17 Chapitre Maladies du péricarde Éric de Madron PLAN DU CHAPITRE Anatomie et fonction du péricarde 284 Épanchements péricardiques 284 Péricardites constrictives 294 Anomalies congénitales du péricarde 294 Échocardiographie clinique du chien et du chat © 2012, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 0001513487.INDD 283 11/5/2012 10:37:24 AM IV. Échocardiographie des cardiopathies acquises Anatomie et fonction du péricarde Anatomie Le péricarde comprend deux feuillets séreux entourant le cœur. Le feuillet externe, fibreux, se fixe crânialement sur l'adventice de l'aorte ascendante, du tronc pulmonaire, des veines caves et pulmonaires. Caudalement, il est relié à la partie ventrale du diaphragme par le ligament phrénopéricardique. Le feuillet interne (épicarde) est adhérent au myocarde. Entre ces deux feuillets existe normalement un espace virtuel contenant de 0,5 à 15 mL d'un liquide séreux. La quantité de ce liquide est régulée par osmose, diffusion et drainage lymphatique [1]. Fonction Bien que non indispensable à un bon fonctionnement cardiaque, le péricarde sert à prévenir une dilatation excessive des cavités cardiaques, à maintenir le cœur dans une position fixe et centrale, à harmoniser le volume d'éjection des deux ventricules et à protéger le cœur des infections et des adhérences [2,3]. Pression intrapéricardique et interdépendance ventriculaire Le péricarde étant une structure peu compliante, toute augmentation rapide du liquide intrapéricardique ou du volume des structures intracardiaques entraÎne un accroissement rapide de la pression intrapéricardique. Ainsi, une dilatation aiguë du volume ventriculaire droit réduit la compliance du ventricule gauche [4]. L'opposé est observé lorsque l'on réduit le remplissage cardiaque avec du nitroprussiate de sodium. Cela n'est pas le cas lorsque la dilatation des cavités cardiaques est progressive, car le péricarde peut s'étirer dans le temps [5]. Échocardiographie du péricarde normal À l'examen échocardiographique, les deux feuillets du péricarde apparaissent comme une seule structure très échogène entourant la surface externe du myocarde. Cette hyper-réflectivité provient de l'épicarde. Ces deux feuillets péricardiques semblent s'insérer sur la paroi des atria ; en réalité, ils ne se distinguent pas de cette paroi, très fine. Épanchements péricardiques Les maladies du péricarde représentent 1 % des cardiopathies canines [6]. Les épanchements péricardiques en constituent la manifestation la plus courante [6]. En s'accumulant, cet épanchement conduit à une élévation des pressions intrapéricardiques et à un collapsus des cavités cardiaques responsable du syndrome de tamponnade cardiaque. Les causes les plus communes chez le chien sont les épanchements péricardiques hémorragiques secondaires aux tumeurs intrapéricardiques et les péricardites hémorragiques idiopathiques (tableau 17.1) [7–11]. Chez le chat, les épanchements péricardiques sont fréquemment associés à une myocardiopathie évoluée. La péritonite infectieuse féline en est une autre cause (tableau 17.2) [6–12]. Les tumeurs cardiaques sont discutées dans le Chapitre 18 [7]. Tableau 17.1. Étiologie et prévalence de 42 cas d'épanchement péricardique chez le chien [7]. Étiologie Total (%) Néoplasies Hémangiosarcome de l'atrium droit Chémodectome Adénocarcinome métastatique Lymphosarcome Thymome Indéterminé 56 33 12 5 2 2 2 Idiopathique (péricardite hémorragique) 19 Cardiopathie Myocardiopathie dilatée Maladie valvulaire dégénérative mitrale Déchirure de l'atrium 14 7 5 2 Divers Traumatique Infectieuse (coccidioïdomycose) Urémique 11 5 2 2 Caractéristiques échocardiographiques d'un épanchement péricardique Échocardiographie bidimensionnelle et temps–mouvement Épanchement péricardique per se L'échocardiographie bidimensionnelle (2D) est la technique la plus sensible pour détecter les épanchements péricardiques, même subcliniques [13,14]. L'épanchement péricardique apparaît comme un espace anéchogène entre 284 0001513487.INDD 284 11/5/2012 10:37:24 AM 17. Maladies du péricarde Tableau 17.2. Étiologie et prévalence des maladies péricardiques chez le chat [6,12]. Étiologie Total (%) Cardiopathie Myocardiopathie hypertrophique Myocardiopathie dilatée Myocardiopathie restrictive Dysplasie de la valve