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4.2 Physique des diélectriques
4.2.1 Introduction
L’utilisation de matériaux diélectriques dans l’appareillage électrique, haute tension
comme basse tension, a pour but de séparer entres elles les pièces métalliques portées à
différents potentiels électriques comme par exemple l’âme centrale d’un câble souterrain
de distribution, portée à une tension de 14,4 kV par rapport au neutre pour le réseau 25
kV, du neutre concentrique mis à la terre. Cette situation est illustrée à la figure 4.1b) cidessous. Le matériau diélectrique dans ce cas est un polymère extrudé, le polyéthylène.
Similairement, la figure 4.1a) illustre le schéma d’un câble extrudé à très haute tension.
L’épaisseur de l’isolation dans ce cas est plus importante mais le matériau isolant est le
même c’est-à-dire le polyéthylène. À l’exception de quelques lignes, les câbles de
transport de ce type ne sont pas actuellement très utilisés au Québec.
a)
b)
Figure 4.1 : a) Schéma électrique d’un câble extrudé très haute tension [1]. Typiquement
le champ électrique est compris entre 6 et 15 kV/mm. b) Schéma électrique d’un câble
extrudé moyenne tension [2]. Typiquement le champ électrique près de l’âme centrale
est compris entre 2,5 et 4 kV/mm.
Un autre exemple de système d’isolation interne est le système d’isolation des
enroulements statoriques des grandes machines. Tel que mentionnée précédemment, ces
enroulements sont faits de barres (un tour) ou de bobines (plusieurs tours) pré-formées.
Ces barres ou bobines sont en effet fabriquées en usine et placées dans les encoches
statoriques sur site. Pour les machines 13,8 kV, la différence de potentiel phase-neutre
que doit supporter le système d’isolation est de 8 kV. Les figures 4.2a et 4.2b illustrent
en vue de coupe l’isolation de masse d’une barre et d’une bobine respectivement. La
barre est une barre d’un alternateur refroidi à l’eau et conséquemment les conducteurs
sont creux. La figure 2c illustre le système d’isolation de la partie hors fer d’une barre,
appelée aussi développante. Une complication importante qui survient dans cette région
du bobinage est l’apparition d’un fort champ tangentiel. Pour éviter la présence de
décharge de surface un revêtement spécial dit anti-effluves est utilisé.
Cette
problématique sera traitée plus loin. Finalement la figure 4.2d est une photo de barres et
bobines utilisées pour des essais en laboratoire.
1
a)
c)
b)
d)
Figure 4.2 : Système d’isolation du bobinage statorique des grandes machines
tournantes : a) vue de coupe d’une barre [3]; b) vue de coupe d’une bobine [3]; c)
système anti-effluve [4]; d) barres et bobines de machines 13,8 kV.
Évidemment, le matériau diélectrique, en plus d’un rôle d’isolation électrique sert aussi
de support mécanique aux pièces métalliques en plus de devoir dissiper la chaleur
produite par le conducteur. Les propriétés électriques, mécaniques et thermiques de ces
matériaux doivent donc être soigneusement étudiées lors que la conception d’un système
d’isolation. Dans les sections qui suivent, nous verrons d’abord un aperçu des concepts
théoriques reliés à ces matériaux. Par la suite, les différentes applications en
électrotechnique seront abordées ainsi que les essais de maintenance et de diagnostique
utilisés dans cette industrie.
2
4.2.2 Théorie des diélectriques
4.2.2.1 Polarisation statique
Au chapitre 2, les phénomènes physiques entraînant la conductivité électrique ont été
étudiés. Dans les matériaux isolants, il n’y a pas, ou très peu, de charge libre permettant
la circulation du courant électrique. Nous reviendrons sur ce point à la section suivante.
Par contre, les charges électriques présentes dans le matériau, si elles ne peuvent se
mouvoir d’une électrode à l’autre peuvent se déplacer localement et entraîner une
variation des charges images sur les électrodes. Cette variation des charges se traduit par
un courant appelé courant de déplacement. Un appareil de mesure externe comme un
ampèremètre, ou un pico-ampèremètre pour la mesure de petits courants, ne peut faire la
distinction entre ce courant et un courant de conduction directe. Il est toutefois important
de garder en tête la grande différence physique entre ces deux courants.
Un matériau diélectrique qui ne conduit pas ou très peu, est plutôt caractérisé d’un point
de vue électrique par sa permittivité. Cette dernière reflète l’intensité des mécanismes de
polarisation dans le matériau. Le phénomène de polarisation peut être dans un premier
temps illustré en considérant l’expérience suivante. Introduisons un matériau diélectrique
entre les armatures d’un condensateur plan-plan soumis à une différence de potentiel
continue Uo qui est maintenue constante par une source. Au moment où le diélectrique
est inséré, on note la présence d’un courant circulant entre la source et le condensateur.
C’est le courant de déplacement dont il a été fait mention au paragraphe précédent. Ce
courant diminue avec le temps, plus ou moins rapidement, tout dépendamment des
mécanismes de polarisation du matériau. En effet, sous l’action du champ électrique
externe, un champ interne s’opposant au champ appliqué apparaît dans le diélectrique.
Pour combattre ce champ, de nouvelles charges doivent être amenées par la source sur les
armatures du condensateur. Le champ interne dans le diélectrique est causé par le
phénomène de polarisation. La figure 4.3 ci-dessous illustre la situation d’un diélectrique
entre deux électrodes. On distingue deux types de charges sur les électrodes du
condensateur, les charges libres reliées au maintient de la tension sous vide ainsi que les
charges fixées nécessaire pour compenser le phénomène de polarisation.
