mais il faut rester vigilant aussi sur des aspects
plus généraux, moins directement mathématiques, qui peuvent pourtant générer des échecs
inattendus. Il faut faire attention à la présentation
des documents, favoriser une aération des exercices et, le plus souvent possible, ne faire apparaître qu'un seul exercice par page. Les adaptations
Figure 8.2. Un texte descriptif, très spatial, de G. Perec.
a. G. Perec. Les Choses, début du chapitre i.
147
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Figure 8.2. Suite.
b. Le « style interprétatif » de Christian Molinier.
Issu du travail de Dagnac A. in Description et interprétation spatiale. Berne : Peter Lang ; 2005. p. 99–126.
En histoire-géographie
efficaces restent limitées. Nous préconisons donc
un apprentissage différencié, en séance individuelle ou en groupe homogène. Certains jeunes
ont pu ainsi prendre confiance en eux, acquérir et
construire une base stable et solide du nombre. Ils
ont commencé à prendre confiance en eux, à comprendre l'intérêt de décrypter un énoncé mathématique afin d'y répondre par la suite. Dès lors, ils
ont pu montrer leurs réelles capacités d'analyse et
de compréhension mathématiques, indépendamment de difficultés visuo-spatiales, ou de lecture/
écriture.
148
Dans cette discipline, nombreux sont les supports
« toxiques » ou du moins inexploitables pour un
enfant dyspraxique. En effet, les différents supports utilisés par cette discipline et dont les enfants
doivent apprendre les significations, le décryptage
afin de les réutiliser ultérieurement font appel à
des compétences visuo-spatiales très complexes.
Les cartes et plans nécessitent un bon repérage dans l'espace et sur la feuille (compétences
spatiales, en particulier topologiques, capacités
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
de coordination des espaces allo- et exocentrés).
De plus, des compétences praxiques de type graphique sont mises en jeu pour effectuer des tracés,
des dessins, compléments d'informations, légendes
(figure 3.7, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage).
Dans d'autres activités, pourtant très habituelles
dans ces matières, les difficultés visuo-spatiales sont
moins évidentes et pourtant tout autant délétères :
• les frises chronologiques nécessitent un excellent
repérage visuo-spatial, sur lequel le repérage
temporel est censé s'appuyer ;
• les portraits et monuments célèbres nécessitent
de bonnes gnosies visuelles, ainsi qu'un repérage visuo-spatial avec analyse et décodage de
l'information. Ils sont inexploitables par les
enfants ayant une agnosie des visages et/ou des
images associées (cf. exemple, p. 165) ;
• les drapeaux (figure 8.6, cf. « Cahier couleur » en
fin d'ouvrage), eux, font appel à des compétences
visuo-spatiales complexes avec un ordre précis et
une orientation des bandes de couleur (horizontales, verticales, mais surtout obliques), très difficiles à interpréter pour la plupart de ces enfants.
Pile
Lampe
Figure 8.3. Exemple de symboles.
En sciences
En sciences, nous retrouvons les difficultés liées
aux schémas et graphiques, auxquelles s'ajoutent
les éventuelles manipulations (expérimentations)
et les dessins à réaliser et à légender.
Il est très intéressant de faire travailler ces enfants
en binôme en les laissant décrire ce qu'il faut faire
à un autre élève ou à un adulte réalisant alors les
manipulations et dessins sur indications de l'enfant.
Pour les réalisations de schémas, par exemple
en électricité (figure 8.3), on peut proposer de
recourir à l'utilisation de gommettes représentant les différents éléments, symboles et icônes
constitutifs du schéma, ce qui permet de s'assurer
qu'ils en connaissent la signification et l'usage. On
demande au préalable à l'enfant de nommer les
symboles qu'il connaît, puis il dit à l'adulte ou à
son binôme où et comment les disposer et quelles
sont leurs relations fonctionnelles. Bien sûr, une
description verbale de la signification de ces schémas, de leur fonctionnement, de leurs relations
(selon les cas et les leçons) est indispensable, en
complément.
Il s'agit de stratégies qui doivent rester exceptionnelles, il est toujours préférable de les remplacer
par un texte explicatif, plus facile d'accès pour ces
enfants. Ce texte sert de support aux apprentissages
et il est également utilisé comme moyen de restitution des notions lors des exercices et des contrôles.
Il en est de même pour les graphiques et les dessins.
Exemple
Pour les drapeaux présentés sur la figure 8.6
(cf. « Cahier couleur » en fin d'ouvrage), il faut
convertir l'information visuo-spatiale et la
décrire assez simplement :
• la France possède un drapeau à trois couleurs, représentées selon des bandes verticales
(c'est-à-dire « debout ») bleue, blanche et
rouge, disposées l'une à côté de l'autre dans
le sens de lecture ;
• les Pays-Bas possèdent un drapeau à trois
couleurs, disposées en bandes horizontales
(c'est-à-dire couchées), avec le rouge en haut,
le blanc au milieu et le bleu en bas, etc.
Dans quelques cas, il faudra savoir renoncer ponctuellement à ce type d'acquisitions. Dans la majorité
des cas, il faut donc trouver d'autres supports permettant de véhiculer les mêmes informations.
Adaptations de tous les supports
Assez souvent, il est possible de remplacer ces
documents visuo-spatiaux, en particulier les
cartes, par un texte descriptif, ce qui correspond en général à la description dudit document faite en classe par le professeur. Cette
compensation fait maintenant partie des aménagements envisageables lors des examens.
pédagogiques
De nombreux documents sont donc difficilement
exploitables par les enfants dyspraxiques, les mettant en situation de révélation de leur handicap et
non en situation d'apprentissage.
149
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
On ne demande pas à un enfant malvoyant de
lire un texte littéraire dans le même format et la
même collection que ses camarades, on comprend
qu'il a besoin d'un texte aménagé (ou en braille).
Mais ce handicap encore mal connu qu'est la dyspraxie est beaucoup plus difficile à appréhender.
C'est pourquoi nous proposons d'aider au repérage
de ces éléments souvent méconnus ou sous-­estimés
mais délétères qui surhandicapent ces jeunes.
Dans un premier temps, il est important de
repérer et de lister les difficultés liées à un ­certain
nombre de supports pédagogiques dont l'utilisation constitue un véritable surhandicap pour
l'enfant en situation scolaire.
Aération des supports
Une présentation claire et aérée permet à l'enfant
dyspraxique de mieux se repérer.
Il est impératif de ne mettre qu'un seul exercice
par page et d'espacer un peu plus les éléments les uns
des autres : 1,5 ou double interligne et double espace,
encadrement des photos, espacement et numérotation de ces dernières. Il faut associer cette présentation claire et aérée à une mise en relief des éléments
pertinents : surlignage, écriture en couleur…
Cela permet également à l'enfant de mieux se repérer, d'acquérir des automatismes pouvant se transférer ou se réutiliser ailleurs, donc d'être plus autonome.
Le recours à un code couleur toujours identique (dans les différentes disciplines, mais aussi
d'une année à l'autre) y contribue aussi. Nous
conseillons de recourir à un code couleur classique : vert à gauche de la page, rouge à droite
(symbolisant les deux extrémités des lignes à lire
ainsi que le sens de lecture, cf. p. 83, 91, 119 et
figures 3.4 et3.6, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage). Si nécessaire, on peut ajouter des repères
bleus en haut de la page et marron en bas (symbolisant les repères verticaux de la feuille et le
sens de lecture : « du feu vert vers le feu rouge, du
ciel vers la terre »).
Quelques pistes générales et globales, facilitatrices, permettent d'aborder une démarche spécifique d'analyse d'activité, généralisable à
toutes sortes de supports et transférable à
d'autres types de handicap en modifiant ou
complétant les items. Cela aboutit à une adaptation personnalisée de toutes sortes de supports (documents, activités, contrôles…), issue
d'une réflexion commune des différents acteurs
autour de la scolarité de l'enfant.
Pistes générales
Présentation des supports
Comment analyser les échecs
en situation scolaire ?
Il faut éviter au maximum les manipulations et la
multiplicité des supports, ceci étant inefficace, coûteux et non porteur de sens. Dans tous les cas où les
photocopies sont indispensables, elles doivent être
de bonne qualité, aérées afin de faciliter le repérage de l'enfant (cf. p. 183). Il ne faut pas hésiter à
recourir au surlignage en couleur des informations
essentielles. De plus, dans la mesure du possible, il
est préférable de scanner tous les documents remis
à l'enfant pour permettre des aménagements de
présentation et afin que le jeune puisse les exploiter
directement sur son ordinateur.
Les supports, tout comme les différents documents rendus ou utilisés par l'enfant, doivent être
tous présentés de la même façon. Cela permet aux
enfants dyspraxiques de se repérer plus facilement et, progressivement, de pouvoir réaliser
seuls tout ou partie du travail, puisque la présentation est identique quelles que soient la matière
et l'activité.
Pour comprendre ce qui met en échec cet enfant
dans telle ou telle tâche scolaire, il faut croiser
deux types d'analyses :
• analyser les difficultés de l'enfant dyspraxique
et ses capacités, afin de s'appuyer sur ses réelles
compétences pour pallier ses difficultés ;
• analyser les tâches scolaires proposées et essayer
de dégager le fond, c'est-à-dire l'objectif, l'apprentissage pédagogique visé, de la forme, c'està-dire la présentation, le support de l'activité.
Par la suite, il est capital d'essayer de voir dans
chaque domaine si l'activité scolaire envisagée fait
appel plus particulièrement ou non à ses compétences déficitaires, et ce de manière prégnante ou
non. Ceci permet de personnaliser et de graduer
au mieux les compensations proposées.
L'ergothérapeute, par ses compétences dans le
domaine de l'analyse fine et détaillée d'activité
d'une part et ses connaissances sur les capacités
praxiques et spatiales de l'élève d'autre part, peut
150
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
Ci-dessous, le tableau tel qu’il est donné en classe :
Indicateurs
Mali Tunisie
Afrique France
du Sud
Revenu par
habitant par an
PIB/hab.
(dollars)
810
6 390
11 290
23 990
Mortalité
infantile (en %)
Espérance de
vie (en années)
126
23
57
6
48
72
51
78
Taux
d’alphabétisation
des adultes
(en %)
26
62
85
99
Ci-dessous, le tableau est remplacé par
un « texte » recensant etdécrivant toutes
les données du tableau :
Mali :
– le revenu par habitant par an, PIB/hab.
(dollars)
810 ;
126 ;
– mortalité infantile (en%)
– espérance de vie (en années)
48 ;
– taux d’alphabétisation des adultes (en %)
26.
Tunisie :
– le revenu par habitant par an, PIB/hab.
(dollars) 6 390 ;
– mortalité infantile (en %) 23 ;
– espérance de vie (en années) 72 ;
– taux d’alphabétisation des adultes (en %)
62.
Afrique du Sud :
– le revenu par habitant par an, PIB/hab.
(dollars) 11 290 ;
– mortalité infantile (en%) 57 ;
– espérance de vie (en années) 51 ;
– taux d’alphabétisation des adultes (en %)
85.
France :
– le revenu par habitant par an, PIB/hab.
(dollars) 23 990 ;
– mortalité infantile (en%) 6 ;
– espérance de vie (en années) 78 ;
– taux d’alphabétisation des adultes (en %)
99.
Figure 8.4. Adaptation d'un tableau à double entrée utilisé en histoire-géographie.
D'après le groupe de réflexion à l'initiative de C. Ropars, 2008, coordinatrice de l'UPI Saint-Blaise, 75020.
constituer le pilier de ce travail. En effet, il peut
assez facilement dégager, en lien avec l'enseignant,
pour toute tâche scolaire :
• les prérequis indispensables, en termes de
connaissances et de concepts ;
• les manipulations à effectuer, c'est-à-dire les
compétences practo-spatiales à l'œuvre ;
• les repérages spatiaux à faire ;
• les traitements visuels en jeu.
La création d'une grille d'analyse permet de
mettre en évidence simultanément les adaptations requises (ou indispensables) en fonction de
l'activité pédagogique concernée et les difficultés
spécifiques de l'enfant.
Grille d'analyse des supports
pédagogiques et des activités
scolaires
Cf. figure 8.4 et figures 3.7 et 3.8 et tableaux 8.1–
8.6 et 8.7–8.8, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage.
Cette grille d'analyse se révèle très pertinente
lorsque l'échec de l'enfant reste incompris, par
exemple lorsque l'enfant reçoit une mauvaise note
à un contrôle, alors qu'à l'oral il semblait avoir
compris et/ou appris sa leçon.
Cela permet de mieux comprendre que ce
n'est pas le fond de l'activité scolaire, c'est-à-dire
l'accès au sens, à la signification, au concept,
151
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Figure 8.5. Présentations visuo-spatiales inadaptées.
a. Contrôle de mathématiques en CE2 (cf. aussi figures 4.4 et 4.7).b. Contrôle en BEP comptabilité. Yvrard P.
Perfectionnement au calcul CE2 : coloriages codés. Paris : MDI ; 2006., Arnoldi JC, Van Assche G. Activités commerciales
et comptables par la pratique : BEP 2de professionnelle. Paris : Foucher ; 2001.
152
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
153
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
a
b
c
Figure 8.6. Les drapeaux, un problème d'analyse spatiale.
a. France ; b. Pays-Bas ; c. Ex-Yougoslavie.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d'ouvrage.
Figure 8.7. Document initial.
http://www.cartesfrance.fr/carte-france-ville/carte-france-villes.html.
Cette figure est reproduite en couleur en fin d'ouvrage.
à l'­apprentissage de la notion, qui pose problème,
mais bien la forme, c'est-à-dire le type de support
et sa nature même qui le met en situation d'échec.
Cela débouche donc aussi sur une meilleure appréhension du type d'aide qui sera efficace selon la
situation, sans dénaturer les objectifs pédagogiques.
154
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
Cette démarche constitue l'essence d'un PAP ou
d'un PPS réellement utile pour l'enfant. La grille
proposée constitue une des formes possibles de
restitution.
Cette grille, utilisable pour tout support, généralisable, permet de proposer des adaptations réalisables
qui respectent totalement les choix pédagogiques de
l'enseignant, en adéquation avec les particularités de
l'enfant, mais aussi avec son environnement.
De quoi s'agit-il ?
Car la situation de handicap résulte toujours de
cette confrontation entre les facteurs personnels
et les facteurs environnementaux.
L'utilisation de cette grille d'analyse permet
d'isoler et de lister les compétences visuopracto-spatiales sollicitées par l'activité, de les
comparer aux compétences réelles dont dispose
l'enfant afin d'en déduire les domaines où les
adaptations des supports pédagogiques sont
nécessaires.
Le fait de « décortiquer » l'ensemble des compétences visuelles, praxiques, spatiales, organisationnelles de lecture et d'écriture sollicitées par
l'activité permet de mieux comprendre toutes les
composantes (souvent méconnues, négligées ou
sous-estimées) indispensables pour réaliser l'activité. La mise en parallèle avec les compétences
réelles de l'enfant met en exergue les domaines
où il est de toute façon en échec lors de la réalisation de l'activité, indépendamment de ses compétences scolaires.
Adopter une telle grille permet de comprendre
et d'anticiper ce qui met l'enfant en difficulté dans
l'activité et de réfléchir et de proposer des adaptations ciblées et pertinentes.
Vignette clinique
Prenons l'exemple de Jules, 10 ans, scolarisé dans son
école de quartier en CM2, avec présence d'un AESH
à temps plein. Jules est un enfant d­ 'intelligence normale, présentant une dyspraxie développementale,
associée (comme c'est habituel) à des difficultés à
orienter précisément son regard et à calibrer finement ses saccades. Au niveau praxique, il est gêné
dans l'ensemble des activités, ne peut pas s'habiller seul, ne peut écrire que quelques lettres bâtons
maladroitement dessinées. Il a quelques difficultés
à se repérer dans l'espace et à situer les objets les uns
par rapport aux autres. De plus, Jules est très gêné
dans l'organisation de toutes les activités. Il ne sait
pas comment s'organiser, choisir les bons outils… À
l'école, il suit tous les cours avec sa classe et est suivi
en rééducation sur les temps extrascolaires, à raison
d'une séance d'ergothérapie (dyspraxie visuo-spatiale) et de deux séances d'orthophonie par semaine
(dyslexie visuo-attentionnelle, cf. p. 100).
En géographie, il doit apprendre quelles sont les
quinze principales villes de France et savoir les
situer sur une carte.
En utilisant la grille d'analyse des supports pédagogiques et des activités scolaires (tableau 8.1), les difficultés spécifiques, inhérentes au handicap de Jules
apparaissent clairement, mises directement en rapport avec certains des aspects de la tâche demandée.
C'est à ces intersections que les adaptations pédagogiques sont nécessaires pour permettre à Jules de faire
l'apprentissage de cette leçon comme les autres.
Au vu de cette grille, il est clair que Jules va être
gêné à la fois pour se repérer sur le support utilisé, s'emparer des informations, mais aussi pour
le compléter, faire l'exercice.
Dans le cas où la carte ne peut pas être supprimée ou remplacée par une verbalisation descriptive (cf. p. 159 et figure 3.7, « Cahier couleur » en fin
Pourquoi ?
Il s'agit de faciliter le dialogue soins-école et de
renforcer le partenariat entre les différents intervenants auprès de l'enfant.
En effet, l'utilisation de cette grille commune matérialise l'intersection entre les difficultés de ­l'enfant –
liées à son handicap –, notées dans la colonne centrale remplie par le secteur médico-rééducatif, et les
impératifs scolaires, les contraintes liées aux documents et supports habituellement utilisés.
Cela permet de confronter les répercussions
scolaires de la dyspraxie, vécues quotidiennement par l'enfant et l'enseignant, à la connaissance du handicap de l'enfant. Une colonne
« commentaires » permet de noter les observations concrètes, faites en situation écologique, qui
débouchent sur des ajustements des adaptations
initialement prévues.
155
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Tableau 8.1. Grille d'analyse des supports pédagogiques et des activités scolaires.
Titre de la leçon : les principales villes de France.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : connaître les 15 principales villes de France.
Nature du document : carte
Compétences
requises
Difficultés
de l’enfant
Adaptations
à prévoir
Commentaires
Compétences neurovisuelles
Regard (organisation, stratégie, repérage)
XXX
couleurs, cache
X
AVS ou secrétaire
XX
AVS, secrétaire ou
carte déjà préparée
XXX
verbalisation
X
AVS ou secrétaire
Perception (images, visages, signes
conventionnels)
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux,
règle…)
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par rapport
à d’autres)
Orientation propre (obliques, flèches…)
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse
Cahier de textes, classeur, photocopies
Emploi du temps, gestion des tâches
Ordinateur
Écriture
AVS, secrétaire
ou étiquettes
préparées
Rapidité
Lisibilité (nombre de lignes/nombre total)
XXX
Fatigabilité (nombre de lignes)
X
couleurs
Code :
X Compétence
peu sollicitée
XX Compétence
moyennement
sollicitée
XXX Compétence
très sollicitée
Pas de difficulté dans ce domaine
(en vert)
Quelques difficultés
(en orange)
Nombreuses difficultés
(en rouge)
Domaine nécessitant une
ou plusieurs adaptations
156
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
d'ouvrage), il faut aider Jules à la remplir : écrire
à sa place, lui proposer des étiquettes-réponses et
les coller aux endroits qu'il désigne, en l'aidant à
se repérer. Il faut également adjoindre à la carte
un texte explicatif et descriptif de cette dernière.
Mais le plus pertinent est encore de proposer à
Jules d'apprendre (verbalement) quelles sont les
quinze principales villes de France et leur localisation par le recours à un texte ou à un listing de ces
villes et à une description grossière de leur localisation et surtout de leurs principales caractéristiques.
Par exemple, en fonction des priorités définies
par l'enseignant, on se centre sur une description
orale plus fonctionnelle (géographique, économique ou politique) : les indications données à
l'enfant doivent s'appuyer sur le cours et les renseignements donnés par l'enseignant.
rés comme « inexploitables » (carte, schéma, graphique, tableau, photographie, image, manipulation/travaux pratiques, dessin/géométrie).
Ce travail d'analyse doit également être explicité à l'enfant pour qu'il puisse en être lui aussi
acteur. Cela permet de lui faire comprendre, et
accepter, les raisons de certaines adaptations. Il en
est de même auprès des enseignants et des AESH,
en charge de la mise en œuvre de ces adaptations.
Pour les exemples suivants, nous considérons
des enfants « fictifs » pour lesquels nous avons
rempli la colonne centrale (difficultés de l'enfant)
de façon réaliste. Bien sûr, cette colonne est à personnaliser avec précision pour chaque enfant.
Carte (tableau 8.2)
Exemples de verbalisation
Voir figure 8.7 dans le cahier couleur en fin
d'ouvrage
Document modifié sous forme de texte (à
partir des commentaires oraux du professeur)
Paris est la première ville de France, c'est la
capitale du pays. Sa population intra-muros
est de plus de 2 millions d'habitants. Mais
l'agglomération de Paris s'est largement développée hors des limites de la commune et son
aire urbaine, qui inclut l'agglomération et la
couronne périurbaine (banlieues), comprend
près de 12 millions d'habitants. La ville de
Paris est découpée en vingt arrondissements
qui se répartissent en forme d
­ 'escargot depuis
le Ier arrondissement au centre de la ville…
Lille est la préfecture du département du
Nord et le chef-lieu de la région Nord-Pasde-Calais. Elle se situe au nord du pays, à
proximité de la Belgique. Elle compte 226 000
habitants intra-muros, mais elle est le centre
administratif et économique d'une vaste zone
urbaine et périurbaine qui regroupe 85 communes et compte 1,1 million d'habitants…
Etc.
Situations scolaires habituelles
d'exploitation de cette grille
Cette grille permet en particulier de mettre en
évidence quelles sont les différentes composantes
neuropsychologiques mises en œuvre lors de
l'utilisation de supports pédagogiques considé-
157
Partout où, sur une même ligne, coexistent les symboles XX ou XXX conjugués à une difficulté ou à
une impossibilité de l'enfant (en gris ou en quadrillé
noir), des compensations seront indispensables.
On voit là, en un coup d'œil, l'influence négative pour cet enfant :
• des troubles neurovisuels, qui ont une incidence
sur l'exploration même que cet enfant peut faire
de ce matériel. Ne pouvant tout explorer ni
poser son regard sur tous les éléments, il ne peut
ni remplir, ni utiliser, ni s'approprier ce type de
support. Il faut reconvertir au mieux les données
visuelles et topologiques en une description verbale ou un texte ;
• des troubles praxiques, puisqu'on mobilise les
possibilités de coloriage, de graphisme et d'écriture de l'enfant ;
• des troubles spatiaux, en particulier en ce qui
concerne la topologie (situation relative d'un
élément par rapport à d'autres). Les difficultés
de repérage topologique empêchent l'enfant de
se repérer dans ce type de support. Il ne peut
pas reconnaître et isoler les différents éléments,
remplit sa carte « au hasard ». Si la carte est un
support à l'apprentissage, alors l'enfant est gêné
et cela perturbe ses connaissances académiques ;
• d'un travail demandé en temps limité, qui
risque d'aggraver le trouble graphique. Le support de carte ne peut pas être rempli correctement et n'est pas exploitable par la suite si les
possibilités d'écriture manuscrite de l'enfant
sont très limitées. L'enfant ne pouvant pas se
relire et disposant d'un support peu attrayant
(car mal rempli du fait de sa dyspraxie) ne peut
ni utiliser ni s'approprier ce type de support.
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Tableau 8.2. Analyse du support pédagogique : « carte ».
Compétences Difficultés Adaptations
requises
de l’enfant à prévoir
Commentaires
Compétences neurovisuelles
Regard
(organisation,
stratégie,
repérage)
XXX
Exploration du
document par une
tierce personne
Soulager Arthur et lui décrire ce qui
est représenté.
X
Dispense
Une tierce personne complète la
carte pour Arthur et rédige un texte
descriptif correspondant à
l’explication donnée par l’enseignant
en classe.
XX
Dispense
Perception
(images, visages,
signes
conventionnels)
Champs visuels
Compétences praxiques
Utilisation d’outils
(gomme, ciseaux,
règle…)
Manipulations
(jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de
gestes
Dessin,
graphisme,
coloriage
Compétences spatiales
Topologie (situer
un item par
rapport à d’autres)
XXX
Orientation propre
(obliques,
flèches…)
X
Changer de
support : texte
explicatif
Proposer à Arthur un texte
comprenant toutes les notions de la
leçon.
Dispense
Recours à une
tierce personne
Écrire à sa place ou ordinateur.
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse
Cahier de textes,
classeur,
photocopies
X
X
Emploi du temps,
gestion des
tâches
Séquentialisation,
sériation des
idées
Ordinateur
X
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nb de
lignes/nb total)
X
XXX
Fatigabilité (nb de
lignes)
X
158
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
Le support de carte sera « toxique » pour Arthur qui présente des troubles neurovisuels, gnosiques, praxiques et de repérage
topologique :
• les troubles neurovisuels (c'est-à-dire d'organisation du regard) ont une incidence sur l'exploration du matériel que peut faire Arthur. Ne
pouvant tout explorer ni poser son regard sur tous les éléments, il ne pourra ni remplir, ni utiliser, ni s'approprier ce type de support sans être
en grande difficulté et y épuiser ses ressources attentionnelles ;
• les difficultés praxiques perturberont les possibilités de coloriage, de graphisme et d'écriture. Le support de carte ne pourra pas être rempli
correctement et ne sera pas exploitable par la suite ;
• les difficultés de repérage topologique empêcheront Arthur de se repérer dans ce type de support. Il ne pourra pas correctement reconnaître
et isoler les différents éléments et remplira sa carte « au hasard ». Si la carte est un support à l'apprentissage, alors il sera gêné et cela perturbera ses connaissances académiques.
Il est préférable qu'Arthur fasse ses apprentissages avec un texte explicatif correspondant à la description de la carte par l'enseignant
pendant le cours.
Au niveau des examens, des aménagements sont possibles. Il peut être dispensé de carte, au profit d'un paragraphe argumenté.
et, avec l'aide de l'AESH, les déposer aux emplacements voulus.
Au niveau des examens, des aménagements en
ce sens sont possibles.
Exemple de contournement (partiel)
par la verbalisation (figure 3.7, cf.
« Cahier couleur » en fin d'ouvrage)
Proposition d'adaptation de la carte en transposant les informations visuelles fournies
par la carte par des informations verbales
(thème : l'Afrique) :
� l'Afrique est un des cinq continents. L'Europe
est située au nord de l'Afrique, l'Asie à l'est,
l'Amérique à l'ouest et l'Antarctique au sud ;
� l'Afrique est traversée par le tropique62
du Cancer, l'Équateur, le tropique du Capricorne. Le méridien de Greenwich croise la
partie ouest de l'Afrique. L'Afrique est bordée
à l'ouest par l'océan Atlantique, à l'est par
l'océan Indien, au nord par la mer Méditerranée et la mer Rouge au nord-est, séparant
l'Égypte et le Soudan de l'Arabie saoudite ;
� les reliefs de l'Afrique sont majoritairement
constitués de plateaux et de plaines. Au nord
et au sud, on rencontre des chaînes de montagnes. À l'est, le plateau africain est parcouru
par de longs fossés (les rifts), bordés de volcans.
À l'ouest, on trouve des cuvettes drainées par
de grands fleuves. Les contraintes d'altitude ne
sont importantes que dans le Maghreb, l'est et
le sud-est. En zone tropicale, les hautes terres
constituent des milieux attractifs pour l'homme
qui peut pratiquer l'agriculture. Enfin, les littoraux sont peu découpés et n'offrent des débouchés maritimes qu'à peu de pays.
Schémas, graphiques (tableau 8.3)
L'utilisation des schémas et graphes peut être perturbée non seulement, comme précédemment, par
les troubles de l'organisation du regard et les anomalies des traitements spatiaux, mais aussi parfois
par la reconnaissance des images, visages ou signes
conventionnels présents sur le schéma ou le graphique.
Ainsi, nous notons sur la grille l'importance
dans cette activité :
• de l'exploration visuelle correcte de l'ensemble
du matériel ;
• du traitement neurovisuel (décodage gnosique
de l'information), qui doit être parfait pour permettre l'accès au sens ;
• des tableaux et graphiques nécessitant un bon
repérage visuo-spatial (lignes/colonnes, flèches,
courbes…).
Plusieurs types d'aides peuvent être apportés. Il
peut s'agir d'une aide à la lecture du schéma/graphique en isolant les différents composants les uns
après les autres. Dans ce cas, une tierce personne
est nécessaire afin de déplacer un « cache » (fenêtre
de lecture) permettant à l'enfant de n'observer les
éléments qu'un par un.
Parfois, la mise en couleur des éléments
peut suffire à faciliter la lecture et la compréhension. Pour d'autres, il faut encourager
un savoir « propositionnel », verbal, formel,
concernant la notion visée. Certains sont tellement gênés qu'il faut accepter de renoncer à
ce type de supports.
On peut aussi, simultanément, donner à l'élève
des étiquettes avec les indications déjà écrites
(méridien, tropiques, noms des différents pays)
62
On supposera que ces termes ont été expliqués verbalement au jeune…
159
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Tableau 8.3. Analyse du support pédagogique et des activités scolaires : « schéma, graphique ».
Compétences
requises
Difficultés
de l’enfant
Adaptations
à prévoir
Commentaires
Exploration du
document par
une tierce
personne
Soulager Arthur et
lui décrire ce qui est
représenté.