mitrale Hyperthyroïdie 25 % [6]–77,5% [12] Pathologie infectieuse Péritonite infectieuse féline Infections systémiques 3,4 % [12]–28 % [6] Insuffisance rénale ± hyperhydratation 3,4 % [12]–11 % [6] Coagulopathie 0 % [12]–11 % [6] Néoplasie Lymphosarcome Métastase 0 % [12]–15 % [6] Iatrogène 0 % [12]–3 % [6] Hernie phrénopéricardique 0 % [6]–0,7 % [12] Divers 0 % [12]–1 % [6] le feuillet péricardique externe et l'épicarde ( figure 17.1 ) [13,14]. L'importance de cet espace dépend de la quantité de liquide accumulée. La meilleure vue est l'incidence parasternale droite grand axe. Dans cette position, les épanchements minimes sont visibles comme un espace anéchogène situé entre le feuillet péricardique externe et la paroi latérale du ventricule gauche, le maximum d'accumulation se trouvant au niveau du sillon atrioventriculaire (figure 17.1). Les épanchements plus importants se traduisent par une plus grande séparation des deux feuillets péricardiques et l'extension du liquide vers l'apex cardiaque (figure 17.2). Lors d'épanchement important, du liquide est visible également autour du ventricule droit. Les épanchements hémorragiques sont parfois caractérisés par la présence de microcavitations hyperéchogènes. La différenciation entre un épanchement péricardique et un épanchement pleural se fait aisément avec l'échocardiographie 2D. Un épanchement péricardique s'amenuise au niveau des atria, alors qu'un épanchement pleural s'élargit à la base du cœur (figure 17.3). Fig. 17.1 Échocardiogramme temps–mouvement (incidence transventriculaire) chez un chien ayant un épanchement péricardique. L'épanchement (ep) forme un espace anéchogène entre le bord postérieur de la paroi libre du ventricule gauche (VG) et le feuillet péricardique externe d'une part, et entre la paroi thoracique et le bord antérieur de la paroi du ventricule droit d'autre part. Noter le collapsus épisodique (expiratoire) du ventricule droit (VD). AG : atrium gauche. Crédit photo : Éric de Madron. 285 0001513487.INDD 285 11/5/2012 10:37:24 AM IV. Échocardiographie des cardiopathies acquises Fig. 17.2 Échocardiogramme bidimensionnel (coupe parasternale droite grand axe) chez un chien atteint d'épanchement péricardique (ep) sévère. Noter le collapsus ( flèche) de la paroi du ventricule droit, lequel n'est visible qu'en diastole (image de droite), indiquant une tamponnade en phase 2. VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche. Crédit photo : Éric de Madron. Fig. 17.3 Échocardiogramme bidimensionnel d'un chien atteint d'un épanchement péricardique (ep) et pleural (epl). L'épanchement péricardique s'amenuise vers les atria, à l'inverse de l'épanchement pleural. AD : atrium droit ; AG : atrium gauche ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche. Crédit photo : Éric de Madron. 286 0001513487.INDD 286 11/5/2012 10:37:25 AM 17. Maladies du péricarde Signes échocardiographiques de tamponnade cardiaque La tamponnade cardiaque est le phénomène expliquant toute la symptomatologie des épanchements péricardiques importants. Dans des conditions normales, la pression intrapéricardique oscille entre – 4 et + 4 mmHg pendant le cycle respiratoire. Les pressions diastoliques des ventricules droit et gauche sont supérieures de plusieurs millimètres de mercure à la pression intrapéricardique [3,8]. L'accumulation de liquide péricardique conduit à une augmentation progressive de la pression intrapéricardique (phase 1) [8]. Quand cette pression atteint le niveau des pressions diastoliques atriale et ventriculaire droites, le remplissage de ces cavités est limité, et les cavités droites commencent à se collaber : c'est la phase 2 de la tamponnade cardiaque (figure 17.4) (vidéos 17.1 et 17.2) [8]. Cela conduit à une hypotension, à une ascite et/ou un épanchement pleural dû à l'hypertension des veines systémiques (figure 17.5). Quand les pressions intrapéricardiques et diastoliques du ventricule droit égalent le niveau de la pression diastolique du ventricule gauche, le débit cardiaque chute de façon marquée, ce qui entraîne une tachycardie et une vasoconstriction périphérique : c'est la phase 3 de la tamponnade (figure 17.6) [8]. À partir de ce moment, un choc cardiogénique s'installe, conduisant à la mort [3, 8]. Fig. 17.4 Échocardiogramme bidimensionnel (vue parasternale droite grand axe) chez un chien atteint d'épanchement péricardique (ep). Noter l'espace anéchogène entourant le cœur. La paroi de l'atrium droit (AD) se collabe en systole (flèches ; image de droite), indiquant que l'on est en phase 2 d'une tamponnade cardiaque. Le feuillet externe du péricarde, très échogène, est visible en bas de l'image. AG : atrium gauche ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche. Crédit photo : Éric de Madron. Fig. 17.5 Échogramme du foie d'un chien atteint de tamponnade cardiaque. Noter la congestion des veines sus-hépatiques (HV) et la présence d'ascite. Crédit photo : Éric de Madron. Fig. 17.6 Échocardiogramme bidimensionnel (vue parasternale droite grand axe) chez un chien atteint d'épanchement péricardique. L'épanchement (ep) est important et entraîne un collapsus des cavités droites et gauches, qui sont oblitérées. Ceci est la phase 3 de la tamponnade cardiaque, nécessitant une péricardiocentèse immédiate. Crédit photo : Éric de Madron. 287 0001513487.INDD 287 11/5/2012 10:37:26 AM IV. Échocardiographie des cardiopathies acquises Lors de tamponnade cardiaque, le volume d'éjection ventriculaire est influencé de façon marquée par la phase du cycle respiratoire. Pendant l'inspiration, la pression intrapleurale devient négative et la pression intrapéricardique diminue, ce qui permet un meilleur remplissage du ventricule droit. Cette augmentation des dimensions diastoliques du ventricule droit se fait au détriment du ventricule gauche et entraîne une diminution du volume d'éjection ventriculaire gauche et donc une chute de plus de 10 mmHg de la pression artérielle systémique systolique. Le phénomène opposé s'observe en expiration. Cette fluctuation exagérée de l'amplitude du pouls avec la respiration est appelée pulsus paradoxus (figure 17.7) [2,3,8]. Fig. 17.7 A. Doppler spectral du flux aortique chez un chien en tamponnade cardiaque. L'amplitude du flux est réduite globalement et varie de façon marquée avec la respiration. B. Doppler spectral du flux aortique chez le même chien après péricardiocentèse. L'amplitude du flux a considérablement augmenté et varie beaucoup moins avec la respiration. Crédit photo : Éric de Madron. 288 0001513487.INDD 288 11/5/2012 10:37:30 AM 17. Maladies du péricarde Le développement d'une tamponnade cardiaque dépend de la vitesse de formation de l'épanchement péricardique. Lors d'épanchement d'apparition brutale, même des quantités de liquide péricardique aussi faibles que 50 ou 100 mL peuvent suffire car le péricarde n'a pas le temps de se distendre (figure 17.4). En revanche, lors d'épanchement progressif permettant au péricarde de se distendre, des quantités importantes de liquide (500 mL ou plus) peuvent s'accumuler avant qu'un volume critique ne soit atteint, à partir duquel les pressions intrapéricardiques commencent à s'élever. L'augmentation de pression est très rapide une fois ce volume critique dépassé [3,8]. Bien que le diagnostic de tamponnade cardiaque soit avant tout clinique, l'échocardiographie permet d'en confirmer la présence et d'en déceler les signes précoces. La tamponnade se caractérise initialement par un collapsus/inversion de la paroi libre de l'atrium droit, commençant en télédiastole et finissant pendant la systole ventriculaire [2]. Lorsque la tamponnade est établie, la paroi du ventricule droit se collabe (figure 17.2) [15]. Ce collapsus varie suivant les phases de la respiration (figure 17.1). L'étude temps‐mouvement (TM) montre que ce collapsus du ventricule droit s'aggrave en expiration lorsque les pressions intrapleurales transmises au péricarde augmentent. C'est l'inverse pour le ventricule gauche. Dans les cas sévères, le diamètre interne du ventricule gauche est réduit (figure 17.6). Le cœur est animé d'un mouvement exagéré et «danse» dans le liquide péricardique. Le traitement est la péricardiocentèse, qui peut être échoguidée. Échocardiographie Doppler spectrale et tissulaire Lors de tamponnade cardiaque, on observe une diminution de la vélocité mitrale spectrale moyenne et une augmentation marquée de la vélocité moyenne triscuspidienne en inspiration [16]. De même, le temps de relaxation isovolumique (TRIV) augmente en inspiration [2], et la vitesse de propagation du flux mitral diminue. Ces variations respiratoires exagérées disparaissent après la péricardiocentèse (figures 17.8 et 17.9). L'onde E' de l'anneau mitral diminue également lors de la tamponnade. 