3
Figure 4.3 : Illustration de la polarisation d’un diélectrique (adaptée de [5])
Le phénomène de polarisation provient en général de l’orientation d’un dipôle électrique,
induit ou permanent, en présence d’un champ appliqué. Un dipôle électrique est formé
par deux charges Q de signes opposés séparées par une distance l . Le moment dipolaire
électrique est défini par
r
r
p = ql
(4.1)
La figure ci-dessous illustre la structure d’un dipôle électrique
+q
−q
r
l
Figure 4.4 : Dipôle électrique
Ces dipôles électriques peuvent provenir de différentes sources microscopiques ou
macroscopiques. Habituellement, lorsqu’un matériau diélectrique se dégrade le nombre
4
de dipôles électriques augmente et conséquemment le courant de polarisation, celui relié
au mouvement des dipôles, augmente aussi. La polarisation due à ces dipôles correspond
à la somme vectorielle
de tous les dipôles par unité de volume. On peut donc définir la
r
polarisation P par
r
1
P=
Ω
∑p
r
(4.2)
i
i∈Ω
où Ω est un volume dans le diélectrique et la sommation représente l’addition vectorielle
de tous les moments électriques. Si ceux-ci sont orientés de façon aléatoire, ce qui est
généralement le cas en l’absence d’un champ appliqué, alors
la somme vectorielle donne
r
zéro. Le figure 4.5 ci-dessous illustre la variation de P en fonction de l’intensité du
champ appliqué. Certains matériaux, de par leurs structures, peuvent demeurer polarisés
en l’absence d’un champ extérieur. Ce sont les ferroélectriques. On utilise, par exemple,
ces matériaux pour la fabrication de sondes piézoélectriques, pour la détection ou pour la
génération de signaux ultrasonores. Le titanate de baryum est un exemple connu de
matériau ferroélectrique.
p
E
Figure 4.5 : Polarisation d’un matériau diélectrique
Pratiquement tous les matériaux utilisés en électrotechnique sont des diélectriques
linéaires. Les champs électriques peu élevés (par rapport aux champs typiques reliés aux
effets non linéaires) expliquent que ces matériaux opèrent dans leur région linéaire. Les
unités de la polarisation sont les C 2 . En effet, le potentiel produit par les dipôles est le
m
même que celui que produirait une densité surfacique de charge σ p donnée par
r r
σp = P⋅n
(4.3)
5
r
où n est un vecteur normal au plan de charge. Cette densité surfacique reliée à la
polarisation, σ p , correspond aux charges liées de la figure 4.3. Lorsqu’on a le vide entre
les armatures du condensateur, il existe aussi une densité de charge nécessaire pour le
maintient du champ électrique. Cette densité de charge, σ o , correspond aux charges
libres de la figure 4.3 et est reliée au champ appliqué par l’équation suivante :
r
r
Do = ε o E
r
(4.4)
r
σ o = Do ⋅ n
(4.5)
r
où Do est le vecteur densité de charge sous vide et ε o , la permittivité du vide
( ε o = 8,85 × 10 −12 F m ). Lorsqu’un diélectrique est introduit, une densité de charge
supplémentaire, σ p , doit contrer l’effet de la polarisation. La densité totale de charge
devient donc
r
r
r
D = Do + P
(4.6)
r
v
v
D = εo E + P
v
Sir on considère une substance diélectrique linéaire (voir figure 4.5), la relation entre P et
E est linéaire. On peut donc écrire
r
r
P = εo χ E
(4.7)
où χ est la susceptibilité électrique du matériau. On peut maintenant écrire
r
r
r
r
D = ε o E + ε o χ E = ε o (1 + χ ) E
En définissant la permittivité d’un matériau par
ε = ε o (1 + χ )
(4.8)
on obtient finalement
r
r
D=ε E
(4.9)
εr = 1 + χ =
ε
εo
ε r est la permittivité relative ou la constante diélectrique d’un matériau. Ce paramètre
quantifie l’importance des mécanismes de polarisation du matériau.
Le terme
6
permittivité est habituellement utilisé pour désigner la permittivité relative puisque cette
valeur est d’un ordre de grandeur beaucoup plus commun que la permittivité absolue.
Pour certaines applications, comme pour la fabrication de condensateurs, on désire
souvent utiliser des matériaux ayant des valeurs élevées de permittivité alors que pour
d’autres applications, comme la plupart des applications en électrotechnique, on cherche
à utiliser des matériaux ayant une permittivité, et surtout des pertes diélectriques, faibles.
Le tableau ci-dessous donne les valeurs de la permittivité relative pour quelques
matériaux.
Tableau 4.1 : Permittivité de différents matériaux
Matériau
Vide
Air
PTFE (Teflon)
Huile minérale
PE
PMMA
Quartz
Mica
Eau distillée
Rutile (Ti O2 )
Titane de baryum (BaTi O3 )
Permittivité relative
1
1,0006
2
2,2
2,3
3,4
5
6
81
89-173*
10 000**
*
Les cristaux inorganiques sont souvent anisotropes. Pour le Ti O2 , la constante
diélectrique varie entre 89 et 173 en fonction de l’orientation du champ par
rapport aux axes cristallographiques.
**
La constante diélectrique des titanates est fortement dépendante de la
température.
L’origine physique de la polarisation et conséquemment de la permittivité provient
essentiellement des différents mécanismes de polarisation tel qu’illustrés dans le tableau
ci-dessous.
7
Tableau 4.2 : illustration schématique des différents mécanismes de polarisation
Les mécanismes de polarisation électronique et ionique, ou moléculaire, sont reliés à la
création de dipôles (dipôles induits) sous l’action du champ électrique appliqué. Ces
dipôles sont formés par le déplacement du centre géométrique des charges positives par
rapport aux charges négatives pour un atome ou une structure moléculaire. Ces
mécanismes sont illustrés par les deux premiers types de polarisation du tableau 4.2 cidessus (polarisation électronique et ionique). Ces phénomènes sont des phénomènes très
rapides qui ont des temps de réponse correspondant aux fréquences optiques ou
infrarouges. Le moment dipolaire créé par le champ appliqué est proportionnel à ce
champ. La polarisation en résultant peut donc s’écrire
r
r
Pr = N iα r E
(4.10)
où Pr indique la polarisation rapide, c’est-à-dire celle qui survient très rapidement après
l’application d’un champ électrique. Ni représente le nombre de dipôles induits par unité
de volume et αr, la polarisabilité, dépend de la nature du matériau. On constate
facilement à partir de l’équation (4.10) que les unités de la polarisabilité sont les Fm2. Le
tableau 4.3 ci-dessous donne des valeurs numériques de la polarisabilité de certains
atomes.
8
Tableau 4.3 : Polarisabilité et masse molaire de certains atomes [5]
Certaines molécules de par leur géométrie ainsi que de par la nature de leurs liens
chimiques possède un moment dipolaire électrique permanent. L’eau et le PVC sont des
exemples de ce type de matériau. Ces matériaux sont des matériaux polaires. L’intensité
du ce moment dipolaire dépend de la nature du lien chimique. Le tableau 4.4 ci-dessous
donne les valeurs numériques du moment dipolaire permanent pour certains liquides. Ce
moment dipolaire est exprimé en Debye avec 1 D = 3,3 x 10-30 Cm.