XX
Dispense
XX
Dispense
Une tierce personne
complète le schéma
pour Arthur et rédige
un texte descriptif
correspondant à
l’explication donnée
par l’enseignant en
classe.
XX
Changer de
support : texte
explicatif
Proposer à Arthur un
texte comprenant
toutes les notions de
la leçon.
Dispense
Recours à une
tierce personne
Écrire à sa place ou
ordinateur.
Compétences neurovisuelles
Regard (organisation,
stratégie, repérage)
XXX
Perception (images, visages,
signes conventionnels)
XX
Champs visuels
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme,
ciseaux, règle…)
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par
rapport à d’autres)
Orientation propre (obliques,
flèches…)
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse
Cahier de textes, classeur,
photocopies
X
X
Emploi du temps, gestion des
tâches
Séquentialisation, sériation
des idées
Ordinateur
X
Écriture
Rapidité
X
Lisibilité (nb de lignes/nb total)
Fatigabilité (nb de lignes)
XX
Les schémas et graphiques sollicitent beaucoup de compétences visuo-spatiales, déficitaires chez Arthur, qui vont perturber l'utilisation
de ce type de support.
Pour pouvoir lire un graphique ou un schéma, il faut nécessairement pouvoir explorer le matériel correctement et efficacement. De plus,
les tableaux et graphiques nécessitent un bon repérage visuo-spatial (lignes/colonnes, flèches, courbes…).
Plusieurs types d'aides peuvent être apportés :
• dans tous les cas, il faudra privilégier une bonne qualité de reproduction graphique avec un agrandissement au format A3, un contraste élevé.
160
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
Il peut s'agir d'une aide à la lecture du schéma/graphique en isolant et décrivant les différents composants les uns après les autres. Cela
n'est possible que si le document est d'une très bonne qualité de reproduction graphique et agrandi au format A3.
La mise en couleur des éléments peut faciliter la lecture et la compréhension.
Parfois, la gêne sera trop importante et il faudra alors penser à remplacer ce support par autre chose ;
• certains schémas ou graphiques peuvent relativement facilement être remplacés par un texte descriptif et explicatif. Par exemple, en sciences,
Arthur pourra avoir comme support à la leçon sur le fonctionnement du cœur un texte explicatif, mais pas le schéma de synthèse que ses
camarades auront.
Lors des évaluations, si la lecture de ce type de documents est une épreuve en soi, Arthur doit alors solliciter l'adulte pour que celui-ci
lui décrive les éléments qu'il demande. Il doit s'agir des éléments nécessaires à l'élaboration de son analyse (c'est donc bien Arthur qui
définit par sa demande les éléments nécessaires). Ensuite, Arthur peut en faire une analyse et une interprétation.
• l'utilisation de tableaux requiert des capacités
d'organisation du regard et de stratégie visuelle
souvent déficitaires chez l'élève dyspraxique. En
effet, il faut balayer, régulièrement et bien linéairement en lignes et en colonnes, l'ensemble du
tableau, puis chaque élément isolément, pour en
décrypter le sens et en extraire les informations
pertinentes. Les enfants dyspraxiques ayant des
difficultés neurovisuelles doivent, eux, c­ ontrôler
en permanence le mouvement de leurs yeux lors
de cette tâche : l'enfant épuise ses ressources
attentionnelles dans le laborieux contrôle
du mouvement de ses yeux (double tâche,
cf. p. 21) et n'est plus disponible ensuite pour
exploiter le tableau, le comprendre, en mémoriser les éléments importants, etc.
En outre, ils échouent fréquemment à prendre
les bonnes informations, passant sans s'en
rendre compte d'une ligne à l'autre ou d'une
colonne à la voisine. Cet aspect des difficultés
du jeune dyspraxique est d'autant plus méconnu
que les tableaux sont habituellement proposés pour simplifier la prise d'information, en
­faciliter l'accès ;
• les tableaux nécessitent également de bonnes
capacités topologiques afin de pouvoir situer
les éléments les uns par rapport aux autres
et les corréler ensemble. Pour utiliser et lire
un tableau, il faut effectivement repérer l'élément à l'intersection d'une ligne et d'une
colonne afin de pouvoir comprendre qu'il
appartient tant à la ligne qu'à la colonne. L'enfant dyspraxique est dans l'incapacité d'effectuer ce travail de « synthèse topologique ».
Le tableau est alors quasiment inexploitable
(cf. p. 87) ;
• à ces aspects visuo-spatiaux, il faut également
ajouter l'aspect praxique d'utilisation d'outils, certes dans une moindre mesure, mais
qui peut être très important si l'on demande
aux enfants de tracer eux-mêmes le tableau.
De même, l'écriture dans le tableau doit être
Exemple : schéma en SVT, en biologie
Certains schémas ou graphiques (cf. tableau 8.8,
« Cahier couleur » en fin d'ouvrage) peuvent
relativement facilement être remplacés par un
texte descriptif et explicatif. Les explications
orales du professeur durant la leçon (et/ou du
manuel) servent de supports à la construction
du discours descriptif.
Dans le cas de la figure 3.8 (cf. « Cahier couleur » en fin d'ouvrage) distribuée à l'ensemble
de la classe, celle-ci pourrait être remplacée par
le texte suivant : « Au niveau de l'alvéole pulmonaire, des échanges gazeux ont lieu : de l'air
riche en O2 est expulsé (pour aller oxygéner les
différents tissus de l'organisme), tandis qu'arrive de l'air pauvre en O2 pour y être ­oxygéné. »
Nous avons eu l'exemple d'un jeune qui, passant son baccalauréat, option sciences de la
vie et de la Terre, a eu comme sujet « le cœur »,
l'objectif étant de réaliser un schéma. Ce
jeune a écrit sur sa copie : « Mon handicap ne
me permet pas de réaliser un schéma, mais je
vais vous décrire le fonctionnement du cœur. »
Il a ensuite répondu à la question par un texte
argumenté et a obtenu la note méritée.
Cet exemple montre non seulement que les compensations peuvent se faire de manière efficace en ce
qui concerne l'accès aux savoirs, mais aussi que les
jeunes eux-mêmes, grâce à ces stratégies, apprennent
à se connaître, savent ce qu'ils peuvent ou non aborder et exploiter. Ils sont alors capables de faire face à
une difficulté imprévue et de s'en expliquer vis-à-vis
de personnes ignorant tout de leur handicap.
Tableau à double entrée
(tableau 8.4)
Cette grille met à jour l'ensemble des difficultés
du jeune face à cette présentation des d
­ onnées :
161
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Tableau 8.4. Analyse des supports pédagogiques et des activités scolaires : « tableau ».
Compétences
requises
Difficultés
de l’enfant
Adaptations
à prévoir
Commentaires
Exploration du
document par
une tierce
personne
Soulager Alexandre
et lui décrire ce qui
est représenté.
Changerde
support: texte
explicatif
Adapterle
support :
« éclater » le
tableau
Proposer à
Alexandre un texte
comprenant toutes
les notions de la
leçon.
Dispense
Recours à une
tierce personne
Écrire à sa place ou
ordinateur.
Compétences neurovisuelles
Regard (organisation,
stratégie, repérage)
Perception (images, visages,
signes conventionnels)
Champs visuels
XXX
X
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme,
ciseaux, règle…)
XX
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
X
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par
rapport à d’autres)
XXX
Orientation propre (obliques,
flèches…)
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse
Cahier de textes, classeur,
photocopies
X
X
Emploi du temps, gestion des
tâches
Séquentialisation, sériation
des idées
XX
Ordinateur
Écriture
Rapidité
X
Lisibilité (nb de lignes/nb total)
Fatigabilité (nb de lignes)
XX
lisible pour que ce dernier puisse être exploité
par la suite.
Lors de l'utilisation d'un tableau comme lors
de sa construction, il faut s'organiser et séquentialiser ses idées afin de pouvoir regrouper les
éléments. Cela demande des compétences de
planification très précises dont certains enfants
dyspraxiques sont parfois peu pourvus (surtout en cas de syndrome dysexécutif associé,
cf. p. 10, 38, 108).
162
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
• L'utilisation de tableaux requiert des compétences visuo-spatiales, notamment dans l'organisation du regard et la stratégie visuelle employée
pour observer tout le support. En effet, nous devons balayer l'ensemble du tableau, puis chaque élément isolément pour décrypter et comprendre le tableau. Lorsque nous observons un tableau, nous n'avons pas conscience de cette stratégie visuelle, qui pour nous est automatisée, elle ne nous est donc pas coûteuse cognitivement.
Arthur, lui, doit contrôler le mouvement de ses yeux afin d'explorer tout le document. Il épuise ainsi ses ressources, n'est plus disponible
ensuite pour exploiter le tableau et sera très gêné pour retenir ce qu'il aura réussi à voir aux termes d'efforts coûteux.
• Les tableaux nécessitent également de bonnes capacités topologiques afin de pouvoir situer les éléments les uns par rapport aux autres et les
combiner. Pour utiliser et lire un tableau, il faut effectivement repérer l'élément à l'intersection d'une ligne et d'une colonne afin de pouvoir
comprendre qu'il appartient tant à la ligne qu'à la colonne.
Arthur est en difficulté pour effectuer ce travail de « synthèse topologique ». Le tableau n'est donc pas un support facilement
exploitable ni réellement utilisable pour évaluer les connaissances d'Arthur.
• À ces aspects visuo-spatiaux, il faut également ajouter l'aspect praxique d'utilisation d'outils, surtout si l'on demande de tracer le tableau. De
même, l'écriture dans le tableau devra être lisible pour que ce dernier puisse être exploité par la suite.
Lors de l'utilisation d'un tableau, comme lors de sa construction, il faut s'organiser et sérier ses idées afin de pouvoir regrouper les
éléments et les classifier les uns par rapport aux autres. Cela demande des compétences de planification très précises qui sont
complexes pour Arthur, notamment du fait de son raisonnement entièrement verbal, avec pour seul support valable l'écriture d'une
tierce personne qui va organiser l'espace de la feuille ou du document informatique selon ses propres habitudes.
Plusieurs types d'adaptations peuvent être proposés :
• par exemple, il peut être intéressant de mettre les lignes ou les colonnes en couleur, c'est-à-dire de mettre une couleur différente à chaque
ligne ou colonne en fonction du référentiel choisi ;
• nous pouvons également proposer à Arthur de l'aider dans sa lecture du tableau en lui isolant les éléments avec des caches. Cette méthode
doit être accompagnée obligatoirement d'une verbalisation des éléments observés afin de permettre à Arthur d'avoir une représentation
globale du tableau et de pouvoir comprendre les liens entre les différents éléments et ainsi en assurer une synthèse.
Nous voyons à quel point il est difficile de rendre exploitable le support « tableau » de manière fiable et exploitable. Dans la mesure du
possible, il est préférable de remplacer ce support par un texte explicatif, permettant d'avoir toutes les données du tableau.
Plusieurs types d'adaptations peuvent alors être
proposés :
• par exemple, il peut être intéressant de
mettre les lignes ou les colonnes en couleur,
ou même une couleur différente à chaque
ligne ou colonne en fonction du référentiel
choisi ;
• on peut également aider l'enfant en isolant
les éléments avec des caches permettant de
n'avoir qu'une seule ligne ou colonne à observer à la fois. Puis au sein de chaque ligne et
colonne, on oriente encore le regard de l'enfant plus précisément en isolant une seule
cellule du tableau. Cette méthode doit être
accompagnée obligatoirement d'une verbalisation des éléments observés, au fur et à
mesure de l'exploration guidée du tableau,
afin de permettre à l'enfant de se construire
une représentation propositionnelle du
tableau et de comprendre les liens entre les
différents éléments ;
• les informations peuvent aussi être délivrées
sous la forme textuelle, comme dans l'exemple
de la figure 8.5.
Cependant, cette adaptation paraît souvent
compliquée à mettre en place. Elle suscite même
quelquefois des réticences. En effet, la présentation en tableau, très utilisée dans de nombreuses
matières (et même dès la maternelle), constitue un
résumé synthétique qui semble plus clair et plus
facile d'utilisation (ceci est vrai, bien sûr, pour les
personnes sans handicap visuo-spatial). Beaucoup
la considèrent aussi comme un exercice de logique
(cf. p. 87). C'est même une compétence spécifiquement inscrite au programme dès le CP-CE :
« L'élève utilise progressivement les représentations usuelles de gestion des données : tableaux,
graphiques… »
Il s'agit d'une méconnaissance fréquente de
l'importante influence des compétences
visuo-spatiales sollicitées par cette présentation, ce qui la rend tout à fait inaccessible aux
jeunes dyspraxiques. Par ailleurs, le texte
explicatif que nous proposons de soumettre
aux enfants dyspraxiques comme support de
leçon ou exercice correspond normalement à
l'explication orale que donne l'enseignant à
l'ensemble de la classe.
Ce n'est donc pas en proposant ce qui semble
« plus simple » ou « plus efficace » pour les personnes tout-venant ni en entraînant (sans fin)
l'enfant à tenter (avec plus ou moins de réussite) de « faire comme tout le monde » qu'on
lui rend service : l'accompagnement que nous
proposons à ces jeunes nécessite que les adultes
acceptent de se décentrer afin de mieux comprendre les difficultés liées au handicap et leurs
répercussions dans le domaine scolaire (cf. p. 5).
163
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
C'est en croisant les impossibilités liées à son
handicap et les contraintes liées à la tâche, ainsi
proposé dans les grilles d'analyse des supports
et activités pédagogiques, que l'on peut réellement proposer un accompagnement spécifique
et efficace.
Photographies, images
(tableau 8.5)
L'utilisation des photographies et images est
source de nouveaux problèmes pour les enfants
dyspraxiques présentant des troubles de l'organisation du regard ou de perception visuelle.
Tableau 8.5. Analyse des supports pédagogiques et des activités scolaires : « photographies, images ».
Compétences
requises
Difficultés
de l’enfant
Adaptations
à prévoir
Commentaires
Compétences neurovisuelles
Regard (organisation, stratégie,
repérage)
Perception (images, visages,
signes conventionnels)
Décrire l’image
Décrire les
éléments
constitutifs des
images à Arthur.
Décrire l’image
Décrire les
éléments
constitutifs des
images à Arthur.
XXX
XXX
Champs visuels
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme,
ciseaux, règle…)
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par
rapport à d’autres)
X
Orientation propre (obliques,
flèches…)
XX
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse
Cahier de textes, classeur,
photocopies
Emploi du temps, gestion des
tâches
Séquentialisation, sériation des
idées
Ordinateur
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nb de lignes/nb total)
Fatigabilité (nb de lignes)
Pour pouvoir dire quelque chose d'une image ou d'une photographie, il faut l'avoir explorée, vue et analysée à la fois dans sa
globalité et dans ses détails, c'est une stratégie entièrement automatisée pour nous et dont nous n'avons pas conscience.
• Arthur présente des troubles de stratégie visuelle : il lui est difficile et coûteux d'organiser son regard pour le poser sur tous les éléments de
l'image, ce qui perturbe sa vision globale correcte de l'image. Son analyse sera donc biaisée d'entrée par cette mauvaise perception du support.
• D'autre part, Arthur ne reconnaît pas les émotions sur les visages, il ne peut donc pas en faire une description et encore moins une interprétation.
Les photographies ou images (y compris les portraits de personnages, les œuvres picturales…) doivent être de bonne qualité et
éventuellement décrites pour lui par une tierce personne.
164
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
En effet, pour pouvoir dire quelque chose d'une
image ou d'une photographie, il faut l'avoir explorée, vue et analysée à la fois dans sa globalité et
dans ses détails. Or, certains de ces enfants n'ont
qu'une vision parcellaire de l'image présentée,
c'est-à-dire qu'ils n'en voient que certains éléments, pertinents ou non, dont ils ne perçoivent
pas les relations spatiales ni l'organisation. Leur
analyse est donc biaisée d'entrée par cette mauvaise perception du support.
Si l'élève présente des troubles des gnosies
visuelles (tableau 8.5), c'est l'analyse – le décodage de la signification – des éléments observés qui est perturbée. Dans ce cas, les enfants
peuvent voir les éléments nécessaires, le regard
peut très bien se poser correctement sur l'image
à observer, avec une acuité visuelle correcte,
mais c'est l'interprétation des éléments vus qui
est défectueuse.
En outre, les processus cérébraux en jeu dans ces
processus d'interprétation des images sont différents
selon le type d'image proposé (photos, dessins ou
images représentant ou non la troisième dimension
via des lignes de fuite, des ombres, etc., ou photos de
visages, portraits, personnages et lieux célèbres…),
donnant lieu à des dissociations étonnantes dans
les performances du jeune : il peut traiter certaines
images, mais pas toutes (cf. p. 3, 4)…
Les photographies ou images peuvent être remplacées, tout comme les tableaux ou les cartes et
plans, par un texte descriptif. Mais dans certains
cas, le support d'image et de photographie ne peut
pas être utilisé, il faut y renoncer.
Henri IV. » Arthur a pu réciter tout son cours
sans erreur et faire la preuve de ses connaissances. S'il n'avait pas appris sa leçon, il aurait
(comme les autres élèves dans cette situation)
obtenu une mauvaise note.
Cette grille permet donc aussi de mettre à disposition de tous les intervenants (enseignants,
AESH, secrétaire…) les renseignements concernant les interactions entre handicap et scolarité,
surtout lorsque ces dernières ne sont pas évidentes. Elle permet de distinguer clairement ce
qui ressort du handicap (le premier « zéro » notait
en fait le handicap neurovisuel de l'enfant) et ce
qui ressort du travail de l'élève, de ses apprentissages (contrôle adapté de façon pertinente).
Nous voyons à travers cet exemple à quel point
l'enfant victime de tout handicap dont la répercussion scolaire n'est pas évidente pour les nonspécialistes peut être défavorisé.
Il est donc primordial que les professionnels de
rééducation et de pédagogie puissent communiquer étroitement, à moindre coût (d'où l'intérêt de
cette grille, facilement transmise et utilisée par les
différents intervenants), afin d'aider au mieux ces
enfants et leur permettre de suivre leur scolarité
dans les meilleures conditions, en évaluant réellement leurs connaissances.
Manipulations/travaux pratiques –
dessin/géométrie (tableau 8.6)
Les dessins et la géométrie mettent spécifiquement en difficulté les enfants dyspraxiques en raison de la multitude de compétences visuo-practospatiales que ces activités requièrent.
Que ce soit sur le versant exploitation d'un dessin ou d'une figure géométrique ou sur le versant
conception, réalisation du dessin, de la figure géométrique, les compétences visuelles et spatiales
sollicitées restent identiques. Les compétences
praxiques, elles, ne sont sollicitées que lorsqu'il
s'agit pour l'enfant de réaliser, de concevoir le dessin ou la figure géométrique (cf. p. 137).
Comme le montre la grille d'analyse :
• sur le plan visuel, tout d'abord, les dessins et
la géométrie nécessitent que les enfants se
repèrent dans le matériel et sur la feuille en
ayant une bonne coordination des m
­ ouvements
Exemple
Arthur, 12 ans, présente une dyspraxie visuospatiale avec agnosie des images et des visages.
Lors d'un contrôle d'histoire portant sur les rois
de France, ce jeune garçon a eu 0/10. Il s'agissait
de « dire ce que l'on sait des trois rois de France
représentés ci-dessous ». Les représentations en
question étaient des portraits (très célèbres et
prototypiques) de chacun des rois de France.
Arthur a essayé de répondre à la question,
mais il a confondu Louis XIV avec Louis XVI et
n'a pas reconnu Henri IV.
Le même contrôle lui a ensuite été proposé
en remplaçant les portraits par les noms
des rois de France. La question était alors :
« Dis ce que tu sais de Louis XIV, Louis XVI et
165
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Tableau 8.6. Analyse des supports pédagogiques et des activités scolaires : « manipulations,
travaux pratiques/dessin, géométrie ».
Compétences
requises
Difficultés
de l’enfant
Adaptations
à prévoir
Commentaires
Décrire ce qui
est dessiné,
figuré
Aider Arthur à se
repérer en lui
décrivant les
supports.
Manipuler pour
lui
Demander à Arthur
de dicter à une
personne ce qu’elle
doit réaliser pour
lui. Il est le « chef
d’orchestre ».
Décrire les
supports
Aider Arthur à se
repérer en lui
décrivant les
supports.
Compétences neuro-visuelles
Regard (organisation, stratégie,
repérage)
XXX
Perception (images, visages,
signes conventionnels)
XX
Champs visuels
X
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme,
ciseaux, règle…)
XXX
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
XXX
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
Compétences spatiales
Topologie (situer un item par
rapport à d’autres)
Orientation propre (obliques,
flèches…)
XXX
XXX
XXX
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse
Cahier de textes, classeur,
photocopies
X
XX
Emploi du temps, gestion des
tâches
Séquentialisation, sériation des
idées
XXX
Ordinateur
XX
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nb de lignes/nb total)
Fatigabilité (nb de lignes)
X
XX
Les dessins et la géométrie vont mettre les enfants dyspraxiques en difficulté importante en raison de la multitude de compétences
visuo-practo-spatiales que ces activités requièrent.
• Les compétences visuelles et spatiales sont sollicitées à la fois pour l'exploitation d'un dessin ou d'une figure géométrique ou pour leur
conception, réalisation. A contrario, les compétences praxiques sont sollicitées uniquement lors de la réalisation ou de la conception de
ces supports.
En effet, sur le plan visuel, tout d'abord, les dessins et la géométrie nécessitent que les enfants se repèrent dans le matériel et sur la feuille
en ayant une bonne coordination des mouvements des globes oculaires ainsi qu'une bonne stratégie visuelle d'exploration du matériel.
Les dessins et la géométrie, tant dans l'exploitation que dans la conception, font appel à des compétences spatiales topologiques, mais
aussi d'orientation propre. Il faut d'une part pouvoir situer les objets les uns par rapport aux autres – l'arbre est derrière la maison, devant
la maison il y a un portail, le chien est à gauche de la maison, le triangle ABC est inscrit dans le cercle C – et, d'autre part, il faut pouvoir
connaître l'orientation propre des objets, c'est-à-dire leur position absolue, et pouvoir faire une analyse de l'orientation des traits.
• Au niveau des compétences praxiques, celles-ci sont majoritairement sollicitées lors du tracé, de la conception des dessins ou figures géométriques. Il apparaît évident qu'Arthur va être gêné par ses faibles compétences en graphisme, dessin et coloriage très fortement sollicitées
(elles sont l'essence même de l'activité lorsqu'il s'agit de produire un dessin ou une figure géométrique). Pour réaliser ces deux activités,
Arthur va devoir utiliser des outils : le crayon, la gomme, le pinceau, le compas, l'équerre, le rapporteur… Mais il va également devoir
166
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
manipuler certains objets comme l'équerre, le compas… et en plus les orienter de façon adaptée, ce qui fait à nouveau appel à de bonnes
compétences spatiales. Nous comprenons déjà en grande partie l'immense souffrance (et effort) d'Arthur lors des séquences de dessin/arts
plastiques et de géométrie.
Il ne faut cependant pas oublier que ces deux activités nécessitent également de façon conséquente des capacités organisationnelles.
En effet, pour réaliser un dessin ou une figure géométrique, il faut pouvoir se repérer et sortir le matériel adapté à l'activité. Mais il faut
aussi séquentialiser ses idées, c'est-à-dire faire preuve de capacités de planification afin de réaliser les bonnes étapes et dans le bon
ordre. Ces capacités de séquentialisation se retrouvent aussi lors de l'exploitation d'un dessin ou d'une figure géométrique à regarder et
à analyser étape par étape.
Ces deux activités nécessitent peu d'écrits, il s'agit seulement de quelques caractères qu'il faut rendre lisibles sans avoir de critères de
rapidité, ou très rarement (situations de contrôles par exemple). Le graphisme doit donc être lisible.
On peut assez facilement comprendre la nécessité absolue d'adapter ces activités afin de permettre à Arthur d'utiliser ces supports
lorsqu'ils sont présentés et qu'ainsi il puisse avoir accès à la connaissance, aux acquisitions pédagogiques visées. Pour les dessins, il
faut par exemple l'aider en lui proposant une description plutôt orale des dessins présentés, qui peut être dactylographiée également,
ce qui permettra à Arthur de la relire ou de la faire relire par un logiciel de retour vocal le cas échéant.
En ce qui concerne les dessins, étant donné qu'ils ne sont utilisés que comme support à l'apprentissage, il faut alors les remplacer
systématiquement par un texte explicatif et sinon les donner déjà faits et accompagnés d'un texte descriptif.
En géométrie, Arthur bénéficie du logiciel Cabri Géométrie® qui permet en partie de pallier ses difficultés de traçage, mais qui ne
résout pas ses difficultés organisationnelles.
du regard ainsi qu'une bonne stratégie d'exploration visuelle du matériel. De plus, le dessin –
et davantage la géométrie – sollicite beaucoup
de compétences sous-jacentes de perception
visuelle, c'est-à-dire de gnosies visuelles. Il
faut en effet pouvoir interpréter ce qui est dessiné ou représenté et pouvoir comprendre le
sens des images, dessins et symboles (signes
conventionnels : formes, lettres, chiffres,
logos…) ;
• l'exploitation aussi bien que la conception des
dessins font appel à des compétences spatiales
topologiques, mais aussi d'orientation propre. Il
faut :
– d'une part, pouvoir situer les objets les uns
par rapport aux autres : l'arbre est derrière
la maison, devant la maison il y a un portail,
le chien est à gauche de la maison, le triangle
ABC est inscrit dans le cercle C…,
– d'autre part, pouvoir faire une analyse de
l'orientation des traits, en particulier des
obliques, (re)connaître l'orientation propre
des objets, c'est-à-dire leur position absolue,
– enfin, percevoir la continuité des lignes, segments, traits au-delà des intersections ;
• les compétences praxiques sont majoritairement sollicitées lors du tracé, de la conception des dessins ou figures géométriques. Il
apparaît comme une évidence que les enfants
dyspraxiques vont être gênés par leurs faibles
compétences en graphisme, dessin et coloriage
très fortement sollicitées ici. Elles sont l'essence
même de l'activité. En outre, les enfants doivent
utiliser des outils (crayon, gomme, pinceau,
compas, équerre, rapporteur…), les manipuler
et les orienter de façon adaptée (chapitre 7).
Par contre, ces tâches font peu appel à l'écriture,
ou alors seulement à quelques caractères qu'il faut
rendre lisibles.
D'un coup d'œil sur la grille d'analyse, par l'importance des zones grisées et quadrillées noires,
nous comprenons l'immense détresse de certains
enfants dyspraxiques lors de ces séquences de dessin/arts plastiques ou de géométrie. Et c'est sans
compter la lenteur, les difficultés liées au fait de
sortir, préparer et organiser le matériel et les outils
adéquats…
Il en découle la nécessité absolue d'adapter
ces activités… ou d'y renoncer (cf. figure 8.2 et
tableau 8.7, figure 3.8 et tableau 8.8, « Cahier couleur » en fin d'ouvrage).
Pour les dessins à exploiter (description), on
peut encore aider ces enfants en leur proposant
une description plutôt orale (éventuellement
écrite, dactylographiée) des dessins présentés
(« audiodescription »), ce qui leur permet de la
relire ou de se la faire relire (par leur AESH, par
un logiciel de retour vocal).
Lorsqu'il s'agit de réaliser un dessin, comme
c'est le cas en arts plastiques ou en géométrie, il
faut évaluer la souffrance de l'enfant. Si celle-ci est
trop importante, on peut proposer qu'il réalise un
exposé en rapport avec le thème étudié, ou bien il
faut dispenser l'enfant (ponctuellement ou définitivement) de cette matière.
En ce qui concerne les dessins ou schémas dans
les autres matières (physique, biologie…), étant
donné que le dessin n'est alors utilisé que comme
support à l'apprentissage, il faut alors le remplacer chaque fois que possible par un texte explicatif (cf. figures 3.7 et 3.8, « Cahier couleur » en fin
d'ouvrage).
167
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Tableau 8.7. Grille d'analyse de support pédagogique : texte pédagogique.
Ce tableau est reproduit en couleur en fin d'ouvrage.
Titre de la leçon : texte descriptif.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : compréhension d’un texte descriptif.
Nature du document : texte descriptif.
Compétences
requises
Difficultés
de l’enfant
Adaptations
à prévoir
Compétences neurovisuelles
X
Regard (organisation, stratégie,
repérage)
X (lecture
Favoriser
la lecture
Compétences spatiales
XXX
Topologie (situer un item par rapport
à d’autres)
XXX
Orientation propre (obliques, flèches…)
XXX
Favoriserla
représentation
spatiale
induite par le
texte
Compétences organisationnelles
XXX
Perception (images, visages, signes
conventionnels)
Commentaires
Travail seul : utiliser
retour vocal sur
ordinateur (texte
scanné ou numérique)
Avec adulte : lecture
par l’adulte
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux,
règle…)
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
Pas de compensation
possible : changer
de livre ou dispenser
de questions
de compréhension
relatives à ces
passages
Cartable, trousse
Cahier de textes, classeur, photocopies
Emploi du temps, gestion des tâches
Ordinateur
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nombre de lignes/nombre total)
Fatigabilité (nombre de lignes)
Code :
X
Compétence
peu sollicitée
Pas de difficulté dans ce domaine
(= vert)
XX
Compétence
moyennement
sollicitée
Quelques difficultés (= orange)
XXX
Compétence
très sollicitée
Nombreuses difficultés (= rouge)
Domaine nécessitant une ou plusieurs
adaptation(s)
168
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
Tableau 8.8. Grille d'analyse de support pédagogique : schéma de SVT.