289 0001513487.INDD 289 11/5/2012 10:37:33 AM IV. Échocardiographie des cardiopathies acquises Fig. 17.8 A. Doppler spectral du flux mitral chez un chien en tamponnade cardiaque. L'amplitude du flux mitral est globalement très réduite. B. Doppler spectral du flux mitral chez le même chien après péricardiocentèse. L'amplitude du flux a considérablement augmenté. Crédit photo : Éric de Madron. 290 0001513487.INDD 290 11/5/2012 10:37:33 AM 17. Maladies du péricarde Fig. 17.9 A. Doppler couleur TM du flux mitral chez un chien en tamponnade cardiaque. La vitesse de propagation du flux mitral est de 39 cm/s. B. Doppler couleur TM du flux mitral chez un chien après péricardiocentèse. La vitesse de propagation du flux mitral est remontée à 82 cm/s. Crédit photo : Éric de Madron. Recherche de l'étiologie de l'épanchement péricardique Pathologies myocardiques ou valvulaires avancées Les chats atteints de myocardiopathie hypertrophique ou restrictive [12] et les chiens atteints de maladie valvulaire dégénérative mitrale évoluée avec hypertension artérielle pulmonaire peuvent développer un épanchement péricardique séreux, résultant d'une augmentation de la pression diastolique dans les veines péricardiques (figures 17.10 et 17.11). Une hyperhydratation dans ce contexte peut être un facteur déclenchant [12]. L'épanchement péricardique est en général minime à modéré. La myocardiopathie sous-jacente est aisément identifiable. La péricardiocentèse n'est nécessaire que si des signes de tamponnade cardiaque comme un collapsus de la paroi de l'atrium droit sont présents. 291 0001513487.INDD 291 11/5/2012 10:37:37 AM IV. Échocardiographie des cardiopathies acquises Rupture de la paroi de l'atrium gauche Lors d'insuffisance mitrale, les érosions de la paroi atriale gauche dues au flux régurgitant (jet lesions) peuvent conduire à une rupture de cette paroi et à une hémorragie intrapéricardique soudaine et très grave [17–19]. À l'échocardiographie, on note une dilatation importante de l'atrium gauche, avec évidence au Doppler couleur d'un jet d'insuffisance mitrale en général important (figure 17.12B), un épanchement péricardique avec tamponnade cardiaque et dans certains cas (mais pas tous) un thrombus intrapéricardique (figure 17.12A) [17,18]. Péricardites hémorragiques Fig. 17.10 Échocardiogramme bidimensionnel (coupe parasternale droite grand axe) chez un chat atteint de myocardiopathie restrictive. Un petit épanchement péricardique (ep) est présent, ainsi qu'un épanchement pleural (epl) ; AG : atrium gauche ; VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche. Crédit photo : Éric de Madron. Les péricardites idiopathiques hémorragiques surviennent essentiellement chez des chiens d'âge moyen, en général mâles, de grande taille [7–11]. Elles sont caractérisées par un épaississement inflammatoire et une fibrose du feuillet pariétal (parfois du feuillet viscéral) du péricarde. Cette inflammation s'accompagne d'une néovascularisation avec dépôt de fibrine. Des hémorragies intrapéricardiques en résultent, conduisant à une tamponnade cardiaque. Le sang intrapéricardique est en général incoagulable par suite de la consommation des facteurs de la coagulation, ce qui fait qu'aucun thrombus intrapéricardique n'est en général visible. Le diagnostic de péricardite idiopathique est un diagnostic d'exclusion. L'absence de masse cardiaque ou de cardiopathie avancée sont des critères échocardiographiques importants. Le feuillet pariétal du péricarde peut apparaître épaissi. Épanchements péricardiques secondaires à une tumeur cardiaque Fig. 17.11 Échocardiogramme bidimensionnel (coupe parasternale droite grand axe) chez un chien atteint d'insuffisance mitrale avancée avec hypertension pulmonaire. Noter la présence d'un épanchement péricardique (ep). Les deux atria et le ventricule droit (VD) sont dilatés. AD : atrium droit ; AG : atrium gauche ; VG : ventricule gauche. Crédit photo : Éric de Madron. Étant donné que 31 à 57 % des épanchements péricardiques sont d'origine cancéreuse chez le chien [7,9], un examen minutieux de tous les sites où ces tumeurs sont généralement localisées devra être effectué. Le diagnostic d'une tumeur cardiaque passe par la visualisation d'une masse intrapéricardique [20]. Les sites à explorer plus particulièrement sont la paroi de l'atrium droit et la jonction atrioventriculaire droite (incidences parasternale droite et gauche grand axe), l'auricule droit (incidence parasternale droite petit axe oblique au niveau de la base cardiaque, ou grand axe) [21–23], et l'aorte ascendante (coupes parasternales grand axe crâniales droite et gauche) (voir Chapitre 18) [21–23]. 