Qu’est-ce que la dyspraxie ? Les praxies réfèrent à la coordination volontaire des mouvements orientés vers un but. Elles impliquent : - D’une part, que le mouvement soit la résultante d’un apprentissage et non d’un réflexe ou d’une simple maturation motrice, - D'autre part, que l’intention soit consciente et dirigée. Bouger est une activité motrice alors qu’agir sur son environnement par le biais d’une activité motrice, c’est-à-dire le geste, relève des praxies. Les enfants dyspraxiques sont atteints de divers troubles. 1. La motricité fine et générale On trouve chez ces enfants de nombreuses maladresses motrices qui affecteront le développement de la motricité fine et générale. Ces enfants tombent plus souvent, se cognent partout et laissent tout échapper. La précision des gestes est pauvre, ils sont gauches ; en revanche ils peuvent surprendre par une dextérité remarquable dans une activité spécifique qu’ils auraient particulièrement pratiquée. Les maladresses se retrouvent dans l’habillage (ils prendront plus de temps, et au prix de grands efforts, pour acquérir la dextérité nécessaire au boutonnage ou à l’exécution des nœuds de lacets), dans l’alimentation (maîtrise des couteaux et des fourchettes, versement de liquides, ouverture et fermeture des contenants) et autres activités de la vie quotidienne. En général, ils fonctionnent par tâtonnement. Dans les activités de motricité générale, l’acquisition de certaines habiletés (s’asseoir, ramper, marcher) est tardive ou à la limite des délais normaux. Quand l’équilibre est précaire, l’enfant dyspraxique est plus anxieux et développe moins de plaisir à se déplacer, diminuant ainsi les possibilités d’exploration de lieux en limitant les occasions de connaissance pour lui. Les parents rapportent souvent que leur enfant a eu de la difficulté pour apprendre à aller à bicyclette, qu’il est peu habile dans les jeux de balles en équipe, pour sauter à la corde ou pour danser. Malhabile dans la pratique des sports, il préfère souvent des jeux individuels. Ses habiletés s’acquièrent toutefois avec plus de pratique, mais demandent toujours à l’enfant dyspraxique des efforts supplémentaires. Les tâches en motricité fine sont difficiles aussi. Ils apprennent plus tardivement à colorier, à dessiner, à découper avec des ciseaux. Ils s’intéressent peu aux jeux de construction (casse-tête, legos, mécano) sur lesquels ils ont peu de contrôle parce que, soit les pièces sont trop fines ou demandent une grande dextérité qu’ils n’ont pas, soit leurs difficultés dans les relations spatiales ne leur permettent pas d’exécuter des constructions en deux ou en trois dimensions. 2. Les troubles de la perception Plusieurs enfants dyspraxiques présentent également des troubles perceptuels. On note, entre autres, des déficits visuo-spatiaux. Ils interprètent mal la relation des objets dans l’espace, ils perçoivent mal la vitesse relative, la trajectoire, la localisation d’une balle dans l’espace. Ils n’arrivent pas à bien interpréter les diagonales et les obliques. La reconnaissance droite/gauche dans leur champ visuel est difficile à intégrer. Ces enfants présentent souvent des problèmes d’orientation spatiale. Des déficits de perception tactile sont observés ; on trouve fréquemment une mauvaise localisation du stimulus tactile chez l’enfant dyspraxique. Il a des difficultés à discriminer les choses qui le touchent ou que lui-même touche. Pour lui, l’entrée tactile est floue (comme s’il écrivait avec une moufle) ce qui rend imprécise la perception du corps et la planification du geste puisque le cerveau décode un message vague. Certains enfants dyspraxiques ont une hypersensibilité tactile (tactile defensive), ils réagissent à certaines textures ou au toucher des autres. D’autres, au contraire, démontrent une hyposensibilité et recherchent des expériences sensorielles (se balancer sans arrêt). L’interprétation erronée de la perception temporelle est fréquente chez les dyspraxiques. Ce n’est pas tant un mauvais traitement sémantique qui en est la cause (la connaissance du vocabulaire relatif au temps : avant, après, pendant, etc.), quoiqu’il puisse advenir chez des enfants dont la dyspraxie est associée à une dysphasie, mais c’est la dimension temporelle (la durée) qui est affectée. Les enfants peuvent, par exemple n’avoir aucune idée du temps qu’a pu prendre un trajet qu’ils viennent tout juste de parcourir, percevant l’écoulement d’une dizaine de minutes là où plus d’une heure s’est écoulée. Le déficit pourrait vraisemblablement résulter d’un mauvais jugement kinesthésique en conjonction avec des interprétations erronées de l’information spatiale et des sensations proprioceptives. Finalement, les enfants dyspraxiques présentent un véritable déficit d’intégration sensori-motrice affectant le schéma corporel. Celui-ci est souvent inadéquat, parce que les informations visuospatiales, proprioceptives et vestibulaires sont imprécises et ne permettent pas au cerveau de se construire une représentation adéquate du corps. Ils reconnaissent mal leur droite et leur gauche. Nombre de leurs problèmes de coordination sont reliés à une pauvreté du schéma corporel. 