Tableau 4.4 Propriétés électriques de certains liquides polaires et non polaires
Matériau
Hexane (C6H14)
Heptane (C7H16)
Benzene (C6H6)
Tétrachlorure du carbone (CCl4)
Eau (H2O)
Méthanol (CH3OH)
Chloroforme (CHCl3)
ρ
(kg/m3)
655
684
879
1600
1000
791
1483
εr
n2
μ (Debye)
1,89
1,92
2,28
2,24
80,4
33,6
4,81
1,89
1,92
2,25
2,13
1,77
1,76
2,07
0
0
0
0
1,85
1,70
1,0
Normalement, en l’absence d’un champ électrique externe, tous les dipôles permanents
sont orientés de façon aléatoire de telle sorte que la polarisation nette résultante est zéro.
Par contre, en présence d’un champ électrique, ces dipôles vont commencer à s’orienter
dans la direction du champ et la polarisation résultante est non nulle. Pour des valeurs de
champ modérées, ce phénomène reste proportionnel avec le champ électrique. On peut
alors écrire
9
r
Nd μ 2 r
Pd =
E
3kT
(4.11)
où μ est le moment dipolaire du dipôle permanent, Nd le nombre de ces dipôle par unité
de volume, T la température en Kelvin et k la constante de Boltzmann (k = 1,38 x 10-23
J/K). Le développement complet de l’équation ci-dessus a été fait par Paul Debye en
1945 et est disponible dans un grand nombre d’ouvrage de référence (par exemple [5, 6]).
La polarisation totale, incluant les dipôles induits et l’orientation des dipôles permanents,
peut donc être exprimé par :
r
⎛ N μ2
⎞r
Ptot = ⎜⎜ d
+ N iα r ⎟⎟ E
⎝ 3kT
⎠
(4.12)
En combinant cette équation avec les équations (4.7) et (4.9), on peut donc écrire pour la
permittivité relative d’un matériau :
ε r −1 =
N d μ 2 N iα r
+
3ε o kT
εo
(4.13)
Le développement de l’équation (4.13) suppose que les dipôles dans un matériau se
comportent de façon complètement indépendante. Évidemment cette supposition n’est
vraie que pour les substances très diluées comme les gaz à basse pression. On peut
modifier l’équation (4.13) pour tenir compte de l’interaction entre les dipôles. Cette
modification s’exprime par l’équation de Clausius-Mossotti (voir [5] pour une
démonstration complète) :
ε r − 1 N d μ 2 N iα r
=
+
ε r + 2 9ε o kT 3ε o
(4.14)
On note que lorsque la polarisation d’un matériau est faible (χ << 1), l’équation (4.14) se
réduit à l’équation (4.13). Pour un composé moléculaire, la polarisabilité représente la
somme des polarisabilités de chaque atome de telle sorte que Ni et Nd représentent tous
les deux le nombre de molécules par unité de volume. On peut donc écrire :
N=
ρN A
M
⎤
ε r −1
N ⎡ μ2
=
+αr ⎥
⎢
ε r + 2 3ε o ⎣ 3kT
⎦
(4.15)
où N est le nombre de molécules par m3, NA est le nombre d’Avogadro, ρ la masse
volumique et M la masse molaire. Une équation connue depuis fort longtemps pour
l’indice de réfraction des diélectriques est l’équation de Lorentz-Lorenz donnée par :
10
n 2 − 1 Nα r
=
n 2 + 2 3ε o
(4.16)
où n est l’indice de réfraction. De toute évidence, si on utilise l’égalité n 2 = ε r ,
l’équation de Lorentz-Lorenz se ramène à celle de Clausius-Mossotti sans la contribution
des dipôles permanents. On peut facilement comprendre cette constatation puisqu’aux
fréquences optiques, les dipôles permanents sont beaucoup trop « lents » pour pouvoir
suivre les oscillations du champ électrique et ne réagissent pas du tout à la sollicitation
électrique. On peut illustrer graphiquement cet énoncé par un graphique de la
permittivité ou de la polarisation d’un matériau polaire (comme l’eau) en fonction de la
fréquence. Dans ce graphique, illustré à la figure 4.6 ci-dessous, on constate aisément
que la contribution des dipôles permanents, notée Pd, s’ajoute à celle des dipôles induites,
Pa et Pe, seulement lorsque la fréquence est inférieure à une certaine fréquence de coupure
(appelée plutôt fréquence pic parce qu’elle correspond à la valeur maximale des pertes
diélectriques).
Figure 4.6 : Variation de la polarisation en fonction de la fréquence (tiré de [7])
Le tableau 4.4 donne des valeurs des indices de réfraction et des permittivités statiques
pour différents matériaux, polaires (μ ≠ 0) et non polaires (μ = 0). On constate la
différence important entre la permittivité à haute fréquence (n2) et la permittivité statique
pour les liquides polaires.
Un troisième type de polarisation est la polarisation interfaciale. Pour un matériau
homogène, donc sans interface interne, les mécanismes de polarisation interfaciale ne
sont pas présents. Toutefois, dans beaucoup d’applications, on utilise, plutôt que des
matériaux diélectriques homogènes, des mélanges de matériaux. Même dans le cas du
polyéthylène (voir figure 4.1), il ne s’agit pas à proprement parler d’un matériau
homogène puisque ce dernier est formé de phases cristallines et de phases amorphes.
Pour comprendre les mécanismes de polarisation interfaciale, on utilise généralement un
circuit équivalent. Nous reviendrons donc sur ce type de polarisation à la section 4.2.2.3.
Il est important aussi de mentionner que la polarisation interfaciale survient à des
fréquences habituellement beaucoup plus basses que les autres mécanismes. Cette
affirmation est illustrée à la figure 4.12.
11
En plus des mécanismes précédemment décrits, les mesures à basses fréquences font très
souvent apparaître d’autres mécanismes moins bien définis et moins bien compris reliés à
des phénomènes de transport de charge sur des distances plus ou moins longues. Un de
ces mécanismes porte le nom de dispersion à basses fréquences. On y reviendra dans les
sections suivantes, mais il n’existe pas encore de compréhension complète de ce
phénomène.
4.2.2.2 Conductivité
Un matériau ayant un comportement ohmique, c’est-à-dire linéaire, obéit à la relation
suivante
r
r
J =σ E
(4.17)
r
r
où σ est la conductivité (Ω ⋅ m )−1 , J la densité de courant ⎛⎜ A 2 ⎞⎟ et E le champ
⎝ m ⎠
électrique auquel le matériau est soumis. Quoique les diélectriques sont définis comme
des matériaux ne permettant pas la circulation du courant électrique, en réalité, la grande
majorité des diélectriques possède une conductivité non nulle et mesurable. De plus,
l’équation (4.17) est vérifiée dans bien des cas pour des champs électriques modestes.