Ce tableau est reproduit en couleur en fin d'ouvrage.
Titre de la leçon : l’alvéole pulmonaire.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : comprendre et utiliser un schéma.
Nature du document : schéma.
Compétences
requises
Compétences neurovisuelles
XX
Regard (organisation, stratégie,
repérage)
XXX
Perception (images, visages, signes
conventionnels)
X
Difficultés
de l’enfant
Adaptations
à prévoir
Commentaires
Exploration
du document
par tierce
personne
Soulager l’enfant du
schéma et lui décrire
ce qui est représenté
Dispense dès
que possible
Dans ce cas, en fonction
des objectifs
pédagogiques, l’enfant
ne peut peut-être pas
être évalué
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
XX
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux,
règle…)
X
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
XXX
Dispense
Compétences spatiales
XXX
Topologie (situer un item par rapport
à d’autres)
XXX
Changer
de support :
texte
explicatif
Orientation propre (obliques, flèches…) XXX
Proposer au jeune un
texte comportant tous
les termes notionnels
de la leçon
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse
X
Cahier de textes, classeur, photocopies X
Emploi du temps, gestion des tâches
Ordinateur
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nombre de lignes/nombre
total)
XXX
Écrire à sa place
ou ordinateur
Fatigabilité (nombre de lignes)
En géométrie, il est recommandé d'utiliser des
logiciels adaptés de tracés de figures géométriques
ne nécessitant pas de compétences spatiales
(cf. p. 137, 139) et de faire preuve d'une grande
tolérance en ce qui concerne leurs résultats,
sans trop investir de temps ni d'énergie dans ce
domaine (cf. p. 138).
Adaptations transversales :
leur formalisation
Nous avons déjà longuement abordé les adaptations
des supports considérés comme « toxiques » et leurs
adaptations usuelles, ainsi que le rôle essentiel de
l'AESH dans la personnalisation et la mise en œuvre
169
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
de ces aides. Mais c'est l'ensemble des thérapeutes
de l'enfant qui doivent se coordonner afin de procéder le plus possible de façon analogue, proposant en
tous lieux un système d'aides cohérent tableau 8.9.
Cependant, il est important d'apporter quelques
précisions :
• au sujet du palliatif « universel » pour les élèves
dyspraxiques : l'utilisation de la verbalisation ;
• sur les aménagements lors des examens ;
• enfin, sur le meilleur moyen de formaliser l'ensemble de ces aides dispensées en classe afin d'en
assurer la pérennité au fil des mois et des années.
En effet, seules une cohérence et une continuité
des aides d'une année à l'autre permettent au
jeune de faire les apprentissages cumulatifs nécessaires pour réaliser une scolarité satisfaisante.
Étayer, structurer la verbalisation
de l'enfant
On demande beaucoup à l'enfant de réfléchir à
haute voix, de verbaliser, de raconter, de s'appuyer
sur des descriptions orales (du matériel, de la
tâche, du problème), de recourir à l'auto-verbalisation… (cf. p. 95). Mais il ne s'agit pas d'encourager un bavardage ni un verbiage. Ces verbalisations en lien avec les apprentissages scolaires
doivent être organisées de façon à constituer une
aide aux apprentissages (mises en relation d'éléments ou d'informations, raisonnement, mémorisation, planification de la tâche…). De même,
lors des interrogations, exercices d
­ 'application ou
contrôles, il ne faut pas encourager les digressions,
les questionnements annexes, les hors-sujets
AESH et verbalisation en classe
Il faut, progressivement, aider ces enfants à organiser et à structurer leur verbalisation et leurs idées
de façon claire, précise. Dans le cadre scolaire,
l'enfant doit être étayé pour fournir des réponses
adéquates et structurées (dans la mesure où la
leçon a été préalablement apprise et comprise !).
Cette stratégie permet au jeune dyspraxique
de voir reconnus ses points forts, de prendre
conscience de ses capacités de raisonnement verbal, de reprendre confiance en ses p­ ossibilités
Limites de la verbalisation
Dans tous les chapitres de ce livre, dans toutes les
matières et à toutes occasions, nous avons souligné
l'importance du langage comme moyen de contournement, comme palliatif privilégié des difficultés
propres aux élèves DVS, enfants vifs, intelligents,
généralement pourvus d'excellentes capacités verbales. Cependant, cela nécessite la présence permanente d'un secrétaire, AESH ou adulte compétents.
Cependant, il faut être très vigilant quant à la
fatigabilité de ces enfants.
En effet, réfléchir uniquement à l'oral et sans
aucun support écrit (situation des enfants les plus
gênés sur le plan visuo-spatial, pour lesquels la
lecture représente un problème) demande énormément de concentration, mobilise considérablement la mémoire de travail et les fonctions
exécutives.
La procédure doit être réfléchie, toujours la
même, quelle que soit la réponse de l'enfant. On
peut suggérer :
• tout d'abord, de lui demander s'il a compris la
question et de lui répéter (ou relire, ou reformuler, ou lui faire reformuler) la consigne si besoin ;
• ensuite, de l'inciter à dire ce dont il a besoin
pour produire sa réponse.
Lors de la formulation de la réponse (selon l'âge
et le niveau scolaire), proposer à l'enfant de lister
ses idées, les lui relire, lui proposer de les regrouper, de mettre ensemble celles qui vont ensemble
et enfin de les hiérarchiser.
Puis passer à la rédaction proprement dite, sous
la dictée de l'enfant (éventuellement l'épellation si
l'orthographe est un enjeu du travail en cours). Si
nécessaire, lui relire à chaque fois le paragraphe
précédent et les idées qu'il doit utiliser dans le
paragraphe en cours.
À la fin de sa réponse, on peut demander de
façon systématique : « Tu es sûr ? As-tu bien
réfléchi ? » Puis lui relire l'intégralité de sa réponse
ou de son texte, lui demander si c'est bien cela qu'il
souhaitait écrire, s'il n'a rien oublié, s'il n'y a pas
Ces enfants épuisent plus rapidement leurs capacités attentionnelles et se fatiguent. La pertinence
de leurs réponses peut s'en trouver affectée, c'est
pourquoi il est très important d'aménager des
temps de pause au cours des exercices, surtout
lors des épreuves de contrôles.
170
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
Tableau 8.9. Exemple de grille d'analyse d'activités scolaires.
Histoire
Géographie
Enfant
AESH/secrétaire
Prise de notes
en cours
Mémorise et comprend
les notions clés
Prise de notes sur les
cahiers
Relire les cours
– Écoute active
– Lecture
– Mémorisation
– Surligner les
éléments clés
repérés
– Relever les éléments
à surligner
Rédiger les
fiches de cours
+ cartes en
géographie
– Sélectionne les
informations
pertinentes
Demander les fiches et
les cours en lien avec
la leçon
Répondre à une
question de
connaissance
– Analyser la consigne
Élaborer
une réponse
argumentée
(commentaire
composé,
dissertation…)
Faire une étude
de document :
Lire et extraire
des informations
à partir :
– d'un texte
– Mobiliser ses
connaissances
– Vérification et
correction de la
dictée vocale
Aide technique/
adaptation
– Utilisation de la dictée
vocale
– Enregistrer les fiches en
format audio
– Mise en page
Lecture des fiches et
des cours
– Vérifier la
compréhension de la
consigne
– Retour vocal
– Essai de logiciels en
ergothérapie
– Vérifier la
Revoir la procédure
compréhension de la de vérification de
compréhension de la
consigne
consigne (orthophonie)
– Écrire sous la
– Vérifier la pertinence
de la réponse en lien
avec la question
– Écrire sous la
dictée d'A.
– Relire les idées et
la réponse
– Relire les idées et
la réponse
– Analyser la consigne
– Vérifier la
compréhension de la
consigne
– Vérifier la
– Utiliser la dictée vocale
compréhension de la pour donner les idées au
consigne
brouillon « au kilomètre »
– Mobiliser ses
connaissances
dictée d'A.
– Hiérarchiser ses idées – Écrire sous la
dictée d'A.
– Trouver un plan
– Relire les idées et
– Dicter la réponse à
le plan pour qu'A.
rédiger
classe les données
– Vérifier la pertinence
de la réponse en lien
avec la question
– Ecrire sous la
dictée d'A.
– Analyser la consigne
– Vérifier la
Faire une fiche méthodo
compréhension de la pour analyser chaque type
de document (questions
consigne
à se poser, trame de
– Description
réponse)
détaillée orale des
– Écoute active de la
description orale de
l'AESH
– Sélection des
informations utiles
– d'un graphique – -Dicter au brouillon
– d'un tableau
les éléments clés à
l'AESH ou sur dictée
– d'un schéma
vocale
– d'une carte
Réaliser un
croquis de
géographie
– Lecture du cours
– Dicte avec dictée
vocale
Apprendre les
leçons
Aide aux devoirs à
domicile
– Analyser la demande
– Mobiliser ses
connaissances
– Vérifier la
compréhension de la
consigne
– Description
détaillée orale des
éléments
visuospatiaux
– Relire les idées et
le plan pour qu'A.
classe les données
éléments
visuospatiaux
– Lecture des textes
– Lecture des textes
– Surlignage des
éléments importants
à la demande d'A.
– Surlignage des
éléments importants
à la demande d'A.
Écrire sous la dictée
d'A. au brouillon et
au propre
– Dicter la réponse
171
– Revoir la procédure de
vérification de
compréhension
(orthophonie)
– Faire des fiches
méthodo pour dissertation
et étude de documents ?
(ergo et orthophonie)
(ergothéraphie et
orthothérapie)
Rédiger un texte
explicatif d'une page
environ : entraînement en
ergothérapie
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
de « hors-sujet »… Enfin, passer à la question ou à
l'exercice suivant.
On peut aussi, en fonction du type de travail
demandé, s'inspirer des stratégies CO-OP (cf.
p. 27).
En tout état de cause, les AESH qui assistent un
jeune dyspraxique doivent être formés à ces techniques.
nelles stigmatisantes qui soulignent encore plus
sa faiblesse et son handicap ;
• détruire le peu de confiance que l'enfant peut
encore investir dans ses propres productions,
dans sa capacité de réussite, puisque ses échecs
lui sont attribués, tandis que ses réussites sont
affectées à son AESH.
C'est pourquoi les AESH doivent être sensibilisés
aux techniques de verbalisation (cf. p. 95), telles que
décrites succinctement ci-dessus, et être vigilants,
dans l'intérêt même de l'enfant et en dépit de leur
empathie, à ne pas suggérer ni induire les réponses.
Une procédure qui doit être fiable
Par ailleurs, beaucoup pensent, à tort, que cette
aide à la structuration des réponses est trop facilitatrice et/ou se substitue (partiellement ou totalement) aux réponses de l'enfant. On entend souvent
dire : « On ne sait pas qui on note » ou « Oui, il a de
bons résultats, mais… il est aidé par une AESH ».
Effectivement, certaines questions, ou mi­miques,
ou intonations de l'adulte font penser à l'enfant
qu'il se trompe, qu'il doit reformuler ou modifier sa
réponse. La plupart sont très habiles à guetter dans
le regard ou l'attitude de l'adulte ses intentions, son
jugement et tentent de moduler, ou de transformer,
ou de compléter leurs réponses en fonction de ce
qu'ils croient comprendre ou deviner de la réaction
de leur vis-à-vis.
Ces attitudes, généralement involontaires ou
mal maîtrisées, entretiennent auprès des enseignants le climat de suspicion sur le crédit que l'on
peut accorder aux réponses de l'enfant.
L'aide apportée au cours de ces dialogues avec
l'élève doit, autant que possible, rester professionnelle : il ne s'agit pas d'une aide compassionnelle
ni de viser ou de favoriser « les bonnes notes ». Il
s'agit de permettre à l'enfant de construire des
savoirs de bonne qualité en dépit de son handicap.
Lire et relire autant que de besoin
Afin de pallier les difficultés de lecture, il est
important de lire et de relire régulièrement les
consignes, les réponses et tout ce qui est nécessaire à la réalisation de l'activité proprement dite.
Cela doit être effectué par les moyens de compensation habituels de l'enfant (cf. chapitre 5, « “Ouïelire”, un autre accès à la lecture », p. 106).
Il est en effet fréquent que l'on considère qu'une
fois la consigne (le texte) lue ou l'image (tableau,
carte, schéma) verbalisée, l'élève doit se mettre au
travail sans autre intervention. C'est une erreur
qui ne prend pas en compte la réelle situation
de l'enfant. Lorsqu'un élève tout-venant lit une
consigne (ou un problème, ou un texte), il y revient
à de multiples reprises au cours de l'exercice, souvent de façon parcellaire ou ciblée, recherchant
telle information, en confirmant une autre.
Le jeune qui est dépendant de la verbalisation ou
de la lecture par retour vocal a lui aussi besoin de
­rafraîchir sa mémoire sur certains points précis, à
intervalles réguliers. Il peut aussi s'agir d'une vérification ou de la recherche d'éléments manquants
pour la constitution de sa réponse définitive. Il faut
donc l'y autoriser.
En outre, la quantité de langage délivrée à l'enfant dyspraxique, même pour de petits exercices,
est considérable, sans compter les descriptions qui
doivent suppléer aux schémas, plans ou dessins.
Souvent, seule une mise en situation (au décours
d'une formation) permet aux adultes de prendre
conscience de l'importance de ces contraintes.
Bien sûr, les jeunes dyspraxiques sont spontanément, puis intentionnellement surentraînés dans
le domaine verbal et, de ce fait, souvent beaucoup plus compétents que leurs pairs du même
âge. Cependant, selon les enfants, leur âge et les
Dans le cadre scolaire, la relation avec l'AESH ou
le secrétaire doit être du même ordre que celle que
l'enseignant entretient avec ses élèves : étayante,
mais sans exercer ni suggestion ni pression trop
appuyées, ce qui n'exclut en rien l'empathie. Ce
doute sur l'authenticité des réponses des enfants
doit absolument être levé, car il est dévastateur.
Il conduit le jeune à la fois à :
• refuser les aides proposées, désignées par les
adultes comme illégitimes, pensées comme
des passe-droits ou des tolérances compassion-
172
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
exigences scolaires, il ne faut pas sous-estimer la
charge en attention, en mémoire de travail et en
mémoire à long terme imposée par ces techniques.
du jeune concerné, d'après les comptes rendus,
bilans et observations réalisés dans diverses situations, notamment en milieu écologique. Ensuite,
cet écrit est lu avec le jeune, discuté et modifié en
fonction des échanges. Une deuxième lecture est
réalisée afin de valider les modifications. Cet écrit
est alors présenté à l'AESH en présence de l'ergothérapeute et du jeune, afin d'apporter des modifications le cas échéant, notamment en fonction
des contingences matérielles. Ce n'est qu'après ces
différentes étapes que le document final est discuté avec l'enseignant référent et l'ensemble des
équipes (de soins, équipe éducative). Il peut alors
être remis aux parents et annexé au PPS du jeune,
pour faire valoir ce que de droit en matière d'aménagement de la scolarité.
Afin d'éclairer notre propos, nous avons choisi
de présenter un exemple de cet avenant concernant un jeune élève dyspraxique, scolarisé en
quatrième. Il paraît nécessaire et important de
rappeler l'extrême importance et vigilance à
apporter quant à la personnalisation de ces avenants. Certes, il existe un certain nombre de préconisations qui seront transférables d'une situation à une autre, mais c'est la personnalisation
qui garantit la pertinence des aménagements
proposés et l'adéquation des différents partenaires.
Relire, y compris si besoin de façon itérative,
tout ou partie (de la consigne, des informations,
du texte…) soulage en partie ces fonctions mnésiques et permet de dégager de meilleures ressources cognitives pour répondre à la consigne
et effectuer la tâche demandée. La lecture et la
relecture doivent donc être réalisées très fréquemment au cours d'un exercice, au minimum
chaque fois que l'enfant en ressent le besoin.
Ceci, à lui seul, justifie un tiers-temps supplémentaire, permettant à la fois des pauses (cf.
ci-dessus), des répétitions et des relectures aussi
fréquentes que nécessaires, en fonction de la
demande de l'enfant, demande explicite ou suggérée (regard, interrogation…).
Formalisation de la démarche :
un document à joindre au PPS
(cf. note 12, p. 9)
Pour formaliser au mieux l'ensemble des démarches
d'analyse et d'adaptation que nous avons développé, il est important de créer un document écrit
qui recense et décrit les besoins spécifiques de l'enfant dyspraxique pour suivre sa scolarité.
Cet écrit s'actualise sous la forme d'un document annexe, un avenant joint au PPS, explicitant
et détaillant les adaptations liées au handicap de
l'enfant, respectant ainsi la lettre et l'esprit de la loi
du 11 février 2005. Ce document est à réajuster, à
modifier, à préciser chaque année, en même temps
que le PPS, ce qui permet de l'adapter annuellement
à la situation, éminemment évolutive, de l'enfant.
Vignette clinique :
formalisation de la démarche
spécifique d'adaptation et
d'accompagnement à la scolarité
d'Arthur Dupont
Présentation
Arthur se présente comme un jeune ayant de
bonnes capacités dans la modalité verbale, mais
avec de faibles compétences dans les domaines
praxiques et visuo-spatiaux qui sont source de
fatigue dès que ceux-ci sont trop sollicités. Il vide
alors son réservoir attentionnel.
Arthur a souvent besoin d'être étayé par un
adulte, notamment en classe, où ses difficultés de traitement visuo-spatial sont majorées,
associées à des difficultés de reconnaissance
des émotions d'autrui et de gestion de ses émotions. Son attention est relativement fluctuante
et nécessite une canalisation plus fréquente que
les autres élèves.
L'avenant au PPS : une démarche
spécifique d'accompagnement
de la scolarité d'un élève
dyspraxique
Cet avenant au PPS est rédigé en concertation
avec l'équipe pluridisciplinaire intervenant auprès
173
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Sa réussite scolaire passe par une surutilisation
de la modalité verbale et le recours à l'informatique dès que possible.
Arthur est relativement conscient de ses difficultés, mais il a encore besoin d'être légitimé dans
le recours aux adaptations qui lui sont nécessaires.
Ainsi, si nous arrivons à définir ensemble ce qu'il
est possible d'aménager et à signifier à Arthur que
la note qu'il obtiendra sera tout autant valable que
celle de ses camarades de classe, il devrait accepter facilement les aménagements proposés qu'il
sait adaptés à ses difficultés. Moins stressé par le
support difficile d'accès pour lui et la peur d'être
confronté à un support inexploitable, Arthur
devrait pouvoir faire preuve plus aisément de ses
acquisitions et connaissances et être apaisé sur le
plan du comportement.
langage…) par l'utilisation de ces supports. Cette
analyse (les fiches d'analyse, telles que nous les
avons détaillées précédemment, sont jointes)
doit permettre de mettre en parallèle de chacune
de ces composantes le degré de difficulté ou non
de l'enfant afin de pouvoir très vite repérer les
domaines où une adaptation va devoir être pensée, réfléchie et mise en application.
L'ensemble des adaptations doit se penser
comme partie intégrante de la scolarité d'Arthur et
doit donc être adapté, personnalisé afin de correspondre certes à ses difficultés particulières, mais
aussi et surtout à ses capacités tout autant particulières, singulières et personnelles.
Enfin, il faudra en permanence réajuster ces
propositions d'adaptation en fonction de son évolution, de ses acquisitions, de ses progrès, mais
aussi des exigences scolaires croissantes en lien
étroit avec les choix de vie de ce jeune.
Adapter suppose de prendre en compte le handicap, les capacités, l'environnement et le désir de
la personne. C'est Arthur qui est le fil conducteur
nécessaire à la réussite de son projet. Seul un partenariat étroit entre les différents intervenants
autour de la scolarité permet la réussite du projet
scolaire et donc à plus long terme du projet de vie
de ce jeune.
Préconisations de démarche spécifique
d'accompagnement
Certains supports pédagogiques sollicitant des
compétences visuo-spatiales ne sont pas ou peu
accessibles et doivent être soit abandonnés, soit
adaptés pour permettre à Arthur d'effectuer les
mêmes acquisitions et les mêmes apprentissages
que ses camarades dès que cela est possible. Parfois, il va falloir accepter de renoncer, de faire le
deuil de certaines activités ou supports pédagogiques (dessin) qui lui resteront inaccessibles, ou
en tout cas le reflet direct de ses difficultés particulières (cartes, schémas…).
• Le renoncement à l'utilisation de cartes en géographie ou de schémas en SVT a été explicité
à Arthur afin de mettre en avant ses capacités
d'apprentissage et non son incapacité à utiliser
le même support que les autres.
Ainsi, les cartes ou les schémas sont remplacés par des textes explicatifs correspondant aux
notions étudiées en cours. Ces propositions de
substitution de supports n'empêchent en rien
l'acquisition de nouvelles connaissances, bien au
contraire. Il s'agit de permettre ces acquisitions
en remplaçant un matériel inutilisable, car en lien
direct avec les difficultés spécifiques d'Arthur, par
un matériel accessible lui permettant de montrer
ses réelles capacités.
• L'adaptation des supports pédagogiques requiert
une démarche fine et détaillée d'analyse des
différentes composantes neuropsychologiques
et des processus cognitifs mis en jeu (mémoire,
Favoriser l'oral, la verbalisation
• Arthur est gêné par l'écriture manuelle (en
termes de production) qui lui est fatigante
et coûteuse sur le plan cognitif. Or, il est vif,
intelligent, avec de bonnes capacités verbales, comme en attestent ses résultats dans
la modalité verbale au bilan neuropsychologique.
• Arthur a pris conscience de ses capacités de raisonnement verbal et utilise majoritairement ce
canal. Il faut aider Arthur à verbaliser ses idées
de façon claire, précise et organisée.
Pour arriver à cela, il va falloir aménager des
temps de pause et être vigilant par rapport à sa
­fatigabilité. En effet, réfléchir majoritairement à
l'oral demande énormément de concentration.
Arthur épuise plus vite ses capacités attentionnelles et se fatigue. La pertinence de ses réponses
peut s'en trouver affectée, c'est pourquoi il est
très important d'aménager des temps de pause
au cours des exercices et surtout des épreuves de
contrôles.
174
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
• Arthur peut bénéficier du tiers-temps. Il
s'agit d'avoir un tiers du temps total imparti à
l'épreuve en plus. Il faudra donc parfois aménager des temps de pause afin d'éviter une fatigue
trop importante sur des épreuves trop longues.
Si le tiers-temps ne peut être mis en place tel
quel, il est possible de modifier le nombre d'exercices ou le barème de notation afin de compenser
l'absence de tiers-temps supplémentaire.
• Arthur, comme tout enfant dyspraxique, peut
être dispensé de cartes ou de graphiques. Dans
ce cas-là, l'épreuve est généralement remplacée
par une question de cours.
C'est le médecin qui, dans son certificat médical, s'attachera à détailler précisément les aides et
aménagements nécessaires. Pour cela, une concertation importante avec les rééducateurs (ergothérapeutes notamment), les enseignants et l'AESH,
qui a l'expérience de l'accompagnement lors des
évaluations et examens et qui peut fournir de précieux renseignements sur la concentration, l'attention et la fatigabilité remarquées, est nécessaire.
Étayer Arthur en l'aidant à structurer
ses réponses selon un plan bien défini
Arthur éprouve des difficultés d'organisation en
lien avec son handicap. Celles-ci se manifestent
entre autres dans la hiérarchisation de ses idées, la
structuration de ses réponses, c'est-à-dire l'organisation de sa pensée. En effet, tout ce travail de
réflexion se fait exclusivement mentalement sans
pouvoir s'appuyer sur un support visuo-spatial
(inexploitable et toxique à sa réflexion).
Cependant, s'il est bien étayé, il va pouvoir
fournir des réponses tout à fait adéquates et structurées, dans la mesure où la leçon aura été préalablement apprise.
Souvent, nous pensons à tort que cette aide à la
structuration des réponses est trop facilitatrice et
se substitue même aux réelles réponses de l'enfant.
Il ne s'agit pas du tout de cela. Le doute doit être
définitivement levé sur la véracité des réponses
d'Arthur. L'aide apportée ne doit en aucun cas
inciter, induire les bonnes réponses ni lui permettre de deviner ses erreurs par des questions
comme « Tu es sûr ? », « As-tu bien réfléchi ? »,
posées uniquement lors de ses erreurs.
La procédure doit être toujours la même, quelle
que soit la réponse d'Arthur. Ainsi, ces questions
« Tu es sûr ? », « As-tu bien réfléchi ? » devront être
posées après chaque réponse, lorsqu'il dit avoir
terminé une phrase ou un exercice.
Pour aider Arthur à structurer ses réponses,
il faut tout d'abord lui demander s'il a compris
la question et lui redonner la consigne si besoin.
Ensuite, il faut lui demander ce dont il a besoin
pour formuler sa réponse.
Lors de la formulation de la réponse, lui proposer de lister ses idées et l'aider à mettre ensemble
celles qui vont ensemble afin de les hiérarchiser
en paragraphes. Puis passer à la rédaction proprement dite, sous sa dictée, après lui avoir relu
à chaque fois le paragraphe précédent et les idées
(préalablement dictées) qu'il doit utiliser dans le
paragraphe en question.
À la fin de la réponse, lui relire l'intégralité de
sa réponse ou de son texte et lui demander si c'est
bien cela qu'il souhaitait écrire. Puis passer à la
question ou à l'exercice suivant.
Préconisations de démarche
d'accompagnement spécifique
et adaptation des supports en langues :
anglais, espagnol
Du matériel spécifique peut être préparé par
l'AESH en collaboration avec le professeur,
notamment avant le contrôle. Ce travail d'adaptation de matériel consiste principalement à limiter les sources visuelles et spatiales des différents
supports en les informatisant dès que possible
afin de permettre à Arthur de les exploiter par la
suite chez lui sur son ordinateur. Si cela n'est pas
possible, l'AESH pourra alors systématiquement
décrire les supports visuo-spatiaux afin de compenser les difficultés d'Arthur.
• Il est préférable de privilégier l'oral pour tester
les connaissances d'Arthur, voire de mettre en
place une évaluation orale supplémentaire.
Arthur présente déjà en français une dysorthographie. Il est important de noter que ce trouble
de l'accès à l'orthographe est majoré dans les langues étrangères.
En raison de ses troubles visuels et neurovisuels, l'accès à l'orthographe par la voie visuelle ne
peut se faire. Il reste dans un apprentissage « par
cœur » de l'orthographe de chaque mot. L'apprentissage se fait par épellation.
Aménagement des examens
Pour les examens, certains aménagements sont
possibles.
175
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Fonctions du secrétaire :
• aménager la présentation : la compréhension du
contrôle sera optimale si :
– la police de caractère Arial a une taille d'au
moins 14 (à défaut, une photocopie agrandie au format A3 sera plus accessible pour
Arthur),
– le texte est bien aéré,
– les photos sont évitées, ou sinon de très bonne
qualité, avec un contraste élevé et une description par le secrétaire,
– les exercices ne comportent pas ou peu de
références spatiales (histoire en images ou en
bande dessinée, horloge à aiguilles…) ;
• organiser le tiers-temps (si le contrôle dépasse
2 heures : aménager également des temps de
pause, ce jeune reste fatigable) ;
• en raison de la dysorthographie précédemment citée, il y a peu d'intérêt à lui faire épeler plusieurs fois le même mot et chaque mot
composant la phrase. Pour vérifier ses acquisitions, seuls quelques mots précis de vocabulaire
peuvent lui être demandés à orthographier ;
• le secrétaire peut rappeler à Arthur pendant
le contrôle de se concentrer en raison de sa
fatigabilité.
– les figures doivent être surlignées en fluo avec
une couleur différente par élément (selon le
code donné par Arthur), quand cela est possible,
– le codage géométrique ne suffit pas au repérage, c'est pourquoi il faut privilégier dès que
possible la voie orale,
– il est préférable de présenter des figures simplifiées avec un élément nouveau à la fois plutôt qu'une figure complexe d'emblée du fait
des difficultés de repérage visuo-spatial de
ce jeune. Dans le cas contraire, l'AESH peut
« décrire » la figure à Arthur et mettre en évidence les éléments qu'il juge nécessaires.
Fonctions du secrétaire :
• aménager la présentation : la compréhension du
contrôle sera optimale si :
– la police de caractère Arial a une taille 14
(à défaut, une photocopie agrandie au format
A3 sera plus accessible pour Arthur),
– le texte est bien aéré ;
• organiser le tiers-temps (si le contrôle dépasse
2 heures : aménager également des temps de
pause, ce jeune reste fatigable) ;
• avant de commencer réellement le contrôle :
– le secrétaire fait la lecture intégrale du
contrôle. Cela permet à Arthur d'organiser
son temps et de repérer les exercices qui lui
semblent les plus faciles. Le secrétaire peut
intervenir dans cette organisation,
– le secrétaire peut rappeler à Arthur pendant
le contrôle de se concentrer en raison de sa
fatigabilité.