3. Le domaine scolaire En conséquence de leurs déficits, ces enfants dyspraxiques se retrouvent en difficulté dans les tâches scolaires. La pauvre coordination motrice se traduit par une mauvaise coordination du crayon et interfère avec leur calligraphie. Si en plus ils ont du mal à s’organiser dans l’espace, leurs productions écrites seront souvent mal organisées dans leurs cahiers. Le tracé des lettres dont le système de symbolisation est parfaitement arbitraire (deux traits horizontaux en haut à droite sur un trait vertical pour représenter un F) se révèle particulièrement laborieux à apprendre surtout quand les lettres possèdent des obliques (V, W, etc.). La calligraphie est illisible ou souvent pénible à déchiffrer pour le professeur qui s’acharne parfois à faire reprendre une tâche particulièrement difficile pour l’enfant. L’effort supplémentaire que ce dernier doit fournir accapare ses ressources attentionnelles et diminue son efficacité lors de l’écoute d’une dictée ou lors de l’exécution d’une composition écrite. Les difficultés d’orientation spatiale pourraient également influencer leurs habiletés en lecture. En effet, le décodage des lettres dont l’orientation est arbitraire (en haut, en bas, à gauche, à droite dans les discriminations des lettres p, q, d, b par exemple) peut entraîner des difficultés d’interprétation. La lecture de textes qui procède d’un décodage de gauche à droite et de haut en bas peut devenir pénible tout autant que la décomposition des nombres qui s’effectue au contraire de droite à gauche . Même l’apprentissage des algorithmes mathématiques peut être complexe pour les dyspraxiques. Alors que pour les additions, les soustractions et les multiplications la procédure s’effectue de droite à gauche, contrairement aux habitudes de la lecture des mots, la division s’effectue par une procédure de gauche à droite. De quoi confondre un dyspraxique si la perception spatiale est touchée. La géométrie sera pénible pour ces enfants qui ne comprennent pas les relations spatiales et se trouvent incapables d’exécuter des reproductions en miroir sur un pivot ou selon un axe horizontal ou vertical. 4. La personnalité Avec tous ces troubles qui peuvent s’associer entre eux ou à d’autres, il est évident que la scolarité est mise à mal. L’enfant dyspraxique perd confiance en lui, sa personnalité se construit de façon particulière. L’identité est altérée par un schéma corporel flou et mal défini. Souvent blâmé par les professeurs ignorants de son trouble, il développe de lui une image de paresseux et d’incompétent en dépit de nombreux efforts pour essayer de réussir et se replie sur luimême. RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES CONCERNANT LES PRAXIES AUX ENSEIGNANTS ET AUX PARENTS Faire comprendre aux parents et aux professeurs que l’enfant dyspraxique n’est pas paresseux, qu’il ne s’agit ni d’une immaturité affective, ni d’une insuffisance de stimulations ou d’entraînement mais d’une immaturité neurologique constitutionnelle ou structurelle. Le maintien dans la même classe une année de plus, à cause de ces problèmes praxiques, peut engendrer un plus grand traumatisme que les bénéfices qu’il peut en tirer. Voir l’enfant de façon positive et croire à sa réussite, pour qu’il fasse de même. Féliciter l’enfant lorsqu’il réussit bien quelque chose même si la réussite semble banale pour quelqu’un qui n’a aucun trouble moteur. Accepter et aider l’enfant à accepter qu’il ait besoin de plus de temps pour faire divers apprentissages. Préparer l’enfant dyspraxique qui entre à l’école à affronter les taquineries qu’il aura à subir. Il incombe surtout aux parents d’enseigner à leur enfant des habiletés sociales appropriées (ex. : utilisation de l’humour) lui permettant de répondre à la curiosité des autres. L’enfant doit apprendre à ne pas avoir honte de sa dyspraxie et à être capable d’en parler avec les autres sans avoir à démontrer de l’agressivité ou de l’indifférence. Pour une meilleure intégration scolaire, les parents et l’enfant peuvent rencontrer l’enseignant avant le début des classes. Ce geste permet de rassurer l’enseignant sur les capacités de son futur élève ce qui évitera des attitudes de surprotection de sa part. Trouver une façon d’intégrer l’enfant auprès de ses pairs. Exemple : présenter un film sur les enfants dyspraxiques ou parler du sujet, afin qu’ils comprennent mieux en quoi consiste la dyspraxie et ce que vivent les enfants atteints de cette perturbation ; cela permettra également d’enrayer les préjugés. Permettre à l’enfant de verbaliser ses émotions en regard de ses frustrations et reconnaître que celles-ci sont justifiées. Aider l’enfant à mieux contrôler ses émotions et à gérer le stress des diverses situations de la vie. Travailler avec l’enfant pour augmenter son intégration sensorielle, à partir de stimulations tactiles et vestibulaires. Utiliser des comptines ou chansons pour aider l’enfant à s’habiller (support verbal). Commencer par apprendre à l’enfant des tâches motrices simples plutôt que complexes ; de plus, décortiquer les tâches complexes en de multiples petites actions qui pourront être décrites verbalement. Avoir quelqu’un qui demeure près de lui pour le diriger dans ses actions, gestes ou mouvements au début ; ensuite, peu à peu, cette personne prendra graduellement ses distances pour que l’enfant apprenne à faire ses actions, ses gestes ou mouvements seul.