En considérant deux électrodes métalliques en contact avec un matériau peu conducteur,
le courant électrique est donné par l’intégrale de surface suivante :
I =
+
+
+
+
+
+
+
∫
r
v
J ⋅ ds = σ
s
∫
r
v
E ⋅ ds
(4.18)
s
+
+
+
+
+
+
+
-
électrode
Q
diélectrique
Figure 4.7 : Condensateur plan-plan
12
En complétant l’intégrale de surface pour obtenir une surface fermée (le champ est nul
pour le reste de la surface fermée) et en appliquant le théorème de Gauss, on obtient
σ Q σ CU o
=
ε
ε
σ Co
I =
Uo
εo
I =
(4.19)
où Co est la capacité sous vide formée par le sandwich électrode-diélectrique-électrode,
et U o est la différence de potentiel entre les deux électrodes. La résistance électrique est
donc donnée par
R =
εo
(4.20)
σ Co
Ex. 4.1 : Lors d’une mesure sur un câble de 25 kV de 40 m de longueur, on mesure un
courant de fuite de 10 −11 A pour une tension continue de 10 kV appliquée sur l’âme
centrale. Quelle est la conductivité moyenne du matériau isolant?
Co =
σ =
σ =
2π ε o
L
ln b
a
( )
εo
R Co
10 −11
=
εo
2π ε o
(U I ) ln (b ) L
a
⋅ ln (19 )
12 = 1,83 × 10
2 π ⋅ 10 000 ⋅ 40
−18
(Ω ⋅ m )−1
Les matériaux montrent une plage extrêmement large de conductivité, plus large que
n’importe quelle mesure physique. Les conducteurs métalliques ont typiquement des
conductivités de l’ordre de ≈ 108 (Ω ⋅ m )−1 , alors que les isolants ont des conductivités dans
13
la plage 10 −10 à 10 − 20 (Ω ⋅ m ) . Le tableau ci-dessous présente des valeurs de conductivité
pour différents matériaux.
−1
Tableau 4.5 Conductivité pour différents matériaux
Matériau
Type
Conductivité (Ω ⋅ m )−1
Argent
conducteur
Cuivre
conducteur
Aluminium
conducteur
Graphite
conducteur
Eau de mer
conducteur
Germanium (pure) semi-conducteur
Eau distillé
isolant
Verre
isolant
Mica
isolant
Huile minérale
isolant
Huile silicone
isolant
PMMA
isolant
PE
isolant
6,1 × 10 7
5,7 × 10 7
3,5 × 107
≈ 105
≈4
≈2
≈ 10 −4
≈ 10 −12
≈ 10 −15
≈ 10 −12
≈ 10 −13
≈ 10 −18
< 10 −18
4.2.2.3 Fonction de réponse et spectre diélectrique
Les équations (4.4) à (4.9) sont des équations statiques et ne sont valables que lorsque le
champ électrique appliqué est constant, c’est-à-dire très longtemps (t→∞) après
l’application d’un échelon de tension. Pour un champ variable dans le temps la
polarisation varie aussi dans le temps mais avec un certain retard sur le champ appliqué.
L’équation (4.6) devient donc
D(t ) = ε o E (t ) + P(t )
(4.21)
Afin d’analyser la dépendance temporelle de la polarisation sous l’action d’une
sollicitation électrique, on doit définir la fonction de réponse diélectrique, f(t), qui
caractérise la réponse d’un milieu diélectrique à une excitation électrique spécifique.
Cette fonction est définie de la façon suivante. Considérons une impulsion de champ
électrique E appliquée durant une courte période Δt. La fonction de réponse f(t) est alors
définie par
P(t ) = ε o (EΔt ) f (t )
(4.22)
En vertu du principe de causalité, il n’y a pas de réaction avant l’action donc
14
f (t ) ≡ 0 pour t < 0
(4.23)
De plus, puisqu’il n’y a pas de polarisation permanente, on doit aussi avoir la condition
suivante :
lim f (t ) = 0
t →∞
(4.24)
La fonction f(t) est donc une fonction strictement décroissante. Un champ électrique
variant de façon arbitraire, E(t), peut être vue comme une somme d’impulsions. Par le
théorème de superposition, on peut donc faire la somme de toutes les polarisations pour
chacune de ces impulsions de telle sorte que la polarisation peut s’exprimer par la
convolution suivante :
∞
P(t ) = ε o ∫ f (τ ) E (t − τ )dτ
(4.25)
0
Sous un champ diélectrique statique (E = Eo), (4.23) devient :
∞
Ps = ε o E o ∫ f (τ )dτ = ε o χ s E o
(4.26)
0
où χs est la susceptibilité statique donc pour une fréquence égale à 0 (donc pour une
sollicitation continue).
En pratique on ne mesure pas directement la polarisation d’un matériau. Par contre, on
mesure la courant qui le traverse. La polarisation est reliée au courant par la loi
d’Ampère qui exprime le courant total mesuré par un circuit par la somme du courant de
déplacement avec celui de conduction directe :
∂D (t )
∂t
∂
J (t ) = σE (t ) + [ε o E (t ) + P (t )]
∂t
J (t ) = σE (t ) +
(4.27)
où J(t) est la densité de courant total (A/m2) et σ la conductivité. En combinant (4.25) et
(4.27) on obtient :
J (t ) = σE (t ) + ε o
∂
∂t
∞
⎡
⎤
+
E
(
t
)
f (τ ) E (t − τ )dτ ⎥
⎢
∫
0
⎣
⎦
(4.28)
Il est plus pratique d’exprimer (4.28) en termes du courant, I(t), et de la tension, U(t),
plutôt qu’en termes de densité de courant et de champ électrique. Considérons le cas
d’un condensateur plan-plan de surface A et de distance inter-électrodes d. Le courant et
la tension sont reliés à la densité de courant et au champ électrique par
15
I (t )
A
U (t )
E (t ) =
d
J (t ) =
(4.29)
Finalement, à partir de (4.28) et de (4.29), on obtient
I (t ) =
C oσU (t )
εo
+ Co
∂
∂t
∞
⎡
⎤
+
U
(
t
)
f (τ )U (t − τ )dτ ⎥
⎢
∫
0
⎣
⎦
(4.30)
où Co est la capacité sous vide. Si on applique un échelon de tension défini par
⎧0
U (t ) = ⎨
⎩U o
t<0
(4.31)
0≤t
on obtient le courant suivant
I (t ) =
Coσ
εo
U o + U oCo [δ (t ) + f (t )]
(4.32)
Le premier terme du membre de droite de l’équation ci-dessus est la conduction directe.