Préconisations de démarche
d'accompagnement spécifique
et adaptation des supports
en mathématiques
Du matériel spécifique peut être préparé par le
secrétaire en collaboration avec le professeur,
notamment avant le contrôle :
• pour l'algèbre :
– l'utilisation de la calculatrice est indispensable,
– en raison de sa dyscalculie spatiale, Arthur
ne peut pas poser les opérations, ce qui nécessite l'utilisation de la calculatrice, y compris
pour des calculs simples ;
• pour la géométrie :
– l'ordinateur pour l'utilisation de Cabri Géomètre®,
– sans Cabri Géomètre® : certaines constructions de géométrie peuvent être remplacées
par une question concernant les propriétés
des figures ou alors les étapes de construction
devront être verbalisées par Arthur, le secrétaire dessine sous sa dictée,
Préconisations de démarche
d'accompagnement spécifique
et adaptation des supports en sciences :
SVT, sciences physiques
Du matériel spécifique peut être préparé par
l'AESH en collaboration avec le professeur,
notamment avant le contrôle.
• Les schémas ne peuvent être dessinés (pour une
évaluation correcte) par Arthur. Dans ce cas,
on peut envisager de remplacer cet exercice par
une question de connaissances.
• Les tableaux et graphiques sont difficilement
exploitables par Arthur et seront remplacés
soit par un paragraphe argumenté, soit par leur
description par une tierce personne (AESH). De
même, les schémas à interpréter seront décrits
par le secrétaire.
176
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
• Les travaux pratiques/manipulations posent des
difficultés à Arthur, il est préférable de lui demander de dicter à son AESH les manipulations à
effectuer ou à un binôme nommé par le professeur qui manipulera sous la dictée d'Arthur.
Fonctions du secrétaire :
• aménager la présentation : la compréhension du
contrôle sera optimale si :
– la police de caractère Arial a une taille 14 (à
défaut, une photocopie agrandie au format
A3 sera plus accessible pour Arthur),
– le texte est bien aéré,
– les photos, les schémas, les graphiques, les cartes
sont de très bonne qualité et le plus aéré possible.
Il est important que l'adulte décrive ces supports
en raison des difficultés dans le domaine visuospatial. Il est ­préférable de remplacer le support
visuel par une question de cours.
Exemple : compléter le schéma du cœur remplacé par expliquer la circulation du sang dans le
muscle cardiaque ;
• organiser le tiers-temps (si le contrôle dépasse
les 2 heures : aménager également des temps de
pause, ce jeune reste fatigable) ;
• le secrétaire peut rappeler à Arthur pendant
le contrôle de se concentrer en raison de sa
fatigabilité.
• organiser le tiers-temps (si le contrôle dépasse
les 2 heures : aménager également des temps de
pause, ce jeune reste fatigable) ;
• le secrétaire peut rappeler à Arthur pendant le
contrôle de se concentrer en raison de sa fatigabilité ;
• pour l'expression écrite :
– privilégier dans un premier temps la verbalisation des idées et les noter au fur et à mesure,
– puis relire les idées notées et demander à
Arthur de trouver des thèmes généraux permettant de regrouper ses idées,
– regrouper les idées par thèmes en suivant
les indications d'Arthur et en lui demandant
de donner l'ordre dans lequel les développer
(faire un plan),
– passer à la rédaction proprement dite sous la
dictée d'Arthur. Il faut lui relire le plan là où
il en est rendu dans sa rédaction, au fur et à
mesure de l'avancée des paragraphes.
Cette segmentation des tâches permet en partie
de pallier les difficultés d'organisation.
Préconisations de démarche
d'accompagnement spécifique
et adaptation des supports en histoiregéographie
Du matériel spécifique peut être préparé par
l'AESH en collaboration avec le professeur,
notamment avant le contrôle.
• La frise chronologique et les cartes posent beaucoup de difficultés de repères spatiaux pour ce
jeune. En effet, il serait préférable de les remplacer par des questions précises sur les événements et/ou pays.
• Les cartes posent beaucoup de difficultés de
repères spatiaux pour Arthur. En effet, il serait
préférable de les remplacer par des paragraphes
argumentés.
Si l'on utilise des cartes :
– il faut mettre les éléments en couleur avec
un code identique tout au long de la scolarité
(même couleur par continent pour les cartes
mondiales, puis par continent une couleur
différente par pays) : fleuves en bleu… ;
– privilégier une présentation claire et de
bonne qualité ;
– les cartes aérées, non surchargées et d'une
taille A4 (par carte) sont moins difficilement
utilisables par Arthur. Elles le seront d'autant
moins que chaque continent sera d'une couleur spécifique identique à chaque contrôle.
Préconisations de démarche
d'accompagnement spécifique
et adaptation des supports en français
Quels sont les objectifs et les prérequis sollicités
dans ce contrôle ?
Le français est composé de plusieurs matières
(conjugaison, grammaire, orthographe, vocabulaire) et de plusieurs évaluations qui peuvent réunir toutes les matières, ou une partie, ou une seule :
la rédaction, la dictée, la poésie (qui sollicite la
mémoire du « par cœur »), les questions de dictée…
Il est donc difficile d'établir des consignes
uniques pour le français. Néanmoins, des règles
générales peuvent être établies.
Fonctions du secrétaire :
• aménager la présentation : la compréhension du
contrôle sera optimale si :
– la police de caractère Arial a une taille 14 (à
défaut, une photocopie agrandie au format
A3 sera plus accessible pour Arthur),
– le texte est bien aéré,
– les photos, les schémas et les cartes sont de très
bonne qualité et décrits par une tierce personne ;
177
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
• Pour les tableaux et les graphiques, le même
problème de repérage se posera. Il faudra privilégier une présentation aérée, non surchargée,
de taille A4 (par support). Un code couleur est
aussi nécessaire (une couleur par ligne et par
colonne pour les tableaux), associé à une lecture
par le secrétaire.
Cependant, ces supports ne sont vraiment pas
conseillés pour Arthur.
Fonctions du secrétaire :
• aménager la présentation : la compréhension du
contrôle sera optimale si :
– la police de caractère Arial a une taille 14
(à défaut, une photocopie agrandie au format
A3 sera plus accessible pour Arthur),
– le texte est bien aéré,
– les photos, les schémas et les cartes sont de
très bonne qualité, de contraste élevé et
décrits par le secrétaire ;
• organiser le tiers-temps (si le contrôle dépasse
les 2 heures : aménager également des temps de
pause, ce jeune reste fatigable) ;
• le secrétaire peut rappeler à Arthur pendant
le contrôle de se concentrer en raison de sa
fatigabilité.
Dans cet exemple, on voit que la répétition de
certaines consignes permet que chaque profes­
seur, dans chaque discipline, dispose d'une
« fiche » de rappel synthétique concernant
les préconisations utiles pour Arthur. La présence du seul professeur principal lors de certaines réunions, puis la rédaction d'un PPS peu
détaillé favorisent des dérives très nocives pour
l'enfant. Le PPS doit donc être préparé bien en
amont, tant avec l'enfant lui-même, les parents
que l'équipe éducative et l'enseignant référent
(à la MDPH).
Bien sûr, parfois, il faut accepter de renoncer, de
faire le deuil de certaines compétences qui resteront inaccessibles ou en tout cas le reflet direct des
difficultés particulières de ces jeunes : tout n'est
pas « compensable » en matière de handicap…
Lorsque la suppression d'une activité, d'un
support ou d'une compétence s'impose (utilisation de cartes en géographie ou de schémas en
SVT ou en sciences physiques), alors ce renoncement et les techniques de remplacement préconisées doivent être explicités et justifiés aux
yeux de l'enfant. Il faut motiver de façon claire et
réaliste les raisons de ce changement radical de
méthode et mettre en avant ses capacités d'apprentissage.
Il est important de prendre le temps d'expliquer à ces jeunes que les propositions de substitution de ces supports n'empêchent en rien
l'acquisition de nouvelles connaissances, bien
au contraire : c'est parce qu'on les pense capables
de ces acquisitions que ces propositions alternatives leur sont faites.
L'adaptation des supports pédagogiques requiert
une démarche fine, détaillée et pertinente d'analyse des différentes composantes neuropsychologiques mises en jeu par l'utilisation des documents
usuels, tout au long de la scolarité. Elle doit servir
à mettre en relation chacune de ces composantes
et la nature/l'intensité des difficultés de l'enfant.
Ainsi, il est possible de repérer rapidement et sans
oubli les domaines où une adaptation doit être
pensée, réfléchie et mise en application.
Il est tout à fait faux de croire que des adaptations « universelles » existent. Bien sûr, un certain nombre d'entre elles peuvent être utilisées
par plusieurs enfants dyspraxiques. Mais chaque
adaptation doit se penser comme un travail « sur
mesure », partie intégrante de la scolarité de ce
jeune et être finement personnalisée afin de correspondre certes aux difficultés particulières du
jeune, mais aussi et surtout à ses capacités tout
autant particulières, singulières et personnelles.
Conclusion
Nous avons vu que certains supports pédagogiques n'étaient pas accessibles et devaient être
soit abandonnés, soit très adaptés, voire transformés, pour permettre aux jeunes dyspraxiques
d'effectuer les mêmes acquisitions et les mêmes
apprentissages que leurs pairs dès que cela est
possible.
178
Chapitre 8. Obstacles visuo-practo-spatiaux masqués et compensations
Enfin, il faut en permanence réajuster ces propositions en fonction de l'évolution du jeune et de
sa famille, de ses acquisitions, ses progrès, mais
aussi des exigences scolaires croissantes, en lien
étroit avec ses choix de vie.
Adapter suppose de prendre en compte le handicap, les capacités, l'environnement et le désir de
la personne. C'est elle qui sera le fil conducteur
nécessaire à la réussite de son projet (tableaux 8.7
et 8.8, cf. « Cahier couleur » en fin d'ouvrage).
• être acceptées de l'élève que si les enseignants
légitiment ces stratégies et si ses parents le soutiennent. C'est donc l'investissement conjoint et
cohérent de toute une équipe qui est requis…
C'est pourquoi rappelons une fois encore que
seul un partenariat étroit entre les différents
intervenants autour de la scolarité d'un enfant
dyspraxique permettra la réussite du projet scolaire et donc, à plus long terme, du projet de vie
de l'enfant.
Ces adaptations ne peuvent :
Cette adaptation paraît souvent compliquée à
mettre en place, alors qu'elle n'est finalement que
la traduction écrite du tableau. En effet, le texte
explicatif que nous proposons de soumettre aux
enfants dyspraxiques comme support de leçon ou
exercice correspond à l'explication orale du tableau
que donne l'enseignant à sa classe. Le tableau qui
est un résumé synthétique plus clair et plus facile
d'utilisation pour la plupart d'entre nous est difficile d'accès à Arthur. Il peut assez facilement se
remplacer par son texte descriptif plus aisément
accessible et exploitable. Cela semble plus compliqué d'utiliser un texte explicatif comme support
plutôt qu'un tableau. Or, pour Arthur, le raisonnement sans support spatial est plus facile.
• se concevoir sans l'intervention de spécialistes
qui connaissent bien et le développement des
fonctions cognitives de l'enfant, et le handicap
que constitue la dyspraxie ;
• prendre corps sans la connaissance et la compréhension, au fond, des exigences, contraintes,
objectifs et enjeux de la scolarité ;
• être mises en œuvre avec efficacité sur le long
terme sans l'assentiment sincère des pédagogues,
qui guideront l'action des personnels intervenants en situation scolaire (AESH, secrétaire) ;
• être pérennes que si l'enseignant référent,
garant de la mise en œuvre et du suivi du projet
de scolarisation, s'engage ;
179
L'ordinateur pour
l'école
L'ordinateur est un outil de compensation formidable pour ces jeunes, d'autant que c'est aussi
un outil qui, hors de la classe, est de plus en plus
banalisé. Ce n'est pas seulement un outil de compensation de la dysgraphie (une sorte de machine
à écrire un peu sophistiquée !) et l'on ne peut pas
seulement « octroyer » un ordinateur à l'enfant
dyspraxique en imaginant que cela réglerait plus
ou moins l'essentiel de ses problèmes.
Nous abordons donc ici les questions de l'intérêt
et de la mise en œuvre de l'ordinateur à et surtout
pour l'école. C'est un travail de longue haleine, qui
nécessite réflexion et méthode, aussi bien pour les
professionnels (en général l'ergothérapeute) que
pour le jeune lui-même.
9
• le gain orthographique ;
• la double tâche ;
• les possibilités de relecture ou de lecture de
texte si l'enfant a besoin d'un logiciel de retour
vocal.
Sinon, l'ordinateur, présenté comme une aide,
ne sera en fait qu'un outil supplémentaire à gérer,
tant pour l'enfant que pour l'enseignant.
En moyenne, c'est environ un an après les premières prises de contact et le début de l'apprentissage du clavier que l'ordinateur peut être
introduit dans la classe avec bénéfice et, initialement, pour des tâches réduites et ciblées définies
avec l'enseignant (dictée, expression écrite…).
Introduction de l'ordinateur
Les conditions concrètes de cette introduction
doivent être discutées avec l'enfant bien sûr, mais
aussi avec l'enseignant et les parents : moments
et activités scolaires durant lesquels l'enfant peut
bénéficier de l'ordinateur, localisation des prises
électriques dans la classe pour recharger la batterie, emplacement de l'imprimante, modalités
d'impression, moments et nature des interventions de l'AESH, recours en cas de panne ou de
bug, etc.
Le lien entre les productions à l'école et les
devoirs à la maison doit aussi être organisé. Il est
assez logique de penser que si l'enfant commence
à utiliser l'ordinateur à l'école, une partie des
devoirs puisse également se faire avec cet outil à
la maison. Tout ceci peut également faire l'objet
d'une fiche écrite et/ou être inscrit au PPS.
L'enseignant (et l'AESH) doit savoir précisément
ce que l'enfant :
• peut faire seul en classe et dans quelles conditions (de temps, d'installation, de type de document ou d'exercice…) ;
en classe
À quel moment ? Selon quels
critères ?
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Chapitre
Apprendre à utiliser un ordinateur lors de séances
individuelles de rééducation est tout autre chose que
d'arriver à l'école avec un matériel inhabituel : la première situation peut être vécue comme gratifiante et
ludique, alors que la seconde peut l'être comme stigmatisante, infamante, honteuse (cf. p. 5, 75).
En tout état de cause, l'ordinateur ne doit
jamais être proposé dans le cadre scolaire tant
que l'enfant n'y est pas au moins aussi performant qu'à la main.
La performance envisagée n'est pas qu'une
question de vitesse. On doit faire le point sur :
• la lisibilité ;
• l'endurance main versus ordinateur ;
181
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
• peut faire avec aide ou préparation, adaptation
(le type d'aide doit être détaillé) ;
• ne peut pas faire du tout avec son ordinateur
(dispensé ou réalisé par une tierce personne,
cf. p. 184, 186).
Ces informations sont éminemment évolutives
et donc des rencontres régulières doivent être instaurées entre l'ergothérapeute (ou le représentant
du SESSD) et l'enseignant (ou les enseignants, au
niveau du collège).
Le moment choisi pour faire entrer l'ordinateur en classe est donc fonction du handicap, des
contraintes inhérentes à la classe fréquentée et de
l'âge de l'enfant.
La vitesse de frappe doit répondre aux exigences scolaires lorsque cela est possible. Il existe
plusieurs bilans de vitesse d'écriture, qui nous
indiquent la vitesse graphique attendue soit à
l'âge réel de l'enfant, soit en fonction de la classe
fréquentée (cf. p. 53). En classe, il faut dissocier
les différentes situations d'utilisation de l'ordinateur (cf. p. 130, 191) : quelle rapidité a-t-on sur une
tâche de copie, de production de langage écrit, de
prise de notes ou de dictée [66] ? Toutes ces situations sont à considérer en fonction de l'âge de
l'enfant. On ne peut pas parler de prise de notes
proprement dite avant la fin du collège.
Par exemple, il arrive que des enfants qui
avaient une vitesse de frappe correcte jusqu'à la
fin du primaire se trouvent en difficulté à l'entrée
du collège. La gestion des activités ne se fait plus
sur une journée entière par un enseignant unique.
Cette organisation est dévolue à plusieurs enseignants, sur un temps limité (50 minutes), et il faut
changer de salle à chaque cours, voire d'étage, et
donc réinstaller le matériel. Ces nouveaux paramètres peuvent effondrer une organisation qui
jusque-là fonctionnait et mettre le jeune en échec.
Cet échec peut participer au refus du jeune de
continuer à utiliser l'ordinateur.
Il faut alors négocier avec les enseignants la
quantité d'écrits, la mise à disposition des cours
par anticipation (le jeune écoute alors le cours ou
ne note que le plan du cours…), des photocopies
du cours pris par un autre élève (se pose alors le
problème de la gestion des photocopies [p. 183]).
Si l'apprentissage de l'ordinateur s'est fait au
cours de la grande section de maternelle, on peut
avec l'accord de l'enseignant le mettre en classe
dès la rentrée de CP. L'enfant automatise le clavier en l'utilisant en classe pendant que les autres
enfants automatisent le graphisme manuel.
Logiciels à usage scolaire
Certains logiciels sont utiles (ou indispensables)
dans la scolarité de l'enfant, il lui faut apprendre
à les maîtriser.
En effet, à partir de la fin du primaire, la vitesse
de frappe peut s'avérer insuffisante pour la prise
de notes à l'aube du collège. Certains logiciels prédictifs de frappe peuvent être mis en place pour
faire gagner du temps sur la vitesse de frappe. Il
faut toutefois être vigilant dans leur choix, car
certains enfants peuvent avoir du mal à « trier
visuellement » les informations (trop nombreuses)
qui leur sont proposées.
On peut aussi rentrer dans leur traitement de
texte leurs propres abréviations (lorsque l'enfant
tape /bcp espace/, l'ordinateur écrit /beaucoup/).
Pièges et bugs
Il faut choisir judicieusement les abréviations, car
si pour /svt/ vous voulez que l'ordinateur écrive le
mot « souvent », le jour où l'élève sera en cours de
sciences et vie de la Terre (SVT), l'ordinateur lui
remplacera systématiquement l'abréviation par le
mot /souvent/. Il suffit, par exemple, pour la discipline, d'insérer un point après chaque lettre (S.V.T.)
pour que l'ordinateur ne modifie plus l'abréviation.
D'autres types de logiciels peuvent rendre service à l'enfant, notamment en géométrie. Il ne
s'agit pas de transférer sur l'ordinateur ni
manipulation ni organisation spatiale d'outils,
stratégie qui ne permet pas à ces enfants
­d 'apprendre ni de raisonner. Au contraire, on
­privilégie des logiciels s'appuyant sur l'utilisation des propriétés géométriques des figures
(cf. p. 137, 140, 141, 194, fig. 7.2, fig. 7.3).
Cependant, il ne faut pas que l'enfant investisse
toute son énergie à prouver qu'il peut y arriver
à tout prix si cet investissement obère ses autres
apprentissages (cf. p. 96, 167).
Limiter la quantité d'écrits reste une priorité,
même lorsque l'élève se débrouille bien à
l'ordinateur.
182
Chapitre 9. L'ordinateur pour l'école
Compléments de l'ordinateur
temps). Par ailleurs, même lorsqu'il est présent,
le principe d'économie de la production écrite
conduit à lui fournir des photocopies chaque fois
qu'il s'agit de copier ou de recopier.
L'ordinateur, même utilisé dans les meilleures
conditions, n'est qu'un palliatif qui comporte ses
propres limites. Certains jeunes, du fait de leur
handicap, ne pourront en avoir un usage réellement rapide et efficient.
Mais de toute façon, à partir du lycée, les exigences liées à la prise de notes et les très importantes quantités d'écrits lors de chaque cours ne
peuvent plus être réglées par la frappe, en temps
réel, toute la journée [67].
Mais il est important que l'enseignant puisse
l'indiquer à l'avance à l'AESH (copie d'une poésie, d'un résumé, d'une expérience, d'un document) afin que l'enfant en dispose et puisse
exploiter le document en cours, en même temps
que ses camarades.
Il faut donc, dès que le diagnostic est posé,
réduire au maximum la quantité d'écrits qui est
demandée à l'enfant, et ce sans qu'il en soit
pénalisé ni en termes d'acquisition (orthographique…) ni en ce qui concerne les documents
dont il a besoin pour apprendre et réviser.
La photocopie peut aussi être nécessaire de façon
ponctuelle, parce que l'enfant a du retard dans une
activité, ou parce qu'il a utilisé son tiers-temps (cf.
p. 184, 186) pour finir un contrôle qui déborde sur
l'activité suivante, ou parce qu'ayant pris des notes
à l'ordinateur, ces dernières s'avèrent incomplètes
ou trop lacunaires pour être utilisables.
Dans ces cas, c'est l'AESH qui doit prendre
l'initiative de fournir un document de qualité à
l'enfant, et ce rapidement, le plus souvent avant la
sortie du soir.
Ceci passe, selon les âges et les fonctions de
l'écrit, par différentes stratégies qui doivent être
gérées en classe par l'AESH (et, au domicile, par
les parents), en accord avec l'enseignant. Pour la
mise en œuvre de la plupart de ces stratégies,
l'aide ou les conseils pratiques de l'ergothérapeute
sont très précieux.
Aménager la typographie
et la présentation
Le document photocopié peut être celui d'un
camarade, ou bien extrait d'un livre, ou encore ce
peut être une photocopie que l'enseignant distribue aux élèves.
Il faut d'abord toujours en vérifier la qualité de
contraste et d'impression (troubles visuels et neurovisuels, cf. p. 4), vérifier également que le jeune
peut lire cette écriture, sous peine que ce support
soit tout à fait inexploitable par notre jeune dyspraxique : c'est un préalable indispensable.
Ensuite, dans un nombre non négligeable de cas,
il faut aménager la présentation du document pour
en faciliter la lecture par l'enfant : découper, encadrer, agrandir, colorier, augmenter les interlignes,
ne laisser qu'un paragraphe (ou une consigne, une
information…) par page, etc. (cf. p. 104, 105).
Photocopies
Il faut bien se rendre compte qu'il ne suffit pas
d'autoriser l'enfant à faire des photocopies ni
même à les faire exécuter par un tiers qui les donnerait à l'enfant. Du fait de la dyspraxie et puisque
l'enfant est souvent le seul de sa classe à utiliser ce
procédé, la gestion des photocopies s'avère en fait
complexe et dévoreuse de temps.
C'est pourquoi il est préférable que cela soit
confié à l'AESH, cette personne étant bien informée des détails de la réalisation de la tâche qui lui
incombe.
Photocopies : systématiques
ou occasionnelles ?
Les numéroter, les classer,
les ranger
Les photocopies systématiques sont relativement
plus faciles à gérer s'il s'agit de temps scolaires
durant lesquels l'élève est régulièrement absent
(rééducation ou autre aménagement d'emploi du
Cette accumulation de papiers n'a aucun intérêt
si l'adulte ne prend pas un soin extrême à titrer,
183
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
numéroter, dater, classer, agrafer, puis coller et
ranger toute photocopie produite.
Faute de quoi, nous retrouverons au fond du
cartable, déchirés, froissés, en lambeaux, la fin
d'un cours de géographie, la fiche de vocabulaire
d'anglais qui devait être apprise pour la semaine
précédente, des pages de brouillon, des bouts
d'exercices, des extraits de cours ou de contrôles,
dont on ne peut même plus retrouver le début, ni
la fin, ni l'intérêt, ni la date…
Il faut toujours être très vigilant à ne pas fournir
des matériels (ordinateur) ou documents (photocopies) supplémentaires sans s'être assuré que :
• soit l'enfant peut leur appliquer, pour un coût
cognitif acceptable, une procédure efficace (ce
qui est assez rare chez l'enfant dyspraxique) ;
• soit un adulte en garantit, de façon stricte et
régulière, la gestion au quotidien.
• voire incompréhension de celui qui trouve
que « tout de même, si l'enfant écrivait durant
les cours, il rêvasserait moins » ou « il écrirait
mieux » (cf. p. 75) ;
• ou encore, devant la photocopieuse, refus de tel
adulte extérieur à la classe qui ignore la situation
particulière de l'enfant, ou encore réflexions sur
le quota de photocopies qui est dépassé, le prix
des cartouches d'encre, etc.
De plus, sur le plan pratique, il faut que la photocopieuse soit accessible facilement, car lorsqu'il
faut en plus s'en procurer la clé qui est dans le
bureau du principal ou du CPE… cela devient vite
ingérable pour le jeune. Notre jeune dyspraxique,
déjà très insécurisé et très mal à l'aise avec son statut particulier, ne doit en aucun cas se confronter
à ces situations, pourtant bien naturelles.
Ce n'est en effet que très progressivement que
l'on peut déléguer au jeune une partie de cette
« maintenance » : c'est pratiquement jusqu'à la
fin des études secondaires que ces enfants ont
besoin d'un important étayage dans le domaine
organisationnel (cartable, bureau, trousse,
classeurs…).
Ce sont les adultes qui doivent l'aider, lui
rendre les aspects matériels de la scolarité plus
faciles, mettre à sa disposition les outils spécifiques dont il a besoin et régler au quotidien les
difficultés ou petites dissensions qui peuvent
naître d'une méconnaissance du trouble et de
ses nécessaires compensations.
Enfin, si les plus grands (collège, lycée) peuvent
quelquefois consacrer une partie de la récréation
du déjeuner à ces activités (se procurer les originaux, les photocopier, les annoter, les classer
et les ranger, remettre les originaux à leurs propriétaires), ceci est peu envisageable pour les plus
jeunes et, dans tous les cas, cela reste sous contrôle
attentionnel et donc coûteux. Cette « charge
cognitive » est toujours dépensée au détriment
d'une autre activité nécessitant du contrôle attentionnel. Il faut donc être très attentif à ce que ça
ne soit pas aux dépens d'activités de haut niveau.
En outre, il convient de leur éviter les réticences
que cela suscite souvent :
• lassitude d'un camarade sollicité en permanence
pour fournir l'écrit de référence (il peut être préférable d'organiser une permutation entre plusieurs élèves dont l'écriture est claire sur le plan
calligraphique et les écrits de bonne qualité sur
le plan rédactionnel et orthographique) ;
• contrariété de l'enseignant qui n'a pas anticipé
tel ou tel développement de son cours et auquel
on demande un texte rédigé ;
Le secrétaire
Selon les cas (la nature et les buts de l'écrit), ce
peut être l'enseignant lui-même, un camarade ou
l'AESH qui servent de secrétaire.
Ce n'est en effet pas la même chose d'écrire rapidement en fin de journée sur le cahier de textes les
devoirs à faire pour le lendemain (cf. p. 69), ou de
faire une dictée, ou de répondre à des questions
concernant la leçon d'histoire, ou de produire une
rédaction (cf. p. 59, 65).
Dans le premier cas, peu importe qui inscrit le
travail à faire, pourvu que les devoirs soient inscrits et notés au bon endroit : de nombreux parents
rapportent que leur premier travail, lorsque l'enfant
revient de l'école, c'est de téléphoner aux uns et aux
autres (dont certains finissent par manifester leur
lassitude !) pour savoir ce qu'il y a à faire et disposer
des supports convenables pour effectuer les devoirs.
Dans le second cas (restitution d'un savoir,
orthographique ou académique), il est important que l'enseignant puisse faire confiance au
tandem « enfant-AESH ». On entend souvent en
184
Chapitre 9. L'ordinateur pour l'école
effet l'enseignant s'interroger sur qui a réellement
fait la dictée (ou le devoir d'histoire) : l'enfant ou
l'AESH ? Quelle est la part, même involontaire, d'influence de l'AESH ? A contrario, on entend souvent
aussi l'AESH déclarer : « Je me tiens en retrait » afin
de laisser l'enfant faire seul, soit pour qu'il « gagne
en autonomie » (cf. p. 5, 74, et 201), soit pour qu'il
puisse être évalué « comme les autres » !
Dans les deux cas, on voit que le handicap n'est
pas compris, que le rôle de l'AESH n'a pas été
clairement expliqué. Dans les deux cas, l'enfant
est en porte-à-faux, il a l'impression de tricher
(ce qui d'ailleurs lui est souvent renvoyé par ses
pairs : « C'est pas juste, lui, il a quelqu'un qui écrit
les réponses à sa place ! »), de ne pas mériter les
bonnes notes ou les compliments (cf. p. 72), mais,
en même temps, la compensation réelle de son
handicap n'est pas assurée, attisant chez lui un
sentiment d'injustice et de victimisation.
C'est pourquoi, pour chaque enfant, il est souhaitable de disposer d'une fiche écrite (à joindre
au PPS) qui précise très concrètement ce que l'enfant (cf. p. 173 à 178) :
• peut faire seul, comme les autres (par exemple,
apprendre et réciter sa poésie) ;
• peut faire seul après aménagements (par
exemple, taper les mots de la dictée une fois
l'ordinateur et le bon dossier ouverts, la dictée
étant réduite d'un tiers de sa longueur) ;
• peut faire avec aide et quelle aide (par exemple,
l'AESH répète les mots de la dictée à son rythme
ou bien il tape seul les cinq premiers mots, puis
l'AESH écrit sous son épellation, etc.) ;
• ne peut pas faire et que l'on doit faire à sa place
(par exemple, ranger son classeur, écrire les
devoirs à faire sur le cahier de textes, etc.).
Oral
Apprendre, réviser
Chaque fois que possible, il est très souhaitable
de proposer à l'enfant d'utiliser l'oral (pour les
apprentissages, la restitution, les contrôles) en lieu
et place de l'écrit.
