x u ésseeaa rré ux rése aux En Alsace, dépistage et traitement des hépatites C par les microstructures médicales F. Di Nino*, A. Feltz**, C. Bernard-Henry**, G.-H. Melenotte**, M. Doffoël*** Né en Alsace en juillet 2003, le dispositif du réseau des microstructures RMS réunit les cabinets médecins généralistes qui accueillent chacun dans leurs locaux, un psychologue et un travailleur social, pour le suivi des patients pharmacodépendants. Un dispositif innovant dont on sait, après une période d’expérimentation tout à fait concluante, qu’il est reproductible. Et qu’il suscite d’ores et déjà d’autres vocations en France ! Le dispositif alsacien travaille en réseau et en étroite collaboration avec le Pôle de référence régional des hépatites du CHU de Strasbourg régional. Le dépistage précoce et le traitement de l’hépatite C sont une priorité chez les usagers de drogue. Leur traitement est lourd et occasionne des difficultés tant psychologiques que sociales. Et, face à ce pari sanitaire, le médecin généraliste joue un rôle pivot. Avec une prévalence de contamination allant jusqu’à 60 % (contre 1,2 % pour la populations française), les usagers de drogue par voie intraveineuse sont, en effet, le groupe à risque, comme le rappelle le Dr F. Girard (1). Un réseau de soin Une microstrucure réunit, au cabinet du médecin généraliste, un psychologue et un travailleur social pour le suivi des patients présentant une ou des pharmacodépendances. Son champ d’indication comprend l’addiction aux substances illicites (pour les deux tiers, des addictions aux opiacés), aux médicaments, à l’alcool, au cannabis et au tabac. Il n’inclut pas les addictions sans substances (figure 1). Deux patients sont traités par buprénorphine haut dosage pour un par méthadone, mais tous ne bénéficient * Docteur en sciences, RMS d’Alsace ** A. Feltz et C. bernard-Henry, généralistes, coordination médicale RMS d’Alsace ; G.-H. Melenotte, président de RMS d’Asace. *** Pôle de référence régionale hépatites, CHU Strasbourg. pas d’un traitement de substitution aux opiacés. Ainsi 46,1 % du total prennent de la buprénorphine haut dosage avec un dosage moyen de 10,4 mg par jour ; 23,9 % prennent de la méthadone avec un dosage moyen de 65,5 mg par jour ; 4,7 % suivent un autre traitement de substitution (sulfate de morphine) ; 25,3 % des patients n’ont pas ces traitements en raison d’une autre addiction. Le rapport buprénorphine haut dosage/méthadone est faible. Le réseau des microstructures médicales d’Alsace (RMS) a démarré dans la région Alsace depuis juillet 2003. Composé de 18 microstructures réparties dans la région, le RMS réunit 24 médecins généralistes, 11 psychologues et 4 travailleurs sociaux. Figure 1. 37 Quatorze microstructures se trouvent dans le Bas-Rhin, 4 dans le Haut-Rhin. Il est financé par la Caisse d’assurance maladie (URCAM/ARH/FAQSV), les collectivités territoriales (Strasbourg, Mulhouse, Thann), le Conseil général du Haut-Rhin, la MILDT et le laboratoire Schering Plough. Il a établi un dispositif sanitaire contre les hépatites à partir d’octobre 2003, selon trois volets : formation, enquête épidémiologique, consultations experts. Il l’a fait en collaboration étroite avec le Pôle de référence régional des hépatites du CHU de Strasbourg, dirigé par le Pr Michel Doffoël qui lui a fourni aide et compétence. Ces données montrent les trois addictions principales suivies dans le réseau (3). On note une diminution relative de la part des opiacés depuis le début du réseau (2003) au profit de l’alcool, des médicaments, principalement les benzodiazépines. Les autres substances comptent, entre autres, la cocaïne et le cannabis. Résultats encourageants pour la prise en charge de l’hépatite C Cet article présente les premiers résultats d’une évaluation de l’action menée par le RMS, le Pôle de référence régional des hépatites du CHU de Strasbourg et le laboratoire d’épidémiologie et de santé publique de l’université Louis-Pasteur, avec le soutien technique et financier de la MILDT et du laboratoire Schering-Plough (4). L’enquête a porté sur 12 mois (janvier 2004-janvier 2005). Sur un effectif total de 385 patients suivis en microstructure, 213 constituent le groupe à risque. Appartenir au groupe à risque revient à avoir eu x u ésseeaa rré ux rése 161 (75,6 %) • En France, de 500 à 600 000 personnes sont atteintes du virus de l’hépatite C. • L’hépatite C, présente une morbidité précoce. Comme le rappelle C. Six et al. (2), elle est responsable, en Europe, de 20 % des hépatites aiguës, 70 % des hépatites chroniques, 40 % des cirrhoses décompensées, ainsi que de certains cancers du foie. • Jusqu’en 1992, 30 % des personnes étaient contaminées suite à une transfusion sanguine et 30 % l’étaient suite à leur pratique addictive par voie intraveineuse ou par voie nasale. • En 1989, la découverte du virus de l’hépatite C et les mesures prises depuis ont éliminé le risque de contamination par transfusion. • Aujourd’hui, sur environ 5 000 nouveaux cas annuels d’hépatite C, 75 % sont, ou ont été, usagers de drogue par voie intraveineuse ou par voie nasale. positive 68 (42,2 %) ARN VHC 75 positif 41 (54,6 %) ➯ génotype viral 33 (80,5 %) ➯ Biopsie hépatique Fibrotest 19 (46,3 %) 8 (19,5 %) ➯ Sur la base de ces premiers résultats, des mesures sont en cours pour améliorer les performances du réseau. De nouvelles formations sur l’hépatite B et C sont prévues pour atteindre les 100 % de dépistage. Une formation sur l’usage du Fibroscan sera organisée au sein du réseau au cours de ce printemps. Depuis 2004, des consultations d’experts où ceux-ci se déplacent dans les microstructures, ont permis, dans certains cas, l’initiation d’un traitement antiviral. Une convention du RMS avec le CHU de Strasbourg a été signée en vue de la mise en place d’un dossier médical partagé microstructure/Pôle de référence. On a mis en place un protocole, afin que les centres de soins spécialisés dans le traitement des toxicomanes (CSST) puissent, le cas Sérologie de dépistage ➯ Pour améliorer les résultats Les trois quarts sont des usagers de drogues ➯ Traitements de l’hépatite selon les traitements de substitution (étude complémentaire) Cinquante pour cent des patients prenant de la méthadone, 25 % de ceux qui sont traités par la buprénorphine haut dosage, 63,6 % des patients sous sulfate de morphine, avec un ARN positif sont traités. 213 ➯ Dépistage et traitement Dans le tableau ci-contre, sont présentés les résultats de l’enquête. Ils montrent que le dépistage est effectué pour les deux tiers de la population à risque (75,6 %). Un peu moins de la moitié des personnes dépistées ont une sérologie positive (68). Le nombre de tests ARN (75) est plus élevé que le nombre de sérologies effectuées (68) : 62 tests ont été effectués chez les patients à sérologie positive (68), 10 chez les patients à sérologie négative (85), 3 parmi les sérologies non renseignées (8). Sur 41 patients ARN positifs, le nombre de traitements entrepris est de 16, soit 39 % des patients porteurs du virus. Ce résultat est encourageant pour peu que l’on se réfère à la moyenne nationale qui, en décembre 2005, variait entre 15 à 20 %. Population à risque ➯ recours à l’injection ou au sniff une fois au moins dans sa vie. Il représente 55,3 % de l’échantillon total. Ce groupe est composé de 71,8 % d’hommes (soit 153 patients) et de 28,2 % de femmes (60). aux Traitement 16 (39 %) échéant, “passer” rapidement un patient à la méthadone. Des conventions partenariales avec le secteur psychiatrique sont en cours afin de faciliter l’accès à l’avis psychiatrique au démarrage d’un traitement contre l’hépatite C. Enfin, nous sommes en train d’étudier la découpe du réseau selon les territoires de santé afin de favoriser les coopérations sanitaires à l’échelle locale. Un dispositif pertinent Si le dépistage en médecine générale reste encore globalement insuffisant, le pourcentage des traitements entrepris chez les personnes “ARN positif” dans le cadre des microstructures médicales, est le double de la moyenne nationale. Le dispositif permet aux médecins généralistes de jouer un rôle pivot dans le dépistage et le traitement des hépatites chez les usagers de drogue. L’atout majeur du RMS est sa collaboration exemplaire avec le service hospitalier du Pr Doffoël (Pôle de référence régional des hépatites, CHU de Strasbourg), et le soutien actif des pouvoirs publics et privés. Il facilite l’accès aux traitements de l’hépatite par un recours expert du patient auprès du médecin généraliste, et ce, à proximité de chez lui. Par l’accueil large et compétent qu’elle offre aux patients, par la sollicitation d’avis experts en hépato-gastroentérologie et en psychiatrie pour l’initiation de leur traitement, par les possibilités de suivis réguliers psychologiques et sociaux qu’elle offre, la microstructure donne au médecin Le Courrier des addictions (8), n° 1, janvier-février-mars 2006 38 généraliste les moyens de son pari sanitaire contre les hépatites. Quant à la substitution par la méthadone – et celle par le sulfate de morphine – dans le cadre de la microstructure, elle semble favoriser le traitement de l’hépatite C chez les personnes contaminées. L’initialisation du traitement par la méthadone rendu possible en microstructure permettrait de confirmer ce résultat. Références bibliographiques 1. Dr Françoise Girard. Campagne nationale d’information sur l’hépatite et d’incitation au dépistage du VHC. 2. Six C, Hamers F, Brunet JB. Infections à VIH, VHC et VHB chez les résidents des Centres de soins spécialisés pour toxicomanes avec hébergement, 1993-1998. Centre européen pour la surveillance épidémiologique du sida, SaintMaurice. Perbet C. Enquête sur les patients mis sous traitement de l’hépatite C, dans l’établissement de santé, 1998. 3. Données de ce paragraphe extraits du document ADESP : Guy Hédelin, Ahmed Hamadouche. Rapport final. Le réseau des microstructures, 15 octobre 2005. 4. Les données qui suivent ont été analysées par Fiorant Di Nino dans: “Exploitation statistique de l’enquête sur l’hépatite C des patients faisant partie du groupe à risque et inclus dans le réseau des microstructures médicale (RMS). Impact sanitaire du RMS sur le traitement de l’hépatite C”.