Il représente les courants de fuite à travers le diélectrique. Évidemment ces courants sont
toujours assez faibles. Le second terme, est le pic de courant dû au chargement capacitif.
Ce courant correspond aux charges libres de la figure 4.3. En pratique, il y a toujours une
résistance en série avec le diélectrique testé de telle sorte que ce terme apparaît souvent
plutôt comme une exponentielle décroissante. Finalement le dernier terme est le courant
dû aux mécanismes de polarisation. Ce courant correspond aux charges liées de la figure
4.3.
La forme de sollicitation électrique la plus courante est évidemment la sollicitation
sinusoïdale. Pour exprimer l’équation (4.30) dans le domaine des fréquences, il suffit de
prendre une transformée de Fourier de chaque côté de l’équation. L’équation résultant
s’en trouve simplifiée puisque la transformée d’une convolution correspond au produit
des transformées. On obtient donc
I * (ω ) =
C o σU * (ω )
εo
[
+ jωC oU * (ω ) 1 + F * (ω )
]
(4.33)
Où F*(ω) est la transformée de Fourier de f(t) définie par
16
∞
F (ω ) = ∫ f (t ) exp(− jωt )dt
*
(4.34)
0
I*(ω) et U*(ω) sont les phaseurs courant et tension respectivement. La transformée de
Fourier de la fonction de réponse correspond donc à la transformée de Fourier de la
susceptibilité. On a donc
F * (ω ) = χ * (ω ) = χ ' (ω ) − jχ ' ' (ω ) = ε r ' (ω ) − 1 − jε r ' ' (ω )
(4.35)
En combinant (4.33) et (4.35), on peut donc écrire
⎡⎛ σ
⎤
⎞
+ ε r ' ' (ω )⎟⎟ + jε r ' (ω )⎥U * (ω )
I * (ω ) = ωC o ⎢⎜⎜
⎠
⎣⎢⎝ ωε o
⎦⎥
(4.36)
On voit clairement d’après l’équation (4.36) ci-dessus que la courant est déphasé par
rapport à la tension. Pour un diélectrique parfait, σ = εr’’ = 0, le courant est évidemment
en avance de 90o. Toutefois à cause des pertes diélectriques, représentées par le terme
εr’’, et des courants de fuite reliés à la conductivité, l’angle du courant est légèrement
inférieur à 90o. Cette situation est illustrée à la figure 4.8 ci-dessous.
Figure 4.8 : Courant et tension dans un diagramme de phase
Un paramètre très utilisé en ingénierie pour caractériser un système d’isolation est la
tangente de l’angle de perte, tg δ, ou encore le facteur de dissipation. Ce terme est égal
au rapport de la partie réelle du courant sur la partie imaginaire donc :
tgδ (ω ) =
ε r ' ' (ω ) +
σ
ωε o
ε r ' (ω )
(4.37)
17
Les diélectriciens utilisent fréquemment le concept de capacité complexe pour décrire le
comportement d’un diélectrique. On peut facilement voir, à partir de (4.36), que l’on
peut écrire :
I * (ω ) = jωC * (ω )U * (ω )
(4.38)
où la capacité complexe est donnée par :
⎡
C * (ω ) = C ' (ω ) − jC ' ' (ω ) = C o ⎢ε r ' (ω ) −
⎣⎢
⎛
σ
j ⎜⎜ ε r ' ' (ω ) +
ωε
o
⎝
⎞⎤
⎟⎟⎥
⎠⎦⎥
(4.39)
Le facteur de dissipation, en terme de capacité, est alors tout simplement donné par
tgδ (ω ) =
C ' ' (ω )
C ' (ω )
Il est à noter que l’on ne peut distinguer les pertes dues à conduction,
(4.40)
σ
, des pertes
ωε o
dues aux mécanismes de relaxation, ε r ' ' , à partir d’une mesure fréquentielle. Par contre,
cette distinction peut être faite à partir de mesures dans le domaine du temps, c’est-à-dire
en mesurant les courants en fonction du temps après l’application d’un échelon de tension
suivi d’un court-circuit. En effet, en utilisant la fonction suivante pour la tension
appliquée :
⎧0
⎪
U (t ) = ⎨U o
⎪0
⎩
t<0
0 ≤ t ≤ tc
(4.41)
t > tc
dans l’équation (4.30), on obtient
⎧ C oσ
U o + U o C o [δ (t ) + f (t )]
0 ≤ t ≤ tc
⎪
I (t ) = ⎨ ε o
⎪− U C [δ (t − t ) + f (t − t ) − f (t )]
t > tc
o o
c
c
⎩
(4.42)
où tc est le temps de charge. Pour t > tc, c’est-à-dire lors du court-circuit, l’équation
(4.42) exprime le courant de décharge. On peut noter que le courant de décharge est
symétrique au courant de charge mais de signe opposé tel qu’il est illustré à la figure 4.9.
L’expression représentant le courant de décharge contient un terme, f (t ) , représentant
l’effet de mémoire (voir [6]). Pour un temps de charge très long, ce terme tend vers zéro.
En négligeant l’effet de mémoire on peut réécrire (4.42) de la façon suivante :
18
⎧⎪ I ch arg e = I cd + I c (t ) + I a (t)
I (t ) = ⎨
⎪⎩ I déch arg e = − I c (t) - Ia (t)
0 ≤ t ≤ tc
t > tc
(4.43)
où Ia(t), Ic(t) et Icd sont respectivement le courant d’absorption (ou de polarisation), le
courant capacitif et le courant de conduction directe. À partir de (4.43), on voit
facilement que :
I (t ) = I ch arg e (t ) + I déch arg e (t )
(4.44)
Figure 4.9 : Courant de charge et de décharge suivant l’application d’un échelon de
tension suivi d’un court-circuit sur un diélectrique [8]
La figure 4.10 illustre les courants de charge et de décharge (normalisés par la capacité)
pour des isolations de machines tournantes après un échelon de tension de 10 kV.
L’isolation asphalte-mica était utilisée avant l’apparition des résines thermodurcissables
dans les années 60 alors que l’isolation moderne des machines tournantes est maintenant
à base de résine époxy. Le décollement des courbes de charge et de décharge de la figure
4.10 est causé par la conduction directe.