Apprendre l'orthographe d'une liste de mots en
vue d'une dictée (cf. p. 102, 103) peut passer par
l'apprentissage par cœur, oralement, des caractéristiques orthographiques des mots, leur épellation, la constitution de listes de mots partageant
la même particularité orthographique ou de mots
de la même famille (phonologique, orthographique ou sémantique), l'apprentissage par cœur
de règles et de leurs exceptions, voire même de
moyens mnémotechniques. Les méthodes habituellement préconisées, telles qu'écrire les mots à
plusieurs reprises, ne sont pas une stratégie valide
pour les jeunes dyspraxiques.
Ceci est vrai aussi des leçons d'histoire, de
vocabulaire, de grammaire ou de sciences : l'enfant peut lire le résumé (ou la trame, ou les idées
principales, ou le plan détaillé…) à haute voix et
s'enregistrer, puis réécouter son propre enregistrement à plusieurs reprises.
Lorsque l'information initiale se présente sous
la forme d'un tableau ou d'une carte, d'un graphe
ou d'un schéma (cf. p. 147, 148, 149, 150, 163), elle
doit préalablement être transformée en une suite
séquentielle d'informations verbales, déroulées
en un listing séquentiel, comprenant toutes les
informations requises ainsi que les liens ou intersections entre ces informations. Ce travail de
préparation doit être confié à l'AESH ou, ponctuellement et à titre exceptionnel, demandé aux
parents.
L'enseignant doit participer à la validation de ces
procédures (réunion de PPS, rencontres avec les
rééducateurs et/ou le SESSD, réunion de concertation ou de synthèse), les présenter positivement
et donner explicitement son accord à l'enfant
pour leur utilisation. Ensuite, il doit contribuer à
les faire évoluer en fonction des progrès du jeune
et des contraintes des programmes. Cette prise
de position légitimera pour l'enfant le recours à
ces aides et participera à leur acceptation par
l'élève et les camarades de la classe.
Contrôles
En classe, pour la restitution des connaissances, il
faut privilégier la dictée à l'adulte, mais il faut que
l'enfant apprenne progressivement à travailler avec
un secrétaire. La plupart du temps, c'est l'AESH qui
remplit ce rôle. En effet, l'enfant doit être entraîné
à dicter à l'adulte, de même qu'il doit l'être à utiliser de façon efficace le tiers-temps supplémentaire
dont il bénéficie souvent. Ce travail sera également
un atout supplémentaire si l'on a recours ultérieurement à une dictée vocale (cf. p. 170).
185
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Enfin, lors de certains contrôles ou de brèves
interrogations de début de cours, l'enseignant
peut aussi quelquefois accepter d'interroger oralement le jeune dyspraxique pendant que le reste de
la classe compose par écrit.
De toute façon, lorsqu'on propose des adaptations, elles doivent être expliquées à l'enfant, ce
que l'on en attend et ce qui motive les changements que l'on apporte par rapport à ce que font
ses camarades de classe.
Dans le cas du secrétaire, on doit se mettre d'accord avec l'enfant sur les tâches qui sont dévolues
à chacun. Ces tâches peuvent être listées, ce qui
permet de discuter avec l'enfant et qu'il soit partie
prenante de ces dispositions.
Parfois, les enfants demandent à être accompagnés pour faire une information en classe quand
ils se sentent démunis pour répondre aux questions des autres enfants ou à leurs moqueries. On
la prépare toujours avec eux (cf. p. 76). Ces discussions se font ensuite en classe, avec l'accord de
l'enseignant sur un temps qu'il aura choisi.
Le directeur de l'établissement est cosignataire
(avec les parents) du document et responsable
de sa mise en œuvre. C'est à lui que les parents
doivent s'adresser en cas de litige.
Dans la mesure où ce plan ne nécessite pas le
recours à la MDPH, il est plutôt conseillé dans
les cas de troubles discrets ou modérés ou dans la
période d'attente de la reconnaissance du handicap par la MDPH.
Le PPS ou plan personnalisé
de scolarisation
Ce document, établi à la demande de la famille, nécessite une reconnaissance de handicap par la MDPH.
Il permet toutes les adaptations scolaires nécessaires
à l'enfant, au cas par cas, éventuellement la reconnaissance du besoin d'aide humaine (AESH) et l'évaluation des compensations justifiées par le handicap de
l'enfant, en particulier des frais financiers (rééducations non prises en charge par la Sécurité sociale…).
Le PPS est également incontournable lorsque les aménagements de la scolarité impliquent des dérogations
aux dispositions réglementaires de la scolarité : temps
partiel, dispense de certains enseignements, etc.
Très important : c'est l'enseignant référent (à la
MDPH) et l'inspecteur ASH qui sont garants de la
mise en œuvre du PPS. C'est également ces personnes qu'il faut saisir en cas de litige ou de difficulté d'application du PPS.
Formaliser les adaptations
et aménagements
Le PAP et le PPS sont les deux documents prévus
par l'EN pour formaliser l'accompagnement de la
scolarisation des enfants présentant des troubles
spécifiques des apprentissages.
Aménagement des examens
et concours
Le PAP
D'une façon générale, tous les aménagements (techniques et/ou humains) et dispenses dont le jeune a
bénéficié au cours des mois et années précédentes
sont susceptibles d'être utilisés lors des examens, si ces
aides sont médicalement justifiées (cf. note de bas de
page n° 38 p. 71 et note de bas de page n° 60 p. 142), en
particulier celles listées dans un PAP ou un PPS.
Ce plan d'accompagnement personnalisé63 est
demandé soit par l'équipe éducative, soit par les
parents. Il remplace les anciens PAI-dys (prévus
pour les enfants malades), non adaptés aux jeunes
présentant un handicap scolaire. Le médecin scolaire doit en valider la justification.
Il ne comprend que des adaptations pédagogiques
(y compris l'ordinateur), décidées et mises en place
par l'équipe pédagogique, éventuellement avec l'avis
et les conseils des professionnels du soin (médecin
qui suit l'enfant, rééducateurs) : il s'agit de cocher,
dans une liste non exhaustive, les différentes adaptations parmi celles proposées dans le document. Il
s'agit donc plutôt de préconisations générales.
63
Tiers-temps
L'enfant présentant un ou plusieurs handicaps peut
bénéficier du tiers-temps supplémentaire. Cela
permet de compenser la lenteur intrinsèque et/ou
liée aux aides dont l'enfant a besoin. Mais, chez des
jeunes très fatigables, l'augmentation de la durée
des épreuves peut aggraver la fatigue : il faut savoir
ménager des pauses de façon stratégique.
Circulaire no 2015-016 du 22 janvier 2015.
186
Chapitre 9. L'ordinateur pour l'école
Mais bénéficier d'un temps supplémentaire,
comme de toute autre adaptation, nécessite un
temps d'apprentissage pour être utilisé de manière
optimale. Il faut donc anticiper cet apprentissage
bien avant les premiers examens officiels.
Or, c'est souvent très difficile à aménager dans
le cursus habituel de la scolarité, car les cours se
succèdent sans laisser le loisir d'un « débord » sur
le cours suivant. Lors des contrôles habituels, on
peut alors soit limiter la quantité de travail à fournir par l'enfant handicapé d'un tiers, soit modifier
le barème de correction.
Cependant, il faut absolument mettre l'enfant
en situation réelle de tiers-temps à plusieurs
reprises avant la passation des premiers examens
officiels. Le contrôle peut alors avoir lieu dans
une salle à part avec son AESH ou, mieux, un
secrétaire avec lequel le jeune n'a pas l'habitude de
travailler (un professeur peut même quelquefois
accepter de jouer ce rôle), ce qui permet aussi de
lever tout doute sur l'authenticité des réponses de
l'enfant et la légitimité de la note qu'il obtient.
La circulaire 2015-127 du 3 août 2015 précise
les dispositions légales en vigueur. Notons en
particulier : « Ces aides doivent être en cohérence avec celles utilisées par l'élève au cours de
la scolarité. »
Pratiquement, les familles doivent solliciter le
médecin scolaire dès le début de l'année de l'examen. Les demandes d'aménagements pour les
examens et concours doivent être adressées au
médecin scolaire ou bien, le cas échéant (absence
de médecin scolaire), à l'un des médecins désignés par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
Ce dernier doit, dans son certificat médical,
s'attacher à détailler et à motiver précisément les
aides et aménagements nécessaires, c'est-à-dire
les répercussions du déficit de l'enfant dans les
apprentissages, en s'appuyant sur les bilans des
différents professionnels qui suivent l'enfant.
Une concertation importante avec les rééducateurs, les enseignants et l'A ESH le cas échéant
(surtout si l'A ESH a l'expérience de l'accompagnement du jeune lors des évaluations et/ou
d'examens précédents) peut fournir de précieux
renseignements complémentaires sur la concentration, l'attention et la fatigabilité éventuelles
du jeune. Les grilles décrites ci-dessus (cf. p. 156,
158, 160, 162, 164, 166, 168, 169) peuvent aussi
constituer un support solide et circonstancié. L'enseignant référent à la MDPH doit être
informé, il conseille efficacement sur les formalités à faire, les personnes à contacter, les dossiers
à remplir, les délais à respecter (les demandes
doivent souvent se faire dès le début de l'année
scolaire pour laquelle l'aménagement d'examen
est demandé).
Dispenses
Des enfants dyspraxiques peuvent être dispensés de cartes, plans ou graphiques. Dans ce cas,
l'épreuve est généralement remplacée par une
question de cours.
Il ne s'agit pas d'une liste limitative : d'autres
dispenses ou aménagements peuvent être envisagés, au cas par cas, en collaboration avec
l'EN, s'ils s'avèrent médicalement justifiés.
187
C
Cahier des charges
pour les compensations :
démarche d'analyse
hapitre
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Les progrès technologiques nous offrent une
palette « d'outils » pour faciliter notre vie quotidienne. Certains de ces outils autrefois réservés
au milieu spécialisé se sont maintenant démocratisés : citons les smartphones qui sont équipés de
commandes et de synthèses vocales, qui nous permettent de nous diriger sans avoir besoin de nous
repérer sur un plan ou qui écrivent le message que
nous souhaitons envoyer à un de nos contacts.
Cette profusion peut nous donner l'illusion que
tout problème a sa solution.
La démarche qui consisterait à faire la liste des
déficiences à compenser sans tenir compte de l'environnement et de l'âge serait bien évidemment
vouée à l'échec. Il en serait ainsi également pour
une réponse qui serait plaquée sur la réalité (je ne
peux pas utiliser une règle pour mesurer, j'utilise
une règle sur l'ordinateur), sans tenir compte des
mécanismes sous-jacents au déficit.
Le but de l'aide technologique est bien d'aider à
atteindre une compétence.
10
élaborés. Il en existe plusieurs dont l'étude fait
maintenant partie de la formation initiale des
ergothérapeutes [86].
Citons le « modèle de résolution de problème »,
bien connu des ergothérapeutes, qui permet de
structurer les étapes de l'analyse, d'expliquer et d'argumenter les démarches qui vont être effectuées et
d'évaluer les processus et les résultats. Le patient est
acteur dans la démarche puisqu'il est sollicité sur les
objectifs qu'il souhaite atteindre. Il est donc essentiel de connaître ses points forts sur lesquels on peut
s'appuyer pour contourner le trouble.
On peut se reporter aux cinq étapes décrites par
M. C. Détraz [87] :
• évaluation initiale : recueil des données, analyse et synthèse de ces données ;
• détermination des objectifs à atteindre ;
• définition du programme d'intervention et planification : moyens mis en œuvre ;
• mise en œuvre de l'intervention ;
• évaluation intermédiaire ou finale.
Une approche centrée sur les troubles des
apprentissages a été élaborée au Canada par Jean
Chouinard (Service national du RÉCIT en adaptation scolaire64) à partir de 2006 : le modèle des
fonctions d'aide. En 2010, Marc Tremblay, conseiller pédagogique, l'a diffusé dans ses formations au
personnel enseignant canadien. C'est à ce travail
que nous nous référons.
La réflexion ne doit pas donc tant porter en
première intention sur le matériel, mais tout
d'abord sur la démarche d'analyse de la situation et du besoin de compensation, puis sur la
transférabilité de la solution mise en place.
Cadre de réflexion
64
Pour étayer une démarche d'analyse, des modèles
conceptuels sur lesquels on peut s'appuyer ont été
189
Le RÉCIT est un réseau de personnes-ressources dans
les commissions scolaires dédié au développement
des compétences par l'intégration des technologies en
conformité avec le programme de formation de l'école
québécoise.
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Ce modèle favorise une connaissance théorique
plus étendue des différentes aides technologiques
disponibles sur le marché, qu'elles soient payantes
ou gratuites.
L'aide technologique est définie comme une
assistance technologique qui permet à une personne de réaliser une tâche, de développer une
compétence ou d'atteindre un état qu'elle ne
pourrait (ou difficilement) réaliser, développer ou
atteindre sans le support de cette aide technologique. Chaque aide technologique peut contenir
une (ou plusieurs) fonction d'assistance qui est
nommée « fonction d'aide ».
à utiliser ses différentes fonctions d'aide, tels
son prédicteur de mots, sa synthèse vocale
ou son correcteur orthographique, s'avère
primordial pour l'élève. La modélisation
explicite, le temps requis pour développer
ses compétences technologiques et le
recours fréquent à ceux-ci en apprentissage
s'avèrent déterminants pour en arriver
ultérieurement à une utilisation efficace et
efficiente dans les tâches scolaires où il aura
à faire la démonstration de ses capacités, en
apprentissage et en évaluation 65. »
Dans un second temps, il faudra s'interroger
sur la valeur ajoutée des outils en analysant ce
qu'ils lui apportent en tant qu'élève, en quoi l'outil
d'aide lui permet-il de réaliser la tâche. Dans quel
contexte peut-il l'utiliser ? Quels sont les pièges
qui demeurent et qui demandent d'être vigilant ?
Il importe de susciter ces prises de conscience
métacognitives avec l'enfant le plus tôt possible
dès le primaire (cf. chapitre 8, p. 143).
L'adulte doit l'aider à analyser la situation
dans un premier temps pour qu'ensuite l'enfant
devienne autonome dans ce type de questionnement. Il faut valoriser sa capacité à adopter le bon
outil pour la bonne tâche. Il devra alors apprendre
à le choisir selon sa pertinence en fonction des différentes tâches qu'il aura à réaliser. Il développera
aussi l'habileté à en découvrir et à en exploiter de
nouvelles.
De l'utilisation fonctionnelle de ses aides,
l'enfant passera à l'étape où il devra optimiser
leur potentiel pour ses nouveaux apprentissages.
L'exploitation des aides technologiques deviendra
pour lui une compétence qu'il aura développée,
compétence qui sera déterminante pour le développement de son autonomie, pour la poursuite
de ses études et, plus tard, pour son intégration
citoyenne.
Un travail spécifique de métacognition doit s'allier à la quête d'autonomie, travail mené par des
professionnels formés à la fois aux remédiations
métacognitives et aux aides technologiques.
C'est en développant ces stratégies métacognitives à partir de ses supports scolaires que l'on
amène l'enfant à se questionner de façon à mieux
se connaître en tant que sujet apprenant, à déve-
Cette fonction d'aide est un pont entre la difficulté marquée et persistante ou l'incapacité de
la personne et la tâche à réaliser, la compétence à développer ou l'état à atteindre. Les
aides technologiques permettent donc à la
personne d'exercer son potentiel en contournant les contraintes liées à l'incapacité, en palliant les limitations afin de la rendre plus
autonome.
Cette fonction d'aide doit apporter une valeur
ajoutée qui se mesure dans le gain significatif que
l'utilisation de cette aide apporte à la personne
pour réaliser sa tâche ou dans le développement
d'une compétence.
L'introduction des aides technologiques est
alors une approche complémentaire considérée
comme un moyen de compensation, permettant de développer plus d'autonomie et d'alléger
l'accompagnement humain. L'outil est considéré
comme légitime tant par les équipes pédagogiques
que par les équipes de soins, ce qui permet à l'enfant et à sa famille de l'accepter plus facilement.
C'est bien la situation particulière de cet
enfant qui est analysée afin de déterminer les
aides qui seront à privilégier pour lui. Il est
nécessaire que l'enfant s'approprie correctement l'aide technologique dans ses dimensions techniques et pédagogiques et développe
ses habiletés dans son utilisation.
65
« Bien les connaître [les aides technologiques],
comprendre leur fonctionnement ou devenir
habile à écrire sur son clavier d'ordinateur ou
190
Chouinard J, Goulet L, Tremblay M. Les aides technologiques et la quête d'autonomie des élèves ayant des
besoins particuliers : un apport déterminant. Site de
l'AQETA : http://www.institutta.com.
Chapitre 10. Cahier des charges pour les compensations : démarche d'analyse
lopper ses capacités à s'ajuster, à se corriger pour
accomplir la tâche demandée.
Utiliser des aides technologiques pour réaliser
des tâches en lien avec l'apprentissage exerce une
relation d'influence mutuelle avec le développement des stratégies métacognitives. Elles rendent
nécessaire une analyse objective des tâches, tout
en permettant de prendre du recul par rapport à
la tâche à réaliser. Cela peut permettre à l'enfant
d'améliorer ses stratégies de planification, d'anticipation, de prise de décisions, d'autorégulation
qui sont des stratégies métacognitives.
Ce faisant, l'accès à l'apprentissage de l'aide
technologique en sera également facilité, car l'enfant aura l'habitude de se questionner sur le quand
et comment utiliser les aides à sa disposition.
Ces stratégies seront également efficaces à l'âge
adulte et dans le domaine professionnel qu'il aura
choisi.
À cette étape, il faut ensuite considérer les compétences en technologie de l'information et de
la communication de la personne, la formation
éventuellement nécessaire à l'apprentissage de
l'outil, la qualité de la formation offerte (si elle
existe), la convivialité et l'ergonomie de l'outil, la
disponibilité et le coût des produits.
Il faut considérer tous ces facteurs pour éviter
que le produit soit inutilisé.
Enfin, il faut former la personne au fonctionnement technique du produit (interface, menus,
principales fonctions, interactions avec les autres
logiciels ou applications…).
L'appropriation et l'utilisation efficace doivent
être accompagnées, en s'assurant que la personne
comprenne bien les situations qui sont appropriées pour l'utilisation de ces aides et que cellesci s'intègrent de façon efficace dans les stratégies
d'apprentissage.
La pratique doit être autonome et efficiente.
La valeur ajoutée doit être évaluée. Pour s'assurer
de la pérennité de l'utilisation autonome de l'aide,
il faut vérifier si elle a amélioré de façon significative ou non les habitudes de vie ciblées. Si oui,
on en maintient l'utilisation ; si ce n'est pas le cas,
on revient à l'étape d'identification des moyens à
explorer pour répondre à la situation de besoin.
Cela implique parfois de renoncer à une aide
proposée qui ne se révèle pas aussi efficace que
souhaitée (cf. chapitre 2).
Démarche pour choisir une aide
technologique
En s'appuyant sur le modèle des fonctions d'aide,
le cheminement de la réflexion engage :
• tout d'abord à évaluer la situation de besoin à
partir du niveau de réalisation des habitudes
de vie66 en considérant les obstacles, les freins
dans l'environnement, l'état physique (niveau
de déficience, d'efficience, les aptitudes cognitives…) ;
• à identifier ensuite les moyens à explorer pour
répondre à la situation de besoin (identifier
les différents moyens : aménagements, aide
humaine, aides technologiques). Cette identification débouche sur un plan d'intervention ;
• puis on identifie les fonctions d'aide qui correspondent à la situation de besoin, c'est-à-dire ce
qui va faire le pont entre les difficultés ou les
incapacités liées aux besoins ou aux habitudes
de vie et la tâche à réaliser, la compétence à
développer ou l'état à atteindre ;
• on identifie ensuite le produit (outil de compensation) qui va correspondre à cette fonction
d'aide.
66
Principales fonctions
d'aide à la lecture et à l'écriture
Marc Tremblay et Jean Chouinard ont recensé les
principales fonctions d'aide à la lecture et à l'écriture. Cette identification des fonctions d'aide dans
les solutions de compensation disponibles permet
de s'assurer de la cohérence entre le besoin de l'enfant et l'offre de l'aide technologique. Cette adéquation est importante pour en favoriser l'utilisation.
Toutefois, la rapide évolution des technologies
nécessite une remise à jour régulière67. Il s'agit
67
Cf., entre autres, MHAVIE, mesure des habitudes de
vie : http://www.ripph.qc.ca.
191
Tableau besoins-fonctions d'aide – apps. Document
de travail partagé en mode collaboratif par Marc
Tremblay et Jean Chouinard : https://docs.google.com/
document/d/15BmmKcz8d4N8V2pnL9mLguib7NIO
UfgC6McRgk2UX2g/edit?pli=1.
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
donc d'établir un cahier des charges des solutions
de compensation répondant aux besoins de l'enfant. Une fois cette liste réalisée, on la mettra en
lien avec l'outil le plus pertinent.
•
•
•
•
•
•
•
dictionnaire d'antonymes ;
dictionnaire des co-occurrences ;
dictionnaire de conjugaison ;
dictionnaire visuel ;
dictionnaire français-langue étrangère ;
dictionnaire des citations ;
autres…
Cette fonction d'aide peut donc compenser des
difficultés marquées ou des incapacités liées à
l'orthographe et au choix des mots.
Édition de texte (traitement
de texte)
Elle permet l'écriture d'un texte numérique. Parce
qu'elle facilite la modification ou l'insertion de
phrases et de paragraphes, elle peut compenser
des difficultés marquées ou les incapacités liées
à la planification, à l'organisation des idées, à la
mise en texte et à la révision.
Grammaire
La fonction grammaire est un recueil numérisé
des règles de grammaire. Elle facilite la recherche
et la consultation de ces règles. Cette fonction peut
donc être utile pour compenser des difficultés
marquées ou des incapacités liées à la recherche
de règles de grammaire ou d'informations complémentaires.
Rétroaction vocale par synthèse
vocale
Elle consiste en la lecture par une voix synthétique d'un texte numérique. Cette fonction d'aide
peut donc compenser des difficultés marquées ou
incapacités liées :
• à la lecture de mots et à la fluidité de la lecture ;
• et, lors de la relecture d'un texte produit, à la
production de l'orthographe des mots ou de
la syntaxe des phrases et à l'organisation des
idées, permettant une meilleure objectivation
du texte.
Révision-correction
C'est une fonction permettant de réviser et de corriger un texte. Elle peut détecter des erreurs d'orthographe lexicale, d'orthographe grammaticale,
de syntaxe, de ponctuation ou de vocabulaire.
Cette fonction d'aide peut compenser des difficultés marquées ou des incapacités liées à la révision
et à la correction d'un texte, en permettant une
meilleure objectivation du texte.
Mise en évidence du mot lu
C'est un mécanisme de suivi des mots prononcés
par la synthèse vocale d'un texte numérique. Elle
peut prendre différentes formes : surbrillance sur
le mot, double surbrillance sur la phrase et le mot,
flèche, etc. Cette fonction d'aide peut donc être
utilisée pour compenser des difficultés marquées
ou incapacités liées à la synchronisation entre la
lecture visuelle et auditive, à la concentration ou à
la fluidité de la lecture.
Révision-analyse linguistique
La révision-analyse linguistique est une fonction
qui offre la possibilité d'analyser des textes. Elle
permet de réviser le contenu et la cohérence d'un
contexte en mettant en évidence les répétitions,
les marqueurs de relation, les phrases longues, les
phrases sans verbe, les mots avec une sémantique
faible, les homophones, etc. Cette fonction d'aide
peut donc compenser des difficultés marquées ou
incapacités liées à la révision du contenu et de la
cohérence d'un texte tout en permettant une meilleure objectivation du texte.
Dictionnaires
La fonction dictionnaires est un recueil numérisé
de mots d'une langue, classés généralement par
ordre alphabétique, mais aussi par mode visuel,
avec leurs définitions. Il existe aussi des dictionnaires qui portent sur un aspect ou un domaine
particulier de la langue (synonymes, conjugaison,
antonymes, etc.) :
• dictionnaire de définitions ;
• dictionnaire de synonymes ;
Révision-conversion d'un mot
ayant une forme phonologique
en sa forme conventionnelle
La révision-conversion d'un mot ayant une forme
phonologique en sa forme conventionnelle per-
192
Chapitre 10. Cahier des charges pour les compensations : démarche d'analyse
met de convertir un mot mal orthographié, écrit
phonologiquement (par exemple : bato), en un
mot qui respecte les conventions orthographiques
(→ bateau). Cette fonction d'aide peut donc compenser des difficultés marquées ou incapacités
liées à la production des mots écrits.
proposés correspond à l'anticipation de l'orthographe selon la norme (orthographe conventionnelle). La présentation visuelle du nombre de
mots peut souvent être adaptée et ainsi éviter une
surcharge visuelle. Cette fonction d'aide peut être
utilisée pour compenser des difficultés marquées
ou des incapacités liées à la production d'un texte
pour produire un mot correct dès le premier
essai. Cela peut également permettre de gagner
en vitesse de frappe, car alors l'enfant n'a pas tout
le mot à taper.
Cartes heuristiques
Il s'agit d'un espace numérique permettant la
création d'une carte conceptuelle. Elle peut soutenir l'élève dans la planification et l'organisation
de ses idées ainsi que dans la structuration de sa
pensée. Cette fonction d'aide peut donc compenser des difficultés marquées ou des incapacités
liées à l'émergence, à l'organisation et au classement des idées.
Nota. – Attention au choix du type de cartes
dans le cadre d'une dyspraxie visuo-spatiale,
certaines prennent la forme d'arbres logiques,
d'autres de présentations plus séquentielles. Ces
présentations peuvent être très chargées visuellement et donc ne pas être accessibles à l'enfant.
Toutefois, la mise en œuvre du raisonnement
nécessaire à la construction peut être encouragée.
Prédiction orthographique selon
un procédé de correspondance
phonologique
La prédiction orthographique selon un procédé
de correspondance phonologique consiste à proposer une liste de mots à l'élève à chaque lettre du
mot qu'il tape au clavier. Dans ce type de prédiction, la liste de mots est constituée de mots ayant
une correspondance graphème-phonème du mot
que l'on veut écrire. Cette fonction d'aide peut
donc compenser des difficultés marquées ou des
incapacités liées à la production de texte pour
orthographier correctement un mot écrit phonologiquement.
Conversion du plan de rédaction
d'un mode graphique en un mode
séquentiel
Prédiction orthographique selon
le principe de co-occurrence
La conversion du plan de rédaction d'un mode
graphique en un mode séquentiel consiste en
une transposition d'un plan de rédaction en une
carte conceptuelle, et vice et versa. Autrement dit,
l'élève organise ses idées avec une carte conceptuelle et peut la convertir en mode plan pour obtenir son plan de rédaction ou procéder de la façon
inverse. Cette fonction d'aide peut donc compenser des difficultés marquées ou des incapacités
liées à la planification et à l'organisation des idées.
Les réserves sont les mêmes que pour le paragraphe
précédent.
La prédiction orthographique selon le principe
de co-occurrence consiste à anticiper le prochain
mot de la phrase à partir d'une liste de mots qui
tient compte de la syntaxe de la phrase. La liste de
mots est produite sur la base de la co-occurrence
des mots. Cette fonction d'aide peut compenser
des difficultés marquées ou des incapacités liées
à la production de texte pour ainsi bien orthographier un mot au premier essai, bien choisir la
préposition, locution ou la bonne construction
du groupe du nom, en tenant compte de la phrase
déjà écrite. Cet outil peut également alléger le travail de frappe et permet ainsi de gagner en vitesse.
Prédiction orthographique selon
un procédé de correspondance
orthographique
Note vocale (enregistrement de la
voix)
La prédiction orthographique selon un procédé
de correspondance orthographique consiste à
proposer un choix de mots à l'enfant à chaque
lettre du mot qu'il tape au clavier. La liste de mots
Il s'agit d'une fonction qui permet l'enregistrement de la voix humaine en format sonore numérique (MP3 ou WAV).
193
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
hension de la lecture d'un texte en facilitant le
repérage des concepts clés du texte.
Cette fonction d'aide peut donc être utile pour
faciliter :
• la production,
• la conservation
• l'organisation et la clarté des idées
avant la production écrite ou pour le rappel en
lecture.
Nuage de mots
Le nuage de mots est une fonction qui consiste
à évaluer l'occurrence de chacun des mots d'un
texte selon une configuration visuelle pour mettre
en évidence ceux qui sont le plus utilisés dans le
texte, ce qui permet à un élève de repérer rapidement les concepts clés d'un texte ou les répétitions
d'un texte d'auteur, etc. Cette fonction d'aide peut
compenser des difficultés marquées ou des incapacités liées à la révision, à la hiérarchisation des
idées, à l'analyse ou à la compréhension d'un texte.
Écriture vocale (reconnaissance
ou dictée vocale)
L'écriture vocale permet d'analyser un mot ou une
phrase captée au moyen d'un microphone pour
la transcrire sous la forme d'un texte exploitable
numériquement. La reconnaissance vocale vise à
convertir la voix humaine en texte écrit sous un
format numérique. Cette fonction d'aide peut
donc compenser des difficultés marquées ou des
incapacités liées à la mise en texte et à l'organisation des idées en vue d'écrire ou peut compenser
une vitesse de frappe insuffisante pour une réelle
efficacité scolaire.
