Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire UNIVERSITE MOHAMMED V- SOUISSI FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE -RABAT- ANNEE: 200 THESE N°: 155 Endocardite infectieuse sur prothese valvulaire ( a propos de 15 cas) THESE Présentée et soutenue publiquement le :……………………….. PAR Mr. Tamim BOUANANI Né le 25 Mai 1980 à Rabat Pour l'Obtention du Doctorat en Médecine MOTS CLES Endocardite infectieuse – Prothèse valvulaire – Complications – Traitement - Pronostic. JURY Mr. A. HDA Professeur de Cardiologie Mr. A. BENYASS Professeur Agrégé de Cardiologie Mr. E. ZBIR Professeur de Cardiologie Mr. M. AIT HOUSSA Professeur Agrégé de Cardiologie Mme. L. HADDOUR Professeur Agrégé de Cardiologie PRESIDENT RAPPORTEUR 1 Juge Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 2 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Dédicaces 3 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire A ma très chère mère Aucune dédicace ne saurait exprimer mon profond amour et ma reconnaissance pour tous les innombrables sacrifices que tu as consenti pour l’éduction de mes frères et moi. Tu as su garder et sauvegarder l’équilibre au sein de notre famille. Tu m’as comblé de toute l’affection et de l’amour qu’une mère puisse offrir à ses enfants. Puisse Dieu t’accorder santé et longue vie. 4 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire A mon cher père Nulle joie ne pourrait égaler la mienne aujourd’hui en te dédiant ce modeste travail. Tu es pour moi un modèle à suivre, grâce à tes qualités humaines, ta générosité, ta bravoure et ton abnégation. J’espère que tu es fière de moi. 5 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire A mes frères et sœurs Salah eddine, Salima, Adnane, Nadir et Amina Merci de m’avoir encouragé dans la voie que j’ai choisie, ce travail est aussi le vôtre.Je vous aime tous très fort. A mes tantes et oncles A la mémoire de ma tante Rachida, que Dieu l’accueille dans sa divine sainteté, et lui permette un repos en paix. A toutes mes tantes et tous mes oncles, que ce travail soit le témoignage de mon affection. A mes cousins et cousines Trouvez en ce travail un modèle de persévérance, d’assiduité et de beaucoup de courage. Une pensée particulière à toi Hasnaa, toi qui a partagé avec moi chaque moment difficile, que puisse Dieu t’assister dans tous tes projets. 6 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire A tous mes amis (es) et confrères Que je ne peux citer sans risque d’en oublier, avec mes amitiés les plus sincères. A tous ceux qui m’ont aidé à l’élaboration de ce travail Particulièrement à Dr Bouzelmat 7 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Remerciements 8 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire A notre maître et président de thèse Monsieur le professeur A. HDA Professeur de Cardiologie Nous vous sommes infiniment reconnaissants du grand honneur que vous nous faites en acceptant de présider le jury de cette thèse. Veuillez trouver ici, le témoignage de notre vive gratitude et haute considération. 9 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire A notre Maître et Rapporteur de thèse Monsieur le Professeur A.BENYASS Professeur agrégé de Cardiologie Vous nous avez confié ce travail sans aucune réserve. Nous souhaitons être digne de cet honneur. Vous nous avez guidés tout au long de notre travail en nous apportant vos précieux et pertinents conseils. Nous vous remercions pour votre patience et votre soutien lors de la réalisation de cette thèse. Veuillez trouver ici l'expression de notre respectueuse considération et notre profonde admiration pour toutes vos qualités scientifiques et humaines. 10 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire A notre maître et juge de thèse Monsieur le professeur E.ZBIR Professeur de Cardiologie Nous vous remercions vivement de l’honneur que vous nous faites en acceptant de siéger parmi notre jury de thèse. Puisse ce travail témoigner de ma reconnaissance et de l’estime que je porte à votre personne. Veuillez croire à nos sincères remerciements. 11 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire A notre maître et juge de thèse Monsieur le professeur M.Aït Houssa Professeur agrégé de chirurgie Cardio vasculaire Vous avez accepté de juger ce travail avec une spontanéité et une simplicité émouvante. C’est pour nous un grand honneur de vous voir siéger parmi le jury de cette thèse. Nous tenons à vous exprimer nos sincères remerciements et profond respect. 12 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire A notre maître et juge de thèse Madame le professeur L.HADDOUR Professeur agrégé de Cardiologie Je vous remercie vivement de l’honneur que vous me faites en acceptant de siéger parmi ce respectable jury. Veuillez croire, cher maître, à l'assurance de mon profond respect et ma sincère considération. 13 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Sommaire 14 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire INTRODUCTION ................................................................................................................ 1 HISTORIQUE ...................................................................................................................... 4 PROTHESES VALVULAIRES ......................................................................................... 6 1 - Les prothèses mécaniques .................................................................................... 6 2 - Les prothèses biologiques .................................................................................... 8 EPIDEMIOLOGIE .............................................................................................................. 9 PHYSIOPATHOLOGIE ...................................................................................................... 10 1- Physiopathologie des EI sur valves natives ......................................................... 10 a- Atteinte de l’endocarde ........................................................................................... 10 b- Microorganismes ..................................................................................................... 10 2 -Physiopathologie des EI sur prothèse valvulaire ............................................... 12 a- Infection sur prothèse mécanique .......................................................................... 12 b- Infection sur bioprothèse ........................................................................................ 12 MATERIEL ET METHODE ............................................................................................. 14 Critères d’inclusion ....................................................................................................... 15 a- Critères diagnostiques ............................................................................................ 15 b- Le délai entre le remplacement valvulaire et les premiers signes d’EI ............... 18 c- Critères bactériologiques ........................................................................................ 18 d- Critères échocardiographiques .............................................................................. 18 RESULTATS ........................................................................................................................ 19 1- Caractéristiques des patients ................................................................................. 20 a- Sexe .......................................................................................................................... 20 b- Age ............................................................................................................................ 20 c- Terrain ....................................................................................................................... 20 2- Données concernant la période antérieure a L’EPV .......................................... 20 a- Valvulopathie initiale ................................................................................................ 20 15 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire b- Classe NYHA préopératoire ................................................................................... 21 c- Index cardiothoracique préopératoire ..................................................................... 21 d- Foyers infectieux préopératoires ............................................................................. 22 e- Les prothèses valvulaires ........................................................................................ 22 f -Complications postopératoires ................................................................................. 22 3- Données cliniques de L’EPV .................................................................................... 24 a -Délai entre la primo-intervention et l’EPV ............................................................. 24 b- Signes cliniques ........................................................................................................ 24 c -Résultats des hémocultures ................................................................................... 27 d- Porte d’entrée .......................................................................................................... 27 e- L’échocardiographie................................................................................................. 27 f -Complications ........................................................................................................... 31 4 -Traitement ................................................................................................................... 33 a- Traitement médical ................................................................................................. 33 a-1) - Antibiothérapie .............................................................................................. 33 a-2) – Anticoagulants ............................................................................................... 34 a-3) - Autres traitements ......................................................................................... 34 b- Traitement chirurgical : (réintervention) ................................................................. 34 c- Evolution Post-Opératoire ...................................................................................... 37 DISCUSSION ....................................................................................................................... 38 1-Epidémiologie-étiologie ............................................................................................ 39 a – Incidence – prévalence .......................................................................................... 39 b – Délai d’apparition de L’EPV ; type et position des prothèses :......................... 39 c – Caractéristiques des patients .......................................................................... 40 d – Facteurs de risque de survenue des EPV............................................................ 41 e – Porte d’entrée.......................................................................................................... 41 16 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 2-Donnes cliniques et biologiques .............................................................................. 43 a- Clinique ............................................................................................................. 43 b – Hémoculture ................................................................................................... 45 3- Apport de l’échocardiographie ............................................................................... 