19
10000
1000
Epoxy-mica
Epoxy-mica
Asphalte-mica
Asphalte-mica
I/C (A/F)
100
10
1
0.1
1
10
100
1000
10000
0.1
Temps (s)
Figure 4.10 : Courants de charge (symboles pleins) et de décharge (symboles ouverts)
pour de l’isolation de machine tournante. Les courants sont divisés par la capacité de
l’échantillon. L’échelon de tension est de 10 kV.
Si on revient à la figure 4.6, il a été mentionné précédemment que les mécanismes de
polarisation d’orientation ne se manifeste que sous une certaine fréquence. En effet ces
mécanismes possèdent une constante de temps intrinsèque, appelé temps de relaxation.
Considérons l’application d’un échelon de tension. La polarisation, comme on l’a vu
précédemment peut se décomposer en deux parties. Une partie qui réagit
« instantanément » à la sollicitation électrique (Δt ≈ 0 à la figure 4.11a) et une partie qui
réagit avec un certain délai. Cette situation est illustrée à la figure 4.11a ci-dessous.
20
4.5
4
3.5
Polarisation (U.A.)
3
Pds
2.5
2
1.5
P∞
1
0.5
0
-1
1
3
5
7
9
11
Temps (U.A.)
a)
b)
Figure 4.11 : Mécanisme de relaxation de Debye : a) dans le domaine du temps; b) dans
le domaine des fréquences (tiré de [7]).
Après l’application d’un échelon de champ électrique, si on considère que la polarisation
dipolaire augmente proportionnellement à l’écart par rapport à la position d’équilibre, tel
qu’illustré à la figure 4.11, on peut alors écrire :
dPd (t ) 1
= [Pds − Pd (t )]
dt
τ
(4.45)
La solution de l’équation différentielle ci-dessus est
−t
Pd (t ) = Pds ⎛⎜1 − e τ ⎞⎟
⎝
⎠
(4.46)
où Pds représente la polarisation dipolaire à l’équilibre. La polarisation totale en fonction
du temps est la somme de la polarisation rapide, P∞, et de la polarisation dipolaire, c’està-dire
P (t ) = Pd (t ) + P∞
(4.47)
En combinant l’équation ci-dessus avec l’équation (4.23), on obtient
−t
P (t ) = (Ps − P∞ )⎛⎜1 − e τ
⎝
t
⎞⎟ + P = ε E f (τ )dτ
o o∫
⎠ ∞
0
(4.48)
où Ps, la polarisation statique, est la polarisation totale à l’équilibre (Ps = Pds + P∞). La
solution de l’équation (4.48) est donnée par
21
f (t ) =
(χ s − χ ∞ )e
τ
−t
τ
+ χ ∞ δ (t )
(4.49)
À partir des équations (4.34) et (4.49), on peut calculer la susceptibilité complexe reliée
au mécanisme de polarisation de la figure 4.11. On obtient ainsi :
χ * (ω ) = χ ∞ +
(χ s − χ ∞ )
1 + jωτ
(χ − χ )
χ ' (ω ) = χ ∞ + s 2 ∞2
1+ ω τ
(χ − χ ∞ )ωτ
χ ' ' (ω ) = s
1 + ω 2τ 2
= χ ' (ω ) − jχ ' ' (ω )
(4.50)
Les équations ci-dessus sont les équations de Debye. Elles sont illustrées à la figure
4.11b. Les mêmes équations peuvent être écrites pour la permittivité complexe avec les
paramètres ε∞ et εs à la place de χ∞ et χs. La partie imaginaire de la permittivité (ou de la
susceptibilité) est appelée pertes diélectriques. En effet, cette composante se traduit par
un échauffement du diélectrique, c’est-à-dire des pertes de puissance sous forme de
chaleur. On constate que ces pertes sont maximales à une fréquence correspondant au
temps de relaxation. La puissance dissipée par unité de volume est donnée par
Q& 1
= ωε o ε ' ' E o2
V 2
(4.51)
Q&
correspond à la puissance dissipée par unité de volume et Eo est l’amplitude du
V
champ électrique auquel est soumis le diélectrique. Il est important de mentionner que
même si les équations de Debye sont d’une grande importance dans l’étude des
diélectriques, la plupart des mécanismes de pertes diélectriques rencontrés dans les
matériaux réels ne se comportent pas tel que stipulé par les équations (4.50). D’autres
équations mathématiquement plus complexes peuvent être alors utilisées mais ces
équations ne peuvent être justifiées théoriquement comme les équations (4.50). La
présentation de ces équations dépasse le cadre du présent document et est disponible
ailleurs (par exemple [5]).
où
La polarisation interfaciale dont il a été fait mention précédemment a un comportement
fréquentiel semblable à celui de la figure 4.11b mais se manifeste habituellement à plus
basse fréquence que la polarisation dipolaire. La figure 4.12 illustre de façon
schématique le comportement fréquentiel de la permittivité en fonction des différents
mécanismes de polarisation présentés dans ce document.
22
Figure 4.12 : Mécanismes de polarisation (tiré de [5])
4.2.2.4 Circuit équivalent
On peut représenter le comportement diélectrique d’un matériau par un circuit équivalent.
Dans ce cas évidemment, la capacité complexe définie par (4.38) est reliée à l’impédance
du circuit par
C * (ω ) =
1
jωZ (ω )
(4.52)
Si on considère par exemple le cas d’un condensateur idéal (pas de pertes diélectriques)
possédant une certaine valeur de courant de fuite, on peut alors représenter le diélectrique
par un condensateur Cp en parallèle avec une forte résistance Rp. Cet agencement est
illustré à la figure 4.13a. La capacité complexe est alors donnée par :
⎛ 1
C * = C p − j⎜
⎜ ωR
p
⎝
⎞
⎟
⎟
⎠
(4.53)
Une mesure effectuée sur une huile minérale de transformateur est illustrée à la figure
4.14 ci-dessous. On constate que le modèle simple du condensateur idéal en parallèle
avec une résistance s’applique très bien pour ce matériau. En effet, l’huile minérale étant
non polaire, elle ne présente pas de mécanisme de polarisation dans la plage de fréquence
mesurée mais possède une conductivité non nulle (quoique faible).
