LES ANIMAUX COMME OBJET DU DROIT : VALORISE-T

publicité
LES ANIMAUX COMME OBJET DU DROIT : VALORISE‐T‐ON LA PROTECTION ANIMALE
AU QUÉBEC?
ALLOCUTION PRÉSENTÉE À LA CONFÉRENCE DES
GOUVERNEURS DU 11 DÉCEMBRE 2014
Martine Lachance
Directrice, Groupe de recherche international en droit animal (GRIDA)
Professeure de droit, UQAM
EXISTE‐T‐IL UN DROIT ANIMAL?
• Discipline en émergence
• Branche du droit créé lorsque certains avocats ont choisi de prendre fait et cause pour l’intérêt de l’animal dans ses rapports juridiques avec les êtres humains
• Le droit animal fournit un code de comportement qui précise les obligations des êtres humains à l’endroit des animaux
LES GRANDS PROBLÈMES EN MATIÈRE DE
SÉCURITÉ ET DE BIEN‐ÊTRE ANIMAL
• Les conditions de vie des animaux principalement hébergés à l’extérieur
• Les conditions de vie des animaux logés en permanence dans des cages ou des enclos
• La contention abusive ou inadéquate des animaux
• Le commerce à but lucratif d’animaux de compagnie
• Les cabinets d’euthanasie (chambres à gaz)
• Les euthanasies moralement injustifiées
• La surpopulation animale
• L’organisation de combats de chiens
• Les actes de cruauté commis envers les animaux
LE SYSTÈME DE PEINES ET DE SANCTIONS
• Le caractère prédominant de tout droit pénal et réglementaire est l’intimidation qu’il exerce sur les membres de la société
• Cet exercice d’autorité fait cruellement défaut lorsqu’il est question d’abus commis envers les animaux
LOI SUR LA PROTECTION SANITAIRE
DES ANIMAUX
• 81 chiens trouvés dans des installations qui n’étaient pas gardées propre et dont l’utilisation était susceptible d’affecter la sécurité ou le bien‐être des animaux
– Amende de 800 $ (soit 400 $/chef)
• 239 chiens de traineau trouvés dans des installations non sécuritaires
– Amende de 400 $
• 465 chiens de traineau trouvés dans des lieux insalubres et non sécuritaires
– Amende de 800 $ (soit 400 $/chef)
RÈGLEMENT SUR LA SANTÉ DES ANIMAUX
• Transport de porcelets alors qu’ils étaient blessés, souffrant et inaptes au transport
– Amende de 1 500 $ pour les deux chefs d’accusation
• Transport de 3 500 poulets indûment exposés aux intempéries
– Amende de 1 800 $
CODE CRIMINEL
• Chiot mort de multiples fractures et d’une hémorragie interne après avoir été sévèrement battu; actes de violence s’apparentant à de la torture
– 6 mois d’emprisonnement (Colombie‐Britannique)
• 2 chiens grièvement blessés et un autre décédé; brutalité et actes de violence graves et répétés à leur endroit
– 12 mois d’emprisonnement (Ontario)
• Aucune accusation, quelque soit la gravité
du crime, n’a donné lieu au Québec à une
peine d’emprisonnement
LACUNES DU CODE CRIMINEL
• Notions d’animal et de souffrance infligée sans nécessité non définies
• Seuls les animaux susceptibles d’appropriation sont protégés contre la cruauté
• Le fait de tuer un animal sauvagement ne constitue pas une infraction
• Les amendes et peines d’emprisonnement ne sont pas dissuasives
Amendements proposés
Lacunes des
dispositions pénales
Amendements
proposés par la
Chambre des
Communes
Absence de définition d’un
animal
Animal: vertébré, autre qu’un
être humain, et tout autre
animal pouvant ressentir la
douleur
Infractions contre les biens
Retrait et ajout d’une
nouvelle section hors de la
section
Aucune infraction pour l’acte
de tuer un animal
L’acte de tuer sans raison
légitime serait une infraction
Aucune infraction pour un
acte de brutalité envers un
animal
Serait une infraction, le geste
de tuer sauvagement un
animal, que la mort soit
immédiate ou non
Intention requise pour la
négligence criminelle
Négligence: une déviation
marquée de la norme de soins
d’une personne raisonnable
Sanctions non dissuasives
Amendements
proposés par le Sénat
Infraction hybride
Infraction hybride
Augmentations des sanctions
Augmentations des sanctions
Prohibition et restitution
Prohibition et restitution
Comment expliquer une telle inertie?
Pourquoi la majorité des projets de loi déposés par les parlementaires canadiens sont morts au feuilleton? Pourquoi les élus qui composent le Parlement ont‐ils ultimement accepté les normes moins exigeantes proposées par le Sénat, institution pourtant composée de membres non élus? Comment la souffrance animale a‐t‐elle pu générer un tel débat au Canada? Sans grande fierté, nous pouvons avancer que ce résultat est vraisemblablement le fruit d’un déficit démocratique L’attitude du Sénat
Le Sénat a refusé ultimement de reconstruire au Canada un nouveau modèle de protection animale
La vision économique défendue par le Sénat a eu le dessus sur la promotion de valeurs plus humanistes portée par les parlementaires
La reconnaissance juridique de la sensibilité de l’animal
La seule voie directe pour assurer la reconnaissance juridique de la nature sensible de l’animal procède par un changement radical de son statut
L’animal doit être exclu de la catégorie des biens meubles, dont la structure rigide du droit le tient toujours prisonnier
Le chainon manquant d’un statut modernisé de l’animal
Les solutions possibles
• Opérer une complète extraction de l’animal du droit des biens, faisant ainsi ressortir sa véritable nature d’être sensible
• Laisser l’animal dans les biens, mais en créant une nouvelle catégorie de biens, réservés aux seuls animaux, et qui leur donnerait un régime particulier
Début d’un dialogue sérieux
Faire valoir de manière plausible la sensibilité de l’animal au sein de la communauté juridique, nécessite d’engager un dialogue sérieux avec les instances concernées Au Québec, ce dialogue est depuis peu engagé
Malheureusement, certains obstacles persistent…
Conséquences du changement
L’adoption d’un statut légal spécifique à l’animal
• Comblerait le vide laissé par les tentatives avortées de modification du Code criminel
• Assurerait une protection individuelle aux animaux de la faune et aux animaux errants
• Devrait inciter le gouvernement central à revoir la dérogation relative à l’abattage rituel sans insensibilisation
• Devrait inciter les tribunaux québécois à prendre en compte les liens affectifs qui unissent l’homme à son animal de compagnie au moment de l’éclatement du couple
• Devrait inciter les tribunaux québécois à prendre en compte les liens affectifs qui unissent l’homme à son animal de compagnie au moment de la perte de l’animal
L’exemple d’autres systèmes européens
Certains États européens ont à ce jour expressément extrait l’animal de la catégorie des biens, ou du moins ont proclamé que l’animal n’était pas un bien
L’Autriche a ouvert la voie en modifiant son Code civil, lequel dispose désormais que « les animaux ne sont pas des choses
• Les prescriptions en vigueur pour les choses ne sont applicables aux animaux que dans la mesure où il n’existe pas de réglementations différentes
La Suisse, l’Allemagne, la Moldavie ou encore la Pologne ont retenu dans leur Code civil respectif une rédaction similaire
LES ANIMAUX COMME OBJET DU DROIT : VALORISE‐T‐ON LA PROTECTION ANIMALE
AU QUÉBEC?
Martine Lachance
Directrice, Groupe de recherche international en droit animal (GRIDA)
Professeure de droit, UQAM
Téléchargement