49 4-Complications de L’EPV ............................................................................................ 52 5- Traitement .................................................................................................................... 54 a- Traitement médical ........................................................................................... 54 a-1 L’antibiothérapie ........................................................................................ 54 a-2 L’anticoagulation ........................................................................................ 56 b- La réintervention chirurgicale ........................................................................... 56 b-1 Les indications opératoires ......................................................................... 56 b-2 Traitement médical versus chirurgie ......................................................... 60 b-3 Les dégâts anatomiques causés par l’EPV ............................................... 64 b-4 Les modalités de réintervention .................................................................. 64 b-5 Complications postopératoires immédiates (initiales) ................................ 66 6- Pronostic ..................................................................................................................... 67 a – La mortalité ...................................................................................................... 67 b – Les facteurs du Pronostic ............................................................................... 67 7- L’antibioprophylaxie ................................................................................................. 71 CONCLUSION ..................................................................................................................... 72 RESUME .............................................................................................................................. 75 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 79 ANNEXE .............................................................................................................................. 92 17 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire ABREVIATIONS EPV : endocardite sur prothèse valvulaire EVN : endocardite sur valve native ETT : échocardiographie transthoracique ETO : échocardiographie transoesophagienne EI : endocardite infectieuse CEC : circulation extra corporelle IM : insuffisance mitrale RM : rétrécissement mitral I Ao : insuffisance aortique M Ao : maladie aortique HTA : hypertension artérielle IR : insuffisance rénale AEG : altération de l’état général BAV : bloc auriculo ventriculaire BGN : bacille gram négatif IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion ACFA : arythmie complète par fibrillation auriculaire Med : médical Chi : chirurgical P : précoce T : tardif NFS : numération formule sanguine VS : vitesse de sédimentation CRP : C réactive protéine. SMG: splénomegalie. 18 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Introduction 19 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire L’endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire (EPV) est définie par la greffe d’un agent infectieux au niveau de l’endocarde de la zone d’insertion de la prothèse et/ou des feuillets d’une bioprothèse. Il s’agit d’une complication redoutable de la chirurgie de remplacement valvulaire. Les problèmes posés à l’heure actuelle par cette entité peuvent être regroupés sous 3 rubriques : Les problèmes diagnostiques qui résultent de la grande variété des formes bactériologiques et cliniques, et des difficultés de l’imagerie. Les problèmes thérapeutiques qui sont dominés par les modalités de l’antibiothérapie, les indications de la chirurgie et surtout de l’heure de cette dernière. Les problèmes liés à la prévention de cette complication qui se posent différemment en fonction du mode de contamination présumé [1]. Nous présentons une étude rétrospective d’une série de 15 cas d’endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire colligés dans le service de cardiologie de l’hôpital militaire d’instruction Mohammed V de Rabat entre janvier 2000 et décembre 2007. 20 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Historique Prothèses valvulaires Epidémiologie Physiopathologie 21 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire HISTORIQUE L’endocardite infectieuse (EI) est une maladie étudiée de longue date. Les lésions anatomiques furent observées initialement par LANCISI, SENAC, MORGANI et BOUILLAUD, mais c’est surtout William Osler, en 1885, qui fit une description détaillée de la forme subaigüe et affirma sa nature infectieuse, ainsi que le rôle des emboles de végétations infectées dans la survenue des complications [2]. Dés 1908, Osler insista sur la valeur diagnostique des hémocultures. En 1910, Shootmuller identifia le streptocoque viridans comme agent pathogène responsable des EI subaiguës. A l’époque, ces formes subaiguës étaient opposées point par point aux EI aiguës appelées maladie de SENHOUS-KIRKES [3], pour cette ancienne classification, la distinction était fondée sur la virulence des germes, les antécédents de cardiopathie valvulaires et l’intensité des lésions anatomiques valvulaires [4]. Actuellement, cette classification ne recouvre plus entièrement les faits observés en raison des modifications des aspects cliniques et microbiologiques des endocardites infectieuses. Avant l’apparition de l’antibiothérapie, l’endocardite était presque constamment mortelle, ce qui justifiait son appellation d’endocardite maligne [4, 5,6]. La découverte des sulfamides en 1938 ne fut pas déterminante et ne modifia pas le pronostic de cette maladie [4,7]. C’est à partir de 1944, avec la découverte de la pénicilline qu’est née une ère nouvelle marquée par une amélioration du pronostic [4,5, 6,7]. 22 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Après 1950, la cause prédominante de décès par endocardite a changé. En effet, avant l’ère de l’antibiothérapie, la mortalité était due au non contrôle du processus infectieux associé aux embols septiques multiples. Après l’avènement de l’antibiothérapie, un grand nombre de malades considérés guéris de l’infection mourraient secondairement d’insuffisance cardiaque irréductible due aux mutilations valvulaires [7]. Dans une étude américaine, l’insuffisance cardiaque congestive était la cause de la mort dans 6% des cas avant l’ère de l’antibiothérapie et devenait responsable de 60% des décès après cette période chez le même type de patients [7,8]. L’apparition de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert (Starr et Edwards en 1960) fut le second événement majeur dans le progrès du traitement de l’EI [6,7]. Dès lors, il devint possible de s’attaquer directement aux lésions valvulaires et ainsi de corriger les désordres hémodynamiques par l’implantation d’une prothèse valvulaire. Initialement, la règle était de n’opérer que lorsque le foyer infectieux était complètement stérilisé, mais rapidement l’indication chirurgicale allait être portée précocement avant même la disparition du syndrome infectieux [7]. Si la chirurgie cardiaque couplée à une antibiothérapie efficace a permis la guérison complète de nombreuses EI, elle a, par contre, permis l’apparition d’une nouvelle forme clinique d’endocardites : les EPV. Ces endocardites sur PV ont vu leur nombre croitre avec l’essor de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert. 23 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire PRINCIPAUX TYPES DE PROTHESES VALVULAIRES Il existe deux grands types de prothèses valvulaires : les prothèses mécaniques faites de matériaux inertes et les prothèses biologiques ou bioprothèses dont l’origine est le plus souvent animale. 1 - LES PROTHESES MECANIQUES : Elles sont constituées de : un anneau d’insertion métallique qui sert à fixer la prothèse sur l’anneau mitral ou aortique, plus rarement tricuspidien. un élément mobile, de constitution variable et dont les mouvements, sous l’effet des variations de pression dans les cavités situées de part et d’autre de la prothèse, vont ouvrir et fermer alternativement la prothèse. Pour les plus anciennes prothèses, l’élément mobile est une bille en silastic se déplaçant entre l’anneau d’insertion recouvert de dacron et une cage en titane (prothèse de Starr-Edwars). Des prothèses à disque sont apparues ensuite, dont le chef de file est la valve de Bjork-Shiley. Ultérieurement, des prothèses dont l’élément mobile est fait de deux hémidisques ou ailettes en carbone pyrolytique sont apparues et sont actuellement les plus largement utilisées (prothèses de Saint-Jude, Sorin, Tekna...) [9] Les prothèses mécaniques actuelles ont une excellente durabilité et devraient en principe durer toute la vie du patient, leur inconvénient majeur est de nécessiter un traitement anticoagulant à vie et parfaitement équilibré. 24 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Fig1. Les prothèses à bille (Starr-Edwards, Smelloff-Cutter) Fig2. Les prothèses à monodisque basculant (Björk-Shiley, Medtronic Hall, AllCarbon). Fig3. Les prothèses à double ailettes (St Jude Medical, Edwards Mira, ATS, Bicarbon,Carbomedics,..) 25 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 2 - LES PROTHESES BIOLOGIQUES : Les prothèses biologiques comportent une armature métallique sur laquelle s’insèrent 3 valves biologiques, le plus souvent des sigmoïdes aortiques de porc (bioprothèses de Hancock, de Carpentier Edwards…) plus rarement de péricarde de veau, ce sont des hétérogreffes ou xénogreffes. Certaines prothèses récentes ne comportent pas d’armature (valves ‘stenless’). Des homogreffes sont également utilisées, Il s’agit de valves d’origine humaine, provenant de donneurs d’organes. Leur durabilité serait meilleure que celle des bioprothèses d’origine animale, mais leur usage est limité du fait des problèmes de disponibilité au niveau des banques d’organes. Dans de rares cas, la propre valve pulmonaire du patient est utilisée pour reconstruire la valve aortique et la région avoisinante ; il s’agit alors d’une autogreffe, utilisée dans l’opération de Ross. L’avantage essentiel des prothèses biologiques est de ne pas nécessiter de traitement anticoagulant et de comporter un moindre risque de complications, notamment thrombo-emboliques, que les prothèses mécaniques ; leur inconvénient majeur est la durabilité médiocre, qui n’excède guère 10ans. La dégénérescence est d’autant plus rapide que le patient est plus jeune. De nos jours, et sauf cas particuliers (contre-indication au traitement anticoagulant…) elles ne sont plus implantées en dessous de l’âge de 75ans. [10] 26 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire EPIDEMIOLOGIE La fréquence relative des EPV varie selon les séries de 12 à 35% de l’ensemble des EI [11, 12,13]. Les porteurs de prothèse représentaient 22% et 16% des cas d’endocardites colligés dans les enquêtes épidémiologiques conduites en France en 1991 et 1999 respectivement, ce qui illustre la majoration considérable du risque d’endocardite associé à l’existence d’une prothèse [14,15]. Dans une autre étude, parmi 171 patients porteurs de prothèse valvulaire ayant présenté une infection nosocomiale bactériémique, 33% avaient une endocardite constituée au moment du diagnostic de la bactériémie, et 11% supplémentaires développaient une endocardite en moyenne 45 jours après la bactériémie initiale, malgré une antibiothérapie adaptée et quelle que soit la durée de ce traitement [16]. L’incidence des EI après pose d’une PV varie entre 0,2 et 0,8 % par année-patient et le taux de survie sans endocardite est d’environ 95 % à 10ans. Sur 25 923 patients ayant bénéficié de la pose d’une PV recensés dans 22 études, 2,9 % développaient une EI, dont un tiers au cours des 2 premiers mois après l’insertion de la prothèse [17]. L’incidence est en effet maximale autour de la cinquième semaine après le geste opératoire, elle décroît ensuite progressivement pour se stabiliser à partir de la deuxième année [18]. Le risque de survenue d’une EI sur prothèse ne semble pas significativement dépendant du type de prothèse (mécanique ou biologique) ou du site d’implantation (mitral ou aortique). En revanche, c’est le fait que la pose de la prothèse ait été motivée par les complications d’une EI qui semble constituer le principal facteur de risque de survenue d’une EI sur prothèse [18]. En effet, le risque de récidive d’endocardite après un premier épisode traité par remplacement valvulaire est de l’ordre de 20 % à 10 ans [19]. 