23
a)
b)
Figure 4.13 : Circuits équivalents
1.00E-08
0.001
0.01
0.1
1
10
100
1000
Capacité réelle
1.00E-09
Capacité imaginaire
Capacité (F)
1.00E-10
1.00E-11
1.00E-12
1.00E-13
1.00E-14
1.00E-15
Fréquence (Hz)
Figure 4.14 : Mesure sur une huile de transformateur
Le circuit illustré à la figure 4.13b est équivalent aux équations de Debye (équations
(4.50)). En effet, on peut facilement démontrer que pour ce circuit :
C* = Cp +
Cs
1 + jωτ
(4.54)
τ = Rs C s
La branche composée d’une résistance en série avec un condensateur idéal représente
donc un mécanisme de relaxation dont la constante de temps est le produit de la capacité
et de la résistance.
24
4.2.2.5 Rigidité diélectrique
Il existe un champ maximal que peut supporter un matériau diélectrique. Au-delà de ce
champ, le matériau ne peut plus contenir les charges électriques sur ses électrodes et
devient brusquement conducteur. Ce champ s’appelle le champ de rupture diélectrique ou
de claquage. Cette valeur dépend de beaucoup de facteurs comme la température, la
présence d’humidité ou de contaminants, la géométrie, le volume d’isolant, etc. Le calcul
de ces champs de rupture est d’une importance considérable pour l’ingénierie des
équipements haute tension. Faisons un survol rapide du concept de rupture diélectrique
pour les matériaux gazeux, liquides et solides.
Rupture dans les gaz
L’air est le matériau diélectrique le plus commun. Ses propriétés diélectriques sont d’une
importance considérable. Normalement, l’air est un isolant pratiquement parfait à des
champs modérés (σ = 0, ε’’ = 0). Lorsqu’un claquage survient, le gaz s’ionise et devient
conducteur. La tension de claquage augmente au fur et à mesure que la distance entre les
électrodes augmente. Par contre, le champ de claquage lui diminue de 3 kV/mm pour un
champ uniforme sur de petites distances à 0,6 kV/mm pour des distances inter-électrodes
de quelques mètres. Pour de très grandes distances, comme les éclairs atmosphériques, le
champ de claquage n’est plus que de 0,1 kV/mm. Certains gaz ont des propriétés
diélectriques supérieures à celles de l’air, comme par exemple le gaz carbonique (CO2) et
l’hexafluorure de soufre (SF6). Le SF6 a des propriétés supérieures à celles de l’air et du
CO2, ayant un champ de rupture 2,5 fois supérieur à celui de l’air et du CO2 à la pression
atmosphérique. Cet avantage est encore plus marqué à plus haute pression.
Rupture dans les liquides
Les liquides utilisés dans les équipements haute tension servent à la fois comme isolant et
comme dissipateur de chaleur. Ils ont aussi l’avantage de se régénérer si une rupture
survient. Les liquides hautement purifiés ont des tenues diélectriques qui peuvent
atteindre 100 kV/mm. Toutefois, cette valeur diminue rapidement lorsque des impuretés
sont présentes. Le facteur le plus important affectant la tenue diélectrique des huiles
minérales est la présence d’eau sous forme de fines gouttelettes en suspension. Par
exemple, la présence de 100 ppm d’eau dans l’huile réduit sa tenue diélectrique à 20 %
de la valeur de l’huile sec.
La présence de bulles gazeuses ayant une tenue diélectrique plus faible va
considérablement affecter la tenue de l’huile puisqu’un claquage dans une bulle peut
entraîner un claquage de tout le système d’isolation. En pratique, les liquides
commerciaux utilisés ne peuvent pas être soumis à des traitements élaborés de
purification de telle sorte que la tenue diélectrique va habituellement dépendre des
impuretés présentes.
25
Rupture dans les solides
Les matériaux solides isolants sont toujours présents dans les structures haute tension. Ils
servent à la fois de supports mécaniques pour les pièces conductrices et de matériaux
isolants pour séparer ces pièces les unes des autres.
Généralement, un système d’isolation est composé d’une combinaison de matériaux
solides, gazeux et mêmes liquides.
La rupture diélectrique des solides est un phénomène destructif qui modifie, de façon
irréversible, la structure du matériau. Comme pour les gaz et les liquides, la rupture
diélectrique des solides dépend d’un grand nombre de paramètre, comme la géométrie
des échantillons ainsi que la procédure d’application de la tension. Plusieurs normes et
standards définissent des procédures d’essai.
La valeur intrinsèque de la tenue diélectrique des solides est la plus haute qui soit et peut
en théorie atteindre les 1 000 kV/mm. En pratique, les valeurs réelles sont beaucoup plus
faibles. Le plus souvent, la rupture va survenir le long d’une surface, ou encore être
causée par l’érosion due à des décharges partielles dans des cavités gazeuses ou encore se
propager à partir d’un défaut dans une structure arborescente appelé arbre électrique.
Nous reviendrons sur ce sujet à la section suivante. La figure ci-dessus illustre la
propagation d’un arbre électrique dans le polyéthylène.
Figure 4.15 Arborescence électrique dans le polyéthylène
26
Exercices
* : Exercices difficiles
1–
La masse volumique de l’heptanol (C7H15OH) est ρ = 824 kg/m3. Utilisez
l’équation 4.15 ainsi que les valeurs du tableau 4.3 pour calculer la permittivité de
l’heptanol. Pour l’heptanol μ = 0. Comparer votre réponse avec la valeur
expérimentale, εr = 2.10. Indice : La valeur de la polarisabilité de l’équation 4.15
pour une molécule est la somme des polarisabilités de tous les atomes de la
molécule.
Rép. : 2.03
2-
Même question pour le tétrachlorure de carbone (CCl4) : ρ = 1600 kg/m3 μ = 0.
Rép. : 2.14 (la valeur expérimentale est 2.24)
3–
Le chloroforme, un liquide polaire, a un indice de réfraction n = 1,44 et une
permittivité statique de εr = 4.81 en phase liquide à 20oC. Calculer la grandeur
(en Debye) du moment dipolaire de la molécule de chloroforme à partir des
équations 4.15 et 4.16.
Rép : μ = 1,07 D
4-
L’eau, un liquide polaire, a un indice de réfraction n = 1,33 et une permittivité
statique de εr = 80,4 en phase liquide à 20oC. Calculer la grandeur (en Debye) du
moment dipolaire de la molécule d’eau à partir des équations 4.15 et 4.16. Le
moment dipolaire de la molécule d’eau est en réalité de 1.85 D. Qu’en concluezvous qu’en aux limitations de la validité de 4.15?
Rép. : μ = 0,8 D; cette équation n’est valable que pour les substances non-polaires ou
diluées.