Cette fonction d'aide peut donc compenser
des difficultés marquées ou des incapacités liées
à:
• la mise en texte et à l'organisation des idées en
vue d'écrire,
• ou une vitesse de frappe insuffisante pour une
réelle efficacité scolaire.
Traduction
La traduction est une fonction qui consiste à traduire un mot, une phrase ou un texte d'une langue
à une autre. Cette fonction d'aide peut compenser
des difficultés marquées ou des incapacités liées à
la lecture/écriture d'une seconde langue.
Écriture mathématique, géométrie
Cette fonction d'aide peut compenser des difficultés marquées ou des incapacités liées à l'écriture
ou à la réalisation de dessin et de raisonnement
à partir des dessins en géométrie. La réalisation
des tracés se fait à partir des propriétés géométriques, ce qui permet un traitement séquentiel
qui contourne les difficultés visuo-spatiales de
l'enfant en s'appuyant sur la verbalisation des
tâches à réaliser. Ces outils offrent la possibilité
d'analyser la démarche de construction de l'utilisateur, ce qui permet une analyse afin d'améliorer
les apprentissages.
Notons qu'il existe d'autres fonctions d'aide
dans d'autres domaines : l'organisation, le rappel
de tâches, la gestion du temps, la réalisation de
séquences de tâches, la géolocalisation, etc.
Prise de notes numérique
et vocale
La prise de notes numérique et vocale permet de
prendre des notes vocales et écrites simultanément. Les deux modes de prise de notes sont de
ce fait synchronisés l'un à l'autre. La lecture de ces
notes bimodales se fait à partir du logiciel et les
notes peuvent être « revues » en mode dynamique
dans la séquence où elles ont été saisies. Cette
fonction d'aide peut donc compenser des difficultés marquées ou des incapacités liées à la mémoire
de travail, à la manipulation mentale des idées et à
la production de texte.
Résumé de texte
En conclusion
Le résumé de texte est une fonction permettant de
faire une synthèse d'un texte. Cette fonction d'aide
peut compenser des difficultés liées à la compré-
Le bilan des capacités/incapacités de l'enfant met en évidence les besoins de l'enfant.
Confrontés aux exigences de l'environnement
194
Chapitre 10. Cahier des charges pour les compensations : démarche d'analyse
et aux tâches scolaires, ils font émerger le cahier
des charges des besoins de compensation (fonctions d'aide).
À partir de ce cahier des charges, il convient de
rechercher les « outils » ou matériels les plus efficients.
Nota. – Un même outil peut répondre à plusieurs fonctions d'aide. Il ne s'agit pas de juxtaposer les outils : il faut rechercher la solution juste
nécessaire…
Leur mise en place et leur utilisation efficaces
ne peuvent se faire qu'à condition que soit conduit
avec l'enfant un apprentissage de l'outil soutenu
par un travail métacognitif.
Enfin, il faut en vérifier la « valeur ajoutée »
pour l'enfant.
Tout ceci est à réviser et à ajuster dans le temps
en fonction de l'âge et de l'évolution de l'enfant, de
son environnement, de son projet.
195
La vie quotidienne
L'enfant dyspraxique et les apprentissages
© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Les problèmes que rencontrent les enfants dyspraxiques du fait de leur handicap ne se limitent pas
aux situations d'apprentissage scolaire. Les actes
de la vie quotidienne (AVQ) – ou scolaire – sont
faits de mille gestes incessants dont la réalisation
rapide et correcte est indispensable aussi bien en
termes d'autonomie personnelle que d'interactions
sociales : se saluer le matin en arrivant à l'école,
enlever son manteau, l'accrocher au portemanteau
tout en discutant de la dernière émission de télévision ou du prochain contrôle, s'installer à sa table,
ouvrir son cartable et sa trousse, sortir le livre et
le classeur adéquats, les ouvrir à la bonne page,
écouter l'enseignant tout en inscrivant la date (ou
la consigne), prendre des notes, souligner tel item,
etc. Pour beaucoup, s'y ajoute le fait de brancher et
d'installer leur ordinateur, d'aller faire des photocopies à l'interclasse et de les retrouver au moment
opportun. Tout cela bien sûr en temps limité. Il se
peut aussi qu'il y ait sport ou piscine et qu'il faille
se déshabiller, puis se rhabiller rapidement. À
midi, à la cantine, d'autres praxies sont encore et
toujours sollicitées : prendre un plateau, se servir
à boire, couper sa viande, ouvrir un yaourt, peutêtre éplucher une pomme ou une clémentine.
Chapitre
11
primaire, d'incapable, de minable, de « gogol » ou
de « bouffon » plus tard), c'est la ruine de l'estime
de soi (incapable de faire ses preuves scolairement,
l'enfant est également incapable de « sauver la face »
durant les temps parascolaires, les récréations ou
les interclasses), c'est le découragement et le renoncement (tout est trop difficile, tout le temps).
C'est pourquoi il faut savoir accepter, avec discernement, de soulager l'enfant de certaines
tâches dans certaines circonstances, lister clairement les exigences du quotidien et n'entreprendre de rééducations en ce domaine que
dans des secteurs limités, à des moments bien
choisis : ce projet ne peut être conçu qu'en
étroite relation avec le jeune et sa famille et doit
être éminemment évolutif en fonction de l'âge et
des nécessités environnementales.
Nota. – Toutes les difficultés envisagées dans
ce chapitre ne concernent pas tous les enfants dyspraxiques. Comme toujours, il faut individualiser
les propositions en fonction de chacun.
Penser la place des AVQ
La journée de l'élève est ainsi une succession
ininterrompue de gestes complexes qui tous
nécessitent organisation praxique et spatiale,
qui tous le mettent en difficulté, dévoilent ses
incapacités, assèchent ses ressources attentionnelles, l'épuisent et s'additionnent pour aggraver
ses retards et son épuisement, inéluctablement,
tout au long du jour.
dans le projet de l'enfant
Pour bien cibler leurs objectifs dans le domaine
des activités de vie quotidienne (AVQ), les
­professionnels peuvent être guidés par plusieurs
questions clés.
La question de l'évaluation
Il faut d'abord disposer d'une sorte de photographie des capacités/incapacités de l'enfant et les
mettre en regard de son âge et des exigences particulières en milieu scolaire pour cet enfant-là, cette
Ici, l'enjeu n'est pas tel ou tel apprentissage, une
note au contrôle ou le passage dans la classe supérieure ; l'enjeu, c'est le risque permanent d'humiliation devant les copains (être traité de « bébé » en
197
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
année-là. Différents questionnaires existent, permettant de faire le point sur les actes essentiels du
quotidien. Ces questionnaires sont plus ou moins
succincts ou exhaustifs, certains prennent en
compte les désirs et ressentis des parents et ceux
de l'enfant lui-même (qui peuvent être forts différents !), d'autres proposent un bilan en condition
« écologique », etc. [79–82].
donc que « quand il veut, il peut » !). Il est en effet
difficile pour les adultes de se rendre compte de
l'intensité des efforts demandés à l'enfant, car il
s'agit de tâches considérées comme banales, réussies très précocement par des enfants typiques.
En outre, il leur est inimaginable que l'enfant ne
puisse jamais réaliser, même tardivement, certaines de ces tâches, si quotidiennes.
Ces assertions erronées sont très préjudiciables
et influent négativement sur le désir d'autonomie
du jeune : il se décourage, renonce, les demandes
excessives des adultes sont vécues comme inatteignables.
L'évaluation en situation scolaire est très
importante [82] et trop souvent négligée ou
extrapolée à partir du vécu familial. Or, à
l'école (contrairement au domicile), l'enfant est
en permanence soumis à une double contrainte
qui aggrave (ou révèle) le handicap : faire vite et
faire sous le regard de ses camarades.
Outre l'épuisement qu'elles provoquent, ces
exigences abusives induisent chez l'enfant handicapé un sentiment permanent d'insuffisance : au lieu de recueillir compliments et
félicitations pour ses réussites (même partielles, même ponctuelles), il ne lui est renvoyé
au contraire que des critiques concernant les
moments (ou les situations) où il ne répond pas
aux attentes démesurées de certains adultes.
La question des conditions
de la faisabilité
L'enfant peut-il (ou pourra-t-il) raisonnablement
effectuer tel acte seul ou avec aide (et de quelle
nature) et à quels moments (cf. p. 23) ? Seuls des
bilans (analytiques et fonctionnels) peuvent permettre de juger de la faisabilité, totale ou partielle,
de tel ou tel acte en croisant :
• d'une part, les capacités de l'enfant (en termes
de motricité, d'organisation praxique, de
schéma corporel, de traitements spatiaux et de
mode de vie, de besoins, de goût) ;
• d'autre part, les compétences sollicitées par la
tâche (en termes de force, d'adresse, de précision, de rapidité, d'organisation visuo-practospatiale, de mémorisation…).
Quoi qu'il fasse, quelque effort qu'il fournisse,
quelque exploit qu'il finisse par accomplir, ce n'est
jamais assez. Les exigences doivent donc être évaluées non à l'aune du souhaitable, mais à l'aune
du possible, puis régulièrement revues avec l'âge,
l'évolution ou les progrès de l'enfant et toujours
dosées avec réalisme.
Exemples
Exemple 1
Le jeune A., 12 ans, est désormais capable de
s'habiller seul : ses parents, tout comme ses
thérapeutes, insistent donc pour qu'il s'habille désormais seul, tout le temps. Chacun est
conscient qu'il s'agit pour A. d'un effort, mais
cet effort est perçu à la fois comme l'aboutissement de progrès longuement attendus et
comme la preuve qu'il peut (plus ou moins)
« faire comme tout le monde ». Mais au bout
de quelques mois, A. nous dit son découragement : son AESH ne l'aide plus (« Maintenant,
tu peux le faire seul », lui dit-elle), il est épuisé
et se repose… pendant les cours !
Lorsque la faisabilité n'est que partielle, il convient
de préciser au mieux dans quelles circonstances
c'est réalisable par l'enfant seul ou dans quelles
limites (problème de la double tâche, cf. p. 21).
En effet, c'est encore trop souvent que, dès qu'il
arrive laborieusement à ébaucher ou à réaliser un
geste donné, l'enfant est ensuite mis en demeure
de réaliser cette performance en permanence
(puisqu'il a déjà montré qu'il peut le faire, c'est
198
Chapitre 11. La vie quotidienne
Ce que A. peut faire lentement et à petites
doses, il ne peut le réussir toute la journée
(récréations, heures de sport, passage aux
toilettes), alors même que d'autres actions
lui sont simultanément réclamées, et toujours dans l'urgence de la sonnerie de fin de
cours ou de fin de récréation. Il faut donc
encore accepter que son AESH l'aide, à certains moments (durant les interclasses les plus
courts), afin de lui laisser des temps de pause,
de récupération, de discussion et de jeu avec
ses camarades.
der de façon autonome, à certains moments
(en particulier, au domicile, en dehors de
toute contrainte de temps…).
Exemple 3
Le jeune W., 21 ans, dyspraxique, en stage
dans une petite étude notariale (sans secrétariat), est chargé de façon récurrente d'expédier des courriers qu'il doit préalablement
plier et mettre sous enveloppe. De manière
ponctuelle, sans contrainte de temps, hors
situations de double tâche, W. peut plier
correctement un courrier et le mettre dans
l'enveloppe. Or, cette tâche se révèle impossible à réaliser en situation écologique, c'està-dire en temps limité, tout en répondant à
un interlocuteur, de façon répétée, avec une
exigence de présentation. Sur le plan professionnel, W. doit s'appuyer en permanence sur
la présence d'un secrétaire, ce qui contraint ses
choix.
Exemple 2
L., 14 ans, arrive souvent au collège « négligé »,
ce qui lui vaut non seulement des réflexions
désagréables des adultes, mais aussi des
copains. Cheveux sales, vêtements mal choisis, aspect débraillé… Sa mère, consciente du
problème, ne sait comment faire, car il est
hors de question qu'elle intervienne dans
la toilette de ce grand adolescent autrement que par des remarques verbales dont
il semble ne tenir aucun compte. Profitant
d'accompagnements à la piscine, l'ergothérapeute note que les difficultés sont majeures
lors du passage sous la douche : L. ne shampouine que la partie visible dans la glace de
sa chevelure, ne se rince que très partiellement, sort de la douche à moitié couvert de
savon qu'il n'essuie que très grossièrement en
passant vaguement la serviette sur le devant
de son corps. Des essais de verbalisation (en
nommant les différents endroits du corps
où il doit passer la douche, vérifier le rinçage, effectuer le séchage…) ne sont pas très
convaincants : la durée de la toilette devient
ingérable et le résultat est certes un peu amélioré, mais pas de façon suffisante ! Il lui est
bien sûr impossible de se couper les ongles ou
de rentrer sa chemise dans son pantalon.
Lors d'une discussion avec L., nous prenons
conscience qu'il souhaite une aide qu'il n'ose
pas réclamer : une aide à la toilette peut lui
être proposée au domicile de façon pluri-hebdomadaire (auxiliaire de vie), tandis que sa
mère s'assurera de l'habillage et de la présentation générale. Au collège, il fréquentera les
toilettes de l'infirmerie, l'infirmière pourra
l'aider au rhabillage. Simultanément, on propose une rééducation ciblée, de type CO-OP
(cf. p. XXX), visant certains aspects des soins
corporels auxquels, peut-être, L. pourra accé-
La question de l'opportunité
Outre la question de la faisabilité, il faut s'interroger sur l'utilité de telle ou telle action. Tel acte
est-il véritablement utile en ce moment pour cet
enfant-là (et/ou cette famille) ? Peut-il l'investir
dès à présent ou, au contraire, peut-on en différer
la réalisation (au profit d'un objectif plus urgent
ou pour éviter une surcharge de travail…)
Car on ne peut pas tout rééduquer tout le
temps : pour certains gestes, il faut savoir
renoncer soit définitivement, soit momentanément (cf. p. 23).
Exemples
Nos préconisations, qui nous semblent quelquefois bénignes, car faisant appel à des
matériels ou à des situations banales, se
heurtent en fait aux habitudes familiales et
culturelles.
 Le jeune M., 8 ans, dyspraxique, montre au
décours d'un bilan qu'il a beaucoup de mal à
utiliser le couteau et la fourchette. Lors d'une
réunion de synthèse, ce problème est soulevé
et l'ergothérapeute propose de commencer
un travail en ce sens. Mais ni M. ni ses parents
ne voient l'intérêt de ce projet : à la maison,
199
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
on mange avec les mains la semoule ou le riz
pris dans le plat commun et M. se débrouille
parfaitement. Or, il prend tous ses repas au
domicile familial…
 À l'inverse, R., 10 ans, ne peut pas lacer ses
lacets. Nous préconisons tout simplement des
chaussures à Velcro® ou à lacets élastiques.
Mais l'enfant (au bord des larmes) et ses
parents qui le soutiennent insistent : R. veut
absolument être chaussé comme ses grands
frères (très sportifs) et porter des baskets à
lacets… et nous devrons nous exécuter.
 F., 9 ans, refuse obstinément d'utiliser une
brosse à dents électrique puisque les autres
membres de la famille n'en utilisent pas.
Notre insistance marque la différence de perception entre les professionnels (il s'agit pour
nous d'une adaptation banalisée) et la famille
que nous n'arriverons pas à convaincre : ce
choix modifie les habitudes familiales, il est
imposé par le handicap ; pour eux, il signe le
handicap.
égard à son âge et à ses conditions de vie), mais
ces objectifs ne peuvent être conçus en dehors du
projet global : chaque élément du projet thérapeutique doit être remis en perspective avec tous les
autres (cf. p. 29, 41, 42). C'est donc au cas par cas
qu'il faut s'adapter, sérier les propositions dans le
temps, faire évoluer le projet.
Exemple
L'enfant peut apprendre à remplir des formulaires administratifs à tout âge, d'autant
que la plupart sont désormais disponibles
sur Internet et peuvent (ou pourront ?) être
remplis en ligne68. Il n'y a rien là d'urgent à 8,
10 ou 14 ans, alors qu'au contraire apprendre
l'orthographe, la grammaire, la planification
des phrases pour rédiger un écrit est une exigence qui ne peut attendre (et qui suppose
que l'enfant soit en capacité de produire un
écrit sans être en double tâche, cf. p. 21).
Au contraire, être correctement essuyé et
rhabillé après être passé aux toilettes est un
impératif social fort, à tout âge.
La question des priorités
Ce nouveau questionnement est central dans tout projet thérapeutique. On ne peut pas multiplier sans fin
les rééducations hebdomadaires : en ce domaine, selon
l'adage, le mieux est très souvent l'ennemi du bien. Il
faut au contraire s'imposer de hiérarchiser les priorités,
déterminer quels sont les éléments du projet qui sont
dépendants de contraintes temporelles fortes ou qui ne
peuvent être remis à plus tard sans dommage sérieux.
Nous avons déjà signalé les contraintes liées à un projet
scolaire exigeant (cf. p. 32, 34), dont dépend souvent
l'avenir à long terme du jeune. Il peut aussi s'agir d'une
intervention chirurgicale (qui remet à plus tard les
objectifs scolaires) ou encore de nécessités liées à des
projets ponctuels (classe externée…).
Il faut savoir sérier dans le temps les objectifs
rééducatifs : certains doivent être acquis rapidement, tout délai représentant un surhandicap, alors que d'autres peuvent être repoussés
un temps et être proposés ultérieurement sans
grand dommage et avec autant d'efficacité.
D'une façon générale, lorsque l'enfant est
jeune (5–10 ans), le projet prioritaire (du fait de
contraintes temporelles fortes, cf. p. 34) est celui
des apprentissages et de la scolarité. Par ailleurs,
il est encore socialement acceptable qu'il soit (discrètement) aidé des adultes dans de nombreuses
activités journalières.
Ce n'est donc que progressivement (souvent en
fin de primaire, au collège ou au début de l'adolescence) que de réels objectifs d'autonomie de
vie quotidienne, toujours limités et bien choisis, s'ajoutent.
Ce n'est que lorsque le projet scolaire est peu
ambitieux ou paraît peu réaliste (cf. p. 41) que ces
aspects (autonomie, indépendance) sont légitimement au premier plan du projet individuel.
Il est évidemment très important de rendre
l'enfant le plus indépendant, puis le plus autonome possible (compte tenu de son handicap, eu
68
200
À ce jour (décembre 2015), l'ensemble du dossier de
demande auprès de la MDPH de Paris (CERFA
no 13788*01) est téléchargeable. Cependant… il ne
peut pas être renseigné en ligne !
Chapitre 11. La vie quotidienne
La question de la présence
d'un AESH « à temps plein »
« Parfois, les malentendus se situent du côté de
l'interprétation des textes. En effet, le rôle de
l'AESH y est présenté comme facteur d'accès à
l'autonomisation et cela peut parfois interférer
dans la compréhension des difficultés de l'enfant.
Ainsi avons-nous connu un jeune dyspraxique
pour lequel l'AESH avait en particulier pour rôle
de l'aider dans le séquençage des tâches à réaliser.
L'enfant parvenant, grâce à cette aide, à un niveau
de réalisation correct, il a été décidé, contre
notre avis, une diminution d'accompagnement
au nom d'une nécessaire autonomisation. Au fil
des semaines, les productions de l'enfant se sont
dégradées et l'enseignant a alors alerté l'équipe,
allant jusqu'à évoquer une régression que nous ne
constations pas par ailleurs au niveau des prises
en charge individuelles. Il a été très difficile de
faire entendre que seul l'accompagnement à
temps complet de l'AESH pouvait permettre le
maintien des performances de l'enfant. »
A. Boissel, O. Pacual-Bouys [83]
Enfin, la question de l'aide humaine, de son rôle, de
ses indications et de ses limites est fondamentale.
Lorsqu'il a été convenu que l'aide d'un AESH était
indispensable pour permettre une scolarisation de
qualité69, on entend souvent prétendre qu'il serait
très important que l'enfant dyspraxique ne soit pas
« en permanence » aidé de l'AESH. Ce serait donc
intentionnellement, pour un motif « éducatif » (voire
« rééducatif »), que ces enfants ne bénéficieraient
d'un AESH qu'à temps partiel (cf. p. 72, 93, 127, 170) :
les demi-journées scolaires « sans AESH » seraient
indispensables pour permettre au jeune dyspraxique
de devenir autonome. De même, on entend souvent
dire que le jeune « se repose trop » sur son AESH ou
« ne fait plus d'efforts »…
Ces raisonnements, empreints de faux bon sens,
sont en fait la résultante de deux dérives :
• l'une consiste (par ignorance) à assimiler le
jeune dyspraxique à un enfant qui doit « faire
des efforts » (toujours plus de la même chose qui
ne marche pas) pour parvenir plus ou moins à
« faire comme les autres » (cf. p. 5, 6). Dans cette
optique erronée, faire à sa place le priverait d'un
entraînement utile et retarderait son accès à
l'indépendance… ;
• l'autre consiste à oublier que l'école n'est pas le
lieu des rééducations : s'il est vrai que les enfants
valides sont progressivement entraînés à devenir
autonomes dans leur travail et dans leur organisation scolaire, c'est que cela ressort bien d'actions
éducatives et pédagogiques puisqu'ils ne sont pas
handicapés. Mais lorsque l'enfant est handicapé,
l'apprentissage de ces gestes et/ou de ces stratégies est souvent très retardé et est du ressort de
spécialistes qui connaissent la pathologie, et c'est
donc du domaine du secteur des soins.
Ce n'est certainement pas l'absence (ou la suppression partielle) de l'AESH qui aide l'enfant
dyspraxique à être moins handicapé ou plus
autonome : ce sont les actions rééducatives (ou
palliatives) qui sont entreprises avec des stratégies spécifiques, adaptées au handicap. Ces aides
et adaptations n'ont pas vocation à être interrompues, mais elles doivent évoluer en fonction de
l'âge, des objectifs et des tâches demandées.
Par exemple, un jeune de 6 ans peut être lavé
et habillé par sa mère. À 15 ans, il peut bénéficier d'une salle de bains aménagée et faire sa toilette seul le soir ou le week-end avec du temps. À
30 ans, il pourra être aidé par une tierce personne
les jours où il va travailler (contrainte de temps et
de fatigue).
Enfin, il ne faut pas nier que, quelquefois, le
désir de limiter le temps de présence de l'auxiliaire
auprès de l'enfant ne résulte que de la difficile gestion de la pénurie : les AESH ne sont pas toujours
disponibles en nombre suffisant (cela dépend des
départements, des académies) pour répondre,
dans les meilleures conditions, aux besoins de
tous les jeunes handicapés scolarisés.
À l'école, on doit au contraire veiller à ne pas
surcharger inutilement l'enfant de consignes et
d'exigences excessives : la première mission de
l'école reste l'apprentissage, objectif qui chez
l'enfant porteur d'une dyspraxie isolée pose peu
de problèmes, du moins s'il est déchargé de l'essentiel des tâches matérielles practo-spatiales.
69
Or, malheureusement, l'enfant dyspraxique est
dyspraxique à temps plein : c'est donc à temps
plein qu'il a besoin d'aide à l'école, ce qui ne
veut pas dire qu'il a besoin d'aide pour tout…
L'attribution d'un AESH n'est ni automatique, ni systématique, ni liée au seul diagnostic de dyspraxie, mais
dépend de l'évaluation du handicap faite par la MDPH.
201
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
C'est aux professionnels, lors des réunions d'équipe
éducative, lors de la conception d'un PAP ou d'un PPS,
de déterminer très précisément quelles tâches l'enfant
peut (doit) faire seul, dans quelles circonstances il doit
être aidé de l'AESH et, précisément, de quelle façon,
et enfin dans quelles situations l'AESH doit faire à sa
place (cf. p. 93, 127, 170 et 181).
Exemples
 Plusieurs fois pas jour, il faut mettre et enlever son manteau pour aller en récréation. La
stratégie proposée aux petits de maternelle
(poser le vêtement à plat au sol devant soi,
enfiler les manches droit devant, puis passer
le corps du manteau par-dessus la tête, derrière soi) finit généralement par être acquise –
quoique tardivement – par les jeunes DVS.
Cependant, à partir d'un certain âge, il est
impossible que l'enfant applique cette tactique, vécue comme vexatoire (parce que proposée aux « bébés »). Exiger cela de l'enfant
ne le rend pas « plus autonome », mais achève
de détruire son image de lui, pour lui-même
et dans le regard de ses pairs.
 Se rhabiller partiellement, en prenant son
temps, assis sur un petit tabouret adapté,
n'est pas du tout la même chose que de se rhabiller entièrement, assis par terre, très rapidement, sur corps humide, après la piscine…
Il est certain qu'une bonne formation des enseignants sur ce sujet (en quoi consiste le handicap
du jeune dyspraxique ? Quels sont les objectifs
poursuivis à l'école et quels sont les moyens d'action efficaces ?), de même qu'une formation minimale des AESH sur ces thèmes permettent d'éviter
ces errements très préjudiciables à l'enfant.
En effet, d'une part, durant les temps où il n'est
pas aidé par son AESH, l'enfant se retrouve en
situation de surhandicap, implicitement sommé de
travailler en double ou triple tâche, et ce généralement à l'insu des adultes. Il est finalement privé
de toute compensation de son handicap, sommé
de travailler comme s'il n'était pas (ou plus) dyspraxique…
D'autre part, si certains adultes le jugent trop
assisté, l'enfant lui-même ne sait plus quelle est – ou
non – la légitimité de l'aide dont il bénéficie (cf. p. 76,
77, 85, 127, 172). Il doute de la validité de ses résultats, de ses acquis et de ses réussites en présence de
l'AESH.
La tâche de l'AESH doit donc être très bien
délimitée, laissant toute la place à l'enfant – et à
l'enfant seul en ce qui concerne la réflexion, les
déductions, la verbalisation de ses connaissances
ou de ses explications –, et ne se substituant à lui
(totalement ou partiellement, en fonction de l'intensité du handicap et de la situation) que si (mais
à chaque fois que) il s'agit de tâches de réalisation
manuelle ou practo-spatiale.
Quoi qu'il en soit, ces aides ou adaptations
doivent toujours être les plus discrètes possible : l'enfant ne recherche pas cette dépendance dont il est victime du fait de son handicap.
Il faut l'aider efficacement, mais sans l'humilier, en particulier devant ses pairs.
Ce sont les ATSEM70 ou les éducateurs de cantine, l'enseignant et/ou l'AESH qui, dans le cadre
scolaire, dispensent au quotidien les aides nécessaires : ils doivent donc être directement et précisément informés des besoins de l'enfant (ce qu'il peut
actuellement faire seul, avec aide, ou pas du tout).
C'est pourquoi, pour éviter toute dissension des
adultes autour de l'enfant, il est indispensable que
ces éléments soient listés et précisément notés dans
le PPS de l'enfant (cf. p. 186). Il est également fondamental d'en discuter avec l'enfant lui-même.
Rééduquer
Si l'on décide, à certains moments, de rééduquer
certains gestes, il faut choisir des stratégies utilisables par le jeune dyspraxique et ne pas simplement lui proposer un entraînement classique, plus
intensif ou de plus longue durée (toujours plus de
la même chose qui ne marche pas, cf. p. 5, 24). Ces
70
202
ATSEM : agent territorial spécialisé des écoles maternelles, chargé d'assister les enseignants dans les
classes maternelles.
Chapitre 11. La vie quotidienne
rééducations (ergothérapeute, psychomotricien),
proposées en séances individuelles ou en très petit
groupe, peuvent ensuite (souvent partiellement)
être transférées en milieu naturel (école, domicile)
avec l'aide du rééducateur qui doit bien connaître
les conditions habituelles de réalisation du (ou
des) geste(s) en question.
La stratégie CO-OP (Cognitive Orientation to
Occupational Performance) inspirée de l'autoguidage verbal de Wilcox et Polatajko (1993) paraît
en ce sens très prometteuse et rejoint, de fait,
l'expérience commune de nombreux thérapeutes
(cf.p. 27).
« Il n'existe pas de protocole thérapeutique
modèle à disposition des thérapeutes prenant
en charge les enfants atteints de TAC. […]
Mais cette étude comparative apporte de
solides éléments montrant que l'approche
thérapeutique CO-OP est supérieure [par
rapport aux autres thérapeutiques proposées]
vis-à-vis de l'acquisition d'habiletés
spécifiques. »
H.-J. Polatajko, N. Cantin [33]
Réduire le déficit ?
De nombreuses stratégies ont été proposées pour
la rééducation des enfants présentant un TAC ou
une dyspraxie. La plupart ont fait l'objet de récentes
méta-analyses qui ont conclu à leur inefficacité [33]
(cf. p. 125). Il est donc paradoxal de les voir toujours
enseignées, prônées et utilisées par certains…
En fait, il faut renoncer à utiliser l'entraînement sensori-moteur, les feed-back sensoriels, la
démonstration, l'imitation, l'organisation spatiale
et l'ensemble des traitements simultanés (traitements visuo-spatiaux), renoncer à réduire ce
qui pourtant pouvait apparaître (dans les années
1970) comme la cause de l'échec gestuel (proprioception, équilibre, coordination…).
Tout choix rééducatif actuellement orienté en
ce sens serait très critiquable.