292 0001513487.INDD 292 11/5/2012 10:37:39 AM 17. Maladies du péricarde Fig. 17.12 A. Échocardiogramme bidimensionnel (coupe apicale 4 cavités) chez un chien ayant une hémorragie intrapéricardique suite à une déchirure de la paroi de l'atrium gauche. On peut voir l'épanchement péricardique (ep), le collapsus (flèche) de la paroi de l'atrium droit (AD) indiquant une tamponnade cardiaque, et la présence d'un thrombus (T) flottant le long de l'apex cardiaque. B. Échocardiogramme bidimensionnel avec Doppler couleur (coupe apicale 4 cavités) chez le même chien, montrant le jet d'insuffisance mitrale. Celui-ci est important et latéral, ce qui peut expliquer l'érosion de l'endocarde atrial ayant conduit à la déchirure atriale. AG : atrium gauche ; VG : ventricule gauche. Crédit photo : Éric de Madron. Néanmoins toutes les masses détectées par échographie ne sont pas forcément d'origine tumorale. En effet, les hémorragies intrapéricardiques sévères accompagnant certaines péricardites [24] ou les ruptures de la paroi de l'atrium gauche lors de maladie valvulaire dégénérative [17,18] peuvent donner lieu à la formation de thrombi intrapéricardiques, flottant dans la cavité péricardique ou adhérant à l'épicarde (figure 17.13). Les kystes intrapéricardiques peuvent également ressembler à des hémangiosarcomes [25]. Des masses de fibrine peuvent aussi se former avec les épanchements irritants tels que ceux riches en cholestérol [26]. Fig. 17.13 Échocardiogramme bidimensionnel (coupe parasternale droite petit axe, transventriculaire) chez un chien atteint de péricardite hémorragique sévère. Un épanchement péricardique (ep) est présent, ainsi qu'un thrombus hyperéchogène collé sur la face interne du feuillet pariétal du péricarde. VG : ventricule gauche. Crédit photo : Éric de Madron. 293 0001513487.INDD 293 11/5/2012 10:37:41 AM IV. Échocardiographie des cardiopathies acquises Péricardites constrictives Une péricardite constrictive se caractérise par un péricarde épaissi et fibreux, gênant le remplissage télédiastolique des ventricules. Sur le plan histologique, le péricarde est le siège d'une inflammation modérée et chronique. Le plus souvent, seul le feuillet pariétal est atteint mais, dans un certain nombre de cas, le feuillet viscéral l'est aussi. Un épanchement péricardique de faible importance est en général associé à cette inflammation. On parle alors de péricardite constrictives. Des granulomes inflammatoires sont parfois présents, comprimant les chambres de chasse ventriculaires. La péricardite constrictive est une affection rare chez le chien et le chat [27–29]. Dans la majorité des cas, l'étiologie n'est pas connue [27]. Parmi les causes identifiées, on trouve des corps étrangers métalliques, l'actinomycose et la coccidioïdomycose. Les péricardites hémorragiques peuvent parfois évoluer en péricardite constrictive [8]. Un cas particulier est celui des chylothorax. La présence de chyle dans la plèvre a un effet irritant sur le péricarde, ce qui peut induire une péricardite constrictive [30]. Échocardiographie 2D et TM Une péricardite constrictive est suspectée lorsque l'on note un péricarde épaissi, un épanchement péricardique de faible volume et des signes de tamponnade cardiaque. Dans les péricardites constrictives, les variations respiratoires de la pression intrathoracique ne sont pas transmises par le péricarde, et le volume diastolique ventriculaire droit ne varie pas entre l'inspiration et l'expiration [3]. Les diamètres atriaux et ventriculaires gauches sont normaux. Parfois, on peut noter en mode TM une paroi libre du ventricule gauche anormalement rigide en diastole [13]. Échocardiographie Doppler La fibrose péricardique entraîne une dysfonction diastolique ventriculaire de type