27 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire PHYSIOPATHOLOGIE 1- PHYSIOPATHOLOGIE DES EI SUR VALVES NATIVES : Dans les endocardites expérimentales deux conditions sont nécessaires à l’enclenchement de l’infection : la lésion de l’endocarde et le microorganisme. Plus le microorganisme est virulent et moins la lésion de l’endocarde doit être importante et réciproquement. a- Atteinte de l’endocarde : Elle aboutit, qu’elle que soit sa cause, à une lésion endothéliale fibrinoplaquettaire stérile susceptible d’être colonisée secondairement par les germes. Ceci se produit à la faveur des « lésions de jet » dues à des anomalies rhéologiques dans les ventricules lors de l’éjection ou lors de la régurgitation du sang. Le deuxième facteur favorisant la colonisation est l’effet Venturi qui explique aussi le siège des végétations dans l’endocardite. Immédiatement après une zone de rétrécissement, la pression est plus basse et les turbulences sont plus faibles ce qui favorise la fixation et le développement des germes. C ‘est pour ces raisons que les végétations se situent à la face ventriculaire des sigmoïdes aortiques dans l’insuffisance aortique. [4] Les lésions de jet, le gradient de pression, la zone de moindre pression et de moindre turbulence sont les conditions favorables au développement d’une endocardite. b- Microorganismes : Ils se fixent sur l’endocarde à l’occasion d’une bactériémie. Pour ce faire, il faut que le germe ait une résistance à l’activité bactéricide naturelle du sérum et des propriétés d’adhérences particulières. Il faut également des anticorps agglutinants qui entrainent la formation d’amas bactériens permettant à un plus grand nombre de microorganismes de se fixer en une seule fois. [4] (Fig. n°4) 28 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Fig. 4 : Pathogénie de l’endocardite infectieuse. 29 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 2 -PHYSIOPATHOLOGIE DES EI SUR PROTHESE VALVULAIRE : Comme dans les endocardites sur valves natives, la lésion primaire de l’EPV est la végétation. Elle se constitue d’un agrégat fibrinoplaquettaire initialement stérile, qui se forme au niveau d’un tissu endothélial remanié du fait des perturbations microcirculatoires ou du contacte avec le matériel étranger, et sur lequel viennent ensuite se greffer des bactéries circulantes. La nature et la localisation du tissu remanié, et par conséquent la physiopathologie de l’EPV et les lésions anatomiques qu’elle induit, varient en fonction de la nature de la prothèse [20]. a- Infection sur prothèse mécanique : Dans les infections sur prothèse mécanique, le processus infectieux prend en règle naissance au niveau des sutures et de l’anneau qui lient la prothèse au tissu cardiaque de l’hôte. En effet, les bactéries ne peuvent pas adhérer directement au matériel prothétique métallique ou polymérique luimême. La colonisation puis l’infection aboutissent alors à un abcès périannulaire qui peut entraîner une désinsertion prothétique ou diffuser dans le tissu cardiaque adjacent. b- Infection sur bioprothèse : Dans les endocardites sur bioprothèses, l’infection prend naissance au niveau des valves prothétiques elles-mêmes, mécanisme plus proche de celui observé dans les endocardites sur valves natives. Le matériel biologique est recouvert d’une matrice de fibrinogène et de glycoprotéines sur laquelle se forment les végétations. 30 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Le processus infectieux va ainsi aboutir à la destruction des valves et/ou à la formation de volumineuses végétations qui peuvent parfois obstruer la circulation sanguine [21]. Les homogreffes ou autogreffes sembleraient plus résistantes aux infections. Il n’est cependant pas démontré clairement qu’elles exposent à un moindre risque d’EPV. Toutefois, les EPV sur tissu humain seraient moins extensives, ce qui pourrait permettre fréquente par le traitement médical seul. 31 une guérison plus Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Matériel et méthodes 32 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Le but de cette étude rétrospective est d’analyser d’une part, les caractères épidémiologiques, cliniques, bactériologiques et anatomiques des endocardites sur prothèse valvulaire, et d’autre part, les facteurs de risque, les facteurs du pronostic ainsi que les modalités thérapeutiques et prophylactiques de cette maladie. La période d’étude s’étend de janvier 2000 à décembre 2007. Les malades ont été recrutés dans le service de cardiologie de l’Hôpital Militaire d’Instructions Mohammed V (l’HMIMV) devant un faisceau d’arguments cliniques, échocardiographiques et microbiologiques. 1- CRITERES D’INCLUSION : a- Critères diagnostiques : Dans la littérature, les critères du diagnostic d’endocardite infectieuse sont variables selon les auteurs, il en est de même pour les critères diagnostiques des EPV, la notion d’EI précoce ou tardive ainsi que l’évolutivité infectieuse lors des réinterventions [1]. Devant la difficulté du diagnostic de l’endocardite infectieuse sur valve native et encore plus en l’absence de critères objectifs de diagnostic de l’EPV, l’actuelle classification de Duke [22], modifiée par Li et Al [23] s’est imposée comme l’outil de référence, bien validé, à la fois sensible et spécifique pour l’endocardite sur valve native mais peut être prise par défaut pour l’EPV. Le diagnostic d’EPV chez nos patients a tenu compte des critères de Duke révisés par Li et al (Fig. n°5 et 6) 33 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Classification diagnostique des endocardites infectieuses selon les critères de Duke, modifiés par Li et al. – les critères diagnostiques Critères majeurs Hémocultures positives : Deux hémocultures positives : streptocoques viridans, Streptococcus bovis, groupe HACCEK, ou Staphylococcus aureus communautaire ou entérocoque, en l'absence de foyer infectieux primitif. Hémocultures positives de façon persistante au même micro-organisme. Hémoculture positive à Coxiella burnetii, ou titre IgG phase 1 > 800. Démonstration de l'atteinte endocardique : Signes échocardiographiques : végétation, abcès ou nouvelle fuite périprothétique. Signes cliniques : souffle de fuite valvulaire d’apparition récente. Critères mineurs Prédisposition : cardiopathie à risque ou toxicomanie intraveineuse. Fièvre : > 38,0 °C Phénomènes vasculaires : emboles septiques dans un gros tronc artériel, infarctus pulmonaires, anévrisme mycotique, hémorragie intracrânienne, hémorragies conjonctivales, taches de Janeway. Phénomènes immunologiques : glomérulonéphrite, faux panaris d'Osler, taches de Roth, facteur rhumatoïde. Arguments microbiologiques : hémocultures positives mais ne vérifiant pas la définition ci-dessus d'un critère majeur, ou démonstration sérologique d'une infection évolutive due à un micro-organisme susceptible de causer une endocardite. Fig. 5 : Les critères diagnostiques des endocardites infectieuses. 34 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Classification diagnostique des endocardites infectieuses selon les critères de Duke, modifiés par Li et al. – les classes diagnostiques Endocardite certaine Critères histologiques : Micro-organismes : démontrés par la culture ou l'examen histologique d'une végétation, d'une végétation ayant embolisé ou d'un abcès intracardiaque, ou Lésions histologiques : végétation ou abcès intracardiaque avec aspect histologique d'endocardite évolutive. Critères cliniques (tels que définis dans le Tableau précédent) 2 critères majeurs, ou 1 critère majeur et 3 critères mineurs, ou 5 critères mineurs Endocardite possible 1 critère majeur et 2 critères mineurs, ou 3 critères mineurs Endocardite exclue Diagnostic différentiel expliquant les signes cliniques d'endocardite, ou Disparition des manifestations d'endocardite, en l'absence — ou avec moins de 4 jours — d'antibiothérapie, ou Absence de lésions histologiques d'endocardite à l'intervention ou à l'autopsie, en l'absence — ou avec moins de 4 jours — d'antibiothérapie. Fig. 6 : Les classes diagnostiques des endocardites infectieuses 35 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire b- Le délai entre le remplacement valvulaire et les premiers signes d’EI : 2 groupes sont définis selon le délai écoulé entre le remplacement valvulaire et les premiers signes d’EI : [24] EPV précoce : survenant moins de 2 mois après l’intervention chirurgicale. EPV tardive : survenant après le 2ème mois postopératoire. c- Critères bactériologiques : En plus d’un bilan général comprenant une NFS, VS, CRP et ionogramme, tous nos patients ont fait l’objet de : HEMOCULTURES : les hémocultures pratiquées avant tout traitement antibiotique chaque fois que possible ont constitué un des éléments capitaux du diagnostic et du traitement. L’incubation a été poursuivie pendant 4 semaines. CULTURES DE VALVES : lorsque les patients sont réopérés, la valve prothétique prélevée est mise en culture dans les milieux au sang aérobies et anaérobies avec une incubation d’un mois. d- Critères échocardiographiques : Tous nos patients ont fait l’objet d’une échographie trans-thoracique (ETT) et d’une échographie trans-œsophagienne (ETO) 36 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Résultats 37 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 1- CARACTERISTIQUES DES PATIENTS : a- Sexe : Parmi nos 15 patients, 11 sont des hommes (73%) et 4 sont des femmes (27%). b- Age : (au moment de l’endocardite) La fourchette d’âge va de 22 à 58 ans -Pour les hommes, la fourchette d’âge va de 22 à 58 ans avec une moyenne de 44,78 ± 13,8 ans. -Pour les femmes, la fourchette d’âge va de 34 à 44 ans avec une moyenne de 38,75 ± 9,3 ans. c- Terrain : Parmi les 15 malades, 2 patients avaient une insuffisance rénale (IR), 2 étaient hypertendus, 2 étaient diabétiques, un patient avait un antécédent d’AVCI, 2 patients avaient des antécédents de cholécystectomie et un patient a été opéré d’un abcès anal. 2- DONNEES CONCERNANT LA PERIODE ANTERIEURE A L’EPV: Le tableau n°1 résume les principales caractéristiques des patients a- Valvulopathie initiale : 9 patients présentaient une atteinte monovalvulaire. 2 valvulopathies aortiques : 1 rétrécissement, 1 maladie. 7valvulopathies mitrales : 3 insuffisances, 2 rétrécissements, 2 maladies. 38 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 6 patients présentaient une atteinte plurivalvulaire mitro-aortique : 4 RM + IA 1 IM + IA 1 IM + MA Chez 14 patients, l’origine de la valvulopathie était rhumatismale, un patient avait une valvulopathie dégénérative. b- Classe NYHA préopératoire : (cf annexe I) Tous les patients étaient symptomatiques : 3 patients présentaient une dyspnée d’effort (stade 2). 9 patients avaient une gêne marquée pour des efforts modérés (stade3) 3 patients étaient gênés au repos (stade 4). c- Index cardiothoracique préopératoire : (cf annexe II) 1 patient avait une radiographie pulmonaire normale. 4 patients avaient une cardiomégalie modérée V1. 