Focus La sclérose en plaques en 2014 Multiple sclerosis in 2014 T. Moreau, A. Fromont (Service de neurologie, CHU de Dijon) ✔ Mots-clés. Diagnostic • Pronostic • Traitements. ✔ Keywords. Diagnostic • Pronostic • Treatments. L a sclérose en plaques (SEP) est une maladie chronique diffuse du système nerveux central (cerveau, tronc cérébral et moelle épinière). Il s’agit d’une pathologie inflammatoire auto-immune dont la cible est la myéline. La SEP est la première cause de handicap neurologique du sujet jeune. important d’en déclarer une et inversement, ce qui n’est pas le cas si la migration se fait à l’âge adulte. Plusieurs facteurs environnementaux sont incriminés dans le risque de SEP : le virus d’Epstein-Barr (mononucléose infectieuse, surtout si elle est symptomatique), la vitamine D et l’ensoleillement, le tabac, l’obésité infantile. Physiopathologie (6) La SEP affecte environ 2 millions de personnes dans le monde, et 80 000 personnes en France. Elle est plus fréquente dans l’hémisphère nord. Son incidence en France est de 7 cas pour 100 000 habitants et par an. Il s’agit de la maladie neurologique la plus invalidante débutant chez l’adulte jeune, à un âge moyen situé entre 20 et 40 ans. La SEP a une prédominance féminine, avec un sex-ratio de 3 femmes pour 1 homme. La SEP est une pathologie touchant exclusivement le système nerveux central. Des clones de lymphocytes T et B sont activés dans l’enfance dans la circulation sanguine puis traversent, à l’âge adulte jeune, la barrière hématoencéphalique qui isole le système nerveux central. Une fois dans le cerveau, ces cellules immunoactives, des cytokines pro-inflammatoires, des anticorps sont libérés et vont aboutir à l’attaque inflammatoire de la myéline. La SEP est donc une maladie inflammatoire, auto-immune, démyélinisante du système nerveux central. Par l’atteinte de la myéline, le passage de l’influx nerveux est touché, entraînant des signes cliniques. Les mécanismes de remyélinisation permettent, au début, une récupération neurologique. Une souffrance de l’axone semble coexister avec l’atteinte myélinique. Causes Diagnostic Elles sont multifactorielles. Deux événements cliniques la caractérisent : la poussée et la progression (figure 1) [7]. Terrain (1-3) ✔ Génétique (4) La SEP n’est pas une maladie héréditaire, mais fait intervenir un terrain de susceptibilité génétique. Chez les jumeaux monozygotes, il existe un taux de concordance maximum de 25 %. La prévalence de la SEP dans la population générale est de 0,1 % ; elle est de 2,75 % lorsqu’un des parents est atteint et de 4 % lorsqu’un frère ou une sœur est touché. Les formes familiales de SEP représentent 10 % des cas. Il s’agit d’une maladie polygénique faisant intervenir des gènes impliqués dans la réponse immunitaire, par exemple HLA DRB1 15*01, les gènes des récepteurs aux interleukines, etc. ✔ Environnement (5) Comme le prouve le modèle des migrations, l’environnement semble intervenir dans le risque de survenue d’une SEP. Ainsi, les personnes migrant avant l’âge de 15 ans d’une zone de forte prévalence vers une zone de faible prévalence ont un risque peu 10 Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 1 • janvier-février 2014 Poussée Progression Figure 1. Les 2 événements cliniques caractérisant la sclérose en plaques. La poussée correspond à l’apparition de signes neurologiques ou à l’aggravation de signes préexistants, durant plus de 24 heures, en dehors de la fièvre, à plus de 1 mois de la dernière poussée. La progression est définie par l’aggravation des signes durant 6 mois et plus. ✔ Phase de début (figures 2 et 3) Quatre-vingt-cinq pour cent des patients démarrent leur maladie par une forme à poussées. Ces poussées peuvent se manifester par un ou plusieurs des signes et/ou symptômes suivants (8). ▶ Signes moteurs Ils inaugurent la SEP dans 40 % des cas. Ils se manifestent par une lourdeur, une faiblesse des membres. Les membres inférieurs sont plus souvent atteints et plus précocement que les membres supérieurs, avec souvent un déficit asymétrique. Le malade n’arrive plus à courir, puis peut observer une réduction de son périmètre de marche. L’atteinte peut se limiter à des anomalies de l’examen