Réduire le handicap : verbaliser,
séquentialiser
Il s'agit ici moins de chercher à réduire le déficit
qu'à utiliser les compétences préservées : tenter
d'obtenir un résultat fonctionnellement satisfaisant par des voies inhabituelles, c'est-à-dire en
utilisant les traitements séquentiels dans lesquels
excelle souvent le jeune dyspraxique, traitements
dont le langage est un vecteur privilégié.
Cependant, utiliser le langage dans la rééducation gestuelle (comme dans toutes les activités
visuo-practo-spatiales) n'est pas chose facile, ni
triviale, ni évidente. Il est donc très utile de s'appuyer sur des stratégies déjà existantes, mises au
point et déjà expérimentées dans des populations
d'enfants présentant des pathologies du même
type ou très proches (TAC).
Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur
aux auteurs qui ont développé cette méthodologie
[37, 41, 43–47].
L'apprentissage de petites comptines verbales (autoinstructions verbales) qui décrivent précisément la
succession des étapes à réaliser, la procédure, est toujours efficace. Mais elle ne peut être appliquée qu'à
des actions restreintes (ponctuelles et/ou partielles),
du fait de la longueur de la récitation nécessaire et
de la lenteur de l'enfant. Par ailleurs, ces stratégies
verbales sont très coûteuses sur le plan attentionnel :
cela signifie que l'enfant ne pourra pas les appliquer
en même temps qu'il lui faudrait exécuter une autre
tâche (y compris intellectuelle).
Il faut donc déterminer, avec le jeune et ses
parents, quelques actes bien choisis qui donnent
lieu à ce type d'entraînement.
Il s'agit de repérer les difficultés précises de cet
enfant-là, dans telle tâche particulière, en précisant les circonstances où le geste doit effectivement être produit (environnement matériel, délais,
installation ou position de départ…). Il faut alors
lister précisément avec l'enfant les points sur lesquels il achoppe (échoue, se trompe, effectue trop
­approximativement…), mettre en mots exactement la
procédure correcte pour chacun de ces points, constituant une petite récitation dont on vérifie qu'elle permet bien à l'enfant de résoudre son problème.
203
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
Malgré ses limites, cette stratégie peut être une
aide précieuse pour certains actes de la vie quotidienne, fréquents et répétitifs, pour lesquels l'enfant ne peut être aidé sans humiliation.
Pallier, contourner, adapter, éviter
C'est, in fine, la stratégie la plus économique, la
plus rentable et donc la plus utilisée aussi bien au
domicile qu'en milieu scolaire.
Habillage
La plupart des jeunes finissent par être capables
de s'habiller, du moins si :
• ils disposent de suffisamment de temps (les weekends ou les vacances peuvent être des moments
privilégiés pour un entraînement de ce type) ;
• les vêtements sont bien disposés ou repérés
(envers/endroit, devant/derrière) ;
• ils ne comportent pas d'attaches particulièrement difficiles (petits boutons, agrafes…) ou
des orientations inhabituelles (attaches dans le
dos, ceintures croisées, laçages compliqués…).
Le problème du quotidien est donc lié d'une
part à la contrainte temporelle (il faut s'habiller,
totalement ou partiellement, mais toujours vite) et
d'autre part à certains vêtements : bouton du jean,
fermeture Éclair® de l'anorak, manche malencontreusement repliée…
Il faut donc choisir avec soin les vêtements
lors de l'achat et, assez souvent, prévoir quelques
adaptations pour faciliter la meilleure autonomie possible de l'enfant : fermetures Velcro® qui
supportent un « à-peu-près », étiquette marquant
le dos, discrètes marques de couleur facilitant le
repérage droite/gauche, pantalons à élastique à la
taille (un faux bouton peut imiter le jean, évitant
les éternels « joggings »), etc.
Ces aménagements sont à concevoir au cas par
cas et, bien sûr, à faire évoluer avec l'âge et les
goûts vestimentaires des parents et surtout… de
l'adolescent !
Dans certains cas, il peut être préférable (voire
indispensable) que l'enseignant et/ou l'AESH soit
informé du problème et habille rapidement et discrètement l'enfant lors des récréations ou des sorties,
notamment lorsqu'il faut être rapide (sortie de classe
un peu en retard, interclasse très court, piscine…).
Repas
Différentes stratégies peuvent être mises en place,
en fonction de l'intensité du handicap et de l'âge de
l'enfant. On peut envisager la présence d'un éducateur de cantine auprès de l'enfant (ou à sa table)
lors des repas ou la mise à disposition d'un plateaurepas prépréparé (viande coupée, verre rempli,
yaourt ouvert, pomme ou clémentine épluchée)
et l'aide d'un copain pour le transport du plateau
(ce qui lui permet de déjeuner avec ses camarades
sans intervention d'un adulte à ses côtés), etc.
Au collège, c'est une solution qui est généralement refusée par le jeune adolescent. Soit il se
débrouille pour manger ce qu'il peut comme il
peut, soit il ne mange pas du tout (évitement).
Dans ce dernier cas, on peut conseiller la prise
d'un petit-déjeuner copieux type « brunch » au
domicile, où l'enfant dispose de plus de temps et
de l'aide parentale.
Toilettes
C'est un sujet épineux dont les jeunes et leur famille
hésitent à parler. Beaucoup d'enfants règlent le problème simplement par une stratégie d'évitement et
ne vont jamais aux toilettes durant les heures scolaires. En effet, plusieurs problèmes se conjuguent
pour rendre ces moments particulièrement délicats
pour nombre de jeunes dyspraxiques.
Gestion du temps (récréation,
interclasse)
Il faut que l'enfant, qui a besoin de plus de temps
que les autres, puisse être autorisé à sortir de
classe en premier (quelques minutes avant le rush
de la récréation ou de l'interclasse), ce qui est souvent envisageable en primaire, mais plus difficile
au collège et au lycée. On peut aussi le dispenser
de l'attente aux toilettes communes en le déclarant « prioritaire » ou en l'autorisant à utiliser les
toilettes de l'infirmerie.
S'essuyer
Ce geste complexe – d'ailleurs acquis tardivement
par les jeunes enfants dont beaucoup doivent souvent être encore aidés jusqu'en fin de maternelle –,
où il faut coordonner la manipulation du papier,
le mouvement de rotation de la main et les fesses
hors du champ de vision, reste souvent définitive-
204
Chapitre 11. La vie quotidienne
ment difficile à gérer, sans que les jeunes ni leurs
parents n'osent aborder ce problème pourtant
pluriquotidien. La mise à disposition de lingettes
de bonne taille (que l'on trouve facilement dans le
commerce) facilite souvent le geste et… parfume
agréablement le jeune en attendant la douche du
soir, lui évitant des réflexions humiliantes de la
part des adultes ou de ses pairs.
À partir d'un certain âge, ces difficultés
induisent un handicap de plus en plus marqué
sur le plan social, avec risque de mise à l'écart.
Il faut arriver à en parler et faire des propositions concrètes et efficaces. Outre l'utilisation de
lingettes ou de gants jetables, des toilettes japonaises avec télécommande infrarouge (désormais
plus accessibles dans le commerce) peuvent être
installées au domicile. On peut aussi prévoir la
planification des selles à heures fixes au domicile
(laxatif) ou encore une aide humaine.
Dans le même ordre d'idées, des difficultés particulières sont à noter pour les jeunes filles, dont
certaines sont systématiquement absentes durant
la période de leurs règles… Aussi, lorsqu'un refus
scolaire s'installe (ou des absences répétées dont
la justification paraît douteuse), il faut quelquefois savoir interroger discrètement la jeune fille
ou ses parents, puis chercher des solutions avec la
maman et l'aide de l'infirmière scolaire.
Exemple
La jeune D., 11 ans, est en grande difficulté depuis qu'elle est réglée. Nous avions
constaté des absences régulières, de quelques
jours tous les mois, ce qui nous a conduits à
interroger la maman au décours d'un rendezvous médical. D. est en effet dans l'incapacité
de positionner sa serviette hygiénique correctement, de se changer plusieurs fois par
jour. Son ergothérapeute et sa maman ont
cherché les protections les plus adéquates
(sans ailette ni repère anatomique devant/
derrière…) et ont travaillé la verbalisation de
la succession et de l'orientation des gestes, en
espérant une meilleure autonomie à l'avenir.
Parallèlement, conscients des limites de cette
stratégie très coûteuse en temps et en énergie pour D., nous avons sollicité l'aide de l'infirmière scolaire. Cependant, tous les collèges
ne disposent pas d'une infirmière…
Se rhabiller
Nous l'avons évoqué à plusieurs reprises, cette
dernière étape est capitale pour éviter le ridicule
et échapper aux moqueries des camarades. De
petites comptines brèves peuvent être mémorisées
et constituer la base d'auto-instructions verbales.
Mais lorsque plusieurs ou l'ensemble de ces étapes
posent régulièrement problème, il faut rapidement
proposer que le jeune dyspraxique puisse utiliser
les toilettes de l'infirmerie (au collège), avec l'aide
discrète mais efficace de l'infirmière.
Sports
Paradoxes
C'est certainement dans ce domaine que les
interrogations et les étonnements des adultes
non informés sont les plus importants, que les
paradoxes apparents sont le plus spectaculaires
(cf. p. 3, 5) : tel qui ne peut boutonner un bouton
joue au ping-pong, tel autre qui ne peut tracer une
lettre joue au tennis avec un bon niveau de réussite !
Bien sûr, cela tient à la distinction d'une part
entre TAC et dyspraxie (cf. p. 15) et, d'autre part,
entre différents types de dyspraxies, ces dernières
n'étant encore que très partiellement élucidées. En
dépit du manque cruel d'explications ou de classifications convaincantes, nous ne pouvons que
constater que ces paradoxes ne sont pas rares. Il
semble, à l'observation clinique de tels cas, que
ce sont surtout les gestes dont la composante
balistique rapide est prégnante qui puissent être
respectés, les activités constructives (et spatiales)
étant atteintes de façon particulièrement « pure »
chez certains de ces jeunes. Dans notre expérience, les difficultés scolaires et sociales ne sont
guère différentes dans les deux groupes…
En outre, le sport à partir du collège impose
de changer de tenue vestimentaire, y compris les
chaussures.
Possibilités et impossibilités
Au-delà de ce qui peut apparaître comme des
bizarreries assez anecdotiques de la clinique
neurodéveloppementale, on note malgré tout
que l'immense majorité des enfants souffrant de
dyspraxie (et/ou de TAC) présente une grande
maladresse motrice : ce sont des enfants patauds,
205
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
balourds, maladroits de leur corps et encore plus
avec certains instruments (raquettes, balles…)
normalement conçus comme « le prolongement »
de la main, du geste manuel.
Le bilan psychomoteur confirme cette impression, mettant en évidence anomalies toniques de
régulation posturale, équilibres statiques et dynamiques compromis, coordinations gestuelles et
œil-main déficitaires, schéma corporel médiocre,
piètres capacités à reproduire des gestes, traitements spatiaux, ego- et/ou allocentrés, mal gérés.
On peut, en fonction probablement de leurs
expériences antérieures et de leur personnalité,
distinguer un peu schématiquement deux grandes
populations parmi ces enfants :
• ceux qui prennent plaisir à bouger, à participer à
des jeux moteurs, à accéder à certaines activités
malgré les difficultés et les restrictions imposées par leur handicap. Pour eux, il convient
surtout d'aménager les activités sportives en
fonction de leurs possibilités/impossibilités, de
leurs intérêts, de leur plaisir, de la place qu'ils
veulent (qu'ils peuvent) prendre dans le groupe –
classe ou dans une équipe. On peut prévoir
une progression adaptée à leurs performances
en début d'année, ou bien aménager certaines
activités, ou encore leur confier des rôles moins
« praxiques » : chronométrer, participer à l'arbitrage, etc. ;
• ceux qui le vivent dans la honte et l'humiliation (en particulier par rapport à leurs camarades de classe), et ce quelquefois en dépit de
la pertinence des adaptations proposées, de
l'empathie et de l'attention de certains professeurs d'éducation sportive. Dans ces cas, il faut
savoir renoncer à l'activité sportive (certificat de
contre-indication partielle ou totale), au moins
un temps, et favoriser une écoute psychologique.
Nota. – Les activités aquatiques restent presque
toujours positivement investies, même lorsque le
jeune ne peut acquérir une nage académique.
Ces activités sportives ne constituent pas seulement une partie du programme scolaire officiel :
elles représentent aussi, surtout pour les jeunes
garçons (beaucoup plus nombreux à souffrir de
dyspraxie que les filles), des loisirs de prédilection (vélo, football…), aussi bien dans les cours de
récréation que dans les moments extrascolaires,
activités qui leur permettent de se confronter à
leurs pairs, d'engager des joutes et des compétitions nécessaires à leur construction identitaire.
206
La souffrance générée par leurs échecs et leurs
piètres performances peut être intense, aussi
bien chez le jeune que chez les parents.
Exemples
Exemple 1
Après près d'un an de consultations diverses
initiées par la mère, le diagnostic de dyspraxie est porté chez I., à l'âge de 12 ans,
alors qu'il est en sixième et en grande difficulté scolaire. Le père refuse de venir nous
rencontrer et nie le diagnostic, banalisant les
difficultés de son fils (« Il ne travaille pas suffisamment »). Or, I. aussi refuse le diagnostic et
bien sûr les aides que nous proposons, jugées
non seulement stigmatisantes, mais surtout
sans objet (il reprend les arguments de son
père : « Quand il décidera de travailler, il y
arrivera ! »). Étant dans l'impasse, d'une part
nous proposons plusieurs rencontres entre I.
et le psychologue clinicien ; d'autre part, nous
insistons pour rencontrer le père au moins
une fois.
Lors de ce premier entretien, la voix cassée, il
relate sa déception devant ce fils, alors âgé de
3 ou 4 ans, qu'il emmenait au square voisin.
Tous les autres enfants courraient du toboggan à la balançoire, grimpant, sautant, fiers
de leurs exploits devant leurs parents ravis,
et lui, il voyait I. se hisser laborieusement et
maladroitement en haut du mini-toboggan
réservé aux bébés, sous les rires moqueurs
des plus jeunes, réclamant l'aide de son père,
chutant, pleurant, renonçant. Des années
plus tard, le père pouvait encore évoquer
ces blessures avec une intensité douloureuse
intacte…
Exemple 2
T., 10 ans, en CM1, présentant une grande
dyspraxie développementale, parle de son
vécu à l'école : il dit comme les camarades de
classe sont « gentils avec lui ». Il en donne pour
preuve le fait qu'ils l'acceptent, à tour de rôle,
pour jouer avec eux au foot à la récréation.
Sauf la semaine dernière (l'enfant est au bord
de larmes) : « Mais c'est parce qu'il y avait un
jour férié, alors je me suis trompé, je ne savais
Chapitre 11. La vie quotidienne
plus dans quelle équipe aller, celle de Max ou
celle de Victor, et comme je croyais que j'étais
dans l'équipe de Victor, il a dit : “Ah non ! on
va pas t'avoir deux fois de suite, faut pas exagérer quand même !” Alors, je suis parti, j'ai
pas joué, mais sinon, les autres fois, ils sont
gentils avec moi. »
Activités « d'expression »
Outre les activités d'éducation physique et sportive, les programmes prévoient des heures d'initiation aux arts plastiques et à la musique.
Arts plastiques
La dyspraxie, en distordant leurs capacités de réalisation graphique, de construction et d'assemblage,
compromet définitivement les capacités d'expression
graphique, picturale ou sculpturale de ces jeunes.
Tout comme nous l'avons dit plus haut pour le
sport, certains trouvent cependant plaisir à jouer
des formes et des couleurs et ils participent avec
plaisir à cette activité avec leurs camarades. Il faut
cependant pour eux aménager les exigences, les
évaluations, les modalités mêmes de réalisation
de certains ouvrages.
La résignation douloureuse de T. met en évidence la banalité, mais aussi la violence de ces
situations dont les enfants ne parlent pas
volontiers… Pour eux, il faut rechercher des
activités de loisirs où ils s'épanouissent vraiment, où ils ne sont pas mis en difficulté par
leur handicap, où ils peuvent réellement se
confronter à leurs pairs sans désavantage
notable.
Pour tel, incapable de faire du vélo sans petites
roues, situation d'autant plus insupportable que
son très jeune frère y réussit sans problème, la
maman a trouvé une activité de karting dans
laquelle il se débrouille avec plaisir. Pour un autre,
incapable de shooter dans un ballon et s'isolant
tristement lors des récréations, l'école a imaginé
de proposer, lors de la grande récréation de la mijournée, une rotation d'activités ouvertes à tous,
comprenant selon les jours des vidéos de documentaires, des concours de sudoku et de jeux de
société, un groupe théâtre, etc.
Il n'y a pas de solution toute prête. Il faut, au cas
par cas, selon les lieux, les ressources locales,
les opportunités, inventer pour chacun une
petite parcelle de solution pour éviter que
même les loisirs soient l'occasion de frustrations permanentes.
L'effort pour tenter de s'améliorer, la volonté de
« se dépasser » et de surmonter ses faiblesses est
certes une qualité. Mais il faut aussi veiller à ne pas
transformer la vie de ces jeunes en un combat permanent (et toujours en partie perdu) contre le handicap, ne pas perdre de vue que les apprentissages
eux-mêmes (dont dépend leur avenir d'adultes)
réclament sans cesse efforts et ajustements et
qu'ils ont aussi beaucoup de potentialités et de ressources à exploiter avec réussite et bonheur.
Exemple
Le jeune A., passionné de photos, désormais
âgé de 17 ans, vient de réaliser une exposition
de photos qui a reçu un accueil très chaleureux : la beauté, mais surtout l'émotion qui
naît de certaines de ses prises de vue ont séduit
un public qui ignorait tout de son handicap.
D'autres au contraire ne supportent pas d'être
confrontés à ce hiatus ingérable entre leur projet et
la réalisation qu'ils produisent, ils ne supportent
pas d'exposer le fossé qui existe entre leur projet et ce qu'ils peuvent en montrer. Pour ceux-là,
on voit mal quel bénéfice ils peuvent tirer d'une
confrontation régulière avec leurs déceptions,
leurs incapacités, leurs échecs (cf. p. 169).
S'ils peuvent tous tirer profit de connaissances
concernant l'histoire de l'art, s'ils peuvent tous avec
profit regarder, comprendre, s'émouvoir, apprécier les
œuvres d'art plastique, au contraire les obliger à « faire »
est d'une grande violence, puisque c'est très précisément et très exactement là que réside leur handicap.
Une dispense (totale ou partielle) dans cette
matière peut donc être tout à fait motivée.
Musique
Là encore, nous devons distinguer ce qui est de
la connaissance de l'histoire de la musique, de
l'écoute des œuvres, des instruments, etc. – activités très appréciées des enfants –, et ce qui est du
207
Partie II. Propositions thérapeutiques et mise en œuvre
« faire » (de la flûte, du piano…), souvent tout à fait
inatteignable (dissociation des doigts, apprentissage de doigtés particuliers, de mouvements de
mains et de doigts complexes…).
Au contraire, la fréquentation des concerts, le
chant ou la participation à une chorale sont très
souvent source de grands plaisirs.
Conclusion
Les activités de vie quotidienne recoupent aussi bien
des activités scolaires que familiales ou de loisirs.
Dès l'école maternelle, l'enfant se trouve en difficulté dans des jeux et des apprentissages conçus
pourtant comme particulièrement ludiques :
chansons à mimer, jeux de déguisement…
Son incapacité à se laver les mains, à se moucher, à mettre (ou ranger) ses lunettes, à enfiler ses
gants ou sa cagoule en hiver est souvent mal interprétée : « Il refuse de grandir, il cherche à ce qu'on
s'occupe de lui en permanence… » et/ou : « Sa
mère fait tout à sa place, elle refuse de le laisser
grandir, elle est surprotectrice ou fusionnelle… »,
confondant ainsi causes et conséquences, ajoutant aux difficultés de l'enfant (et des parents) des
jugements négatifs sans fondement qui éloignent
encore toute recherche d'aide et de solution.
À l'école, c'est souvent la rapidité d'exécution qui met
en échec le jeune dyspraxique, souffrant alors du regard
de ses pairs, pour le moins moqueurs. Chez les jeunes
garçons, on sait à quel point les activités motrices, les
compétitions d'adresse et les exploits sportifs, perçus
comme « virils », sont un élément important de valorisation dans le groupe et d'estime de soi.
gestes. Cependant, en famille, un climat délétère
dont le jeune se sent, bien malgré lui, responsable
peut être entretenu par :
• l'agacement et l'énervement bien légitimes
suscités au quotidien par la multiplication des
situations de chute, de casse, de maladresse, de
dépendance, de lenteur ;
• l'exacerbation des rivalités entre frères et sœurs
(avec l'impression qu'« on lui passe tout », « Lui,
on l'aide toujours, on s'occupe toujours de lui »),
sans parler du temps important que doivent lui
consacrer les parents, qu'il s'agisse des rééducations, des aides personnelles ou des rendez-vous
à l'école ou à la MDPH ;
• le doute permanent des parents quant à leurs
qualités éducatives, dans un inéluctable mouvement de balancier entre « On l'aide trop, il
faut qu'on lui laisse plus d'autonomie » et « On
lui en demande trop, c'est trop dur pour lui, on
ne l'aide pas assez ».
Pour les activités de loisirs laissées à la discrétion
des familles, il faut absolument éviter que le jeune
ne soit encore une fois confronté à son handicap et
à ses échecs devant ses camarades : attention, sous
le fallacieux prétexte de joindre l'utile à l'agréable (!),
de ne pas transformer toute la vie de l'enfant en
rééducations permanentes…
Enfin, on l'a compris, on ne peut pas déduire de
ce qu'il fait à la maison ce qu'il peut faire à l'école ni
inversement : les contextes de réalisation sont souvent très différents, créant, selon les exigences du
moment, des situations de handicap fort différentes.
Il faut, au cas par cas, en réajustant sans cesse
les décisions et les priorités, négocier « au
moins mal » ce paradoxe : on ne peut ni négliger ces activités, qui scandent le quotidien et le
construisent, ni investir trop de temps et
d'énergie dans leur rééducation (la réadaptation) aux dépens des apprentissages.
La dyspraxie, outre l'échec scolaire plus ou moins
sévère, retentit ainsi sur l'ensemble des processus
de construction de la personnalité du jeune.
Car ces activités ont un impact social majeur :
les échecs, les maladresses ou, pire, la honte
rejettent souvent le jeune dyspraxique hors du
groupe, dans lequel il n'est de toute façon souvent
accepté qu'avec réticence. Déjà intimement persuadé qu'il est « nul en tout », son isolement risque
de s'aggraver, en spirale, surtout en période de
préadolescence et adolescence.
À la maison, on peut prendre plus de temps
ou bénéficier d'une aide partielle pour certains
C'est pourquoi nous devons trouver, avec le
jeune et sa famille, des temps, des activités, des
lieux et des groupes de pairs avec lesquels il peut
(aussi, enfin) – régulièrement et légitimement –
être en compétition favorable, en situation réelle
de réussite, en position valorisante, se montrer
capable de faire ses preuves et construire de lui
une image positive et gratifiante.
208
Conclusion
À l'issue de ce livre qui pourtant reflète des
dizaines d'années d'expérience, beaucoup juge­
ront que cela est fort bien pensé mais… peu réa­
liste et peu atteignable dans la réalité.
Trop de travail, trop d'adaptations, trop de
façons de faire insolites, déroutantes, complexes,
difficiles à mettre en œuvre dans la durée, coû­
teuses en temps et en énergie. Trop loin des habi­
tudes les mieux ancrées, les plus justifiées, les plus
évidentes. Trop difficile.
• Pour les adultes, c'est accepter de faire diffé­
remment pour presque tout, presque tout le
temps. Cela suppose de renoncer à l'idée que
« ça va passer », à l'idée de guérison ou au moins
à l'idée que cela pourrait presque passer ina­
perçu… Mais cela signifie aussi reconnaître
l'enfant pour ce qu'il est, être respectueux de ses
particularités sans chercher à le réduire coûte
que coûte à ce qu'il n'est pas, un enfant « stan­
dard ».
C'est aussi la seule voie qui permette réellement
de limiter efficacement le handicap, celle qui lui
donnera véritablement accès à de sincères satis­
factions, à une bonne image de lui, à la fierté de la
réussite, à l'avenir qui lui convient.
• Pour l'enfant, difficile de se trouver seul « dif­
férent » au sein d'une foule (ou d'une classe !),
de faire face aux injonctions d'apparent bon
sens de « faire comme tout le monde », de ne pas
se laisser entamer par les remarques négatives
(« Tout de même, si tu t'appliquais un peu… »).
Tous ne peuvent pas être résilients.
Pourtant, la stratégie du « camouflage » est
beaucoup plus coûteuse qu'il n'y paraît, elle va
peu à peu absorber en pure perte l'énergie de tous,
adultes et enfant. Ce n'est qu'au bout de la route,
alors qu'il sera souvent trop tard, que l'inanité de
ces essais de dissimulation deviendra évidente,
responsable de gâchis scolaire, de la perte de
confiance en soi, d'un rejet du monde dans lequel
ils doivent pourtant s'inscrire.
D'autant qu'il ne faut pas oublier que, contraire­
ment aux jeunes dyslexiques, ces enfants dys­
praxiques, en délicatesse avec l'école, sont aussi
en difficulté dans la cour de récréation, au centre
aéré ou dans les activités journalières. Aucun sec­
teur de leur vie n'échappe à la malédiction de la
lenteur, de la maladresse et des difficultés à traiter
les données spatiales.
Or, le devenir de ces jeunes à l'âge adulte dépend
en grande partie de ce qu'ils auront pu – ou non –
vivre et apprendre durant l'enfance et l'adoles­
cence.
Avoir confiance en soi, vivre des expériences
positives, avoir de vraies occasions de confronta­
tions réussies avec ses pairs, réaliser une scolarité
satisfaisante, apprendre à assumer son handicap,
relever le défi de s'y confronter, savoir comment et
jusqu'où « faire avec ». Jusqu'où aussi ne pas aller
trop loin, connaître ses limites, savoir demander
de l'aide à bon escient. C'est un subtil mélange de
tout cela que ces jeunes doivent peu à peu intério­
riser, au fil des ans.
Pour ceux qui auront pu grandir dans ce climat
et qui auront pu réussir une scolarité à la hauteur
de leurs possibilités intellectuelles et de leur moti­
vation, l'avenir n'est finalement pas si compliqué
qu'il y paraît lorsqu'ils sont enfants. Au fil des
ans – et surtout après la scolarité obligatoire –,
certaines disciplines ou façons de faire, particu­
lièrement difficiles et sources d'échecs pénibles
dans l'enfance, pourront être évitées. Ces jeunes
s'engagent sur des voies qui leur sont (à peu près)
accessibles, et s'ils restent des adultes maladroits,
cela n'a qu'un impact secondaire dans leur vie.
Ils connaissent leurs points faibles et savent les
contourner ou utiliser les compensations effi­
caces.
Au contraire, l'expérience pluriquotidienne de
l'échec construit un sentiment durable d'impuis­
sance et d'incapacité et le fiasco scolaire conduit
à des orientations « par défaut » dans des filières
souvent inadaptées…
Ce livre peut être compris (à notre corps défen­
dant) comme une somme de recettes, de pratiques
utiles, de « trucs » que l'on peut aller picorer dans tel
209
Conclusion
chapitre, tel exemple ou telle illustration, en fonction
des besoins du moment. Pourquoi pas, si cela rend
quelques services et, in fine, profite un peu à l'enfant.
Mais il peut aussi (et c'était notre ambition !)
être compris, dans sa globalité, comme reflétant
une certaine philosophie du handicap cognitif.
Une philosophie « pratique », certes exigeante,
mais tout à fait réaliste et atteignable, comme
nous l'avons montré et mis en œuvre auprès de
nombreux jeunes et adolescents.
Tout cela serait moins difficile, moins dou­
loureux, moins extravagant si tout le monde « s'y
mettait », à commencer par les institutions dont
c'est clairement la mission :
• si les médecins spécialistes des « dys- » en géné­
ral et des dyspraxies en particulier étaient plus
nombreux et clairement identifiables, leur nom
et leur adresse dans un répertoire, comme pour
les dermatologues ou les cardiologues ;
• si les rééducateurs considéraient que leur métier
consiste à permettre la fonction (et non à guérir
le déficit) et à mener de front et des actions de
rééducation, et la mise en place de palliatifs et
de systèmes d'aide adéquats ;
• si l'école devenait réellement inclusive, capable
de s'adapter à chacun avec ses particularités,
ses talents, ses faiblesses, sans qu'il ne s'agisse
de renoncer aux apprentissages ; si elle pouvait
réellement proposer différentes stratégies pour
accéder aux mêmes savoirs ou concepts, sans
rogner sur le « niveau » des acquisitions, mais
en en variant les supports, les présentations, les
stratégies d'accès ;
• si les MDPH étaient dotées de financements et
d'équipes suffisantes en nombre et en qualification pour mener à bien, sur tout le territoire,
leur mission d'évaluation du handicap dans
ce domaine si particulier que sont le trouble
cognitif spécifique, la dyspraxie et les troubles
des apprentissages qui en découlent ;
• enfin, si davantage de SESSAD dédiés aux
jeunes dyspraxiques pouvaient s'ouvrir, per­
mettant une coordination dense et cohérente
entre soins et écoles, coordination obligatoire­
ment beaucoup plus lâche au décours de suivi
en libéral, même lorsque des réseaux sont iden­
tifiés.