3 patients avaient une cardiomégalie V2. 7 patients avaient une cardiomégalie V3 avec des signes radiologiques d’insuffisance cardiaque gauche. 39 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire d- Foyers infectieux préopératoires : La recherche de foyers infectieux comportait systématiquement : une radiographie pulmonaire (face et profil). un cliché panoramique dentaire et une consultation stomatologique. une radiographie des sinus et une consultation ORL. un examen cytobactériologique des urines. une consultation gynécologique pour les sujets de sexe féminin. Parmi les 15 patients ,4 présentaient un foyer infectieux préopératoire dont 3 avaient un foyer dentaire et un patient présentait une infection urinaire. e- Les prothèses valvulaires : (primo-intervention) Pour les 15 malades, 21 prothèses valvulaires (6 doubles prothèses) ont été implantées initialement. Toutes les prothèses étaient mécaniques : 2 prothèses aortiques 13 % 7 prothèses mitrales 47% 6 prothèses aortiques et mitrales 40 % f -Complications postopératoires : (primo-intervention) Après l’implantation des prothèses, 2 patients avaient présenté des complications infectieuses de type pneumopathie d’évolution favorable sous traitement, aucun patient n’avait présenté d’infection de la cicatrice de stérnotomie A noter qu’un patient avait présenté un accident embolique de type AIT avec une hémiplégie réversible en moins de 24h. 40 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire N° âge sexe EPV valve 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 44 43 40 39 37 52 51 58 34 22 51 44 38 40 54 F M F M F M M M F M M M M M M T T T T P T T T T P P P T T T M-A M-A M M-A M M A M M M-A M-A M M-A M A Délai Apparition EPV 10ans 11ans 10ans 8ans 2mois 5ans 1an 5mois 9mois 12j 1mois 10j 2ans 5ans 8ans er Germe Délai entre er 1 signes et début ATB Durée ATB Type de traitement Délai entre 1 signes et réintervention Strep V Staph BGN BGN Strep V Staph Staph Staph BGN - 1 mois 15 j 3mois 1mois 2mois 3sem 15j 1sem 20j 2j 1sem 3j 45j 21j 1mois 6sem 7sem 6sem 6sem 2j 6sem 6sem 4sem 6sem 40j 6sem 6sem 6sem 50j 6sem Chir Chir Med Chir Med Chir Chir Chir Med Chir Chir Med Chi Med Med 5sem 8sem 7sem 6sem 5sem 3sem 1sem 4sem 7,5sem - Tableau n°1 : Principales caractéristiques des patients de l’étude. M : masculin Med : médical M : mitrale Chir : chirurgical F : féminin T : tardive J : jours P : précoce S : semaine BGN : bacille gram négatif m : mois Staph : staphylocoque Strept V : streptocoque vidans 41 décès + - Durée suivi 6m 10 m 2m + + - - 1 an + + - Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 3- DONNEES CLINIQUES DE L’EPV : a -Délai entre la primo-intervention et l’EPV : Ce délai permet de distinguer 2 types d’EPV : - Les EPV précoces survenant dans les 2 premiers mois suivant l’implantation. - Les EPV tardives survenant après les 2 premiers mois suivant l’implantation. Le tableau n°2 résume la répartition des EPV en fonction de la position de la prothèse. Parmi les 15 patients, 4 ont présenté une EPV précoce (10j – 1mois) et 11 ont présenté une EPV tardive (5 mois – 11 ans). (Tableau n°2) b- SIGNES CLINIQUES : Un syndrome fébrile était présent chez 11 patients, accompagné de façon variable de myalgies, d’arthralgies et d’AEG. D’autres manifestations associées à la fièvre sont notées à type de brulures mictionnelles (2 cas), de sinusite (1cas) et de sepsis sévère (1cas). L’examen physique a permis de noter un souffle cardiaque chez 6 patients, une splénomégalie dans 1 cas et des signes cutanés chez 1 patient. Les signes d’insuffisance cardiaque étaient présents chez 8 patients. (Tableau n°3 et 4) 42 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire EPV Précoce Tardive Total Aortique 0 2 2 Mitrale 2 5 7 Mitro-aortique 2 4 6 Total 4 11 15 Valve Tableau2 : Répartition des EPV en fonction de la position de la prothèse : Nombre Pourcentage -Fièvre 11 73% -Souffle cardiaque* 6 40% -Splénomégalie 1 7% -Signes cutanés 1 7% -Accidents neurologique 2 13% -Embolie systémique 1 7% -Insuffisance cardiaque 8 53% -Choc 3 20% -Anémie 8 53% -Hyperleucocytose 7 47% *nouveau souffle de régurgitation, ou aggravation d’un tel souffle préexistant. Tableau n°3 : Données cliniques : 43 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire EPV Précoces EPV Tardives n=4 n = 11 -Fièvre 2 9 -Souffle 1 5 -Splénomégalie 0 1 -Signes cutanés 0 1 -Accident Neurologique 1 1 -Embolie 0 1 -Insuffisance cardiaque 2 6 -Choc 2 1 -Anémie 2 6 Hyperleucocytose 2 5 Tableau n°4 : Répartition des signes cliniques en fonction du type d’EPV EPV PRECOCES TARDIVES TOTAL 1 1 2 Staphylocoque S 1 1 2 Streptocoque V _ 2 2 BGN _ 3 3 Négatives 2 4 6 Hémoculture Staphylocoque coagulase négative Tableau n°5 : Résultats des hémocultures en fonction du type d’EPV : 44 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire c -Résultats des hémocultures : Tous nos patients ont bénéficié des hémocultures dés le 1er jour de leur admission, les hémocultures ont été négatives chez 6 patients, chez les 9 autres patients, elles ont permis d’isoler un staphylocoque (4 cas), un streptocoque (2 cas) et un BGN (3 cas). (Tableau n°5) d- Porte d’entrée : Sur les 15 malades, une porte d’entrée est relatée dans 4 cas ; deux portes d’entrée dentaires, une porte d’entrée urinaire et une porte d’entrée pulmonaire. e- L’échocardiographie : L’échocardiographie trans-thoracique et l’échographie trans- œsophagienne ont été réalisées chez tous nos patients. (Tableau n°6) L’échocardiographie a permis d’objectiver des végétations microbiennes (8 cas), des abcès paravalvulaires (2 cas), des désinsertions prothétiques (5 cas) ainsi que des fuites aortiques (3 cas) et mitrales (3 cas). En fait, l’échocardiographie transthoracique a été contributive pour le diagnostic d’EPV que chez 3 malades (20%), alors que l’échocardiographie transoeophagienne a été contributive chez 10 malades (67%), parmi ces 10 malades, 2 avaient une EPV précoce et 8 une EPV tardive. 45 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Aortique Mitrale Double Total Végétations 1 4 3 8 Abcès 1 0 1 2 Désinsertion 0 2 3 5 Fuite aortique 1 0 2 3 Fuite mitrale 0 1 2 3 Tableau n°6 : Résultats de l’échocardiographie : 46 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Fig. n°7 : ETO montrant une fuite paraprothétique par désinsertion partielle de la prothèse : Fig. n°8 : ETO montrant une végétation avec désinsertion partielle de la prothèse 47 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Fig. n° : ETO montrant une végétation sur le point d’amarrage de la prothèse mitrale : Fig. n°10 : ETT chez le même patient de la figure n° 9 en coupe apicale des 4 cavités avec absence de végétation au niveau de la prothèse mitrale : 48 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire f -Complications : Les complications qui ont émaillé l’évolution de la phase initiale y compris la période du traitement médical sont représentées dans les tableaux n°7 et 8. Il s’agit d’embolie systémique (3cas), d’insuffisance cardiaque (8cas) et d’état de choc (3cas). Nous avons déploré 5 décès soit un taux de mortalité de 33%, les causes des décès ont été un choc cardiogénique (2cas), un sepsis sévère (1cas) et un arrêt cardiocirculatoire (2cas). (Tableau n°7 et n°8) 49 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Valves Mitro- Aortique Mitrale Embolies cérébrales 1 0 1 2 13% Embolies spléniques 0 0 1 1 7% Insuffisance cardiaque 2 3 3 8 53% Etat de choc 1 0 2 3 20% Décès 1 2 2 5 33% Complications Total aortique Tableau n°7 : Complications en fonction du type de prothèse Précoce Tardive TOTAL Embolies cérébrales 1 1 2 Embolies spléniques 0 1 1 Insuffisance cardiaque 2 6 8 Etat de choc 2 1 3 Décès 3 2 5 Tableau n°8 : Complications selon le délai de survenue des EPV 50 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 4 -TRAITEMENT : a- Traitement médical : a-1) - L’antibiothérapie : Le traitement antibiotique a été instauré chez tous les patients. L’antibiothérapie utilisée a été basée sur une association bactéricide administrée par voie intraveineuse, régulièrement répartie sur le nycthémère et prolongée pendant 6 semaines. Le délai entre les premiers signes d’EPV et le début du traitement a été en moyenne de 25,33j pour l’ensemble des patients avec 17j pour les EPV précoces et 28,36j pour les EPV tardives. Notre choix probabiliste des antibiotiques (ATB) était orienté par le délai de survenue de l’EI avant les résultats de l’hémoculture. Le traitement ATB était reconduit ou rectifié selon les données de l’antibiogramme. Le schéma thérapeutique initial associait : Pour les formes précoces dont le profil microbiologique est caractérisé par la fréquence des infections à staphylocoque : Vancomycine 30mg/kg/j sans dépasser 2g/j pendant 6 semaines. + Gentamycine 3-5mg/kg/j pendant 2 semaines. Pour les formes tardives à profil microbiologique proche de celui des EI sur valves natives : Ampicilline 200mg/kg/j pendant 6 semaines. + Gentamycine 3-5mg/kg/j pendant 2 semaines. 51 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Après les résultats des hémocultures et de l’antibiogramme, l’antibiothérapie a été modifiée chez 4 patients. L’ensemble des malades ont reçu une antibiothérapie sur une durée moyenne de 40 ± 23 j. a-2) - Anticoagulants : Pour les prothèses mécaniques, les AVK ont été remplacés par l’héparinothérapie, les doses étant adaptées pour obtenir un TCA du malade entre 2 et 3 fois celui du témoin. a-3) - Autres traitements : Les diurétiques de l’anse et parfois les diurétiques distaux ont été utilisés chez 4 patients en insuffisance cardiaque associés aux IEC quand la tension artérielle le permettait. Les digitaliques ont été instaurés en cas d’ACFA. Les patients en état de de choc ont reçu des inotropes positifs. b- Traitement chirurgical : (réintervention) Parmi les 15 patients, 9 ont été réopérés à un stade plus ou moins précoce de l’EPV. Les motifs de l’intervention ont été une défaillance hémodynamique chez 4 patients, un non contrôle du processus infectieux chez 4 patients et les 2 motifs chez un patient. (Tableau n°9) 52 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Le délai entre le début du traitement médical et la réintervention est en moyenne de 17 j : 13 j pour les EPV précoces. 19 j pour les EPV tardives. Les corrélations entre les données échocardiographiques et les constatations anatomiques montrent que l’échocardiographie n’a pas fait le diagnostic de 5 lésions sur les 16 constatées en per opératoire. Parmi les 9 patients opérés, 6 ont bénéficié d’un double remplacement valvulaire, 2 d’un remplacement valvulaire mitral et un d’un remplacement valvulaire aortique. (Tableau n°10) 53 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Indication Précoce Tardive Total HEMODYNAMIQUE 2 2 4 INFECTIEUSE 0 4 4 MIXTE 0 1 1 TOTAL 2 7 9 50% 63% 60% % Tableau n°9 : Indication de la réintervention selon le moment de survenue de l’EPV : Echocardiographie Constatations anatomiques Aortique Mitrale Double Aortique Mitrale Double Végétation 1 2 3 1 3 4 Abcès 1 0 0 1 0 1 Désinsertion 0 2 2 1 2 3 Tableau n°10 : Comparaison entre échocardiographie et constatations anatomiques : 54 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire c- Evolution Post-Opératoire : Les complications post-opératoires relevées ont été un pneumothorax drainé, un BAV régressif, une poussée d’insuffisance ventriculaire gauche jugulée sous traitement et une broncho-pneumopathie traitée chez 3 patients. Parmi les 5 patients décédés, 3 sont décédés après l’intervention. Les causes de ces décès ont été un arrêt cardiocirculatoire chez 2 patients et un choc septique chez le troisième patient. 