clinique neurologique avec un syndrome pyramidal non déficitaire. Une trépidation épileptoïde des pieds est souvent présente, de même qu’un signe de Babinski, qui peut être la seule manifestation de l’atteinte pyramidale. La spasticité des membres est fréquente ; elle aide les patients parétiques à marcher en fauchant, mais elle est aussi à l’origine d’une gêne et d’un inconfort. ▶ Signes sensitifs La SEP débute par des signes sensitifs dans 45 % des cas. Ils sont souvent subjectifs, ne correspondant pas toujours à un dermatome. Ils peuvent être en bande autour de 1 ou 2 membres, de l’abdomen ; parfois une zone de sensation anormale en “patch” est décrite. Les signes sensitifs sont à type d’hypoesthésie ou d’anesthésie ; il peut s’agir de signes positifs (brûlures, paresthésies, dysesthésies, engourdissements, ruissellement, voile, etc.). Il existe un signe sensitif quasiment spécifique : le signe de Lhermitte (sensation de décharge électrique descendant dans le dos et les membres lors de la flexion de la tête), témoignant d’une atteinte cordonale postérieure. L’examinateur peut observer une atteinte de la voie lemniscale (sensibilité épicritique et proprioceptive) et/ou extralemniscale (sensibilité thermoalgique et tact grossier). Des douleurs surviennent dans la SEP (douleurs neurogènes, dysesthésies, spasmes secondaires à la spasticité), plus souvent dans les formes évoluées. ▶ Signes visuels La névrite optique rétrobulbaire (NORB) est une des manifestations les plus fréquentes de la SEP lors de la première poussée (20 % des cas). Elle se traduit par une baisse d’acuité visuelle sur quelques heures ou quelques jours, unilatérale, à type de voile, accompagnée de douleurs périorbitaires aggravées par les mouvements oculaires. L’examinateur trouve une baisse d’acuité visuelle d’importance variable avec parfois un scotome central ou paracentral et une dyschromatopsie d’axe vert-rouge. Au fond d’œil, la papille est le plus souvent normale au début, puis il peut exister un flou du bord nasal et une hyperhémie. Un œdème papillaire est présent dans 10 % des cas. La motricité pupillaire intrinsèque peut être touchée. Le phénomène de Marcus Gunn (dilatation paradoxale de la pupille du côté atteint lors de l’éclairage alterné de chaque œil) témoigne d’un déficit du réflexe pupillaire afférent homolatéral ; il est fréquemment associé aux NORB. ▶ Troubles de l’équilibre, vertiges L’atteinte vestibulaire se révèle par des sensations vertigineuses avec signes d’instabilité d’origine vestibulaire. Les troubles peuvent également correspondre à une atteinte cérébelleuse (ataxie, dysmétrie, hypermétrie, adiadococinésie, asynergie, tremblement d’intention, dysarthrie cérébelleuse, hypotonie). ▶ Extrémité céphalique Les troubles oculomoteurs sont possibles. Un nystagmus le plus souvent horizontal est retrouvé ; il peut être rotatoire, battant vers le haut ou le bas. La plupart du temps, ce nystagmus est asymptomatique, mais il peut occasionner un inconfort visuel, une oscillopsie ou une diplopie. L’ophtalmoplégie internucléaire (figure 4, p. 12) uni- ou bilatérale est liée à des lésions de la bandelette longitudinale postérieure. L’œil ipsilatéral à la lésion ne peut pas aller en adduction, alors que l’œil controlatéral va en abduction, mais avec un nystagmus horizontal. Les mouvements de convergence sont préservés. Des anomalies de la mobilité extrinsèque sont possibles, avec des paralysies de latéralité ou de verticalité. La dysarthrie est fréquente. Elle est d’origine diverse : cérébelleuse, spastique, mixte. Une névralgie du trijumeau peut survenir au cours de la SEP. Elle peut être révélatrice. Une paralysie faciale d’expression périphérique est inaugurale dans 5 % des cas. Sans séquelle Sclérose en plaques rémittente Avec séquelles Sans poussée surajoutée Avec poussées surajoutées Sclérose en plaques primitivement progressive Phase rémittente Phase secondairement progressive Figure 2. Évolution habituelle de la sclérose en plaques dans le temps. Sans poussée surajoutée Avec poussées surajoutées Sclérose en plaques secondairement progressive Figure 3. Les différents modes évolutifs de la sclérose en plaques. Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 1 • janvier-février 2014 11 Focus Ces différents symptômes et signes inauguraux peuvent être isolés ou associés. Ils peuvent s’accumuler avec le temps. La récupération après une poussée peut être complète (deux tiers des cas en début de maladie) ou partielle avec séquelles, qu’elle soit traitée ou non. En moyenne, les patients ont une poussée tous les 18 mois au début, puis cette fréquence diminue. ✔ Phase d’état (11) En moyenne, 50 % des patients ayant une forme rémittente passeront en forme secondairement progressive au bout de 10 ans, avec ou sans poussées surajoutées. Au cours du temps, il existe une accumulation des signes et des symptômes précédents. Au-delà de 10 ans d’évolution, les troubles cognitifs touchent plus de 1 patient sur 2 ; la fatigue, les troubles urinaires et sexuels sont habituels. ✔ Cas particuliers Formes progressives d’emblée (15 % des cas) ▶ Figure 4. Ophtalmoplégie internucléaire. ▶ Troubles vésicosphinctériens et sexuels Les troubles mictionnels inaugurent la maladie chez seulement 6 % des patients, mais ils surviennent chez 78 % des patients au cours de l’évolution de la maladie. Les patients rapportent des pollakiuries, des mictions impérieuses, des incontinences, des dysuries, des mictions incomplètes nécessitant des explorations à la recherche d’un résidu postmictionnel. La constipation est fréquente. Une incontinence fécale peut être rapportée. Les troubles sexuels chez l’homme et chez la femme sont fréquents. Ces formes touchent autant les hommes que les femmes. Elles débutent à 40 ans, avec un handicap qui survient plus vite. Les formes d’emblée progressives sont habituellement caractérisées par une atteinte médullaire progressive (réduction du périmètre de marche, troubles vésicosphinctériens). Ces formes peuvent être avec ou sans poussées surajoutées. ▶ Formes dites “bénignes” Certaines formes de SEP sont dites “bénignes” à moyen terme. Il s’agit de patients encore ambulatoires après 10 ans d’évolution, sachant que 50 % des patients perdent leur statut de forme bénigne dans les 10 ans suivants. ▶ Autres symptômes La fatigue concerne environ 75 % des patients ; elle peut être inaugurale. Il s’agit d’un symptôme invalidant, altérant la vie quotidienne (9). Les troubles cognitifs concernent 40 % des patients. Ils comprennent des troubles de l’attention, de la mémoire de travail, du raisonnement, du maniement des concepts, de la vitesse de traitement de l’information (10). Des troubles mnésiques affectent le stockage de l’information mais aussi le rappel différé. Ils peuvent être précoces. La dépression et l’anxiété touchent 27 à 54 % des patients. ▶ Symptôme durant moins de 24 heures Le phénomène d’Uhthoff correspond à une baisse transitoire, de quelques minutes, de l’acuité visuelle déclenchée par la chaleur, la fièvre en période menstruelle, en postprandial. Il est présent chez un tiers des patients et fait suite habituellement à une NORB. Il existe des équivalents moteurs, sensitifs, oculomoteurs. Ce phénomène traduit un bloc de conduction de l’influx nerveux. Les manifestations paroxystiques consistent en des épisodes brefs de quelques secondes, stéréotypés, déclenchés par le mouvement, les stimulations sensitives, l’hyperventilation. Ces manifestations peuvent être des névralgies faciales, une dysarthrie, des mouvements anormaux paroxystiques (dystonies, choréo-athétose kinésigénique, akinésie paroxystique), un prurit paroxystique. 12 Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 1 • janvier-février 2014 Évolution et pronostic (12) L’évolution de la SEP va des formes dites “bénignes” aux formes très rapidement invalidantes, avec tous les intermédiaires possibles. Des courbes de survie montrent des médianes de délai d’atteinte des principaux niveaux de handicap évalués par l’EDSS (Expanded Disability Status Scale). Cinquante pour cent des patients atteindront l’EDSS 4 (limitation du périmètre de marche) au bout de 11 ans, l’EDSS 6 (recours à une canne) après 23 ans d’évolution et l’EDSS 7 (fauteuil roulant) après 33 ans. Des facteurs prédictifs cliniques de bon pronostic ont été mis en évidence, parmi lesquels un âge de début précoce, le fait d’être une femme, un début