restrictif. Le remplissage ventriculaire ne peut s'effectuer qu'en protodiastole. Une fois l'expansion du volume ventriculaire limitée par le péricarde inextensible, le remplissage cesse et les pressions diastoliques ventriculaires et atriales s'égalisent. Classiquement, l'enregistrement graphique des pressions diastoliques ventriculaires se caractérise par un creux initial suivi d'un plateau (signe de la racine carrée √⎯ ) [3]. Cela diffère du type de dysfonction diastolique observée en cas de tamponnade qui affecte plutôt la relaxation initiale, surtout en inspiration (voir plus haut). On observe donc une onde E mitrale augmentée avec décélération rapide, et une onde A diminuée [2]. Bien que le péricarde rigide isole le cœur des fluctuations respiratoires de la pression intrapleurale, celles-ci affectent le flux veineux pulmonaire. Par conséquent, on peut observer une diminution marquée de l'amplitude de l'onde E transmitrale et des vélocités systoliques aortiques et pulmonaires en inspiration [2]. Toutefois, l'élévation des pressions atriales peut masquer ces fluctuations en augmentant l'amplitude de l'onde E [2]. L'augmentation du remplissage protodiastolique se caractérise par une augmentation de la vitesse de propagation du flux mitral (Vp) au TM couleur de la valve mitrale [31]. Une amélioration de la fonction diastolique a pu être documentée après péricardiectomie [31]. Anomalies congénitales du péricarde Absence totale ou partielle du péricarde Ces absences totales ou partielles du péricarde sont rares. On les découvre surtout à l'occasion d'autopsie [8,32]. Elles sont généralement asymptomatiques. Dans certains cas d'absence partielle, cependant, une partie du cœur (le plus souvent un auricule) peut s'engager dans le trou et être ainsi «étranglée». L'échocardiographie peut révéler un cœur hypermobile, un mouvement septal anormal, des fenêtres échocardiographiques inhabituelles ou la hernie d'une structure cardiaque. Hernie phrénopéricardique Il s'agit de l'anomalie péricardique congénitale la plus fréquente chez le chien et le chat. Elle provient soit d'un défaut de fusion entre les feuillets latéraux pleuropéritonéaux et la partie sternale du diaphragme, soit d'un développement anormal du septum transverse [6,8]. Le résultat est une communication anormale entre les cavités péritonéale et péricardique, à travers laquelle des viscères abdominaux peuvent passer. Le degré de hernie est variable, et va de la simple hernie mineure de tissu graisseux, asymptomatique, à la hernie d'un organe majeur tel que le foie, la rate, les intestins ou l'estomac. Cette hernie peut s'accentuer brutalement à l'occasion d'un traumatisme [33]. Ces hernies peuvent être accompagnées d'autres anomalies congénitales telles que des hernies ombilicales, des anomalies ster- 294 0001513487.INDD 294 11/5/2012 10:37:43 AM 17. Maladies du péricarde nales ou cardiaques. L'échocardiographie révèle la présence de portions de lobes hépatiques, de graisse péritonéale ou de tube digestif dans le péricarde [34]. Kystes intrapéricardiques Ces kystes sont rares et résultent soit de l'incarcération d'une portion d'omentum dans le péricarde à la suite d'une hernie phrénopéricardique, soit d'une anomalie congénitale [8,25]. Ils s'attachent généralement sur l'apex du feuillet pariétal péricardique par un pédicule adipeux. Macroscopiquement, ces kystes sont en tous points semblables à des hématomes enkystés. Dans une publication décrivant six cas de kystes intrapéricardiques [25], les auteurs rapportent une symptomatologie similaire à celle d'un épanchement péricardique. L'échographie révèle une masse kystique intrapéricardique comprimant les cavités cardiaques. Toutefois, cet aspect échographique peut être similaire à celui d'une tumeur intrapéricardique de type hémangiosarcome [ 25 ]. Références [1] Evans HE, Christensen GC. The heart and arteries. In : Miller's anatomy of the dog. 2nd ed Philadelphia : WB Saunders ; 1979. p. 632–56. [2] Munt BI, Moss MD, Thompson CR . Pericardial disease. In : Otto CM, editor. The Practice of clinical echocardiography. 3rd ed. Philadelphia : WB Saunders ; 2007. p. 710–34. [3] Lorell BH, Braunwald E. Pericardial diseases. In : Braunwald E, editor. Heart diseases. 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