Des formations des uns et des autres sont déjà
en cours : cependant, il est indispensable que,
outre les formateurs institutionnels et les cours
universitaires, des cliniciens de terrain connais­
sant bien les problèmes pratiques que rencontrent
enfants et familles puissent y participer.
Partager des savoirs communs faciliterait
grandement le parcours des familles des enfants,
depuis le diagnostic jusqu'à l'entrée dans la vie
professionnelle, en passant par les 10 à 20 ans de
vie scolaire.
Nous espérons que ce livre participera un peu à
ce partage des savoirs.
210
Bibliographie
[1] Mazeau M, Pouhet A. Neuropsychologie et troubles
des apprentissages chez l'enfant : du développement
typique aux « dys- ». Paris : Masson ; 2014. p. 136.
[2] Mazeau M. La dyspraxie aujourd'hui. Développe­
ments 2015 ; 16–17 : 94–102.
[3] Gaie, et al. Dyspraxie et troubles non verbaux : faire
avec la complexité : études de cas. Paris : Masson ;
2014.
[4] Jolly C, Huron C, Gentaz C. A one-year survey of
cursive letter handwriting in a french second-grade
child with developmental coordination disorder. Top
Cogn Sci (Année Psychol) 2014 ; 114 : 421–45.
[5] Dehaene S, Bossini S, Giraux P. The mental representation of parity and number magnitude. J Exp
Psychol Gen 1993 ; 122 : 371–96.
[6] Dehaene S, Piazza M, Pinel P, et al. Three parietal
circuits for number processing. Cogn Neuropsycol
2003 ; 3-4-5-6 : 487–506.
[7] Williamson MA. Deconstructing visual-spatial
cognition in typically developing children [thèse].
Ottawa : Library and Archives ; 2010.
[8] Moret AC, Mazeau M. Le syndrome dysexécutif chez
l'enfant et l'adolescent. Paris : Masson ; 2013.
[9] Lobier MA, Peyrin C, Pichat C, et al. Visual processing of multiple elements in the dyslexic brain : evidence for a superior parietal dysfunction. Front Hum
Neurosci 2014 Jul 7 ; 8 : 479.
[10] Lobier M, Valdois S. Prise en charge des dyslexies
développementales : critères d'évaluation. Revue
neuropsychologique 2009 ; 1 : 102–9.
[11] Busnel F. À propos de la parution de Petite Histoire
de la littérature française de Michel Butor. L'Express
mars 2008.
[12] Petitfour E. Enseignement de la géométrie à des
élèves dyspraxiques visuo-spatiaux inclus en classe
ordinaire [thèse]. Paris : LDAR, université ParisDiderot ; 2015.
[13] Mazeau M. Neuropsychologie et troubles des apprentissages. Paris : Masson ; 2005.
[14] Sacks O. L'homme qui prenait sa femme pour un
chapeau. Paris : Seuil ; 1985.
[15] Sacks O. Un explorateur sur Mars. Paris : Seuil ; 1985.
[16] Sacks O. L'île en noir et blanc. Paris : Seuil ; 1997.
[17] Lussier F, Flessas J. Neuropsychologie de l'enfant.
Paris : Dunod ; 2001.
[18] Mazeau M. Conduite du bilan neuropsychologique
chez l'enfant. 2e éd. Paris : Masson ; 2008.
[19] Geuze RH. Le trouble de l'acquisition de la coordination. Marseille : Solal ; 2005.
[20] Gagné J, Chevalier N, Boucher JP, et al. La motricité
d'enfants présentant un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité. ANAE 2008 ; 96–97 : 81–90.
[21] Dehaene S. Les neurones de la lecture. Paris : Odile
Jacob ; 2007.
[22] Desmurget M. Imitation et apprentissages moteurs :
des neurones moteurs à la pédagogie du geste. Marseille : Solal ; 2006.
[23] Molina M, Tijus C, Jouen F. The emergence of motor
imagery in children. J Exp Child Psychol 2008 ; 99 :
196–209.
[24] Rizzolatti G. Les neurones miroirs. Paris : Odile
Jacob ; 2008.
[25] Gibson JJ. The theory of affordances. In : Shaw RE,
Brandford J, editors. Perceiving, acting and knowing.
Hillsdale (NJ) : Lawrence Erlbaum Associates ; 1977.
[26] Gibson JJ. The ecological approach to visual perception. Boston : Hougton Mifflin ; 1979.
[27] Rothi LJ, Ochipa C, Heilman KM. A cognitive neuropsychological model of limb praxis and apraxia.
In : Apraxia, the neuropsychology of action ; 1997.
p. 29–49.
[28] Rothi LJ, Ochipa C, Heilman KM. A cognitive neuro­
psychological model of limb praxis. Cogn Neuropsychol 1991 ; 8 : 443–58.
[29] Decety J, et al. Brain activity during observation of
actions : influence of action content and subject's
strategy. Brain 1997 ; 120 (10) : 1763–77.
[30] Rumiati RI, et al. Common and differential neural
mechanisms supporting initation of meaningful and
meaningless actions. J Cogn Neuroisci 2005 ; 17 :
1420–31.
[31] Dewey D, Kaplan BJ. Subtyping of developmental motor deficits. Dev Neuropsychol 1994 ; 10 (3) :
265–84.
[32] Stamback M, L'Hériteau D, Auzias M, et al. Les
dyspraxies de l'enfant. Psychiatr Enfant 1964 ; 7 :
381–496.
[33] Polatajko HJ, Cantin N. La prise en charge des
enfants TAC : approches thérapeutiques et niveau de
preuve. In : Geuze RH, editor. Le trouble d'acquisition des coordinations. Marseille : Solal ; 2005.
[34] Ayres AJ. Sensory motor integration. Los Angeles
(CA) : Western Psychological Services ; 1972.
[35] Frostig M. Movement education : theory and practice.
Chicago (IL) : Follet Educational Corporation ; 1970.
[36] Masse F. Place de la méthode « le bon départ » en rééducation psychomotrice. Rev Neuropsychiatr Infant
1966 ; 14 : 287–96.
211
Bibliographie
[37] Salvan M, Albaret JM. Quelle rééducation psychomotrice pour le TAC ? ANAE 2006 ; 88–89 : 164–71.
[38] Jeannot J. La clé des mots et les techniques Jeannot.
Paris : Nathan ; 1973.
[39] Lockhart J, Law M. The effectiveness of a multisensory writing program for improving cursive writing
ability in children with sensorimotor difficulties.
Can J Occup Ther 1994 ; 61 : 206–14.
[40] Sugden DA. La prise en charge dynamique du TAC.
In : Geuze TH, editor. Le trouble d'acquisition de la
coordination. Marseille : Solal ; 2005.
[41] Sugden DA, Chambers ME. Intervention in children
with developmental coordination disorder. Br J Educ
Psychol 2003 ; 73 : 545–61.
[42] Soppelsa R, Albaret JM. Manuel de la batterie d'évaluation des mouvements chez l'enfant. Paris : M-ABC
ECPA ; 2004.
[43] Meichenbaum D. Cognitive-behavior modification :
an integrative approach. New York : Plenum Press ;
1977.
[44] Polatajko HJ, Mandich AD, Miller LT, et al. Cognitive orientation to daily occupational performance
(CO-OP), part II : the evidence. Phys Occup Ther
Pediatr 2001 ; 20 : 83–105.
[45] Polatajko HJ, et al. Cognitive orientation to daily
occupational performance (CO-OP), part III : The
protocol in brief. Phys Occup Ther Pediatr 2001 ; 20 :
107–23.
[46] Wilcox AL, Polatajko HJ. Verbal self-guidance a
treatment technique for children with developmental coordination disorder. Can J Occup Ther 1993 ;
60 (conference suppl) : 20.
[47] Martini R, Polatajko HJ. Verbal self-guidance : a
treatment technique for children with developmental coordination disorder : a systematic replication
study. OTJR 1998 ; 18 : 157–81.
[48] Miller LT, Polatajko HJ, Missiuna C, et al. A pilot of
cognitive treatment for children with developmental coordination disorder. Hum Mov Sci 2001 ; 20 :
183–210.
[49] Wilson PH, Thomas P, Maruff P. Motor imagery
training ameliorates motor clumsiness in children.
Child Neurology 2002 ; 17 : 491–8.
[50] Wilson PH, Butson M. Déficits sous-jacents au
TAC. In : Geuze RH, editor. Le trouble d'acquisition de la coordination. Marseille : Solal ; 2005.
p. 117–46.
[51] Wirotius JM. La rééducation : vers une cohérence
sémantique. J Réadapt Med 2003 ; 23 : 43–8. no 2-3.
[52] Lurçat L. Savoir écrire pour savoir lire : l'écriture et
le langage écrit de l'enfant. Paris : François-Xavier de
Guibert ; 2007.
[53] Jouinot P, Barois A, Grisard C, et al. Impacts psychologiques des amyotrophies spinales infantiles.
Neuro­psychiatr Enfance Adolesc 2008 ; 56 : 82–8.
[54] Bosse ML. De la relation entre acquisition de l'orthographe lexicale et traitements visuo-attentionnels
chez l'enfant. Reeduc Orthoph 2005 ; 222 : 9–30.
[55] Fayol M, Jaffré JP. Orthographier. Paris : PUF ; 2008.
[56] Gagné PP. Être attentif, une question de gestion.
Montréal : Chenelière McGraw-Hill ; 2001.
[57] Mazeau M. Syndromes dysexécutifs et troubles de
l'attention. In : Truscelli D, editor. Les infirmités
motrices cérébrales, réflexions et perspectives sur la
prise en charge. Paris : Masson ; 2008. p. 354–8.
[58] Vallat-Azouvi C. Rééducation de la mémoire de travail. Ortho-édition ; 2008.
[59] Célèrier P. Jeux au carrefour du langage et des fonctions exécutives. Irisarry : Cit'inspir éditions ; 2010.
[60] Le Lostec C. Troubles du graphisme : les difficultés
rencontrées par l'enfant dyspraxique : que proposer ?
ANAE 2006 ; 18 : 179–83.
[61] Mazeau M. Déficits visuo-spatiaux et dyspraxie de
l'enfant. Paris : Masson ; 2000. p. 136.
[62] Sylvestre de Sacy C. Méthode phonétique et gestuelle
de madame Borel-Maisonny. Issy-les-Moulineaux :
Éditions ESF ; 1973.
[63] Le Lostec C. Dyspraxies visuo-spatiales (DVS) et
écriture au clavier. Réadaptation 2005 ; 522 : 50–5.
[64] Marendaz C, Valdois S, Walch JP. Dyslexie développementale et attention visuo-spatiale. Annee Psychol
1996 ; 96 : 193–224.
[65] Fayol M, Miret A. Écrire, orthographier, rédiger des
textes. Psychologie française 2005 ; 50 : 391–402.
[66] Gouellain S. Influence de la forme de surface de
l'écriture (clavier versus main) dans la performance
orthographique des enfants [mémoire DESS psychologie de l'enfance et de l'adolescence]. Paris V, 2001.
[67] Mazeau M, Le Lostec C. Permettre ou faciliter la scolarité grâce à l'ordinateur. Pantin : Guides pratiques
de Ladapt ; 2005.
[68] Baruk S. Échec et maths. Paris : Seuil ; 1973.
[69] Baruk S. Fabrice ou l'école des mathématiques.
Paris : Seuil ; 1977.
[70] Baruk S. Comptes pour petits et grands : pour un
apprentissage du nombre et de la numération fondé
sur la langue et le sens. Paris : Magnard ; 2003.
Volumes 1 et 2.
[71] Crouail A. Rééduquer dyscalculie et dyspraxie :
méthode pratique pour l'enseignement des mathématiques. Paris : Masson ; 2008.
[72] Dalens H. Les troubles visuels associés aux dyspraxies. Réadaptation 2006 ; 522 : 14–7.
[73] Zorman M, Jacquier-Roux M. Entraînement visuel
et apprentissage de la lecture en cours préparatoire.
Éducation et Formations 1994 ; 38 : 27–36.
[74] Jacquier-Roux M, Zorman M. Livrets « Entraînement visuels ». Grenoble : Éditions de la Cigale.
[75] Torkel Klingberg MD, et al. Computerized training
of working memory in children with ADHD : a randomized, controlled trial. J Am Acad Child Adolesc
Psychiatry 2005 ; 44 (2) : 177–86.
[76] Garnier-Lasek D. La lecture par imprégnation syllabique. Ortho-édition ; 2002.
[77] Gagné PP, Leblanc N, Rousseau A. Apprendre, une
question de stratégies : développer les habiletés liées
aux fonctions exécutives. Montréal : Chenelière éducation ; 2009.
212
Bibliographie
[78] Lazure M, Lussier F, Ménard M. Proposition d'une
intervention métacognitive visant à contrer le
trouble de l'attention. Rééduc Orthoph 2003 ; 214 :
69–90.
[79] Geuze RH. Questionnaire sur les activités de la
vie quotidienne (AVQ) destiné aux parents. In :
Geuze RH, editor. Le trouble d'acquisition de la
coordination. Marseille : Solal ; 2005. p. 21–4.
[80] Fougeyrollas P, et al. La mesure des habitudes de vie
adaptée aux enfants de 5 à 13 ans. Québec : RIPPH ;
2001.
[81] Talbot G. Batterie d'évaluation Talbot. Montréal :
service d'ergothérapie de l'hôpital Sainte-Justine ;
1993.
[82] Barray V, Gadolet D, Guillot C. Bilan d'autonomie
scolaire en maternelle. Garches : service d'ergothérapie de l'hôpital de Garches.
[83] Boissel A, Pacual-Bouys O. Us et abus à propos de la
loi du 11 février 2005 : le point de vue d'un CAMSP.
Contraste (la revue de l'ANECAMSP) 2009 ; 30 : 29–50.
[84] Barray V. Dyspraxie/trouble de l'acquisition de la
coordination et écriture manuelle. Développements
2012 ; 12 (3) : 7–18 partie 1 : 11 (2) : 35-50 et partie 2.
[85] Graham S, Hebert M. Writing to read : a meta-analysis of the impact of writing and writing instruction
on reading. Harvard Educational Review 2011 ; 81
(4) : 710–44.
[86] Morel-Bracq MC. Modèles conceptuels en ergothérapie : introduction aux concepts fondamentaux.
In : Marseille : Solal ; 2013. p. 29–33.
[87] Détraz MC. Le processus d'intervention en ergothérapie. In : Caire JM, editor. Nouveau guide de
pratique en ergothérapie : entre concepts et réalités.
Marseille : Solal ; 2008. p. 136–42.
213
Index
D
Déficience, 11
–– mentale, 7, 38, 41, 76
Description verbale, 149
Dessin, 79, 93, 136–137, 149, 165, 167, 172
Dictée, 53, 58, 64, 69–71, 75, 103, 108, 125, 131, 182,
184–185
–– vocale, 130
Double tâche, 22, 35, 60, 68, 70, 72, 74, 77, 101, 109,
116–117, 123, 127, 131, 161, 181, 198, 200
Dyslexie, 11
–– phonologique, 99
–– visuo-attentionnelle, 155
Dysorthographie, 103–104
A
Abréviations, 104
Agnosie, 149
–– digitale, 82
–– visuelle, 4, 16, 38
Apprentissage, 5
–– automatisé, 4, 15–16, 21
–– contrôlé, 15
–– explicite, 15–16
–– gestuel, 7, 19
–– implicite, 15, 20, 23
Attention, 11, 21–22, 28, 33, 38, 47, 49, 51, 53, 58, 60,
65, 69, 76, 102, 110, 117, 123, 161, 187
Attentionnel, 23, 54, 197
Attentionnel (double tâche), 24
"Autoguidage verbal" verbal, 126, 203
Auto-instructions verbales, 136
Automatisation, 23, 51, 53, 58, 67, 70, 73–74, 101–102,
108, 114–119, 121, 123–124, 126, 128, 131, 133, 182
–– graphomotrice, 50
AVS, 7, 13, 29, 55, 60–61, 65–66, 69–70, 72, 88, 93–94,
96–97, 101, 109, 129, 138, 145, 155, 159, 165, 169, 172, 181,
183–185, 187, 198, 201–202, 204
E
Échec, 151
–– scolaire, 22, 103, 132
Épellation, 58, 102–103, 110, 117, 121–123, 126, 170, 185
Ergothérapeute, 25, 30, 39, 41, 55, 76, 101, 115,
119–120, 144, 150, 182–183, 199, 203
Ergothérapie, 7, 24, 29, 31, 47, 108, 131, 155
Examen, 60, 62, 67, 170, 186
Expression écrite, 53, 59
C
Calcul, 16, 35, 60, 82, 84, 89, 91, 95–96, 136
Carte, 148, 155–157, 178, 185, 187
Cartographie, 68
Cérébelleuses, 47
CLIS, 12, 30, 33, 38–40, 108–109
Code, 118
–– couleur, 90, 136
Colorisation, 91, 96, 102
Compensation, 7, 10, 38, 137
Contrôles, 69, 185
Co-occurrence, 109
CO-OP, 27–28, 94, 172, 199, 203
Coordinations
–– motrices, 5, 16
Copie, 54, 58, 65–66, 69–70, 108, 126, 182
–– différée, 53, 55, 64, 129
Correcteur orthographique, 103, 123, 131, 134
Correction orthographique, 108
Couleur, 61, 66, 90, 95, 110, 118, 126,
129, 150, 159, 163
F
Facteur G, 38, 40, 58, 65, 67, 79, 87
Fixation, 54, 58, 103
Fonctions
–– cognitives, 21, 42, 58, 65
–– exécutives, 21, 38, 47, 58, 67, 102, 120, 170
–– formulaire, 68
Formulaires, 131
G
Géométrie, 60, 136, 157, 165, 167, 182
Gestes, 22
–– culturels, 10, 17
–– graphiques, 25, 51
–– graphomoteurs, 48–49, 51
–– nouveaux, 19
Gnosies, 159
–– digitales, 10
–– visuelles, 10, 29, 39, 48, 116, 165, 167
Graphomotricité, 25, 137
215
Index
PPS, 9, 71, 85, 142, 173, 181, 185, 202
Procédure verbale, 96
Production, 61
–– d’écrits, 22, 51, 59, 63, 66, 108, 133, 144
–– d'un texte, 48
–– écrite, 101
Projet scolaire, 179
Psychomoteur, 10, 17–18
Psychomotricien, 25, 203
Psychomotricité, 7, 24, 29–31, 47
H
Habillage, 23, 26, 28, 94, 204
Histoire, 184–185
–– géographie, 148
I
IMC, 7, 37, 41, 117
Intelligence, 4, 11, 79, 155
Interlignes, 108, 118, 129, 150, 183
L
Lecture, 159
–– vocale, 136
Lenteur, 22, 48, 53–54, 58, 60, 68, 70–72, 94, 108, 123,
186, 203
Logiciel, 36, 68, 137
–– de dictée vocale, 109
–– de géométrie, 138–139, 142
–– de jeux, 66, 115
–– de lecture, 108–109, 123, 130
–– de retour vocal, 124, 167, 181
–– prédictif, 182
R
Redoublement, 6, 9, 35, 41
Regard, 163
–– organisation, 159, 161, 164
–– stratégie, 54
–– troubles du, 54, 86–88, 102
Retard graphique, 10, 35
S
Saccades, 30, 54, 58, 101, 103, 155
Schéma, 68, 79–80, 93, 136, 149, 157,
159, 172, 178, 185
–– corporel, 10, 24, 82, 198, 206
Secrétaire, 49–50, 60–61, 65, 68–69, 73, 109, 138, 165,
172, 179, 184, 187
Sport, 197, 205
Surlignage, 59, 66, 68, 101, 123, 126, 134, 150
SVT, 178
Syllabes, 102
Syndrome dysexécutif, 11, 16, 40, 89, 91, 109, 162
M
Mémoire, 61
–– de travail, 11, 33, 38, 40, 42, 54, 60, 66, 89, 99, 102,
109, 121, 136, 170, 173
Multi-dys, 38
N
Neurones miroirs, 19
Non-automatisation, 48
Numération, 35, 39, 79, 81, 86, 135
T
TAC, 7, 10, 16, 18, 21, 24, 203, 205
Tiers-temps, 68, 131, 173, 183, 186
Toilettes, 204
Troubles
–– spécifiques des apprentissages ou TSA, 26, 75
TSA, 17, 22, 33, 42
O
Oculomotricité, 16, 54
Oral, 133, 167, 185
Organisation des saccades, 100
Orthophonie, 8, 31, 107–108, 130, 155
Orthophoniste, 30, 97, 101, 119, 121
Orthoptique, 8, 55, 103, 108
Orthoptiste, 30, 100
U
UPI, 40, 133
V
Verbalisation, 60, 80, 85, 90–91, 95, 120, 122–124,
128–129, 135, 1­ 37–138, 145, 155, 157, 159, 163,
170–172, 199, 203
Visuo-attentionnels, 11
P
Phonologiques, 11
Photocopies, 50, 54, 59, 65, 69, 71, 75, 91, 133, 150,
182–184, 197
Plans, 172
216
Figure 3.3. Exemple d’adaptation pour la copie en classe.
Ce soir, monsieur Lapin a peur d'aller se coucher.
Il vient de lire dans son journal
Une nouvelle terrifiante ! LE LOUP
EST REVENU !
Figure 3.4. Adaptation du modèle en vue d'une tâche de copie.
De Pennart G., Le loup est revenu !, Kaléidoscope, 1994.
217
mélanie, la petite souris
noire
Un séjour à la montagne
Les parents d e Rémi, Léa et Antoine possèdent un
coquet petit chalet à la montagne. lls y passent les
vacances d’hiver ainsi que le mois de juillet.
C’est surtout Antoine qui aime aller à la montagne. Léa
préfère la campagne et Rémi, la Bretagne.
Antoine est un excellent skieur. C’est pour cette raison
qu’il aime beaucoup les séjours à la montagne.
Justement, il va prochainement participer à une grande
compétition de ski appelée “L’alphabet des neiges”. II y
aura des skieurs de tous les niveaux.
il était une fois, une petite
souris appelée mélanie. la
petite souris habite dans un
potiron tout orange. elle
habite dans ce potiron avec
ses bébés lulu, fifi et nono
et son mari, mario.
a
elle est assise à côté de la
cheminée et elle tricote des
petites bottes de laine pour
ses bébés lulu, fifi et nono
Figure 3.5a. Mélanie, la petite souris noire.
Antoine s’est entraîné pendant toute la semaine.
Enfin, le jour de la compétition arrive. Antoine est très
excité et il a un peu peur. II espère gagner. Léa, Rémi,
papa et maman sont là pour l’encourager. IIs sont tous
très tendus. Antoine est tellement nerveux qu’il a attrapé
le hoquet.
b
Ca y est! C’est le tour d’Antoine! On entend le coup de
sifflet! Antoine s’élance! II doit faire un slalom. II franchit
une porte après l’autre avec succès! mais que se passet-il ? Tous les spectateurs poussent un cri d’inquiétude.
A cinq mètres de la ligne d’arrivée, Antoine croise ses
skis et boum! patatras! il fait une chute très
impressionnante. II franchit néanmoins la ligne d’arrivée
et bravo! il a gagné la course.
Figure 3.5b. Un séjour à la montagne.
Figure 3.6. Colorisation alternée de lignes.
De Pennart G., Le loup est revenu !, Kaléidoscope, 1994.
218
Mer Méditerranée
Tropique
du Cancer
MAGHREB
Arabie
saoudite
Égypte
Soudan
Mer Rouge
Équateur
Tropique
du
Capricorne
Méridien de
Greenwich
Océan
Atlantique
Océan Indien
Figure 3.7. Leçon : Les cinq continents, chap. III : l'Afrique.
Objectif : Présentation du continent africain, situation, principaux reliefs.
Air riche
en O2
et pauvre
en CO2
O2
CO2
CO2
Sang pauvre O2
O2
O2
Sang riche O2
O2
CO2
CO2
Figure 3.8. Rôle des alvéoles pulmonaires.
219
Visuel
A
D
C
B
E
F
G
Verbal
Figure 4.1. Activations cérébrales observées durant l'inspection d'une image mentale de
structures tridimensionnelles.
Lorsque des sujets apprennent des structures géométriques complexes, les uns par mémorisation visuelle (les figures,
dessinées en 3D, leur sont présentées visuellement), les autres par description verbale, les zones cérébrales activées lors
de la récupération de l'image mentale (on demande ensuite aux sujets, par exemple, si D est plus haut que F ?) sont très
similaires, quoique subtilement différentes, dans les deux formes d'apprentissage.
Houdé O, Mazoyer B, Tzourio-Mazoyer N. Cerveau et psychologie. Paris : PUF ; 2002, 431 p.
Addition avec retenues
Soustraction avec retenues
1
1253
+
+
9 12 1 7 5
−
946
14 19 9 2
4 2 8 3
2199
Division avec calcul intermédiaire
Multiplication avec retenues
1
4 2
−
3 1
2 5 3
−
x 2 8 6
1
−
1 5 1 8
2 0 2 4 0
−
5 0 6 0 0
7 2 3 5 8
Figure 4.8. Formulaire de pose d'opération (exemples).
220
Figure 6.1. Clavier caché.
Victor et la sorcière
Une histoire tapée par J.
Il était une fois un jeune lapin qui s’appelait Victor
Petitpois.
Un soir à dîner, il refusa de manger ses carottes.
« Quitte immédiatement la table ! » lui ordonna son
papa très en colère.
Figure 6.2. Exemple de mise en pages d'un texte.
Lecaye O., Victor et la sorcière, L’École des Loisirs, 1989.
221
Propriétés
Points
Mesure
Lignes
Texte et symboles
Courbes
Attributs
Macros
Transformations
Constructions
Manipulation
Figure 7.2. Barre d'outils de Cabri II Plus®.
Barre de titre
Barre de menus
Barre d’outils
Barre d’attributs
Fenêtre texte
B
A Zone de travail
Sur ce cercle
Fenêtre d’aide
Barre d’état
Figure 7.3. Cabri II Plus® : copie d’écran.
222
a
b
c
Figure 8.6. Les drapeaux, un problème d'analyse spatiale.
a. France ; b. Pays-Bas ; c. Ex-Yougoslavie.
Figure 8.7. Document initial.
http://www.cartesfrance.fr/carte-france-ville/carte-france-villes.html.
223
Titre de la leçon : l’alvéole pulmonaire.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : comprendre et utiliser un schéma.
Nature du document : schéma.
Compétences
requises
Compétences neurovisuelles
XX
Regard (organisation, stratégie,
repérage)
XXX
Perception (images, visages, signes
conventionnels)
X
Difficultés
de l’enfant
Adaptations
à prévoir
Commentaires
Exploration
du document
par tierce
personne
Soulager l’enfant du
schéma et lui décrire
ce qui est représenté
Dispense dès
que possible
Dans ce cas, en fonction
des objectifs
pédagogiques, l’enfant
ne peut peut-être pas
être évalué
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
XX
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux,
règle…)
X
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
XXX
Dispense
Compétences spatiales
XXX
Topologie (situer un item par rapport
à d’autres)
XXX
Changer
de support :
texte
explicatif
Orientation propre (obliques, flèches…) XXX
Proposer au jeune un
texte comportant tous
les termes notionnels
de la leçon
Compétences organisationnelles
Cartable, trousse
X
Cahier de textes, classeur, photocopies
X
Emploi du temps, gestion des tâches
Ordinateur
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nombre de lignes/nombre
total)
XXX
Écrire à sa place
ou ordinateur
Fatigabilité (nombre de lignes)
Tableau 8.7.
Grille d'analyse de support pédagogique : texte pédagogique.
224
Titre de la leçon : texte descriptif.
Compétence(s) testée(s) ou à acquérir : compréhension d’un texte descriptif.
Nature du document : texte descriptif.
Compétences
requises
Compétences neurovisuelles
X
Regard (organisation, stratégie,
repérage)
X (lecture)
Difficultés
de l’enfant
Adaptations
à prévoir
Favoriser
la lecture
Perception (images, visages, signes
conventionnels)
Commentaires
Travail seul : utiliser
retour vocal sur
ordinateur (texte
scanné ou numérique)
Avec adulte : lecture
par l’adulte
Champs visuels
Autres
Compétences praxiques
Utilisation d’outils (gomme, ciseaux,
règle…)
Manipulations (jetons, activité
manuelle…)
Reproductions de gestes
Dessin, graphisme, coloriage
Compétences spatiales
XXX
Topologie (situer un item par rapport
à d’autres)
XXX
Orientation propre (obliques, flèches…)
XXX
Compétences organisationnelles
XXX
Favoriserla
représentation
spatiale
induite par le
texte
Pas de compensation
possible : changer
de livre ou dispenser
de questions
de compréhension
relatives à ces
passages
Cartable, trousse
Cahier de textes, classeur, photocopies
Emploi du temps, gestion des tâches
Ordinateur
Écriture
Rapidité
Lisibilité (nombre de lignes/nombre total)
Fatigabilité (nombre de lignes)
Code :
X
Compétence
peu sollicitée
Pas de difficulté dans ce domaine
(= vert)
XX
Compétence
moyennement
sollicitée
Quelques difficultés (= orange)
XXX
Compétence
très sollicitée
Nombreuses difficultés (= rouge)
Domaine nécessitant une ou plusieurs
adaptation(s)
Tableau 8.8. Grille d'analyse de support pédagogique : schéma de SVT.
225
Téléchargement