rémittent, un début par une NORB, un délai entre les 2 premières poussées supérieur à 2 ans. Diagnostic (13) Le diagnostic de SEP est fondé sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques (figures 5 à 7) : dissémination temporelle et spatiale des lésions, et atteinte du système nerveux central non due à une autre maladie évolutive. La dissémination temporelle des lésions se définit comme la succession d’épisodes neurologiques au sein du système nerveux central dans le temps. Elle peut être démontrée à l’interrogatoire, à l’examen clinique ou grâce à l’IRM par la mise en évidence de façon contemporaine de lésions se rehaussant par le gadolinium (signant une souffrance du système nerveux central récente) et d’autres pas. La survenue d’une nouvelle lésion IRM sur un nouvel examen permet aussi d’obtenir ce critère de dissémination temporelle. La dissémination spatiale des lésions est prouvée par la mise en évidence d’une atteinte de plusieurs zones du système nerveux central soit à l’anamnèse ou à l’examen clinique, soit à l’IRM. Cette quête de la dissémination spatiale et temporelle est clinique, mais elle se fait aussi avec l’IRM. Le diagnostic de SEP peut donc être posé devant la survenue de 2 poussées, mais, en cas de poussée unique, le critère de dissémination temporospatiale peut être obtenu par l’IRM. Figure 5. Séquences T2 flair : coupes transverses. Hypersignaux périventriculaires et juxtacorticaux de la substance blanche encéphalique. Des critères diagnostiques de la SEP dits de McDonald ont ainsi été établis (tableau I, p. 14) . Ces critères peuvent permettre le diagnostic de SEP dès la première poussée à condition que les critères de dissémination spatiale et temporelle soient remplis. Examens complémentaires ✔ Bilan biologique Il n’existe aucun test biologique spécifique pour le diagnostic de SEP. Un bilan biologique minimal est réalisé afin d’écarter les diagnostics différentiels. ✔ Analyse du liquide cérébrospinal par ponction lombaire Figure 6. Séquence T1 gadolinium : coupe coronale. Rehaussement lésionnel annulaire par le gadolinium. Elle n’est pas obligatoire pour le diagnostic, et est maintenant surtout utile pour éliminer les diagnostics différentiels de la SEP. Elle peut être normale. Dans un tiers des cas, la cytologie révèle une pléiocytose supérieure à 5 éléments blancs par millimètre cube, mais inférieure à 50 éléments, constituée de lymphocytes ou de lymphoplasmocytes activés. L’analyse du liquide peut permettre de démontrer le caractère inflammatoire du système nerveux central. Une hyperprotéinorachie inférieure à 1 g/l est retrouvée dans 25 % des cas. Une sécrétion intrathécale d’IgG peut être démontrée quantitativement par l’index de Link (> 0,70) [rapport des IgG du liquide céphalorachidien/sang sur rapport albumine sang/liquide céphalorachidien]. Cette sécrétion intrathécale d’IgG est répartie en bandes oligoclonales mises en évidence par immunofixation ou isoélectrofocalisation du liquide cérébrospinal (85 % des SEP). ✔ Potentiels évoqués Les potentiels évoqués − visuels, sensitifs, moteurs, auditifs − n’ont plus lieu d’être dans le diagnostic de la SEP. Figure 7. Séquence T1 : coupe sagittale. Atrophie globale et du corps calleux. Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 1 • janvier-février 2014 13 Focus Tableau I. Critères de McDonald, 2010. Présentations cliniques Données supplémentaires afin de poser le diagnostic de sclérose en plaques ≥ 2 poussées avec signes cliniques objectifs de 2 lésions au moins Aucune ≥ 2 poussées avec signes cliniques objectifs d’une lésion ET un antécédent caractéristique de sclérose en plaques (sémiologie, évolution) Aucune ≥ 2 poussées avec signes cliniques objectifs d’une lésion La dissémination dans l’espace pourra être retenue si : • l’IRM montre 1 lésion au moins dans 2 des 4 régions caractéristiques de la sclérose en plaques (périventriculaire, juxtacorticale, sous-tentorielle*, médullaire*) • ou le patient présente une poussée dans un autre territoire 1 poussée avec des signes cliniques objectifs de 2 lésions au moins La dissémination dans le temps pourra être retenue si : • l’IRM montre la présence simultanée de lésions asymptomatiques dont