5-
Expliquez la grande différence existant entre la permittivité de l’eau et l’indice de
réfraction au carré (tableau 4.4)
Rép. : La présence d’un fort moment dipolaire permanent (μ = 1.85 D) explique cette
différence
6-
Démontrez l’équation 4.30 à partir de 4.28 (en utilisant 4.29).
7*-
Démontrez l’équation 4.42 à partir de 4.30 (en utilisant 4.41). Indice : la mise en
court-circuit à t = tc peut être représentée par la superposition d’un échelon de
tension Uo avec un échelon de tension –Uo appliqué à partir de tc.
27
8
Quelle est la forme de la fonction de réponse f(t) correspondant aux courbes de la
figure 4.10?
Rép. : f(t) = At-n
9*
Démontrez l’équation 4.49 à partir de 4.48. Indice : La polarisation instantanée
P∞ mathématiquement s’exprime par un échelon P∞(t) = P∞H(t), où H(t) est la
fonction échelon.
10* – À partir des équations (4.50) démontrez la relation suivante :
ε + ε∞ ⎞
⎛
⎛ε −ε∞ ⎞
⎜ ε '− s
⎟ + ε ' '2 = ⎜ s
⎟
2 ⎠
⎝
⎝ 2 ⎠
2
2
Cette relation est à la base de l’illustration de la permittivité dans un plan complexe
appelé diagramme de Cole-Cole.
11
Des mesures de permittivité complexe de l’eau [5] sont données ci-dessous
a)
b)
f (GHz)
e'
e''
2530
890
300
35.25
34.88
24.19
23.81
23.77
23.62
15.41
9.455
9.39
9.346
9.141
4.63
3.624
1.744
1.2
0.577
3.65
4.3
5.48
20.3
19.2
29.6
30.5
31
30.88
46
63
61.5
61.41
63
74
77.6
79.2
80.4
80.3
1.35
2.28
4.4
29.3
30.3
35.18
35
35.7
35.75
36.6
31.9
31.6
31.83
31.5
18.8
16.3
7.9
7
2.75
Illustrez graphiquement la variation la permittivité imaginaire en fonction de
la fréquence dans un diagramme log-log. Est-ce que ces résultats suivent
l’équation 4.50?
Quelle est approximativement la constante de temps de l’équation (4.50)?
28
c)
On veut faire chauffer une tasse d’eau au four micro-onde. Si le four microonde génère un champ électrique de 1 V/mm à une fréquence de 24,2 GHz,
combien de temps sera nécessaire pour amener l’eau de 20oC à 100oC? On
présume que l’échauffement est adiabatique (pas de pertes de chaleur par
conduction) et que les données du tableau ci-dessus s’appliquent. Pour un
échauffement adiabatique on a :
dT
Q&
=
dt mC p
où Cp = 4.18 kJ/(kg.K).
d)
Si le volume d’eau est de 200 mL, quelle puissance doit fournir le four?
Rép. : a) oui, surtout la partie imaginaire
100
permittivité réelle
permittivité imaginaire
Debye réel
Permittivité
Debye imaginaire
10
1
0.1
1
10
100
1000
10000
Fréquence (GHz)
b) τ = 1,0 x 10-11 s; c) 88,7 s; d) 754 W
12-
Quelle est la puissance dissipée par unité de volume pour un diélectrique de
permittivité égale à 4 et de facteur de dissipation (tgδ) égal à 0,001 si E = 1 kV/m
et f = 10 MHz?
Rép. : 2,2 W/m3
29
13-
Voici quelques valeurs numériques de la figure 4.14:
Fréquence (Hz)
C’
C’’
===========================================
10
4.8351E-11
1.133E-13
6.3116
4.8351E-11
1.8098E-13
3.9811
4.8348E-11
2.9245E-13
2.5122
4.8349E-11
4.6437E-13
a)
b)
c)
d)
e)
Quel est la valeur du condensateur Cp et de la résistance Rp du circuit
équivalent représentant cette huile?
Quelle est la capacité sous vide Co sachant que la permittivité de l’huile est
de 2,2?
Quelle est la conductivité de l’huile?
Pourquoi la partie réelle ne varie pas avec la fréquence?
Quel est l’indice de réfraction de l’huile?
Rép. : a) Cp = 48,4 pF; Rp = 136,4 GΩ; b) Co = 22 pF; c) σ = 2,95 pS/m; d) Pas de
mécanisme de polarisation d’orientation; e) n = 1.48
14- Démontrez l’équation (4.54) à partir du circuit équivalent (figure 4.13b).
15 –
On effectue des essais de claquages sur des films de polyéthylène de 200 μm
d’épaisseur. Le montage utilisé est illustré ci-dessous. La tension entre les
électrodes est augmentée rapidement jusqu’à la rupture diélectrique. On effectue
plusieurs essais et on note les valeurs suivantes :
Essai
Tension de rupture (kV)
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
23.9
25.0
25.9
26.2
27.0
27.5
27.6
27.7
27.9
28.2
30
a) Pourquoi effectue-t-on les tests dans un bain d’huile diélectrique?
b) Quelle est la valeur moyenne du champ de rupture de ce matériau?
Rép. : a) Pour éviter un contournement; b) Ebd = 133 kV/mm.
31
Références
[1]
J.L. Parpal, “Les câbles souterrains haute tension à isolation synthétique installé
par Électricité de France : homologation et spécification technique », Rapport
IREQ, 1989.
[2]
R. Bartnikas, K.D. Srivastava, Elements of Cable Engineering, Standford
Educational Press, 1980.
[3]
E.A. Boulter, G.C. Stone, “Historical Development of Rotor and Stator Windings
Insulation Materials and Systems”, IEEE Mag. on Electric Ins., Vol 20, No. 3, pp.
25-39, 2004.
[4]
A. Helgesen, “Analysis of Dielectric Response Measurement Methods and
Dielectric Properties of Resin-Rich Insulation During Processing”, Thèse
doctorale, KTH, ISSN 1100-1593, 2000.
[5]
G.G. Raju, Dielectrics in Electric Fields, Marcel Dekker Inc., 2003.
[6]
A.K. Jonscher, Dielectric Relaxation in Solids, Chelsea Dielectrics Press, 1984.
[7]
R. Bartnikas ed, Engineering Dielectrics, Vol II-A, ASTM special technical
publication 783, 1983.
[8]
R. Fournier, Les isolants en électrotechnique: Concepts et théories, Tome 1,
Éditions Eyrolles, 1990.
32
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