55 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Discussion 56 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 1-EPIDEMIOLOGIE-ETIOLOGIE : a – Incidence - prévalence : La fréquence de survenue des EPV dans notre contexte est estimée à 2,6%. Dans la littérature, elle va de 0.3% à 1,2% patient/année selon les séries [25,26]. Cette fréquence a évolué au cours du temps : elle était proche de 10% vers 1960 et se situe actuellement aux alentours de 0,7% en moyenne [25,27]. Cette évolution peut être mise sur le compte des progrès de l’antibioprophylaxie périopératoire et de l’amélioration des techniques chirurgicales. Quoi qu’il en soit, l’évaluation précise de la fréquence de survenue des EPV est très difficile car, selon les critères diagnostiques choisis, le risque de surestimer ou au contraire de sous estimer cette fréquence est toujours présent [28]. Actuellement, l’endocardite sur prothèse constitue le 1/5 des endocardites infectieuses avec un pourcentage de 10 à 30% [28]. Elle occupe 16% dans le french survery [29], 26% dans l’Euro Heart survery [30] et 20,1% dans l’ International Collaboration on Endocarditis [31]. b – Délai d’apparition de L’EPV ; type et position des prothèses : Des auteurs ont tenté de définir si le type de prothèse (biologique ou mécanique) ou sa position influence le risque de survenue d’une greffe bactérienne. Initialement, il semblait se dégager un plus grand risque pour les prothèses aortiques et les remplacements valvulaires multiples, avec même une fréquence 2 fois plus importante en position aortique qu’en position mitrale et 3 fois plus importante pour les remplacements valvulaires multiples. 57 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire VAHANIAN, ne trouve pas de différence significative entre les prothèses aortiques et mitrales, ni entre les mono et les polyvalvulaires [32, 33, 34,35]. En tenant compte des études d’IVERT [36] et de CALDERWOOD [37], il apparaît que les prothèses mécaniques sont infectées plus précocement à cause probablement d’une contamination peropératoire plus fréquente, et le risque est maximum dans les 3 premiers mois postopératoires. Pour les hétérogreffes, le risque est maximum pour les EPV tardives après le 12 ème mois postopératoire. Cependant au-delà de 5ans, le risque d’EPV redevient égal entre les prothèses biologiques et les prothèses mécaniques. La fréquence entre les endocardites sur prothèses aortiques et mitrales est comparable, alors que le risque est plus important pour les remplacements valvulaires multiples [36,37]. Dans notre série, nous avons constaté une fréquence légèrement supérieure de l’EPV en position mitrale par rapport à la position aortique. c – Caractéristiques des patients : Dans notre étude, la proportion des sujets de sexe masculin est de 73% (11/15) et celle des sujets de sexe féminin est de 27% (4/15). Une étude comparative réalisée chez 288 patients dont 36% étaient des femmes, a montré que l’incidence de l’EPV précoce était de 42% chez les hommes et de 49% chez les femmes et que l’infection survenait plus fréquemment au niveau de la valve mitrale chez les femmes (54% vs 39%) et au niveau de la valve aortique chez les hommes (50% vs 29%) [38]. 58 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire La moyenne d’âge pour les 15 malades de notre série est de 43,13 ans avec 44,72ans pour les hommes et 38,75ans. L’âge moyen de survenue des endocardites sur valves natives a progressivement augmenté, il n’est d’ailleurs pas rare actuellement de rencontrer cette maladie chez des malades de 60 à 80ans [4]. Ceci est en rapport avec l’allongement de l’espérance de vie des patients porteurs de valvulopathies. Les remplacements valvulaires sont effectués plus tardivement, et l’âge de survenue des EPV est devenu plus élevé. Dans notre contexte, et vu la nature de recrutement des patients dans une formation hospitalière militaire, l’âge moyen de survenue de l’endocardite infectieuse est plus jeune avec une prédominance masculine. d – Facteurs de risque de survenue des EPV : Le risque d’EPV est maximum 5 semaines après l’intervention, et il diminue progressivement jusqu’au 12èmemois puis se stabilise et reste constant [36]. Les antécédents d’endocardite, l’allongement du temps de circulation extracorporelle augmentent le risque d’EPV. L’âge avancé constitue un facteur de risque d’EPV tardives (surtout pour les remplacements multiples) [36, 37, 39,40]. e –Porte d’entrée: Les données de la littérature montrent que les portes d’entrée des EPV précoces sont avant tout iatrogènes et périopératoires. Pour les EPV tardives, les portes d’entrée stomatologiques sont en déclin au profit des origines urogénitales et digestives, en raison de la qualité accrue des soins dentaires associés à l’antibioprophylaxie (44). (Tableau n°11) Une porte d’entrée est retrouvée dans 27% des cas de notre série. 59 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire EPV PRECOCES TARDIVES Portes d’entrée n = 32 n = 75 Cutanée 21.8% 5.3% Cathéter 12.5% 0% CEC 40.6% 0% Uro-génitale 4.5% 21.3% Stomatologique 4.5% 18.6% Digestive 0% 8% Pulmonaire 0% 5.3% 81.2% 58 .6% %portes d’entrée Tableau n°11 : Portes d’entrées selon le type d’EPV à partir des résultats de 4 séries de la littérature : [35, 41, 42,43] 60 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 2-DONNES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES : a- Clinique : Un parallélisme clinique entre les EPV précoces et les endocardites aigues sur valves natives, ainsi qu’entre les EPV tardives et les endocardites subaigües sur valves natives, est frappant dans la majorité des cas [3]. Les EPV précoces évoluent sur un mode aigue avec fièvre souvent élevée, modification de l’auscultation cardiaque, insuffisance cardiaque, complications emboliques pouvant donner lieu à un purpura nécrotique et signes d’invasion myocardique [3]. Les EPV tardives évoluent plus volontiers sur un mode subaigu avec parfois fièvre isolée, splénomégalie et signes cutanés évocateurs de vascularite ; et plus rarement une modification de l’auscultation. L’anémie par hémolyse est un signe de dysfonction prothétique mais n’est pas forcément corrélée à son degré de retentissement hémodynamique [20,32]. La fièvre, l’insuffisance cardiaque et les accidents emboliques systémiques sont les manifestations cliniques les plus courantes des EPV [5]. Les modifications de l’auscultation cardiaque sont mises en évidence de façon très variable d’une série à l’autre. Nos résultats sont comparables aux données de la littérature avec une fréquence élevée de la fièvre, l’insuffisance cardiaque ainsi que les complications neurologiques. (Tableau n°12) 61 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Notre série TUGTEKIN G.HABIB Fièvre 73% 74,2% 95% Souffle 40% _ 44% Insuffisance cardiaque 53% 47,1% 31% Accident neurologique 13% 17% _ Embolie systémique 7% 15,7% _ SMG 7% 10% _ Signes vasculaires 7% _ _ Anémie 53% _ 37% Hyperleucocytose 47% _ 44% Tableau n°12 : Fréquence des signes cliniques en comparaison avec 2 séries de la littérature [28,45] 62 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire b – Hémoculture : Nous avons colligé les résultats bactériologiques de 4 séries d’EPV dont les critères de diagnostic sont similaires aux nôtres et pour lesquelles, la limite entre EPV précoce et tardive est fixée à 2 mois. (Tableau n°13 et 14) Ces résultats confirment la nette prédominance des staphylocoques au cours des EPV précoces et des streptocoques au cours des EPV tardives. De plus, ce sont ces formes tardives dont le spectre bactérien se rapproche le plus des EI sur valves natives [20]. Calderwood a montré que la distribution des microorganismes était la même lorsque l’infection survenait dans les 2 mois post-opératoires, entre le 2ème et le 6ème mois après l’intervention ou entre le 6ème et le 12ème mois postopératoire [37]. Le germe prédominant étant le Staphylocoque coagulase négative (58% des cas dans les 2 mois qui suivent l’intervention, et 57% des cas dans l’année qui suit la chirurgie), au delà du 12ème mois, les streptocoques deviennent majoritaires. Dans notre étude, ce sont les staphylocoques qui sont le plus souvent isolés puis arrive les BGN et enfin les streptocoques. Les staphylocoques sont des germes majeurs de l’EPV, le staphylocoque doré est plus souvent responsable d’EPV précoce. Les streptocoques prédominent pour les EPV tardives [20], les germes les plus souvent isolés sont les streptocoques non groupables, les streptocoques du groupe D comprenant les entérocoques et le streptocoque bovis. Les streptocoques non groupables sont moins souvent en cause au cours des EPV, au profit des streptocoques du groupe D sans doute en raison de l’attention particulière apportée aux soins dentaires chez les porteurs de prothèses valvulaires et à la plus grande difficulté de contrôler les portes 63 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire d’entrée digestives et génito-urinaires qui sont à l’origine des EPV à streptocoques du groupe D [28, 44,50]. - Les BGN sont plus rarement en cause et sont responsables d’EPV précoces et tardives avec en tête les entérobactéries et les pseudomonas [34,41]. Le groupe HACEK (Hémophilus Influenzae, Actinobacillus, Cardiobacterieum hominis, Eikenella corrodens et Kingella-Kingi). Ces germes donnent des formes particulièrement emboligènes [51], l’hémophilus notamment étant réputé pour donner des végétations volumineuses [5]. Les portes d’entrée de ces BGN sont surtout iatrogènes : cathétérisme cardiaque, cathéter veineux, explorations digestives, urinaires ou gynécologiques, chirurgie cardiaque [52]. - Les éléments fungiques se voient surtout dans les EPV précoces [41], le plus souvent candida et aspergillus. Dans la plupart des cas, les hémocultures restent négatives et l’identification se fait lors de l’étude anatomique de la prothèse [44]. Le facteur favorisant de ces infections est la chirurgie cardiaque sous CEC elle-même et la toxicomanie par voie veineuse [53]. - Le nombre d’EPV dites à hémocultures négatives est variable selon les séries. LOPEZ estime qu’elles représentent 16% du total des EPV [46], mais les résultats des hémocultures ne sont pas toujours aussi satisfaisants. Elles sont négatives dans 5% des EPV précoces et 19% des EPV tardives dans une étude de EVELYN [47]. La fréquence des hémocultures négatives dépend des critères de diagnostic d’EPV, plus ces critères sont stricts et plus le taux d’EPV à hémocultures négatives est bas [47]. Il faut aussi tenir compte des moyens que l’on se donne pour isoler les germes qualité et techniques de prélèvement 64 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire sanguin, complexité et diversité des milieux de culture, conditions et durée d’incubation. Les hémocultures ont cependant leurs limites vis-à-vis de certains germes comme les champignons et les germes à croissance intracellulaire, les sérodiagnostics peuvent donc apporter une aide précieuse au diagnostic. La négativité des hémocultures justifie donc des sérologies fungiques, le sérodiagnostic de Wright et de Vidal, les sérologies de coxiella burnetii, chlamydia, légionella [4,51] Au total : les staphylocoques et les streptocoques sont les germes les plus couramment rencontrés dans les EPV. Le spectre bactérien des endocardites sur prothèses et sur valves natives s’est modifié au cours du temps, à cause du développement des infections nosocomiales et de l’amélioration des techniques bactériologiques, qui ont permis d’isoler des germes dont la culture est plus exigeante. L’antibiothérapie à l’aveugle dans les 2 semaines qui précèdent les hémocultures augmente considérablement le nombre d’EPV à hémocultures négatives. Le recours aux sérodiagnostics peut être d’une aide précieuse, notamment pour les EPV à germes dont la croissance est intracellulaire. 