certaines sont rehaussées par le gadolinium et d’autres non OU la présence d’une nouvelle lésion T2 et/ou d’une nouvelle lésion prenant le gadolinium (quel que soit le délai entre les 2 clichés) • ou le patient présente une nouvelle poussée 1 poussée avec des signes cliniques objectifs d’une lésion (syndrome clinique isolé ou premier événement démyélinisant) La dissémination dans l’espace pourra être retenue si : • l’IRM montre 1 lésion au moins dans 2 des 4 régions caractéristiques de la sclérose en plaques (périventriculaire, juxtacorticale, sous-tentorielle*, médullaire*) • ou le patient présente une poussée dans un autre territoire La dissémination dans le temps pourra être retenue si : • l’IRM montre la présence simultanée de lésions asymptomatiques dont certaines sont rehaussées par le gadolinium et d’autres non OU la présence d’une nouvelle lésion T2 et/ou d’une nouvelle lésion prenant le gadolinium (quel que soit le délai entre les 2 clichés) • ou le patient présente une nouvelle poussée Aggravation progressive de symptômes neurologiques évocateurs de sclérose en plaques (primaire progressive) Présence d’une aggravation de la maladie sur 1 an (de manière rétrospective ou dans le cadre d’un suivi) ET 2 des 3 critères suivants : • mise en évidence d’une dissémination spatiale au niveau encéphalique (≥ 1 lésion T2 dans au moins 1 région caractéristique de la sclérose en plaques [périventriculaire, juxtacorticale, sous-tentorielle]) • mise en évidence d’une dissémination spatiale au niveau médullaire (≥ 2 lésions T2 médullaires) • mise en évidence d’une synthèse intrathécale d’immunoglobulines (présence d’une augmentation de l’index IgG et/ou de bandes oligoclonales) * Si le patient présente une symptomatologie médullaire ou du tronc cérébral, la/les lésion(s) symptomatique(s) n'est (ne sont) pas prise(s) en compte dans ce calcul. Tableau II. Signes typiques de la sclérose en plaques et “drapeaux rouges” évoquant un autre diagnostic. Signes typiques de la sclérose en plaques Drapeaux rouges • Ophtalmoplégie internucléaire • Hémianopsie latérale homonyme • Signe de Lhermitte • Aphasie • Névrite optique • Syndrome extrapyramidal • Cécité complète • Surdité totale • Atteinte du système nerveux périphérique • Altération de l’état général 14 Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 1 • janvier-février 2014 Diagnostics différentiels Une atteinte au-delà du système nerveux central, c’est-à-dire une atteinte du système nerveux périphérique, et une atteinte systémique doivent évoquer d’autres diagnostics que celui de la SEP. Si certains signes sont typiques de la SEP (ophtalmoplégie internucléaire, signe de Lhermitte, NORB), d’autres doivent être considérés comme des “drapeaux rouges” et faire envisager d’autres diagnostics (hémianopsie latérale homonyme, céphalées, aphasie, surdité, syndrome extrapyramidal, cécité bilatérale, épilepsie) [tableau II]. La survenue de névrites optiques récupérant mal ou d’emblée bilatérales et/ou la survenue d’un tableau médullaire avec, à l’IRM médullaire, un hypersignal dépassant 3 corps vertébraux de hauteur et transverse doivent faire rechercher une neuromyélite optique par le dosage des anticorps antineuromyélite optique (anticorps anti-NMO). Enfin, la présence d’un syndrome inflammatoire biologique doit orienter vers d’autres pathologies (lupus, sarcoïdose, maladie de Behçet, syndrome de Gougerot-Sjögren, vascularite cérébrale). Les diagnostics différentiels des formes progressives correspondant à des myélopathies chroniques comprennent, notamment, les myélopathies cervico-arthrosiques et la maladie de Biermer. Principes thérapeutiques (14, 15) ✔ Traitement des poussées Le traitement des poussées repose sur l’utilisation de bolus de méthylprednisolone. Sachant que les deux tiers des poussées récupèrent spontanément en début de maladie, la décision d’introduire un traitement des poussées dépend de la gêne. Le traitement va de l’abstention thérapeutique à l’utilisation de bolus de méthylprednisolone (à raison de 1 g/j pendant 3 jours). Le traitement permet une récupération plus rapide mais pas meilleure à moyen terme. En effet, il diminue la durée et l’intensité des poussées sans réduire les séquelles ni prévenir les poussées à venir. ✔ Traitement de fond Les traitements de fond des formes rémittentes de SEP ont pour objectifs de réduire la fréquence des poussées et de ralentir la progression du handicap. Ils comportent différents paliers dépendant de “l’agressivité” de la maladie. Le premier palier comprend des traitements immunomodulateurs, dont les interférons bêta. Ils peuvent occasionner des irritations et parfois des nécroses cutanées, des syndromes pseudogrippaux dès leur initiation, prévenus par la prise de paracétamol et/ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) avant leur administration et par une titration (augmentation progressive de la dose). Les interférons bêta peuvent induire des anémies, leucopénies et/ou thrombopénies, des dysthyroïdies, des augmentations des enzymes hépatiques, le plus souvent transitoires et non sévères. L’acétate de glatiramère ne nécessite aucune surveillance biologique ; il peut induire des épisodes d’oppression thoracique bénins chez moins de 3 % des patients, et sa tolérance aux sites d’injection n’est pas toujours bonne, avec la survenue possible d’une induration. En termes d’efficacité, ces traitements immunomodulateurs réduisent la fréquence des poussées en moyenne de 30 à 40 %, avec une efficacité limitée sur la progression du handicap. Les interférons bêta et l’acétate de glatiramère peuvent être prescrits après la survenue de 2 poussées dans l’année précédente, ou même dès la première poussée à condition que l’IRM cérébrale permette de démontrer la dissémination temporospatiale. Ces traitements de première ligne ont prouvé leur innocuité à long terme et leur absence de tératogénicité. En cas d’échec des traitements de première ligne ou de forme d’emblée agressive, un traitement immunosuppresseur de seconde ligne peut être utilisé. Ces traitements comprennent le natalizumab, qui bloque l’entrée des lymphocytes activés dans le système nerveux central, et le fingolimod, qui séquestre les lymphocytes dans les organes lymphoïdes périphériques. Le natalizumab s’administre en perfusion mensuelle et expose à des risques de leucoencéphalite multifocale progressive temps-dépendante chez les patients ayant une sérologie JC virus positive, surtout s’ils ont reçu des immunosuppresseurs avant. Le fingolimod est un traitement per os (1 gélule de 0,5 mg/j) qui nécessite une surveillance cardiaque (à son introduction) du fait d’un risque de bradycardie, biologique compte tenu de la lymphopénie induite et ophtalmologique du fait d’un risque d’œdème maculaire (tous les 3 mois). Un risque d’infection virale sévère existe. Le natalizumab réduit la fréquence des poussées de 68 % à 3 ans et le risque de progression du handicap de 42 % à 2 ans. Le fingolimod réduit le risque de poussée de 50 % et celui de handicap de façon significative. La mitoxantrone est également disponible pour les formes agressives de SEP, mais les risques de leucémie et d’insuffisance cardiaque qui en découlent en limitent l’utilisation. Concernant les formes progressives de SEP, de l’interféron bêta-1b peut être prescrit en cas de poussées surajoutées ; des immunosuppresseurs (mycophénolate mofétil, cyclophosphamide, méthotrexate, etc.) sont parfois utilisés, sans preuve certaine de leur efficacité. ✔ Traitements symptomatiques La prise en charge des symptômes de la SEP (spasticité, troubles vésicosphinctériens, fatigue, etc.) fait intervenir différentes spécialités (rééducateurs fonctionnels, urologues, psychiatres, etc.). Des consultations multidisciplinaires se sont développées. De plus, elles permettent aussi de prendre en charge les difficultés sociales des patients atteints de SEP, liées aux handicaps, grâce à l’intervention du médecin du travail et de l’assistante sociale. ✔ Rééducation Il s’agit de préserver l’indépendance de la marche, la verticalisation et les activités quotidiennes, de prévenir et traiter certaines complications (spasticité, troubles vésicosphinctériens, escarres) ainsi que d’adapter l’environnement du patient avec un ergothérapeute et une assistante sociale. Des appareillages compensateurs (attelles, canne, etc.) peuvent être proposés. ▶ Hypertonie En premier lieu, il est important