65 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Micro organisme S.TUGTEKIN J.LOPEZ 51,4% 37% 30% 24% 20% _ _ 6% Strepto bovis 12,9% 1% Strepto viridans 12 ,9% 1% Culture négative _ 16% Staph coag negativ Staph auréus Staph épidermidis BGN Tableau n°13 : Comparaison des résultats bactériologiques entre 2 séries : [45,46] EVELYN C.PIPER EPV précoce EPV tardive EPV précoce EPV tardive Staphylocoque 52% 20% 18% 19% Streptocoque 0% 25% 6% 15% Entérocoque 24% 17% 6% 18% HACEK 5% 19% 18% 8% Tableau n °14 : Comparaison des résultats bactériologiques dans les EPV précoces et tardives : [47,48] 66 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 3- APPORT DE L’ECHOCARDIOGRAPHIE : L’ETT a été d’une aide limitée pour le diagnostic puisqu’elle n’a montré des signes directs d’endocardite que dans 20 % des cas de notre série. Pour l’ensemble des prothèses, une sensibilité de l’ETT pour détecter les végétations de 15 à 30 % est rapportée avec une bonne spécificité. L’ETO présente une meilleure sensibilité pour la détection des végétations, 80 à 94% des cas avec une spécificité de 88 à 100 % suivant les études [54]. Pour les EPV, surtout sur prothèses mécaniques, les résultats ne sont pas aussi brillants, en raison des échos parasites générés par la prothèse [24]. Si la présence de végétations affirme l’EPV, elle individualise aussi un groupe de malades à plus haut risque de complications (embolies, insuffisance cardiaque, mortalité notamment), indépendamment du siège et de la taille des végétations [55, 56, 57,58]. Dans 2/3 des cas, les végétations ne se modifient pas au cours de l’évolution de l’endocardite, notamment sous l’influence des antibiotiques [59]. Les abcès myocardiques ou périvalvulaires constituent une autre lésion directe de l’EPV. L’aspect typique correspond à un espace libre d’échos autour de l’anneau aortique ou bien à une masse arrondie dense paraprothétique qui peut secondairement s’excaver. Bien que ces abcès soient anatomiquement fréquents, surtout pour les prothèses aortiques, ils sont rarement mis en évidence par l’ETT [41]. ELLIS (60) rapporte une série de 22 endocardites dont 17 EPV avec abcès confirmés anatomiquement, un seul de ces patients présentait une image échographique typique. D’après cette série, l’auteur présente les critères échographiques suivants, comme évocateurs de la présence d’un abcès myocardique : 67 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire bascule de la valve, anévrysme du sinus de Valsalva, épaississement de la paroi de la racine aortique supérieur ou égale à 10mm, augmentation de la densité septale périvalvulaire (>14mm). La valeur prédictive positive d’un ou de plusieurs de ces signes associés est de 86 %. En l’absence de ces signes, la valeur prédictive négative est de 87%. L’ETO améliore la détection de ces lésions, sachant que l’exploration de la valve aortique est moins aisée que pour la valve mitrale [51,61]. Récemment, elle a montré une sensibilité de 87% à 92% pour la détection des abcès contre 28 à 46 % pour l’ETT, avec une spécificité de 95% [62, 63,64]. Les images échographiques indirectes d’EPV, traduisant une dysfonction prothétique, sont plus souvent retrouvées. Les dysfonctions de prothèses surviennent dans 25 à 76% des EPV (41). En ETT, les signes ne sont pas toujours évidents. Pour la valve aortique, il peut s’agir d’un fluttering diastolique mitral, évocateur de fuite aortique avec augmentation du volume télédiastolique du VG ; une fermeture prématurée de la mitrale dans ce contexte évoque une très mauvaise tolérance hémodynamique et invite à un geste chirurgical en urgence [5, 41, 53,58]. Un épanchement péricardique doit faire craindre un abcès myocardique périporthétique en cas d’atteinte aortique [65]. Pour la valve mitrale, il peut s’agir d’un mouvement anormal antérieur de la bille ou d’un disque prothétique en début de diastole, de l’augmentation du diamètre auriculaire gauche et d’une normalisation de la cinétique du septum 68 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire interventriculaire [53]. Quelle que soit la position, une désinsertion est évoquée sur un mouvement de bascule anormal de la prothèse [41, 53,61]. Actuellement, c’est le doppler cardiaque qui se montre le plus performant pour dépister les dysfonctions valvulaires. Cet examen est capable de mettre en évidence des fuites aortiques ou mitrales minimes et de préciser leur origine valvulaire ou périvalvulaire [41, 58,61]. Cependant, pour les prothèses valvulaires, il existe des fuites dites physiologiques [57,61]. En position mitrale, elles sont fréquentes sur les valves à disque et à ailettes, et rares pour les valves de Starr et les bioprothèses [61]. En position aortique, les fuites centrales sont beaucoup plus fréquentes pour tous les types de prothèses, qu’en position mitrale. De plus, de petites fuites périprothétiques sont détectées en postopératoire immédiat ; habituellement elles restent stables et n’ont pas de valeur péjorative à terme [61]. Compte tenu de ces éléments, un doppler cardiaque postopératoire de référence s’impose, Il permettra de juger avec plus d’objectivité la valeur des petites fuites détectées dans un contexte infectieux. Enfin, l’imagerie TM et bidimensionnelle de l’ETT et de l’ETO permet d’évaluer la sévérité du retentissement hémodynamique et le degré de dysfonction ventriculaire gauche [41,58]. En accord avec ces différents auteurs, nous pensons qu’en cas de suspicion d’EPV, un examen échocardiographique couplé au doppler cardiaque doit être systématique. La répétition de ces examens dans le temps peut permettre d’apprécier l’évolutivité de la maladie et de ne pas prendre de retard sur les décisions thérapeutiques. 69 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 4– LES COMPLICATIONS DE L’EPV : L’insuffisance cardiaque a été la complication la plus fréquente dans notre série devant l’anémie, l’état de choc et les accidents emboliques. Elle est le plus souvent due à une dysfonction de la prothèse, mais elle peut aussi être en rapport avec une myocardite infectieuse ou une myocardiopathie ischémique. [39,66] Les abcès myocardiques par extension périprothétique de l’infection, sont plus fréquents aux cours des EPV sur prothèses mécaniques que sur bioprothèses. Ils se manifestent principalement par l’apparition de troubles conductifs auriculo-ventriculaires d’aggravation progressive, la survenue de péricardites, la formation de fistules intracardiaques [7, 65, 67, 68,69]. La persistance de la fièvre ou sa réapparition sous antibiothérapie doit faire évoquer l’existence d’une invasion infectieuse myocardique. La péricardite peut aussi avoir une autre signification. Une localisation infectieuse directe, des micro-embolies coronaires septiques, un anévrysme mycotique du sinus de Valsalva peuvent aussi engendrer une péricardite purulente ou séro-fibrineuse [65]. L’insuffisance coronaire et l’infarctus myocardique bien que rares, peuvent se rencontrer à l’occasion d’embolies de fragments de végétations [4,72]. La fréquence des complications artérielles emboliques varie selon les séries de 20 à 60% des EPV [70,71]. Elles peuvent toucher tous les viscères et peuvent parfois révéler la maladie par un syndrome ischémique [72]. Les embolies peuvent donner lieu à des métastases septiques. C’est le cas des infarctus spléniques suppurés dont 1% sont symptomatiques, 2.5% évoluent vers la suppuration avec un risque de rupture rare mais dont la mortalité s’élève à 60% [73]. Les embols artériels peuvent engendrer aussi la formation 70 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire d’anévrysme mycotiques qui peuvent rester asymptomatiques ou donner un syndrome de compression des structures de voisinage, enfin, ils peuvent se rompre [72,74]. Si une décision de traitement chirurgical de l’EPV est prise, il est souhaitable d’effectuer une cure chirurgicale de l’anévrysme mycotique en premier. Tout syndrome douloureux abdominal nécessite une échographie et éventuellement un scanner abdominal [44,73]. Les complications neurologiques sont la conséquence des complications artérielles. Elles peuvent révéler l’EPV [39], il s’agit d’anévrysmes mycotiques cérébraux et sont fréquemment révélés par une hémorragie cérébrale due à une rupture anévrysmale [72, 74,75]. Tout trouble neurologique y compris des céphalées persistantes, doit être exploré par un scanner cérébral [44,75] car les signes annonciateurs régressifs, précédent la rupture anévrysmale de 14j en moyenne avec dans ce cas, une mortalité de 47%. L’artériographie des troncs cérébraux s’impose avant un geste neurochirurgical [75]. Ces complications neurologiques sont responsables d’une mortalité lourde et peuvent contre indiquer le recours à la chirurgie pour traiter l’EPV [72,75]. L’atteinte rénale peut être mineure avec protéinurie et hématurie microscopique isolées dont la valeur diagnostique est importante. Parfois, les complications rénales sont plus sévères, comme c’est le cas dans l’infarctus rénal embolique qui peut s’abcéder [4, 37,72]. L’insuffisance rénale est le plus souvent due aux désordres hémodynamiques dans le cadre des EPV compliquées d’insuffisance cardiaque, ainsi qu’à la néphrotoxicité des antibiotiques [4,72]. Le choc septique est une autre complication possible, qui se rencontre plus fréquemment au cours des EPV précoces et lorsqu’il s’agit d’EPV à germes virulents [52]. 71 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 5 - TRAITEMENT: a- Traitement médical : a-1 L’antibiothérapie : Dans notre étude, la durée moyenne entre le début des symptômes et l’instauration du traitement antibiotique a été de 25,33 j avec 17 j pour les EPV précoces et 28,36 j pour les EPV tardives. L’antibiothérapie a consisté pour tous les malades en une association d’antibiotiques bactéricides par voie parentérale. La durée moyenne du traitement a été de 36,6 j pour les patients qui n’ont pas été réopérés et de 41 j pour ceux qui ont bénéficié d’une réintervention. La nature des antibiotiques utilisés a été déterminée en fonction du délai de survenue de l’EI. Dans la littérature, les principes de l’antibiothérapie des EPV sont les mêmes que ceux des EVN, la majorité des auteurs s’accordent sur une durée de traitement d’au moins 6 semaines pour les EPV [20, 32,44]. L’obtention de l’apyrexie et la négativation des hémocultures sont des éléments importants d’appréciation de l’efficacité des antibiotiques. Il est important de pratiquer des séries d’hémocultures après 72 h de traitement et à la fin du traitement [41,72]. Les principales associations d’antibiotiques préconisées en fonction du germe isolé sont résumées dans le tableau15. 