d’écarter toute épine irritative (fécalome, infection urinaire, escarre, ongle incarné, plaie, etc.). Les traitements utilisés sont le baclofène et les benzodiazépines. Les spasmes moteurs douloureux peuvent être atténués par l’utilisation d’antiépileptiques. Le recours à des injections de toxine botulique peut être utile pour des Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 1 • janvier-février 2014 15 Focus spasticités localisées. Enfin, l’implantation de pompes à baclofène intrathécales et/ou la réalisation de neurotomies peuvent être envisagées pour les spasticités rebelles aux précédents traitements. ▶ Troubles sphinctériens et génitaux L’hyperactivité vésicale − source d’impériosités mictionnelles, de fuites, de pollakiurie − nécessite d’éliminer l’existence d’épines irritatives. La prescription d’anticholinergiques peut l’améliorer. Ces traitements nécessitent une surveillance du résidu postmictionnel. L’injection de toxine botulique dans le détrusor peut également être envisagée chez les patients avec autosondages. La dysurie et la rétention urinaire secondaires à l’hypertonie du sphincter lisse de l’urètre peuvent être améliorées par les alphabloquants. Le recours à des autosondages, voire à des dérivations urinaires (Bricker), peut s’avérer nécessaire. Les infections urinaires doivent être traitées si elles sont symptomatiques. La constipation est fréquente et doit être prévenue par l’utilisation de laxatifs et de mesures diététiques. L’incontinence anale peut être améliorée par une évacuation rectale quotidienne (lavements, suppositoires). Les troubles génitaux chez l’homme, à type de troubles de l’érection, sont améliorés par la prescription de traitements per os ou injectables intracaverneux. Chez la femme, les traitements ont pour but de diminuer les douleurs, les troubles de sensibilité et la sécheresse vaginale. ▶ Suivi psychiatrique ou psychologique Ce suivi peut être utile après l’annonce du diagnostic et en cas de dépression avec prescription de médicaments psychotropes. La prise en charge de la fatigue doit être entreprise dès le début de la maladie. Il n’existe pas de traitement spécifique des troubles cognitifs. Des séances de rééducation cognitive peuvent être proposées. ▶ Douleurs et manifestations paroxystiques Les manifestations paroxystiques douloureuses (signe de Lhermitte, névralgie du trijumeau, crises motrices paroxystiques) sont améliorées par les antiépileptiques (carbamazépine, gabapentine, hydantoïne, clonazépam). Les névralgies du trijumeau rebelles aux traitements médicamenteux peuvent nécessiter une thermocoagulation du ganglion de Gasser. Les dysesthésies et paresthésies peuvent être atténuées par la gabapentine, le clonazépam et les antidépresseurs tricycliques. 16 Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 1 • janvier-février 2014 Conclusion La SEP est la maladie neurologique qui a fait l’objet du plus de progrès au cours de cette dernière décénie aussi bien sur le plan de sa connaissance que de sa prise en charge thérapeutique. Au moins 3 nouveaux traitements de fond sont attendus fin 2014-début 2015 en plus d’un traitement symptomatique innovant. Toutes ces innovations vont encore modifier nos pratiques ci-dessus décrites et prouvent le dynamisme dans le domaine de la SEP. II T. Moreau déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. A. Fromont n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts. Références bibliographiques 1. Fromont A, Binquet C, Sauleau EA et al. Geographic variations of multiple sclerosis in France. Brain 2010;133(Pt 7):1889-99. 2. Fromont A, Binquet C, Sauleau E et al. National estimate of multiple sclerosis incidence in France (2001-2007). Mult Scler 2012;18(8):1108-15. 3. Koch-Henriksen N, Sørensen PS. The changing demographic pattern of multiple sclerosis epidemiology. Lancet Neurol 2010;9(5):520-32. 4. Sawcer S. The major cause of multiple sclerosis is environmental: genetics has a minor role − no. Mult Scler 2011;17(10):1174-5. 5. Taylor BV. The major cause of multiple sclerosis is environmental: genetics has a minor role − yes. Mult Scler 2011;17(10):1171-3. 6. Stadelmann C. 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