72 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire germes ANTIBIOTIQUES Staphylocoque - Méthi S Oxacilline + aminoside - Méthi R Vancomycine + aminoside +/- rifampicine Streptocoque Ampicilline + aminoside Germes Gram Négatif Origine extra-hospitalière Amoxicilline + Ac Clavulanique + aminoside Origine hospitalière Céphalosporine 3ème génération + aminoside Eléments Fungiques AmphotéricineB Hémoculture Négative Ampicilline + aminoside ou Vancomycine + aminoside +/- rifampicine Tableau n°15 : Principales associations d’antibiotiques en fonction du germe : [75] 73 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire a-2 L’anticoagulation : Chez nos patients porteurs de prothèses mécaniques, les anticoagulants oraux ont été remplacés par de l’héparine non fractionnée (HNF). Le traitement anticoagulant doit être poursuivi pour prévenir la thrombose de la prothèse qui peut être favorisée par l’hypercoagulabilité induite par l’état septique. Cependant, ce traitement comporte des risques, principalement d’hémorragie cérébrale [76]. Dans une série d’EPV de 1971 à 1985, deux patients sont décédés d’hémorragie cérébrale sans que la posologie des AVK ait été modifiée [20]. La fréquence des accidents neurologiques est significativement moins élevée lorsque le traitement anticoagulant est bien adapté [39], les auteurs s’accordent donc pour recommander un arrêt des AVK et un relai par l’HNF en IV, plus facile à équilibrer, dés lors que le diagnostic d’EPV est suspecté [20]. b- La réintervention chirurgicale : b-1 Les indications opératoires : 60% de nos patients ont été réopérés. Le motif était hémodynamique dans 4 cas, infectieux dans 4 cas et mixte dans un cas. Le traitement chirurgical est nécessaire dans la plupart des cas. Il faut souvent (30 à 70% des cas) y avoir recours pendant la période aigüe de l’infection. Les indications sont les mêmes que pour les EVN mais plus urgentes [20]. La dégradation hémodynamique constitue l’indication opératoire la plus fréquente dans la littérature. Les critères sont l’apparition ou l’aggravation 74 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire d’un souffle de régurgitation avec une insuffisance cardiaque modérée à sévère, le tout évoquant une dysfonction de prothèse. L’indication infectieuse vient en seconde position. Elle tient à la virulence des germes (staphylocoque, BGN, champignons), aux signes d’invasion myocardique (apparition ou aggravation de troubles conductifs auriculo-ventriculaires, persistance de la fièvre ou de la positivité des hémocultures avec une antibiothérapie bien conduite, rechute de l’EPV). Enfin, l’indication embolique concerne plutôt les récidives conductif auriculo- emboliques, ou un premier accident embolique majeur. Ainsi, les critères de réintervention dans les EPV sont : [44] le dysfonctionnement de prothèse. l’apparition ou l’aggravation d’un trouble ventriculaire. l’apparition ou l’aggravation d’une insuffisance cardiaque. la responsabilité d’un germe autre que le streptocoque. une fièvre prolongée (>10j) malgré une antibiothérapie bien conduite. la survenue d’embolies systémiques majeures (2 épisodes ou 1 épisode avec présence d’une végétation volumineuse sur la prothèse). La rechute de l’EPV. Inversement, en cas d’EPV tardive à streptocoque non compliquée, le traitement médical peut être tenté seul [43,53]. 75 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire L’échocardiographie doppler doit jouer un rôle clé dans la décision chirurgicale. Elle peut permettre de détecter précocement des signes de dysfonction prothétique et de mauvaise tolérance hémodynamique [77]. Enfin, la chirurgie est contre-indiquée dans les situations suivantes : [78] les septico-pyohémies à germes résistants aux antibiotiques dont l’endocardite n’est qu’une localisation parmi d’autres. le choc septique non contrôlé. les complications neurologiques graves 76 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Indications formelles : Insuffisance cardiaque liée à une dysfonction prothétique. Persistance d’un syndrome infectieux malgré une antibiothérapie adaptée. Indications admises: Endocardite compliquée : + Dysfonction prothétique sévère. + Abcès périprothétique sévère ou fistule. + Persistance d’une végétation volumineuse et/ou mobile après un épisode embolique en l’absence de CI neurochirurgicale. Endocardite à staphylocoque auréus ou endocardite fungique. Indications discutées : Endocardite postopératoire non compliquée. Endocardite non compliquée avec végétation volumineuse>15mm. Petit abcès à microorganisme sensible, sans insuffisance cardiaque, stable et d’évolution favorable sous traitement médical. Fig. 11. Les indications opératoires dans l’EPV selon les recommandations de la société française de cardiologie [98] 77 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire b-2 Traitement médical versus chirurgie : La comparaison entre le traitement médical et la chirurgie ne montre pas de différence de mortalité chez les patients porteurs d’EPV non compliquée, par contre la mortalité liée au traitement médical est nettement supérieure à celle liée à la chirurgie chez les patients porteurs d’EPV compliquée. Selon une étude rétrospective comparant les patients atteints d’EPV traités uniquement par antibiotiques aux patients traités de façon mixte par chirurgie et antibiotique sur la période de 1991 à 2002, parmi les facteurs influençant le choix du traitement : [79] Facteurs liés à l’infection : complications cardiaques locales : présence d’un abcès de l’anneau, désinsertion de la prothèse, fuite importante. complications générales : métastases septiques, choc septique, insuffisance viscérale. germe responsable : staphylocoques/streptocoques. Facteurs liés au patient : âge Présence de comorbidités fonction ventriculaire gauche. antécédents de chirurgie cardiaque 78 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Dans cette étude, les sujets de sexe masculin et les endocardites tardives sur prothèse sont opérées plus souvent que les sujets de sexe féminin et les endocardites précoces ; le type de prothèse et la localisation sont similaires dans les deux groupes. Les patients opérés ont plus de lésions cardiaques (grosse végétation, abcès, désinsertion de prothèse, fuite importante) responsables d’insuffisance cardiaque ; le germe responsable est souvent un staphylocoque et la mortalité est plus élevée. Bien que la chirurgie puisse sauver des vies chez des patients présentant une EPV compliquée, cette étude montre qu’une proportion significative de patients avec endocardite sur prothèse peut être traitée par antibiotiques seuls. La décision d’opérer des patients présentant une EPV doit tenir compte de tous ces facteurs et être prise de façon collégiale par une équipe multidisciplinaire faisant intervenir le chirurgien, le cardiologue et le médecin en charge du patient. 79 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Survie Survie Chirurgical Médical Années Années EPV sans complication EPV avec complication Fig. n°12 : Taux de survie en fonction du traitement médical ou chirurgical (28) 80 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Auteur Tornos et al (1997) Akowuah et al (2003) Gordon et al (2000) John et al (1998) Truninger et al (1999) Wolff et al (1995) Chirouze et al (2004) Mortalité Mortalité Chirurgie (médical) (chirurgie) plus % % efficace 30 24 29 NON 66 57 46 24 OUI 77 70 35 8 OUI 33 42 63 14 OUI 49 80 0 15 NON 122 53 48 25 OUI 61 34 48 48 NON Patients Chirurgie n % 59 Tableau n °16 : Tableau de différentes études comparant le traitement médical au traitement chirurgical : [80] 81 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire b-3 Les dégâts anatomiques causés par l’EPV : Les lésions prothétiques et périprothétiques, présentes chez nos malades sont celles habituellement décrites par les différents auteurs. Il s’agit des végétations, des abcès périprothétiques et des désinsertions de prothèses. Ainsi par rapport aux EVN, au cours des EPV, les lésions annulaires et périannulaires extensives sont plus fréquentes [80]. Il existe parmi les EPV des différences concernant le type de lésions selon la position de la prothèse. En position aortique, les abcès annulaires sont plus fréquents qu’en position mitrale [44,80] alors que les végétations et les désinsertions sont plus souvent notées en position mitrale [7, 44,80]. L’armature métallique des prothèses mécaniques est susceptible d’aggraver mécaniquement les lésions périprothétiques lors des mouvements de bascule de la prothèse [7]. Les végétations gênent particulièrement le jeu des valves mécaniques et peuvent même les bloquer. Les bioprothèses présentent plutôt des lésions plus proches des EVN avec perforations, déchirures, voire ruptures des feuillets valvaires [41,42, 67,53]. Pour ces différentes raisons, certains auteurs pensent que les EPV sur bioprothèses pourraient être plus facilement accessibles au traitement médical seul, et sont plus simple à traiter chirurgicalement [39]. b-4 Les modalités de réintervention : La chirurgie a pour but d’éradiquer les foyers infectieux et de rétablir des conditions hémodynamiques qui soient le plus proche possible de la normale. Si l’anneau et les structures périannulaires ne sont pas intéressés par le processus infectieux, le remplacement valvulaire peut être effectué dans les 82 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire conditions habituelles. Dans le cas contraire, il peut être nécessaire de recourir à des artifices techniques, afin de consolider l’assise de la prothèse [81]. Cette chirurgie est effectuée sous CEC. L’abord consiste en une sternotomie médiane. Le premier temps de l’intervention permet l’exérèse de la prothèse infectée, l’exploration des autres valves et des cavités cardiaques ainsi que les prélèvements à visée bactériologique et anatomo-pathologique. L’excision des tissus nécrotiques est effectuée ainsi que le débridement et l’effondrement des logettes abcédées. S’il existe des trajets fistuleux entre les cavités cardiaques, leur fermeture doit être bipolaire et effectuée grâce à des patchs. Ce premier temps opératoire, en fonction des pertes de substance qu’il occasionne, conditionne la deuxième partie de l’intervention. Schématiquement, soit l’anneau est intact et le remplacement valvulaire est effectué selon des techniques classiques, soit les dégâts annulaires interdisent une fixation solide de la nouvelle prothèse et il faut utiliser des techniques plus complexes [41, 78, 82,83]. 83 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire b-5 Complications postopératoires immédiates (initiales) : Parmi nos malades réopérés, 3 sont décédés : 2 par arrêt cardiocirculatoire et un par choc septique. Pour les patients qui survivent à l’intervention, les complications les plus à craindre sont la rechute infectieuse sur la nouvelle prothèse et la désinsertion prothétique [41, 42,78]. Cette désinsertion survient avec une fréquence quasi-égale, que les malades soient opérés en phase infectieuse évolutive ou non. Elle est liée à la fragilité des tissus sur lesquelles la prothèse est insérée, et non pas à la persistance du processus infectieux. Elle expose au risque de mort subite ou à l’apparition d’une insuffisance cardiaque évolutive [84]. Persistance du processus infectieux et désinsertions peuvent être prévenues lors de la cure chirurgicale de l’EPV par une détersion et une ablation de tous les tissus infectés, associés au recours à des techniques chirurgicales assurant une assise solide à la nouvelle prothèse [41, 84,78]. Un geste chirurgical précoce peut aussi limiter les risques de désinsertion, la prothèse étant implantée avant que les lésions infectieuses n’aient pu diffuser [77]. 84 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 6- PRONOSTIC : a – La mortalité: La mortalité hospitalière dans notre formation est de 33,3% pour l’ensemble des malades (traités médicalement et par la chirurgie). Au terme du suivi, 6 malades ont eu des complications non mortelles. Malheureusement notre étude rétrospective ne nous permet pas d’avoir toutes les données concernant le suivi à long terme des malades. Selon une étude rétrospective de 1991 à 2002 au CHU de Nancy ayant pour but de comparer la mortalité des patients atteints d’EPV traités uniquement par ATB aux patients traités de façon mixte par chirurgie et ATB, la mortalité globale était de 24% avec une mortalité de 36% chez les malades traités de façon mixte et de 19% chez les malades traités uniquement par ATB [79]. En résumé, la mortalité des EPV reste actuellement lourde, entre 30 à 60%, principalement pour les EPV précoces et d’environ 20% pour les EPV tardives. [85, 86, 87,88]. b – Les facteurs du Pronostic : Ni le type de substitut valvulaire, ni l’existence de complications périannulaires ne semblent influencer le pronostic initial [64]. Les EPV à staphylocoques ont cependant une mortalité particulièrement élevée qu’un traitement chirurgical permettrait d’améliorer [89, 90,91]. 85 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Survie Autres S. aureus Jours Fig. n° 13 : Taux de survie selon le germe (staph auréus VS non staph auéus) : [92] 86 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Ainsi, dans une série de 79 EPV, tous germes confondus, les taux de létalité sont de 23 % et 56 %, respectivement pour les malades opérés et ceux traités médicalement. Pour les seules EI staphylococciques, ces pourcentages sont respectivement de 0 et 83 % [91]. Il faut cependant préciser que cette étude est rétrospective et que la différence de mortalité peut résulter d’un biais de recrutement. Dans une étude rétrospective monocentrique de 33 patients traités pour EPV à Staphylococcus aureus entre 1975 et 1995, John et al n’ont identifié en analyse multivariée que deux facteurs pronostiques significatifs : la survenue d’une complication cardiaque, principalement une insuffisance cardiaque, qui est un facteur de mauvais pronostic (risque relatif de décès égal à 6) et la réalisation d’un remplacement valvulaire pendant la durée de l’antibiothérapie, qui est au contraire un facteur protecteur (risque relatif égal à 0,18) [93]. Dans une autre étude multicentrique internationale ayant analysé de façon multivariée 66 cas d’EPV à Staphylococcus aureus, seule la survenue d’un accident embolique cérébral s’est avérée être un facteur de mauvais pronostic et la réalisation d’un remplacement valvulaire précoce n’est pas apparue comme staphylococciques, un facteur le protecteur pronostic tardif [94]. Dans des les patients EPV non stables hémodynamiquement et traités par antibiotiques seuls est aussi bon que celui de patients traités chirurgicalement [90]. L’indication chirurgicale pourrait dans cette situation être moins systématique que dans les EPV à staphylocoques. 87 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Le pronostic tardif est variable selon les séries. Ainsi, dans la série chirurgicale de Lytle et al (146 patients), la mortalité opératoire initiale est de 13%, la survie est de 82 % à 5ans, et de 60% à 10ans, la survie sans réintervention ultérieure est de 75% à 5ans et de 50 % à 10ans [95]. Le pronostic est plus sombre dans la série de 322 patients opérés pour EPV extraite du registre anglais des prothèses valvulaires, où la survie à 10 ans est de 38 % [96]. Selon Wolff M, parmi les facteurs de mauvais pronostic : [96] EPV précoce. Staphylocoque auréus. Choc septique. Insuffisance rénale. Bloc auriculo-ventriculaire sévère. Complications neurologiques. Médiastinite. Temps de prothrombine<30% 88 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 7- L’ANTIBIOPROPHYLAXIE : Il nous parait nécessaire de rappeler l’importance fondamentale de l’antibioprophylaxie chez les malades porteurs de prothèses valvulaires. Cette antibioprophylaxie, bien que fondée sur des bases empiriques est pleinement justifiée par le mauvais pronostic des EPV [97]. Le protocole utilisé est celui préconisé par la fédération française de cardiologie : Lors des soins dentaires : Amoxicilline 3g per os en prise unique 1h avant les soins. Pristinamycine 1g per os ou clindamycine 600mg per os (si allergie à la pénicilline). Lors des interventions digestives et urologiques : Amoxicilline 2g en perfusion IV de 30mn puis Gentamicine 80mg en IV de 30mn, 1h avant le soin. Vancomycine1g en perfusion IV de 60mn puis Gentamicine 80mg en IV de 30mn, 1h avant les soins (si allergie à la pénicilline). Les malades porteurs de prothèses valvulaires ou ayant des antécédents d’EI constituent le groupe le plus à risque de greffe bactérienne, en cas de geste risquant d’entrainer une bactériémie. L’utilisation d’un des protocoles précédents doit donc être systématique chez les porteurs de prothèses valvulaires subissant un geste à risque [97]. Les indications de l’antibioprophylaxie sont aussi plus larges chez les porteurs de prothèses valvulaires. Elles incluent extractions dentaires, chirurgie des voies génitourinaires, digestive, obstétricale ou gynécologique. 89 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Conclusion 90 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire A travers ce travail et la revue de la littérature, nous insistons pour la pratique sur les points suivants : - Le délai nécessaire au diagnostic doit être raccourci, pour éviter une extension des dégâts valvulaires et la survenue de complications. - L’échocardiographie surtout l’ETO doit être systématique, car elle améliore considérablement la sensibilité de détection des végétations, des abcès myocardiques et des dysfonctions prothétiques. - Le rôle du laboratoire de bactériologie est double, grâce à des techniques bactériologiques de pointe, il doit permettre l’isolement de germes dont la culture est parfois plus exigeante et la réalisation d’antibiogramme nécessaire pour guider le traitement - L’antibiothérapie fondée sur bactéricides, et d’une durée d’au moins l’association de 2 antibiotiques 6 semaines doit être adaptée au germe responsable. Le traitement médical seul peut être suffisant lors des EPV non compliquées, EPV non staphylococciques et EPV tardives sur bioprothèse. - Les anticoagulants oraux doivent être arrêtés chez les porteurs de prothèses mécaniques et remplacés par l’héparine non fractionnée afin de limiter les risques de complications neurologiques. - Les indications chirurgicales tiennent comptent de facteurs liés à l’infection (germe, complication locale et générale) et de facteurs liés au patient (âge, comorbidités). Les résultats de la chirurgie ne dépendent pas de la durée de l’antibiothérapie préopératoire, mais de la sévérité de l’insuffisance cardiaque et de l’existence de complications 91 neurologiques avant Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire l’intervention. C’est pourquoi il ne faut jamais retarder l’heure de la chirurgie dés qu’elle est indiquée. - L’antibioprophylaxie ne doit jamais être négligée. En plus des indications classiques reconnues chez tous les malades ayant une valvulopathie, elle doit aussi être effectuée lors des investigations et interventions gynéco-obstétricales et digestives chez le porteur de prothèse valvulaire. - Le pronostic des EPV est sévère, la mortalité variant de 30% à 80% selon les séries. Le pronostic est cependant différent selon le délai d’EPV précoces ou tardives, la virulence du germe, l’existence de complications et même les modalités thérapeutiques. 92 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Résumé 93 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire L’objectif de ce travail est d’une part, d’analyser les caractères épidémiologiques, cliniques, bactériologiques et anatomiques des endocardites sur prothèse valvulaire (EPV) et d’autre part, de préciser les facteurs de risque et de pronostic ainsi que les modalités thérapeutiques et prophylactiques de cette affection. Nous présentons les résultats d’une étude rétrospective s’étalant de Janvier 2000 à Décembre 2007 et qui a inclus 15 patients ayant présenté une EPV. La plupart de ces malades sont de sexe masculin avec un âge moyen de 44,78 ans. Parmi les 15 patients, 4 ont présenté une EPV précoce et 11 une EPV tardive. Les signes cliniques sont dominés par la fièvre notée chez la majorité des patients et l’insuffisance cardiaque présente dans la moitié des cas. Les hémocultures ont été négatives chez 6 patients, pour les 9 autres sujets nous avons noté une légère prédominance des L’échocardiographie staphylocoques surtout suivis des transoesophagienne BGN a été et streptocoques. d’une contribution fondamentale au diagnostic en permettant d’objectiver 11 des 16 lésions anatomiques constatées en peropératoire (végétation, abcès, désinsertion prothétique). 9 patients ont bénéficié d’un traitement médico-chirurgical et 6 patients d’un traitement médical seul avec une durée d’antibiothérapie de 6 semaines au minimum. Les complications sont dominées par l’insuffisance cardiaque présente chez 8 patients. Les accidents emboliques sont survenus dans 3 cas : cérébral dans 2 cas et splénique dans 1 cas. Parmi les 5 patients décédés, 3 sont décédés en postopératoire. A travers ce travail nous insistons sur la nécessité de raccourcir le délai du diagnostic par la réalisation systématique de l’échocardiographie surtout transoesophagienne et des hémocultures. En raison du pronostic réservé, la chirurgie lorsqu’elle est indiquée ne doit pas être retardée et l’antibioprophylaxie ne doit jamais être négligée. 94 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Summary The target of this work is to analyze the epidemiological. clinical bacteriological and anatomical characters of the prosthetic valve endocarditis and to clarify risk factors, prognosis, therapeutic and preventive modalities of this affection. We present the results of a retrospective study from January 2000 to December which included 15 patients with prosthtic valve endocarditis. Most of these patients are male, mean age is 44.78 years. Among 15 patients, 4 had early and 11 had late endocarditis. Fever is the most frequent initial symptom and heart failure is present in half of the cases. Blood cultures were negative in 6 patients and 9 patients with staphylocoque species as major causative agents then BGN and streptococcus. Echocardiography, particularly transoesophageal is of utmost value in the diagnosis and evaluation of PVE. Negative findings in echocardiography have been observed in 5 of 16 anatomical lesions noticed in preoperative surgery (vegetations, abcesses, and prosthetic valve dehiscence). Surgery was performed in 9 patients and medical treatment in 6 patients with duration of antibiotic treatment of 6 weeks. Heart failure is the most frequent complications in 8 patients, embolic events occurred in 3 patients: cerebral in 2 cases and splenic in 1 case. Among 5 patients died, 3 are dead in post operative. In this study we insist on the necessity to reduce a period of diagnosis by doing systematically an echocardiography transoesophageal and a blood culture. Because of the bad prognosis, when surgery is indicated it shouldn't be delayed and antibioprophylaxis never neglected. 95 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 44,78 96 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire Bibliographie 97 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire [1] J.P MARONI, M. TERDJMAN, J.M.MONTELY ET G.HANANIA : Les Endocardites infectieuses sur prothèses valvulaires :problèmes actuels . Arch Mal Cœur 1994 :87 :1837-43. [2] OSLER W .The gulstonian lectures on malignant endocarditis.Lancet 1885 ;1 ;415. [3] WICHITZ S, REGNIER B. Les endocardites infectieuses aigues.Rev Prat 1984 ;34 :1869-73. [4] VILDE JL, DEWILDE J. Endocardites infectieuses : Les cardiopathies valvulaires acquises Medecine-sciences.Flammarion Edit.1985 :442467. [5] BRANDENBURG RO, GUILIANI ER,WILSON WR,GERACI JE.Infective Endocarditis.A 25 year overview of diagnosis and therapy.Am J Cardiol 1983 ;1 :280-91. [6] BASTIN R. 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Il peut exister même au repos des signes d’insuffisance cardiaque ou des douleurs angineuses. La moindre activité majore les troubles. 112 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire ANNEXE 2 : INDEX CARDIOTHORACIQUE : C : plus grande largeur de la silhouette cardiaque T : plus grande largeur du thorax V0 : rapport C/T < 0,50 V1 : rapport C/T compris entre 0,50 et 0,55 V2 : rapport C/T compris entre 0,55 et 0,60 V3 : rapport C/T compris entre 0,60 et 0,65 ou lorsque le bord gauche du cœur est à 1cm de la paroi thoracique latérale. V4 : rapport C/T > 0,65 ou lorsque le bord gauche du cœur touche la paroi thoracique latérale. 113 Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire 155 2008 - – – – 114